Roche : L`analyse
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Roche : L`analyse
Roche : Les secrets du succès Roche © ROCHE Un labo au crible Une stratégie unique, des médicaments différenciés, deux activités complémentaires : la pharma adossée aux biotechs et les diagnostics. Les atouts du fleuron de la pharmacie suisse ne manquent pas. Et le succès du modèle bâlois perdure. Dossier réalisé par Christine Colmont U n modèle atypique dans la pharmacie. Avec ses Ainsi Roche ne souhaite aucunement médicaments sur-mesure, ses produits qui dé- racheter les parts des minoritaires de Gemontrent des avantages thérapeutiques et/ou pro- nentech, cotée au Nasdaq américain. « Nous sommes longent la durée de vie des patients, sa médecine très satisfaits de l’évolution de notre relation avec Genenpersonnalisée, Roche se démarque clairement de ses concur- tech , estime d’ailleurs Franz Humer. Une organisation de rents. « Le modèle de la diférenciation clinique est l’un des recherche monolithique ne crée pas de produits innovants. modèles qui remportent le plus de succès dans l’industrie. Si Genentech parvient à se développer fortement, c’est grâce C’est le seul qui soit adapté à Roche. Les autres ne à sa propre philosophie, sa propre culture. C’est une correspondent pas à notre culture d’entreprise. force énorme ». Aussi, le laboratoire a récemment Et je pense que nous allons pouvoir contimis sur la table 272 millions de dollars pour nuer à réussir dans ce que nous faisons », racheter la société américaine de génomique Nos est convaincu le président du laboratoire NimbleGen Systems. Et il nourrit de gransuisse, Franz Humer. des ambitions dans la biotechnologie. Dans médicaments Le rachat de la irme Genentech, pari les cinq prochaines années, les produits isont des risqué au tout début des années 1990, a sus de ce domaine devraient peser pour 60 à changé la donne de l’innovation pour Ro70 % du chifre d’afaires total du groupe. prix justifiés che. Si les premières années, cette pépite américaine ne lui a rapporté que des pertes, Leader mondial en oncologie sa recherche a surtout donné naissance à des Cette stratégie porte ses fruits. Roche accuanticancéreux très innovants, qui contribuent larmule les succès, plutôt rares dans la pharmacie gement au succès actuel du leuron de la pharmacie suisse. d’aujourd’hui. Il a aussi accédé à la première place monAujourd’hui, Roche s’est hissé à la première place mondiale diale sur le marché des anticancéreux et conserve ce leadans les biotechnologies. Propriétaire de 56 % du capital dership. Son portefeuille oncologique a de nouveau prol’américain Genentech, qui a notamment mis au point Mab- gressé de 22 % au premier semestre 2007. Plusieurs anticorps hera®, Herceptin® et Avastin®, il contrôle également le japo- monoclonaux phares, issus de la recherche de Genentech, nais Chugai. Le succès de Genentech et de Chugai tient en connaissent, il est vrai, un franc succès. Ainsi Mabhera®, grande partie à la liberté de manœuvre laissée à ses iliales. utilisé pour le traitement du lymphome non hodgkinien et 28 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2007 la polyarthrite rhumatoïde, a vu ses ventes atteindre la bagatelle de 4,84 milliards de francs suisses l’an dernier. Il est devenu le premier médicament du groupe. L’anticancéreux Herceptin® le talonne de près avec un chifre d’afaires de 3,92 milliards. Quant à Avastin®, indiqué pour le traitement du cancer colorectal et du sein, il a vu ses facturations s’envoler de 76 % à 2,96 milliards en 2006. Cette molécule est désormais aussi administrée pour le cancer du poumon. Et ce n’est pas ini. Roche a présenté au congrès d’Asco, en juin dernier, des résultats intéressants sur le cancer du rein. Certains analystes estiment donc que ses ventes pourraient atteindre la bagatelle de 10 milliards de dollars à l’horizon 2010. Pour autant, le laboratoire n’estime pas être menacé sur son pré carré des anticancéreux. En tous cas, sur ses prix. « Aujourd’hui, Roche est devenu le numéro un mondial en oncologie, un domaine où le bénéice sur la durée de vie du patient est indéniable. Il y a bien sûr un débat sur le prix des traitements. A mon avis, nos nouveaux médicaments créent énormément de valeur, et ça justiie leur prix. La plupart des médicaments anticancéreux eicaces ont été lancés dans années 1950-60 et leurs prix dataient de cette époque. Or nous avons apporté une amélioration très signiicative par rapport à ces traitements, d’où un prix en conséquence. Le développement d’Avastin®, par exemple, a coûté plus d’un milliard de dollars et nous sommes encore en train d’investir un autre milliard », indique Franz Humer. 