Lire l`intégralité du discours en réponse de Bernard Ferrand
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DISCOURS EN REPONSE ! LĖGION D’HONNEUR BF ! Mercredi 18 décembre 2013 PARIS Ligue de l’Enseignement ! ! Monsieur le Sénateur, chers Amis, ! Impressionné ces derniers jours par les risques pris par des orateurs maitrisant peu l’improvisation, je me suis résolu à calibrer mon propos par écrit. Aujourd’hui vous mesurez toute la force ironique de cette affirmation…à la qualité de mon élocution ! ! ➢Mes Remerciements iront tout d’abord aux organisateurs de cette cérémonie : Jean Michel Ducomte, Président de la Ligue de l’Enseignement et Pierre Tournemire pour leur vigilante amitié de quelques décennies au cours desquelles, dans des cénacles divers, nous avons tenté de faire vivre nos fortes convictions ; mes remerciements vont bien entendu à Gérard DELFAU complice et compagnon de mes engagements sociétaux pour avoir accepté d’être mon parrain, de me remettre cette croix prestigieuse de la Légion d’Honneur et pour les propos trop élogieux qu’il vient de tenir. ! !1 ➢Permettez-moi aussi d’exprimer ma joie et ma reconnaissance à toutes les personnes ici présentes, celles notamment qui ont jalonné ma carrière professorale, mon parcours péri solaire et universitaire et mes responsabilités politiques et associatives: celles des diverses institutions où j’ai travaillé et milité - de la Fédération générale des PEP à la ligue de l’Enseignement, du CNED aux universités où j’ai enseigné -, celles avec lesquels j’ai collaboré directement et qui m’ont aidé à accomplir des missions parfois délicates: une part de mon mérite leur revient. ! ➢Mon énergie, mon combat pour les valeurs auxquelles je suis profondément attaché n’auraient pu s’épanouir sans la complicité active d’Aline. Elle a apporté dans tous mes engagements un soutien quotidien sans relâche et, de surcroit, a participé à beaucoup d’entre eux. En conséquence immédiate, depuis quelques instants, tous deux membres du même Ordre national comme l’a déjà souligné Gérard DELFAU, nous pourrons désormais aussi nous raconter des histoires de chevaliers comme d’autres le font entre vicomtes … ! ! ! !2 ➢Vous avez eu la bonne idée, Monsieur le Sénateur de la République de donner à cette remise de décoration un caractère intime et solennel : ! - Intime, car au cours de notre vie de citoyen nous avons mis nos pas dans les mêmes chemins : nous nous sommes rencontrés pour la première fois hier, en 1969, dans le cadre d’une association « Démocratie et Université » véritable pépinière de futurs responsables nationaux de la République de l’après 81. Et le fil conducteur de mes engagements sociétaux était déjà dans le nom de l’Association que vous présidiez. Soutier de la République, j’ai tenté modestement au cours des années qui suivirent de mettre en œuvre les valeurs sur lesquelles reposait cet engagement, à l’Université de Constantine d’abord, en Aveyron ensuite, à Longjumeau, Poitiers et Évry enfin. En dépit de mes diverses migrations nous avons toujours gardé lien amical et complicité. Peutêtre par mimétisme des proximités idéologiques ? Très souvent, sans jamais en avoir parlé entre nous, nous avons partagé les mêmes appartenances et de grands moments politiques, à la Convention des Institutions Républicaines d’abord, au Parti socialiste puis au parti Radical de Gauche. Nous avons aussi échangé âprement des positionnements politiques ; mais malgré ce très long cheminement, notre complicité est !3 toujours restée intacte, inébranlable. L’intime repose sur cette complicité ! - Solennel, car recevoir la Légion d’Honneur dans la maison mère de la Ligue de l’Enseignement dont les positionnements ont marqué puissamment l’œuvre politique de trois Républiques a plus de sens à mes yeux qu’une remise sous les ors des palais ou ministères. Recevoir cette distinction, ici et maintenant dans cette fringante institution centenaire tournée vers la recherche permanente de l’excellence dans la