Chien - L`essentiel vet

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Chien - L`essentiel vet
N 328-EXE_Mise en page 1 10/04/14 12:03 Page23
Chien
SYNTHÈSE
Peut-on soigner efficacement sans
utiliser les antibiotiques dits « critiques »* ?
L’exemple de la dermatologie canine
Le développement de l’antibiorésistance est un enjeu de santé publique en raison de l’émergence progressive et
insidieuse de bactéries multirésistantes chez l’Homme comme chez les animaux, du risque de passage de bactéries
résistantes de l’Homme à l’animal et réciproquement et aussi, en raison de l’absence de découverte de nouvelles
familles d’antibiotiques depuis 20 ans. Cette problématique a fait prendre conscience à toute la communauté
médicale de l’obligation d’un usage encore plus raisonné et raisonnable des antibiotiques, confortant l’idée d’un
« one world, one health, one medicine ».
La notion de référentiel de prescription, en médecine
humaine dès les années 1990, doit se développer en médecine vétérinaire mais ces référentiels ne doivent pas être
opposables. La conception de ces référentiels revêt une
importance particulière, signalée dans le plan national
de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire (www.plan-antibiotiques.sante.gouv.fr).
Actuellement, ces référentiels en médecine des animaux
de compagnie sont en cours de conception par les Groupes
d’Étude de l’Association Française des Vétérinaires pour
Animaux de Compagnie (AFVAC).
Eric Guaguère
Diplômé ECVD, DESV
Dermatologie Vétérinaire
Exerce en clientèle
exclusivement référée
en dermatologie à la clinique
Vétérinaire Saint Bernard
59160 LommE
[email protected]
Arnaud Muller
Diplômé ECVD, CES DV
Exerce en clientèle référée
à la clinique Vétérinaire
Saint Bernard
59160 LommE
[email protected]
* À ce jour, la liste des antibiotiques critiques en médecine vétérinaire n’a pas été
publiée mais l’usage consacre cette dénomination pour
les fluoroquinolones et les
céphalosporines de 3e et 4e
génération.
Plus que jamais, les pratiques en matière d’antibiothérapie lors de pyodermites bactériennes canines doivent être
mieux sériées et justifiées et les pratiques à risque (exemple : l’antibiothérapie pulsée ou WE Therapy), identifiées
et combattues. Le praticien se doit d’utiliser les bonnes molécules pour les bonnes indications bactériologiques et cliniques et selon une catégorisation des antibiotiques qui
tient compte d’une prescription de première intention ou non.
Le Conseil Scientifique du Groupe d’Étude en Dermatologie
des Animaux de Compagnie (GEDAC) de l’Association
Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie
(AFVAC) a proposé un référentiel d’utilisation des antibiotiques pour une prescription raisonnée et raisonnable
en dermatologie canine. Ce référentiel est de type « bonnes
pratiques d’utilisation » basées sur l’expérience (tableaux
1 et 2). Son objectif est d’aider les praticiens à établir
une prescription raisonnée et raisonnable des antibiotiques
en dermatologie canine. Ce référentiel sera amené à être
adapté selon l’évolution des connaissances sur la sensibilité bactérienne et les doses à utiliser.
Connaître les vraies indications
des antibiotiques dits « critiques »
Cette connaissance est indispensable. Force est de constater qu’il existe des différences entre les Résumés de
Caractéristiques du Produit (RCP) et le Référentiel d’utilisation. En effet, les indications de l’Autorisation de mise
sur le marché (Amm) ne doivent pas être forcément les
indications d’utilisation du référentiel.
Les raisons sont des RCP d’Amm anciens ou des RCP
récents mais les indications proposées sont trop larges. Par
exemple, certaines fluoroquinolones et céphalosporines
de 3e génération sont indiquées dans les plaies infectées,
les abcès, les pyodermites superficielles et profondes du
Chien et du Chat. C’est pourquoi la révision des RCP serait
une nécessité même si elle n’est pas facilement réalisable.
Pour cette raison, une connaissance précise des référentiels d’utilisation prend toute son importance.
L’utilisation des antibiotiques critiques
en dermatologie canine doit être limitée
Dans ce référentiel, les antibiotiques critiques appartiennent
à la catégorie 2, c’est-à-dire antibiothérapie cutanée d’utilisation restreinte (antibiogramme préalable obligatoire
ou fortement recommandé) (tableau 1).
La catégorie 2a regroupe des antibiotiques utilisables
dans des indications bien précises et obligatoirement après
isolement bactérien et antibiogramme, à savoir :
• Les fluoroquinolones (enrofloxacine, marbofloxacine,
pradofloxacine). Elles sont utilisables lors de pyodermites
superficielles ou profondes ne répondant pas à un premier traitement adapté et bien conduit (obligatoirement
après un isolement bactérien et antibiogramme), lors de
pyodermites profondes avec risque bactériémique, de pyodermites à bacilles Gram négatif (enrofloxacine : 5 mg/kg
une fois par jour ; marbofloxacine : 2 mg/kg une fois par
jour ; pradofloxacine : 3 mg/kg une fois par jour).
La catégorie 2b comprend la céfovécine (céphalosporine
de 3e génération (C3G)).