7 milliards de Fs pour la R&D Le portefeuille du groupe recèle aussi le célèbre Tamilu, le médicament le plus eicace pour le traitement de la grippe saisonnière et pandémique. Déjà très élevées (2,62 milliards de francs suisses en 2006), les ventes de ce produit n’en inissent pas de grimper. Au premier semestre 2007, elles ont été de nouveau tirées par les mesures anti-pandémiques adoptées par divers gouvernements et entreprises, qui ont poursuivi la constitution de stocks de médicaments. Roche n’entend pas pour autant s’endormir sur ses lauriers. Fin juin, le pipeline de la division Pharma comptait 112 projets cliniques, dont 54 nouvelles molécules et 58 indications supplémentaires. Plus particulièrement, 30 nouvelles substances se trouvent actuellement en phase I, 19 en phase II et trois en phase III, deux de ses substances ayant déjà fait l’objet d’un dépôt de dossier en vue de leur homologation. Et Roche se donne les moyens inanciers de trouver de nouvelles molécules. Pour 2007, le budget de recherche et développement a été ixé à 7 milliards de francs suisses, y compris ceux de Genentech et de Chugai. Et pour favoriser l’innovation, son pôle recherche a été complètement repensé. « La recherche est organisée en cinq domaines thérapeutiques. Et chaque division est chapeautée par quatre patrons : un responsable de la recherche biologique, un responsable des premiers stades de développement, un responsable du développement clinique et un responsable du marketing. Tous les quatre ont leur propre budget, mais ensemble, ils gèrent leur objectif et leur priorité. Cette organisation permet de gagner du temps et de clariier les priorités. Elle s’apparente plus à celle de petites sociétés qu’aux grands laboratoires. Sa mise en place est efective depuis le 1er juillet », précise Franz Humer. L’organisation tripartite de Roche lui donne aussi davantage de possibilités de nouer des partenariats et des accords de licence aussi bien avec des universités et des organismes publics que des petites sociétés, fait remarquer Bill Burns. Par exemple, in juin, Roche s’est allié au Japonais Toyama pour développer un traitement contre la polyarthrite rhumatoïde. Selon les termes de l’accord, Toyama a cédé les droits exclusifs du T-5224 dans le monde (sauf le Japon). Roche lui accordera, en échange, des versements préliminaires et de paiements d’étape de 370 millions de dollars au maximum. Indépendant avant tout Pour autant, pas question de diversiier à tout va. Roche veut rester focalisé sur ses deux activités : la pharmacie et les diagnostics. Si le groupe n’est toujours pas intéressé par les méga-fusions, il n’exclut pas les acquisitions ciblées. D’ailleurs, le laboratoire suisse a lancé une ofre publique d’achat hostile sur le spécialiste des diagnostics du cancer, Ventana Medical Systems, coté à New-York. Il a ofert un prix dépassant dix fois le chifre d’afaires de cette irme américaine. Un enjeu pour le laboratoire suisse : l’intégration de cette société qui a mis au point un nouveau test de diagnostic génétique permettrait de mieux cibler les patients sous traitements anticancéreux comme l’Herceptin®, très eicace dans le cancer du sein. Il renforcerait aussi le leadership mondial de Roche dans ce métier. Pour le conserver, le groupe avait déjà fait tomber récemment dans son escarcelle trois autres sociétés acquises pour un total de 1 milliard de dollars. Bien campé sur ses deux pieds complémentaires, la pharmacie et les diagnostics, Roche poursuit ainsi sa forte expansion sans avoir besoin de recourir à une fusion avec un pair. Les dirigeants entendent clairement faire jouer toujours les synergies entre la pharmacie et les diagnostics, et même les faire encore plus étroitement travailler ensemble. « Avec les diagnostics et la pharmacie, la médecine personnalisée est le futur. Il est très complexe de trouver des bio-marqueurs dans diférentes pathologies, d’identiier sur quel type de patient un type de médecine fonctionne ou pas. Pour ce faire, nous devons mener une recherche importante et investir beaucoup. Avec nos deux divisions fortes, Pharma et Diagnostics, nous sommes uniquement positionnés pour créer des solutions personnalisées » indique Franz Humer. Le secret de la réussite de ce laboratoire fortement implanté à l’hôpital réside donc dans la mise au point de médicaments ciblés, les synergies entre la pharma et les diagnostics et… une forte culture volonté d’indépendance. Cette stratégie est gagnante. L’entreprise bâloise aiche une santé éclatante. Elle génère plus de 9 milliards de francs suisses de bénéices par an pour un chifre d’afaires supérieur à 42 milliards. Sa rentabilité, l’une des plus élevées de la profession (marge d’exploitation de 32,8 % au premier semestre 2007) a de quoi faire blêmir d’envie bon nombre de ses concurrents. Petit à petit, Roche gravit les échelons dans le classement mondial des groupes pharmaceutiques. Aujourd’hui numéro cinq mondial, il pourrait encore gagner de nombreuses places dans les années à venir. n 29 11 SEPTEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES Créer de la valeur loin de toute méga-fusion © ROCHE Franz Humer, président de Roche La stratégie du numéro cinq mondial de la pharmacie a été couronnée de succès. Son président Franz Humer affiche clairement son intention de conserver ce cap, en misant toujours plus sur les produits éthiques qui apportent un avantage thérapeutique. Il mise aussi sur des synergies entre la pharma et le diagnostic. Allez-vous maintenir le même cap stratégique dans les années à venir ? ● Nous restons focalisés sur nos deux activités : la pharmacie et les diagnostics. Dans ces deux métiers, nous privilégions l’innovation, avec des produits qui apportent un avantage thérapeutique, qui sont cliniquement diférenciés. Et nous n’avons aucune intention de nous diversiier dans les génériques, ou dans les produits « me too », qui ne démontrent aucune amélioration sur les solutions existantes. S’agissant de notre politique d’acquisitions, nous n’avons pas modiié d’un iota notre stratégie et ne sommes pas intéressés par les méga-fusions. Mais, nous voulons compléter nos activités par des rachats de petite ou moyenne taille, qui pourraient nous donner un avantage stratégique en termes de produits, technologies ou présence sur des marchés déterminés. Quelles sont vos ambitions dans la biotechnologie ? ● Nous sommes déjà numéro un mondial de la biotechnologie, aussi bien en termes de capacités de production que de ventes. Et ce n’est pas rien, car il faut cinq ou sept ans pour construire une nouvelle unité de fabrication de produits issus de la biotechnologie. A l’avenir, nous mi- 30 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2007 sons sur la qualité de notre pipeline et la progression des ventes de nos anticancéreux comme Avastin® et Herceptin®. Dans les cinq prochaines années, les ventes de produits issus de la biotechnologie devraient probablement représenter 60 à 70 % des ventes totales du groupe. Ces molécules bénéicient d’une meilleure protection, sont dificilement copiables et montrent un progrès thérapeutique. Vous détenez 56 % du capital de la firme de biotechnologie cotée au Nasdaq, Genentech. Comment voyez-vous évoluer vos liens avec cette filiale ? ● Nous sommes très contents de nos relations avec Genentech, dont nous avons acquis la majorité du capital en 1990. Et nous n’avons aucune intention de modiier cette participation, non pas pour des raisons inancières, mais opérationnelles. Je suis convaincu qu’une organisation monolithique de la recherche ne crée pas de valeur. Pour favoriser l’innovation, il faut privilégier une diversité de la culture, de l’organisation. Si Genentech parvient à se développer fortement, c’est en s’appuyant sur ses propres philosophie et culture. Ce qui lui permet de continuer à innover et d’attirer les meilleurs scientiiques. Nous n’avons pas besoin de détenir 100 % du capital pour bénéicier de la valeur créée Roche Un labo au crible logies qui vont changer la face de la médecine dans les vingt prochaines années. Récemment, la biotechnologie et les anticorps monoclonaux ont transformé profondément le secteur. Nous sommes convaincus que l’un des domaines dans lesquels s’orientera la recherche des prochaines années pourrait être les vaccins thérapeutiques. Avec des produits en stade avancé de développement notamment un vaccin contre le papillomavirus, Transgene est certainement très en avance dans cette voie. Pour nous, c’est une très belle opportunité d’acquérir davantage de connaissances et d’expérience dans ce domaine © ROCHE Vous sentez-vous menacé par les