L`incapacité de travail peut-elle constituer un cas de force majeure ?
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L`incapacité de travail peut-elle constituer un cas de force majeure ?
IPCF | Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés SOMMAIRE p. 1/ L’incapacité de travail peut-elle constituer un cas de force majeure ? p. 5/ Influence de l’accord amiable extrajudiciaire et de la réorganisation judiciaire sur les dettes et les créances Introduction Incapacité temporaire de travail L’incapacité de travail doit, dans la relation entre employeur et travailleur, être entendue comme l’impossibilité d’effectuer le travail convenu au moment où l’incapacité surgit (Cass., 5 janvier 1981, J.T.T., 1981, p. 184 ; Cass., 15 février 1982, Pas., 1982, I, p. 745 ; Cass., 2 octobre 2000, J.T.T., 2000, p. 456). L’incapacité temporaire de travail est l’incapacité pour le travailleur de fournir temporairement les prestations pour lesquelles il a été engagé. Quelle que soit sa durée, l’incapacité n’a en principe qu’un effet suspensif. La Cour de cassation a cependant estimé que l’incapacité définitive de travail pouvait être constitutive d’un cas de force majeure au sens de l’article 32, 5° de la loi du 3 juillet 1978. Le législateur a, ces dernières années, pris différentes dispositions afin de protéger les travailleurs considérés comme incapables. Des obligations de reclassement ou d’adaptation de poste ont ainsi été mises à charge de l’employeur par : – l’arrêté royal du 28 mai 2003, – la loi du 10 mai 2007 interdisant toute discrimination fondée notamment sur l’état de santé, – l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 inséré par la loi du 27 avril 2007, dont l’entrée en vigueur est cependant conditionnée par la prise d’un arrêté royal. 1 Le travailleur temporairement incapable d’exercer ses fonctions doit en aviser au plus vite son employeur. Il est en outre conseillé aux employeurs de prévoir dans le règlement de travail l’obligation de remise d’un certificat médical dans un délai, par exemple, de 24 heures. Confronté à une incapacité temporaire : – L’employeur peut faire contrôler la réalité de celle-ci, à ses frais, par un médecin-contrôleur (Loi du 13 juin 1999), même en dehors de la période couverte par le salaire garanti. – Il n’a aucune obligation d’adapter les fonctions ou le temps de travail du travailleur. Ainsi, si le médecin conseil de la mutuelle autorise une reprise partielle, l’employeur a le choix d’accepter ou de refuser cette reprise partielle. En cas d’adaptation (modification de fonction/modification du régime de travail, etc.), il est recommandé aux parties de reprendre dans un avenant conclu pour une durée limitée, les conditions temporaires d’exécution du contrat. P a c i ol i N ° 351 I P C F - B I B F / 12-25 novembre 2012 P 309339 – Bureau de dépôt 9000 Gent X – Bimensuel – Ne paraît pas dans les semaines 28-33 L’incapacité de travail peut-elle constituer un cas de force majeure ? – L’employeur doit dénoncer au médecin du travail toute incapacité de plus de quatre semaines. – Un examen de reprise doit en outre être organisé pour les travailleurs occupant un poste à risque (poste de sécurité, poste de vigilance, activité à risque défini, activité liée aux denrées alimentaires). Le travailleur en incapacité temporaire bénéficiera dans un premier temps du salaire garanti et, ensuite, pour autant que son incapacité soit reconnue dans le cadre de l’article 100 des lois coordonnées du 14 juillet 1994, de l’intervention de la mutuelle. Pour bénéficier des indemnités maladies invalidité, il faut : – que le travailleur ait cessé toute activité ; – que cette cessation soit la conséquence directe du début ou de l’aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels ; – que ces lésions ou troubles entraînent une réduction de sa capacité de gain, de minimum 66 % au regard : – des 6 premiers mois de l’activité professionnelle qu’il exerçait avant son incapacité ; – ensuite, de toute profession qu’il est susceptible d’exercer du fait de sa formation professionnelle. Lorsque l’incapacité temporaire de travail est établie par un médecin traitant, sans qu’elle n’atteigne une perte de capacité