diffusion des savoirs et savoir-faire, vers des pédagogies para scolaires innovantes et surtout la promotion d’une valeur consubstantielle de la République: la laïcité. Dans cette Maison j’éprouve le sentiment d’être chez moi notamment parce qu’il y a, en arrièreplan, une saga familiale personnelle. ! ! ! ➢La retraite prise il n’y a pas si longtemps n’a pas été pour moi une phase de désœuvrement mais est plutôt marquée par un changement de fonctions et d’attributions de braquet comme disent les cyclistes: disparu l’enseignement à l’exception de quelques conférences, mais plus d’actions associatives autour des savoirs et de la laïcité. Cette retraite m’a fait notamment découvrir, grâce à une !4 maitrise du temps plus soutenue, qu’à l’heure où les valeurs sociétales républicaines sont bafouées au nom d’un individualisme forcené, l’intime, lieu privilégié de toutes les libertés, donnait à la laïcité toute sa dimension d’humanisme. ! ➢En effet j’avais constaté concrètement dans les années 90 lorsque j’eu l’opportunité de participer à la gouvernance du CNED que les nouvelles technologies à l’instar des langues d’Ésope étaient porteuses de progrès phénoménaux, mais qu’elles pouvaient générer aussi des effets étranges voire indésirables, attentatoires à certaines libertés individuelles, et même au secret professionnel. Mais à cette époque lorsqu’on parlait d’autoroutes de l’information l’écho, à l’exception des initiés, était relatif dans l’opinion publique ! ! ➢A l’occasion de ma nomination au Conseil économique et social CES dans ces années-là j’avais tenté de sensibiliser cette Assemblée en déposant un prérapport commun aux sections du Travail, de la Solidarité et de l’Aménagement du Territoire sur le thème précis «des enjeux de l’enseignement à distance ». Naturellement, ce travail portait aussi sur les outils de communication utilisés. Ce document servit à la rédaction du rapport Barbarant qui, comme d’autres termina aux archives ! ! !5 ! ! Aujourd’hui, ne pas utiliser un ipad ou un Smartphone 4G vous fait passer pour le dernier des béotiens. Toutefois avec l’utilisation de ces technologies un grand nombre d’individus s’autorise à étaler leur intimité. Et c’est bien dans ce créneau qu’intervient mon observation de retraité : si la laïcité est une valeur sociétale, elle est également ce qui permet à chacun de se défendre et de se protéger. In fine, la logique de l’usage des technologies nouvelles doit être analysée et guidée sous les auspices de la laïcité. Voilà un grand champ de réflexions et de propositions à faire dans les groupes de travail et les associations dans lesquels je demeure actif. Et ce n’est pas Gérard qui brisera mon élan au sein de cette merveilleuse niche associative qui s’appelle Egalité-Laicité-Europe (EGALE) et qu’il préside avec la fougue d’un jeune homme. ➢ J’ai comme il a été dit, appartenu à de nombreux types d’institutions de l’Éducation nationale: mais le fil conducteur de mes engagements a toujours été la promotion des savoirs et de la laïcité. A l’Université de Constantine où j’ai vécu une coexistence stimulante entre universitaires de plus de cinquante nations et où j’ai participé en 1972 aux premiers pas de ce nouvel Établissement ; mais aussi à l’Université d’Évry qui, en 1992 lors de son émergence avait pour missions premières !6 d’attirer de nouveaux publics de proximité et de décongestionner les universités parisiennes. Dans le premier Établissement d’enseignement supérieur la coordination associative des différents groupes de professeurs étrangers m’avait été confiée: rien à voir avec le prestige présupposé de la fonction pourtant délicate, mais simplement au fait que j’étais à l’époque le moins ancien dans le grade le moins élevé ; l’avantage institutionnel était de ne faire d’ombre à personne !