bio-similaires ? ● Avoir un brevet sur un médicament, c’est bénéicier d’un monopole pendant une durée déterminée, ce que j’estime équitable et juste. Quand la protection tombe dans le domaine public, les génériques arrivent logiquement sur le marché, à des prix aussi faibles que possible. De ce point de vue là, je ne suis pas opposé aux génériques. Si les bio similaires obéissent aux mêmes principes, la copie de tels produits fabriqués à partir d’organismes vivants nécessite de grandes précautions pour la santé des patients. Une petite modification dans leur fabrication peut entraîner des lourdes conséquences. Si je suis donc favorable aux bio similaires, c’est seulement si leur commercialisation s’accompagne d’essais cliniques complémentaires. par Genentech. Suivant cette même stratégie, nous avons pris la majorité du japonais Chugai et si nous pouvons réaliser une opération équivalente dans les diagnostics, nous le ferons. Craignez-vous la concurrence des autres laboratoires, dont les portefeuilles recèlent de nouveaux anticorps monoclonaux ? ● Certes, plusieurs dizaines d’anticorps monoclonaux, dans le domaine du cancer, sont actuellement en développement chez nos concurrents. Mais, jusqu’à présent, ces nouveaux produits ne représentaient pas une réelle menace pour nos Avastin®, Herceptin® ou Mabhera®. Ces médicaments devront trouver leur niche et prouver leur réelle supériorité sur nos produits. Aujourd’hui, les anticancéreux de Roche sont devenus la référence, les meilleurs en oncologie. Ils bénéicient, ainsi, de nouvelles indications. Parallèlement, nous continuons d’investir des sommes importantes dans les essais cliniques. Enin, une éventuelle compétition par les prix me paraît peu probable compte tenu de l’importance des coûts de développement d’un anticorps monoclonal. Après l’accord signé avec la société française de biotechnologie Transgene, avez-vous de plus grandes ambitions dans les vaccins thérapeutiques ? ● Cette alliance nous paraît très intéressante. Au cours des dixhuit derniers mois, nous avons mené une rélexion sur les techno- Allez-vous conserver votre activité Diagnostics ? ● Evidemment ! Garder cette activité aux côtés de la prescription pharmaceutique a beaucoup de sens. Je suis absolument convaincu qu’à moyen long terme, les activités pharmacie et diagnostics vont travailler encore plus étroitement ensemble. Et dans cette optique, nous appuyer sur ces deux divisions nous donne un grand avantage compétitif sur nos concurrents. Etes-vous satisfait de votre valorisation en Bourse ? ● Ces cinq dernières années, l’action Roche a enregistré l’une des meilleures performances du secteur de la pharmacie car notre stratégie est créatrice de valeur. Je suis convaincu que notre action va continuer d’enregistrer une performance supérieure à celle du marché. Notre pipeline des trois années à venir devrait continuer d’être aussi fourni qu’aujourd’hui et continuer, à mon avis, de justiier une prime sur les concurrents. Nos atouts : un portefeuille de produits jeunes et innovant, un pipeline fourni, la combinaison de la pharmacie et des diagnostics. Quelles sont vos relations avec votre actionnaire Novartis, qui possède 6,2 % du capital et 33,33 % des droits de vote ? ● Nous n’avons aucune discussion avec eux. Ils ne nous perturbent pas. A l’issue de l’échéance du pacte d’actionnaires in 2009, les familles Hofmann et Oeri qui détiennent 50,01 % des droits de vote ont d’ores et déjà décidé de reconduire le pacte qui les lient. n 31 SEPTEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES Interview, William M. Burns Une recherche focalisée sur l’innovation Le groupe suisse mène actuellement une vingtaine de programmes de recherche qui devraient être soumis aux autorités européennes dans les années à venir, nous confie le patron de la division pharmaceutique. Quelle est votre stratégie dans la pharmacie ? thérapeutique et/ ● Nous avons orienté notre recherche autour de cinq domai- ou l’allongement nes clé : la virologie, le système nerveux central, l’inlammatoire de la durée de vie et les maladies auto-immunes, l’oncologie et enin, le métabo- des patients. Il s’agit lisme. Notre pôle pharmaceutique s’appuie sur les équipes de d’Herceptin®, seul Roche et sur nos deux iliales américaine et japonaise, Genen- produit d’action ciblée tech et Chugai. Et nous avons trois équipes de management, homologué dans le traiavec des enjeux diférents, des