MALLEUS MALEFICARUM – Le marteau des sorcières
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MALLEUS MALEFICARUM – Le marteau des sorcières
BERTRANG Fabrice MALLEUS MALEFICARUM – Le marteau des sorcières Le Malleus Maleficarum fut rédigé suite à la publication le 5 décembre 1484 de la bulle apostolique Summis desiderantes affectibus du pape Innocent VIII. Celle-ci établit qu’il est permis aux inquisiteurs de pratiquer l’inquisition. Le Malleus Maleficarum doit fournir aux juges la méthode de jugement et de punition requise pour l’extermination des sorcières. Innocent VIII en confiera la rédaction à deux inquisiteurs, Jacques Sprenger et Henri Institoris. Le premier, Jacques Sprenger, est né entre 1436 et 1438 à Rheinfelden1 et mourra en 1496 à Strasbourg. Il entre tôt au couvent dominicain de Bâle, y apprend la théologie et devient professeur à la faculté de Théologie de l’Université de Cologne en 1478. L’année suivante, il est initié à la pratique inquisitoriale et est nommé Maître général Inquisiteur pour la région rhénane en 1481, mais il semble que ce ne soit pas sa principale activité et que sa collaboration au Marteau des Sorcières, en chantier à partir de l’année 1485, ait consisté à surveiller le travail d’un collègue.2 L’autre auteur du Malleus, considéré comme l’auteur principal, est Henri Institoris (Heinrich Kramer). Né aux alentours de 1430 à Sélestat en Alsace, il est également entré très tôt dans l’ordre dominicain. Il obtient en 1474 la mission d’Inquisiteur de Germanie Supérieure et le grade de docteur en théologie en 1480. Il aura une longue carrière d’inquisiteur, se faisant remarquer par son zèle exacerbé dans la chasse aux sorcières, et il mourra aux alentours de 1505 en Bohême.3 Publié pour la première fois au cours de l’hiver 1486-1487 par Peter Drach à Bâle4, le Malleus Maleficarum sera réédité plus de trente fois.5 À propos du format de l’ouvrage, Jules Michelet écrit : « Le Malleus qu’on devait porter dans la poche, fut imprimé généralement dans un format rare alors, le petit in-8. Il n’eût pas été séant qu’à l’audience, embarrassé, le juge ouvrît sur la table un in-folio. Il pouvait, sans affectation, regarder du coin de l’œil, et sous la table, fouiller son manuel de sottises. »6 Le Malleus est le premier ouvrage à combiner les croyances populaires sur les sorcières avec des conceptions théologiques et des procédures légales. Son intérêt ne réside pas dans l’innovation, mais dans le fait qu’il « systématise et synthétise le double héritage d’une culture et d’une 1 Rheinfelden se situe en Suisse, à proximité de la ville de Bâle. DANET A., « L'inquisiteur et ses sorcières », in INSTITORIS H., SPRENGER J., Le marteau des sorcières : Malleus maleficarum, traduit par DANET A., Grenoble, Jérôme Millon, 2005, p. 24-27. 3 Idem, p. 27-33. 4 ROB-SANTER C., « Le Malleus Maleficarum à la lumière de l'historiographie : un Kulturkampf ? », in Médiévales [En ligne], 44 (2003), http://medievales.revues.org/document732.html. (Page consultée le 12/02/2009, pas de date de mise à jour). 5 Notons que cette première édition est conservée à la Bibliothèque nationale de France. 6 MICHELET J., La sorcière, présentation de MANDROU R., Paris, Julliard, 1964, p. 167, cité par DANET A., op. cit., p. 22. 2 1 expérience au service de l’identification formelle des sorcières »7. Il est divisé en trois parties, ellesmêmes fractionnées en 48 questiones. La première partie traite de manière très théorique de la nature de la sorcellerie, des rapports entre les démons et les sorcières, de leurs pouvoirs et de la question de la permission divine8. Les références aux théologiens catholiques majeurs et aux textes fondamentaux sur la sorcellerie y abondent. L’ouvrage, dans un second temps, illustre le vécu maléfique des sorcières et de leurs victimes, abordant deux thématiques majeures, à savoir : à qui peut nuire le sorcier et quels sont les moyens de défense face aux maléfices9. On y trouve des exempla de cas de possessions, actes de sorcellerie, etc. Enfin, la troisième et dernière partie du Malleus est un code criminel abrégé à l’usage des inquisiteurs, où l’on explique comment procéder à la capture, instruire le procès, organiser la détention et l’élimination des sorcières10. Cette partie traite de la confiance que l’on peut accorder ou non aux déclarations des témoins, de même qu’elle illustre certaines techniques d’extorsion des confessions. L’importance réelle du Marteau des Sorcières fait cependant débat chez les historiens. D’aucuns estiment qu’il n’a pas eu, dans la littérature sur la sorcellerie, la prééminence qu’on lui accorde. L’impression commune du Malleus et de la bulle Summis desiderantes, de même que leur proximité temporelle, peut porter le lecteur à faire l’amalgame entre ces deux ouvrages et à présenter le Malleus comme le déclencheur initial des procès de sorcellerie. « Le postulat de départ sur l'importance de l'ouvrage provient essentiellement de l'historiographie allemande sur la sorcellerie du XVIIIe siècle. »11 Cette position dominante du Malleus dans l'histoire de la sorcellerie a néanmoins été relativisée par des recherches récentes, sans pour autant occulter son importance non négligeable.12 Le Malleus Maleficarum reste donc un ouvrage indispensable pour l’étude de la sorcellerie à la fin du XVe et au XVIe siècle. Quant au travail d’Amand Danet, il est à prendre avec quelques précautions, son introduction manquant parfois d’objectivité et sa traduction du Malleus présentant des erreurs d’impression. 7 PARAVY P., « Malleus maleficarum », in VAUCHEZ A. (éd.), Dictionnaire encyclopédique du moyen âge, t. 2, Paris, Les Editions du Cerf, 1997, p. 944-945. 8 INSTITORIS H., SPRENGER J., op. cit., p. 103-233. 9 Idem, p. 235-398. 10 Idem, p. 399-524. 11 ROB-SANTER C., op. cit., n. p. 12 Ibidem. 2