(32,3%). la survie post

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(32,3%). la survie post
LE CURAGE GANGLIONNAIRE CERVICAL DANS LA CHIRURGIE
DES CANCERS DES VOIES AERO-DIGESTIVES SUPERIEURES
KOUASSI Y.M.1, TANON-ANOH M.J.1, N'GATTIA K.V.,
BURAIMA F.1, YODA M.1, KOUASSI B.3
1- Service ORL et Chirurgie Cervico-faciale, CHU de Yopougon (Abidjan) Côte d'Ivoire
2- Service ORL et Chirurgie Cervico-faciale, CHU de Bouaké (Côte d'Ivoire)
3- Chef du service ORL et Chirurgie Cervico-faciale, CHU de Yopougon (Abidjan)
Correspondant : Dr KOUASSI Y. Mathurin
06 BP 2829 Abidjan 06 Côte d'Ivoire
E-Mail : [email protected]
RESUME
SUMMARY
Au cours du traitement des cancers des voies
aéro-digestives supérieures (VADS), le curage ou
évidement ganglionnaire cervical est réalisé pour
prévenir les métastases ganglionnaires ou les
éradiquer. L'objectif de ce travail était de faire le bilan
de cet acte chirurgical afin de relever les indications,
les types de curage et les difficultés rencontrées dans
notre contexte.
Il s'agissait d'une étude rétrospective,
transversale portant sur 34 dossiers médicaux de
patients ayant subi un curage ganglionnaire,
répertoriés sur une période de 6 ans à Abidjan.
L'âge moyen des patients était de 54,7 ans avec
un sex-ratio de 10 hommes pour 1 femme.
L'intoxication alcoolo-tabagique était retrouvée dans
56% des cas. Un carcinome épidermoïde, mature,
invasif, plus ou moins différencié, était constamment
retrouvé (100%). Le curage ganglionnaire a été
fonctionnel dans 85,3% des cas (bilatéral dans 76,5%
et unilatéral dans 8,8%) et radical dans 14,7% des
cas. L'évolution post-opératoire a été émaillée de
suppuration de la plaie opératoire (35,3%) et de
pharyngostome (32,3%). La survie post-opératoire
était de 50% avec 26,5% de décès.
Les résultats post-opératoires pourraient être
améliorés par la prise en compte de certains facteurs
de morbidité : le retard à la consultation chez le
spécialiste ORL, l'impossibilité d'obtenir un examen
histologique extemporané et l'absence de
radiothérapie en Côte d'Ivoire.
During the treatment of upper aero-digestive tract
cancers, the cervical ganglionic curettage or scraping out
is done to prevent ganglionic metastases or to eradicate
them. Our objective was to make an assessment of that
surgical act in order to point out the indications, the types
of curettage and the difficulties met in our context.
It was a transversal, retrospective study based on
34 medical files of patients who underwent a ganglionic
curettage, indexed over a period of 6 years in Abidjan.
The average age of the patients was 54, 7 years,
with a sex-ratio of 10 men for 1 woman. Alcohol and
tobacco intoxication were found in 56 % of the cases.
An epidermoïd, mature, invasive, and more differentiated
carcinoma was constantly found (100 %). The ganglionic
curettage was functional in 85, 3 % of the cases (bilateral
in 76, 6 % and unilateral in 8, 8 % of the cases) and
radical in 14, 7 % of them. The post-surgery survival
was of 50 % with 26, 5 % of deaths.
The post-surgery results could be improved by taking
into account some morbidity factors: delay in the visit to
the ENT specialist, impossibility to obtain an
extemporaneous histological examination and the lack of
the radiotherapy in Côte d'Ivoire.
MOTS-CLÉS
KEY WORDS
: CERVICAL GANGLIONIC CURETTAGE, CANCERS ,
UPPER AERO-DIGESTIVE TRACTS ( UADT).
: CURAGE GANGLIONNAIRE CERVICAL, CANCERS ,
(VADS).
VOIES AÉRO -DIGESTIVES SUPÉRIEURES
Rev. Col. Odonto-Stomatol. Afr. Chir. Maxillo-fac., Vol. 13, n° 2, 2006, pp. 9-15
KOUASSI Y.M.; TANON-ANOH M.J.; N'GATTIA K.V.; BURAIMA F.; YODA M.; KOUASSI B.
INTRODUCTION
II - RESULTATS
Le curage ou évidement ganglionnaire cervical
est un acte chirurgical qui consiste en l'exérèse
des ganglions des aires cervicales réalisée dans
le cadre du traitement d'un cancer des voies aérodigestives supérieures.