efectifs et des objectifs distincts tement du cancer du sein mais les trois organisations sont toutes focalisées sur l’innova- HER-2 positif, dont les vention. Et nous nous appuyons aussi sur notre division Roche tes ont cru de 30 % au premier Diagnostics qui développe de nouveaux diagnostics semestre, Mabhera® dans génomiques, l’un des moyens de mieux appréle traitement du lymphome hender les maladies. Cette organisation trinon hodgkinien (+16 % au partite nous donne d’avantage de possibilipremier semestre), Avastin® dans tés de nouer des partenariats et des accords le cancer colorectal et du sein (+ 40 %), Nous sommes de licence aussi bien avec des universités et Xeloda® également dans le cancer du sein leader mondial des organismes publics que des petites somais aussi du colon et depuis mars, de ciétés. Autre avantage : une meilleure coul’estomac (+16 %). Enin, Tarceva® (cancer dans l’oncologie du poumon et du pancréas métastatique) verture géographique grâce à Chugai au Japon, Genentech aux Etats-Unis en plus des a vu ses ventes bondir de 37 % au premier sites Roche. Ce modèle d’organisation, propre semestre. Dans le domaine de la virologie, à Roche, est diférent de celui de nos concurrents. Pegasys, pour le traitement de l’hépatite B et C, a vu une augmentation à deux chifres (+11 %), Tamilu® contre la grippe, a continué d’enregistrer une Quelle a été l’évolution des ventes de vos principaux forte progression (+39 %), tirée par les mesures de prévenproduits ? tion d’une pandémie de grippe. Dans ce même domaine, ● Nous détenons un leadership mondial dans l’oncologie nous avons également Fuzeon®, inhibiteur de fusion dans avec cinq produits majeurs qui démontrent un avantage le traitement du VIH (+10 %). Dans l’ostéoporose post- 32 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2007 Roche Un labo au crible ménopausique, Bonviva®, comprimé administré en une seule prise mensuelle, a été lancé récemment en France et en Espagne. Enin, dans l’anémie où le marché reste très concurrentiel, NeoRecormon® a enregistré une baisse de 4 % de ses ventes au premier semestre. En juillet, nous avons obtenu l’homologation européenne de Mircera, activateur en continu du récepteur de l’érythropoïétine. © ROCHE Quels sont les prochains lancements et extensions d’indications prévues ? ● En oncologie, nous menons actuellement une vingtaine de programmes, à un stade de développement très avancé, qui devrait être soumis aux autorités européennes dans les quatre à cinq prochaines années. Nous avons donc un important travail à efectuer pour démontrer l’eicacité de ces produits, aussi bien administrés seuls qu’en combinaison avec d’autres. Par exemple, nous avons reçu du CHMP une opinion positive pour Avastin® dans le traitement du cancer du poumon et nous avons présenté au congrès américain d’oncologie, l’Asco, en juin dernier, des résultats prometteurs dans le cancer du rein. Par ailleurs, nous continuons notre développement en rhumatologie. Mabhera®, déjà utilisé en hématologie et dans la polyarthrite rhumatoïde, est également étudié dans les maladies auto-immunes. Actemra® fait l’objet d’un des programmes de phase III les plus complets que Roche ait jamais réalisé pour étudier son utilisation dans la polyarthrite rhumatoïde. Les dossiers d’enregistrement vont être déposés à la in de cette année. Nous espérons donc obtenir une approbation en 2008, voire au tout début 2009. En outre, Genentech développe actuellement plusieurs anticorps monoclonaux, qui sont entrés en phase I. Votre stratégie peut servir de modèle aux autres laboratoires pharmaceutiques ? ● Dans l’industrie, les laboratoires suivent des modèles très diférents. Et chacun essaie d’être le meilleur. A la in, c’est le degré d’innovation et la diférenciation clinique des produits qui fera la diférence, qui démontrera la pertinence de chaque modèle. Dans ce métier, il n’y a aucune garantie de succès. Mais, nous pensons que nous avons choisi une voie intéressante, en mettant toutes les chances de notre côté pour rencontrer le succès. Les traitements anticancéreux coûtent plusieurs milliers d’euros par an. Leur remboursement pourrait-il être une cible de réduction de dépenses de santé dans les années à venir ? ● Un récent rapport a montré que le cancer représentait l’une des préoccupations de santé majeure mais que le coût de ses traitements ne représentait que 5 % des dépenses de médicaments en Europe. L’oncologie