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 Événement ‐ Samedi 25 octobre 2014 École des Beaux‐Arts de Saint‐Brieuc à partir de 16 h Des images aujourd'hui. Que faire ? Hélène CHOUTEAU‐MATIKIAN ‐ conférence et table ronde avec les artistes Gilles SAUSSIER et Paola SALERNO, suivies de la projection du film : Tourisme International de Marie VOIGNIER Profitant du temps fort que constitue l'événement Photoreporter à Saint‐Brieuc et dans son agglomération, l'Ecole des Beaux‐arts de Saint‐Brieuc propose un rendez‐vous sur le thème du documentaire dans l'art d'aujourd'hui. En effet, depuis les années 1990, de nombreux artistes plasticiens proposent une alternative de type documentaire au traitement habituel de l'information, notamment par les reporters des médias. Cette demi‐journée, conçue et modérée avec Hélène Chouteau‐Matikian, comprendra une présentation de l'histoire de l'apparition du documentaire dans l'art et dans les expositions, ainsi qu'un débat avec des artistes qui le pratiquent à l'instar de Gilles Saussier et de Paola Salerno. Une projection du film Tourisme international (2014) de Marie Voignier sera proposée en fin de journée. 16h ‐ CONFERENCE‐TABLE RONDE : Des images aujourd'hui. Que faire? Une part grandissante du champ de l'art contemporain est habité aujourd'hui d'objets dont la teneur testimoniale prévaut à d'autres critères esthétiques et fait échos à une certaine tradition documentaire. Des photographies, des films, des témoignages et des archives qui auraient été auparavant délégués aux fonctions du journalisme et du reportage, sont à présent érigés en objets esthétiques, dans des espaces d'expositions. Dès les années quatre‐
vingt‐dix, dans un contexte où les enjeux géopolitiques de l'art allaient s'étendre au‐delà des grands centres historiques dominants d'après‐guerre (Paris, New York, Berlin), les arts visuels confirmeront l'ouverture de leur champ formel (qui s'était amorcée au début du 20e siècle avec la photographie), à des disciplines autres que celles traditionnellement dévolues aux beaux‐arts, en tissant des liens avec les sciences humaines. Réciproquement, nombre d'auteurs (photographes, cinéastes) investiront le champ de l'art contemporain, pour en faire "usage" comme d'un espace "poétique/politique" (pour reprendre une expression posée par Catherine David et Jean‐
François Chevrier pour la Documenta de 1997), pour y travailler selon des modes de production et de diffusion qui prendront le contre‐pied de la "fétichisme" du sujet liée à l'économie du photo‐reportage de presse et de l'information de masse. Parmi d'autres, Allan Sekula établira une pensée critique de l'archive photographique et réalisera une mise en exergue imagée des cartographies contemporaines de la mondialisation économique. Harun Farocki réalisera des bandes et des installations vidéo qui parleront de la fabrication et du traitement des images dans les médias et les institutions. Des artistes comme Walid Raad avec ses Archives de l'Atlas Group, établiront une critique des médiations du document historique pour rendre visibles ce que Michel Foucault désignait comme des "histoires minoritaires" et des "contre‐récits". Aujourd'hui encore, Alejandra Riera, pose le concept "d'inachevé" comme protocole d'intervention dans l'espace public. Ses travaux d'enquête et de restitutions photographiques font échos aux images‐fragments, "images de pensées" de Walter Benjamin. Tous ces artistes auront en commun de considérer l'image photographique ou filmique, non pas comme une information, mais comme un processus, un dispositif qui engage une dynamique entre un auteur, un objet saisi et le spectateur. Nous dialoguerons ici avec deux artistes, Paola Salerno et Gilles Saussier, qui ont débuté leur carrière dans le monde du photo‐reportage pour le quitter et se diriger vers une démarche autonome d'auteur, dans le champ de l'art, dans ce contexte des années 90 et réalisent des projets documentaires encore aujourd’hui, selon des principes formels toujours réinventés. PAOLA SALERNO Après avoir étudié l'architecture à Rome et la photographie à la Cooper Union à New York, Paola Salerno obtient le prix Kodak de la critique en 1988 pour un reportage photographique qu'elle a réalisé dans les boîtes de nuit de strip‐tease. Elle publiera par la suite nombre de ses photographies dans la presse. Depuis ses travaux