• La céfovécine est prescrite dans les RARES cas où l’observance est difficile, mais il est indispensable de prévoir
des injections sous-cutanées, à la dose de 8 mg/kg répétées
tous les 14 jours jusqu’au-delà de la guérison clinique. L’isolement bactérien associé à un antibiogramme est conseillé.
Exemples de nouvelles modalités
thérapeutiques
De nouvelles modalités thérapeutiques ont été développées
en remplacement de l’utilisation d’antibiotiques critiques
N°328 du 17 au 23 avril 2014
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Chien
SYNTHÈSE
dans certaines indications du traitement des pyodermites
canines (tableau 2).
© E. Guaguère, A. Muller
© E. Guaguère, A. Muller
pseudintermedius…) et de bacilles Gram négatif (Pseudomonas sp…). Lors de colonisation par des bacilles Gram
négatif, il n’est pas utile de recourir aux fluoroquinolones ;
Pyodermite cutanéomuqueuse (forme labiale) : réalisation de calques cutanés (mise
en évidence de nombreux bacilles libres), tonte lésionnelle, antisepsie (chlorhexidine
(gel ou solution alcoolique)) et/ou acide fusidique (durée limitée).
Les intertrigos et les pyodermites muco-cutanées sont fréquents et diversement localisés (lèvres, face, queue,
organes génitaux…). Ces dermatoses sont dues à la colonisation bactérienne en surface de cocci (Staphylococcus
Furonculose interdigitée isolée : réalisation de calques cutanés (mise en évidence
d’une inflammation pyogranulomateuse), isolement bactérien et antibiogramme,
tonte lésionnelle, débridement chirurgical si nécessaire, antisepsie (chlorhexidine
(gel ou solution alcoolique)) et/ou acide fusidique (durée limitée).
1. Référentiel d’utilisation des antibiotiques dans le traitement des pyodermites bactériennes chez le chien
(référentiel du Groupe d’Etude en Dermatologie des Animaux de Compagnie (GEDAC))
Catégorie 1 : Antibiothérapie cutanée de choix
La catégorie 1a comprend des antibiotiques ayant conservé leur activité sur plus de 90 % des souches de S. pseudintermedius au fil des ans et
ayant fait leurs preuves en dermatologie canine, à savoir :
• les pénicillines résistantes aux pénicillinases (lors d’association avec un inhibiteur d’enzyme) : amoxicilline + acide clavulanique (posologie
minimale : 12,5 mg/kg deux fois par jour),
• les céphalosporines de 1re génération : céfalexine (posologie minimale : 15 mg/kg deux fois par jour),
• l’acide fusidique (en topique uniquement) : deux fois par jour sur des lésions peu étendues.
La catégorie 1b concerne des antibiotiques ayant globalement une activité sur 70 à 90 % des SPI, à savoir :
• la clindamycine (posologie : 11 mg/kg une fois par jour ou 5,5 mg/kg deux fois/jour),
• l’association sulfaméthoxazole-triméthoprime (posologie : 5 mg/kg/jour de triméthoprime).
Catégorie 2 : Antibiothérapie cutanée d’utilisation restreinte
La catégorie 2a regroupe des antibiotiques utilisables dans des indications bien précises et après isolement bactérien et antibiogramme, à savoir :
• les fluoroquinolones (enrofloxacine, marbofloxacine, ibafloxacine, difloxacine, pradofloxacine). Elles sont utilisables lors de pyodermites
superficielles ou profondes ne répondant pas à un premier traitement adapté et bien conduit (avec isolement bactérien et antibiogramme),
lors de pyodermite profonde avec risque bactériémique, de pyodermite à bacilles Gram négatif. (enrofloxacine et difloxacine : 5 mg/kg/j ;
marbofloxacine : 2 mg/kg/j ; ibafloxacine : 15 mg/kg/j ; pradofloxacine : 3 mg/kg/j).
La catégorie 2b comprend la céfovécine (céphalosporine de 3e génération ou C3G).
Elle sera prescrite dans les rares cas où l’observance est difficile, mais il est indispensable de prévoir des injections sous-cutanées, à la dose de
8 mg/kg répétées tous les 14 jours jusqu’au-delà la guérison clinique. L’isolement bactérien associé à un antibiogramme est conseillé.
Catégorie 3 : Antibiotiques déconseillés
Cette catégorie regroupe des antibiotiques déconseillés dans le traitement des pyodermites canines, soit parce qu’ils possèdent de fréquentes
résistances (amoxicilline, ampicilline), soit parce qu’ils ont une mauvaise diffusion cutanée (tétracyclines) ou encore une toxicité potentielle
(gentamicine).
Catégorie 4 : Antibiotiques à ne jamais utiliser (à proscrire)
Cette catégorie concerne des antibiotiques à ne jamais utiliser dans le traitement des pyodermites canines car ils peuvent être à l’origine de risques
de développement de résistances en médecine humaine. Elle comprend des céphalosporines de 3e génération avec AMM dans d’autres
espèces et les antibiotiques à usage humain (mupirocine, rifampicine…) et hospitalier (imipénème, vancomycine, ticarcilline…).
Leur utilisation devrait constituer une faute professionnelle.
N°328 du 17 au 23 avril 2014
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