de gain de 66 % au moins, le travailleur ne peut prétendre aux allocations AMI. Dans cette hypothèse : – soit, l’employeur accepte la reprise du travail moyennant adaptation de ses fonctions et éventuellement de sa rémunération. Il n’y est cependant pas tenu, dès lors qu’aucune obligation de reclassement n’a été mise à charge de l’employeur en cas d’incapacité temporaire (C. trav. Liège, 26 mars 2012, RG 2011/AR/294 qui confirme qu’aucune obligation de reclassement n’existe en cas d’incapacité temporaire) ; – soit, l’employeur refuse la reprise et doit dans ce cas délivrer au travailleur concerné les formulaires ad hoc (www.onem.be) pour permettre au travailleur de bénéficier des allocations de chômage temporaire pour cause de force majeure. 2 Incapacité définitive de travail Etat de la législation Comme précisé ci-avant, l’incapacité est en principe une cause de suspension et non de rupture du contrat de travail. L’article 32, 5° de la loi du 3 juillet 1978 prévoit cependant que le contrat de travail peut également prendre fin pour cause de force majeure, laquelle s’apprécie au regard du travail convenu au moment où surgit l’obstacle. Conformément à la position de la Cour de cassation, une incapacité de travail permanente, par laquelle le travailleur se trouve définitivement dans l’impossibilité de reprendre partiellement ou totalement le travail convenu, constitue une situation de force majeure mettant fin au contrat de travail (v. nombreux arrêts de la Cour de cassation et not. : Cass., 5 janvier 1981, Pas., I, p. 474 ; Cass., 2 octobre 2000, Pas., I, n° 504). L’arrêté royal du 28 mai 2003 a introduit à charge de l’employeur, dans certaines circonstances, une obligation de reclassement. A notre estime, cet arrêté royal n’a cependant pas modifié la notion même de force majeure, de sorte que l’employeur qui est confronté à une incapacité définitive de travail peut : – constater la force majeure, sans devoir en conséquence payer d’indemnité de rupture ; – être condamné au paiement de dommages et intérêts s’il n’a pas respecté la possibilité d’aménager les conditions de travail du travailleur définitivement incapable d’exercer ses fonctions. De même, si le travailleur peut, sur pied de la loi du 10 mai 2007 visant à lutter contre la discrimination notamment fondée sur l’état de santé, solliciter des mesures d’aménagement de travail, encore fautil que pareille demande soit formulée. Si pareille demande est formulée mais qu’aucune suite n’y est réservée, la question de la responsabilité de l’employeur se posera en termes de dommages et intérêts et non en termes de régularité de la rupture opérée. L’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 a pour sa part modifié la notion même de force majeure, prévoyant P a c i ol i N ° 351 I P C F - B I B F / 12-25 novembre 2012 que la rupture pour force majeure ne pourra plus être constatée : minimum deux attestations, dont une établie régulièrement par le médecin du travail. – S’il existe une possibilité de reclassement pour le travailleur concerné via l’adaptation de son travail ou l’octroi de nouvelles fonctions. L’employeur aura selon cette disposition l’obligation de maintenir le travailleur déclaré définitivement inapte au travail, conformément aux recommandations émises par le médecin du travail. – Lorsqu’une adaptation des conditions de travail est techniquement ou objectivement impossible, ou lorsque cela ne peut être raisonnablement exigé, l’employeur devra obtenir avant toute rupture une attestation de l’incapacité définitive par le médecin-inspecteur social compétent de la Direction générale Contrôle bien-être au travail du SPF Emploi, travail et concertation sociale. Décision du médecin du travail et procédure Cette disposition insérée par la loi du 27 avril 2007 a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment par les représentants patronaux du Conseil national de prévention et protection au travail. En toute hypothèse, un arrêté royal d’exécution était nécessaire pour que cette disposition entre en vigueur. Faute d’arrêté royal en ce sens, la disposition n’est toujours pas en vigueur à ce jour et compte tenu des positions développées de part et