On distingue essentiellement deux types de
curage : le curage radical dit traditionnel et le
curage fonctionnel avec cependant de nombreuses
variantes.
Le diagnostic de plus en plus précoce des
cancers des VADS au stade N0 permet d'envisager
aujourd'hui des curages ganglionnaires sélectifs
sous d'autres cieux.
La valeur de ces interventions tient au fait que
la métastase ganglionnaire est l'étape
lymphatique primaire : c'est la deuxième période
de la "marche tumorale" habituelle d'un cancer
de la tête et du cou 6.
Le curage ganglionnaire, réalisé pour
éradiquer des métastases ganglionnaires ou
pour en prévenir la survenue, peut être
émaillée de complications parfois graves.
A travers cette étude rétrospective, nous
voulons faire le bilan de cet acte chirurgical
dans notre service afin de :
- déterminer les indications et les types de
curage réalisés ;
- apprécier l'évolution postopératoire ;
- établir le pronostic des cancers des VADS.
2-1 EPIDÉMIOLOGIE
Age : L'âge moyen était de 54,7 ans avec des
extrêmes de 29 et 72 ans. Les tranches d'âge les
plus touchées étaient celles comprises entre 50
et 70 ans (64,7 %) avec un pic de fréquence dans
la tranche d'âge de 50 à 60 ans (35,3 %).
Sexe : Notre population se répartissait en 31
sujets de sexe masculin et 3 de sexe féminin
soit un sex-ratio de 10 hommes pour 1 femme.
Mode de vie : L'intoxication alcoolo-tabagique
était retrouvée dans environ 56 % des cas. Le
tabagisme seul était retrouvé dans 23,5 % des
cas et l'éthylisme seul dans 11,7 % des cas. Trois
patients (8,8 %) n'avaient aucune notion
d'intoxication éthylique et tabagique.
2-2 ASPECTS CLINIQUES
Topographie de la tumeur de la tumeur
primitive
Les organes concernés par les tumeurs
malignes des VADS étaient : le larynx, 30 cas
(88,2 %) ; la région amygdalienne, 3 cas (8,8 %),
le nez et les sinus, 1 cas (3 %).
Aspects histopathologiques de la tumeur
Quelle que soit la localisation topographique
de la tumeur, il s'agissait toujours d'un
carcinome épidermoïde mature, invasif, plus
ou moins différencié (100 %).
I - METHODES ET MATERIEL
1-1 METHODES
Il s'agissait d'une étude rétrospective,
transversale réalisée dans les services d'ORL du
CHU de Yopougon et de la Polyclinique
Internationale Sainte Anne-Marie (PISAM) à
Abidjan. Elle s'étendait sur une période de 6 ans,
allant de février 1997 à décembre 2002.
1-2 MATERIEL (POPULATION D'ÉTUDE)
Critères d'inclusion : ont été inclus dans notre
travail, tous les patients quels que soient l'âge et
le sexe, ayant présenté une tumeur maligne des
VADS histologiquement confirmée et dont la prise
en charge chirurgicale a comporté un curage
ganglionnaire cervical.
Critères d'exclusion : nous avons exclu de
notre travail, tous les patients n'ayant pas
bénéficié d'un curage ganglionnaire ou dont le
dossier médical était incomplet. Au total, 34
patients répondant aux critères ont été retenus.
Pourcentage
70,00%
61,80%
60,00%
50,00%
40,00%
23,50%
30,00%
20,00%
10,00%
8,80%
5,90%
0,00%
Stade I
Stade II
Stade III
Stade IV
Figure 1 : Répartition selon la stadification
de la tumeur
Classification (figure 1) : La plupart des
patients étaient au stade III (61,8 %) au moment
de la prise en charge, tandis que 23,5 % des
patients étaient au stade II.
Rev. Col. Odonto-Stomatol. Afr. Chir. Maxillo-fac., Vol. 13, n° 2, 2006, pp. 9-15
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Le curage ganglionnaire cervical dans la chirurgie des cancers des voies aéro-digestives supérieures.
2-3 ASPECTS THÉRAPEUTIQUES
Moment de la décision du type de curage
Le type de curage à réaliser a été indiqué en
préopératoire dans 61,8 % des cas soit 21 cas/34.
Dans 38,2 % des cas (13 cas/34), la décision du
type de curage à réaliser a été prise en peropératoire.