réalisés à Paris, à La Plaine Saint‐Denis (où elle vit et travaille), à Naples, au Liban ou en Palestine, Paola Salerno dessine une forme d'anthropologie visuelle, entre espace public et espace privé. Ses photographies et ses films (courts et long métrages) documentent, selon une certaine lignée pasolinienne, des territoires en passe de déstructuration pour y faire surgir, souvent, des zones délaissées et précaires, où subsistent certaines formes de traditions et de modes de vie autonomes. Faisant surgir des polyphonies de paroles, ses films documentaires posent d'une certaine manière, selon, Brian Holmes, la question : "comment être politique aujourd’hui?" Gilles SAUSSIER Gilles Saussier, sera photo‐reporter à l’agence Gamma de 1989 à 1994. Il couvre alors l’effondrement du bloc soviétique, la guerre du Golfe, le cyclone du 29 avril 1991 au Bangladesh. Puis, assumant un geste symbolique en forme de potlach, il réalise, en 1997, une exposition à Dhaka au Bangladesh où il rend aux habitants, 74 portraits, reliquats d'un sujet photographique initialement destinés à la presse internationale. Il opère là une dissolution des restes de son activité de photo‐journaliste dans un espace non occidental, géographiquement et socialement marginalisé. Il engagera dès lors un travail de relecture ses photographies d'actualité avec Studio Shakhari Bazar (Le Point du Jour ‐ 2007) qu'il poursuivra avec Le Tableau de Chasse (Le Point du Jour ‐ 2010) pour se situer à la croisée d'une tradition documentaire, de l’art conceptuel et de l’anthropologie visuelle. Gilles Saussier aborde la photographie sous un angle "performatif", avec un fort rapport à l'espace (livre, site) et au contexte de production. Il semble qu’aujourd’hui, à l'heure de la prolifération mondiale des industries culturelles, que l'art contemporain puisse perdre le caractère de possible espace expérimental alternatif qui faisait sa spécificité. Nous verrons comment les deux artistes invités travaillent dans le contexte d'une certaine crise et marginalisation du "tirage photo" et de son économie pour inventer d'autres formes. Hélène Chouteau‐Matikian PAOLA SALERNO Après avoir étudié l'architecture à Rome et la photographie à la Cooper Union à New York, Paola Salerno obtient le prix Kodak de la critique en 1988 pour un reportage photographique qu'elle a réalisé dans les boîtes de nuit de strip‐tease. Elle publiera par la suite nombre de ses photographies dans la presse. Depuis ses travaux réalisés à Paris, à La Plaine Saint‐Denis (où elle vit et travaille), à Naples, au Liban ou en Palestine, Paola Salerno dessine une forme d'anthropologie visuelle, entre espace public et espace privé. Ses photographies et ses films (courts et long métrages) documentent, des territoires en passe de déstructuration pour y faire surgir, souvent, des zones délaissées et précaires, où subsistent certaines formes de traditions et de modes de vie autonomes. Faisant surgir des polyphonies de paroles, ses films documentaires posent d'une certaine manière, selon, Brian Holmes, la question : "comment être politique aujourd’hui?" GILLES SAUSSIER Gilles Saussier, sera photo‐reporter à l’agence Gamma de 1989 à 1994. Il couvre alors l’effondrement du bloc soviétique, la guerre du Golfe, le cyclone du 29 avril 1991 au Bangladesh. Puis, assumant un geste symbolique en forme de potlach, il réalise, en 1997, une exposition à Dhaka au Bangladesh où il rend aux habitants, 74 portraits, reliquats d'un sujet photographique initialement destinés à la presse internationale. Il opère là une dissolution des restes de son activité de photo‐journaliste dans un espace non occidental, géographiquement et socialement marginalisé. Il engagera dès lors un travail de relecture ses photographies d'actualité avec Studio Shakhari Bazar (Le Point du Jour ‐ 2007) qu'il poursuivra avec Le Tableau de Chasse (Le Point du Jour ‐ 2010) pour se situer à la croisée d'une tradition documentaire, de l’art conceptuel et de l’anthropologie visuelle. Gilles Saussier aborde la photographie sous un angle "performatif", avec un fort rapport à l'espace (livre, site) et au contexte de production. HÉLÈNE CHOUTEAU‐MATIKIAN Hélène Chouteau‐Matikian exerce une activité indépendante de curator et de critique. Elle a publié de nombreux textes, notamment dans l'ouvrage collectif intitulé « Photojournalisme et art contemporain » paru en 2008 sous l'égide de la Société Française de Photographie et de la Fondation Antoine de Galbert. Elle a fondé et développé la Galerie de Noisy‐le‐Sec, centre d'art contemporain entre 1998 et 2005. Elle participe à de nombreux colloques et séminaires à l'université comme dans les écoles d'art, en France et à l'étranger. 19h30 ‐ PROJECTION ‐ Marie VOIGNIER –Tourisme international– 48 min Comment une dictature se présente à ses touristes ? Quel récit, quels acteurs, quelle mise en scène mobilise‐t‐elle ? Tourisme International a été tourné comme la captation d’un spectacle à l’échelle d’un pays, la Corée du Nord. Musées, ateliers de peinture, studios de cinéma ou usine chimique nous sont présentés par des guides dont on n’entendra jamais les voix. Entre les images du pouvoir et le regard des touristes se dessine la chorégraphie silencieuse des guides touristiques, acteurs à la fois rigides et gracieux d’un pays en perpétuelle représentation de lui‐même. Ce film a reçu de nombreux prix en France et à l'International, le Prix Marseille Espérance FIDMARSEILLE (Festival International du documentaire de Marseille) cette année, avec les mentions spéciales au prix Georges de Beauregard national et au prix GNCR. Production Bonjour Cinéma avec le CAC Brétigny. Avec le soutien du CNAP et du département de la Seine‐Saint‐Denis. Marie Voignier est aussi représentée par la Galerie Marcelle Alix à paris.
Extrait de l'interview donné par Marie Voignier au Journal du festival International du Documentaire (FID) à Marseille 1/ Votre dernier film L'hypothèse du Mokele M'bembé nous emmenait en Afrique à la recherche d'un animal Mythologique. D'un voyage l'autre, nous voici en Corée du Nord. Votre intérêt pour ce pays ? La question de la vraisemblance et la manière dont les éléments de la fiction (décor, scénario, rôles) se déplient dans la réalité m’occupent depuis un moment. La Corée du Nord pratique la construction d’une réalité par les moyens du cinéma à l’échelle d’un pays : une fiction collective retraçant l’histoire réinventée de la nation et reformulant la réalité selon les besoins d’un régime de terreur, avec une ampleur qui surpasse ce que nous connaissons ailleurs. Comme je m’intéressais aux récits et à l’imagerie officiels, de propagande, il s’est rapidement avéré que la condition de touriste serait la plus juste pour aborder ces questions. J’ai voulu aller voir comment une dictature se présente à ses touristes, quel récit, quels acteurs, quelle mise en scène, quel décor mobilise‐t‐elle, et comment ces questions de cinéma — le medium privilégié de la propagande — se jouaient là à quelque niveau que ce soit. 2/ Dans ce pays verrouillé, quelle marge de manœuvre aviez‐vous sur place ? Comment s'est fait le tournage ? Touriste, j’ai eu la marge de manœuvre d’une touriste, c’est‐à‐dire limitée par un parcours, un groupe, un statut. Mais c’était précisément ce que j’étais venue chercher. J’envisage le tourisme comme une pratique de la vision, comme une forme de relation au monde, une pratique du corps et une modalité spécifique du regard qui m’intéresse beaucoup de par le cadre idéologique qu’elle peut supposer. Je ne voulais pas occuper la place particulière d’une journaliste, ni obtenir une autorisation exceptionnelle pour faire un film. Je voulais voir ce que le régime donnait à voir aux occidentaux en visite dans son pays. Je me suis donc inscrite pour un voyage organisé en emmenant un appareil photo avec un bon mode vidéo. Je n’étais pas partie faire un film, c’est important de le préciser. Le centre national des arts plastiques m’a accordé une bourse de recherche, et c’est dans ce cadre‐là que je suis partie, sans obligation de production. Cette recherche a par ailleurs débouché sur d’autres mises en forme, notamment une série de photos de livres nord‐coréens. Mon activité sur place a plutôt relevé de la captation d’images mises en scène par le régime que d’un tournage maîtrisé : la mise en scène était imposée et le choix du cadre limité, sans maîtrise de la durée des plans ni des protagonistes. 3/ Vous prenez le parti d'effacer les paroles de tous les protagonistes ? Comment en êtes‐vous venue à ce choix ? Et sur la distance produite par le contenu et le ton des cartons ? Le travail sur le son ? L’unique nécessité de faire un film à partir de cette recherche résidait dans la possibilité de dépasser le sensationnel ou le document, travailler sur un plan cinématographique plutôt que journalistique. Ajouter mon commentaire à celui des autres n’avait aucun intérêt. J’étais revenue avec ces images filmées de manière conditionnée. Il me fallait me les réapproprier. Non pas en y distillant un point de vue sur une situation, mais investir ces images sur un mode plastique, cinématographique avec un geste dont la radicalité devait être à la hauteur de la contrainte subie. En montant des plans, j’ai constaté que les images résistaient mieux sans leur son. Le mutisme intensifie l’attention aux images et l’on y cherche alors ce que le son amputé de la parole nous a enlevé comme sens. Paradoxalement, couper les discours faisait mieux percevoir la complexité de l’autoritarisme du régime, en creux. (...) 4/ A défaut de les entendre, les personnes sont très présentes à l'écran, notamment votre guide. Pourquoi ? Les guides sont nos seuls interlocuteurs, notre écran. Ils sont les interprètes du scénario national. Passées les évidences des décors et des objets de la propagande, regarder leurs mouvements, leur grâce rigide, leurs gestes contenus et précis évoque la question du corps contraint par l’autorité. Alors bien sûr, je les ai regardés de près, ce sont mes acteurs et actrices. J'essayais de surprendre un regard, un mouvement qui marque une potentielle distance d'avec leur rôle. Issus de familles « favorisées », enfants de diplomates la plupart du temps, ils sont autorisés à être en contact avec les occidentaux parce qu’ils ont grandi à l’étranger. Impossible de savoir ce qu'ils ont pensé au moment du retour au pays. 5/ Il y a une très grande diversité de sites, monuments, musées, institutions culturelles, etc. ... Comment s'est faite votre sélection au montage ? J’ai sélectionné les sites qui développaient le mieux les enjeux de cinéma et de représentation que j’étais venue rechercher. J’ai supprimé les redondances, certains sites se répétaient : des musées ou des monuments qui se ressemblaient trop les uns les autres dans ce qu’ils développaient comme propos. J’ai écarté la visite d’un hôpital car c’était assez déplacé. Au final, le montage porte une dialectique entre les institutions, les enjeux de la représentions nationale et la dimension charnelle de la présence des guides. 6/ On revient très souvent sur des questions d'image et de représentation, que ce soit avec la peinture, les paysages ou sur cette séquence dans les studio de cinéma. Vos parti‐pris de tournage dans ces lieux ? On ne peut pas parler vraiment de tournage. Je suivais le groupe, faisant parfois un pas de côté pour cadrer mes camarades. Ou au contraire je me faufilais au premier rang quand je voulais les oublier un moment et me concentrer sur les guides. Comme tous les touristes finalement. J’ai porté une attention particulière aux endroits de la représentation bien sûr, soit d’ordre mythologique (la maison natale de Kim Il‐sung par exemple), soit aux endroits de production des images (studio de cinéma, atelier de peinture, spectacles d’ensemble) avec toujours cette question : comment un pays se représente‐t‐il lui même ? 7/ Et le titre ? Tourisme : je voulais absolument marquer la question du tourisme pour éviter tout malentendu sur le contenu et les enjeux du film. International, cela pourrait désigner la version internationale d’un film (la version du film avec son mais sans les dialogues). C’était aussi une manière d’évoquer le fait que l’arrivée de plus en plus grande de touristes internationaux en Corée du Nord est pour l’instant la seule manière pour les coréens de voir des étrangers et par là d’apprivoiser l’ennemi. Programme SAMEDI 25 octobre à l'EBA de SAINT‐BRIEUC 16h Accueil du public et des participants 16h15 Hélène CHOUTEAU‐MATIKIAN, Des images aujourd'hui. Que faire ? Conférence sur les rapports entre art contemporain et image photographique depuis les années quatre‐vingt‐dix. 17h00 Gilles SAUSSIER, Ruines du reportage & spolias documentaires. Présentation de son parcours et de ses projets actuels. 17h30 Paola SALERNO, Ou comment j'ai fui la dictature du sujet pour aller vers des abris de subjectivité. Présentation de ses travaux ancienset de films court‐métrages. 17h30 ‐ 18h30 Discussion et échanges avec la salle. Pause autour d'un verre 19h30 Marie VOIGNIER , Tourisme international, 2014. Projection de film, durée 48mn.