d’autre, risque de ne jamais entrer en vigueur en l’état. Preuve de l’incapacité définitive Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la preuve de l’incapacité définitive peut être établie par toute voie de droit. Il n’est donc pas indispensable, théoriquement, de disposer d’une attestation du médecin du travail, la simple constatation du médecin traitant du caractère définitif et permanent de l’incapacité pouvant suffire à établir l’existence d’une incapacité définitive (Cass., 2/2/2009, C.D.S., 2010, p. 55, qui estime que les juridictions de fond apprécient souverainement la preuve de l’incapacité définitive. Dans le même sens : C. trav. Bruxelles, 23 avril 2012, J.T.T., 2023, p. 282). Cependant, dans la mesure où une décision médicale peut toujours être remise en cause par toute partie y ayant un intérêt (travailleur, employeur, ONEm, etc.) , il est vivement conseillé à celui qui souhaite constater la force majeure de disposer d’au 3 La validité des constatations du médecin du travail suppose le respect de deux conditions : – L’évaluation doit être faite durant une période autorisée : – soit, durant les horaires de travail, hors période de suspension du contrat de travail ou de dispense de travail, lors d’un examen régulièrement organisé àpour le personnel soumis à l’obligation de surveillance : évaluation de santé, examen de reprise, surveillance prolongée/à pour le personnel non soumis à l’obligation de surveillance : à la demande du travailleur) ; – soit, à tout moment, et donc même en cas de suspension du contrat de travail, lorsque l’incapacité définitive est constatée par le médecin traitant et que le travailleur introduit par lettre recommandée une demande pour bénéficier d’une mesure d’accompagnement. Dans la mesure où le législateur n’a prévu aucun délai pour l’introduction de cette demande, il est vivement conseillé à l’employeur qui reçoit un certificat d’incapacité définitive d’informer par écrit le travailleur de la possibilité de solliciter son reclassement et de fixer le délai endéans lequel pareille demande doit être formulée, à défaut de quoi il sera considéré comme ne souhaitant pas être reclassé. Le non-respect de cette condition entache la décision du médecin du travail de nullité absolue. – Le médecin du travail doit avoir respecté la procédure prévue par l’arrêté royal du 28 mai 2003, soit : – procéder aux examens complémentaires appropriés, – s’enquérir de la situation sociale du travail, – renouveler l’analyse des risques, – examiner sur place les mesures et les aménagements susceptibles de maintenir à son poste ou à son activité le travailleur compte tenu de cette possibilité, – inviter l’employeur et le travailleur, éventuellement assisté, à une concertation pour examiner les possibilités d’aménagement, P a c i ol i N ° 351 I P C F - B I B F / 12-25 novembre 2012 – informer ensuite le travailleur des possibilités de recours qui s’offrent à lui. tion de reclassement. Il ne pourra y échapper que s’il peut établir : Si la procédure n’a pas été respectée, la décision du médecin du travail est annulable. Le travailleur pourra la remettre en cause et contester dans l’année suivant la fin des relations contractuelles, le bien-fondé de la rupture pour force majeure et ce, même si aucun recours n’a été introduit contre la décision du médecin du travail dans le délai de 7 jours (C. trav. Bruxelles, 21 septembre 2011, RG 2010/AB/00525). – Soit qu’il ne peut être raisonnablement exigé des aménagements, pour des motifs dûment justifiés. – Soit que les aménagements sollicités ne sont techniquement ou objectivement pas possibles. Au terme de l’examen médical, le médecin du travail pourra compléter le formulaire d’évaluation de santé, en constatant soit que le travailleur est apte au travail, soit que le travailleur est temporairement inapte au travail, soit qu’il convient de procéder à une mutation définitive du travailleur ou encore que le travailleur est définitivement inapte au travail. Le formulaire d’évaluation ne prévoit par contre pas l’hypothèse d’un travailleur définitivement inapte à ses fonctions, avec toutefois des recommandations pour l’aménagement des conditions de travail. La décision