… ➢Je faisais déjà œuvre de médiation. Mais le principe de laïcité n’est-il pas de générer de la médiation institutionnelle en permanence ? ! ➢Pour l’Université d’Évry où j’eu le bonheur de terminer ma carrière j’ai bénéficié du soutien des Présidents Chappey, André, Messina et Houdy pour mettre en œuvre une vraie politique de laïcité qui s’est traduite par la rédaction d’une charte de l’Étudiant rappelant à quiconque originaire de 80 nationalités le caractère laïque de l’institution universitaire et les droits qui y sont attachés. Ce qui se traduisit par la création d’une fonction de Médiateur dont je souhaite qu’un jour chaque établissement d’enseignement supérieur se dote. Et la bataille en dépit d’un contexte lourd d’atteintes à la qualité laïque de notre République est loin d’être gagnée puisque l’une des propositions du dernier rapport du HCI porte sur ce sujet : pour autant, à ma connaissance, le !7 ! nouvel Observatoire de la Laïcité ne l’a pas reprise à son compte. Vous le voyez bien, la laïcité est un combat permanent auquel il faut participer encore et encore… ➢Je suis fier d’avoir obtenu cette distinction dont je pense qu’elle n’est pas étrangère à mes engagements à la fois simultanés et séparés de fonctionnaire et de citoyen irrémédiablement attaché aux libertés républicaines et singulièrement à la laïcité, après avoir accompli un parcours de serviteur de l’État depuis 1971 et d’avoir été au service d’élèves, d’étudiants en formation initiale en formation continue, en apprentissage, d’avoir contribué à ouvrir des voies nouvelles dans l’enseignement à distance ou des champs disciplinaires peu explorés. Mais surtout, tout au long de ces années, j’ai toujours tenté d’être pleinement citoyen que mes engagements soient professionnels, syndicaux, associatifs ou politiques. Quel qu’ait été le domaine d’intervention choisi, j’ai privilégié la jeunesse. Et pour ne pas être déçu de ma propre action, je me suis inspiré de la sagesse de Jaurés qui dans son Discours à la jeunesse de 1903 affirmait à propos du savoir que « la nuit de l’ignorance n’est pas dissipée par une illumination soudaine et totale, mais atténuée !8 ! ! ! ! ! ! seulement par une lente série d’aurores incertaines. » ➢ La distinction que vous venez de me remettre, Monsieur le Sénateur de la République, m’impose de nouveaux devoirs: elle est plus qu’une reconnaissance d’actions passées; c’est un stimulant puissant pour continuer à œuvrer: par exemple cultiver mes champs de prédilection comme la médiation au service de la fraternité et de la paix partout et en tous lieux. ➢Recevoir cette haute distinction m’encourage à participer à de nouveaux chantiers soit avec des institutions publiques soit avec des associations, à l’heure où la défiance envers l’action collective atteint une telle proportion qu’elle menace même les fondements de notre pacte social : par exemple, je donnerai plus d’élan à la veille laïque qui consiste à mettre en garde à tout moment contre les actions, notamment dans le secteur éducation / formation, qui pourraient ébranler l’harmonie du vivre ensemble. ➢ Comme la laïcité doit prendre en compte de plus en plus la diversité pluriculturelle et les flux migratoires, toutes les associations qui se !9 ! donnent pour objectif de la défendre doivent fédérer leurs efforts pour promouvoir encore la liberté de conscience, mère de toutes les autres libertés. Disons aujourd’hui avec force comme l’exprime excellemment l’ algéro-francocanadienne Djemila Benhabib dans l’un de ses derniers ouvrages1 : « il faut faire converger nos aspirations dans un projet commun pour la défense de la laïcité et des droits des femmes. » Cet appel est une urgence du quotidien en France comme en Europe: j’en ai l’intime conviction, car la laïcité maille toute pensée sociétale. ! ! Avant que ma passion ne l’emporte sur la raison, je voudrais conclure, Monsieur le Sénateur, par un engagement: la distinction que vous m’avez remise en ce jour stimulera encore mes engagements républicains. Merci à tous d’être là. ! Bernard Ferrand 13.12.2013 ! ! 1" Les soldats d’Allah à l’assaut de l’occident Ed : H§O 2012 Prix international de la laïcité 2012 !10 ! ! ! ! ! ! !11