L`autocar veut reconquérir les routes françaises

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L`autocar veut reconquérir les routes françaises
L’autocar veut reconquérir les routes françaises
Depuis 2011, des entreprises routières peuvent opérer des liaisons interrégionales régulières en autocar, selon un dispositif très
encadré.
Stephane Mortagne / VOIX DU NORD
La compagnie de bus Eurolines est la première, en 2011, a s’être lancée sur le marché du cabotage, avec 50 000 voyageurs
transportés en 2012.
Le succès de ces lignes, souvent pour des raisons budgétaires, entraîne un renouveau de ce mode de transport en
France.
La route paraît se dégager pour l’avenir du transport régulier en autocar. Le service est encore en devenir: il n’a
pratiquement débuté que voici deux ans, grâce à la transposition d’un règlement de Bruxelles. Ce dernier a permis aux
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opérateurs de transporter des passagers sur des trajets interrégionaux, à condition que ces voyages se réalisent sur une
partie d’une ligne internationale. Par exemple, entre Paris et Lille sur un Paris-Londres ou entre Bordeaux et Paris sur un
Madrid-Paris. Dans le jargon des transports, c’est ce qu’on appelle le cabotage.
Le dispositif reste très encadré. Ouvrir une telle liaison exige avant tout l’aval du ministère des transports. Le cabotage ne
doit en effet pas entrer en concurrence avec une ligne de train conventionnée, comme celle d’un Intercités, par exemple.
En clair, il s’agit de protéger l’économie du ferroviaire. « Plus que les intérêts de la SNCF, ce sont ceux de Réseau ferré
de France, propriétaire et gestionnaire des infrastructures, qui sont préservés, explique Arnaud Aymé, directeur associé
du cabinet Sia Partners et spécialiste de l’économie des transports. Le but est de maintenir le plus possible le nombre de
trains qui circulent sur ces infrastructures pour amortir l’investissement et couvrir le coût d’entretien, qui sont fixes et très
onéreux. » Autre restriction de taille: le quota de cabotage domestique sur une liaison internationale ne doit pas excéder
50 % à la fois du nombre de voyageurs de la ligne et de son chiffre d’affaires.
iDBus, une filiale à 100 % de la SNCF
Le premier à s’être lancé sur ce marché a été en 2011 Eurolines, filiale en France du groupe Transdev, fort de sa position
d’opérateur historique des liaisons routières internationales. « Nous exploitons aujourd’hui environ 175 liaisons », indique
Nicolas Boutaud, directeur marketing et commercial d’Eurolines. Deux ans après, le bilan est plus que satisfaisant:
l’entreprise a transporté 50 000 caboteurs en 2012 et elle table sur 75 000 passagers en 2013. Un chiffre qui reste
cependant encore très modeste face aux 850 000 passagers annuels.
Un nouveau venu, et de taille, est apparu en juillet 2012: iDBus, une filiale à 100 % de la SNCF! L’autocariste, qui mise
sur des cars de très grand confort, a annoncé cet été avoir déjà transporté 200 000 personnes vers 12 cités européennes.
Ses responsables restent cependant discrets sur le nombre de passagers en cabotage, d’ailleurs encore limité en termes
de villes desservies. « La SNCF sait qu’à partir du moment où la libéralisation est en route, l’autocar est promis à un bel
avenir, note Arnaud Aymé. Il n’est pas question pour elle de se laisser distancer par la concurrence. » Selon la direction,
le taux espéré de remplissage, à savoir 75 %, est presque atteint et nombre d’autocars ont affiché complet cet été.
iDBUs se défend de cannibaliser le ferroviaire, l’activité mère du groupe. « Notre concurrent n’est pas le train, mais la
voiture, affirme Louis Vieillard, directeur commercial d’iDBus. En moyenne, 80 % des déplacements de plus de 100 km en
Europe sont des trajets automobiles. En outre, 22 % de nos passagers sont formels: ils n’auraient pas voyagé sans un
service d’autocar. »
Quelle clientèle ?
De fait, selon Arnaud Aymé, l’autocar vise une « clientèle spécifique pour laquelle le TGV revient trop cher si elle choisit
de partir au dernier moment ». Les opérateurs ont d’ailleurs misé sur une stratégie bien différente du fameux yield
management (une évolution des prix selon le remplissage du convoi) pratiqué par le TGV. Leurs prix bougent peu, voire
pas du tout pour l’un des transporteurs, de l’ouverture des réservations au moment du départ.
Automobilistes confrontés à la hausse régulière des péages et du carburant, jeunes en recherche de travail ou qui voient
l’opportunité de partir à moindre coût en vacances ou en week-end sans pouvoir le prévoir à l’avance…, la clientèle
potentielle est vaste, encore plus élargie, aux dires mêmes des opérateurs, par la crise. « Un sondage a montré l’année
dernière que plus de 70 % des Français se disent intéressés par le cabotage », souligne Nicolas Boutaud, chez Eurolines,
où 42 % des passagers interrégionaux ont moins de 26 ans.
Inquiétude des syndicats de cheminots
Face à ce succès, qu’a confirmé l’affluence estivale, les opérateurs estiment que les restrictions sont trop contraignantes.
Certains sièges libres ne pourraient pas être ainsi commercialisés, quotas obligent. L’Autorité de la concurrence a
d’ailleurs décidé, en février, d’étudier si le régime d’autorisations est trop contraignant. De son côté, la prochaine loi de
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décentralisation pourrait permettre à deux régions limitrophes de se passer de l’aval de l’État pour mettre en place des
liaisons d’autocar entre leurs villes. « Cette libéralisation va dans le sens de l’histoire, dit Arnaud Aymé, et elle constituera
un challenge pour le ferroviaire. »
Chez les cheminots, les syndicats s’inquiètent de voir les TER ou les trains Intercités mis en danger. « Le phénomène du
cabotage est un élément de plus qui vient alimenter les doutes sur la pérennité de certaines liaisons ferroviaires,
notamment régionales », explique Bernard Aubin, secrétaire général de la Fédération indépendante du rail et des
syndicats des transports (First).
En juin, la Cour des comptes proposait d’ailleurs de multiplier les remplacements de lignes TER déficitaires par des
autocars. Les citoyens comme leurs élus rechignent encore, mais les choses pourraient évoluer. « Aujourd’hui en France,
l’autocar est confronté à un problème culturel, contrairement à d’autres pays européens comme l’Espagne ou la
Grande-Bretagne, où il est très développé, dit Arnaud Aymé. Pourtant il est dans certains cas plus souple et plus
écologique que le train. » Avec le succès du cabotage, les gens pourraient « réapprendre » l’autocar et ne plus le voir
comme un moyen de mobilité de seconde zone.
MICHEL WAINTROP
http://www.la-croix.com/Actualite/Economie-Entreprises/Economie/L-autocar-veut-reconquerir-les-routes-francaises-2013-08-19-999902
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