du médecin du travail n’est définitive que pour autant qu’aucun recours n’ait été introduit dans un délai de sept jours ouvrables. La décision deviendra donc définitive soit au terme des sept jours ouvrables suivant la date d’envoi ou de remise au travailleur du formulaire d’évaluation de santé si aucun recours n’est introduit, soit au terme de la décision définitive qui sera prise suite au recours diligenté. Durant la période de recours, la décision n’est pas définitive. Si le travailleur n’est pas occupé à un poste à risque, l’employeur doit donc continuer à lui fournir des prestations de travail telles qu’elles étaient initialement convenues. Le travailleur pourra cependant produire un certificat médical attestant de son incapacité. Si celle-ci n’est pas d’au moins 66 % le travailleur pourra prétendre au chômage force majeure. Incapacité définitive et reclassement Lorsque la décision définitive conclut à une mutation définitive ou que le médecin du travail conclut à une inaptitude définitive tout en remplissant la case « recommandations/aménagement des conditions de travail », l’employeur est tenu à une obliga4 Par contre, si le médecin du travail constate l’inaptitude définitive sans formuler la moindre recommandation, la question de savoir si l’employeur est tenu à une obligation de reclassement fait l’objet de nombreuses discussions : – Selon certains, il existerait une obligation générale de reclassement à charge de l’employeur, et ce nonobstant l’absence d’entrée en vigueur de l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978. – Selon d’autres – que nous rejoignons, l’arrêté royal du 28 mai 2003 n’a pas pu modifier la notion de force majeure, laquelle peut être constatée dès qu’il existe une incapacité définitive d’exercer la fonction convenue et n’est soumise à aucune condition ou procédure préalable (En ce sens not : C. trav. Bruxelles, 23 avril 2012, J.T.T., 2012, p. 282). Aucune obligation ne nous semble être mise à charge de l’employeur en matière de reclassement lorsque le médecin du travail n’a pas formulé de recommandation. Le travailleur pourrait par contre se prévaloir de la loi du 10 mai 2007 pour solliciter une demande d’aménagement raisonnable. Si aucun aménagement n’est envisagé, sans que l’employeur ne puisse en justifier, le travailleur pourrait solliciter l’octroi de dommages et intérêts sur base de la loi du 10 mai 2007, sans pour autant que la rupture en elle-même ne doive être considérée comme irrégulière. Conclusion Vu les incertitudes légales et les développements jurisprudentiels récents, nous ne pouvons qu’inciter les employeurs qui souhaitent constater la rupture pour cause de force majeure à la plus grande prudence. Les recommandations suivantes devront être strictement suivies : 1) L’employeur ne peut se contenter d’un certificat médical du médecin traitant. S’il reçoit pareil cerP a c i ol i N ° 351 I P C F - B I B F / 12-25 novembre 2012 tificat, il invitera le travailleur à formuler une demande de reclassement indiquant qu’avant défaut de l’avoir fait dans un délai de x jours (par exemple 15 jours), le travailleur sera censé renoncé à ce reclassement. 2) Il veillera à disposer de toute manière d’une attestation du médecin du travail, régulièrement rédigée. Ainsi, l’employeur devra – S’assurer que la vérification faite par le médecin du travail l’a bien été dans l’une des circonstances dans lesquelles pareille constatation peut être faite. Pour rappel, lors de la suspension du contrat de travail, et notamment en cas de maladie, le médecin du travail ne peut constater l’incapacité définitive, sauf si ces constatations se font dans le cadre d’une demande de reclassement du travailleur. – Vérifier en outre que la procédure prévue par l’arrêté royal du 28 mai 2003 a bien été respectée par le médecin du travail : y a-t-il bien eu concertation ? Le médecin du travail a-t-il bien tenu compte de la situation sociale du travailleur ?