Type de curage réalisé (Tableau I)
Tableau I : Répartition selon le type
de curage
EFFECTIF
POURCENTAGE
(%)
Fonctionnel
bilatéral
26
76,5
Fonctionnel
unilatéral
3
8,8
Fonctionnel +
radical
4
11,8
Radical
unilatéral
1
2,9
34
100
TOTAL
observées dans 35,3 % des cas. Il s'agissait
d'hématome (8,8 %) et de suppuration de la plaie
opératoire (35,3 %).
Type de complications (Tableau II ) : L a
suppuration de la plaie opératoire et le
pharyngostome étaient retrouvés dans des
proportions respectives de 35,3 % et 32,3 %. Tous
les cas de pharyngostome étaient survenus
après une chirurgie pour des tumeurs malignes
du larynx, au décours d'une suppuration de la
plaie opératoire. La reprise tumorale enregistrée
est survenue au niveau du lit tumoral initial.
Au niveau du lit ganglionnaire, aucune reprise
évolutive n'a été retrouvée.
Tableau II : Répartition selon le type
de complication
EFffectif
Pourcentage
(%)
3
8,8
Suppuration de
la plaie
opératoire
12
35,3
Pharyngostome
11
32,3
Reprise tumorale
1
2,9
Métastase à
distance
1
2,9
Trouble de
l'articulé dentaire
1
2,9
Autres (escarres)
1
2,9
Hématome
2-5 EXAMEN ANATOMO-PATHOLOGIQUE
EFFECTUÉ SUR LES GANGLIONS ÉVIDÉS
Figure 2 : Dissection des éléments vasculonerveux du cou lors du curage
Sur les 5 cas de curage radical, il a été réalisé
dans 4 cas, un curage radical classique et dans
1 cas, une variante du curage radical. Cette
variante a consisté en la conservation du muscle
sterno-cléido-mastoïdien et du nerf spinal. Le
curage était bilatéral dans 88,3 % de cas et une
sous-maxillectomie a été pratiquée dans 5 cas/
34, soit 14,7 %. (figure 2)
2-4 EVOLUTION POST-OPÉRATOIRE
Evolution post-opératoire immédiate :
Les suites opératoires immédiates ont été
simples dans 22 cas, soit 64,7 % des cas de
curage. Les complications immédiates ont été
© EDUCI 2006
Sur les 34 cas d'évidement ganglionnaire,
nous avons noté 9 cas de métastases
ganglionnaires représentant un taux de 26,5 %
des cas. Sur les 9 cas d'envahissement
ganglionnaire, nous avons noté 5 cas après
curage fonctionnel et 4 cas après curage radical.
Trois (3) cas de ganglions non décelables
cliniquement sur 24 étaient envahis, soit
12,5 %.
2-6 TRAITEMENTS COMPLÉMENTAIRES
Dans 44 % des cas (15cas/34), aucun
traitement complémentaire n'avait été
entrepris. Aucun patient n'avait entrepris une
chimiothérapie complémentaire. Dans 19 cas
(55,9 %), une radiothérapie complémentaire a
été faite soit au Ghana, soit en France.
-11-
KOUASSI Y.M.; TANON-ANOH M.J.; N'GATTIA K.V.; BURAIMA F.; YODA M.; KOUASSI B.
2-7 PRONOSTIC
Survie post opératoire (figure 2)
Nous avons enregistré 50 % de survie post
opératoire, 26,5 % de décès et 23,5 % de
patients perdus de vue.
Vivants
Décédés
23,5 %
Perdus de vue
50 %
26,5 %
Figure 3 : Répartition selon la survie
post-opératoire
Appréciation de la survie post opératoire
en fonction du temps (tableau III) :
Le patient décédé à 6 mois de délai
postopératoire était classé stade IV. Sur les 5
décès (14,7 %) survenus à 1 an, 3 patients
étaient classés stade III soit 8,8 %. A vingt
quatre (24) mois, nous avions quinze (15)
patients vivants soit 44 % dont 14,7 % classés
stade III. Sur les 8 décès enregistrés dans le
même délai, un seul était imputable à la
reprise de la tumeur au niveau du lit tumoral.