n’est donc pas suisamment remboursée. La bonne nouvelle, c’est que la France est l’un des rares pays européens qui bénéicie d’une prise en charge des traitements des cancers. Certes, les prix des médicaments sont sous pression mais les anticancéreux, médicaments novateurs, apportent une contribution signiicative à la santé des patients. Nous parlons là de réelles innovations en médecine qui ont contribué à la baisse de la mortalité. Celle due au cancer a diminué, en France, de 10 % au cours de ces 20 dernières années, alors que, sur la même période, nous avons connu une augmentation considérable de l’incidence du cancer de 30 %. Quelles sont vos prévisions de croissance du chiffre d’affaires et du résultat pour cette année ? Comment allez-vous maintenir cette expansion et vos marges dans les années à venir ? ● Après un début d’année marqué par une croissance impressionnante, nous avons revu nos perspectives à la hausse. Nous tablons sur une augmentation à deux chifres du chifre d’afaires du groupe et de l’activité pharmaceutique, avec une progression un peu supérieure du bénéice net par action. Nous allons devoir travailler dur pour pouvoir poursuivre une forte expansion, tout en augmentant notre eicacité. Si nous continuons à mettre au point des produits innovants qui montrent une eicacité thérapeutique, nous connaîtrons le succès. C’est un grand challenge. Vous avez récemment noué un accord avec la firme de biotechnologie française Transgene, spécialisée dans les vaccins thérapeutiques. Les accords avec les sociétés de biotechnologie représentent-ils un axe important de votre stratégie ? ● Pour une société, il serait arrogant de penser que tous ses produits peuvent être issus uniquement de sa recherche. De nombreuses personnes très intelligentes travaillent de par le monde et nous avons démontré dans le passé que nous pouvions être de très bons partenaires pour les irmes de biotechnologie. Allez vous participer à la consolidation qui se poursuit dans le secteur ? ● Nous n’avons pas de projet de méga-fusion avec un autre acteur de l’industrie. Avec notre pipeline, notre innovation, notre technologie, nous allons continuer de travailler dans nos deux activités, la pharmacie et le diagnostic. Ce qui devrait nous permettre de trouver les produits pour le futur. En plus, nous continuons notre stratégie ciblée : nous venons de signer toute une série de nouvelles alliances avec des entreprises actives dans le domaine diagnostic, par exemple avec NibleGen, Alnylam, Toyama et nous avons également manifesté notre intérêt d’acheter Ventana, une compagnie américaine qui compléterait notre division de façon idéale. n 33 SEPTEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES Roche Pharma France Un cap, des ambitions Présidente de Roche Pharma France depuis mars dernier, Sophie Kornowski-Bonnet entend renforcer la position de la filiale française dans le développement clinique et conserver son leadership à l’hôpital. La filiale française de Roche occupe le deuxième rang mondial dans le Groupe, à égalité avec la filiale allemande. Quelle est sa stratégie ? ● Notre stratégie s’inscrit parfaitement dans celle du Groupe. Elle consiste à mettre à la disposition des patients des médicaments cliniquement diférenciants, qui permettent de soulager les malades en soufrance, de prolonger et sauver des vies. A ce titre, l’implication de la iliale France dans la Recherche et le Développement clinique de nos diverses molécules est essentielle. L’an passé, notre croissance a atteint 22,3 % dans un marché qui a progressé de 4 %. Elle a été encore plus forte à l’hôpital (+29 %), portée par des thérapeutiques très innovantes. Nous sommes présents dans des pathologies graves, majeures, comme l’oncologie (33,7 % de notre chifre d’afaires), l’anémie/transplantation (26,1 %), l’hématologie (13,7 %) et la virologie (13,8 %). Quel est le rôle de la filiale dans la R&D de Roche ? ● Il nous paraît fondamental que la France reste un acteur fort en développement clinique. Nous y réalisons plus de 250 études et consacrons plus de 20 % du budget de la iliale France à la recherche. Nous nous appuyons sur trois entités de Recherche & Développement dans l’Hexagone : l’Institut de Pharmacologie Clinique de Strasbourg pour les phases I (les premiers essais chez le sujet sain), une structure de recherche internationale basée à Neuilly pour les essais de phase I, II et III (portant sur tout le