… – Vérifier la cohérence de la décision : le médecin du travail qui fait état d’une incapacité définitive n’a–t-il pas également émis des recommandations pour le reclassement ? La décision a-telle bien été communiquée au travailleur ? – Veiller à disposer d’une décision définitive, ce qui signifie qu’il ne peut constater la rupture pour force majeure avant l’expiration du délai de sept jours ouvrables prévu pour d’éventuels recours. A noter que la responsabilité du médecin du travail pourrait dans certaines hypothèses être recherchée et donner lieu à des dommages et intérêts. 3) Eu égard à la jurisprudence des cours du travail de Liège et Bruxelles notamment, il y a lieu de considérer, bien que cela soit discutable, qu’une obligation de reclassement pourrait être mise à charge de l’employeur, même si le médecin du travail conclut à une incapacité définitive sans émettre de recommandation pour un aménagement des conditions de travail. En conséquence, l’employeur veillera à se réserver la preuve raisonnable de ce que soit, aucun aménagement des conditions de travail n’était possible ; soit, il a émis des propositions de reclassement (même à conditions financières moindres - C. trav. Mons 21 décembre 2011, RG 2010/32), lesquelles n’ont pas été acceptées par le travailleur. Si le travailleur refuse en toute hypothèse l’aménagement de ses conditions de travail, l’employeur veillera à s’en réserver la preuve. 4) La constatation de la rupture pour force majeure se fera, de préférence, dans un écrit signé par les deux parties, dans lequel il sera du reste constaté que le travailleur soit est assisté d’un permanent syndical ou d’une personne de son choix, soit a eu la possibilité d’y avoir recours. Gaëlle JACQUEMART & Michel STRONGYLOS Elegis, Hannequart & Rasir Influence de l’accord amiable extrajudiciaire et de la réorganisation judiciaire sur les dettes et les créances La loi relative au concordat judiciaire a manqué son but et le législateur l’a abrogée et remplacée par la loi relative à la continuité des entreprises1. Les procédures pour assainir les entreprises en difficulté 1 Loi 31 janvier 2009 (M.B., 9 février 2009). 5 ont été modifiées sensiblement. Les possibilités offertes sont en bref : – accord amiable extrajudiciaire avec certains ou tous les créanciers. Les parties conviennent librement de la teneur de cet accord ; P a c i ol i N ° 351 I P C F - B I B F / 12-25 novembre 2012 – réorganisation judiciaire par laquelle le débiteur obtient un délai de paiement de maximum six mois afin soit de conclure un accord amiable, soit d’obtenir une réorganisation judiciaire par un accord collectif des créanciers, soit enfin de permettre le transfert de l’entreprise sous autorité de justice. Pour plus de détails concernant les outils proposés et les aspects de procédure il est renvoyé à l’article de Guy Rulkin dans la lettre d’information Pacioli, n° 274 du 27 avril-10 mai 2009. La portée réelle des accords possibles devra être examinée cas par cas afin de les traduire correctement dans la comptabilité, les comptes annuels et l’annexe. Vu la diversité de toutes les possibilités prévues, la Commission des Normes comptables a jugé opportun d’émettre un avis et de donner des directives sur le traitement comptable des accords conclus entre les parties2. I. Traitement comptable de l’abandon de créance A. Dans le chef du débiteur Lorsque l’accord prévoit un abandon de créance total ou partiel, la dette en question sera annulée du passif du débiteur, même si cette remise est soumise à une condition résolutoire (par exemple : non respect du plan de réorganisation ou, plus rarement, une clause du retour à meilleure fortune). Cette modification entraînera un accroissement patrimonial et sera exprimée dans le compte de résultats sous le poste 764-769 « Autres produits exceptionnels ». La nature de ce produit est précisée dans l’annexe (rubrique C 5.11). Ecriture 44 of Dettes commerciales 175 à 764-769 Autres produits exceptionnels A quel moment cette écriture doit-elle être passée ? – lors d’un accord amiable extrajudiciaire, au moment de la conclusion de l’accord entre les parties ; – lors d’une réorganisation judiciaire au moment où le tribunal constate l’accord ; 2 Avis CNC 2011/9, 6 avril 2011. 6 – lors d’une réorganisation par un accord collectif, à la date de l’homologation du plan de réorganisation par le tribunal. Sur le plan fiscal les bénéfices provenant de moinsvalues ainsi actées par le débiteur sur des éléments du passif, sont exonérés3. L’exonération n’est accordée définitivement que pendant l’exercice d’imposition afférent à la période imposable au cours de laquelle le plan de réorganisation ou l’accord amiable est intégralement exécuté. Si certaines conditions sont remplies une exonération temporaire et conditionnelle peut être obtenue pour autant que les bénéfices exonérés soient et restent comptabilisés à un compte distinct du passif (condition d’intangibilité) jusqu’à la date à laquelle le plan de réorganisation ou l’accord amiable est intégralement exécuté4. Si l’abandon de créance est soumis à une condition résolutoire, il en est fait mention dans l’annexe parmi les droits et engagements. La comptabilité enregistre dans un compte de la classe 0. Lors de la réalisation de la condition résolutoire, la dette latente redevenue effective sera de nouveau inscrite au passif : crédit 44 ou 175 Dettes commerciales et débit 664-668 Autres charges exceptionnelles. Si l’accord amiable extrajudiciaire ou l’accord amiable/judiciaire collectif est clôturé ou révoqué anticipativement, les écritures passées antérieurement seront, le cas échéant, également contre-passées. Cette opération s’effectue au moment où la condition se réalise ou au moment où l’accord est clôturé ou révoqué anticipativement. B. Dans le chef du créancier En général, l’accord entraînera pour le créancier le transfert de la créance vers les créances douteuses, sauf si la créance est suffisamment garantie et pour autant que ce transfert n’ait pas déjà eu lieu. Si le créancier a renoncé, totalement ou partiellement, à sa créance – avec ou sans condition résolutoire – il devra, à concurrence du même montant (TVA exclue) acter une réduction de valeur, pour autant que celle-ci n’ait pas déjà été actée précédemment. 3 Art. 48/1 CIR 92. 4 Compte 132 Réserves immunisées. P a c i ol i N ° 351 I P C F - B I B F / 12-25 novembre 2012 Lors du règlement définitif de la créance, les créances et les réductions de valeur actées sortiront de la comptabilité. Ecritures si la réduction de valeur actée s’avère insuffisante 550 Etablissement de crédit C/C 642 Moins-values sur réalisation de créances commerciales 409 Créances commerciales : réductions de valeur actées (-) B. Dans le chef du créancier à 407 Créances commerciales : créances douteuses Ecritures si la réduction de valeur actée est plus élevée que la perte 550 Etablissements de crédit C/C 409 Créances commerciales : réductions de valeur actées (-) à 407 Créances commerciales : créances douteuses 742 Plus-values sur réalisation de créances commerciales5 La créance qui a été convertie en faveur d’un débiteur en une créance non productive d’intérêt, ne doit pas faire l’objet d’un escompte. Cependant la créance peut être considérée comme douteuse et une réduction de valeur actée. Si dans le cadre d’un accord le créancier attribue un prêt non productif d’intérêt et renonce à la créance d’intérêt la dette ne fait pas l’objet d’un escompte. La comptabilisation d’une réduction de valeur sur cette créance peut dans ce cas être justifiée. III. Traitement comptable de la conversion, en tout ou en partie, d’une créance en capital Si la remise de dette est soumise à une condition résolutoire et que cette condition se réalise, l’abandon de créance prend fin et la réduction de valeur actée est reprise. Si l’accord est clôturé ou révoqué anticipativement, la réduction de valeur actée sera maintenue, entièrement ou partiellement, selon que le remboursement de la créance à l’échéance est, en tout ou en partie, incertain. Tous les principes énoncés ci-dessus trouvent également à s’appliquer lorsqu’un accord est conclu entre débiteur et créancier dans un autre cadre que celui de la loi sur la continuité des entreprises, à l’exception de l’exonération fiscale. II. Traitement comptable de dettes non productives d’intérêt A. Dans le chef du débiteur 1. En cas de conversion d’une dette en une dette non productive d’intérêt le débiteur n’est plus tenu de comptabiliser ni les paiements d’intérêts, ni les charges. La dette ne doit pas faire l’objet d’un escompte. 5 2. Si le débiteur obtient un prêt non productif d’intérêt il doit comptabiliser le montant à rembourser comme une dette. Cette dette ne doit pas non plus faire l’objet d’un escompte. Etant donné que des intérêts ne sont pas dus, ceux-ci ne doivent pas être pris en résultats. Exonération dans le cadre d’un plan de réorganisation homologué. 7 Le débiteur peut convenir avec le créancier que sa créance sera convertie, en tout ou en partie, en capital. Si une partie de la dette est remise, cette partie devra être supprimée du passif du débiteur et le créancier devra acter une réduction de valeur (voir ci-dessus I. et II.) A. Dans le chef du débiteur Il n’y a pas d’unanimité dans la doctrine en ce qui concerne la valeur à laquelle la créance doit être apportée, principalement quand il s’agit d’une créance sur une entreprise en perte. De l’avis de la Commission des Normes comptables et sur la base de la doctrine, la créance peut être apportée à sa valeur nominale ainsi qu’à sa valeur économique. Il reviendra à l’organe d’administration de la société bénéficiaire de l’apport de déterminer la valeur de la créance dans l’acte d’apport. En dernier lieu c’est l’assemblée générale de la même société bénéficiaire qui devra décider l’augmentation de capital après avoir pris connaissance du rapport spécial de l’organe d’administration et, sauf les exceptions prévues par le Code des sociétés, du rapport du commissaire ou à défaut d’un réviseur d’entreprises. L’opération aurait de toute façon pour conséquence que l’actif net de la société s’élève à concurrence de la valeur nominale de la créance apportée par P a c i ol i N ° 351 I P C F - B I B F / 12-25 novembre 2012 le créancier. La créance apportée ne constitue plus une dette exigible puisqu’elle sera convertie en fonds propres. 2. Ecritures si la créance est apportée à sa valeur économique (p.ex. 80.000), moins élevée que la valeur nominale 101 Un exemple en guise d’illustration Capital 100.000 Pertes reportées Dettes (150.000) Capital non appelé (-) 80.000 à 764-769 Autres produits exceptionnels 20.0006 Bilan de l’entreprise après apport de la créance à valeur économique Actifs 200.000 100.000 44 et/ Dettes commerciales ou 175 100.000 100.000 à 101 Capital non appelé (-) 100.000 Bilan de l’entreprise en difficultés après apport de la créance à valeur nominale Actifs 200.000 Capital Pertes reportées Dettes 200.000 Capital Réserves munisées 250.000 à 100 Capital souscrit 100.000 à 101 Capital non appelé (-) 1. Ecritures si la créance est apportée à sa valeur nominale 101 80.000 44 et/ Dettes commerciales ou 175 Bilan de l’entreprise en difficultés avant l’apport de la créance 200.000 80.000 à 100 Capital souscrit Un créancier propose que sa créance d’une valeur nominale de 100.000, sur une entreprise en difficultés, soit convertie en capital. Actifs Capital non appelé (-) 180.000 im- Pertes reportées Dettes 20.000 (150.000) 150.000 B. Dans le chef du créancier La valeur d’acquisition des actions reçues en rémunération d’apports résultant de la conversion de créances correspond à la valeur conventionnelle des créances converties7. La différence négative entre la valeur de l’apport et la valeur nominale de la créance est portée en compte de résultats: 642 Moins-values sur réalisation de créances commerciales. (150.000) Michel VANDER LINDEN Réviseur d’entreprises honoraire 150.000 6 Exonéré dans le cadre d’un plan de réorganisation homologué. 7 Art. 41, § 1er A.R. d’exéc. C. soc. Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de photocopies ou sous toute autre forme, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. La rédaction veille à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager sa responsabilité. Editeur responsable : Jean-Marie CONTER, IPCF – av. Legrand 45, 1050 Bruxelles, Tél. 02/626.03.80, Fax. 02/626.03.90 e-mail : [email protected], URL : http://www.ipcf.be Rédaction : Jean-Marie CONTER, Gaëtan HANOT, Geert LENAERTS, Xavier SCHRAEPEN, Chantal DEMOOR. Comité scientifique : Professeur P. MICHEL, Professeur Emérite de Finance, Université de Liège, Professeur C. LEFEBVRE, Katholieke Universiteit Leuven. Réalisée en collaboration avec kluwer – www.kluwer.be 8 P a c i ol i N ° 351 I P C F - B I B F / 12-25 novembre 2012