Tableau III : Répartition des patients selon
leur delai de survie post-opératoire
Survie
Vivants
Décédés
Perdus
de vue
Total
6 mois
33
1
0
34
12 mois
25
5
3
33
24 mois
15
8
8
31
36 mois
6
9
8
23
48 mois
5
9
8
22
60 mois
1
9
8
18
> 60 mois
1
9
8
18
III - DISCUSSION
3-1 ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES
L'âge : Dans notre étude, l'âge moyen des
patients était de 54,7 ans. La tranche la plus
touchée était celle comprise entre 50 et 60 ans
dans une proportion de 35,3 %. CUISNIER et
al.5 trouvent dans leur série, un âge moyen à
peu près identique (56,8 ans). Pour MARANDAS
et al.9, les cancers des VADS se rencontrent
principalement entre 55 et 60 ans ; ce qui est
conforme à nos données. BRAMI et al.4 trouvent
une tranche d'âge la plus atteinte, plus large,
entre 50 et 70 ans.
Le sexe : MARANDAS et al.3, dans leur série
de 5478 cas de cancers traités de 1959 à 1970 à
l'Institut Gustave-Roussy, trouvent une énorme
disproportion entre hommes et femmes : 95 %
d'hommes et 5 % de femmes avec cependant
une légère tendance à l'augmentation de la
proportion de femmes.
Ces données confirment celles retrouvées
dans notre étude. En effet, nous retrouvons une
nette prédominance masculine avec environ 91 %
d'hommes et 9 % de femmes ; ce qui correspond à
un sex-ratio de 10 hommes pour 1 femme.
BRAMI et al.4, retrouvant également une
prédominance masculine, confirment ces
données.
Le mode de vie : L'association du tabac et
de l'alcool a été retrouvée chez 19 patients soit
une proportion d'environ 56%. L'intoxication
tabagique seule a été notée chez 8 patients
soit 23,5 % des cas. La littérature confirme
ces données. En effet, ROTHMAN et al.1 6
comparant deux groupes de sujets apportent
des précisions concernant le "risque relatif"
de cancer des VADS, notamment de la cavité
buccale. Ce "risque relatif" est de 5,71 chez
les sujets alcoolo-tabagiques, 1,53 chez les
fumeurs et 1,23 chez les sujets éthyliques.
Dans notre travail, 3 patients soit 8,8 % des
cas n'avaient aucune notion d'intoxication
alcoolo-tabagique. Ceci pourrait être en
rapport avec l'existence d'autres facteurs
favorisants notamment alimentaires et
environnementaux.
3-2 ASPECTS HISTOPATHOLOGIQUES
Le carcinome épidermoïde, mature invasif,
plus ou moins différencié est retrouvé de façon
constante dans notre étude (100 % des cas). Si
la littérature reconnaît la primauté du
carcinome épidermoïde, elle signale également
l'existence d'autres types histopathologiques
tels l'adénocarcinome (5 % des cas) et les
lymphomes malins non hodgkiniens4,9.
La constance du carcinome épidermoïde
dans notre étude est due à un biais de
recrutement. En effet, n'ont été retenus que les
patients chez qui un curage ganglionnaire
cervical a été pratiqué ; les hémopathies étant
traitées médicalement par la chimiothérapie.
Par contre, l'absence d'adénocarcinome pourrait
s'expliquer par sa rareté.
Rev. Col. Odonto-Stomatol. Afr. Chir. Maxillo-fac., Vol. 13, n° 2, 2006, pp. 9-15
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Le curage ganglionnaire cervical dans la chirurgie des cancers des voies aéro-digestives supérieures.
3-3 CLASSIFICATION
La majorité des patients (61,8 % des cas)
étaient au stade III et 23,5 % au stade II au
moment de la prise en charge. Cela traduit le
retard à la consultation en milieu spécialisé
ORL de nos patients. Ce fait s'explique par
plusieurs raisons : la pauvreté des populations,
la pratique de la médecine traditionnelle,
l'insuffisance de spécialistes ORL qualifiés en
Afrique de l'Ouest. CUISNIER et al.5 dans leur
série portant sur 154 patients en France,
trouvent une proportion moindre au stade III
avec 49 % des cas et une proportion plus élevée
que la nôtre au stade II (42 %). Ceci traduit la
précocité du diagnostic et de la prise en charge
en Europe.
3-4 TYPE DE CURAGE RÉALISÉ
Le curage bilatéral a été systématique dans
tous nos cas de chirurgie pour cancer du larynx avec 26 cas de curage fonctionnel bilatéral (soit 76,5 %) et 4 cas de curage fonctionnel
d'un côté et radical de l'autre (soit 11,8%).
Par ailleurs, le curage a été toujours pratiqué dans le cadre d'une chirurgie en monobloc.
CUISNIER 5 adhère à cette attitude. En effet,
il préconise la chirurgie de première intention
sur le site tumoral et les aires ganglionnaires
en cas de tumeurs malignes du larynx.
MOLINARI 10 quant à lui, fait un plaidoyer pour
la pratique du curage partiel qui selon lui, est
tout aussi efficace que le curage complet même
dans les adénopathies métastatiques mobiles,
dont la taille est inférieure ou égale à 2,5cm.
Cependant, dans nos conditions de travail
où l'examen histologique extemporané est
quasi impossible, cette attitude ne nous paraît
pas adaptée.
Les 3 cas de cancer de la région amygdalienne
ont fait l'objet d'un geste chirurgical à la fois sur
le ganglion et le site tumoral de façon
systématique.
BARRY3 ne partage pas cette attitude. Pour
lui en effet, les tumeurs de petite taille, T1 ou
T2 bourgeonnantes et les aires ganglionnaires
sont traitées par irradiation externe en
première intention. Un curage ganglionnaire
n'est réalisé qu'en cas de persistance des
ganglions au décours de la radiothérapie.
Seules les tumeurs T2 ulcérées, T3 et T4 sont
traitées chirurgicalement en première
intention. Cette attitude n'est pas applicable
dans nos conditions de travail du fait de
l'inexistence d'un service de radiothérapie en
Côte d'Ivoire.
© EDUCI 2006
Quant au caractère unilatéral du curage et
aux indications des différents types de curage,
nos points de vue sont concordants. Dans notre
étude en effet, le curage ganglionnaire
unilatéral a été fonctionnel dans 2 cas/3.
ANDRE P.2, dans sa série de 232 patients
présentant un cancer du larynx, recommande
le curage radical en cas d'adénopathie : en effet,
il trouve 26 % de récidive ganglionnaire en cas
de curage fonctionnel pour des ganglions No-N1
contre 4 % seulement en cas de curage radical.
Cependant pour nous, il faut éviter d'être
aussi systématique. En tout état de cause,
l'absence d'une corrélation évidente entre la
taille des ganglions et l'existence d'un
envahissement par la tumeur justifie l'intérêt
de l'examen histologique extemporané. Dans
l'impossibilité de réaliser cet exam e n extemporané, la radiothérapie complémentaire
constitue à nos yeux l'alternative indispensable.
Dans notre étude, nous avons noté 5 cas de
curage radical , soit 14,7 % des cas. Les
indications de ce curage sont essentiellement
les métastases ganglionnaires N2-N3 et les
adénopathies fixées.
PESSEY J.J. et al.12 recommandent un
évidement sous-maxillaire pour toutes les
tumeurs à point de départ sus-hyoïdien,
contrairement à notre étude où l'évidement
sous-maxillaire n'a été réalisé que lorsque
l'envahissement de la région sous-maxillaire
était suspecté.
L'indication du type de curage a été posée
en per-opératoire dans 38,2 % des cas de notre
étude. Cela est dû au fait que certaines
adénopathies de petite taille passent
inaperçues lors du bilan d'extension clinique
et même para clinique. De plus, le scanner
n'est pas un examen accessible à tous les
patients en raison de son coût élevé, des
rendez-vous souvent éloignés fixés aux
patients. Ces données sont confirmées par
certains auteurs7, 8 pour qui, malgré l'apport de
nouvelles techniques (TEP, scanner, IRM), il n'y
a aucune possibilité actuellement de diagnostiquer de façon certaine, les adénopathies
métastatiques ; la plupart des techniques ne
dépassant pas 85 % de sensibilité.
3-5 EVOLUTION POST-OPÉRATOIRE
Les suites opératoires immédiates ont été
émaillées de complications dans environ 35 %
des cas avec 12 cas de suppuration de la plaie
opératoire (35 % des cas) et 3 cas d'hématome
-13-
KOUASSI Y.M.; TANON-ANOH M.J.; N'GATTIA K.V.; BURAIMA F.; YODA M.; KOUASSI B.
(8,8 % des cas). Secondairement, nous avons
observé 11 cas de pharyngostome, soit 32,3 %.
Contrairement à notre étude, CUISNIER 5 ,
trouve que les complications imputables à la
réalisation d'un curage ganglionnaire sont
rares. Concernant les complications locales, il
n'a trouvé que 6 % d'hématome ou abcès
cervicaux et 11 % de fistules ou lâchage
(pharyngostome). Il attribue ce faible taux de
complications à l'approche "sélective" du curage
dans la prise en charge chirurgicale des
cancers classés No. Il précise par ailleurs que
ce curage sélectif doit se limiter aux territoires
II (groupe jugulo-carotidien supérieur), III
(groupe jugulo-carotidien moyen) et IV (groupe
jugulo-carotidien inférieur).
Les 11 cas de pharyngostome retrouvés dans
notre étude ne sont pas imputables au curage
ganglionnaire, mais à la laryngectomie.
Cependant, le pharyngostome rallonge la durée
d'hospitalisation et retarde par conséquent la
réalisation de la radiothérapie complémentaire.
De ce fait, il pourrait constituer un facteur
pronostique péjoratif.
3-6 ENVAHISSEMENT DES GANGLIONS
EVIDES
Nous avons retrouvé dans notre étude, 12,5 %
des cas de ganglions non décelables cliniquement
qui étaient pourtant envahis. CUISNIER 5 trouve
un taux plus élevé (27 %) ; tout comme MOYSE11
qui dans sa série, trouve 38 % de ganglions non
palpables histolo-giquement envahis alors que
36 % des ganglions palpables sont histologiquement
indemnes. D'autres études8,15 confirment ces
données avec des taux de 20 à 30 % de métastases
ganglionnaires sur des ganglions non décelables
cliniquement. La réalisation d'un curage
ganglionnaire permet ainsi d'augmenter le taux
de contrôle régional 1,15,17.
3-7 TRAITEMENTS COMPLEMENTAIRES
Aucun patient de notre série n'a entrepris
une chimiothérapie complémentaire. Par
contre, 55,9 % des patients ont effectué
systématiquement une radiothérapie complémentaire.
Cette radiothérapie systématique nous paraît
adaptée à nos conditions de travail où l'examen
anatomo-pathologique extemporané est impossible et le résultat de l'examen histologique
effectué sur les pièces opératoires est obtenu avec
beaucoup de retard.
Plus que le type de curage réalisé, il semble
que l'irradiation post-opératoire cervicale soit
un facteur déterminant 5. Mais les modalités de
cette radiothérapie complémentaire font l'objet
de controverses1. Pour PRADIER et coll.14, au
stade II, la radiothérapie complémentaire est
réalisée en cas d'envahissement ganglionnaire
histologiquement prouvé, mais elle devient
systématique au stade III. Selon PIGNATARO13
par contre, la radiothérapie complémentaire
parfois indiquée améliore rarement le pronostic
des cas graves.
3-8 RÉSULTATS - PRONOSTIC
La survie à 2 ans était de 44,1 % et de 14,7 %
à 4 ans. A 5 ans, nous trouvons un taux de survie
à environ 3 %. Ces résultats comportent
cependant un biais du fait du nombre important
de patients perdus de vue.
Pour MOYSE11, la survie à 5 ans est de 60 % en
l'absence d'envahissement ganglionnaire ou en
cas de d'envahissement partiel. Cette survie n'est
que d'environ 20 % en cas d'envahissement
ganglionnaire total.
CUISNIER 5 pense que le curage permet de
classer précisément les patients en terme de
pronostic. En effet, la présence d'une adénopathie
envahie est un facteur pronostique péjoratif en
terme de survie globale et spécifique.
CONCLUSION
Le curage ganglionnaire cervical constitue un
acte essentiel dans la prise en charge chirurgicale
des cancers des voies aéro-digestives supérieures.
Au terme de ce travail, le retard à la première
consultation chez le spécialiste ORL de nos
patients, l'impossibilité d'obtenir un examen
histologique extemporané, les complications
post opératoires, l'absence d'un service de
radiothérapie sont autant de difficultés qui
constituent à nos yeux, des facteurs de comorbidité postopératoire. Pour minimiser ces
facteurs, nous proposons la sensibilisation des
populations, la formation accrue de spécialistes
ORL compétents, l'ouverture d'un service de
radiothérapie en Côte d'Ivoire, la pratique
courante de l'examen histologique extemporané .
Par ailleurs, nous avons noté un nombre
considérable de patients perdus de vue en
postopératoire. Afin d'établir un pronostic
postopératoire fiable et de l'améliorer, nous
suggérons une surveillance postopératoire plus
rigoureuse et prolongée nécessitant une
meilleure sensibilisation des patients sur le
rôle et les intérêts du suivi postopératoire.
Rev. Col. Odonto-Stomatol. Afr. Chir. Maxillo-fac., Vol. 13, n° 2, 2006, pp. 9-15
-14-
Le curage ganglionnaire cervical dans la chirurgie des cancers des voies aéro-digestives supérieures.
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