portefeuille du Groupe pour les sujets sains et malades) à Neuilly pour les phases II, III et IV de la iliale France. Il nous semble très important de participer au développement de la science en France et à l’amélioration de la vie des patients. La vraie 34 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2007 Une femme à la barre Président de Roche Pharma France depuis mars 2007, Sophie Kornowski-Bonnet a efectué toute sa carrière dans l’industrie pharmaceutique. Docteur en pharmacie de l’université de Paris V et titulaire d’un MBA de l’université de Chicago, elle est d’abord entrée chez Abbott, puis chez Sanoi et chez Merck & Co. Elle a occupé divers postes de haut niveau en France, aux Etats-Unis et en Israël. Aujourd’hui aux commandes de la iliale française, elle souhaite favoriser la proximité avec ses collaborateurs et, en étant présente sur le terrain, avec les visiteurs médicaux. Elle privilégie ainsi l’échange permanent dans l’entreprise en instaurant un dialogue avec ses collaborateurs, quelque soit leur niveau hiérarchique. valeur d’une entreprise pharmaceutique est d’ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques, soit par de nouveaux médicaments, soit par de nouvelles façons de traiter. Un laboratoire innovant comme le nôtre a un rôle majeur à jouer. En outre, la France ne manque pas d’atouts : les experts français sont reconnus sur le plan international et nous bénéicions de groupements coopératifs capables de développer de nouveaux concepts et de mettre en place de grandes études cliniques. Ainsi, par exemple, Mabhera dans le lymphome a été développé grâce à la France, des études dans le cancer du sein métastatique ont été menées avec Herceptin dans l’Hexagone. Nos plans de développement et nos ap- © ROCHE proches avec les diférents acteurs de la recherche clinique nous permettent ainsi d’avoir une ofre thérapeutique répondant aux grands enjeux de santé publique. Et je souhaite continuer et encore renforcer cet efort de recherche clinique en France. En efet, pour le Groupe, la France est un pays majeur, ne serait-ce que par l’importance de son chifre d’afaires et par la renommée de ces experts. Comment Roche peut-il conserver son leadership à l’hôpital en France ? ● Nous voulons rester numéro un à l’hôpital et pour atteindre cet objectif, nous n’hésitons pas à nous remettre en cause. Une position de leader n’est jamais acquise sur le long terme. Au quotidien, nous devons nous poser les bonnes questions et éviter à tout prix de nous reposer sur nos lauriers. Nous écoutons nos clients médecins et professionnels de santé en général, et bien sûr nos collaborateurs, en favorisant les échanges directs et les idées innovantes. Notre mission est de travailler avec les acteurs de santé pour donner plus de chances aux patients, mission profondément ancrée dans la culture de Roche. Avec le diagnostic, les thérapeutiques et les acquisitions, nous mettons à disposition des patients des traitements ciblés, cliniquement diférenciants. Ainsi, nous visons le maximum d’eicacité et le minimum d’efets secondaires. Et de ce point de vue, Roche dispose d’une avance énorme et de la volonté d’aller encore plus loin. Par ailleurs, concernant l’accès aux soins, la France permet aux patients de bénéicier des molécules les plus innovantes et de la meilleure médecine, notamment pour traiter les cancers. Quels sont les prochains lancements prévus en France ? ● Plusieurs nouvelles indications sont attendues, en oncologie notamment. Nous mettons à disposition Avastin® dans le cancer du sein en France. Cet anticancéreux devrait bientôt obtenir l’autorisation de mise sur le marché dans le cancer du poumon et du rein où il a obtenu des résultats tout à fait intéressants. Actuellement, Tarceva® dans le cancer du pancréas et Xeloda® dans le cancer de l’estomac où nous avons démontré un avantage de survie sont aussi en lancement. A moyen terme, les professionnels de santé et les patients bénéicieront d’Actemra® dans la polyarthrite rhumatoïde. Et concernant les médicaments mis sur le marché récemment, Bonviva® dans l’ostéoporose, Mabhera® dans la polyarthrite rhumatoïde, Herceptin® dans le traitement du cancer du sein à un stade précoce continuent leur belle croissance. n Propos recueillis par Christine Colmont Roche France en chiffres • Chi re d’a aires : 1,11 Md (+22,3 %) • Part de marché : 4,5 % • 6ème laboratoire français • N°1 à l’hôpital et 11ème en ville • Budget de R&D : 22 % du chi re d’a aires 35 SEPTEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES Roche Un labo au crible Bourse Une action chère, qui le vaut bien L © ROCHE a meilleure signature de la pharmacie, l’une des recherches VUE AÉRIENNE DE GENENTECH les plus innovatrices, un portefeuille fourni de médicaments À SAN FRANCISCO jeunes issus de la biotechnologie : les qualiicatifs qui font l’éloge de Roche sont légion. Ce n’est donc pas par hasard si le leuron de la pharmacie suisse est plébiscité par les marchés inanciers. Corollaire : avec un cours rapporté au bénéice par action (PER) 2008 estimé supérieur à 16, sa prime sur ses pairs avoisine 18 %. Le titre a, il est vrai, été multiplié par près de trois depuis le plus bas de 2003. Peu sensible à la concurrence des génériques, le leuron de la pharmacie suisse ne craint ni les procès de patients ni le durcissement de l’environnement réglementaire, car ses médicaments se distinguent par leurs avantages thérapeutiques. Plusieurs anticancéreux révolutionnaires, dont les ventes dépassent largement le milliard d’euros (Avastin®, Herceptin® et Mabhera®) ont été mis au point par le numéro cinq mondial. Certes, ces médicaments phares issus de la biotechnologie ne sont pas théoriquement à l’abri de bio-similaires, avant même l’expiration de leurs brevets. Mais si les bio-similaires obéissent aux mêmes principes que les génériques, la copie des produits fabriqués à partir d’organismes vivants nécessite de grandes précautions pour la santé des patients. « Une petite modiication dans leur fabrication peut entraîUn titre multiplié ner des lourdes conséquences », estime Franz Humer. S’agissant des produits concurrents, par trois actuellement en développement, leurs mises au point coûtent très chères. Ainsi une éventuelle en Bourse compétition par les prix paraît peu probable. d’être aussi fourni qu’aujourd’hui et continuer, à mon avis, de Un début d’année en fanfare justiier une prime sur les concurrents. Nos Ces nombreux atouts expliquent la visibilité sur l’acatouts : un portefeuille de produits jeunes et innotivité de Roche. Ainsi le laboratoire remporte la palme des vants, un pipeline fourni, la combinaison de la pharmacie et croissances bénéiciaires estimées par les analystes (+ 14,5 % des diagnostics ». en moyenne par an anticipé entre 2006 et 2011 à comparer à Cerise sur le gâteau : la participation dans le capital de No8,5 % pour le secteur de la pharmacie). Déjà, en 2006, il avait vartis qui contrôle 33,3 % des droits de vote donne, à terme, tenu le haut du pavé (+ 34 % pour le résultat net). Et au pre- un attrait spéculatif au titre. Cet investisseur pourrait bien mier semestre, son bénéice net s’est envolé de 29 % à 5,9 mil- un jour, avec l’accord de la famille Oeri-Hofmann contrôliards de francs suisses pour un chifre d’afaires en progression lant 51 % des droits de vote, vouloir renforcer les liens cade 15 % à 22,8 milliards. pitalistes avec son voisin Roche. Une éventualité tempérée Du coup, après un début d’année en fanfare, les dirigeants par Franz Humer : « Nous n’avons aucune discussion avec ont revu leurs perspectives à la hausse pour 2007. Ils tablent eux. Ils ne nous perturbent pas. A l’issue de l’échéance du désormais sur une augmentation à deux chifres des ventes (du pacte d’actionnaires in 2009, les familles Hofmann et Oeri groupe et de l’activité pharmaceutique), avec une progression qui détiennent 50,01 % des droits de vote ont d’ores et déjà un peu supérieure du bénéice net par action. Pourtant, le titre décidé de reconduire le pacte qui les lie ». Toutefois, une inRoche n’a pas été épargné par les récentees turbulences bour- connnue demeure et qui pourrait peser sur l’action : la réussières, même s’il a enregistré l’une des meilleures performances site ou non de l’OPA en cours sur Ventana, malgré la belle du secteur de la pharmacie au cours des cinq dernières années. prime oferte (44 % par rapport au dernier cours coté, soit « Notre stratégie est créatrice de valeur, estime le président trois milliards d’euros au total). L’action Roche pourra être Franz Humer. Je suis convaincu que notre action va continuer achetée pour son excellente visibilité et la forte croissance atd’enregistrer une performance supérieure à celle du marché. tendue des bénéices. n Notre pipeline des trois années à venir devrait continuer >>> 37 SEPTEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES