1986 - Accueil

Transcription

1986 - Accueil
*Titre : *Journal de l'année (Paris. 1967)
*Titre : *Journal de l'année
*Éditeur : *Larousse (Paris)
*Date d'édition : *1967-2004
*Type : *texte,publication en série imprimée
*Langue : * Français
*Format : *application/pdf
*Identifiant : * ark:/12148/cb34382722t/date </ark:/12148/cb34382722t/date>
*Identifiant : *ISSN 04494733
*Source : *Larousse, 2012-129536
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34382722t
*Provenance : *bnf.fr
Le texte affiché comporte un certain nombre d'erreurs.
En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique
par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux
de reconnaissance obtenu pour ce document est de 100 %.
downloadModeText.vue.download 1 sur 502
Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 1988 ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.
Cette édition numérique a été spécialement recomposée par
les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la
BnF pour la bibliothèque numérique Gallica.
downloadModeText.vue.download 2 sur 502
1
CHRONOLOGIE
1986
Janvier
Mercredi 1er
EST!OUEST
MM. Reagan et Gorbatchev expriment leur
volonté de paix, dans leurs messages de
voeux qui, pour la première fois, sont diffusés simultanément sur les antennes sovié-
tiques et américaines.
SPORT
Automobile.
À Versailles, 300 000 personnes environ assistent au départ du huitième rallye
Paris-Dakar.
CEE
Membres.
Naissance de l’Europe des Douze, avec
l’entrée officielle de l’Espagne et du Portugal
dans le Marché commun.
FRANCE
Sécurité routière.
Les vendeurs de véhicules d’occasion de
plus de cinq ans d’âge doivent dorénavant
fournir un certificat de contrôle technique
pour l’établissement de la carte grise.
Paris.
Un nouveau système d’éclairage est installé
à l’intérieur de la tour Eiffel. 292 projecteurs
au sodium mettent en valeur son armature
métallique.
NOUVELLE!CALÉDONIE
Une amnistie est accordée par le gouvernement français pour les infractions commises en 1984 et 1985, lors des incidents
qui avaient éclaté entre les Canaques et les
anti-indépendantistes.
LIBYE
Relations internationales.
Mis en cause dans les attentats de Rome
et de Vienne par les États-Unis et Israël,
le colonel Kadhafi menace d’une guerre la
Méditerranée et le monde entier.
Jeudi 2
ÉTATS!UNIS
Monnaie.
Le dollar atteint son plus bas niveau depuis
31 mois, à 7,47 francs.
Vendredi 3
FRANCE
Société.
À Villeurbanne, de nombreux commerçants
manifestent violemment contre les agressions dont ont été victimes les membres de
leur profession.
Presse.
Le tribunal de commerce de Reims accorde
à M. Philippe Hersant la location-gérance
downloadModeText.vue.download 3 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
2
de l’Union, pour une période de six mois. Il
est officiellement investi dans ses fonctions
le 6 (! 9, 14, 29).
L’empire d’Hersant
Le 3 janvier, Robert Hersant fait savoir qu’il
a racheté à Jean-Claude Lignel le cinquième
quotidien français, le Progrès de Lyon, et les
autres journaux du groupe (l’Espoir de SaintÉtienne et les Dépêches de Dijon). L’annonce
de cette transaction, conclue secrètement le
30 décembre, provoque un tollé général.
Par cette opération, Robert Hersant se met
en infraction avec la loi du 23 octobre 1984,
qui limite la concentration des entreprises de
presse à 10 p. 100 de la diffusion nationale et
à 10 p. 100 de la diffusion régionale, et oblige
les futurs acheteurs ou vendeurs à en informer la Commission pour la transparence et
le pluralisme de la presse.
Député de l’Oise de 1956 à 1978, puis à
nouveau en 1986, Robert Hersant siège au
Parlement européen depuis 1984. Il a constitué son empire en lançant, en 1950, l’AutoJournal. En créant de nouvelles publications
(l’Ami des jardins, Oise-Matin) ou en rachetant des titres en difficulté (l’Aurore ou le
Figaro) il est aujourd’hui à la tête de cinq sociétés, qui contrôlent 16 quotidiens français
(le Figaro, France-Soir, le Dauphiné libéré,
Paris-Normandie, Paris-Turf, Nord-Éclair,
Presse-Océan, Nord-Matin, France-Antilles,
le Havre libre, Loire-Matin-la Dépêche, le
Journal Rhône-Alpes, l’Éclair de Nantes,
Havre-Presse, Centre Presse-Poitiers, la Liberté du Morbihan) et 4 journaux belges (le
Rappel, l’Écho du Centre, le Journal de Mons,
et la Province). Ce sont donc 38 p. 100 de
l’ensemble de la presse quotidienne nationale
et, avec le Progrès et l’Union, racheté par son
fils Philippe, 26,4 p. 100 de celle de province
qui sont administrées par son groupe. Il faut
y ajouter une vingtaine de périodiques représentant une diffusion totale de 3 millions
d’exemplaires.
Directeur de la publication du Figaro depuis
1975, il y introduit des techniques modernes
(photocomposition, offset) et la diffusion au
moyen du fac-similé. L’impression est assurée par un réseau de neuf imprimeries. Outre
la presse écrite, ses ramifications s’étendent
sur la publicité (l’agence Publiprint) et sur
l’audiovisuel (l’Agence française de communication, qui contrôle une trentaine de radios
locales).
Samedi 4
IRLANDE DU NORD
Troubles.
À Belfast, 2 000 personnes manifestent
contre l’accord anglo-irlandais sur l’Ulster. Vingt policiers et plusieurs civils sont
blessés.
Dimanche 5
BANGLADESH
Troubles.
À Dacca, quatre personnes sont blessées
au cours d’affrontements avec les forces de
l’ordre, tandis qu’une grève, déclenchée le
22 décembre par les fonctionnaires, ingénieurs, médecins et agriculteurs, paralyse
le pays. Le travail reprend le 6.
PAKISTAN
Opposition.
À Rawalpindi, près de 3 000 opposants au
régime manifestent sans incident, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance d’Ali
Bhutto. D’autres rassemblements ont lieu
dans tout le pays.
downloadModeText.vue.download 4 sur 502
CHRONOLOGIE
3
Lundi 6
FRANCE
Conflits sociaux.
Une grève de 24 heures est observée par les
contrôleurs aériens. Seul, le service minimal
est assuré, conformément à la loi du 31 décembre 1985.
Justice.
Aux assises de l’Essonne, ouverture du
procès de Roger Knobelspiess, qui est accusé d’avoir participé à l’attaque d’un fourgon blindé en 1983. Il est acquitté le 19
(! 19 déc.).
VIÊT!NAM
Relations internationales.
À Hanoi, une délégation américaine entame des négociations sur la question des
1 797 Américains portés disparus pendant
la guerre du Viêt-nam. Un accord entre les
deux pays est conclu le 7.
BOPHUTHATSWANA
Conflits sociaux.
20 000 mineurs de platine sont licenciés pour avoir déclenché une grève le
1er janvier.
LIBERIA
Gouvernement.
Le général Samuel K. Doe, élu le 15 octobre
1985, est investi officiellement dans ses
fonctions de président de la République.
ÉTATS!UNIS
! Viêt-nam
HAÏTI
Troubles.
De violentes manifestations antigouvernementales se déroulent aux Gonaïves, tandis
qu’une grève scolaire s’étend à toute l’île.
Après la fermeture des écoles et des universités et l’annonce par le gouvernement
d’une baisse des produits de première nécessité, le calme semble se rétablir le 8.
Mardi 7
FRANCE
Culture.
Ouverture à Paris du mois du judaïsme.
ÉGYPTE
Troubles.
Après l’annonce du suicide en prison du
policier Soliman Khater, meurtrier de sept
touristes israéliens dans le Sinaï, des manifestations éclatent dans plusieurs villes du
pays.
LIBYE
! États-Unis
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
Le président Reagan annonce la rupture
des échanges économiques et commerciaux avec Tripoli. Tous les citoyens américains doivent quitter la Libye, sous peine de
sanctions. Le lendemain, le gel des avoirs financiers libyens aux États-Unis est décrété
(! 15 et 24).
Mercredi 8
FRANCE
Informatique.
Les trois principales banques de données
juridiques, celle du CEDIJ, Juris-data et Sydoni, sont regroupées et donnent naissance
à Juridial.
downloadModeText.vue.download 5 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
4
Médecine.
Présentation et commercialisation d’un
rein artificiel miniaturisé et portable.
Mode.
Courrèges perd son label de maison de
haute couture française.
BELGIQUE
Justice.
À Bruxelles, l’ancien Premier ministre
Paul Vanden Boeynants comparaît devant
la chambre correctionnelle pour fraude
fiscale.
INDONÉSIE
Justice.
Ancien secrétaire général de l’ASEAN, le
général Dharsono est condamné à dix ans
de prison pour rébellion. Il avait contribué à l’accession au pouvoir du président
Suharto en 1966-67.
AFRIQUE DU SUD
Vie politique.
Lors d’une conférence de presse à Lusaka,
le président du Congrès national africain,
M. Olivier Tambo, annonce l’intensification
de la lutte contre le pouvoir blanc.
Société.
Les écoliers noirs boycottent la rentrée scolaire, pour réclamer l’égalité de
l’enseignement.
Jeudi 9
FRANCE
Société.
Ouverture de la session extraordinaire du
Parlement sur l’aménagement du temps de
travail (! 28).
Presse.
La commission Caillavet, chargée d’étudier le problème du rachat du Progrès par
M. Robert Hersant, statue sur l’infraction à
la loi de 1984 sur la transparence et le plura-
lisme de la presse (! 3, 14, 29).
GRANDE!BRETAGNE
Gouvernement.
Le ministre de la Défense, M. Michael
Heseltine, démissionne. Partisan du rachat
de la société Westland par des constructeurs européens, il s’oppose aux décisions
de Mme Margaret Thatcher et du ministre
de l’Industrie et du Commerce, M. Leon
Brittan, tous deux partisans d’une prise
de participation par la société américaine
Sikorsky (! 17).
POLOGNE
Solidarité.
L’un des principaux dirigeants clandestins
du syndicat, M. Bogdan Borusewicz, est
arrêté à Gdansk.
CHINE
Société.
Création d’une commission chargée de lutter contre la corruption à tous les niveaux
de la hiérarchie politique.
Vendredi 10
À Fès, clôture de la 16e conférence ministérielle de l’Organisation de la conférence islamique (ouverte le 6), qui compte 46 pays
membres après l’admission du Nigeria le
9. Les États participants condamnent les
mesures prises par les États-Unis à l’encontre de la Lybie.
FRANCE
Finances publiques.
Le montant de l’emprunt d’État, lancé le 7,
est porté de 25 à 32 milliards de francs.
downloadModeText.vue.download 6 sur 502
CHRONOLOGIE
5
Outre-mer
! Nouvelle-Calédonie
NOUVELLE!CALÉDONIE
Vie politique.
M. Jean-Marie Tjibaou annonce que le
FLNKS s’abstiendra de voter aux élections
législatives.
Samedi 11
ANTARCTIQUE
Exploration.
Pour la première fois depuis l’expédition
de Scott en 1911-1912, trois Britanniques
atteignent le pôle Sud, après un périple de
1 400 km à ski depuis l’île de Ross.
Dimanche 12
TUNISIE
Syndicats.
Incarcéré depuis le 31 décembre dernier,
M. Habib Achour est réélu à la tête de
l’Union générale des travailleurs tunisiens
(! 13 déc.).
ÉTATS!UNIS
Espace.
Après sept
bia quitte
rit sur la
après deux
conditions
reports de tir la navette ColumCap Canaveral. Le 18, elle atterbase d’Edwards, en Californie,
annulations de retour, dues aux
météorologiques.
Lundi 13
CEE
Parlement.
La première Assemblée européenne élargie
à l’Espagne et au Portugal siège à Strasbourg.
Elle compte dorénavant 518 membres.
FRANCE
Enseignement.
À Châlons-sur-Marne, M. Jack Lang inaugure le Centre international supérieur de
formation aux arts du cirque.
Cinéma.
À Paris, début des manifestations des-
tinées à fêter le cinquantenaire de la
Cinémathèque.
RFA
Terrorisme.
À Hanovre, arrestation d’une des principales militantes de la Fraction Armée rouge,
Annelie Becker, recherchée depuis 1984.
ISRAËL
Géopolitique.
Le gouvernement accepte de demander un
arbitrage international pour résoudre avec
l’Égypte la question de l’enclave de Taba,
dans le Sinaï.
LIBAN
Guerre civile.
Dans la région du Metn et à Beyrouth-Est,
de violents combats opposent les phalangistes aux Forces libanaises de M. Élie
Hobeika, signataire de l’accord de Damas.
Le 14, M. Amine Gemayel refuse d’entériner cet accord, lors d’un onzième sommet
avec le président Assad à Damas. Le 15, Élie
Hobeika, vaincu, est remplacé par M. Samir
Geagea à la tête des Forces libanaises.
YÉMEN DU SUD
Guerre civile.
À Aden, une rébellion est déclenchée par
l’ancien président Abdel Fattah Ismail, à l’issue de laquelle il trouve la mort, qui n’est officiellement annoncée que 3 semaines plus
tard. De violents combats à l’arme lourde
downloadModeText.vue.download 7 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
6
nécessitent l’évacuation des ressortissants
étrangers à partir du 16 (! 24).
Mardi 14
FRANCE
Presse.
M. Paul Paclot est nommé mandataire de
justice auprès de Robert Hersant par le tribunal de commerce de Paris. Il est chargé
d’assister aux réunions du conseil d’administration et aux assemblées générales du
Progrès. Le 17, le parquet décide de faire
appel (! 3, 9, 29).
Énergie nucléaire.
Le surgénérateur Superphénix est connecté
au réseau EDF.
Sport automobile.
L’organisateur du rallye Paris-Dakar,
Thierry Sabine, se tue dans un accident
d’hélicoptère près de Gourma Rharous
au Mali. Quatre autres personnes, dont
le chanteur Daniel Balavoine, trouvent la
mort dans l’explosion de l’appareil.
GUATEMALA
Gouvernement.
Premier chef de l’État élu démocratiquement après 30 ans de pouvoir militaire,
M. Vinicio Cerezo est investi officiellement
dans ses fonctions.
Mercredi 15
FRANCE
Justice.
La cour d’appel de Paris condamne les journaux Libération, le Matin, le Canard enchaîné, les éditions Albin Michel et Michel
Polac à des dommages et intérêts pour propos diffamatoires envers M. Le Pen, accusé
d’avoir pratiqué la torture pendant la guerre
d’Algérie.
Télévision.
La Mairie de Paris s’oppose au projet d’installation des émetteurs de la 5e chaîne sur
la tour Eiffel. Sur ordre du préfet de police,
les travaux commencent le 21 (! 17 et 20).
URSS
Relations internationales
! Japon
Désarmement.
À Moscou, M. Gorbatchev présente un plan
dont l’objectif est de faire disparaître toutes
les armes nucléaires de la planète avant la
fin du siècle. Cette proposition est accueillie
favorablement par M. Reagan. Le 18, le chef
de l’état-major soviétique, M. Akhromeev,
précise les modalités d’exécution du projet
et se déclare notamment prêt à détruire les
missiles SS 20 stationnés en Europe.
JAPON
Relations internationales.
Le ministre soviétique des Affaires étrangères, M. Édouard Chevardnadze, se rend
à Tokyo pour une visite officielle de quatre
jours. Le 19, un communiqué commun fait
état d’une reprise des discussions à propos
du désaccord territorial sur les îles Kouriles
et de la conclusion possible d’un traité de
paix.
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
À Washington, le secrétaire d’État George
Shultz incite fermement les alliés européens à se joindre aux mesures de rétorsion
américaines contre la Libye (! 7).
Jeudi 16
CEE
À Strasbourg, les députés européens
adoptent la résolution de Luxembourg
concernant le projet de réforme du traité de
Rome. Celui-ci est rejeté les 21 et 28 par le
Parlement danois.
downloadModeText.vue.download 8 sur 502
CHRONOLOGIE
7
FRANCE
Partis politiques.
MM. Chirac et Lecanuet signent la plateforme commune RPR-UDF pour gouverner ensemble.
Théâtre.
L’un des auteurs dramatiques les plus joués
en URSS, Edvard Radzinski, présente à
Paris, au Petit Odéon, sa pièce Comédienne
d’un certain âge pour jouer la femme de
Dostoïevski.
ITALIE
Catholicisme.
Le Parlement adopte le projet de réforme de
l’enseignement catholique dans les établissements scolaires. Les heures de religion,
obligatoires depuis les accords de Latran,
deviennent facultatives.
AFRIQUE
Coopération internationale.
Création à Djibouti de l’Autorité intergouvernementale contre la sécheresse et
pour le développement en Afrique de l’Est
(IGADD). Cette nouvelle organisation interafricaine réunit six États (Djibouti, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan).
ALGÉRIE
Politique intérieure.
98,37 p. 100 des votants adoptent, par référendum, le texte de la nouvelle Charte
nationale, source de la politique et des lois.
L’islam y occupe une place privilégiée.
SALVADOR
Guérilla.
Pour protester contre les mesures économiques prises par le gouvernement, le
FMLN bloque les axes routiers. Dans certaines régions, la circulation est paralysée à
90 p. 100.
Vendredi 17
FRANCE
Vie politique.
M. Mitterrand intervient dans la campagne électorale et préside un rassemblement socialiste au Grand-Quevilly, en
Seine-Maritime.
Académie française.
Élu le 18 avril 1985 au fauteuil de Pierre
Emmanuel, le professeur Jean Hamburger
est reçu sous la coupole par le professeur
Jean Bernard.
Télévision.
Signature du nouveau contrat de concession de la 5e chaîne, par Georges Fillioud et
Jérôme Seydoux. Malgré l’avis de la Haute
Autorité, rendu le 16, le texte n’est que très
légèrement modifié par rapport au précédent. Les professionnels du cinéma et
du théâtre déposent un recours devant le
Conseil d’État (! 15 et 20).
ESPAGNE
Relations internationales.
En établissant des relations diplomatiques
avec Tel-Aviv, le gouvernement de Madrid
reconnaît Israël. Le 19, le Premier ministre
espagnol, M. Felipe Gonzalez, rencontre
M. Shimon Peres à La Haye.
GRANDE!BRETAGNE
Affaire Westland.
Réunis au Royal Albert Hall à Londres, les
actionnaires votent contre la proposition
de rachat par Sikorsky. La veille, le Parlement européen s’était montré favorable à
une solution européenne (! 9).
downloadModeText.vue.download 9 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
8
ISRAËL
! Espagne
Samedi 18
FRANCE
Outre-mer.
M. Régis Debray est nommé secrétaire
général du Conseil du Pacifique Sud, organisme créé en 1985 pour coordonner l’activité stratégique et culturelle de la France
dans cette région.
GUATEMALA
Catastrophe aérienne.
Une caravelle de la compagnie guatémaltèque s’écrase dans la jungle près de San
Elena ; les 93 occupants de l’appareil sont
tués.
Dimanche 19
SPORT
Tennis.
À New York, Yvan Lendl remporte le Masters en battant l’Allemand Boris Becker en
trois sets.
CEE
! Israël
URSS
! Corée du Nord
ISRAËL
Relations internationales.
M. Shimon Peres arrive aux Pays-Bas, première étape d’un voyage officiel de douze
jours en Europe, qui le conduit ensuite à
Londres (le 24) et à Bonn (le 26). Le Premier ministre israélien plaide pour un renforcement de la coopération économique et
commerciale de son pays avec la CEE.
AFGHANISTAN
Guerre.
L’Union soviétique lance une offensive
contre les bases de la résistance situées près
de la frontière pakistanaise.
CORÉE DU NORD
Relations internationales.
Arrivée à Pyongyang de M. Chevardnadze,
ministre des Affaires étrangères de l’URSS,
qui effectue une visite officielle de quatre
jours. Le 20, il lance un appel à une normalisation des relations sino-soviétiques.
Lundi 20
Pétrole.
Conséquence de la politique pétrolière
de la Grande-Bretagne, les cours du brut
tombent au-dessous de 20 dollars le baril
et atteignent leur niveau le plus bas depuis
1979. Les pays de l’OPEP se déclarent prêts
à laisser chuter les prix jusqu’à 13 dollars,
si les pays producteurs de la mer du Nord
refusent de limiter leur production.
MANCHE
Le tunnel :
première Manche
Le 20 janvier, Mme Thatcher et M. Mitterrand annoncent leur décision de relier la
France et la Grande-Bretagne par un double
tunnel ferroviaire. Le projet, élaboré par
le consortium franco-britannique FranceManche/Channel Tunnel Group, consiste en
un double tunnel de 50 kilomètres de long,
foré dans la craie à 40 mètres au-dessous du
niveau de la mer. Des navettes ferroviaires de
800 mètres de long, partant toutes les 3 minutes, traverseront la Manche en 30 minutes
downloadModeText.vue.download 10 sur 502
CHRONOLOGIE
9
de Sangatte, près de Calais, à Cheriton, près
de Folkestone. Le débit prévu est de 4 000 véhicules à l’heure dans chaque sens.
Après la ratification du traité par les Parlements des deux pays, les travaux devraient
commencer en 1987. L’ensemble, mis en service en 1993, doit être complété par un lien
routier, après l’an 2000.
La nouvelle, accueillie favorablement par les
milieux politiques britanniques, est l’aboutissement de deux siècles de polémiques et
d’études pour établir une liaison fixe à travers la Manche.
FRANCE
Télévision.
MM. Seydoux et Berlusconi présentent la
grille des programmes de la 5e chaîne (! 15
et 17).
Opéra.
À Paris, au Palais Garnier, première de la
Traviata de Verdi, décorée et mise en scène
par Franco Zeffirelli.
LESOTHO
Afrique australe :
Lesotho mouvant
Le 15 janvier, la capitale du Lesotho, Maseratu, est le théâtre de mouvements de troupes
et de rumeurs de coup d’État, démenties par
le gouvernement quelques jours plus tard. Le
17, une mutinerie, déclenchée par le colonel
Sehlabo, échoue (5 morts) et 30 soldats rebelles sont arrêtés. Dans la nuit du 19 au 20,
le général Justin Lekhanya, chef de la Force
paramilitaire, renverse Leabua Jonathan :
Premier ministre depuis 1963, celui-ci cumulait tous les pouvoirs, après avoir déposé le
roi Moshoeshoe II en 1970. Le 22, un Conseil
militaire, présidé à partir du 24 par Justin
Lekhanya, confie les pouvoirs exécutif et législatif au roi Moshoeshoe II.
État montagnard de 30 355 km 2, le Lesotho
est totalement enclavé à l’intérieur de la république d’Afrique du Sud, dont il dépend à
97 p. 100 pour ses importations. Or Pretoria impose, depuis le 1er janvier, un blocus
économique, en représailles contre le soutien
apporté par le gouvernement aux militants
sud-africains de l’ANC. Cette affaire est à
l’origine des divisions apparues au sein du
parti national Basotho au pouvoir et notamment entre la Force paramilitaire du général Lekhanya, favorable à une entente avec
l’Afrique du Sud, et la Ligue de la jeunesse,
plus radicale et partisane d’un rapprochement avec les pays communistes. Le changement de gouvernement est accueilli favorablement par l’opposition et par l’Afrique
du Sud, où une délégation est envoyée le
21. Après l’expulsion des réfugiés de l’ANC,
Pretoria lève le blocus économique le 25.
Mercredi 22
À Paris, ouverture du neuvième festival
mondial du cirque de demain, qui confronte
de jeunes artistes venus de 21 pays.
FRANCE
Enseignement.
M. Roger Fauroux, ancien P-DG de SaintGobain, succède à Simon Nora à la tête de
l’ENA.
Jeudi 23
IRLANDE DU NORD
Partis politiques.
Les protestants unionistes enregistrent une
baisse de 1,2 p. 100 des voix aux législatives
partielles, provoquées par la démission des
downloadModeText.vue.download 11 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
10
15 députés hostiles à l’accord anglo-irlandais du 15 novembre 1985.
AFRIQUE DU SUD
Troubles.
Au sud de Durban, de violents combats opposent Zoulous et Pondos. Le bilan des affrontements s’élève à 42 morts et 10 000 habitations détruites.
Vendredi 24
ESPACE
Les secrets d’Uranus
Voyager II, qui a quitté Cap Canaveral le
20 août 1977, atteint Uranus le 24 janvier
après un voyage de 2,9 milliards de kilomètres et deux précédents rendez-vous avec
Jupiter et Saturne en 1979 et 1981. Avant de
poursuivre sa course vers Neptune, qu’elle
atteindra le 25 août 1989, la sonde spatiale
prend près de 2 000 photos et des milliers de
mesures, dont certaines sont immédiatement
transmises à la Terre.
Les premières informations révèlent l’existence de 10 nouveaux satellites, tous très petits (entre 15 et 130 km de diamètre) et assez
proches de la planète. Les clichés rapprochés
des 5 « lunes » déjà connues dévoilent des détails insoupçonnés, traces d’une importante
activité géologique, peut-être même volcanique : cratères et montagne de 6 000 mètres
sur Oberon, faille gigantesque sur Miranda,
dépôts brillants et énorme vallée de 1 000 kilomètres de long et 100 kilomètres de large
sur Titania...
D’heure en heure, Uranus divulgue ses secrets : présence d’un dixième anneau, existence d’un champ magnétique égal au tiers
de celui de la Terre. Demeurent cependant
de nombreuses énigmes (composition précise
de l’atmosphère, nature de la surface baignée
dans une brume opaque), que les astrophysiciens vont tenter d’élucider, grâce à l’analyse des renseignements stockés à bord de
Voyager II, qui seront transmis peu à peu au
Jet Propulsion Laboratory de Pasadena, en
Californie.
MÉDITERRANÉE
La VIe flotte américaine effectue des manoeuvres aéronavales dans le golfe de Syrte,
au large des côtes libyennes (jusqu’au 30).
Le colonel Kadhafi qualifie l’opération
d’agression (! 7, 15 et 27).
SPORT
Automobile.
Henri Toivonen remporte le rallye de
Monte-Carlo sur Lancia.
YÉMEN DU SUD
Guerre civile.
Après dix jours de combats, qui ont fait plus
de 10 000 morts, Ali Nasser Mohamed est
déchu de ses fonctions de président de la
République et remplacé par l’ancien Premier ministre Haydar Abou Bakr el-Attas
(! 13).
ÉTATS!UNIS ET LIBYE
! Méditerranée
ARGENTINE
Conflits sociaux.
Succès de la grève générale de protestation contre la politique économique du
gouvernement.
Samedi 25
Religion.
Lors de la clôture, à Rome, de la semaine
universelle de prières pour l’unité des chrétiens, le pape Jean-Paul II invite les chefs de
downloadModeText.vue.download 12 sur 502
CHRONOLOGIE
11
toutes les religions à se réunir à Assise pour
prier pour la paix (! 27 oct.).
FRANCE
Justice.
La cour d’assises du Tarn-et-Garonne
condamne à la détention à perpétuité deux
des candidats légionnaires, meurtriers d’un
Algérien dans le train Bordeaux-Vintimille
en 1983.
OUGANDA
Guerre civile.
Les troupes rebelles de l’Armée nationale
de résistance prennent le contrôle de la
capitale. Le 29, M. Yoweri Museveni devient
président de la République. Les partisans
du général Okello se regroupent dans le
nord du pays.
Dimanche 26
FRANCE
Solidarité.
Coluche réunit sur le plateau de TF 1 diverses personnalités politiques pour soutenir son opération les Restaurants du coeur.
Plus de 20 millions de francs sont collectés.
PORTUGAL
Élections.
Au premier tour des présidentielles, le
candidat conservateur, M. Freitas do Amoral, remporte 46,8 p. 100 des voix, contre
25,5 p. 100 à Mario Soares.
INDE
Troubles.
Au Pendjab, les extrémistes sikhs reprennent
le contrôle du Temple d’or d’Amritsar. Le
19, une fusillade à l’intérieur du bâtiment,
entre sikhs modérés et indépendantistes,
avait provoqué l’intervention de la police.
Lundi 27
AID
Tiers monde.
À Paris, réunion de 33 pays donateurs de
l’Association internationale de développement (AID) pour débattre des problèmes
posés par l’aide aux pays les plus défavorisés.
CEE
Politique extérieure.
Malgré les exhortations du secrétaire d’État
adjoint M. Whitehead, en tournée dans
les capitales européennes, les ministres
des Affaires étrangères de la CEE, réunis à
Bruxelles, refusent de s’associer aux Américains dans les sanctions contre la Libye
(! 7, 15 et 24).
FRANCE
Prix.
Le rapport mensuel de l’INSEE indique que
les prix du commerce de détail ont augmenté de 0,1 p. 100 en décembre, soit un
taux d’inflation de 4,7 p. 100 pour l’année
1985.
GRANDE!BRETAGNE
Presse.
Licenciement de 5 500 imprimeurs du
groupe News International, dirigé par
Rupert Murdoch. Ceux-ci s’étaient mis en
grève le 24, pour protester contre le transfert de l’impression des journaux du groupe
(The Times, The Sun, The Sunday Times,
News of the World) de Fleet Street à Wapping, dans la banlieue londonienne.
INDE
Administration.
Plusieurs personnalités politiques sont
impliquées dans une affaire d’espionnage.
Deux ministres et un haut fonctionnaire
sont contraints de démissionner.
downloadModeText.vue.download 13 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
12
Mardi 28
CEE
! Égypte
FRANCE
Société.
Examen en séance publique au Sénat des
amendements au projet de loi sur l’aménagement du temps de travail. Vive opposition du parti communiste.
Télévision.
M. Fillioud annonce la naissance de la
6e chaîne musicale, dont la concession est
accordée à un consortium formé de Publicis, de Gaumont, de radio NRJ et de M. Gilbert Gross.
Mode.
M. Mitterrand inaugure le musée des
Arts de la mode au pavillon de Marsan du
Louvre.
Espagne.
À Melilla, l’une des deux enclaves espagnoles du Maroc, de violents affrontements
opposent les membres de la communauté
musulmane aux forces de l’ordre ; 17 personnes sont blessées. Les musulmans, souvent considérés comme apatrides, manifestent pour l’obtention immédiate de la
nationalité espagnole pour les natifs de la
ville.
ÉGYPTE
Relations internationales.
En prononçant un discours devant les parlementaires européens à Strasbourg, le président Moubarak demande le soutien actif
de l’Europe pour que soit organisée une
conférence internationale sur le ProcheOrient. Poursuivant son voyage à Paris le
29, puis à Bonn le 30, il insiste sur la nécessité d’une relance du processus de paix.
ÉTATS!UNIS
Espace.
La navette spatiale Challenger explose en
vol, 75 secondes après le décollage. Les sept
astronautes, dont une enseignante, sont
tués.
Mercredi 29
FRANCE
Patrimoine.
M. Chirac signe un arrêté municipal demandant l’interruption des travaux du
sculpteur Daniel Buren dans la cour du
Palais-Royal.
Paris :
260 colonnes
à la une
– juin 1985 : le ministre de la Culture,
M. Jack Long, passe commande à M. Daniel
Buren d’un ensemble de colonnes tronquées
de hauteurs diverses, striées de noir et blanc,
destinées à la cour d’honneur XVIIIe siècle du
Palais-Royal.
– 7 octobre : la commission des Monuments
historiques, organisme consultatif, oppose
son veto. Le ministre passe outre.
– novembre : début des travaux, alors qu’aucune déclaration n’a été déposée à la Mairie
de Paris, qui seule aurait dû donner l’autorisation de construire. Le Figaro, une association de riverains et de nombreux responsables de la défense du patrimoine mènent
campagne pour l’arrêt des travaux.
– 20 février : le tribunal administratif de
Paris ordonne l’arrêt des travaux, pour violation du code de l’urbanisme.
downloadModeText.vue.download 14 sur 502
CHRONOLOGIE
13
– 12 mars : le Conseil d’État confirme la décision du tribunal administratif.
– fin mars et avril : dans la presse, partisans
et adversaires du projet opposent le droit
moral de l’artiste à celui des créateurs de la
cour d’honneur et plus généralement au respect du patrimoine national. L’Institut prie
le ministre de la Culture du nouveau gouvernement, M. François Léotard, de déplacer
l’oeuvre. Daniel Buren attaque le ministre en
référé.
– 5 mai : François Léotard décide l’achèvement des travaux.
Presse.
Le garde des sceaux, M. Badinter, demande
au Parlement la levée de l’immunité parlementaire de M. Hersant (! 3, 9 et 14).
PAKISTAN
Opposition.
À Lahore, plus de 70 000 personnes manifestent pour réclamer de nouvelles élections.
C’est le plus important rassemblement d’opposition depuis la levée de la loi martiale, le
31 décembre.
Jeudi 30
SPORT
Course à pied.
Parti d’Alger le 7 mai 1985 en compagnie
d’autres coureurs, le Français Gérard Vacher arrive à Abidjan après 5 000 km de
course à travers l’Afrique.
FRANCE
Édition.
Réflexions sur la politique extérieure de
la France de M. François Mitterrand, qui
paraît chez Fayard, réunit ses principaux
discours ainsi qu’une mise au point sur son
action diplomatique.
Syndicats.
La CGT organise une journée nationale
d’action contre le projet de loi sur l’aménagement du temps de travail. À Paris, un défilé rassemble de 10 000 à 12 000 personnes.
ESPAGNE
Monarchie.
Le prince Felipe, âgé de 18 ans, prête serment devant les Cortès de respecter la
Constitution et devient officiellement héritier du trône.
ANGOLA
! États-Unis
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
Le chef du mouvement de guérilla angolais
UNITA, M. Jonas Savimbi, est reçu par le
président Reagan. Celui-ci promet d’apporter une aide à son organisation.
Vendredi 31
GRANDE!BRETAGNE
Emploi.
Hausse record du chômage en janvier, qui
touche actuellement 14,1 p. 100 de la population active.
AFRIQUE DU SUD
Société.
Au Cap, le président Pieter Botha annonce
un assouplissement de la politique de
l’apartheid et la suppression prochaine des
laissez-passer pour les Noirs.
HAÏTI
Troubles.
Après les violentes émeutes antigouvernementales qui se déroulent dans l’île depuis
le 26, M. Jean-Claude Duvalier décrète
l’état de siège. Le même jour, la MaisonBlanche annonce à tort la chute du régime.
downloadModeText.vue.download 15 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
14
Le mois de Bernard
Kouchner
Guerres et sourires de princesses, attentats
et rentrée littéraire, famines et petites phrases
politiciennes, conflits sociaux et tournois de
tennis : Européens gavés de détails, de titres à
la une, bourrés de fausses grandes nouvelles
et de « science » de la communication, nous
n’avons plus de mémoire. Les informations
nous dévorent, cris aux oreilles, poudre aux
yeux. On regarde, on oublie. On lit, on jette.
Que reste-t-il des tonnes de papier abandonnées aux trains, aux poubelles ? Cela s’appelle une civilisation de consommation. Où
est l’essentiel qui doit s’installer dans notre
paysage mental, dans notre bibliothèque, qui
doit témoigner les jours de notre vie et de
celles des autres ? Ici, peut-être. J’ai feuilleté
cet éphéméride de janvier 1986, ce mois si
proche encore en ce début de fin d’année. J’y
ai trouvé des souvenirs caducs, des ombres,
des rires et des angoisses disparus trop vite...
Vous souvenez-vous de la guerre entre deux
fractions marxistes, soutenues par Moscou,
au Yémen du Sud, qui fit 10 000 morts ? Et
cet accident d’hélicoptère, au cours du ParisDakar, qui provoqua la mort de Thierry
Sabine, Daniel Balavoine et François Xavier
Baniou et fit pleurer la France de l’aventure
et du romantisme ? Pour la première fois depuis plus de vingt ans, le Guatemala, un pays
parmi les plus violents du monde, bénéficiait
d’un gouvernement élu sans mitraillettes.
Vous avez encore dans l’oeil cette terrifiante
image en forme de scorpion : la navette
Challenger qui explosa en vol, tuant ses
sept astronautes et crevant le coeur de tous
les Américains. C’était également en janvier
1986 et, le dernier jour de ce mois-là, JeanClaude Duvalier annonçait l’état de siège en
Haïti.
Ce calendrier est riche, aussi, en négatif, des
événements cachés, de ceux qu’on a écartés
et que, sans une recherche spéciale, nous ne
retrouverons plus. L’actualité impose une
curieuse alchimie d’informations avérées et
d’événements masqués. Puisque décidément
on ne peut pas tout dire, chaque homme de
communication choisit d’éclairer ou de laisser
dans l’ombre. Sa responsabilité est immense.
On gagne ou on perd les guerres à la télévision. Les Sabra et les Chatila se suivent sans
se ressembler. En 1984, les chrétiens du Liban
massacrèrent des Palestiniens sous l’oeil des
caméras du monde entier et en particulier
des télévisions israéliennes. C’est là que Jérusalem perdit la guerre du Liban. Deux ans
après, Les Arabes chiites prenaient d’assaut
les mêmes camps et tuaient trois fois plus
d’Arabes palestiniens. Mais ils avaient compris la leçon : les journalistes n’eurent pas
droit au témoignage et donc l’opinion publique ne s’enflamma pas. Guerre propre et
feutrée contre guerre sale et tapageuse : à ce
jeu, les mouvements démocratiques se feront
rarement entendre. Le malheur n’existe que
télévisé. Pas d’images, pas d’événements.
André Glucksmann et Thierry Wolton, dans
Silence on tue, affirment que nous sommes
« entrés en religion cathodique ».
Relisez l’histoire de ce mois de janvier que
nous avons vécu, et oublié. D’autres événements vous reviendront en tête : les vôtres. La
vraie mémoire reste sélective et sentimentale.
BERNARD KOUCHNER
FONDATEUR DE MÉDECINS SANS FRONTIÈRES
PRÉSIDENT DE MÉDECINS DU MONDE
downloadModeText.vue.download 16 sur 502
CHRONOLOGIE
15
Février
Samedi 1er
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II arrive à New Delhi,
première étape du voyage qui, en dix jours,
lui fera parcourir 15 000 km dans le souscontinent indien. Le 2, il rencontre le dalaïlama ; le 3, mère Teresa et les pauvres de
Calcutta ; le 7, il se rend au Kerala, « terre
des trois églises ».
FRANCE
Espionnage.
Après l’arrestation, le 24 janvier, de Bernard Sourisseau, sous-officier de l’armée de
l’air à la retraite, inculpé d’espionnage des
sous-marins atomiques français au profit
de l’URSS, quatre diplomates soviétiques
sont expulsés de France. Le 3, en représailles, l’URSS demande le départ de quatre
Français en poste à l’ambassade de France
à Moscou.
Photographie.
Inauguration de l’École nationale de la
photographie d’Arles.
SUÈDE
Alva Myrdal, prix Nobel de la paix 1982,
meurt à Stockholm, à l’âge de 84 ans.
URSS
! France
Dimanche 2
LIECHTENSTEIN
Élections législatives.
À l’issue d’un scrutin auquel les femmes participaient pour la première fois, l’Union patriotique conserve la majorité au Parlement.
URSS
! Iran
IRAN
Relations internationales.
Pour la première fois depuis la chute du
chah, un vice-ministre soviétique des Affaires étrangères se rend à Téhéran. L’URSS
cherche à améliorer ses relations avec l’Iran.
ÉTATS!UNIS
Espace.
Selon les experts de la NASA, l’explosion
de la navette Challenger, le 28 janvier, serait
due à la rupture d’un joint de caoutchouc
synthétique dans l’une des deux fusées
auxiliaires de décollage ; une flamme sortie
de cette fissure aurait ensuite mis le feu au
réservoir d’hydrogène liquide.
COSTA RICA
Vie politique.
En obtenant 53,3 p. 100 des suffrages exprimés, M. Oscar Arias, représentant le Parti
de libération nationale (social-démocrate)
au pouvoir, remporte les élections présidentielles et succède ainsi à M. Luis-Alberto
Monge.
Lundi 3
FRANCE
Terrorisme.
À Paris, explosion criminelle à la galerie
Claridge des Champs-Élysées (7 blessés)
et attentat manqué au troisième étage de la
tour Eiffel.
Criminalité.
Assassinat d’une vieille dame, Virginie Labrette, dans le 12e arrondissement de Paris,
peut-être la victime du tueur du 18e arrondissement. Il s’agit du septième crime de
downloadModeText.vue.download 17 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
16
ce genre depuis un mois et demi, et du seizième depuis 1984.
Musique.
L’Orchestre national de jazz, créé à l’initiative du ministre de la Culture, donne son
premier concert au Théâtre des ChampsÉlysées de Paris.
VIÊT!NAM
Économie.
Le sixième congrès du parti communiste
est reporté de plusieurs mois, tandis que
l’échec de la nouvelle politique des prix et
des salaires suscite un vif mécontentement
dans la population.
ÉQUATEUR
Économie.
Le pays est choisi par les États-Unis pour
tester le plan Baker, destiné à réamorcer la croissance d’une quinzaine de pays
surendettés.
Mardi 4
FRANCE
Terrorisme.
Explosion criminelle à la librairie Gibert
jeune, à Paris (3 blessés). Selon les enquêteurs, cet attentat, comme ceux de la veille,
serait d’origine proche-orientale et lié à l’affaire des otages français détenus au Liban.
ISRAËL
Défense.
L’interception par la chasse israélienne d’un
avion civil libyen soupçonné de transporter
des personnalités palestiniennes au-dessus
de la Méditerranée suscite la réprobation
internationale.
ÉTATS!UNIS
Économie.
Au cours du discours sur l’état de l’Union,
le président Reagan précise son adhésion
au projet d’établissement d’une conférence
monétaire internationale soucieuse de stabiliser les taux de change à des niveaux
« compatibles avec le développement des
échanges commerciaux ». Le 5, M. Reagan
présente le projet de budget pour 1987, qui
prévoit de ramener de 200 à 144 milliards
de dollars le déficit actuel.
Espace.
M. Ronald Reagan annonce solennellement que la NASA va entreprendre la mise
au point d’un appareil « trans-atmosphérique », capable de voler à 25 000 km/h,
dont le premier vol commercial est prévu
pour la fin des années 1990.
CUBA
Politique intérieure.
Le troisième congrès du Parti communiste
cubain s’ouvre avec deux mois de retard sur
la date prévue. M. Fidel Castro est réélu
premier secrétaire et le bureau politique est
largement remanié.
Mercredi 5
Environnement.
La conférence Silva, sur la forêt, qui se tient
à Paris jusqu’au 7, réunit chefs d’État et personnalités politiques de tous pays. La déforestation en zone sahélienne et le dépérissement des forêts européennes sont à l’ordre
du jour.
FRANCE
Relations internationales.
Le président du Burkina Faso, le capitaine
Thomas Sankara, arrivé la veille en France
pour une visite officielle de vingt-quatre
heures, s’entretient à l’Élysée avec le président Mitterrand.
Terrorisme.
Dans le magasin FNAC-sports du Forum
des Halles, 9 personnes sont blessées par
l’explosion d’une bombe. En trois jours, c’est
downloadModeText.vue.download 18 sur 502
CHRONOLOGIE
17
le quatrième attentat de ce genre qui se produit à Paris.
Justice.
Deux terroristes palestiniens du groupe
Abou Nidal, Assad Kayed et Husni Atem,
sont libérés et expulsés après avoir bénéficié de remise de la moitié de leur peine.
BURKINA FASO
! France
Jeudi 6
FRANCE
Anniversaires.
Coup d’envoi des célébrations du centenaire de la statue de la Liberté.
ESPAGNE
Terrorisme.
Le vice-amiral Cristobal Colon de Carvajal,
âgé de 60 ans, est assassiné à Madrid, vraisemblablement par un commando de l’ETA
militaire.
AFRIQUE DU SUD
Société.
Le ministre des Affaires étrangères, M. Pik
Botha, déclare à la presse qu’il ne verrait aucun inconvénient à siéger aux côtés de ministres noirs dans un futur gouvernement.
Vendredi 7
FRANCE
Médecine.
Créée par M. Edmond Hervé en août 1983,
la commission nationale des cancers, dirigée par le professeur Yves Cachin, remet
au gouvernement son rapport sur « la lutte
contre le cancer en France » qui insiste sur
le rôle joué par le tabac ainsi que sur l’importance de la prévention.
PHILIPPINES
Exit Marcos
L’élection présidentielle du 7 février, marquée par une participation massive, se
déroule dans un climat de violence meurtrière et de fraude importante. La première,
Mme Corazon Aquino revendique la victoire,
mais, dès le 10, le président Ferdinand Marcos déclare que son parti obtient la majorité
absolue. Le président Reagan dépêche à Manille un négociateur, M. Philip Habib, dans
l’espoir de trouver une formule de compromis,
que les partisans de Mme Aquino rejettent a
priori. Le 14, la conférence épiscopale philippine désavoue le régime de M. Marcos et
appelle à la « résistance non violente ». Le
lendemain, l’Assemblée nationale, contrôlée
par M. Marcos, proclame officiellement la
victoire de celui-ci. L’opposition, entendue
par un million de personnes, appelle le 16 à
la « désobéissance civile ». Démissionnant
de leurs fonctions, le ministre de la Défense,
M. Juan Ponce Enrile, et le général Fidel
Ramos, chef d’état-major adjoint des armées,
se rallient à Mme Aquino et forment, avec ses
partisans, une armée d’insurrection, soutenue par les États-Unis. Le 25, Mme Aquino
prête serment et forme un gouvernement
dirigé par M. Salvador Laurel, nommé viceprésident et ministre des Affaires étrangères.
Isolé dans le palais présidentiel Malacanang
assiégé par la foule, M. Marcos prête également serment, avant d’accepter de démissionner dans la soirée ; accueilli à Honolulu
avec sa famille, il obtient l’asile politique des
États-Unis. Tandis que le palais présidentiel
est pillé par la foule, Mme Aquino lance aux
insurgés un appel au cessez-le-feu et annonce
downloadModeText.vue.download 19 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
18
une amnistie générale pour tous les prisonniers politiques.
HAÏTI
La fin des Duvalier
Le président à vie Jean-Claude Duvalier,
« Baby Doc », est contraint de quitter l’île
sur laquelle il règne depuis 1971. Après les
manifestations antigouvernementales des
27-29 janvier, paroxysme d’une agitation
permanente depuis 1985 dans un pays écrasé
par la misère (PIB de 200 dollars par hab.),
analphabète à 90 p. 100 et soumis à un régime de tortures et d’exécutions sommaires,
après l’ultimatum de Washington, décidant
de bloquer la moitié de son aide économique
à Haïti, Jean-Claude Duvalier et sa famille
s’envolent le 7 février vers la France, à bord
d’un avion de l’armée américaine. La France
a accepté de recevoir la famille présidentielle
« afin de faciliter la transition démocratique
en Haïti ». À Port-au-Prince, des scènes
de pillage et de lynchage des « tontons macoutes » ont suivi le départ du chef de l’État,
tandis qu’un conseil national de gouvernement est mis en place par le général Henri
Namphy. Le nouveau gouvernement est
formé le 10, constitué, pour une bonne part,
de ministres du régime déchu. En résidence
à Talloires (Haute-Savoie), Jean-Claude Duvalier, qui n’a obtenu aucun accord des pays
sollicités pour un éventuel accueil, le Liberia, la Suisse, la Grèce, et qui a fait l’objet
d’une demande française d’extradition le 27,
réclame le statut de réfugié politique.
PÉROU
Guérilla.
Après la vague d’attentats commis à Lima,
depuis le 4, par les guérilleros du Sentier
lumineux, le président Alan Garcia décrète
l’état d’urgence.
Samedi 8
YÉMEN DU SUD
Gouvernement.
M. Haydar Abou Bakr el-Attas, président
par intérim depuis le 24 janvier, est nommé
président de la République démocratique
et populaire du Yémen par l’Assemblée du
peuple (Parlement).
Dimanche 9
LIBAN
Terrorisme.
Assassinat à Tripoli du chef musulman intégriste Khalil al-Kaoul.
Lundi 10
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II achève son voyage
en Inde en s’arrêtant à Bombay. Ce séjour
a été pour le souverain pontife l’occasion
d’exhorter à l’unité les croyants comme les
citoyens.
ITALIE
Justice.
Le plus important procès jamais intenté à
la Mafia s’ouvre à Palerme : 475 des 707 inculpés sont cités le jour même. Les déclarations des repentis Tommaso Buscetta et
Salvatore Contorno sont pour une bonne
part à l’origine des mises en accusation.
Terrorisme.
Les Brigades rouges, qui observaient une
trêve depuis mars 1985, assassinent l’ancien
maire de Florence, M. Lando Conti.
downloadModeText.vue.download 20 sur 502
CHRONOLOGIE
19
INDE
Agitation.
Grève générale à New Delhi. L’action, qui a
été organisée pour protester contre la politique de M. Rajiv Gandhi, est la première
de ce genre depuis l’arrivée de celui-ci au
pouvoir.
IRAQ ! IRAN
Conflit.
Les troupes iraniennes s’emparent de l’ancien port pétrolier de Fao.
TCHAD
Quand c’est fini...
Après une longue trêve, les combats reprennent à partir du 10 entre les forces gouvernementales et le GUNT de M. Goukouni
Oueddeï, qui, soutenu par la Libye et doté
d’une escadrille de six avions légers d’appui
au sol Marchetti pilotés par des Tchadiens,
a lancé l’offensive au sud du 16e parallèle.
Après la rencontre, le 12, entre M. Guy
Penne, conseiller de l’Élysée pour les affaires
africaines, et le président tchadien, M. Hissène Habré, la France décide le 13 d’accélérer
ses livraisons d’armes et de matériel à N’Djamena, Le 14, M. Hissène Habré demande à
Paris l’envoi de troupes françaises au Tchad
et, le 16, les Jaguar français effectuent un raid
aérien sur l’aérodrome de Ouadi Doum, dans
le nord du pays, utilisé par la Libye pour son
soutien logistique au GUNT. La riposte libyenne intervient le lendemain avec le lâcher
de trois bombes par un Tupolev-22 sur l’aérodrome de N’Djamena. Dans le cadre de l’opération « Épervier », dispositif français aérien
de dissuasion contre la Libye, un radar à
longue portée est mis en place à N’Djamena.
Un millier de militaires français, des Mirages
F1 et des Jaguar sont envoyés dans la capitale
pour faire fonctionner ce dispositif.
Mardi 11
FRANCE
Sciences.
Ancien laboratoire d’essais, la boule de
Chinon est transformée en musée du
nucléaire.
URSS
Dissidents.
Le mathématicien juif soviétique Anatoli
Chtcharanski, interné pendant neuf ans
dans les camps de travail soviétiques, est
libéré sur le pont de Glienicke, à Berlin. Il
gagne aussitôt Israël.
LIBAN
Terrorisme.
Arrestation de 64 partisans de M. Élie
Hobeika, l’ancien chef des Forces libanaises
(FL), limogé le 15 janvier. Les FL sont considérées par les chrétiens comme les auteurs
de deux attentats commis dans leur secteur.
Mercredi 12
EUROPE
Transports.
Signature du traité prévoyant la construction du tunnel sous la Manche.
FRANCE
Outre-mer.
M. Jacques Chirac se rend en Guadeloupe et
en Martinique (jusqu’au 16).
Terrorisme.
Après la vague d’attentats
procède à l’interpellation
dans tout le pays, dans le
biliser les réseaux d’aide
implantés en France », qui
sieurs grandes villes.
parisiens, la DST
de 64 personnes
but de « déstaaux terroristes
passent par plu-
Art.
Jusqu’au 5 mai, exposition Vienne, naissance d’un siècle au Centre Georges-Pompidou, à Paris.
downloadModeText.vue.download 21 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
20
Musique.
M. Jean-Louis Martinoty est nommé
administrateur général de l’Opéra de
Paris en remplacement de M. Massimo
Bogianckino.
Théâtre.
M. Jean Le Poulain est nommé administrateur général de la Comédie-Française en
remplacement de M. Jean-Pierre Vincent.
Cinéma.
Le réalisateur René Clément est élu à l’Académie des beaux-arts.
GRANDE!BRETAGNE
Aéronautique.
Les actionnaires de la firme d’hélicoptères
Westland se prononcent à 67 p. 100 en faveur du rachat de celle-ci par la compagnie
américaine Sikorsky.
URSS
Défense.
Le général Tchervov, porte-parole de l’étatmajor soviétique, confirme à Bonn que les
SS-20 que l’URSS se propose d’éliminer
dans sa zone européenne seront détruits
sous contrôle international et « ne seront
pas stationnés ailleurs ».
BRÉSIL
Politique intérieure.
Le président Sarney intègre dans son gouvernement M. Celso Furtado, le théoricien
économique favori de la gauche.
Jeudi 13
FRANCE
Audiovisuel.
Accord sur la 7e chaîne, qui sera une société
publique, financée en grande partie par
l’argent de la redevance.
Théâtre.
Réouverture officielle par M. Jack Lang du
théâtre du Vieux-Colombier, fermé depuis
quinze ans. Il abritera une école européenne
d’acteurs, dirigée par Giorgio Strehler.
Vendredi 14
FRANCE
Banditisme.
Fin de la cavale du couple d’agresseurs
sexuels meurtriers, Marc Fasquel, tué par
les gendarmes, et Jocelyne Bourdin, arrêtée.
Samedi 15
PORTUGAL
Terrorisme.
M. Gaspar Castelo Branco, directeur général des prisons portugaises, est assassiné par
le mouvement Forces populaires – 25 avril.
Dimanche 16
PORTUGAL
Élections.
M. Mario Soares est élu président de la république du Portugal. Il est le premier président civil du pays depuis 60 ans.
Lundi 17
FRANCOPHONIE
La francophonie au
sommet
Du 17 au 19 février, se tient à Versailles
et à Paris le premier sommet francophone.
Il réunit les représentants des 42 États ou
communautés qui, aux quatre points du
globe, forment la famille francophone, forte
de 125 millions de locuteurs. Voulant relever le défi du monopole anglophone dans
l’informatique et l’audiovisuel, le Sommet a
downloadModeText.vue.download 22 sur 502
CHRONOLOGIE
21
formulé 28 résolutions pratiques, annoncées
par M. Mitterrand le 19. Celles-ci concernent
d’abord la télévision : création d’une « agence
internationale francophone d’images de télévision », élargissement de la diffusion de la
télévision par câble TV5 à l’Amérique du
Nord, la Méditerranée et l’Afrique et réservation d’un des quatre canaux du futur satellite
de télévision TDF1 à des « programmes francophones ». La vidéo fait également l’objet
d’initiatives importantes, comme l’extension
à la communauté francophone des banques
de données linguistiques par vidéotexte et le
développement du vidéodisque dans l’enseignement médical.
La littérature et la langue françaises seront
favorisées avec le lancement d’une collection
populaire de 100 titres d’auteurs d’expression
française, la réalisation d’une « maquette de
fonctionnement de la langue » pour le traitement de textes et la création d’un prix international d’innovation linguistique.
Concernant l’enseignement, enfin, il faut
retenir la création d’un « baccalauréat francophone international », de « centres de formation d’agronomes en milieu rural » et de
« centres de formation artisanale ».
CEE
Traité de Rome.
L’acte de réforme est signé par neuf des
douze membres de la Communauté européenne. Le Danemark, la Grèce et l’Italie se
sont abstenus.
FRANCE
Justice.
Le procureur général de Lyon critique la
définition des crimes contre l’humanité
adoptée par la Cour de cassation dans l’affaire Barbie, proclamant que les résistants
sont des combattants.
Terrorisme.
À Bidarray (Pyrénées-Atlantiques), troisième attentat attribué au GAL en moins
de dix jours : deux inconnus mitraillent
la voiture d’un berger, accompagné d’une
jeune fille de 16 ans ; tous deux sont tués.
L’enquête démontre par la suite qu’il s’agit
d’une erreur de la part des terroristes.
LIBAN
Conflit.
Après l’enlèvement de deux de ses soldats
dans la zone de sécurité, l’armée israélienne
effectue des opérations de ratissage dans le
Sud-Liban.
NOUVELLE!ZÉLANDE
Naufrage d’un paquebot de croisière soviétique dans le détroit de Cook. Un marin est
porté disparu.
Mardi 18
FRANCE
Urbanisme.
À La Courneuve, 600 kg de nitrate d’ammonium sont utilisés pour la démolition d’un
immeuble de 180 m × 45 m dans le quartier des « 4 000 ». Il s’agit d’une première
européenne.
Mercredi 19
EUROPE
Médecine.
Lancement de l’opération Eurespoir, semaine européenne d’information et de prévention contre le cancer.
FRANCE
Gouvernement.
M. Robert Badinter est nommé président
du Conseil constitutionnel en remplacement de M. Daniel Mayer, démissionnaire.
Il est remplacé au poste de garde des Sceaux
par M. Michel Crépeau.
Sports.
Le président de l’Olympique de Marseille,
M. Jean Carrieu, et M. Bernard Tapie
signent l’accord aux termes duquel l’indownloadModeText.vue.download 23 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
22
dustriel doit gérer l’équipe marseillaise de
football.
MOYEN!ORIENT
Paix.
Échec des négociations jordano-palestiniennes pour la paix, et rupture de l’accord
du 11 février 1985. Le roi Hussein déplore
que M. Arafat n’ait pas montré la « sincérité » et la « clarté » requises.
LIBAN
Terrorisme.
Exécution du professeur Élie Hallak, médecin enlevé en mars 1985 à Beyrouth-Ouest.
Il est le quatrième otage juif assassiné en
deux mois.
Jeudi 20
FRANCE
Économie.
Inauguration à la Bourse de Paris d’un marché à terme d’instruments financiers (MATIF), destiné à couvrir le risque de fluctuation des taux d’intérêt.
Industrie automobile.
Suppression de 900 postes chez PeugeotTalbot.
Audiovisuel.
Mise en service de la 5e chaîne de télévision.
Arts.
Le tribunal administratif ordonne l’arrêt
des travaux d’édification des colonnes tronquées du sculpteur Buren, entrepris dans
la cour d’honneur du Palais-Royal, à Paris,
jugeant que ceux-ci « défigurent le site ».
ITALIE
Banditisme.
Près de Palerme, arrestation de Michèle
Greco, considéré comme le chef de la
Cosa Nostra et l’un des principaux accusés
du grand procès contre la Mafia ouvert le
10 février.
URSS
! Côte-d’Ivoire
IRAQ ! IRAN
Conflit.
Un avion civil iranien est abattu par la
chasse iraqienne près d’Ahwaz (Khouzistan). 40 personnalités du régime sont tuées.
CÔTE!D’IVOIRE
Relations internationales.
Rétablissement des relations diplomatiques
avec l’URSS, interrompues en 1968.
ÉTATS!UNIS
Anniversaire.
L’État du Texas fête le 150e anniversaire de
son indépendance. 10 000 manifestations
officielles doivent attirer 40 millions de
touristes.
Vendredi 21
ATLANTIQUE
Naufrage du Snekkar Arctic, un navirecongélateur dieppois très moderne, à
500 km à l’ouest des îles Hébrides, au nord
de l’Écosse ; il y a 16 disparus, 2 morts et
9 rescapés.
FRANCE
Arts.
Jusqu’au 30 juin, au Grand Palais, exposi-
tion d’oeuvres des plus grands maîtres de
la peinture hollandaise du XVIIe s., prêtées
par le musée Mauritshuis de La Haye. Dans
le même temps, plusieurs manifestations
consacrées aux Pays-Bas ont lieu à Paris,
notamment un cycle du cinéma néerlandais à la Cinémathèque. Aux Pays-Bas, une
année de la culture française est organisée.
downloadModeText.vue.download 24 sur 502
CHRONOLOGIE
23
ESPAGNE
Industrie automobile.
Le groupe allemand Volkswagen rachète
51 p. 100 de la firme Seat.
PAYS!BAS
! France
JAPON
Shigechiyo Izumi, Japonais de 120 ans
(né le 29 juin 1865), doyen de l’humanité,
meurt d’une pneumonie.
Samedi 22
FRANCE
Espace.
Sur la base de Kourou, en Guyane, la France
met en orbite son premier satellite d’observation de la Terre, Spot 1, ainsi qu’un satellite suédois, Viking, lancés par le dernier
lanceur de la série Ariane-1.
Industrie automobile.
Sortie de la Renault R 21.
Audiovisuel.
Mise en service de la 6e chaîne de télévision.
Cinéma.
Le film de Coline Serreau, Trois Hommes
et un couffin, obtient le onzième césar du
meilleur film. Michel Deville est sacré meilleur réalisateur pour Péril en la demeure,
tandis que Christophe Lambert obtient le
césar du meilleur acteur pour Subway et
Sandrine Bonnaire celui de la meilleure
actrice pour Sans toit ni loi.
Dimanche 23
EST!OUEST
Relations.
À la veille du congrès du PCUS, M. Reagan
propose une « élimination conjointe sur
quatre mois » des missiles de portée intermédiaire Pershing 2 et SS 20.
ESPAGNE
Société.
Trois semaines avant le référendum sur le
maintien dans l’alliance atlantique, plusieurs centaines de milliers de personnes
manifestent à Madrid contre l’OTAN.
Lundi 24
FRANCE
Relations internationales.
Quatre Iraniens, soupçonnés d’activités terroristes, sont expulsés. Au même moment,
cinq ressortissants français sont arrêtés à
Téhéran sans explication officielle. L’un
d’eux est libéré peu après.
IRAN
! France
Mardi 25
FRANCE
Économie.
À Paris, le dollar tombe au-dessous de 7 F
(6,9350), retrouvant ses cours de février
1983.
Théâtre.
Au TNP, Roger Planchon monte l’Avare,
avec Michel Serrault et Annie Girardot.
URSS
Politique intérieure.
Le 27e congrès du Parti communiste s’ouvre
avec le rapport de son secrétaire général,
M. Gorbatchev, qui réclame une « réforme
radicale » de l’économie, critiquant l’« inertie » et la « stagnation » de l’ère Brejnev. Le
numéro 1 soviétique « souhaite injecter un
peu d’économie de marché dans un système
planifié ». Au cours de ce congrès, précédé
par des purges importantes dans les répudownloadModeText.vue.download 25 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
24
bliques, la moitié des instances dirigeantes
sont renouvelées.
ÉGYPTE
Troubles.
Pendant la nuit, la capitale est le théâtre
de combats entre l’armée et des appelés
de la police mutinés. Le 26, le couvre-feu
est décrété dans toute l’agglomération du
Caire. Le bilan est de 36 morts et de plus de
300 blessés.
ÉTATS!UNIS
Médecine.
L’Organisation mondiale de la santé annonce officiellement l’expérimentation prochaine d’un vaccin synthétique contraceptif,
mis au point par l’université de l’Ohio.
Mercredi 26
FRANCE
Terrorisme.
Neuf lignes du métro et du RER parisiens
sont sabotées par un mystérieux commando se réclamant des trois preneurs d’otages
de la cour d’assises de Nantes (décembre
1985).
Outre-mer.
Pour la première fois depuis sa création en
décembre 1985, le Conseil du Pacifique Sud
se réunit à l’Élysée, sous la présidence de
M. Mitterrand. Parmi d’autres mesures, la
création d’une université française à Tahiti
est décidée.
VENEZUELA
Économie.
Fin de trois années de négociations laborieuses, avec la signature d’un accord permettant de rééchelonner 21,2 milliards de
dollars de dettes publiques sur douze ans et
demi.
Jeudi 27
CEE
Statuts.
56,2 p. 100 des électeurs danois approuvent
par référendum la réforme de la CEE. L’acte
unique de relance est signé le 28 par les
trois derniers pays de la Communauté, le
Danemark, la Grèce et l’Italie.
FRANCE
Société.
Le projet sur la flexibilité du temps de travail est définitivement adopté par l’Assemblée nationale.
Transports.
Publication du rapport Lathière sur la crise
de la marine marchande.
Presse.
L’assemblée de la SARL le Monde approuve
l’augmentation du capital. M. Roger Fauroux présidera la société d’investisseurs. Le
journal participera à une société d’études
pour l’audiovisuel.
Lettres.
L’écrivain Michel Mohrt, élu le 18 avril 1985
au fauteuil de Marcel Brion, est reçu à l’Académie française.
ITALIE
Justice.
Au cours du procès d’Ali Agça, le procureur
demande l’acquittement des inculpés bulgares pour « insuffisance de preuves ».
downloadModeText.vue.download 26 sur 502
CHRONOLOGIE
25
SAHARA OCCIDENTAL
Le Front Polisario fête le dixième anniversaire de la proclamation de la République
arabe sahraouie démocratique (RASD).
Vendredi 28
OTAN
! Pays-Bas
PAYS!BAS
Défense.
Le Parlement approuve, par 79 voix contre
70, le traité américano-néerlandais sur
l’installation des 48 missiles de croisières de
l’OTAN.
SUÈDE
Gouvernement.
Au sortir d’un cinéma du centre de Stockholm, le Premier ministre, M. Olof Palme,
est tué d’un coup de feu et sa femme légèrement blessée.
BRÉSIL
Économie.
Contre l’inflation et l’endettement, le président Sarney annonce un plan d’austérité :
gel des prix, des salaires, des tarifs publics,
pour six mois, parallèlement à l’abandon
du système d’indexation et à l’instauration
d’une nouvelle unité monétaire.
Le mois d’Hélène Carrère
d’Encausse
Février serait-il pour l’URSS synonyme de
changement ? Le XXVIIe congrès du parti
communiste s’est ouvert le 25 février 1986,
trente ans jour pour jour après la nuit dramatique où fut lu le rapport secret dévoilant
les crimes de Staline. Comme en 1956, le
congrès de 1986 fut dominé par un homme
neuf, Mikhaïl Gorbatchev, qui rejette le passé
et se pose en maître d’oeuvre d’un renouveau
de l’idéologie, d’un changement des mentalités et des méthodes. L’idéologie de Marx et
Lénine ne doit pas être, dit-il, figée. Elle doit
nourrir une « nouvelle pensée politique »,
adaptée à une société éduquée et à l’âge nu-
cléaire. L’ambition de développer et mettre en
oeuvre le communisme des temps modernes,
comment se traduit-elle dans la pratique ?
Par une politique intérieure de la carotte et
du bâton ; par une politique extérieure de
séduction. La carotte, c’est la promesse d’une
réforme économique totale qui permettrait
à l’URSS de combler retards et déficiences
et de donner à ses administrés une société
de consommation et non plus de pénurie.
Que le citoyen soviétique soit, vers la fin du
siècle, aussi bien pourvu que son homologue
américain, c’est l’engagement de la nouvelle
équipe ; écho lointain au programme de
Khrouchtchev, l’homme fort de 1956. Pour
réformer, il faut décentraliser la décision, les
responsabilités, les choix ; combiner plan et
marché, intérêt général et aspirations particulières. Projet ambitieux qui, dans l’immédiat, se coule plutôt dans la direction indiquée par le bâton. Aux citoyens mécontents,
Mikhaïl Gorbatchev indique la voie à suivre ;
travailler plus, avec davantage de discipline ;
renoncer à la corruption, aux petits trafics, à
l’ivrognerie. Et, ici, les résultats sont immédiats : la loi punit plus sévèrement que jadis
ceux qui ignoreraient ces règles de vie sociale
restaurée. De même que sont remis en honneur les grands principes du patriotisme et
des valeurs familiales.
Ainsi, tant que les réformes promises restent
limitées dans l’espace ou éloignées dans le
temps, ce sera aux citoyens d’y remédier par
leurs efforts redoublés, d’assumer une fois encore la responsabilité des illusions évanouies.
Le monde extérieur a plus de chance, pour
qui Gorbatchev déploie surtout les ressources
de la séduction. Habile homme de communication, conscient de l’évolution des opinions
et des réalités de l’âge nucléaire, Gorbatchev
a su retrouver un dynamisme en politique
downloadModeText.vue.download 27 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
26
étrangère. Dialogue sur tous les fronts : avec
les États-Unis pour réduire les tensions et les
arsenaux stratégiques ; reconnaissance des
intérêts propres de l’Europe ; « petits pas »
vers une réconciliation réelle avec la Chine ;
présence croissante dans le Pacifique ; rien ne
manque pour que l’URSS ait de nouveau une
politique mondiale. Politique dominée, cela
est vrai, par une nouvelle pensée politique,
à tout le moins dans l’art de l’exprimer et de
projeter au dehors l’image de l’URSS de Gor-
batchev. Il est trop tôt pour juger les acquis
de 1986 ; mais il faut reconnaître que, depuis trente ans, le discours soviétique n’avait
jamais autant charrié d’idées et de projets
dérangeants. L’expérience de février 1956
atteste que les mots peuvent être explosifs et
échapper à leurs promoteurs. Khrouchtchev
fut emporté par les craintes que son entreprise iconoclaste souleva chez ses pairs. Nul
doute que son exemple hante l’esprit de son
lointain successeur. Février, mois fatidique
depuis 1917, sera-t-il cette fois-ci le mois
d’un passé renié ? Ou d’un passé qui toujours
se répète ?
HÉLÈNE CARRÈRE D’ENCAUSSE
downloadModeText.vue.download 28 sur 502
CHRONOLOGIE
27
Mars
Samedi 1er
FRANCE
Rapatriés.
Le mouvement du RECOURS recommande
un vote pour l’opposition, la gauche étant
accusée de n’avoir tenu que « très partiellement » ses engagements envers les rapatriés.
Dimanche 2
FRANCE
Politique intérieure.
Évoquant les conséquences possibles des
élections du 16 mars, le président Mitterrand déclare : « Je préférerais renoncer à
ma fonction plutôt qu’aux compétences de
ma fonction. »
GRANDE!BRETAGNE
! Australie
ISRAËL
Cisjordanie.
M. Zafer al-Masri, maire de Naplouse, qui
était cautionné par la Jordanie et l’OLP, est
assassiné. À la suite de ce meurtre, aucun
Palestinien n’accepte plus d’être nommé
maire en Cisjordanie.
AUSTRALIE
Institutions.
Abolition des derniers liens législatifs et
judiciaires avec la Grande-Bretagne, bien
qu’Élisabeth II reste reine d’Australie.
AUTRICHE
L’affaire Waldheim
Le 2 mars, le New York Times, faisant
état d’informations provenant du Congrès
juif mondial, accuse le candidat populiste
aux élections présidentielles autrichiennes,
M. Kurt Waldheim, d’avoir fait partie, pendant la guerre, d’unités ayant participé à la
déportation de 60 000 juifs de Salonique et
ayant massacré des résistants grecs et yougoslaves. La source de ces informations n’est
autre qu’un document de 1948 de la Commission des crimes de guerre de l’ONU, organisation dont M. Waldheim fut par deux
fois secrétaire général, en 1971 et 1976, avec
l’appui des Américains et des Soviétiques...
Mais des pièces ont disparu du dossier, qui ne
contient donc pas de preuve décisive quant à
la responsabilité personnelle de Kurt Waldheim, bien qu’il soit classé en catégorie « A »,
c’est-à-dire justiciable de poursuites prioritaires pour « meurtres » et autres exactions.
Parallèlement, l’hebdomadaire autrichien
Profil révèle que le candidat a été membre
des SA et de l’organisation étudiante national-socialiste. M. Waldheim, qui avait toujours caché son appartenance à des organisations nazies, finit par admettre avoir menti
sur ce point comme sur sa prétendue démobilisation à la suite d’une blessure à partir
de 1941. Mais les accusations portées contre
lui semblent bien tardives, et une partie de la
presse mondiale s’étonne qu’elles n’aient pas
été produites plus tôt, notamment lorsque
l’ancien secrétaire général menait une politique complaisante vis-à-vis des Soviétiques,
du tiers monde et des Palestiniens. Des sondages révèlent que nombre d’électeurs autrichiens sont excédés par ces ingérences, tandis que les plus âgés se sentent eux-mêmes
implicitement accusés pour avoir obéi aux
ordres pendant la guerre. Aussi M. Waldheim est-il élu le 8 juin, au deuxième tour,
avec 54 p. 100 des voix. Les pays du bloc
communiste le félicitent chaleureusement,
les Israéliens rappellent leur ambassadeur en
consultation.
downloadModeText.vue.download 29 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
28
Lundi 3
FRANCE
Société.
À Beaucaire, un jeune Français, sympathisant du FN, est tué à coups de barre de fer
par un groupe de Maghrébins. Le 7, un autre
assassinat a lieu dans les mêmes circonstances, à Saint-Gilles, dans le Gard.
ESPAGNE
! Maroc
IRLANDE DU NORD
Statut.
Une grève générale de 24 heures est déclenchée par les protestants, pour dénoncer
l’accord anglo-irlandais qui donne pour la
première fois à l’Irlande un droit de regard
sur les affaires de l’Ulster.
LIBYE
Terrorisme.
Le Congrès général du peuple annonce la
création de commandos suicides destinés à
frapper en tout lieu « les intérêts américains
et sionistes ».
MAROC
Le 25e anniversaire de son accession
au trône est fêté par le roi Hassan II, à
Marrakech.
Relations internationales.
Le roi Juan Carlos d’Espagne se rend au
Maroc pour une première rencontre avec le
roi Hassan II. Celui-ci lui réserve un accueil
très chaleureux malgré le contentieux relatif aux possessions espagnoles de Ceuta et
Melilla.
Mardi 4
Drogue.
Signature à Paris d’un nouveau protocole
d’accord entre la France, l’Italie, les ÉtatsUnis et le Canada pour un renforcement de
la coopération policière et de la prévention
dans le domaine de la lutte contre les trafics
de stupéfiants.
FRANCE
Société.
Sortie du numéro 1 du mensuel Défendre,
premier journal uniquement consacré aux
problèmes d’insécurité.
Ding Ling
Morte à Pékin le 4 mars, Ding Ling était
l’un des plus célèbres écrivains chinois du
siècle.
Née Jiang Binghzi en 1904 ou 1907 à
Changde, dans le Hunan, au sein d’une
famille de propriétaires terriens, elle rompt
très jeune avec son milieu, se lance dans des
études universitaires et relate ces premières
expériences dans Journal de Miss Sophie
(1928) et Shanghai, printemps 30 (1930).
Membre du parti communiste dès 1932, elle
est placée en résidence surveillée par le Guomindang de 1933 à 1936, puis rejoint Mao
à Yanan, où elle est accueillie en héroïne
et joue un rôle culturel important en tant
que rédactrice en chef de Libération. Mais,
dans Réflexions sur le 8 mars (1942), cette
pionnière du féminisme en Chine dénonce
la situation faite aux femmes au sein du
parti. Elle reste néanmoins un écrivain officiel et Le soleil brille sur la rivière Sanggan
(1948), où elle relate son expérience de la
réforme agraire, lui vaut le prix Staline de
littérature 1951. Après sa participation à
la campagne des « cent fleurs » (1956), elle
est accusée de « droitisme » (1957), exclue
du Parti, expédiée pour douze ans dans un
camp de rééducation du Nord, puis enfermée
à la prison Qincheng no 1 de Pékin de 1970
à 1975. Toutes ces épreuves seront relatées
dans l’Étable (1981). Réhabilitée en 1979,
elle recommence à écrire, après 22 ans d’interruption, t publie notamment la Grande
Soeur (1979), histoire d’une travailleuse
downloadModeText.vue.download 30 sur 502
CHRONOLOGIE
29
modèle dévouée à la révolution. Parmi ses
300 oeuvres, on relève également Mengke la
rêveuse, Inondation (1931) et Une journée
de janvier.
Mercredi 5
FRANCE
Audiovisuel.
Hachette prend le contrôle d’Europe 1 Communication, en rachetant les actions de la
SOFIRAD.
LIBAN
Terrorisme.
Le Djihad islamique revendique l’assassinat
de l’otage français Michel Seurat, qui aurait
été exécuté en représailles contre l’expulsion par la France vers Bagdad de deux
opposants iraqiens.
TCHAD
Guerre.
Dans la région d’Oum Chalouba-Kalait,
les troupes gouvernementales d’Hissène
Habré repoussent les forces armées (prolibyennes) du GUNT de Goukouni Oueddeï,
qui perdent plus de 800 hommes.
Jeudi 6
Taux d’intérêt.
L’annonce, par la Bundesbank, d’un abaissement de 0,5 p. cent de son taux d’escompte
déclenche une baisse générale des taux dans
les pays occidentaux, Grande-Bretagne
exceptée.
Espace.
À plus de 9 000 km de la comète de Halley, une première sonde soviétique, Véga 1,
réussit à prendre plus de 1 000 photos d’excellente qualité. Le 9, Véga 2 prend des clichés à 8 000 km.
FRANCE
Justice.
Verdict rendu dans l’affaire du Coral (attentats à la pudeur sur des enfants inadaptés ou
handicapés mentaux) : le directeur, Claude
Ségala, est condamné à deux ans de prison.
ITALIE
Société.
Conclusion de cinq ans d’enquête parlementaire sur la loge P2. Le rapport confirme
que celle-ci était bien une émanation du
Grand Orient italien.
URSS
Politique intérieure.
Clôture du 27e congrès du PC. M. Gorbatchev est réélu secrétaire général du PCUS.
Les deux autres hommes forts du pays
sont MM. Ligatchev (idéologie) et Zaïkov
(industrie et armement), à la fois membres
du Politburo et secrétaires du comité central. Le secrétariat du parti compte cinq
nouveaux élus sur onze membres, le comité
central 93 sur 307.
Vendredi 7
FRANCE
Justice.
La cour d’appel de Dijon confirme le verdict rendu à rencontre des responsables
de l’accident de Beaune du 31 juillet 1982
(! J.A. 1er juill./31 déc. 82).
INDE
Troubles.
L’état d’exception est proclamé au Cachemire.
AFRIQUE DU SUD
L’état d’urgence est levé. Il avait été appliqué
pendant plus de sept mois dans 36, puis
seulement 23 des 265 circonscriptions judidownloadModeText.vue.download 31 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
30
ciaires du pays. 300 détenus environ sont
libérés.
ÉQUATEUR
Troubles.
L’ex-commandant en chef de l’armée de
l’air, le général Vargas Pazzos, déclenche
une mutinerie et se retranche sur la base aérienne de Manta. Sa tentative ayant échoué,
il se rend le 11 mars, s’empare à nouveau
d’une base, à Quito, le 13, et est finalement
arrêté le 14.
Samedi 8
FRANCE
Outre-mer
! Guadeloupe
LIBAN
Terrorisme.
Le Djihad islamique enlève quatre journalistes d’Antenne 2, portant ainsi à huit le
nombre des otages français qu’il détient.
BANGLADESH
Vie politique.
L’opposition lance une grève générale de
six heures pour protester contre l’organisation d’élections générales, prévues pour
le 26 avril, alors que le pays reste sous le
régime de la loi martiale.
OUGANDA
Guerre civile.
Avec la prise de Gulu, principale ville du
Nord, et la mise en déroute de l’ex-général
Okello, les forces régulières contrôlent pratiquement tout le pays.
GUADELOUPE
Troubles.
À Capesterre-Belle-Eau, M. Gérard Peuchard, président de la chambre de commerce de Basse-Terre et candidat aux élections législatives sur la liste RPR, est très
grièvement blessé par un cocktail Molotov
lancé en direction de Mme Michaux-Chevry, tête de liste.
Dimanche 9
PORTUGAL
Vie politique.
Cinq chefs d’État, dont M. François Mitterrand, assistent à la cérémonie d’investiture du nouveau président de la République, le socialiste Mario Soares.
ZIMBABWE
Partis politiques.
Le principal chef de l’opposition, M. Joshua Nkomo, appelle à la formation d’un
parti unique « fondé sur les principes du
socialisme ».
Lundi 10
FRANCE
Vie politique.
M. Jean-Claude Gaudin, tête de liste UDF
à Marseille pour les élections législatives,
porte plainte contre X pour la falsification
de 35 000 bulletins de vote.
PÉROU
Inondations.
Le département de Puno est déclaré zone
d’urgence. 50 000 foyers sont sinistrés.
Mardi 11
RFA
Vie politique.
Dans le cadre de l’affaire Flick (dons illégaux aux partis politiques), une deuxième
enquête est ouverte contre le chancelier
Kohl, accusé par le député écologiste Otto
Schily de faux témoignage.
downloadModeText.vue.download 32 sur 502
CHRONOLOGIE
31
Mercredi 12
FRANCE
Économie.
Le gouvernement publie les comptes défini-
tifs du budget pour l’année 1985 et annonce
un déficit de 153,3 milliards de francs, soit
3,5 p. 100 du produit intérieur brut. Par
ailleurs, pour la première fois depuis juin
1966, une baisse des prix est annoncée
(moins 0,2 p. 100 en février).
ESPAGNE
Vie politique.
À l’issue du référendum sur le maintien de
l’Espagne dans l’OTAN, le « oui » l’emporte
avec 52,5 p. 100 des suffrages, contre 39,8
pour le « non », mais 40,3 p. 100 des électeurs inscrits ne se sont pas rendus aux
urnes.
SUÈDE
Gouvernement.
M. Ingvar Carlsson est élu Premier ministre
par le Parlement.
IRAQ
Politique intérieure.
Le président Saddam Hussein gracie et fait
libérer les deux opposants chiites expulsés
de France le 19 février.
Jeudi 13
FRANCE
Paris.
En compagnie de M. Giscard d’Estaing, qui
était à l’origine du projet, le président Mitterrand inaugure la Cité des sciences et de
l’industrie de La Villette.
COLOMBIE
Guérilla.
Mort d’Alvaro Fayad Delgado, chef du
mouvement insurrectionnel marxiste M19,
tué à Bogota au cours d’un affrontement
avec la police (! Éd. 1986).
Vendredi 14
ESPACE
La sonde Giotto, premier engin d’exploration interplanétaire européen, s’approche
à 577 km du coeur de la comète de Halley
et prend des milliers de mesures ainsi que
2 000 photos.
ÉGLISE CATHOLIQUE
Théologie de la libération.
« L’Église ne peut pas s’identifier avec elle,
ni se substituer au rôle des hommes politiques », déclare le pape Jean-Paul II à l’épiscopat brésilien.
FRANCE
! Chine
IRAQ!IRAN
Conflit.
Publication d’un rapport des Nations unies
accusant formellement l’Iraq d’utiliser fréquemment des bombes chimiques.
CHINE
Transports en commun.
La modernisation du métro de Pékin
est confiée à une filiale de la RATP, la
SOFRETU.
Samedi 15
GRÈCE
Conflits sociaux.
La grève des transporteurs routiers, qui avait
entraîné de graves pénuries dans l’ensemble
du pays, est arrêtée au bout de 28 jours.
downloadModeText.vue.download 33 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
32
URSS
! Chine
CHINE
Relations internationales.
M. Ivan Arkhipov, vice-premier ministre
d’URSS, se rend en visite officielle à Pékin
pour signer un accord de coopération technologique et économique. C’est la plus importante personnalité soviétique reçue en
Chine depuis 1969.
PAKISTAN
Réfugiés.
Seize Afghans sont tués par une mine, à
l’ouest de Peshavar. C’est l’attentat le plus
meurtrier d’une série presque quotidienne
dont la responsabilité incombe, selon la
presse pakistanaise, aux services secrets
afghans.
ÉTATS!UNIS
Euthanasie passive.
L’Association médicale américaine, qui
regroupe près de 300 000 médecins, autorise désormais ceux-ci à ne plus donner de
soins aux malades plongés dans un coma
irréversible, si la famille donne son accord.
Dimanche 16
RFA
Société.
Pour protester contre la construction à
Wackersdorf de la première centrale de
retraitement de combustibles irradiés de
RFA, un millier d’écologistes affrontent
le service d’ordre à coups de pierres et de
barres de fer.
SUISSE
Référendum.
Par 76 p. 100 des suffrages exprimés, la
proposition gouvernementale d’adhésion
à l’ONU est rejetée. Phénomène rare, les
26 cantons ont tous voté dans le même sens.
Lundi 17
FRANCE
Patronat.
M. Yvon Chotard, vice-président du CNPF,
démissionne. Il se trouvait en désaccord
avec les prises de position politiques du
président, M. Yvon Gattaz.
Terrorisme.
Un attentat dans le TGV Paris-Lyon, au ni-
veau de Brunoy (Essonne), qui fait dix blessés, est revendiqué par un Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes
et du Proche-Orient, qui s’était déjà déclaré
responsable de trois attentats à Paris, en
février. La même organisation revendique
celui commis le 20 mars dans une galerie
des Champs-Élysées.
Alpinisme.
Jean-Marc Boivin escalade dans la journée quatre faces nord dans les Alpes : l’Aiguille verte, les Droites, les Courtes et les
Grandes Jorasses, en effectuant les liaisons
en Deltaplane.
GRANDE!BRETAGNE
Conflits sociaux.
220 journalistes en grève, appartenant à
deux journaux écossais, sont licenciés par
M. Robert Maxwell, dirigeant du groupe de
presse Mirror Newspaper.
POLOGNE
Économie.
Entrée en vigueur des premières hausses de
prix (de 8 à 20 p. 100) prévues pour l’énergie, les transports et beaucoup de produits
alimentaires de base.
downloadModeText.vue.download 34 sur 502
CHRONOLOGIE
33
AFRIQUE DU SUD
! États-Unis
TCHAD
Guerre.
Selon le gouvernement, les combats qui ont
lieu au nord de Koro-Toro et près du puits
de Chicha entre l’armée et les membres du
GUNT (prolibyen) font 235 morts parmi
ces derniers.
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
Le président Reagan reconduit les sanctions
économiques, prises contre l’Afrique du Sud
en septembre 1985.
Mardi 18
AFGHANISTAN
Guerre.
Devant la commission des Affaires étrangères du Parlement de la RFA, M. Sibghatullah al-Mojaddedi, président du Front
de libération nationale afghan, affirme
que plus d’un million d’Afghans ont été
tués et que cinq millions se sont réfugiés à
l’étranger, depuis le début de l’intervention
soviétique.
CAMBODGE
Vie politique.
Le Viêt-nam repousse les propositions de
négociation faites par le prince Sihanouk
le 17 mars à Pékin, au nom de la coalition
cambodgienne hostile au régime soutenu
par Hanoi. Ces propositions prévoyaient la
création d’un régime quadripartite incluant
des représentants du gouvernement provietnamien. Pour la première fois, la Chine
soutenait un tel compromis.
VIÊT!NAM
! Cambodge
Mercredi 19
PAYS!BAS
Vie politique.
À l’occasion des élections municipales,
les étrangers ayant plus de cinq années
de résidence dans le pays sont autorisés à
voter pour la première fois. Le Parti socialiste (PVVA) arrive en tête avec 32 p. 100
des suffrages ; les chrétiens-démocrates
en obtiennent 31 p. 100, progressant de
2 p. 100, et les libéraux 19 p. 100 ; 80 p. 100
des 300 000 électeurs étrangers auraient
voté pour les socialistes ; 16 immigrés ont
été élus.
ISRAËL
! Égypte
TURQUIE
Politique intérieure.
La loi martiale, qui avait été instaurée en
1978 (! Éd. 1979), est remplacée par l’état
d’urgence dans les quatre provinces de Sanliurfa, Elazig, Bingol et Tunceli. Elle reste
en vigueur dans les cinq autres provinces
où l’armée turque est toujours confrontée
aux indépendantistes kurdes.
ÉGYPTE
Terrorisme.
Attentat, revendiqué par le mouvement
Révolution égyptienne, contre des fonctionnaires de l’ambassade israélienne. Une
jeune femme est tuée, trois autres Israéliens
sont blessés.
Jeudi 20
FRANCE
Politique intérieure.
M. Jacques Chirac est nommé Premier ministre. Le gouvernement qu’il forme comprend 20 membres du RPR et 17 de l’UDF.
Deux décisions sont immédiatement annoncées : l’utilisation des ordonnances pour
légiférer dans le domaine économique et
social et le retour au scrutin majoritaire.
downloadModeText.vue.download 35 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
34
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
La Chambre des représentants rejette la
demande de fonds présentée par la MaisonBlanche en faveur des « contras » (combattants antimarxistes) du Nicaragua (! 27).
HAÏTI
Troubles.
À Port-au-Prince, des affrontements entre
manifestants et forces de l’ordre font cinq
morts.
Vendredi 21
BULGARIE
Politique intérieure.
Élection de M. Gueorgui Atanassov à la présidence du Conseil des ministres, en remplacement de M. Gricha Philipov.
IRAQ!IRAN
Guerre du Golfe.
Le conseil de sécurité de l’ONU condamne
l’Iraq pour avoir utilisé des armes chimiques
contre l’Iran, violant ainsi le droit international. Selon l’Iran, plus de 12 000 de ses
combattants auraient été victimes des gaz.
CHINE
Nucléaire.
Le Premier ministre, M. Zhao Ziyang, déclare que la Chine ne procédera plus jamais
à des essais nucléaires dans l’atmosphère.
Samedi 22
ESPAGNE
Politique extérieure.
Le gouvernement accorde un statut diplomatique à la représentation de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) à
Madrid. Cette décision contrebalance celle
du 17 janvier par laquelle des relations diplomatiques avec Israël avaient été établies.
ITALIE
Faits divers.
L’ancien banquier sicilien Michele Sindona,
lié à la Mafia new-yorkaise et à la loge maçonnique P2, meurt en prison d’un empoisonnement au cyanure.
Lundi 24
Pétrole.
La conférence de Genève est suspendue
jusqu’au 15 avril, sans que les treize pays
de l’OPEP aient pu se mettre d’accord sur la
limitation de leur production.
Cinéma.
Out of Africa, de Sidney Pollack, obtient six
oscars à Hollywood.
TURQUIE
Kurdes.
Dans le sud-est du pays, plusieurs milliers
de soldats turcs déclenchent une vaste offensive contre les rebelles kurdes, qui ont
tué une vingtaine de personnes en quelques
jours. Le 28 mars, on annonce la mort, survenue au cours d’un accrochage, de l’un des
principaux chefs indépendantistes, Mahsun
Kokmaz, du Parti des travailleurs kurdes.
LIBYE
Cinq missiles sont tirés contre des avions
américains en manoeuvre dans le golfe
de Syrte. En riposte, ceux-ci coulent une
vedette libyenne et attaquent une base de
missiles Sam-5 en Libye. Le 25, des missiles libyens sont encore tirés contre des
chasseurs de la VIe flotte. Les Américains
endommagent alors deux autres vedettes.
Mardi 25
PHILIPPINES
Politique intérieure.
Une Constitution provisoire est promulguée,
qui supprime l’Assemblée nationale et permet à la présidente, Mme Corazon Aquino,
downloadModeText.vue.download 36 sur 502
CHRONOLOGIE
35
de légiférer par décrets jusqu’à l’entrée en
vigueur d’une Constitution définitive.
Mercredi 26
Médecine.
Découverte par des chercheurs français
et américains, de deux nouveaux virus du
SIDA, en provenance d’Afrique.
GRANDE!BRETAGNE
Société.
Naissance à Londres des premiers quintuplés-éprouvette du monde.
CHINE
Dissidents.
La romancière Yu Luojin demande l’asile
politique à l’Allemagne fédérale.
Jeudi 27
FRANCE
Syndicalisme agricole.
Élection de M. Raymond Lacombe à la présidence de la FNSEA, en remplacement de
M. François Guillaume, nommé ministre
de l’Agriculture.
RFA
Défense.
Signature d’une série d’accords avec les
États-Unis sur la participation de la République fédérale à l’initiative de défense stratégique (IDS).
TCHÉCOSLOVAQUIE
Église catholique.
À Prague, le cardinal Frantisek Tomasek,
primat de Bohême, demande aux prêtres
de quitter l’association procommuniste
Pacem in terris. Avant son interdiction
par le Vatican en mars 1982, cette organisation regroupait trois évêques et quelque
1 500 prêtres, soit la moitié du clergé
catholique.
AUSTRALIE
Terrorisme.
À Melbourne, six bombes explosent en dix
minutes, faisant 22 blessés, dont huit graves.
Aucune revendication n’a été formulée.
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Violentes manifestations antifrançaises,
après l’accident d’un Jaguar de l’armée de
l’air française qui s’est écrasé dans un quartier populaire de Bangui, en provoquant la
mort de 35 personnes.
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
Le Sénat américain vote l’octroi de 100 millions de dollars aux « contras » antimarxistes
du Nicaragua (! 20).
Défense
! RFA
Vendredi 28
FRANCE
Lutte antiterroriste.
Arrestation à Lyon d’André Olivier, l’un des
fondateurs et chef présumé d’Action directe.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Politique intérieure.
Cinquième réélection de M. Gustav Husak
comme secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, au terme du
17e congrès.
Samedi 29
ÉGLISE CATHOLIQUE
Discipline.
La curie romaine décide de « suspendre la
condamnation à un an de silence » qu’elle
avait prononcée, le 8 mai 1985, à l’encontre
du franciscain brésilien Leonardo Boff, prodownloadModeText.vue.download 37 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
36
moteur de la théologie de la libération par
son livre : Église : charisme et pouvoir.
FRANCE
Espace.
La fusée Ariane s’envole de la base de Kourou avec deux satellites (un américain et un
brésilien) qu’elle met en orbite.
Terrorisme.
Treize attentats, revendiqués par le Front
de libération nationale de la Corse (FLNC),
sont commis à Marseille, Nice et Aix-enProvence. Du 23 au 27, une première série
d’explosions avait détruit deux centres de
vacances et un supermarché, à Porticcio,
Ajaccio et Algajola.
ITALIE
Justice.
Les trois Bulgares impliqués dans l’attentat
contre le pape Jean-Paul II sont acquittés,
pour insuffisance de preuves.
PAYS!BAS
Société.
Près de Rotterdam, un hôtel est totalement
détruit par un incendie, et deux personnes
sont grièvement blessées après l’attaque par
une centaine d’extrémistes de gauche d’une
réunion du Centrumpartij, parti hostile à
l’immigration.
URSS
Politique économique.
La Pravda révèle que le gouvernement a
pris une série de mesures pour intéresser
les responsables et les travailleurs des sovkhozes et des kolkhozes à l’accroissement
de la production.
Lundi 31
CEE
! États-Unis
GRANDE!BRETAGNE
Patrimoine.
Une partie du célèbre palais de Hampton
Court, situé près de Londres, est détruite
par un incendie.
ÉTATS!UNIS
Commerce extérieur.
Pour répliquer aux limitations apportées
aux exportations agricoles américaines vers
l’Espagne et le Portugal, le président Reagan annonce des représailles douanières visà-vis de la CEE.
MEXIQUE
Catastrophe aérienne.
Un Boeing 727 de la Mexicana de aviación
s’écrase au nord de Mexico. Il n’y a aucun
survivant parmi les 166 passagers.
Le mois de René Rémond
Une date domine le mois : le dimanche 16,
jour fixé pour le renouvellement de l’Assemblée nationale élue les 14 et 21 juin 1981 et
dont le mandat expire.
L’échéance tire son importance de la convergence de trois interrogations. Après vingthuit ans de scrutins majoritaires qui n’ont
cessé de renforcer la bipolarisation, on
revient au scrutin proportionnaliste de la
IVe République : quelles en seront les conséquences sur le rapport des forces ? En second
lieu, les électeurs confirmeront-ils la victoire
de la gauche en 1981 ou ramèneront-ils une
majorité de droite ? Du résultat dépend la
signification dernière du résultat de 1981 :
accident passager ou premier acte d’une
alternance durable ? Enfin – et peut-être
surtout –, si la droite gagne les élections et
que s’accomplisse ainsi l’éventualité périodiquement envisagée depuis vingt ans et toujours différée, d’un divorce entre président
et Assemblée, qu’adviendra-t-il des institutions ? La Constitution surmontera-t-elle
downloadModeText.vue.download 38 sur 502
CHRONOLOGIE
37
cette ultime épreuve, la plus redoutable de
toutes celles qu’elle eut à connaître dans son
histoire ? Et où sera le pouvoir ?
Au soir du 16 mars, les résultats sont dans
l’ensemble conformes à ce qu’annonçaient
depuis quatre ans toutes les élections et
tous les sondages : la droite l’emporte. Mais
de peu : UDF (129 élus) et RPR (148) ont
obtenu un peu moins que les 43 p. 100 de suffrages que l’on s’accordait à définir comme le
seuil pour enlever la majorité des sièges : ils
la dépassent, de justesse, avec l’appoint des
divers droites. Le parti socialiste a mieux résisté qu’on ne pensait à l’érosion produite par
l’usure du pouvoir : près de 32 p. 100 des suffrages et plus de 200 élus. Il reste le premier
parti de France. Quant au parti communiste,
il repasse pour la première fois depuis 1932
au-dessous de la barre des 10 p. 100 : son
déclin paraît bien irrémédiable. À l’extrême
droite, le Front national, absent de l’Assemblée sortante, y pénètre en force : il fait jeu
égal avec le parti communiste en voix (près
de 10 p. 100) et en sièges : 35. Il a assez d’élus
pour constituer un groupe.
La défaite de la gauche affaiblit le président, mais la courte victoire de la droite la
contraint aussi à modérer ses exigences : plus
question d’obliger F. Mitterrand à démissionner. Les électeurs ont imposé la recherche
d’une solution de compromis. Le président
appelle le leader de la principale composante
de la majorité, Jacques Chirac, président du
RPR, qui a déjà été Premier ministre de 1974
à 1976. En retour, celui-ci reconnaît implicitement au président un droit de regard sur le
choix des ministres et un pouvoir de récusation. Pour les deux ministères de la Défense
et des Affaires étrangères, qui touchent de
plus près aux compétences du chef de l’État,
on choisit des hommes capables de travailler
avec le président et le Premier ministre.
Ainsi débute, contrairement aux pronostics
alarmistes ou sceptiques, une originale expérience de cohabitation entre les pouvoirs qui
accomplit une virtualité encore inexplorée
de la Constitution et qui paraît répondre au
voeu de la majorité des électeurs.
RENÉ RÉMOND
Météo : l’Hiver
Après un vrai « Noël au balcon » et un mois
de décembre plus doux que la normale, la période allant du 27 décembre 1985 au 1er janvier 1986 est marquée par un refroidissement
intense, quasi généralisé, qui atteint son paroxysme le 31 décembre et le 1er janvier. On
note : – 7,9 °C à Paris-Montsouris, – 10,4 °C
à Mont-de-Marsan, – 14,3 °C à Châteauroux
(ancien record – 14 °C en 1938), – 16,5 °C à
Poitiers et à Romorantin. Les seules régions
épargnées par cette vague de froid brève mais
sévère sont le littoral breton, la région niçoise
et la Corse.
Des Cévennes aux Pyrénées,
neige épaisse et plan ORSEC
Dès le 2 janvier, le temps s’améliore. Jusqu’au
25, l’ensemble du territoire connaît des températures assez douces, souvent supérieures
aux moyennes. Les trois premières semaines
de janvier se caractérisent surtout par des
précipitations abondantes, consécutives à des
perturbations actives, fréquentes et rapprochées, parfois accompagnées de vents forts
(plus de 30 m/s). De tels vents ont été enregistrés tant sur le littoral de la Manche et de
la Bretagne que dans les Cévennes : le 5 à
Dinard et à l’île de Bréhat, le 6 au mont Ai-
goual, le 14 à Dunkerque, au cap de la Hève
et au mont Aigoual.
À partir du 25 janvier, on note un refroidissement sensible. La recrudescence des intempéries (fortes averses, vents violents, chutes
et bourrasques de neige dans le Roussillon,
les Cévennes et les Alpes) entre le 29 et le 31
est imputable à la dépression qui, après avoir
traversé la France du Cotentin à l’Aquitaine,
s’est positionnée sur le golfe du Lion. Les
downloadModeText.vue.download 39 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
38
chutes de neige sont très abondantes dès le
29 en Ardèche (Loubaresse : 180 à 200 cm),
en Lozère, dans le Gard et dans les PyrénéesOrientales. Dans le sud-est du Massif central,
la neige entraîne de sévères perturbations
pour la circulation routière et ferroviaire,
les communications téléphoniques et surtout
l’approvisionnement en électricité. En effet,
le phénomène de neige fondante associé à des
vents forts a provoqué la rupture de câbles
et de pylônes électriques : 400 000 foyers ont
été privés d’électricité après la rupture de
2 000 supports, soit 1 p. 100 de ceux qui sont
installés dans cette région. Le plan ORSEC
est mis en place dans les quatre départements
déjà cités, ainsi que dans l’Aude et dans
l’Ariège. Tout au long du mois de février, un
froid exceptionnellement intense a régné sur
une grande moitié nord de la France, comme
d’ailleurs sur l’ensemble de l’Europe. Ce mois
de février a été plus froid que celui de 1963,
mais moins rigoureux qu’en 1956 et 1985.
Mars : de Nantes à Mulhouse, une
frontière climatique
Plusieurs records de froid locaux attestent
la rigueur de la saison : – 7,6 °C à Dax et
– 8,1 °C à Ajaccio le 11, – 16,1 °C à Romorantin, le 20, – 24,8 °C à Colmar le 27... ;
on enregistre aussi un record de hauteur
de neige au sol (30 cm de neige à Pornic le
7), un record de durée de neige au sol (onze
jours consécutifs – du 18 au 28 – à Nantes) ;
le nombre de jours de gel confirme ces observations inhabituelles (voir cartes ci-dessous).
L’enneigement a été remarquable par sa durée et son caractère exceptionnel en Bretagne,
dans les Pays de Loire et l’Orléanais, régions
situées au contact de l’air froid continental et
de l’air méridional doux et humide. La neige
et les pluies verglaçantes ont rendu la circulation difficile du 13 au 18 et du 23 au 28 février. Le Sud-Ouest, le Sud-Est et la Corse, à
l’écart du temps anticyclonique qui a prévalu
dans le nord du pays, ont été parcourus par
de nombreuses perturbations ; les précipitations ont été supérieures aux moyennes :
22 jours de pluie à Biarritz (moyenne : 14),
15 jours à Nîmes (moyenne : 6), 18 jours à
Bastia (moyenne : 2).
Le mois de mars a été, en général, plus froid
que la normale, sauf dans le Sud-Ouest, le
Sud-Est et la Corse. Les précipitations, très
inégalement réparties dans le temps et dans
downloadModeText.vue.download 40 sur 502
CHRONOLOGIE
39
l’espace, ont été excédentaires en Corse et
au nord d’une ligne Nantes-Mulhouse. La
fraîcheur et la pluviosité caractéristiques
de mars sont imputables aux variations du
champ de pression très favorable aux temps
perturbés d’ouest. Il est à noter que des vents
assez forts à forts, observés à la fin du mois,
ont occasionné des dégâts matériels et même
des accidents mortels : un mort et trois blessés par chute d’arbre dans le Haut-Rhin, le
24.
Les conséquences financières, économiques,
humaines et écologiques de l’hiver 19851986 – au cours duquel se sont succédé des
périodes « chaudes », très froides, plus ou
moins pluvieuses, selon les régions – sont très
inégales. Bien que les dernières barrières de
dégel aient été levées seulement à la fin du
mois de mars, les travaux de restauration du
réseau routier ont entraîné des dépenses très
inférieures à celles qui avaient été engagées à
l’issue de l’hiver 1984-1985 (600 millions de
F pour le réseau national). Les réparations
du réseau EDF dans le Midi sont chiffrées
à 300 millions de F environ ; les dépenses
énergétiques supplémentaires induites par le
froid de février représentent, selon l’Agence
pour la maîtrise de l’énergie, 7 milliards de
francs.
PHILIPPE CHAMARD
downloadModeText.vue.download 41 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
40
Avril
Mardi 1er
ÉNERGIE
Pétrole.
Pour la première fois, le prix du baril descend au-dessous de 10 dollars. Le secrétaire
d’État américain à l’énergie, M. John Harrington, rend l’Arabie Saoudite responsable
de cette évolution.
FRANCE
Politique extérieure.
Annonce officielle du retrait immédiat des
45 observateurs français en poste à Beyrouth depuis mars 1984.
Prisons.
Pour la première fois depuis la Libération, le nombre des détenus est supérieur à
45 000 ; 48,72 p. 100 d’entre eux sont, en
fait, des prévenus. La capacité de détention
reconnue ne dépasse pas 32 500 places.
GRANDE!BRETAGNE
Administration locale.
Suppression du Conseil du Grand Londres,
dont les pouvoirs sont attribués aux 33 municipalités de la région. Il constituait une
coûteuse bureaucratie employant près
de 80 000 personnes. Six autres assemblées métropolitaines sont également
supprimées.
LIBAN
! France
AFRIQUE DU SUD
L’apartheid est officiellement supprimé dans
les hôtels, restaurants et tous débits de boissons en général, mais le droit d’admission
reste à la discrétion des gérants.
ÉTATS!UNIS
Société.
Selon le rapport de la commission d’enquête sur le crime organisé, nommée par
le président Reagan, le « chiffre d’affaires »
des gangs atteint 100 milliards de dollars,
un chiffre supérieur à celui d’industries
comme celles du caoutchouc ou de la papeterie. Leurs activités privent le pays de
414 000 emplois et coûtent 80 dollars à
chaque contribuable.
CHILI
Terrorisme.
Une vingtaine de bombes explosent à
Santiago.
Mercredi 2
Terrorisme.
Une bombe explose à bord d’un Boeing 727
de la TWA assurant la liaison RomeAthènes-Le Caire. L’attentat, qui a fait
quatre morts et neuf blessés, est revendiqué par les cellules révolutionnaires arabes
al-Kassam, organisation inconnue qui se
déclare palestinienne.
FRANCE
Politique intérieure.
M. Jacques Chaban-Delmas est élu président de l’Assemblée nationale.
Terrorisme.
Un attentat au plastic est commis contre un
pont à Auvers-sur-Oise (Val-d’Oise), commune où réside M. Massoud Radjavi, l’un
des principaux opposants iraniens.
downloadModeText.vue.download 42 sur 502
CHRONOLOGIE
41
Affaires culturelles.
Le secrétaire d’État, M. Philippe de Villiers,
décide le retour à Paris des Plans-Reliefs.
Plans-Reliefs :
Paris-Lille... et retour
Début avril, le nouveau ministre de la
Culture, M. François Léotard, décide d’arrê-
ter le transfert du musée des Plans-Reliefs,
dont 80 maquettes sur 102 ont déjà été transportées des Invalides à Lille.
Le 25, M. Philippe de Villiers, secrétaire
d’État auprès du ministre de la Culture, indique que les plans-reliefs seront rendus aux
Invalides où doit être créé « le premier musée
mondial des villes-maquettes », en doublant
la superficie d’exposition actuelle (car, faute
de place, 57 plans-reliefs seulement étaient
présentés) et en recourant aux technologies
sonores et visuelles les plus récentes. Le secrétaire d’État souligne également que l’opération ne nécessitera que deux ans au lieu de
quatre à Lille, ce qui limite les risques – élevés – de moisissure, et qu’elle coûtera 20 millions de francs, au lieu de 74. De son côté,
le ministre de la Justice, M. Chalandon, rappelle que la convention entre Lille et l’État
avait été signée sans que la mise en place des
moyens de financement ait été assurée.
Le maire socialiste de Lille, M. Mauroy, réplique qu’il n’accepte pas l’oukase du maire
de Paris et, dans ce Nord à la conscience
régionale affirmée, il se pose en champion de
la décentralisation face au « parisianisme ».
Avec succès, car une partie de l’opposition
municipale, dirigeant RPR en tête, approuve
sa position. Le 26, M. Mauroy, estimant que
« la convention entre l’État et la ville n’a pas
été dénoncée dans les formes juridiques légales », déclare que, « si l’on vient reprendre
les maquettes, la sirène de la ville alertera
la population » et il laisse entendre que la
police municipale s’opposerait à tout déménagement... L’ex-ministre Jack Long parle
de « droit à l’insurrection ». Le lendemain,
20 000 personnes défilent à l’hospice général,
où devait s’installer le musée, pour signer
une pétition. Les défenseurs de l’option lilloise font notamment observer qu’un quart
des maquettes représente des villes du Nord,
de Belgique ou des Pays-Bas ; mais des élus
de Grenoble, Brest, Toulon, Nîmes etc., commencent à réclamer les modèles réduits de
leur ville, au cas où les plans resteraient à
Lille.
Le 29, lors d’une rencontre avec M. Mauroy,
M. Chirac lui oppose que la convention entre
sa ville et l’État, signée précipitamment le
14 mars, soit deux jours avant les élections
et alors que 80 p. 100 des maquettes avaient
déjà fait le voyage, est un contrat rétroactif,
donc nul M. Mauroy réplique qu’un engagement de l’État, même tardif, doit être tenu
et, le 2 mai, il fait déposer « un mémoire en
annulation pour illégalité » devant le tribunal administratif de la municipalité.
BULGARIE
Minorités.
Amnesty International publie les noms de
plus de 100 personnes d’origine turque
tuées depuis le début de la campagne de
bulgarisation, en décembre 1984.
Jeudi 3
ITALIE
Faits divers.
À ce jour, quinze personnes sont mortes et
une quarantaine d’autres ont été hospitalisées pour avoir consommé du vin contenant du méthanol. Des viticulteurs et cinq
grossistes sont impliqués dans cette affaire.
downloadModeText.vue.download 43 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
42
IRAN
L’ayatollah Chariatmadari, principal dignitaire chiite de la tendance conservatrice,
meurt à l’âge de 82 ans.
ÉTATS!UNIS
! Haïti
HAÏTI
Relations internationales.
Le gouvernement américain annonce la
fourniture prochaine d’une aide alimentaire.
Vendredi 4
YOUGOSLAVIE
Minorités.
À Kosovo-Polje, un faubourg de Pristina,
une manifestation serbe d’ampleur exceptionnelle réunit 7 000 personnes – selon les
autorités – pour réclamer la libération de
Kosta Bulatovic, initiateur d’une pétition de
60 000 signatures, dénonçant les exactions
des nationalistes albanais à l’encontre des
Serbes. K. Bulatovic est libéré dès le lende-
main (! 11).
Samedi 5
Église catholique.
La congrégation pour la Doctrine de la foi
publie l’instruction « Liberté chrétienne et
libération », privilégiant la résistance passive par rapport à la lutte armée, considérée
comme « recours ultime ». Cette instruction évoque également « l’amour de préférence pour les pauvres ».
RFA
Terrorisme.
À Berlin-Ouest, un attentat à l’explosif détruit une discothèque fréquentée par des
militaires américains. On relève deux morts
et une trentaine de blessés graves. L’ambassadeur américain en RFA, puis la police
ouest-allemande mettent en cause la Libye.
SOUDAN
Justice.
L’ancien vice-président, M. Omar al-Tayyeb,
est condamné à la prison à perpétuité pour
avoir facilité le transit par le Soudan des
juifs d’Éthiopie en partance pour Israël.
ÉTATS!UNIS
! RFA
Dimanche 6
EUROPE
Monnaies.
À la demande de la France, les ministres
de l’Économie de la CEE décident une
dévaluation de 3 p. 100 du franc français
et une série de réévaluations : 3 p. 100
pour le mark allemand et le florin, 1 p. 100
pour la couronne danoise et le franc
belgo-luxembourgeois.
IRLANDE DU NORD
Troubles.
La police investit le quartier général de la
principale organisation paramilitaire protestante, l’Association de la défense de l’Ulster. En une semaine, plus de 100 maisons
de policiers ont été attaquées par des protestants loyalistes.
Lundi 7
ISRAËL
! Liban
LIBAN
Représailles.
Pour la troisième fois depuis le début de
l’année, l’aviation israélienne bombarde des
downloadModeText.vue.download 44 sur 502
CHRONOLOGIE
43
bases de l’OLP au Sud-Liban, tuant deux
combattants et en blessant six autres.
Mardi 8
GRÈCE
Terrorisme.
M. Dimitri Anghelopoulos, président de la
plus grande aciérie du pays, est assassiné
à Athènes par l’Organisation révolutionnaire du 17 novembre, groupe déjà responsable du meurtre d’agents américains et de
membres des services de sécurité du régime
des colonels.
CHINE
! États-Unis
ÉTATS!UNIS
Commerce extérieur.
Le gouvernement annonce la vente à la
Chine d’équipements électroniques à usage
militaire pour une valeur de 550 millions
de dollars.
Mercredi 9
FRANCE
Politique intérieure.
Le Conseil des ministres adopte un projet
de loi autorisant le gouvernement à rétablir par ordonnance le scrutin majoritaire à
deux tours.
LIBAN
Otages.
Disparition d’un enseignant français,
M. Michel Brian. C’est le neuvième Français
enlevé en treize mois. L’opération est revendiquée par une Organisation islamique Siffini inconnue jusque-là. Le 12, M. Brian est
libéré à la suite d’un accrochage entre ses
ravisseurs et un groupe chiite très proche
de la Syrie.
LIBYE
! Afrique du sud
AFRIQUE DU SUD
Relations internationales.
Le gouvernement accuse la Libye d’entraîner 250 terroristes noirs sud-africains.
Deux d’entre eux, qui devaient assassiner
des responsables noirs, ont été arrêtés.
Jeudi 10
FRANCE
Vie politique.
M. Chirac obtient la confiance de l’Assemblée nationale par 292 voix contre 285.
Académie française.
M. Bertrand Poirot-Delpech, chroniqueur
littéraire du Monde, est élu au fauteuil de
Jacques de Lacretelle.
ÉTHIOPIE
Collectivisme.
Le président Mengistu révèle que près de
trois millions de paysans ont déjà été déplacés vers des villages de regroupement, afin
de faciliter la collectivisation des terres.
PAKISTAN
Politique intérieure.
Fille de l’ancien Premier ministre Ali
Bhutto, Mlle Benazir Bhutto arrive à Lahore après deux ans d’exil. La présidente
du Parti du peuple pakistanais, accueillie
par plusieurs centaines de milliers de par-
tisans, réclame des élections anticipées et la
démission du président Zia ul-Haq.
downloadModeText.vue.download 45 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
44
Vendredi 11
FRANCE
Terrorisme.
Libération d’un des fondateurs de l’organisation Action directe, Frédéric Oriach,
condamné en novembre 1983 à cinq ans
de prison pour association de malfaiteurs,
après avoir été impliqué dans une série d’attentats à Paris pendant l’été 1982.
Santé.
Le docteur Chermann, de l’Institut Pasteur,
indique que 200 000 Français sont porteurs
du virus du SIDA, sans symptôme apparent.
URSS
Énergie nucléaire.
Après un nouvel essai américain, l’URSS
lève le moratoire unilatéral qu’elle s’était
imposé en août 1985.
YOUGOSLAVIE
Minorités.
À Pec, neuf personnes d’origine albanaise
sont condamnées à des peines de quatre
mois à sept ans de prison pour avoir milité
en faveur de l’attribution d’un statut de république au Kosovo. Trois des condamnés
étaient également accusés d’espionnage au
profit de l’Albanie (! 4).
Samedi 12
FRANCE
Relation internationales
! Côte-d’Ivoire
CÔTE!D’IVOIRE
Relations internationales.
Visite officielle à Yamoussoukro de
M. Jacques Chirac. Le Premier ministre
français annonce la reprise d’une coopération prioritaire avec l’Afrique francophone.
Dimanche 13
ÉGLISE CATHOLIQUE
OEcuménisme.
À Rome, le pape Jean-Paul II est reçu par le
grand rabbin Elio Toaff. Pour la première
fois, un souverain pontife se rend officiellement dans une synagogue.
ITALIE
Partis politiques.
À Florence, le 17e congrès du PCI s’achève
par l’élection à l’unanimité de M. Alessandro Natta au poste de secrétaire général.
Lundi 14
OEcuménisme.
Au Vatican, le pasteur Emilio Castro, secrétaire général du Conseil oecuménique des
Églises, rencontre le pape Jean-Paul II pour
la première fois.
EUROPE
Terrorisme.
À La Haye, les Douze, dénonçant « tout
État clairement impliqué dans le soutien
au terrorisme », annoncent des sanctions
diplomatiques contre la Libye.
FRANCE
Relations internationales.
Jusqu’au 16, voyage officiel du président
Chon Tuhwan. C’est la première visite en
France d’un dirigeant sud-coréen.
Politique économique.
La Banque de France déclenche une baisse
des taux d’intérêt en diminuant son taux
d’intervention d’un demi-point.
Partis politiques.
M. Jean-Pierre Chevènement annonce
le changement d’appellation du CERES
(Centre d’études, de recherches et d’éduca-
downloadModeText.vue.download 46 sur 502
CHRONOLOGIE
45
tion socialiste). L’aile gauche du PS se nommera désormais Socialisme et République.
Lettres.
À Paris, décès de l’écrivain Simone de Beauvoir, à l’âge de 78 ans.
INDE
Faits divers.
À Hardwar, plus de 50 personnes sont tuées
au moment de la ruée de plusieurs millions
de pèlerins vers le Gange, à l’occasion de la
fête traditionnelle de la Khumba Mela.
AFRIQUE DU SUD
Terrorisme.
Dans le bantoustan du Lebowa, la police
découvre deux charniers de 32 corps carbonisés. Certaines victimes ont vraisemblablement été tuées par le supplice du « collier » (pneu passé au cou, arrosé d’essence
et enflammé), infligé habituellement par les
partisans de l’ANC aux Noirs qui coopèrent
avec le régime.
Église anglicane.
L’évêque de Johannesburg, Mgr Desmond
Tutu, est élu par un collège de 500 prêtres
et laïcs chef de toute l’Église anglicane
d’Afrique australe. Premier Noir élevé à
cette dignité, il devient ainsi archevêque du
Cap.
LIBYE
Raid américain.
Dix-huit avions F-111 basés en GrandeBretagne bombardent des « cibles liées au
terrorisme » à Tripoli et à Benghazi. Le gouvernement français a refusé le survol du
territoire aux bombardiers, mais la République fédérale allemande et la Grande-Bretagne approuvent le raid. Le 15, deux missiles libyens sont tirés en direction de l’île
italienne de Lampedusa, mais manquent
leur objectif.
Mardi 15
FRANCE
Terrorisme.
Au Vésinet, dans les Yvelines, le vice-président du CNPF, M. Guy Brana, échappe à un
mitraillage. Le 18, six suspects sont déférés
au parquet. Le 19, l’organisation Action directe revendique l’attentat.
Littérature.
À Paris, mort de l’écrivain Jean Genet, à
l’âge de 76 ans.
Mercredi 16
Justice.
Lionel Cardon est condamné à la réclusion à perpétuité pour le meurtre de deux
policiers.
FRANCE
Télévision.
Le Conseil d’État interdit à la 5e chaîne de
diffuser des films.
RFA
Terrorisme.
Devant le Bundestag, le chancelier Kohl
affirme détenir la preuve que la Libye est
responsable de l’attentat de Berlin-Ouest
qui avait fait deux morts et 240 blessés dans
la nuit du 5 au 6 avril.
URSS
La fille de Staline, Mme Svetlana Alliloueva, revient s’installer aux États-Unis, qu’elle
avait quittés pour l’URSS fin 1984.
SYRIE
Terrorisme.
Dans différentes villes du nord du pays,
huit attentats auraient fait 150 morts. Le
gouvernement de Damas accuse Israël d’en
être le responsable.
downloadModeText.vue.download 47 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
46
PAKISTAN
Raid aérien.
Quatre avions afghans bombardent le village frontière de Saidgi, dans le secteur du
Waziristan, tuant cinq Pakistanais ; 51 maisons sont détruites.
Jeudi 17
FRANCE
Marcel Dassault, constructeur d’avions,
meurt à Neuilly-sur-Seine, à l’âge de 94 ans.
LIBAN
Terrorisme.
Deux otages britanniques ainsi qu’un citoyen des États-Unis sont assassinés en
représailles contre le raid américain sur la
Libye. Le 18, le meurtre d’un cameraman
britannique est annoncé. Le 20, tous les ressortissants du Royaume-Uni sont évacués
de Beyrouth-Ouest.
AUSCHWITZ
Dialogue pour
des carmélites
Le 18 avril, à Paris, M. Aely Steg, président
de l’Alliance israélite universelle, lance un
appel à la hiérarchie catholique pour qu’elle
renonce à l’installation d’un couvent dans
l’ancien théâtre municipal de la ville d’Auschwitz, à proximité du camp. En fait, un carmel accueillant dix moniales existe déjà depuis le 1er août 1984. Implantation qui avait
connu un certain retentissement à l’époque
du voyage du pape au Bénélux, lorsque le
père Werenfried Van Straaten, animateur
d’Aide à l’Église en détresse, avait organisé
une collecte ayant pour thème : « Un don
pour le pape : un couvent à Auschwitz ». Il
s’agissait d’effectuer des réparations pour
consolider le bâtiment. Des organisations
juives belges avaient alors dénoncé l’« annexion » du lieu par les catholiques, obtenant un large écho parmi les communautés
de France et de Belgique, beaucoup moins
en Israël. M. Steg dénonce maintenant une
« généralisation » et une « banalisation »
qui, selon lui, font fi de la spécificité d’Auschwitz, à savoir que « seuls les juifs (y) ont
été tués pour ce qu’ils étaient et non pour ce
qu’ils faisaient » ; il demande qu’Auschwitz
devienne « le seul lieu, dans tout l’univers,
où il ne serait pas concevable que s’élève une
prière d’aucune sorte ». Parmi les défenseurs
du carmel, le père Werenfried met en garde
les juifs « contre le danger de revendiquer un
monopole » et « d’empêcher ainsi que la mort
des Polonais, prisonniers de guerre russes
Tsiganes etc., soit elle aussi commémorée ».
Le primat de Pologne, Mgr Glemp, déclare
pour sa part : « Il y a eu 6 230 000 Polonais
exterminés à Auschwitz. La destruction du
catholicisme polonais et celle du judaïsme ont
été des génocides parallèles » En définitive, la
proportion des juifs parmi les morts d’Auschwitz reste controversée : 1 500 000 victimes, selon G. Wellers, président de l’Amicale
des déportés d’Auschwitz III ; trois millions,
selon David Susskind, président du Centre
communautaire laïque juif de Bruxelles.
Sans parler des chiffres très inférieurs avancés par les historiens révisionnistes.
À Genève, le 22 juillet, les archevêques de
Cracovie, Bruxelles, Lyon et Paris (Mgr Lustiger, dont la mère est morte à Auschwitz)
rencontrent des personnalités juives comme
M. Théo Klein, président du CRIF (Comité représentatif des institutions juives de
France), et le grand rabbin de France, M. Sirat. L’archevêque de Cracovie donne son accord pour que les travaux du carmel soient
arrêtés. De plus, les participants signent une
« déclaration d’Auschwitz » qui reconnaît ce
site comme le lieu symbolique du martyre
des juifs, « morts dans l’abandon et l’indifférence du monde ».
downloadModeText.vue.download 48 sur 502
CHRONOLOGIE
47
Samedi 19
LIBAN
Église maronite.
Élection d’un nouveau patriarche,
Mgr Nasrallah Sfeir, qui succède au cardinal Khoraiche.
ÉGYPTE
Politique intérieure.
Le Parlement reconduit pour deux ans la
loi d’urgence instaurée après l’assassinat du
président Sadate.
AUSTRALIE
Biologie.
L’hebdomadaire médical australien The
Lancet révèle que, à l’université Flinders
d’Adélaïde et pour la première fois au
monde, une grossesse a été obtenue par fécondation in vitro à partir d’ovules congelés.
Dimanche 20
PHILIPPINES
Vie politique.
À Manille, 20 000 partisans de M. Marcos
manifestent pour réclamer son retour.
Lundi 21
ESPAGNE
Politique intérieure.
Le Premier ministre, M. Felipe Gonzalez,
dissout les Cortes et annonce de nouvelles
élections.
Mardi 22
FRANCE
Police.
Arrestation et mise en garde à vue d’un
journaliste de VSD, M. Marc Francelet,
après l’attentat d’Action directe contre le
vice-président du CNPF. Le 23, le chef adjoint du service « société » du journal Libération, M. Gilles Millet, est appréhendé à
son tour, puis libéré le lendemain. Des perquisitions sont effectuées dans les bureaux
des deux publications.
Enseignement.
Le ministre de l’Éducation, M. René Monory, annonce l’abrogation de la réforme Chevènement pour les lycées et collèges.
ESPAGNE
! Grande-Bretagne
GRANDE!BRETAGNE
Relations internationales.
Alors qu’un règlement semble s’esquisser
dans la question de Gibraltar, la reine Élisabeth accueille le roi Juan Carlos d’Espagne,
qui prononce un discours, le 23, devant le
Parlement britannique.
AFGHANISTAN
Guerre.
L’agence soviétique Tass annonce la chute
de Zhawar, place forte de la Résistance,
située près du Pakistan.
Mercredi 23
AFRIQUE DU SUD
Société.
Abolition des laissez-passer, que les Noirs
devaient détenir pour pénétrer dans les
zones blanches.
Jeudi 24
FRANCE
La duchesse de Windsor meurt à Neuillysur-Seine, à l’âge de 89 ans. La veuve du
roi Édouard VIII d’Angleterre, qui avait
abdiqué pour pouvoir l’épouser, lègue la
plus grande partie de sa fortune à l’Institut
Pasteur.
downloadModeText.vue.download 49 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
48
Vendredi 25
EUROPE
Politique agricole.
À Luxembourg, les ministres de l’Agriculture de la CEE parviennent à un accord
pour une réforme du marché des céréales et
pour un gel des prix en 1986-87.
FRANCE
Faits divers.
À Écully, dans la banlieue de Lyon, assassinat du directeur de Black et Decker en
France, M. Kenneth Marston.
ESPAGNE
Terrorisme.
Un attentat à la voiture piégée, imputé à
l’ETA militaire, provoque la mort de cinq
gardes civils et fait une dizaine de blessés.
SWAZILAND
Vie politique.
Couronnement du nouveau roi, Mswati III,
âgé de 18 ans.
Samedi 26
FRANCE
Terrorisme.
À Lyon, une bombe détruit l’immeuble
abritant American Express.
URSS
Nucléaire.
Catastrophe de Tchernobyl.
Tchernobyl en fusion
Le 2 mai, M. Petrossiants, responsable soviétique à l’énergie atomique, reconnaît que
l’accident de Tchernobyl est « le plus grave
de l’histoire ». L’explosion, qui s’est produite
le 26 avril, a provoqué la fusion du coeur
du réacteur 4 de la centrale, l’incendie du
graphite qui le protégeait et d’importantes
émanations de gaz radioactifs. Ces particules toxiques, dont une grande partie s’est
déposée aux alentours de Tchernobyl, ont
été poussées vers la Scandinavie, où des
taux élevés de radioactivité ont été mesurés le 28 avril, puis vers l’Europe de l’Est et
du Sud. Le 29 avril, l’accident est brièvement évoqué à la télévision soviétique et, le
14 mai, M. Gorbatchev consacre une allocution télévisée à la catastrophe et confirme le
décès de neuf personnes.
Les populations soit 135 000 habitants, sont
évacuées d’une zone fortement contaminée
située dans un rayon de trente kilomètres
autour de la centrale. Une dizaine de jours
après l’explosion, les habitants de la ville de
Kiev sont invités à prendre des précautions
particulières, tandis que les enfants sont
envoyés dans des camps de vacances. Le 13,
Moscou annonce que les fuites radioactives
ont cessé.
Sur les lieux de l’accident, de gros travaux
sont mis en oeuvre pour neutraliser et éviter la dispersion des matières radioactives
dans les sous-sols et dans l’atmosphère : le
réacteur a été enseveli sous 5 000 tonnes
de sable et sera enfermé dans un gigantesque coffrage de béton. Quatre mois après
la catastrophe, des poussières radioactives
s’échappent encore du réacteur, mais les travaux de coffrage devraient être achevés à la
fin du mois de septembre. Plusieurs incertitudes subsistent encore en ce qui concerne
la contamination de la chaîne alimentaire et
des végétaux. Quoi qu’il en soit, la zone irradiée ne pourra être habitée avant au moins
quatre ou cinq années et, à Kiev, les mesures
prophylactiques sont toujours en vigueur.
Le bilan s’élève à 31 morts et 233 blessés En
outre, les 135 000 personnes évacuées devront être surveillées pendant toute leur vie
et les Soviétiques évaluent à 6 530 le nombre
des cancers et des leucémies dus à l’irradiation qui pourraient apparaître dans les prochaines années.
downloadModeText.vue.download 50 sur 502
CHRONOLOGIE
49
En Europe, les réactions sont très vives. La
peur qui s’empare de la population se manifeste, dans certains pays, par l’observation
de mesures sanitaires strictes, un accroissement des ventes de produits surgelés et de
lait en poudre, l’apparition de compteurs
Geiger et des demandes accrues d’avortements. Dès les premiers jours de mai, plusieurs pays d’Europe occidentale décident
individuellement de fermer leurs frontières
au bétail et aux produits alimentaires en
provenance d’Europe de l’Est, la décision de
la CEE n’intervenant que le 12, tandis que
la consommation de certains légumes et du
lait frais est déconseillée, voire même interdite. Le 15, la Communauté européenne
demande à l’Union soviétique le remboursement des dommages causés aux agriculteurs, dont nombre de récoltes ont été détruites, en raison de leur taux trop élevé de
radioactivité ou de la mévente enregistrée
sur les marchés de fruits et légumes et même
de la viande et du lait. En France, les réac-
tions sont plus tardives et plus modérées. Le
10, le gouvernement annonce que tout le
pays a été touché dès le 1er mai, à l’exception de l’extrémité de la Bretagne, et que les
taux de radioactivité ont atteint 400 fois la
normale dans certaines régions, notamment
en Alsace, où la consommation des épinards
est interdite le 13.
La seconde conséquence de l’accident est la
remise en cause de l’exploitation de l’énergie
nucléaire. Pendant tout le mois de mai, de
nombreuses manifestations se déroulent sur
le site de futures implantations nucléaires et
dans la plupart des capitales y compris dans
celles des pays de l’Est. Sous la pression de
l’opinion publique et de certains partis politiques, plusieurs États, dont la Suède, les
Pays-Bas et la Grande-Bretagne, annulent
leurs projets de construction de centrales.
QATAR
Raid aérien.
Quatre hélicoptères qatariotes attaquent
l’îlot de Facht al-Dibel et enlèvent 30 techniciens de la compagnie néerlandaise Ballast Nedam, qui travaillaient à la mise en
place d’un poste de défense bahreini. Situé
à 20 km de Bahrein, ce rocher d’une dizaine
de kilomètres carrés est revendiqué depuis
deux siècles par Qatar et par Bahrein. Après
la médiation de l’Arabie Saoudite, les otages
sont libérés le 12 mai.
Dimanche 27
FRANCE
Police.
Près de Biarritz, arrestation du terroriste
espagnol Domingo Iturbe Abacolo, dit
Txomin, considéré par la police espagnole
comme le principal chef de l’ETA militaire.
Le 29, il est inculpé d’infraction à arrêté
d’assignation à résidence et écroué.
Lundi 28
FRANCE
Scandale.
Le ministre de la Coopération, M. Michel
Aurillac, déclare que, le 18 avril, il a saisi le
procureur général près la Cour des comptes
du dossier de l’affaire du Carrefour du
développement.
Carrefour dangereux
28 avril : Le nouveau ministre de la Coopération, M. Michel Aurillac, révèle et transmet à la Cour des comptes une affaire de
détournement de fonds publics réalisé par
une association, le Carrefour du développement, destinée en principe à favoriser l’aide
downloadModeText.vue.download 51 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
50
au tiers monde... Le trésorier de cette association n’était autre que M. Yves Chalier, chef
de cabinet de l’ancien ministre socialiste de
la Coopération, M. Christian Nucci. En décembre 1985, M. Chalier a acheté le château
d’Ortie (Loir-et-Cher), payé en partie avec
de l’argent du Carrefour transitant par une
deuxième association, la Promotion française, fondée par une voyante, Mme Lucette
Norbert, et l’ancien chef de cabinet d’Yvette
Roudy, Mme Marie-Danielle Bahisson. Au
total, ce sont 250 millions de francs de dépenses du Carrefour qui restent injustifiées.
30 avril : M. Mitterrand fait rembourser à
Renault une R25 blindée commandée par
l’Élysée pour le sommet franco-africain de
Bujumbura qui avait été payée (un million de
francs) par le Carrefour du développement !
Selon un document signé Nucci, l’association aurait dépensé plus de 50 millions pour
cette réunion. Or, les fausses imputations de
dépenses y abondent M. Aurillac mettra en
cause l’Élysée en la personne du conseiller
pour les Affaires africaines, M. Guy Penne.
13 juin : M. Yves Chalier, en fuite, écrit à
M. Aurillac et accuse M. Nucci et M. Mermaz, l’ancien président de l’Assemblée,
d’avoir puisé dans les fonds publics affectés
au Carrefour pour financer la campagne
électorale du PS dans l’Isère. Deux fêtes données à Beaurepaire par M. Nucci sont également évoquées. Coût : un million de francs.
27 juin : Mmes Bahisson et Norbert sont inculpées de recel et d’abus de confiance.
9 juillet : Un mandat d’arrêt international
est lancé contre M. Chalier, pour abus de
confiance, faux et usage de faux.
31 juillet : M. Nucci reconnaît avoir payé
ses cotisations au PS, pour un montant supérieur à 100 000 F, à partir d’un compte
bancaire commun avec M. Chalier. Il porte
plainte contre son ancien chef de cabinet.
5 août : M. Nucci est l’objet d’une « procédure
conservatoire » engagée par le parquet à propos du financement de sa campagne électorale dans l’Isère.
Terrorisme.
À Paris, un attentat à l’explosif fait deux
blessés et provoque des dégâts importants
au siège de Laissez-les vivre – SOS futures
mères, association opposée à l’avortement.
Enseignement.
Le ministre de l’Éducation nationale,
M. René Monory, annonce la suppression
du recrutement des PEGC (professeurs
d’enseignement général des collèges), qui
devront désormais passer le concours du
CAPES et recevoir un an de formation
professionnelle.
SRI LANKA
Catastrophe.
Le secrétaire de la Croix-Rouge norvégienne indique que 2 500 personnes sont
portées disparues et 7 800 autres sont sans
abri à la suite de la rupture d’un barrage.
Le gouvernement avait annoncé moins
de 150 morts. Le Parti communiste révolutionnaire de l’Eelam, jusqu’alors inconnu, revendique la responsabilité de la
catastrophe.
Mardi 29
FRANCE
Économie.
Diffusion du rapport sur l’état des finances
publiques, qui fait apparaître un déficit budgétaire de 159 milliards de francs, somme
dépassant largement les 145,3 milliards inscrits dans la loi de finances initiale de 1986,
présentée en septembre 1985.
Audiovisuel.
Henri de France, inventeur du procédé de
télévision SECAM, meurt à l’âge de 74 ans.
downloadModeText.vue.download 52 sur 502
CHRONOLOGIE
51
PAYS!BAS
Vie politique.
Dans cinq villes du pays, des militants
d’extrême gauche tentent sans succès d’interdire l’entrée des élus du Centrumpartij
(parti opposé à la politique d’immigration)
dans les conseils municipaux.
SYRIE
Justice.
Pendaison d’un Libanais accusé d’avoir
fait exploser un camion piégé à Damas
le 13 mars, attentat qui avait fait près de
60 morts. L’accusé avait avoué agir pour le
compte de l’Iraq.
INDE
Minorités.
Réfugiés dans l’enceinte du Temple d’or
d’Amritsar, les indépendantistes sikhs proclament un « État souverain du Khalistan »
(« pays des purs ») et annoncent la formation prochaine d’un « gouvernement parallèle ». Le 30, la police fait évacuer le Temple,
qui était occupé depuis le 26 janvier.
INDONÉSIE
Relations internationales.
À Bali, le président américain Reagan s’entretient avec le vice-président des Philippines, M. Salvador Laurel.
JAPON
L’empereur Hiro-Hito fête le même jour ses
85 ans et ses 60 années de règne.
NOUVELLE!CALÉDONIE
Statut.
M. Bernard Pons, ministre des DOMTOM, arrive à Nouméa pour une visite
de trois jours. Le plan qu’il expose devant
le Congrès du territoire renforce les prérogatives du haut-commissaire et réduit
celles des conseils de région, dont trois
sur quatre sont contrôlés par le FLNKS
indépendantiste.
ÉTATS!UNIS
! Indonésie
SRI LANKA
Tamouls contre Tamouls
Au nord du pays le processus de « libanisation » prend une nouvelle dimension, à partir du 29 avril, lorsque de véritables batailles
au fusil-mitrailleur et au lance-roquettes
opposent les deux plus importantes organisations indépendantistes tamoules, entraînant
la mort de plusieurs centaines de guérilleros
en quelques jours.
Regroupant 2 000 combattants bien entraînés
le principal groupe séparatiste – les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (TLET) – prend
d’assaut le quartier général de son principal
rival, l’OLET (Organisation de libération
de l’Eelam tamoul), qui perd son chef, Sri
Sabaratnam, dans l’affrontement. Au total,
4 000 maquisards d’une vingtaine d’organisations, dont les quatre principales affichent
une inspiration plus ou moins marxiste, sont
confrontés à 40 000 soldats cinghalais dans
le nord et l’est du pays. L’Inde les appuie
(55 millions de Tamouls vivent dans l’État
indien voisin du Tamil Nadu), et ils sont
bien fournis en Kalachnikov neuves. Quant
au gouvernement sri-lankais, il reçoit fournitures et aide militaires de nombreux pays :
Grande-Bretagne, Israël, Pakistan, Chine et
même Afrique du Sud et Singapour.
En trois ans les affrontements ont fait
10 000 morts des centaines de villages ont été
rasés et au moins 130 000 Tamouls ont fui
vers l’étranger.
downloadModeText.vue.download 53 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
52
Mercredi 30
GRANDE!BRETAGNE
Prisons.
Graves mutineries dans une vingtaine de
pénitenciers, dont de nombreux bâtiments
sont saccagés. Plusieurs dizaines de détenus
réussissent à prendre la fuite. La GrandeBretagne détient le record de la population
carcérale dans la CEE : 274 prisonniers
pour 100 000 habitants, contre 140 en
France.
Le mois de Bernard Tapie
Tchernobyl signe avec gravité les limites de
tout pouvoir. À la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen devrait s’ajouter un
codicille essentiel : le droit pour les citoyens
de contrôler leur propre destinée et de regarder d’un peu plus près les ingrédients de la
sauce à laquelle ils risquent en permanence
d’être mitonnes. Que l’énergie nucléaire soit
pour le moment nécessaire à notre développement, cela n’est désormais contesté par personne : encore faut-il informer vraiment et
ne pas considérer la société civile comme un
ramassis de gamins irresponsables, tout juste
aptes à l’acceptation d’une passivité d’autant
plus néfaste qu’elle renforce cette mentalité
d’assistés que les gouvernants ne manquent
jamais une occasion de dénoncer avec vigueur, alors que souvent ils l’engendrent.
Tchernobyl résonne comme un véritable signal d’alarme pour nos démocraties. Le système totalitaire y a apporté une fois de plus
la preuve de ses béances, en jetant sur le coeur
du réacteur en fusion la chape de plomb d’un
silence d’autant plus terrifiant que les enjeux
signifient directement la survie ou la mort
de centaines, voire de milliers d’hommes, de
femmes ou d’enfants. Plus que jamais, dans
la conduite des affaires de la nation comme
dans la direction d’une entreprise, la transparence s’impose, avec son inévitable corollaire : un appel à la responsabilité de chacun.
À trop vouloir traiter les citoyens en mineurs,
craignons qu’ils n’aient un jour qu’une envie :
casser tous leurs jouets.
Tchernobyl prouve encore, si besoin en était,
que « l’ère du monde fini » est bien commencée, que le nucléaire est bien devenu, pour le
meilleur et pour le pire, le premier gouvernement mondial de la planète, et qu’il faudra, là aussi, apprendre à gérer l’incertitude.
En comparaison, l’affaire du Carrefour du
développement peut prêter à sourire, si ne s’y
manifestait une fois de plus cet étrange sentiment d’impunité qui semble contaminer tout
être humain arrivé « au pouvoir ». Sommesnous si loin du nucléaire ? Ici encore, le secret domine : à l’ombre propice des subventions en fleur, des associations loi de 1901,
des congrès internationaux pavés de bonnes
intentions, fleurissent les manipulations en
tout genre, champignonnent copains et co-
quins, au nom du soi-disant droit du plus fort
à disposer librement de l’argent des citoyens
contribuables La transparence s’impose donc
plus que jamais, et la nécessité pour chacun
de savoir d’emblée où vont ses impôts. Pour
le reste, terrorisme et apartheid, prisons surpeuplées et faits divers : litanie sanglante du
monde comme il va. Il reste heureusement
les millions de bonheurs conquis chaque jour
sur la grisaille des abandons. Mais chacun
sait que le bonheur n’a pas d’histoire...
BERNARD TAPIE
downloadModeText.vue.download 54 sur 502
CHRONOLOGIE
53
Mai
Jeudi 1er
FRANCE
Fête du Travail.
À Paris, les défilés traditionnels organisés
par les syndicats ne rassemblent, au total,
que 16 000 personnes.
Défense.
Les Mirage IV des forces aériennes stratégiques, basés à Mont-de-Marsan, sont
dorénavant équipés de missiles air-sol à
moyenne portée (ASMP). Ce missile, à vitesse supersonique et à statoréacteur, est le
premier missile de croisière français.
GRANDE!BRETAGNE
Prisons.
À la suite d’une grève des heures supplémentaires, déclenchée par les gardiens, des
révoltes éclatent dans dix-huit prisons.
IRAQ!IRAN
Conflit.
Dans le sud du golfe arabo-persique, un
pétrolier saoudien est touché par deux roquettes tirées d’un hélicoptère, vraisemblablement iranien.
PHILIPPINES
Manifestations.
Pour la première fois depuis 21 ans, les centrales syndicales célèbrent la fête du Travail
par un rassemblement unitaire, à Manille.
Des affrontements opposent les partisans
de Mme Aquino à ceux de l’ancien président Marcos (1 mort).
THAÏLANDE
Politique intérieure.
Le Parlement est dissous, après le rejet
d’une mesure financière proposée par le
gouvernement.
NOUVELLE!CALÉDONIE
Statut.
Lors d’une visite de trois jours dans l’île, le
ministre des DOM-TOM, M. Bernard Pons,
multiplie les mises en garde à l’adresse des
indépendantistes et annonce le transfert
des attributions du pouvoir régional au
profit du haut-commissaire.
AFRIQUE DU SUD
Conflits sociaux.
Réclamant la reconnaissance du 1er-Mai
comme fête du Travail, les ouvriers noirs
déclenchent une grève générale.
Vendredi 2
FRANCE
Police.
M. Philippe Massoni est nommé directeur
central des Renseignements généraux.
NORVÈGE
Gouvernement.
Après la démission du gouvernement
conservateur de M. Kaare Willoch, mis en
minorité au Parlement, Mme Gro Harlem
Brundtland est nommée Premier ministre.
Le 9, elle forme un nouveau gouvernement
travailliste.
PORTUGAL
Diplomatie.
Cinq diplomates libyens sont expulsés de
Lisbonne. En même temps, les mouvements des autres fonctionnaires de l’ambassade sont limités à 30 kilomètres de la
capitale.
INDE
Troubles.
Près d’Amritsar, sept personnes sont tuées
par des extrémistes sikhs, en représailles
downloadModeText.vue.download 55 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
54
contre l’intervention de la police dans l’enceinte du Temple d’or (! 29 avr.).
LIBYE
! Portugal
Samedi 3
ÉGLISE CATHOLIQUE
Doctrine.
Publication, à Rome, d’un rapport sur le
développement des sectes.
FRANCE
Terrorisme.
À Marseille, deux explosions d’engins de
faible puissance, près d’un commissariat,
sont revendiquées par une organisation
inconnue, les commandos contre l’invasion
maghrébine.
GRANDE!BRETAGNE
Conflits sociaux.
À Londres, 8 000 personnes manifestent
contre le licenciement, en janvier, de
5 500 employés des imprimeries de Rupert
Murdoch. Dans la nuit, de violents affrontements opposent les ouvriers du livre à la
police devant les nouvelles imprimeries de
Wapping (plus de 200 blessés).
CHINE
Réfugiés.
Le commandant Wang, réfugié à Taiwan
depuis 1949, se pose à Canton aux commandes d’un Boeing de la compagnie
nationale taiwanaise et demande asile à la
Chine (! 17).
SRI LANKA
Terrorisme.
À l’aéroport de Colombo, une bombe explose dans un avion (22 morts, 23 blessés).
L’attentat est revendiqué le lendemain par le
groupe séparatiste tamoul des Tigres libérateurs. Le 7, nouvel attentat à la bombe dans
un bureau de poste en plein centre de la
capitale (10 morts).
ÉTATS!UNIS
Espace.
Porteuse d’un satellite d’observation météorologique, une fusée Thor-Delta explose 91 secondes après son lancement.
C’est le troisième échec de la NASA depuis
le début de l’année. Le 9, celle-ci reconnaît
avoir perdu un autre lanceur, la fusée Nike
Orion, le 25 avril.
Dimanche 4
Le 12e sommet des sept pays industrialisés s’ouvre à Tokyo, où il se tient jusqu’au
6. Deux propositions, relatives à l’intensification de la lutte antiterroriste et à la sécurité nucléaire, sont adoptées le 5. La déclaration finale propose un renforcement de la
coopération économique et monétaire entre
les États.
SPORT
Course à pied.
11 000 concurrents participent au marathon de Paris, remporté par le Djiboutien
Ahmed Salah.
FRANCE
Solidarité.
Invitée de l’émission télévisée 7 sur 7,
Mme Danielle Mitterrand présente la fondation France Liberté, qu’elle a créée pour
la défense des droits de l’homme dans le
monde.
AUTRICHE
Élections.
Au premier tour des présidentielles, le
candidat conservateur, M. Kurt Waldheim, obtient 49,64 p. 100 des voix contre
43,66 p. 100 au socialiste, M. Kurt Streyer
(! 8 juin).
downloadModeText.vue.download 56 sur 502
CHRONOLOGIE
55
AFGHANISTAN
Gouvernement.
M. Babrak Karmal est remplacé, à la tête
du PC, par l’ancien chef de la police politique, M. Mohamed Najibullah. M. Karmal,
qui séjournait à Moscou depuis le 30 mars,
pour raisons de santé, était rentré à Kaboul
le 1er. Des manifestations sont organisées
pour réclamer son retour (! 15).
Lundi 5
FRANCE
Politique économique.
L’Assemblée nationale vote la privatisation
de l’agence Havas et des neuf principaux
groupes industriels français.
Terrorisme.
Les premières assises européennes contre
le terrorisme se tiennent dans les locaux de
l’Assemblée nationale. Organisées par l’Association des victimes du terrorisme, elles
réclament une meilleure indemnisation des
dommages corporels.
Patrimoine.
M. François Léotard décide d’achever la
mise en place des colonnes de Buren.
JORDANIE
Relations internationales.
Pour la première fois depuis 1977, le chef
de l’État syrien, M. Hafez el-Assad, se rend
en visite officielle à Amman.
SYRIE
! Jordanie
Mardi 6
FRANCE
Partis politiques.
Élu député du Nord, le 16 mars, sur la
liste du Front national, M. Bruno Chauvierre démissionne du parti et rejoint les
non-inscrits.
Assurances.
Le groupe AXA prend le contrôle de la Providence SA et devient le troisième assureur
français.
Médecine vétérinaire.
Commercialisation du vaccin contre la
piroplasmose, maladie parasitaire du chien
véhiculée par les tiques. C’est le premier
vaccin mis au point contre une maladie
parasitaire.
BELGIQUE
Conflits sociaux.
Organisée pour protester contre le plan
d’austérité du gouvernement, la grève générale de la fonction publique est largement
suivie (! 16 et 31).
URSS
Espace.
Les cosmonautes Leonid Krzim et Vladimir
Soloviev quittent la station Mirv pour celle
de Saliout 7, en utilisant comme vaisseau de
transport la capsule Soyouz T15.
ISRAËL
! États-Unis
SOUDAN
Gouvernement.
Le général Sewar el-Dahab remet ses pouvoirs à un gouvernement civil. Ahmed Ali
el-Mirghani est élu président du Conseil de
souveraineté et occupe les fonctions de chef
de l’État. Le 15, le Premier ministre Sadek
el-Mahdi, président du parti Oumma, présente son nouveau gouvernement, qui ex-
clut totalement le Front national islamique.
ÉTATS!UNIS
Défense.
Après la Grande-Bretagne et la RFA, Israël
signe à Washington un protocole d’accord
downloadModeText.vue.download 57 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
56
prévoyant la participation de ses industries
à l’Initiative de défense stratégique (IDS).
Anniversaires.
Atlanta fête pendant quatre jours le centenaire de la naissance de Coca-Cola.
Mercredi 7
FRANCE
M. Gaston Defferre meurt à Marseille
à l’âge de 75 ans. Le 12, le président Mitterrand assiste aux obsèques.
Gaston Defferre
Maire de Marseille pendant 33 ans, directeur du quotidien le Provençal depuis 1951,
ministre sous la IVe et la Ve République, Gaston Defferre meurt à Marseille le 7 mai.
Issu d’une famille protestante de Marsillargues, dans l’Hérault, où il est né le 14 septembre 1910, Gaston Defferre est avocat au
barreau de Marseille de 1931 à 1951. Dès
1941, il participe activement à la Résistance
et, à partir de 1942, organise et dirige le
réseau Bru tus qui couvre tout le sud de la
France. Après la libération de Marseille en
août 1944, il s’installe à la mairie jusqu’en
1945. Élu aux municipales de 1953, il devient maire de Marseille, poste qu’il occupera
jusqu’à sa mort. Par une politique municipale rigoureuse, il dote la deuxième ville de
France d’un plan d’équipement et y entreprend de grands travaux (logements, tunnel
routier sous le Vieux-Port, métro, Corniche,
plage du Prado...).
Fidèle militant socialiste depuis 1933, date à
laquelle il adhère à la SFIO, il siège à l’Assemblée nationale en tant que parlementaire
des Bouches-du-Rhône de 1946 à 1958, puis
au Sénat de 1959 à 1962, avant d’être réélu
député, successivement en 1962, 1967, 1968,
1973, 1978 et 1981. Secrétaire et sous-secrétaire d’État en 1946 et 1947, ministre de
la Marine marchande en 1950-51, il entre,
en 1956, au cabinet de Guy Mollet, en tant
que ministre de la France d’outre-mer. Il élabore et fait adopter la loi-cadre du 23 juin
1956, qui porte son nom, sur la réforme du
statut de l’Afrique-Occidentale française et
de Madagascar, première étape vers l’indépendance de ces pays. En désaccord avec la
politique coloniale de Guy Mollet, il quitte
son gouvernement en 1957. Désigné par la
SFIO comme candidat officiel à la présidence
de la République en 1965, il retire sa candidature au profit de Guy Mollet, après l’échec
de sa politique de regroupement avec les centristes Candidat aux élections présidentielles
de 1969, Gaston Defferre ne remporte que
5,01 p. 100 des voix. Il se met alors au service
de François Mitterrand et soutient son élection à la tête du PS en 1971. Nommé ministre
d’État, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation en 1981, il est l’instigateur de la
loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation.
En 1984, il prend les fonctions de ministre
d’État, du Plan et de l’Aménagement du territoire, poste qu’il occupera jusqu’en mars
1986.
Politique économique.
L’Assemblée nationale adopte le projet de
loi sur la privatisation de 65 sociétés appartenant à l’État (notamment les banques et
les compagnies d’assurances).
Économie.
Le groupe BSN, premier groupe alimentaire français, prend le contrôle de Générale
Biscuit.
Police.
L’ancien chef de la brigade antigang, M. Robert Broussard, est nommé directeur central des polices urbaines.
downloadModeText.vue.download 58 sur 502
CHRONOLOGIE
57
URSS
Relations internationales.
À Moscou, M. Gorbatchev conclut, avec le
président angolais Dos Santos, un accord
liant pour deux ans le PC soviétique et le
MPLA.
IRAQ!IRAN
Conflit.
L’aviation iraqienne effectue un raid sur le
centre de Téhéran et bombarde la raffinerie
de pétrole.
LIBAN
Terrorisme.
Un retraité français, M. Camille Sontag,
est enlevé à Beyrouth-Ouest, devenant
ainsi le neuvième Français détenu au Liban
(! 11 nov.).
BANGLADESH
Vie politique.
Les élections législatives se déroulent dans
un climat de tension et de violence : des
affrontements mettent aux prises les partis
d’opposition et celui du Jatiya actuellement
au pouvoir (25 morts, 500 blessés). Le Jatiya
remportant 152 sièges sur 300, un nouveau
gouvernement, semblable au précédent, est
formé le 25.
ANGOLA
! URSS
Jeudi 8
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II entame un voyage de
trois jours en Émilie-Romagne, qui est la
région la plus anticléricale d’Italie.
SUD!SUD
La deuxième conférence Sud-Sud, réunie à
Kuala Lumpur, dénonce la dégradation du
dialogue Nord-Sud.
GRANDE!BRETAGNE
Partis politiques.
Lors des élections locales et des législatives
partielles, le parti conservateur enregistre
un net recul.
INDE
Partis politiques.
Conséquence de l’occupation par la police
de trois temples sikhs du Pendjab, 27 des
73 députés du parti sikh modéré l’Akali Dal
décident de former un nouveau parti (! 2).
Vendredi 9
FRANCE
Relations internationales.
Rappelé à Paris le 24 juillet 1985, l’ambassadeur de France à Pretoria, M. Pierre Boyer,
regagne l’Afrique du Sud.
Justice.
Incarcéré depuis 1985 pour trafic de drogue,
François Cecchi avoue être le meurtrier du
juge Michel, abattu à Marseille en 1981. Six
autres personnes sont arrêtées pour complicité. Le mobile du crime semble être la
vengeance de petits trafiquants de drogue.
Audiovisuel.
Dix-huit mois après sa création, Canal plus
accueille son millionième abonné.
ESPAGNE
Sécurité.
Le consul de Libye à Madrid, M. Saed Mohamed Alsalam Esmail, est expulsé, et un
responsable militaire, le colonel Carlos de
Meer de Rivera, est arrêté. Tous deux sont
accusés de complot contre la sûreté de l’État.
downloadModeText.vue.download 59 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
58
GRANDE!BRETAGNE
Défense.
Le gouvernement décide de réduire des
deux tiers les effectifs militaires stationnés
aux Malouines.
AFRIQUE DU SUD
! France
LIBYE
! Espagne
Samedi 10
FRANCE
Nucléaire.
À Plouézec, Côtes-du-Nord, 2 000 à
3 000 personnes manifestent pour protester
contre l’implantation d’une centrale dans la
commune.
Dimanche 11
SPORT
Automobile.
Alain Prost remporte le Grand Prix de Monaco pour la troisième fois consécutive.
Tennis.
À New York, Yannick Noah remporte le
tournoi de Forest Hill.
ARCTIQUE
Exploration.
Au terme d’un périple solitaire de 63 jours
et après avoir parcouru 750 kilomètres à
skis, le médecin français Jean-Louis Étienne
atteint le pôle Nord géographique.
FRANCE
Terrorisme.
Habid Maamar, auteur des attentats contre
les magasins Marks and Spencer de Londres
et de Paris, est arrêté à Nancy et inculpé le
14.
GRANDE!BRETAGNE
! Syrie
URSS
! États-Unis
SYRIE
Relations internationales.
Damas ordonne l’expulsion de trois diplomates britanniques, en réponse au renvoi
par Londres de trois diplomates syriens,
soupçonnés d’avoir participé à l’attentat
manqué contre El-Al à Heathrow.
ÉTATS!UNIS
Dissidents soviétiques.
Arrivé le 8 pour une visite de douze jours,
au cours de laquelle il doit rencontrer le
président Reagan, Anatoli Chtcharanski est
acclamé et porté en triomphe à New York.
Lundi 12
CEE
Commerce extérieur.
Après la catastrophe de Tchernobyl, les
pays du Marché commun décident de fermer leurs frontières (jusqu’au 31) aux produits frais et aux animaux en provenance
d’Europe de l’Est, RDA exceptée.
FRANCE
Vie politique.
Lors de la réunion du Comité central du
PC, M. Georges Marchais annonce qu’il ne
sera pas candidat aux prochaines élections
présidentielles.
YOUGOSLAVIE
Justice.
À Pristina, capitale du Kosovo, ouverture du
procès de 27 Albanais, accusés d’avoir créé
une association hostile à la Yougoslavie.
downloadModeText.vue.download 60 sur 502
CHRONOLOGIE
59
QATAR
Otages.
Enlevés le 26 avril par des hélicoptères de
l’armée du Qatar, les 30 employés de la
compagnie néerlandaise Ballast Nedam
sont libérés.
CHINE
Relations internationales.
Le ministre des Affaires étrangères, M. Wu
Xueqian, entreprend un voyage de 24 jours
en Europe (jusqu’au 4 juin).
INDE
Gouvernement.
Lors d’un important remaniement ministériel, M. Rajiv Gandhi nomme un sikh,
M. Buta Singh, au poste de ministre de
l’Intérieur. Cinq musulmans figurent dorénavant au gouvernement.
JAPON
Monnaie.
Après la forte ascension du yen par rapport au dollar (160,20 yens pour 1 dollar),
qui inquiète les exportateurs japonais, le
ministre des Finances, Noioru Takeshita,
annonce que son pays interviendra pour
soutenir la monnaie américaine.
LIBYE
Relations internationales.
Le gouvernement annonce l’expulsion de
36 diplomates, appartenant à sept pays de
la CEE. Les diplomates européens encore
en poste à Tripoli ne pourront plus quitter la région sans autorisation. Le même
jour, le colonel Kadhafi encourage les Libyens à boycotter les produits japonais et
européens.
Mardi 13
FRANCE
Politique intérieure.
Pour mettre un terme au débat commencé le 22 avril à l’Assemblée nationale,
M. Jacques Chirac engage la responsabilité de son gouvernement sur le projet de
loi d’habilitation économique et sociale. Le
16, la motion de censure, déposée par les
socialistes, est rejetée et le texte considéré
comme adopté en première lecture.
PAYS!BAS
Lettres.
Publication de l’édition originale intégrale
du Journal d’Anne Franck. Cette édition a
été mise au point par l’Institut d’État néerlandais pour la documentation de guerre,
afin de faire cesser les polémiques quant à
l’authenticité du Journal.
ÉTATS!UNIS
Sciences.
Près de 6 500 scientifiques, dont quinze
prix Nobel, publient un manifeste par lequel ils s’engagent à ne pas participer aux
recherches sur l’Initiative de défense stratégique (IDS).
Mercredi 14
FRANCE
Emploi.
Le Conseil des ministres adopte le projet
de loi sur l’autorisation administrative de
licenciement, qui supprime le contrôle du
bien-fondé du motif économique par l’inspection du travail.
Audiovisuel
M. François Léotard présente le projet de
loi sur la communication, qui prévoit la
privatisation de TF1, la transformation du
statut de FR3, le remplacement de la Haute
Autorité par une commission Communication et Libertés, la suppression de la taxe
sur les magnétoscopes et l’annulation des
contrats de concession des 5e et 6e chaînes.
Le projet de privatisation de TF1 provoque
downloadModeText.vue.download 61 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
60
de vives protestations parmi les spécialistes
et les usagers de l’audiovisuel (! 21).
Loto.
Record absolu des gains atteignant plus de
32 millions de francs. Le précédent record
était de 17 millions.
YOUGOSLAVIE
Justice.
Andrija Artukovic, surnommé le boucher
des Balkans, est condamné à la peine de
mort pour crimes de guerre.
IRAQ!IRAN
Conflit.
L’aviation iraqienne bombarde un train
dans la gare de Haft Tapet, au sud-ouest de
l’Iran (77 morts, 250 blessés).
INDE
Relations internationales.
M. Rajiv Gandhi entreprend un voyage en
Afrique, qui doit le conduire en Zambie, au
Zimbabwe, en Angola et en Tanzanie.
AFRIQUE
! Inde
Jeudi 15
CEE
! États-Unis
FRANCE
Finances publiques.
M. Édouard Balladur annonce une série de
mesures financières destinées à inciter le
patronat à investir : baisse des taux d’intérêt
de 1,5 p. 100 et allégement considérable du
contrôle des changes.
Terrorisme.
Après avoir pris en otages 30 personnes
et fait évacuer les lieux, un commando de
l’ex-FLNC fait exploser les bâtiments d’un
complexe touristique à Cargèse (Corse-duSud). Deux personnes sont tuées en tentant
de désamorcer l’une des bombes.
YOUGOSLAVIE
Gouvernement.
Un Albanais du Kosovo, M. Sinan Hasani,
est nommé président de la direction collégiale de l’État. Le 16, formation d’un nouveau gouvernement, dirigé par M. Branko
Mikulic.
AFGHANISTAN
Gouvernement.
Formation d’une direction collective, qui
comprend le nouveau chef du PC, M. Mohamed Najibullah, le Premier ministre,
M. Ali Kishtmand, et M. Babrak Karmal,
qui a conservé son poste de président du
conseil révolutionnaire (! 4).
JORDANIE
Troubles.
À Yarmouk, de violents affrontements opposent les forces de l’ordre aux étudiants,
rassemblés sur le campus universitaire
pour protester contre le renvoi de 32 de
leurs camarades (3 morts).
ÉTATS!UNIS
Commerce extérieur.
Pour rétorquer aux réductions des exportations céréalières américaines vers le Portugal, imposées depuis son entrée dans le
Marché commun, M. Reagan annonce
l’application, dès le 19, de quotas sur les importations de certaines denrées de la CEE
(chocolat, vin, jus de fruits, bière).
Vendredi 16
FRANCE
Police.
M. Robert Pandraud annonce une augmentation substantielle des récompenses pour
downloadModeText.vue.download 62 sur 502
CHRONOLOGIE
61
rémunérer les informations susceptibles
d’aider à lutter contre le terrorisme.
Terrorisme.
À Saint-Cloud, deux bombes explosent au
siège d’Interpol. L’attentat est revendiqué
par Action directe.
Opéra.
À Lyon, Jean-Claude Fall met en scène
l’Obéron de Carl Maria von Weber, qui
n’avait plus été interprété en France depuis
30 ans.
BELGIQUE
Conflits sociaux.
Grève générale des services publics. Dès
le 15, des débrayages affectent les établissements scolaires et les transports
ferroviaires. Le 23, le gouvernement fait
connaître les mesures d’austérité prises pour
réduire les dépenses publiques de 200 milliards de francs belges (! 6 et 31).
ÉTATS!UNIS
Faits divers.
À Cokeville, Wyoming, 150 enfants sont
pris en otages dans une école, par un couple
qui, armé de pistolets et de deux bombes,
réclame une rançon de 300 millions de
dollars. L’explosion accidentelle d’une des
deux bombes tue les deux forcenés et blesse
75 enfants.
NICARAGUA
Guérilla.
Le chef militaire de l’ARDE, Eden Pastora,
surnommé le commandant Zéro, dépose
les armes et demande l’asile politique au
Costa Rica. Cette décision survient après le
retrait de son organisation de six chefs militaires, qui ont rejoint les rangs de la principale force armée antisandiniste, la Force
démocratique nicaraguayenne.
RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
Politique intérieure.
Les élections générales opposent M. Joaquin Balaguer, ancien chef du Parti réformiste social-chrétien, à M. Jacobo Majluta,
candidat du parti au pouvoir, le Parti révolutionnaire dominicain. Après une interruption du dépouillement et de fortes
contestations, M. Balaguer est déclaré élu
président de la République le 26.
ARGENTINE
Armée.
Trois membres de la junte militaire qui
avait déclenché la guerre des Malouines en
1982 sont inculpés de négligences dans la
conduite du conflit, rétrogrades et condamnés à des peines de huit à quatorze ans de
prison.
Samedi 17
FRANCE
Vie municipale.
Au terme d’une lutte au sein du PS marseillais, M. Robert Vigouroux, partisan de
M. Defferre, est élu maire de Marseille,
contre le clan rival de M. Michel Pezet.
IRAQ!IRAN
Conflit.
Les troupes iraqiennes réussissent une percée en territoire iranien et s’emparent de la
ville de Mehran.
CHINE
Relations internationales.
Pour la première fois depuis 1949, une rencontre officielle est organisée à Hongkong
entre des responsables de la Chine et de
Taiwan, pour discuter du problème de la
restitution de l’avion détourné (! 3). Un
accord intervient le 19.
INDE
Religion.
Accusé de mauvaise conduite pour avoir
donné l’ordre à l’armée d’investir le Temple
d’or en 1985, le Premier ministre du Pendjab, M. Surjit Singh Barnala, est condamné,
par les grands prêtres sikhs, à nettoyer
downloadModeText.vue.download 63 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
62
les chaussures des fidèles pendant une
semaine.
SRI LANKA
Guerre civile.
L’armée lance une vaste offensive contre
la péninsule de Jaffna, contrôlée par les
séparatistes tamouls (jusqu’au 21). Le 21,
les maquisards font sauter la cimenterie de
Batticaloa, dans l’est de l’île.
TAIWAN
! Chine
AFRIQUE DU SUD
Troubles.
Dans le camp de Crossroads, près du
Cap, de sanglants affrontements entre
Noirs opposent les militants antiapartheid
aux vigiles. Les combats se poursuivent
jusqu’à la fin du mois (plus de 42 morts et
35 000 sans-abri).
Dimanche 18
RFA
Troubles.
Une importante manifestation devant le
site de la future usine de retraitement des
combustibles irradiés de Wackersdorf dégénère en violents affrontements entre les
forces de l’ordre et les manifestants. Plus
de 400 personnes sont blessées au cours de
batailles qui se déroulent jusqu’au 20.
SUISSE
Protestantisme.
La ville de Genève fête le 450e anniversaire
de la Réforme. Des expositions et de grands
spectacles sont organisés jusqu’au 25.
ÉGYPTE
Archéologie sous-marine.
L’épave du Patriote, un des plus gros navires
de la flotte française, échoué lors de l’expédition de Bonaparte en Égypte, est retrouvée à l’ouest d’Alexandrie.
AMÉRIQUE CENTRALE
À Panamá, les pourparlers de paix entre
le groupe de la Contadora et les cinq pays
d’Amérique centrale sont suspendus en raison du refus du Nicaragua de négocier un
désarmement (! 25).
Lundi 19
ESPAGNE
! URSS
URSS
Relations internationales.
Visite officielle du Premier ministre espagnol Felipe Gonzalez (jusqu’au 21).
NOUVELLE!ZÉLANDE
Politique extérieure.
M. Lange annonce la rupture des négociations avec la France sur le sort des faux
époux Turenge.
AFRIQUE DU SUD
Raid aérien.
L’armée sud-africaine bombarde des installations de l’ANC, à Harare, au Zimbabwe,
ainsi que des camps de réfugiés, à Lusaka,
en Zambie, et à Gaborone, au Botswana. Le
22, la CEE condamne le raid, et l’Argentine
rompt ses relations diplomatiques avec Pretoria. Le 23, les États-Unis expulsent l’attaché militaire sud-africain à Washington.
Mardi 20
FRANCE
Politique intérieure.
À l’Assemblée nationale, ouverture des débats sur le projet de loi rétablissant le scrutin majoritaire à deux tours et autorisant le
redécoupage des 577 nouvelles circonscriptions. Après une séance houleuse marquée
par de nombreux incidents, M. Jacques
downloadModeText.vue.download 64 sur 502
CHRONOLOGIE
63
Chirac engage la responsabilité du gouvernement. Le 22, la motion de censure, déposée par le PS et votée par le PC et le FN, est
repoussée. Le projet est considéré comme
adopté en première lecture.
Relations internationales.
Le vice-Premier ministre iranien, M. Ali
Reza Moayeri, arrive à Paris pour une visite
officielle de trois jours.
Cinéma.
La Palme d’or du festival de Cannes est décernée au film britannique de Roland Joffé,
The Mission.
IRAN
! France
CORÉE DU SUD
Asie : fièvre sud-coréenne
Le 20 mai, à Séoul, un étudiant s’immole
par le feu au cours d’une manifestation. Une
bataille oppose ensuite les forces de l’ordre
aux quelque 5 000 étudiants rassemblés pour
commémorer le sixième anniversaire du soulèvement populaire de la ville de Kwangju
(17-27 mai 1980). Depuis près de deux mois
le « pays du matin calme » est en proie à une
agitation croissante de l’opposition, représentée, d’une part, par le Nouveau Parti démocratique de Corée (NPDC), et, d’autre part,
par les contestataires étudiants. L’opposition
étudiante, qui condamne la dictature du
général Chon Tuhwan et l’interventionnisme
américain, se révèle de plus en plus violente
et radicale. Déjà, le 28 avril, deux étudiants
s’étaient immolés par le feu à Séoul. Le NPDC,
plus modéré, réclame une démocratisation
de la Constitution et notamment l’élection du
président au suffrage direct. Stimulée par la
chute du président Marcos aux Philippines la
population se rassemble massivement autour
de la campagne du NPDC, qui bénéficie de
l’appui des Églises protestante et catholique.
Au cours du mois de mai, la plupart des
grandes villes de Corée sont le théâtre de sanglantes émeutes estudiantines et d’importants
rassemblements de l’opposition. Le 3, dans la
ville d’Inchon, à l’ouest du pays 4 000 étudiants affrontent les forces de l’ordre pendant
six heures 105 personnes sont blessées et 129
autres arrêtées Le 6, à Séoul, deux policiers
sont tués pendant une importante démonstration anti-américaine. Les manifestants
protestent contre l’arrivée, le lendemain, du
secrétaire d’État américain, George Shultz,
qui réaffirme le soutien des États-Unis au
régime du président Chon Tuhwan. Le 10,
un meeting organisé par le NPDC rassemble
près de 25 000 personnes à Masan. De nouveaux heurts mettent aux prises étudiants
et policiers à Kwangju et à Séoul, le 14 et le
15. Le 29, le gouvernement accepte de ren-
contrer le chef du NPDC, M. Lee Min Woo,
pour discuter d’un éventuel amendement à la
Constitution.
Mercredi 21
FRANCE
Audiovisuel.
À l’appel des deux principaux syndicats de
l’audiovisuel, un programme minimum est
imposé sur toutes les chaînes de télévision,
publiques et privées. Une manifestation
rassemble 5 000 personnes pour protester
contre le projet de privatisation des chaînes
de télévision (! 14).
Outre-mer
! Nouvelle-Calédonie
DANEMARK
Politique intérieure.
Le Parlement ratifie le projet de réformes
institutionnelles de la CEE, qu’il avait rejeté
en janvier.
downloadModeText.vue.download 65 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
64
GRÈCE
Politique intérieure.
Le compositeur Mikis Theodorakis annonce
sa démission du Parlement, qu’il estime
incapable d’appliquer le changement de
politique.
IRLANDE
Faits divers.
Onze toiles de maîtres (dont un Goya, un
Vermeer et deux Rubens) sont volées à
Russborough House, près de Dublin. Ce vol,
le troisième en six mois, serait l’oeuvre de
nationalistes irlandais.
PAYS!BAS
Élections législatives.
Victoire de la coalition de centre droit,
comprenant le CDA (chrétiens démocrates)
du Premier ministre M. Ruud Lubbers et le
WD (libéraux conservateurs).
NOUVELLE!CALÉDONIE
Statut.
Le Conseil des ministres présente le projet
de loi sur le statut de la Nouvelle-Calédonie. À cette occasion, M. Mitterrand réitère
ses réserves.
ALGÉRIE
Population.
Le gouvernement déclare avoir expulsé,
depuis le 9 avril, près de 10 000 Touareg,
originaires du Niger et du Mali et réfugiés
dans le Sud algérien pour fuir la sécheresse.
ÉTATS!UNIS
Médecine.
Des médecins du Massachusetts General
Hospital utilisent avec succès des rayons
lasers pour détruire les calculs rénaux.
Jeudi 22
OTAN
Défense.
Entériné le 15 par les ambassadeurs des
pays membres de l’OTAN, sauf la France, le
projet américain sur la modernisation des
armes chimiques est ratifié par les ministres
de la Défense, qui émettent toutefois de
sérieuses réserves.
FRANCE
Commerce international.
Publication au Journal officiel du décret rétablissant l’anonymat pour les transactions
d’or.
YOUGOSLAVIE
Justice.
À Pristina et à Titova-Mitrovica, 46 Albanais du Kosovo, accusés d’activités nationalistes, sont condamnés. Le 26, à Skopje,
neuf étudiants sont condamnés pour les
mêmes raisons.
LIBAN
Guerre civile.
À Beyrouth-Ouest, reprise de la guerre de
camps entre les chiites d’Amal et les Palestiniens, notamment à Borj Barajneh. Les
combats s’intensifient le 26.
Vendredi 23
UNESCO
Membres.
Au cours de la session du conseil exécutif, la Grande-Bretagne obtient le statut
d’observateur.
FRANCE
Défense.
À Paris, devant la presse diplomatique,
M. Jacques Chirac déclare que la France ne
doit pas rester à l’écart de l’Initiative de défense stratégique américaine. Le 27, à SaintCyr-Coëtquidan, M. Mitterrand réaffirme
son opposition à la participation française
à ce projet.
Opéra.
À Lille, première de The Rake’s Progress
d’Igor Stravinski, mis en scène par le cinéaste Robert Altman.
downloadModeText.vue.download 66 sur 502
CHRONOLOGIE
65
ITALIE
Diplomatie.
En application des décisions prises par la
CEE envers Tripoli, huit diplomates libyens
sont expulsés.
AFRIQUE DU SUD
! États-Unis
LIBYE
! Italie
ÉTATS!UNIS
Commerce extérieur.
General Motors décide de ne plus fournir
à l’Afrique du Sud certains de ses produits,
notamment les véhicules pour la police et
l’armée. 38 sociétés américaines ont déjà
cessé toute activité commerciale directe
avec l’Afrique du Sud en 1985.
Samedi 24
FRANCE
! Tunisie
GRANDE!BRETAGNE
! Israël
ISRAËL
Relations internationales.
Visite officielle de trois jours de Mme Thatcher, premier chef de gouvernement britannique à se rendre dans le pays.
TUNISIE
Relations internationales.
Le Premier ministre français, M. Jacques
Chirac, effectue une visite éclair à Tunis,
où il est reçu par le président Bourguiba.
Au terme des entretiens portant sur la relance de la coopération entre les deux pays,
M. Chirac garantit l’aide de la France en cas
d’agression étrangère. La veille, l’ambassadeur de France, M. Éric Rouleau, avait été
rappelé à Paris en consultation.
HAÏTI
Confiscations.
Le gouvernement annonce la mise sous
séquestre par la justice française de propriétés de l’ancien président Duvalier : le
château de Théméricourt dans la région
parisienne et, prochainement, ses appartements parisiens. D’autre part, un bateau
de plaisance amarré à Miami a été saisi
par la justice américaine et une somme de
367 millions de dollars a été bloquée par les
autorités suisses.
Dimanche 25
AUTRICHE
Affaire Waldheim.
Le Congrès juif mondial publie le document
de la commission des Nations unies sur les
crimes de guerre dont se serait rendu coupable M. Kurt Waldheim.
AFRIQUE
Solidarité.
Organisée par Sport Aid et l’UNICEF,
la « course contre le temps » rassemble
20 millions de personnes dans 75 pays du
monde.
ÉTATS!UNIS
Solidarité.
De New York à Los Angeles, une chaîne humaine de 6 000 kilomètres de long parcourt
le pays pour manifester contre la pauvreté
aux États-Unis.
AMÉRIQUE CENTRALE
À Esquipulas, au Guatemala, les chefs d’État
des cinq pays d’Amérique centrale décident
de créer un Parlement centraméricain. Le
26, le Nicaragua accepte de négocier une
réduction de son armement lourd (! 18).
COLOMBIE
Politique intérieure.
Le candidat du parti libéral, M. Virgilio
Barco, est élu président de la République.
downloadModeText.vue.download 67 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
66
Il remplacera M. Belisario Betancur le
7 août prochain.
Lundi 26
FRANCE
Mme Elena Bonner est reçue par M. Jacques
Chirac, puis à l’Académie des sciences, où il
lui est remis le diplôme de membre associé décerné à son mari Andreï Sakharov,
en 1981. Le 27, elle rencontre le président
Mitterrand.
Administration.
M. Michel Aurillac, ministre de la Coopération, porte plainte pour détournement de
fonds publics par le Carrefour du développement. Le 14, une information contre X
avait été ouverte pour abus de confiance,
faux et usage de faux.
Prisons.
Michel Vaujour s’évade de la prison de la
Santé à Paris, à bord d’un hélicoptère piloté
par sa femme.
Bourse.
À Paris, chute des valeurs françaises, la plus
importante depuis le 11 mai 1981. L’indicateur de tendance perd 6,7 p. 100, avec quatorze valeurs incotables sur le marché et des
baisses allant jusqu’à 20 p. 100.
Mardi 27
ONU
Afrique.
Ouverture d’une session spéciale consacrée aux problèmes de développement de
l’Afrique.
La question africaine
Le 27 mai, s’ouvre à New York la session
spéciale de l’ONU consacrée aux problèmes
de développement de l’Afrique, dont M. Abdou Diouf, chef de l’État sénégalais et président de l’Organisation de l’unité africaine,
est l’instigateur. Tandis que, deux jours auparavant, 20 millions de personnes dans le
monde, répondant à l’appel de Bob Geldof et
de l’UNICEF, ont participé à des courses de
dix kilomètres par solidarité avec l’Afrique
qui a faim, l’Assemblée générale des Nations
unies s’intéresse, pour la première fois, aux
difficultés de tout un continent. La situation
est alarmante. Alors que 29 États de l’Afrique
subsaharienne sont classés parmi les 36 pays
les plus pauvres du monde, les prévisions des
experts annoncent un appauvrissement au
cours des prochaines années.
Les obstacles au développement sont multiples : le chômage, qui touche plus de la
moitié de la population active, l’analphabétisme, l’urbanisation démesurée, le nombre
important de réfugiés (4 millions), les taux
de fécondité et de mortalité infantile, qui
sont les plus élevés du monde, le service de
la dette extérieure, qui atteint 100 milliards
de dollars et surtout les carences de l’agriculture, victime dans certaines régions de la
sécheresse et qui ne peut nourrir une population doublant tous les 24 ans. 18 millions
d’Africains sont aujourd’hui dans une situation d’urgence vitale.
Le 1er juin, les 159 pays membres de l’ONU
adoptent un programme de redressement
économique et de développement à long
terme, consistant en un pacte entre les États
africains et le reste du monde. L’Afrique s’engage à procéder à des réformes économiques
majeures, dont la plus importante concerne
la relance de l’agriculture, qui bénéficiera de
la plus grande part des investissements. Par
ailleurs, les gouvernements devront appliquer une politique d’austérité et améliorer
leur gestion économique. Les pays industrialisés promettent d’aider l’Afrique à atteindre
ces objectifs, mais ne prennent aucun engagement précis à propos des problèmes de la
dette et de l’aide financière supplémentaire
downloadModeText.vue.download 68 sur 502
CHRONOLOGIE
67
de 45 milliards de dollars, requise pour la
mise en place de ce plan.
FRANCE
Audiovisuel.
La Haute Autorité renvoie à une date indéterminée le réexamen de la situation des
radios locales de la région parisienne, dont
les autorisations arrivent à échéance le 29.
ESPAGNE
Terrorisme.
Une bombe explose dans un hôtel de Torremolinos. Trois jours plus tard, une nouvelle
explosion se produit dans un autre hôtel de
la Costa del Sol, à Fuengirola. Ces attentats
font suite à la menace de l’ETA militaire de
s’attaquer aux sites touristiques.
NOUVELLE!ZÉLANDE
Relations internationales.
Le Premier ministre, M. David Lange, entame une tournée en Europe, qui le conduira en RFA, en Belgique, aux Pays-Bas, en
Suède, au Danemark, en Grande-Bretagne
et en Irlande. Le 30, à Bruxelles, il déclare
que les époux Turenge ne seront pas libérés.
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
Lors d’entretiens avec le président du Honduras, M. Azcona, M. Reagan s’engage à
maintenir son aide militaire et à soutenir
le pays, en cas d’agression par le Nicaragua.
HONDURAS
! États-Unis
Mercredi 28
FRANCE
Politique intérieure.
Le Conseil des ministres adopte quatre
projets de loi sur la sécurité, qui prévoient
notamment l’autorisation des contrôles
préventifs d’identité, un durcissement de
l’application des peines et la lutte contre le
terrorisme, la criminalité et la délinquance.
Culture.
À Paris, le Haut Conseil de la francophonie
se réunit jusqu’au 30, sur le thème Francophonie et opinion publique.
URSS
Relations internationales.
Lors de la visite officielle du vice-président
syrien, M. Abdelhalim Khaddam, l’Union
soviétique promet son soutien à la Syrie et
la poursuite des livraisons d’armes.
Sciences.
À Moscou, des savants américains et soviétiques signent un accord prévoyant l’installation de stations d’observation, près des
sites d’expériences nucléaires du Kazakhstan
et du Nevada. Ces stations seraient placées
sous le contrôle scientifique des deux pays.
SYRIE
! URSS
Jeudi 29
FMI
Membres.
La majorité des pays membres se prononce
en faveur de l’adhésion de la Pologne.
FRANCE
Politique économique.
M. Jacques Chirac engage la responsabilité
de son gouvernement sur l’adoption de la
loi de finances rectificative pour 1986. La
motion de censure, déposée par les socialistes, est rejetée le 2 juin.
ESPAGNE
! Libye
ITALIE
! Libye
downloadModeText.vue.download 69 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
68
LIBAN
Terrorisme.
Après les assassinats de quatre Arméniens
à Beyrouth-Ouest, l’ASALA lance des
menaces de représailles et la communauté
arménienne entame une grève générale de
trois jours.
LIBYE
Corps diplomatique.
Douze diplomates libyens sont priés de
quitter l’Italie et seize autres ressortissants
sont déclarés indésirables. Le même jour,
le départ volontaire du chargé d’affaires à
Madrid réduit à deux personnes la représentation libyenne en Espagne.
Relations internationales.
! Vanuatu
VANUATU
Relations internationales.
L’archipel établit des relations diplomatiques avec la Libye.
BARBADE
Politique intérieure.
Après la nette victoire du parti travailliste
démocratique lors des élections législatives
du 28, M. Errol Barrow est nommé Premier
ministre, en remplacement de M. Bernard
Saint-John.
Vendredi 30
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II publie sa cinquième
encyclique, Dominum et vivificantem consacrée à l’Esprit-Saint.
EUROPE
Énergie
! Norvège
FRANCE
Conflits sociaux.
Une grève des cheminots perturbe le trafic
ferroviaire.
Mode.
Au musée des Arts de la mode, à Paris, la
rétrospective Yves Saint-Laurent retrace les
28 années de création du couturier.
DANEMARK
Commerce extérieur.
Le Parlement décide d’interrompre, à partir du 15 juin, toutes les relations commerciales avec l’Afrique du Sud.
ITALIE
Partis politiques.
M. Ciriaco De Mita est réélu à la tête du
parti démocrate-chrétien.
NORVÈGE
Énergie.
À Stavanger, quatre pays européens
(France, RFA, Belgique et Pays-Bas) signent
un important contrat pour leur approvisionnement en gaz. Celui-ci prévoit qu’en
l’an 2000, la France achètera 40 p. 100 de
son gaz à la Norvège.
RFA
Énergie nucléaire.
La centrale nucléaire de Hamm est arrêtée. Une importante fuite radioactive s’était
produite au début du mois.
SRI LANKA
Terrorisme.
Une bombe explose en plein centre de
Colombo, tandis qu’un autocar, occupé
par des soldats, saute sur une mine près de
Trincomalee. Ces deux attentats, qui tuent
34 personnes, sont attribués au mouvement
séparatiste tamoul. Le lendemain, un engin
explosif placé à bord d’un train, à VeyandownloadModeText.vue.download 70 sur 502
CHRONOLOGIE
69
goda, à 40 km de la capitale, cause la mort
de douze personnes.
HAÏTI
Troubles.
À Port-au-Prince, de nombreux manifestants réclament le départ du ministre de
l’Intérieur, le colonel Williams Regala.
COLOMBIE
Guérilla.
Dans la province de Valle, de violents combats opposent l’armée aux partisans du
mouvement M 19 (26 morts).
Samedi 31
SPORT
Football.
Au stade Azteca de Mexico, ouverture de la
13e coupe du monde, qui doit se dérouler
jusqu’au 29 juin.
FRANCE
Espace.
À Kourou, en Guyane, échec du 18e tir de
la fusée Ariane, porteuse d’un satellite de
télécommunications Intelsat-5.
BELGIQUE
Conflits sociaux.
À Bruxelles, 100 000 personnes participent
à la manifestation contre le plan d’austérité
du gouvernement (! 6 et 16).
POLOGNE
Syndicats.
Le plus haut dirigeant clandestin de Solidarité, M. Zbigniew Bujak, est arrêté à
Varsovie.
URSS
Espace.
Les deux cosmonautes installés à bord
de Saliout 7 effectuent un travail de cinq
heures dans l’espace.
Le mois de Harlem Désir
Dans un mois, SOS-Racisme veut réussir
un nouveau pari : rassembler en musique,
comme l’année dernière à la Concorde,
tous les antiracistes. Cette année, le génie
de la Bastille veillera sur la fête. Tout SOS
est en ébullition. Un accord est conclu avec
la 5 pour la retransmission du concert. On
cherche des sponsors. On négocie des espaces
publicitaires dans les journaux. Journaux
que j’ai à peine le temps de feuilleter.
Ce mois de mai se déroule trop vite. Il commence dans le fracas des bombes à Marseille,
attentats racistes revendiqués par de mystérieux « Commandos de France contre l’invasion maghrébine ». La peur s’installe dans
nos comités du Midi. On redoute même un
attentat en plein concert. Coups de téléphone
menaçants ou inquiets se succèdent au local
de SOS. Mais nous sommes lancés, et rien ne
peut désormais contrer la fête.
De cette actualité du mois de mai, je ne
retiendrai en France que l’adoption, le 28,
de quatre projets de loi relatifs à la sécuri-
té. La nouvelle loi prévoit l’autorisation des
contrôles préventifs d’identité et le durcissement de l’application des peines. C’est le retour au délit de faciès. Cela n’aura pour effet
que d’envenimer les rapports entre policiers
et citoyens.
Le prétexte de la lutte contre le terrorisme fait
sourire. Qui croit encore que les terroristes
voyagent en clandestins et sans papiers ?
À quelques jours de la fête de la Bastille,
nos amis de la 5 font grise mine. François
Léotard a présenté son projet de loi sur la
communication, qui prévoit, entre autres,
la privatisation de TF1 et l’annulation des
concessions de la 5 et de la 6.
Je regrette ce rétrécissement du fameux paysage audiovisuel français, et la manière dont
s’est engagé le débat sur la 5 – sur un fond de
xénophobie et d’intolérance culturelle.
downloadModeText.vue.download 71 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
70
Culture justement... Le 30 mai s’ouvre à
Paris, au musée des Arts de la mode, l’exposition consacrée à Yves Saint-Laurent, qui,
depuis peu, s’est joint à notre combat. Pierre
Berge vient en effet d’accepter de financer la
radio des potes, « Ça bouge dans ma tête »,
qui verra le jour le soir du concert. Un soutien qui étonne certains, mais qui ne peut
que nous conforter.
Des détails de dernière minute à régler : l’emplacement de l’écran géant, l’ordre de passage
des artistes et, au milieu de tout cela, les
flashes radio et télé : l’enlèvement d’un Français au Liban, Camille Sontag, et le coeur qui
se serre pour Joëlle, Grégoire et Alexandre
parce que toujours sans nouvelles de JeanPaul Kauffmann...
Cette image aussi qui, cette fois, fait plaisir :
l’accueil triomphal réservé par New York à
Anatoli-Nathan Chtcharanski, dissident juif
soviétique qui, il y a quelques mois encore,
n’était qu’un de ces noms qu’on égrène devant
les ambassades et qui, maintenant, a pu rejoindre les siens.
Un mois de mai toujours marqué par les
mêmes violences, au Liban ou en Afrique
du Sud. Un sentiment d’impuissance devant Pretoria qui s’accorde le luxe de bom-
barder des bases de l’ANC au Zimbabwe,
en Zambie et au Botswana. La nuit multicolore de la Bastille comme un gigantesque
pied-de-nez.
HARLEM DÉSIR
PRÉSIDENT DE SOS-RACISME
downloadModeText.vue.download 72 sur 502
CHRONOLOGIE
71
Juin
Dimanche 1er
FRANCE
Salaires.
Le SMIC est relevé de 2,1 p. 100, le taux horaire passant de 26,04 F à 26,59 F. Il n’avait
pas été augmenté depuis le 1er juillet 1985.
Industrie.
Le ministre, M. Alain Madelin, annonce le
gel de l’aide publique apportée à la papeterie de la Chapelle-Darblay.
Sport automobile.
Le Britannique Derek Bell, associé à Hans
Stück et Al Holbert, remporte sa quatrième
victoire aux 24 Heures du Mans, sur une
Porsche 962C d’usine.
POLOGNE
Société.
Plusieurs milliers de personnes manifestent
dans les principales villes du pays après l’arrestation, le 31 mai, de M. Zbigniew Bujak,
responsable clandestin de Solidarité.
Lundi 2
FRANCE
Transports.
M. Jacques Douffiagues, ministre délégué
aux Transports, demande à M. Claude
Quin, président de la RATP, de lui remettre
sa démission, ce que celui-ci fait le 4. Le 10,
M. Paul Reverdy lui succède.
Communication.
Ouverture à Paris du « mois de l’affiche »,
organisé par le ministère de la Culture et
de la Communication, la Ville de Paris et
l’Union de la publicité extérieure. Il s’agit là
d’une première mondiale.
Culture.
Le ministre, M. Léotard, inaugure les appartements restaurés du château de Versailles. À partir du 4, le public peut visiter
l’exposition « Deux Cents Ans d’histoire de
France » dans le musée rénové.
URSS
Mme Elena Bonner regagne Moscou après
un séjour de six mois aux États-Unis, où
elle a subi un sextuple pontage coronarien.
Mardi 3
FRANCE
Logement.
Le ministre, M. Pierre Méhaignerie, annonce l’abrogation de la loi Quilliot, la
modification de la loi de 1948, de nouvelles
déductions fiscales en faveur des investissements locatifs et l’extension des prêts
conventionnés aux logements anciens. Son
projet est approuvé par le Conseil des ministres, le 25.
Faits divers.
L’incendie du collège privé Saint-Ouen de
Pont-Audemer (Eure) fait quinze blessés
parmi les élèves et un mort, une lycéenne
gravement brûlée, décédée le 12.
Médecine.
Une enquête présentée à l’Académie de
médecine révèle que 53 p. 100 des drogués
par voie intraveineuse de la banlieue nord
de Paris sont atteints par le virus du SIDA.
RFA
Environnement.
Après la catastrophe de Tchernobyl, le
chancelier Kohl annonce la création d’un
superministère de l’Environnement, chargé
downloadModeText.vue.download 73 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
72
notamment de la sécurité des centrales
nucléaires.
Mercredi 4
FRANCE
Élections.
Après l’adoption par le Sénat du projet de
loi rétablissant le scrutin majoritaire pour
l’élection des députés, celui-ci est définitivement adopté. Les socialistes saisissent le
Conseil constitutionnel.
Économie.
Le Conseil des ministres fixe les objectifs
du budget pour 1987. Le déficit sera réduit
de 20 milliards de francs et les impôts diminués d’autant.
PHILIPPINES
Économie.
Le secrétaire d’État américain George
Shultz rend hommage à la politique de
la présidente Corazón Aquíno et appelle les hommes d’affaires à investir aux
Philippines.
Jeudi 5
FRANCE
Nucléaire.
À Évry, jusqu’au 8, réunion de la 5e convention sur le désarmement nucléaire en Europe (CODENE).
Médecine.
On apprend que deux chercheurs de l’Institut Pasteur de Paris travaillant dans des
laboratoires de biologie moléculaire et de
manipulations génétiques sont morts de
cancer et qu’un troisième est actuellement
atteint de cette même maladie. Le 17, l’Institut Pasteur reconnaît officiellement que
cinq chercheurs ont été atteints de cancer.
PHILIPPINES
Terrorisme.
Enlèvement d’un missionnaire français, le
père Michel de Gigord, aumônier à l’université de Mindanao. Il est libéré le 25.
Vendredi 6
FRANCE
Audiovisuel.
RTL et Europe 1 diffusent sur modulation de fréquence à Paris et dans la région
parisienne.
Culture.
Au lycée autogéré de Paris, jusqu’au 9, premier festival d’Art ado (adolescent).
Cinéma.
Journée du documentaire.
URSS
Diplomatie.
Un consulat chinois est ouvert à Leningrad
(! Chine).
CHINE
Diplomatie.
Un consulat soviétique est ouvert à Shanghai (! URSS).
Samedi 7
FRANCE
Relations internationales.
Le gouvernement contraint le chef des
Moudjahidin du Peuple iraniens, M. Massoud Radjavi, qui vient de passer cinq ans
en exil, à quitter la France pour l’Iraq. Cette
initiative répond à l’une des conditions
posées par Téhéran à la normalisation de
ses relations avec la France. Une deuxième
downloadModeText.vue.download 74 sur 502
CHRONOLOGIE
73
exigence, le paiement de la dette d’Eurodif à
l’Iran, est en cours d’examen.
Justice.
À Ajaccio, le procès d’Antoine Recco, accusé
des meurtres de Monique Clément et d’Isabelle Cauchon, s’achève par la condamnation de celui-ci à la réclusion à perpétuité.
Faits divers.
À Douai, incendie du CES Streinger, provoqué par un élève mécontent. Le bâtiment,
de type « Pailleron », s’est entièrement
consumé en quelques instants.
Musique.
Semaine des Musiques du monde arabe,
organisée par l’Institut du monde arabe de
Paris.
RFA
Environnement.
Jusqu’au 8, violentes manifestations antinucléaires autour de diverses centrales. On
procède à une centaine d’arrestations et
100 personnes environ sont blessées.
IRAN
! France
Dimanche 8
FRANCE
Emploi.
Le projet de loi supprimant l’autorisation
administrative de licenciement, présenté
par M. Philippe Séguin, ministre des Affaires sociales, est adopté par l’Assemblée
nationale.
Sports.
Le Tchécoslovaque Ivan Lendl remporte
les Internationaux de France de tennis en
battant le Suédois Mikael Pernfors. Chez
les femmes, Chris Evert-Lloyd a obtenu son
septième titre après sa victoire sur Martina
Navratilova (le 7).
Roger Quemener remporte la 40e édition
de la marche Paris-Colmar en 62 heures
27 minutes (8,278 km/h).
AUTRICHE
Élections présidentielles.
Le candidat conservateur, M. Kurt Waldheim, remporte les élections avec 53,9 p. 100
des voix, malgré les révélations faites sur
ses activités pendant la période nazie.
Lundi 9
FRANCE
Mer.
300 chalutiers espagnols bloquent le port
d’Hendaye, en protestation contre l’interdiction qui leur est faite par le gouvernement français d’accéder à une zone de
pêche située au large de l’embouchure de la
Bidassoa. Le blocus est levé le 12.
AUTRICHE
Gouvernement.
Après l’élection de M. Kurt Waldheim, le
chancelier Fred Sinowatz démissionne. Le
ministre des Finances, M. Franz Vranitzky,
lui succède. MM. Leopold Gratz, ministre
des Affaires étrangères, et Günter Haiden,
ministre de l’Agriculture, démissionnent le
10.
AFRIQUE DU SUD
Troubles.
Reprise des affrontements entre « pères »
(vigiles noirs) et Noirs anti-apartheid, au
township de Cross-roads, près du Cap.
17 morts, plusieurs dizaines de blessés et
6 000 sans-abri.
ÉTATS!UNIS
Espace.
La commission d’enquête sur la destruction
de la navette Challenger rend son verdict
officiel. C’est bien la défaillance des joints
du réservoir d’appoint droit qui est à l’oridownloadModeText.vue.download 75 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
74
gine de l’accident. Le rapport met en cause
les négligences de la NASA.
Mardi 10
FRANCE
Scandale.
L’ancien ministre de la Coopération,
M. Christian Nucci, est maintenant directement impliqué dans l’affaire du Carrefour
du développement.
Culture.
Inauguration du musée consacré à Napoléon Ier au château de Fontainebleau.
IRLANDE DU NORD
Troubles.
Nouveaux attentats de l’IRA près de la frontière avec la République d’Irlande. L’armée
et la police de l’Ulster sont visées. Le Parlement d’Irlande du Nord est dissous le 12.
NOUVELLE!CALÉDONIE
Statut.
Le Sénat français adopte en première lecture le projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie après l’avoir modifié, notamment
pour rétablir certains pouvoirs des conseils
de région.
Mercredi 11
EST!OUEST
À Budapest, lors du sommet du pacte
de Varsovie, M. Gorbatchev propose de
réduire d’un quart les forces nucléaires et
conventionnelles des deux camps stationnées en Europe « de l’Atlantique à l’Oural ». De son côté, soucieux de rassurer le
Congrès et ses alliés, M. Reagan assouplit
son attitude sur le contrôle des armements.
FRANCE
Immigration.
Le ministre de l’Intérieur, M. Pasqua, présente son projet de loi sur le statut des
étrangers.
Syndicats.
À Paris, une grève de la RATP, d’une ampleur sans égale depuis 1977, suivie par six
syndicats sur sept, paralyse la quasi-totalité du trafic. En rapport avec l’éviction de
M. Paul Quin de la direction de la régie,
elle traduit le refus du plan gouvernemental
d’économies de 80 millions de F. du budget
de fonctionnement et celui de la suppression de 200 emplois et de 200 millions de
francs dans son budget d’investissement.
Communication.
Le Conseil des ministres adopte le projet
de loi « relatif à la liberté de la communication » de M. Léotard. Une « Commission
nationale de la communication et des libertés » de neuf membres doit succéder à la
Haute Autorité. Celle-ci contrôlera la privatisation de TF1, la réattribution de la « 5 » et
de TV6, la création des télévisions locales,
la politique du câble et des satellites.
LIBAN
Conflit.
Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, M. Mohammad Becharati, parraine
la première opération d’évacuation de
blessés palestiniens du camp de Bourj elBarajneh, près de Beyrouth, heureuse issue
d’une opération de médiation entre le mouvement chiite Amal et les organisations
palestiniennes.
CORÉE DU SUD
Droits de l’homme.
Publication d’un rapport d’Amnesty International sur la répression des opposants au
régime.
downloadModeText.vue.download 76 sur 502
CHRONOLOGIE
75
SRI LANKA
Tamouls.
Dans le nord-est du pays, 18 personnes sont
tuées et 70 autres blessées lors de l’explosion
de bombes placées dans deux autocars. À
Colombo, trois autres personnes sont tuées
dans l’explosion d’un cinéma. Ces attentats
sont attribués aux séparatistes tamouls.
NICARAGUA
Otages.
Les huit coopérants ouest-allemands détenus depuis le 17 mai par les « contras », les
guérilleros opposés au régime, sont libérés.
Jeudi 12
FRANCE
Transports.
La grève de la SNCF, orchestrée par la seule
CGT, ne connaît pas l’ampleur de celle de
la veille, à la RATP On dénombre environ
20 p. 100 de grévistes.
Enseignement.
MM. René Monory et Alain Devaquet présentent les grandes lignes du projet de loi
sur l’enseignement supérieur, qui doit être
soumis au Conseil des ministres du 25 juin.
Il vise à accorder une plus grande autonomie aux universités, notamment pour le
recrutement des étudiants, tout en réaffirmant le droit de tout bachelier d’accéder à
l’université. Ce projet est mal reçu par la
gauche comme par la droite.
AFRIQUE DU SUD
Troubles.
Quatre jours avant le dixième anniversaire
des manifestations de Soweto, le président
Pieter Botha décrète l’état d’urgence dans
l’ensemble du pays.
Vendredi 13
FRANCE
Justice.
Le vigile meurtrier du clochard des Halles
(24 décembre 1981), Gilles Gérunville, est
condamné à huit ans de réclusion.
Administration.
M. Jean Méo est nommé nouveau président de l’Institut français du pétrole (IFP),
en remplacement de M. Pierre Desprairies.
POLOGNE
Solidarité.
M. Viktor Kulerski remplace M. Zbigniew
Bujak (arrêté le 31 mai) au sein de la direction du syndicat.
Samedi 14
ITALIE
Terrorisme.
19 personnes liées à des organisations d’extrême droite italiennes sont inculpées pour
l’attentat contre la gare de Bologne de 1980.
Lettres : Borges
L’écrivain argentin Jorge Luis Borges s’éteint
à Genève le 14 juin. Né à Buenos Aires le
24 août 1899, Borges complète son éducation
en Europe de 1914 à 1921, en Suisse notamment, avant de retourner dans sa ville natale
et de se consacrer à la carrière littéraire qui
a fait de lui, loin des préoccupations sociales
des auteurs hispano-américains de son
temps, un maître du fantastique. Sa culture
universelle, son attirance pour les écrivains
oubliés ou apocryphes pour la kabbale, son
humour et son goût pour les jeux cérébraux
donnent naissance dans son oeuvre à d’étonnantes parodies d’érudition. Outre ses nouvelles (Fictions, 1944 ; l’Aleph, 1949 ; le Livre
de sable, 1975) où, dans un univers tissé de
downloadModeText.vue.download 77 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
76
symboles, l’anachronique et la mystification
se combinent avec la précision logique de
l’écriture dans une tentative de résolution des
problèmes de l’identité et du temps outre ses
poèmes (Fervor de Buenos Aires, 1923 ; Obra
poetica, 1964), il donne des nouvelles policières et des essais avec A. Bioy Casares, sous
le pseudonyme de H. Bustos Domecq. Pratiquement aveugle à la suite d’un accident en
1938, il devient directeur de la Bibliothèque
nationale en 1955, après la chute de Péron,
à laquelle il n’est pas étranger, en dépit de
prises de position souvent provocatrices en
faveur des dictatures, qui traduisent surtout
son refus de tout engagement.
Dimanche 15
FRANCE
Terrorisme.
À Bastia, le FLNC fait exploser l’immeuble
de la Direction départementale de l’équipement après avoir évacué les gardiens et pris
en otage leur fils de 10 ans.
CHINE
Espace.
À la suite d’un accord passé avec la compagnie américaine Hughes Aircraft, la Chine
accepte de lancer des satellites américains
avec ses fusées « Longue Marche II », à
partir d’un centre de lancement qui serait
construit à Hawaii.
Lundi 16
ONU
Conférences.
À Paris, jusqu’au 20, se tient la conférence
mondiale réunie pour décider d’éventuelles
sanctions contre l’Afrique du Sud. Les ÉtatsUnis, la Grande-Bretagne et la RFA ne sont
pas représentés.
FRANCE
Relations internationales.
Dans le cadre d’une tournée qui le conduit
dans les pays de la CEE : Grande-Bretagne
jusqu’au 13, RFA jusqu’au 15, Italie les 19
et 20, le secrétaire général du parti communiste chinois, M. Hu Yaobang, arrive
en France pour une visite officielle de trois
jours.
Sociétés.
Les frères Willot quittent le groupe Boussac
en vendant leur participation de 16 p. 100
dans le capital de la Société foncière et
financière Agache-Willot (61,2 p. 100 de
Boussac).
Affaire Greenpeace.
Le secrétaire général de l’ONU, M. Javier
Perez de Cuellar, accepte de jouer un rôle
de médiateur entre la France et la Nouvelle-
Zélande sur le sort des époux Turenge.
Théâtre.
Jusqu’au 29, le théâtre Mogador de Paris accueille, pour la première fois en France, les
deux plus grands acteurs du théâtre kabuki
japonais, Takao et Tamasaburo.
CHINE
! France
INDE
Communautés.
10 000 hindous défilent dans les rues de
New Delhi en protestation contre les assassinats des leurs par les sikhs indépendants
du Pendjab. Leurs slogans poussent M. Rajiv Gandhi à l’action ou à la démission.
AFRIQUE DU SUD
Troubles.
Au cours de la journée anniversaire des
émeutes de Soweto et pendant la nuit qui
suit, onze personnes sont tuées au cours
d’incidents isolés, qui ont lieu pour la plupart à l’est de la province du Cap.
downloadModeText.vue.download 78 sur 502
CHRONOLOGIE
77
Mardi 17
FRANCE
Justice.
Le ministre, M. Albin Chalandon, précise
son projet de privatisation des prisons.
Grâce au financement privé, remboursable
par un système de leasing, M. Chalandon
estime que 20 000 places supplémentaires
devraient être créées rapidement. Seul, le
gardiennage resterait du domaine public.
Syndicats.
La grève des fonctionnaires organisée par la
CGT, la CFDT et FO touche plus particulièrement les PTT.
Transports maritimes.
Le secrétaire d’État à la Mer, M. Ambroise
Guellec, signe l’arrêté qui rend officielle
l’immatriculation des navires français sous
le pavillon des îles Kerguelen. Cette possibilité est offerte à tous les navires de transport, sauf à ceux qui acheminent du pétrole
brut.
Art.
Au musée des Beaux-Arts de Dijon, la
donation Granville vient enrichir les collections de 300 peintures, dessins, sculptures
et objets d’art.
ESPAGNE
Terrorisme.
Trois militaires sont assassinés par le
« commando Madrid » de l’ETA. Parmi
les victimes figure le commandant Ricardo
Saenz de Inestrillas, officier ultra, auteur,
plusieurs années auparavant, d’une tentative de coup d’État contre le Premier ministre Adolfo Suarez.
Mercredi 18
FRANCE
Syndicats.
Dans la matinée, grève surprise de la SNCF
sur trois lignes de la région parisienne, à la
suite d’une sanction prise par la direction
à rencontre d’un conducteur. 120 000 banlieusards sont en difficulté.
Construction navale.
Le naufrage
des chantiers navals
En confirmant, le 18, sa décision de ne plus
verser d’aides exceptionnelles à la construction navale française, M. Alain Madelin, le
ministre de l’Industrie, entend mettre fin à
une situation d’aberration économique qui
pèse sur ce secteur depuis dix ans, en même
temps qu’il fait faire d’appréciables économies à l’État.
Au cours des trois dernières années, les deux
groupes français, Normed, chantiers de Dunkerque, de La Seyne et de La Ciotat, en situation de dépôt de bilan fin 1983, et Alsthom,
Nantes et Saint-Nazaire, ont reçu 12,5 milliards de francs d’aides publiques.
La surcapacité de la flotte marchande française a expliqué la crise de la construction
navale. Trop de navires – près de 300, une
surcapacité de 25 p. 100 selon les rapports –,
pour trop peu de marchandises à transporter, donc une demande de bâtiments neufs
réduite d’autant, une situation qui entraîne
des coûts de fonctionnement inutilement
élevés Les aides de l’État, équivalentes à
300 000 francs par an et par salarié, ont
perdu leur raison d’être dans le cas d’une
entreprise comme la Normed, au carnet de
commandes désespérément vide.
Après la décision du ministère de l’Industrie,
Normed se déclare en cessation de paiement
le 24.
Le 26, M. Madelin annonce un plan social
qui propose notamment un contrat de reconversion de deux ans ou l’attribution d’un capital de départ de 200 000 francs au moins,
pour ceux qui le préféreraient. Les sites de
downloadModeText.vue.download 79 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
78
Dunkerque et de La Seyne seront transformés en « zones franches d’entreprises », à la
disposition d’éventuels repreneurs.
Médecine.
À l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart,
naissance de Vincent et de Camille, les
deux premiers jumeaux français issus de
deux embryons congelés.
ITALIE
Terrorisme.
À Gênes, ouverture du procès des pirates
de l’Achille-Lauro (7 octobre 1985). Abou
Abbas, chef du Front de libération de la
Palestine et principal accusé, est absent.
SRI LANKA
Administration.
Adoption par le gouvernement d’un plan
de « réorganisation administrative » qui ne
satisfait ni les séparatistes tamouls ni les
nationalistes cinghalais.
PÉROU
Troubles.
Jusqu’au 19, mutineries dans trois prisons proches de Lima, conduites par les
condamnés politiques du Sentier lumineux. 700 prisonniers au total se révoltent.
La répression militaire, à l’aide de missiles antichars et de roquettes, fait environ
300 morts.
Jeudi 19
FRANCE
Presse.
Dans la nuit du 18 au 19, vote par les députés du RPR, de l’UDF et du FN de la proposition de loi sénatoriale réformant le statut
juridique de la presse. Après l’adoption définitive de celle-ci par le Sénat, le 27, la loi
Fillioud est abrogée, ainsi que l’ordonnance
de 1944. La liberté de la presse est en passe
d’être rétablie, la situation du groupe Hersant régularisée, le texte de loi autorisant
les concentrations jusqu’à 30 p. 100, pour la
diffusion des quotidiens.
Faits divers.
Près de Grasse (Alpes-Maritimes), Michel
Colucci, dit Coluche, se tue dans un accident de moto. Il était âgé de 41 ans.
TCHAD
Guerre civile.
Le vice-président du GUNT, le colonel Wadal Abdelkader, donne sa démission.
TUNISIE
Gouvernement.
À l’issue du 12e congrès du parti socialiste
destourien, le président Bourguiba impose
sa maîtrise totale du pouvoir et maintient
le Premier ministre, M. Mohammed Mzali,
à son poste. Par contre, il écarte du pouvoir
la plupart des collaborateurs de ce dernier.
ÉTATS!UNIS
Défense.
La Chambre des représentants adopte une
résolution invitant le président Reagan à
respecter, en matière d’armements stratégiques, les limites du traité soviéto-américain Salt 2, qui avait été conclu en 1979. Au
même moment, M. Reagan reconnaît que
les dernières propositions soviétiques de
désarmement pourraient marquer un tournant dans les négociations.
Vendredi 20
FRANCE
Emploi.
Dans la nuit du 19 au 20, le projet de loi
relatif à la suppression de l’autorisation administrative de licenciement est adopté au
Sénat.
Criminalité.
Nouvel assassinat d’une vieille dame, Maria
Poullard, dans le 5e arrondissement de Paris,
downloadModeText.vue.download 80 sur 502
CHRONOLOGIE
79
le quatrième en moins d’une semaine, et le
dixième depuis le début de l’année.
Sociétés.
Après trois mois de tractations, clôture de
l’« affaire » Valéo avec la reprise de la firme
par l’Italien Carlo de Benedetti, P-DG d’Olivetti, qui disposera de 19 p. 100 du capital.
M. de Benedetti s’est engagé à ne pas revendre ses parts à des constructeurs automobiles étrangers.
Théâtre.
Jean-Claude Brialy succède à Nicky Lancel
à la direction des Bouffes-Parisiens.
LIBAN
Otages.
Les otages
Philippe Rochot et Georges Hansen, deux
des quatre membres de l’équipe d’Antenne 2
enlevés le 8 mars 1986, sont libérés le 20 juin.
Les deux journalistes, détenus depuis
104 jours par la mystérieuse Organisation de
la justice révolutionnaire, ont retrouvé indirectement la liberté grâce au renversement
de la tendance politique après les élections législatives du 16 mars : hostiles au socialisme,
le Djihad islamique et le régime iranien plus
généralement, qui n’a pas manqué de clamer
sa satisfaction après le changement de majorité du gouvernement, se sont trouvés alors
mieux disposés à l’égard de la France.
Même si la nature des rapports entre l’Iran
et l’Organisation de la justice révolutionnaire reste obscure, l’idée d’un contrôle des
pays islamiques sur le terrorisme de même
confession est vraisemblable. Les ravisseurs
des otages du Liban, dans les exigences desquels figuraient l’arrêt du soutien à l’Iraq
en guerre contre l’Iran et la libération des
membres du commando qui, en 1982, avait
tenté d’assassiner M. Bakhtiar, ont déclaré,
après la libération de MM. Rochot et Hansen, qu’ils entendaient, par ce geste, marquer leur satisfaction après le changement de
politique de la France au Moyen-Orient et
ajouté que cette remise en liberté était redevable aux interventions de l’Iran, de la Syrie
et de l’Algérie : la Syrie, par laquelle les deux
otages ont transité avant de regagner Paris et
avec qui la France s’applique, en la personne
du président Mitterrand particulièrement, à
entretenir de bons rapports ; l’Iran, qui a fait
l’objet de toutes les attentions diplomatiques
françaises – visite à Paris, le 20 mai, du
vice-Premier ministre, M. Ali Reza Moayeri,
départ, le 7 juin, de M. Massoud Radjavi, le
chef de l’opposition iranienne en exil, pour
l’Iraq, volonté de résoudre le contentieux financier, qui porte principalement sur le remboursement du prêt d’un milliard de dollars
consenti du temps du chah, pour la réalisation du projet Eurodif.
Après le retour à Paris de MM. Rochot et
Hansen, il reste sept otages français au Liban, Aurel Cornea et Jean-Louis Normandin, d’Antenne 2, Marcel Fontaine et Marcel
Carton, tous deux diplomates, Jean-Paul
Kauffmann, journaliste, Michel Seurat, chercheur, présumé exécuté le 5 mars, Camille
Sontag enfin, dont l’enlèvement n’est pas
revendiqué, plus vingt autres prisonniers,
de différentes nationalités M. Chirac, qui a
assumé la responsabilité des négociations
immédiates pour cette victoire, déclare qu’il
entend redoubler d’efforts avec ses collaborateurs pour ce qu’il reste à faire : accélération
de la discussion pour le règlement du contentieux financier et normalisation des rapports
avec Téhéran et Damas.
PÉROU
Troubles.
À Lima, l’ouverture de la réunion de l’Internationale socialiste est précédée par cinq
attentats. Européens et Latino-Américains
downloadModeText.vue.download 81 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
80
sont divisés sur les questions de la dette et
du désarmement.
Samedi 21
FRANCE
Faits divers.
À Honfleur, on retrouve la voiture d’un industriel ouest-allemand, Ulrich Beck, mystérieusement disparu. La personnalité de ce
dernier – il s’agit de l’inventeur d’un alliage
à base de cobalt et de tungstène capable de
résister à de très hautes températures – fait
avancer l’hypothèse d’un enlèvement lié à
l’espionnage industriel.
Dimanche 22
ESPAGNE
Élections législatives.
À l’issue du scrutin, le parti socialiste de
M. Felipe Gonzalez conserve la majorité
absolue aux Cortès.
Lundi 23
FRANCE
Relations internationales.
Le professeur Burhannudin Rabbani,
porte-parole de la résistance afghane, est
reçu par M. Chirac. C’est la première fois
qu’un représentant officiel des moudjahidin
est reçu à Matignon.
Économie.
La Bourse de Paris inaugure un marché de
cotation en continu.
Police.
Arrestation de Serge Gaillard (25 ans), le
meurtrier de Germaine Charbonnier, l’une
des quatre vieilles dames assassinées chez
elles à Paris, au cours des huit derniers
jours. Il s’agit, semble-t-il, d’un acte criminel isolé.
Médecine.
À Paris, jusqu’au 25, deuxième conférence
internationale sur le SIDA.
SIDA et MST
Le 23, la deuxième conférence internationale sur le SIDA, qui rassemble 2 800 spécialistes, s’ouvre au palais des Congrès de Paris,
suivie, du 25 au 28, du deuxième congrès
mondial sur les MST (maladies sexuellement
transmissibles). Le docteur Alphan Mahler,
directeur de l’OMS, donne des chiffres alarmants : 5 à 10 millions de personnes infectées
sont susceptibles de transmettre le virus ; il
y a environ 100 000 cas de malades avérés.
L’Afrique, où 6 p. 100 de la population est
contaminée, est le continent le plus touché.
L’Europe connaît une augmentation continue
des cas de 163 p. 100 depuis 1981. Aux ÉtatsUnis, 22 000 personnes ont été atteintes en
cinq ans et l’on a enregistré 12 000 décès ;
là, le coût du SIDA dépasse le coût total du
budget pour l’ensemble de toutes les maladies
infectieuses. En France, on a recensé 700 cas
sur 2 500 en Europe, 100 000 à 200 000 personnes sont contaminées.
Si, dans les pays développés 70 p. 100 des
sujets infectés sont homosexuels, le SIDA
peut être néanmoins contracté au cours de
relations hétérosexuelles. Transmissible par
le sperme, le virus du SIDA l’est aussi par le
sang et les cas de SIDA dus à la toxicomanie
ont triplé en un an.
En réponse à ces données inquiétantes, la
recherche a nettement progressé sur les vaccins que l’on tente de mettre au point. Si la
maladie est mortelle – elle est basée sur une
défaillance du système immunitaire –, les
médecins commencent à élaborer des lignes
de défense combinant les antiviraux, les imdownloadModeText.vue.download 82 sur 502
CHRONOLOGIE
81
muno-modulateurs, les greffes de moelle et
les transfusions cellulaires.
Bien moins préoccupant en revanche est
l’état de la recherche sur les MST Toutes
sont connues et curables C’est l’ignorance
des populations à risque qui explique leur
extension.
Pour minimiser les risques de contamination, pour les MST comme pour le SIDA,
l’OMS préconise l’usage des préservatifs. Le
23, le ministre français de la Santé, Mme Michèle Barzach, annonce l’abrogation de la loi
interdisant la publicité sur les préservatifs.
AFGHANISTAN
! France
Mardi 24
EUROPE
Agriculture.
Accord entre les Douze pour la suppression
des montants compensatoires négatifs sur
le porc.
FRANCE
Sécurité.
À l’Assemblée nationale, début de la discussion du premier des quatre projets de loi
sur la sécurité du nouveau ministre de la
Justice, M. Albin Chalandon, concernant la
lutte contre le terrorisme.
Immigration.
Les autorités religieuses, dont Mgr Decourtray, archevêque de Lyon, et Cheikh Abbas,
recteur de l’Institut musulman de la mosquée de Paris, se mobilisent contre le projet
de loi Pasqua-Pandraud sur l’immigration.
NOUVELLE!CALÉDONIE
Justice.
La cour d’assises de Nouméa condamne à
dix ans de réclusion criminelle Sylvestre
Némouaré, le principal accusé de la fusillade de Koindé qui, le 10 juin 1983, coûta
la vie à deux gendarmes.
Mercredi 25
FRANCE
Économie.
Le collectif budgétaire est définitivement
adopté par le Parlement.
Industrie.
Le rapport que M. Jean Gandois remet au
gouvernement prévoit quelques milliers de
suppressions d’emplois dans la sidérurgie.
Criminalité.
Virginie Couturier, 5 ans, est violée et
noyée dans la Sarthe.
Médecine.
À Paris, jusqu’au 28, deuxième congrès
mondial sur les MST.
BELGIQUE
Scandale.
Ancien Premier ministre, M. Paul Vanden
Boeynants est accusé de fraude fiscale.
YOUGOSLAVIE
Politique intérieure.
Le 13e congrès du Parti communiste se tient
jusqu’au 28, au milieu du malaise politique
et économique, accru par le problème des
nationalités.
AFGHANISTAN
Guerre.
À Herat et dans le Sud-Est, violents combats
entre les troupes soviétiques et afghanes.
Les Soviétiques tentent de reprendre la
ville d’Herat, occupée par les résistants le
16 juin.
CUBA
! Brésil
MEXIQUE
Économie.
La Banque centrale américaine approuve
l’allocation d’un crédit supplémentaire de
1,5 milliard de dollars au Mexique pour lui
downloadModeText.vue.download 83 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
82
permettre de poursuivre le paiement de sa
dette extérieure.
BRÉSIL
Diplomatie.
Rétablissement des relations avec Cuba,
interrompues en 1964.
PÉROU
Guérilla.
À Cuzco, un attentat des guérilleros du
Sentier lumineux contre un train de touristes fait huit morts.
Jeudi 26
CEE
Au sommet de La Haye (jusqu’au 27), où
MM. Mitterrand et Chirac sont présents, la
priorité est donnée à l’Afrique du Sud et à la
sécurité nucléaire, à l’ordre du jour après la
catastrophe de Tchernobyl.
FRANCE
Politique intérieure.
Le Conseil constitutionnel valide « avec
des réserves » la loi d’habilitation économique et sociale, adoptée par le Sénat le
2, qui autorise le gouvernement à agir par
ordonnances dans le domaine économique
et social, notamment pour ce qui concerne
la privatisation.
Académie française.
Élection de M. Jacques Laurent au fauteuil
de Fernand Braudel.
RÉPUBLIQUE D’IRLANDE
Société.
La légalisation du divorce, examinée par
référendum, est rejetée par une majorité de
63,5 p. 100 des suffrages.
JAPON
Construction navale.
D’après un rapport récent, la capacité de
production devra être diminuée de moitié
pour 1988, et plusieurs milliers d’emplois
devront être supprimés dans ce secteur.
Vendredi 27
FRANCE
Presse.
Adoption par le Sénat de la proposition de
loi modifiant le statut juridique de la presse.
Les députés socialistes saisissent le Conseil
constitutionnel.
ITALIE
Gouvernement.
Mis en minorité après le rejet par la
Chambre des députés d’un projet de loi
gouvernemental organisant la répartition
des fonds de l’État entre les collectivités
locales, le président du Conseil, M. Bettino
Craxi, démissionne.
AFRIQUE DU SUD
Sanctions.
Au sommet de La Haye, la CEE décide
d’accorder trois mois au président Botha
pour libérer Nelson Mandela et reconnaître
l’ANC.
NICARAGUA
Gouvernement.
Après le vote par le Congrès américain, le
25, d’une aide de 100 millions de dollars à la
contra, le gouvernement riposte en décrétant l’état d’urgence et en fermant le principal journal d’opposition, la Prensa.
Samedi 28
FRANCE
Partis politiques.
Au Pré-Saint-Gervais, réunion de la
convention du Parti socialiste. Ce dernier
crée un conseil national de la gauche, ouvert
aux communistes, aux centristes et aux
écologistes.
downloadModeText.vue.download 84 sur 502
CHRONOLOGIE
83
Dimanche 29
SPORT
Football.
Vainqueurs, à Mexico, de la République
fédérale d’Allemagne par 3 buts à 2, les Argentins remportent la Coupe du monde. La
France est troisième.
FRANCE
Catastrophes.
À Villeurbanne, un transformateur EDF
prend feu. On redoute particulièrement
l’écoulement du pyralène, qui, sous l’effet de
la chaleur, se transforme en dioxine.
POLOGNE
Vie politique.
Ouverture à Varsovie du 10e congrès du
Parti ouvrier unifié. M. Gorbatchev est
invité.
Lundi 30
EUROPE
Technologie.
Quarante ministres des 19 pays participant
au programme Eurêka sont réunis en sommet à Londres. Ils examinent 60 nouveaux
projets de coopération technologique.
LIBYE
! États-Unis
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
À la demande de M. Reagan, toutes les
compagnies américaines présentes en Libye
cessent leur activité.
Le mois de Michel Hidalgo
Le football n’est plus seulement un jeu, c’est
un phénomène social incomparable, un tissu
qui rassemble les hommes. Le football réunit dans son contenu toutes les passions du
monde. Toute la folie généreuse dont ils ont
besoin pour se dérider. Les Grecs avaient créé
les jeux Olympiques. Les Romains les jeux
du cirque. Qu’y a-t-il de changé aujourd’hui,
sinon que les gladiateurs du parc des Princes,
de Maracana ou du stade Asteca portent des
souliers à crampons et des maillots de soie ?
Les hommes ne sont plus dans l’arène. Mais
il y a le jugement du public qui condamne ou
qui sauve. Et la terrible pression des médias.
Le treizième rendez-vous au sommet, celui
du Mundial de Mexico, n’a fait que confirmer les effets d’une amplitude qui conduit
le football vers la cinquième dimension. Il a
construit en quelques jours des réputations.
Il en a défait. Il a sorti des révélations de ses
pochettes surprises, il a fait naître des déceptions cruelles. Au milieu de son tumulte, il
nous a offert des images d’une pureté artistique exceptionnelle et des situations dramatiques aux dénouements inattendus. C’est
son charme. Ce sont ses secrets. Et c’est la certitude de sa continuité.
Pourtant, au milieu de la fête perpétuelle
qui nous entraînait au rythme des Mariachis, je n’ai pas aimé la découverte de la
misère à Neza. Quel anachronisme, ce stade
émergeant comme un défi au milieu du plus
grand bidonville du monde ! J’ai été ému par
cette population modestement endimanchée,
regardant défiler, sans haine ni rancune,
les privilégiés se rendant au match dans de
belles autos. J’aurais aimé emmener un de ces
enfants avec moi. Je n’ai pas aimé davantage
la prudence excessive des techniciens, l’attentisme languissant du premier tour et j’ai
même détesté quelques matches où le football
et l’esprit du jeu ont été réellement assassinés.
Mais j’ai aimé la spontanéité et la vie de la
Corée du Sud venue élargir les frontières
de notre sport. J’ai apprécié la performance
historique du Maroc et j’ai pris du plaisir en
admirant la qualité, l’enthousiasme, la joie
de jouer du Danemark et de l’URSS. Deux
équipes qui avaient renoncé aux sombres
calculs stratégiques dans une compétition
downloadModeText.vue.download 85 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
84
trop souvent sous l’emprise d’un jeu économique. J’ai beaucoup aimé l’équipe de France,
discrète, puis souveraine pour arracher la
couronne de champion du monde des ténors
italiens. J’ai été ému par la parfaite expression collective de son talent devant le Brésil
chatoyant et j’ai été triste lorsque les Allemands sont venus briser notre beau rêve.
La troisième place m’a réconforté, parce
qu’une équipe a dessiné à travers elle, à Puebla, d’autres lendemains. Mais j’ai d’abord
tressailli de bonheur lorsque le gamin de
Buenos Aires, Diable et Bon Dieu de nos
grand-messes, a sublimé l’Argentine pour la
mener jusqu’à la conquête suprême. Diego
Maradona, équipier de luxe, oubliant son
orgueil pour mettre tous ses dons au service
des autres. C’est cela, la vérité du football.
MICHEL HIDALGO
Météo : le Printemps
Avril 1986 restera dans les mémoires : ce
mois n’avait jamais été plus hivernal depuis...
1879. Les températures ont été inférieures,
voire très inférieures aux normales sur l’ensemble du territoire. Ainsi de nombreux records de froid ont-ils été enregistrés pendant
la première quinzaine : – 4,1 °C à Lorient,
– 3,3 °C à Deauville et – 7,9 °C à ChâteauChinon le 12. Les précipitations, quant à
elles, imputables à la permanence d’un temps
perturbé, sont globalement excédentaires.
Toutefois, les réserves en eau du sol restent
faibles en Languedoc-Roussillon, Côte d’Azur
et Beauce ainsi que dans les départements de
Loire et du Puy-de-Dôme ; le rapport R/RU
de la réserve en eau disponible à la réserve
utile n’est que de 70 p. 100 dans ces régions.
Les chutes de neige ont été fréquentes et
abondantes sur les massifs montagneux : sur
les Pyrénées le 6, dans le sud-ouest du Massif
central le 8, sur les Alpes les 8 et 9 et entre le
19 et le 28. Entre le 11 et le 13 avril, il a également neigé en Picardie, dans le Nivernais
et le Berry et même dans le Midi toulousain.
L’insolation est anormalement faible et de
nombreux records de déficience ont été battus : 86 heures à Lyon et 99 heures à Mâcon,
au lieu de 104 et 113 heures, records de 1983.
L’abondance des pluies a provoqué la crue
de nombreux cours d’eau dont la Saône, le
Doubs, le Rhône, la Seine, la Meuse, la Dor-
dogne et la Durance ; ces crues n’ont heureusement revêtu aucun caractère exceptionnel.
Avalanches, glissements et écroulements de
terrain, effondrement de chaussées, rupture de câbles électriques due à la neige
(65 000 abonnés du Midi toulousain ont
été privés d’électricité à la fin de la première
décade), interruptions locales et temporaires
du trafic routier et ferroviaire, ont été les
autres conséquences des intempéries d’avril.
downloadModeText.vue.download 86 sur 502
CHRONOLOGIE
85
Printemps tardif
canicule quand même !
Le printemps ne s’est réellement manifesté
qu’en mai : le mois a été caractérisé par des
températures moyennes voisines des normales sur la façade atlantique et supérieure
dans les autres régions. Des températures
inhabituelles ont été relevées : 32,3 °C à
Mont-de-Marsan le 17, 31,3 °C à Cazaux le
19 pour les températures maximales, 15,3 °C
à Saint-Dizier et 16,1 °C à Millau pour les
températures minimales.
Les précipitations ont été déficitaires dans
le Sud-Ouest, le Sud-Est et la Corse, normales sur le reste du pays. Le nombre élevé
de jours de pluie et la fréquence des orages
s’expliquent par les caractères de la circulation atmosphérique au-dessus de l’Europe
occidentale. À la fin du mois de mai, le rapport R/RU est inférieur à 30 p. 100 dans le
Languedoc-Roussillon ; ce déficit en eau du
sol, qui explique le démarrage précoce de l’irrigation des cultures, crée déjà des conditions
favorables aux feux de forêts. L’insolation n’a
été supérieure à la moyenne que dans le Nord
et dans les régions littorales de l’Atlantique et
de la Méditerranée. En somme, un mois de
mai doux et modérément pluvieux.
L’événement climatique du mois de juin 1986
fut sans conteste le vigoureux contraste entre
la fraîcheur de la première quinzaine et les
très fortes chaleurs de la seconde moitié du
mois. Des températures minimales exceptionnellement basses ont été mesurées le 1er
et le 2 et du 5 au 9 : 6,5 °C à Hyères le 1er ;
3,5 °C à Mont-Saint-Vincent le 5 ; 1,1 °C à
Romorantin le 7..., alors que des températures maximales particulièrement élevées
ont été relevées du 25 au 30 : 35,8 °C au
Mans, 35,9 °C à Bourges, 34,4 °C à Paris
le 28. Alors que la canicule sévissait tant en
France que sur l’Europe occidentale, le sud
de l’URSS (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan)
a connu une vague de froid sans précédent.
La grêle dévaste
le vignoble d’Anjou
Les pluies ont été excédentaires en Bretagne, Haute-Normandie et Corse et déficitaires dans le Centre-Est, le Sud-Ouest et le
Sud-Est.
À partir du 15, l’insolation, les températures
supérieures aux normales et l’advection d’air
océanique tiède ont été à l’origine de plusieurs épisodes pluvio-orageux, du 12 au 18,
du 19 au 23 et du 29 au 30 juin. Le 21 juin,
les orages et les tornades de grêle, très localisés, qui se sont abattus sur le Maine-et-Loire
ont dévasté les cultures et ravagé en partie
les vignobles d’Anjou. Au terme de la 3e décade de juin le déficit en eau du sol est important (R/RU ≤ 40 p. 100) dans les régions
Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte
d’Azur, Corse, Centre, Pays de Loire, PoitouCharentes et Midi-Pyrénées (à l’exception
des Pyrénées atlantiques et centrales). Juin
1986, en raison de ses caractères climatiques
contrastés, a assuré une brutale transition
entre le printemps froid et pluvieux et l’été
qui s’annonce chaud et sec.
PHILIPPE CHAMARD
downloadModeText.vue.download 87 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
86
Juillet
Mardi 1er
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II se rend en Colombie
pour un voyage officiel d’une semaine.
EUROPE
Relations internationales.
Jusqu’au 26 juillet, tournée du Premier ministre chinois Zhao Ziyang en Roumanie,
en Yougoslavie, en Grèce, en Espagne et en
Turquie.
Affaires culturelles.
Visite de M. Mitterrand à Florence, consacrée « capitale européenne de la culture ».
CEE
! Chine
FRANCE
Sécurité sociale.
M. Philippe Séguin, ministre des Affaires
sociales, présente son plan de financement.
Il est prévu que la cotisation vieillesse
augmente de 0,7 p. 100 le 1er août, et une
contribution de 0,4 p. 100 sur les revenus
imposables de 1986 et 1987 est instituée.
Au total, ce sont 20 milliards de francs de
prélèvements supplémentaires qui viendront combler les déficits prévus pour 1986
et 1987.
ITALIE
! Europe
YÉMEN
Relations internationales.
À Tripoli, en Libye, première rencontre
depuis la guerre civile, entre les présidents
des deux Yémens.
CHINE
Idéologie.
Le secrétaire général du PC, M. Hu Yaobang, qualifie la Révolution culturelle de
« catastrophe pour le parti et l’État » et reproche à Mao Zedong son intolérance.
Relations internationales.
M. Jacques Delors, président de la Commission européenne, arrive à Pékin pour une
visite officielle de cinq jours.
CHINE
! Europe
AFRIQUE DU SUD
Opposition.
La COSATU, principale fédération de Syndicats noirs (500 000 adhérents revendi-
qués), annonce un « programme d’action »
contre le régime. Le même jour, une bombe
explose à Johannesburg, près d’un arrêt
d’autobus, blessant huit personnes, dont
deux jeunes enfants.
PÉROU
Gouvernement.
Le ministre de la Justice, M. Luis Gonzales
Posada, démissionne. Il avait été mis en
cause par l’opposition après le massacre de
plusieurs dizaines de guérilleros maoïstes
du Sentier lumineux emprisonnés à Lima.
Mercredi 2
ÉGLISE CATHOLIQUE
À Bogota, en Colombie, le pape JeanPaul II dénonce la tentation de la violence
ainsi que la lutte des classes et plaide pour
la justice sociale.
CEE
Commerce international.
Les États-Unis sont autorisés à poursuivre
leurs exportations de maïs vers l’Espagne.
La Communauté européenne espère ainsi
bénéficier du report des représailles comdownloadModeText.vue.download 88 sur 502
CHRONOLOGIE
87
merciales annoncées par Washington à son
encontre.
FRANCE
Université.
Le ministre de l’Enseignement supérieur et
de la Recherche, M. Alain Devaquet, annule
la soutenance de thèse de M. Henri Roques
selon laquelle l’existence des chambres à gaz
nazies ne serait pas formellement établie.
URSS
Musique.
À Moscou, un jeune violoniste français,
M. Raphaël Gly, remporte le premier prix
de violon du concours Tchaïkovski.
IRAQ!IRAN
Conflit.
Téhéran annonce la reprise de la ville de
Mehran, dans l’ouest du pays.
ÉTATS!UNIS
! CEE
PHILIPPINES
Vie politique.
Début des pourparlers officiels entre
le gouvernement Aquino et la guérilla
communiste.
COLOMBIE
! Église catholique
Jeudi 3
FRANCE
Politique intérieure.
Publication au Journal officiel de la loi autorisant le gouvernement à agir par ordonnances dans le domaine économique et
social.
Politique sociale.
M. François Mitterrand signe la loi supprimant l’autorisation administrative de
licenciement.
Société.
L’Assemblée nationale adopte le projet de
loi rétablissant les contrôles d’identité.
Environnement.
À Villeurbanne, à la suite de l’incendie des
transformateurs d’EDF, plusieurs centaines
de litres de pyralène pénètrent dans le soussol de la région (! 29 juin).
Faits divers.
Une agression contre la Banque de France
de Saint-Nazaire rapporte 88 millions de
francs à ses auteurs. C’est le plus important
hold-up jamais commis en France, après
celui de la Société générale à Nice en 1976
(46 millions, soit 100 millions de francs
actuels).
KOWEÏT
Politique intérieure.
L’émir Cheikh Djaber el Ahmed el Sabah
dissout l’Assemblée nationale et accepte la
démission du gouvernement.
Vendredi 4
Biologie.
À Adélaïde (Australie), des jumeaux sont
les premiers enfants au monde à naître
après congélation d’ovule.
FRANCE
Relations internationales.
! États-Unis
Faits divers.
Près de Bollène (Vaucluse), un jeune gendarme auxiliaire est tué et un autre blessé
par des malfrats qui venaient de commettre un hold-up et dont l’un se révèle
appartenir au conseil municipal de Carros
(Alpes-Maritimes).
downloadModeText.vue.download 89 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
88
LIBAN
Occupation syrienne.
Pour la première fois depuis 1982, des
soldats syriens ont fait leur réapparition à
Beyrouth-Ouest.
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
À l’occasion de sa visite officielle à New
York pour le centenaire de la statue de la
Liberté (le 3), M. François Mitterrand s’entretient avec le président Reagan.
Extradition de M. José Lopez Rega, éminence grise du gouvernement Peron de
1973 à 1975 et considéré comme responsable de huit meurtres commis par l’Alliance anticommuniste argentine dont il
aurait été le chef.
Samedi 5
SPORT
Tennis.
L’Américaine Martina Navratilova remporte la finale dames de Wimbledon devant la Tchécoslovaque Hana Mandlikova.
Le lendemain, l’Allemand de l’Ouest Boris
Becker, 18 ans, est vainqueur de la finale
masculine.
FRANCE
Faits divers.
À Paris, un jeune homme de 28 ans, Loïc
Lefebvre, après avoir emprunté un sens interdit avec son véhicule et fui à pied pour
éviter un contrôle de police, est finalement
abattu par un CRS qui invoque la légitime
défense, mais est inculpé et placé sous
contrôle judiciaire.
CHINE
Politique économique.
Une dévaluation du yuan de 15,8 p. 100
est effectuée dans le but de réduire le déficit commercial (7,6 milliards de dollars en
1985).
ÉGYPTE
Économie.
Le président de la Compagnie du canal de
Suez, M. Mohammed Ezzat Adel, annonce
que, pour la première fois, les revenus du
canal de Suez ont dépassé le milliard de
dollars au cours de l’année fiscale 19851986. Ils constituent la troisième source de
devises, après les envois des Égyptiens de
l’étranger et l’exploitation du pétrole.
Dimanche 6
FRANCE
Vie politique.
Les élections cantonales partielles de La
Ciotat (Bouches-du-Rhône) sont remportées au second tour par le candidat RPRUDF, M. Rastoin (57,6 p. 100 des voix),
grâce au retrait du candidat du FN, M. Domenech (26,4 p. 100 des voix au 1er tour).
Terrorisme.
Le mouvement Action directe revendique
deux attentats commis à Paris contre les
sociétés Thomson et l’Air liquide, et réclame
l’arrêt de la « collaboration capitaliste » avec
l’Afrique du Sud.
Sport automobile.
Au Castellet (Var), l’Anglais Nigel Mansell,
sur Williams, remporte le 72e Grand Prix
de France de formule 1, avec 17 secondes
d’avance sur le Français Alain Prost, qui
occupe la première place au Championnat
du monde des conducteurs.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Catholicisme.
100 000 personnes participent
nage de Levoca, en Slovaquie.
tions religieuses s’aggravent
downloadModeText.vue.download
au pèleriLes persécu: actuellement,
90 sur 502
CHRONOLOGIE
89
70 p. 100 des prêtres sont emprisonnés ou
empêchés d’exercer leur sacerdoce.
JAPON
Élections générales.
Victoire triomphale des conservateurs soutenant le Premier ministre, M. Yasuhiro
Nakasone, à l’issue des élections législatives
et sénatoriales.
PHILIPPINES
Vie politique.
À Manille, échec d’une tentative de putsch
visant à porter à la présidence M. Arturo
Tolentino, ancien colistier du président
Marcos.
Lundi 7
FRANCE
Relations internationales.
M. Jacques Chirac révèle qu’un accord,
conclu le 19 juin avec le gouvernement
néo-zélandais, vient de permettre le règlement de l’affaire des « époux Turenge » par
l’entremise du secrétaire général de l’ONU,
M Javier Perez de Cuellar. Le commandant
Mafart et le capitaine Prieur, dont la libération doit intervenir prochainement, seront
toutefois assignés à résidence sur l’île de
Hao, en Polynésie française, pendant trois
ans (! éd. 1986).
Relations internationales.
! URSS
Médecine.
Le professeur Jean-François Bach, de l’hôpital Necker, présente à l’Académie des
sciences les résultats d’une étude sur les effets de la ciclosporine dans le traitement du
diabète, maladie jugée jusqu’ici irréversible.
RFA
Scandale politique.
Le Spiegel révèle que des industriels ont financé illégalement le parti social-démocrate
(SPD), à concurrence de plusieurs dizaines
de millions de DM.
URSS
Relations internationales.
Jusqu’au 10, visite officielle de M. Mitterrand, qui fait l’éloge de M. Gorbatchev et
présente son hôte soviétique comme « un
homme de son temps, moderne (et) qui
prend les problèmes comme ils sont ».
JORDANIE
Palestiniens.
Le gouvernement ordonne la fermeture
de 25 bureaux du mouvement palestinien
Fath, dont le numéro 2, Abou Jihad, est
expulsé.
MALAISIE
Drogue.
Deux Australiens, qui avaient été trouvés
en possession de 179 grammes d’héroïne,
sont pendus. Depuis 1975, 36 Malaisiens et
autres Asiatiques condamnés pour trafic de
drogue ont subi le même sort.
NOUVELLE!ZÉLANDE
! France
Mardi 8
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II s’arrête à Sainte-Lucie
en revenant de Colombie (! 1er juillet).
SPORT
Saut à la perche.
À Moscou, le Soviétique Serguei Bubka
améliore son propre record du monde en
franchissant 6,01 mètres.
FRANCE
Vie politique.
Le Conseil constitutionnel annule pour
fraudes les élections législatives de HauteCorse et de Haute-Garonne.
downloadModeText.vue.download 91 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
90
Énergie.
Invoquant le prix trop élevé de l’électricité fournie par EDF, Aluminium Péchiney
annonce la fermeture de deux usines, à Noguères (Pyrénées-Atlantiques) et à Rioupéroux (Isère).
TUNISIE
Vie politique.
Le président Bourguiba renvoie son « dauphin » et Premier ministre, M. Mohamed
Mzali, qu’il remplace par le ministre de
l’Économie, M. Rachid Sfar. Le 24, M. Mzali est écarté du bureau politique du Parti
socialiste destourien.
ÉTATS!UNIS
Marine.
À Arlington (Virginie), décès de l’amiral
Rickover.
Rickover
Quand le président Eisenhower annonce
au monde entier, le 8 août 1958, le passage
du Nautilus sous la banquise, la presse des
États-Unis s’attache presque autant à protester contre l’absence, ce jour-là, de celui
qu’elle a consacré « père du sous-marin nucléaire », qu’à relater l’événement. Il est vrai
que Hyman George Rickover s’est toujours
refusé à être un officier de marine conforme
à la tradition ; l’US Navy lui rendit bien son
anticonformisme en écartant par deux fois
son nom de la Commission de sélection des
futurs amiraux.
Né à Makov, dans l’Empire de Russie (auj.
en Pologne), Rickover ne connaît de la mer,
à son entrée à l’école navale d’Annapolis,
que l’entrepont surpeuplé d’un navire d’émigrants. Là s’arrête de toute évidence sa vocation de marin. Après avoir obtenu une licence
d’électricité mécanique, il entre à l’école des
sous-marins et embarque successivement sur
un submersible, puis sur un vieux dragueur
de mines. Plus soucieux d’efficacité technique
et mécanique que pénétré des traditions maritimes, il demande à opter pour le cadre
spécial des officiers ingénieurs mécaniciens.
Affecté à la section électricité du service
technique des constructions et armes navales
(Bureau of ships), Rickover révolutionne ce
département, impose la standardisation de
l’équipement radioélectrique des navires et
soumet le matériel nouveau à des épreuves
de résistance sévères. Encore une fois, il se bat
contre la routine, le formalisme et la bureaucratie. En avril 1946, une note de service demande un volontaire pour effectuer un stage
aux laboratoires d’Oakridge, afin d’étudier
les possibilités d’application du nucléaire à la
propulsion navale. Rickover sera le seul candidat à cette affectation considérée par tous
comme une voie de garage. Il déclare alors
au directeur d’Oakridge : « Vous accordez
trop d’importance aux scientifiques... Pour
moi, 95 p. 100 des difficultés sont d’ordre
technique et les 5 p. 100 restants seulement
sont d’ordre scientifique. » Il propose alors
un plan devant aboutir à la réalisation d’un
sous-marin nucléaire au bout de 5 à 8 ans.
Bien que ce plan n’obtienne pas l’assentiment
de la hiérarchie, Rickover ne désarme pas. Il
s’assure l’appui d’Edward Teller et expose la
question au directeur du Bureau of ships. En
butte à une faction rivale, il est écarté de la
Nuclear Power Division. Persuadé de l’avenir de son projet, Rickover réussit à attirer
l’attention de l’amiral Nimitz : il est chargé
de constituer l’équipe pour la réalisation
d’un réacteur naval atomique. La première
manche était gagnée ; on connaît la suite.
Mercredi 9
FRANCE
Terrorisme.
À Paris, un attentat à l’explosif commis par
Action directe dans les locaux de la Brigade
de répression du banditisme fait 1 mort (un
downloadModeText.vue.download 92 sur 502
CHRONOLOGIE
91
commissaire) et 22 blessés, dont 4 graves,
parmi les policiers.
Justice.
Un mandat d’arrêt international est lancé
contre M. Yves Chalier, trésorier du Carrefour du développement.
Musique.
À Nîmes, création française du Corsaire de
Verdi.
RFA
Terrorisme.
À Munich, l’un des dirigeants du groupe
Siemens, spécialiste des questions nucléaires, M. Karl Heinz Beckurts, et son
chauffeur sont tués dans un attentat à la
bombe revendiqué par le Fraction armée
rouge.
Jeudi 10
ITALIE
Justice.
Pour le détournement du paquebot AchilleLauro (! éd. 1986), Aboul Abbas, chef
du Front de libération de la Palestine, est
condamné par contumace à la réclusion
perpétuelle par la cour d’assises de Gênes
et Madjid el-Molki à trente ans de réclusion
pour le meurtre du paraplégique américain
Léon Klinghoffer. Le 11, le procureur de la
République fait appel, jugeant la sentence
trop clémente.
VIÊT!NAM
Parti communiste.
Mort de M. Le Duan, qui avait succédé à
Ho Chi Minh à la tête du PC vietnamien.
Le 14, M. Truong Chinh, 80 ans, devient le
nouveau secrétaire général.
Vendredi 11
ÉTATS!UNIS
Justice.
Pour la première fois, une mineure (Paula
Cooper, 16 ans) est condamnée à mort. Elle
avait poignardé une femme de 78 ans pour
lui voler dix dollars et sa voiture.
Samedi 12
ATLANTIQUE
Titanic.
À 900 km au large de Terre-Neuve et par
4 000 m de fond, une équipe scientifique
américaine commence l’exploration de
l’épave du paquebot retrouvée le 1er septembre 1985.
FRANCE
Justice.
Condamné le 24 juin à un an de prison,
l’un des chefs de l’ETA militaire, Domingo
Iturbe Abasolo, dit « Txomin », est expulsé
vers le Gabon.
CHINE
Catastrophe naturelle.
Dans le Sud, le typhon Peggy provoque
la mort de 172 personnes et détruit
264 000 maisons.
Dimanche 13
Sports équestres.
À Aix-la-Chapelle, la Canadienne Gail
Greenough, 26 ans, devient la première
femme championne du monde de saut
d’obstacles.
INDE
Troubles.
Dans le Gujerat, et à Ahmadabad en particulier, des affrontements entre musulmans
et hindous dégénèrent en de véritables
downloadModeText.vue.download 93 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
92
batailles rangées, au cours desquelles périssent plusieurs dizaines de personnes.
Lundi 14
FRANCE
Politique intérieure.
M. François Mitterrand déclare qu’il
ne signera pas l’ordonnance sur les
dénationalisations.
ESPAGNE
Terrorisme.
À Madrid, un attentat à la voiture piégée au
passage d’un car d’élèves de la garde civile
fait 11 morts et 55 blessés, dont 43 gardes
civils. Le 16, l’ETA revendique l’opération.
GRANDE!BRETAGNE
Relations internationales.
Début d’une visite de trois jours du chef
de la diplomatie soviétique, M. Edouard
Chevardnadze.
URSS
! Grande-Bretagne
ÉTATS!UNIS
Esthétique.
Mort de Raymond Loewy, inventeur du
« design ».
Raymond Loewy
Raymond Loewy, pionnier américain de
l’esthétique industrielle, est mort à Monaco
le 14 juillet.
Sa société, Raymond Loewy Associates, était
devenue la première entreprise mondiale
d’une activité qu’il définissait ainsi, non
sans humour : « Le design industriel, c’est
assurer la satisfaction du consommateur, la
prospérité du client et donner du travail au
designer. » Objectifs largement atteints : avec
un éclectisme extraordinaire et souvent avec
40 ans d’avance sur son époque, le Léonard
de Vinci de la beauté fonctionnelle dessina
ou transforma près de 1 500 objets, du tube
de rouge à lèvres au transatlantique en passant par les boulons, les réfrigérateurs, les
cabines spatiales Skylab ou les locomotives,
auxquelles il consacra d’ailleurs tout un livre
en 1938 : The Esthetics of the Locomotive.
Mais son succès le plus spectaculaire reste
sans doute la fameuse Studebaker Starlight
de 1947, dont il est bien difficile de distinguer l’avant de l’arrière.
Très renommé aux États-Unis (Time lui
consacre sa couverture dès 1949, Life le désigne comme « l’une des cent personnes qui
ont fait l’Amérique »), Loewy reste un homme
peu connu en France, où pourtant tout le
monde connaît son oeuvre : le coquillage
Shell, le sigle astucieux de New Man, les
« logos » de Lu et de BP, la bouteille de Cocacola, c’est lui Né à Paris le 5 novembre 1893,
d’un père venu d’Autriche et d’une Française,
il renonce à une carrière d’ingénieur dès sa
démobilisation et débarque à New York en
1919, avec 40 dollars en poche. Dessinateur
de mode pour Vogue et Harper’s Bazaar pendant dix ans, il ouvre un jour, à Manhattan,
le premier atelier de modélisme industriel et
séduit l’Anglais Sigmund Gestetner, son premier client, en révolutionnant la silhouette
d’un duplicateur particulièrement disgracieux au départ. Les ventes s’envolent.
C’est pour Raymond Loewy le début de
50 ans de succès ininterrompus. En 1929, il
fonde la Raymond Loewy International Inc.,
véritable banque d’idées pour l’esthétique du
quotidien, dont il renouvelle l’expérience en
créant, à Paris en 1952, la Compagnie de l’esthétique industrielle, qui aménagera notamment l’intérieur du Concorde (1963).
downloadModeText.vue.download 94 sur 502
CHRONOLOGIE
93
Conseiller auprès de 250 firmes américaines,
il est aussi l’auteur de la bible du design : La
laideur se vend mal (1952).
PHILIPPINES
Catastrophe naturelle.
Le typhon Peggy ravage la région du Nord
provoquant la mort de 119 personnes et
laissant 350 000 sans-abri (! Chine, le 12).
Mardi 15
FRANCE
Relations internationales.
Arrivée du vice-président syrien, M. Abdelhalim Khaddam. C’est la première visite
officielle en France depuis dix ans d’un dirigeant syrien.
Télévision.
La privatisation de TF1 est votée par le
Sénat.
Musique.
Tancrède, opéra d’André Campra (1702),
est présenté au festival d’Aix-en-Provence.
SYRIE
! France
Mercredi 16
FRANCE
Vie politique.
L’Assemblée nationale vote le projet de loi
relatif aux conditions d’entrée et de séjour
des étrangers en France.
Politique sociale.
M. Mitterrand signe l’ordonnance sur
l’emploi des jeunes, destinée à faciliter l’embauche des moins de 25 ans.
Jeudi 17
FRANCE
Justice.
Le ministre de la Justice, M. Albin Chalandon, annonce la création de nouveaux
chantiers de la jeunesse, destinés à accueillir
30 000 à 40 000 jeunes de 15 à 25 ans, petits
délinquants, désoeuvrés ou mineurs « en
danger ».
ITALIE
Justice.
Le psychanalyste Armando Verdiglione,
dont la fondation organisait des colloques
réunissant de nombreux intellectuels, est
condamné à quatre ans et demi de prison
pour « extorsion continue et aggravée »
aux dépens de ses malades. Une autre procédure a été ouverte, pour association de
malfaiteurs, sur les conditions de financement de sa fondation. Il a reçu l’appui de
MM. Marek Halter, Bernard-Henri Lévy et
André Glucksmann.
Vendredi 18
URSS
Faits divers.
Conséquence de l’accident de la centrale de
Tchernobyl : l’agence Tass annonce le limogeage du président de la Commission d’État
pour la sécurité dans l’industrie atomique.
Le lendemain, toute une série de sanctions
contre les responsables de l’industrie nucléaire est annoncée.
Samedi 19
FRANCE
Justice.
Extradition du terrorisme basque espagnol
José Lopez Barona, dit Txema. Quatre nouvelles extraditions sont effectuées du 22 au
31.
downloadModeText.vue.download 95 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
94
GUINÉE!ÉQUATORIALE
Vie politique.
25 militaires sont arrêtés à la suite, de
l’échec d’une tentative de coup d’État. Trois
anciens ministres seraient impliqués, ainsi
que des proches du président Teodoro
Obiang Nguema. Les putschites auraient
été hostiles au rapprochement établi avec
la France.
BOLIVIE
Coca, holà !
C’est une opération militaire américaine
d’un genre très particulier qui est lancée le
19 juillet en Bolivie. Ce jour-là, en effet,
160 GI, appuyés par des avions et 8 hélicoptères Black Hawk, participent, au côté des
forces boliviennes, au lancement d’une vaste
opération antidrogue couvrant 200 000 km 2
de forêt amazonienne dans le département
de Béni, près de la frontière brésilienne.
L’« ennemi » : les milliers de paysans qui
vivent de la production de feuilles de coca,
dont des trafiquants tirent la cocaïne destinée aux États-Unis et au Canada. L’enjeu
est de taille : la moitié de la cocaïne produite
dans le monde provient des feuilles de coca
boliviennes. Mais, jusqu’à présent, la lutte
contre la drogue avait été freinée par le lobby
des trafiquants, dont les dollars, accumulés
par milliards exerçaient une pression déterminante sur le monde politique, la justice
et la police... Influence qui se révèle dès
l’intervention militaire : une véritable tempête politique se lève en Bolivie ; plusieurs
dizaines de députés accusent le président Paz
Estenssoro d’avoir autorisé une violation de
la souveraineté bolivienne ; un dirigeant du
parti gouvernemental MNR demande même
que le président soit jugé par le Congrès pour
avoir agi sans consulter le Parlement.
Pour de très nombreux agriculteurs la destruction des cultures de coca pose un problème social réel, sur lequel se greffe la persistance d’un fort sentiment anti-yankee. C’est
pourquoi, à Cochabamba, ce ne sont pas
moins de 20 000 paysans qui défilent dans
les rues pour protester contre la participation
des soldats américains aux opérations. Des
réactions que le président avait bien prévues
lorsqu’il déclarait : « Si nous n’attaquons pas
le problème de la cocaïne d’une manière radicale, nous risquons de voir la mafia de la
drogue s’emparer du contrôle du pays même
par des moyens démocratiques. » D’où des
entretiens entre le gouvernement Reagan et
les dirigeants latino-américains, et la décision d’une action internationale, à laquelle
la police brésilienne participe également sur
sa frontière en empêchant la fuite des planteurs et des trafiquants. En Bolivie, les opérations sont rapidement étendues à la région
du Centre, provoquant la fuite de onze mille
paysans peu désireux d’être confrontés aux
policiers boliviens des unités spéciales antidrogue. Dès le 24 juillet, dans le seul département de Chapare, 16 laboratoires de cocaïne – certains traitant une tonne et demie
par semaine – sont repérés par hélicoptères
et détruits.
Dimanche 20
Catholicisme.
À Versailles, jusqu’au 23, congrès de l’union
mondiale des anciens élèves des Jésuites.
Lundi 21
EUROPE
Agriculture.
À Bruxelles, les ministres des Affaires
étrangères des Douze acceptent de négocier avec les États-Unis pour faciliter les
exportations américaines d’agrumes vers le
Marché commun.
downloadModeText.vue.download 96 sur 502
CHRONOLOGIE
95
FRANCE
Terrorisme.
Les trois Arméniens de l’ASALA, qui avaient
été condamnés à sept années de réclusion
en janvier 1984 pour la prise d’otages du
consulat de Turquie à Paris (24 septembre
1981), sont libérés. L’organisation Action
directe revendique un attentat à la voiture
piégée devant le siège de l’OCDE à Paris.
ESPAGNE
Terrorisme.
À Madrid, série d’attentats à l’explosif.
L’ETA répond ainsi à l’expulsion d’un de ses
membres par la France (! 19).
ISRAËL
! Maroc
GUINÉE!BISSAU
Justice.
Six personnes sont fusillées pour leur participation à la tentative de coup d’État d’octobre 1985. Ce sont les premières exécutions depuis le renversement du président
Cabrai par le général Vieira.
MAROC
Relations internationales.
Jusqu’au 23, visite du Premier ministre
israélien Shimon Pérès, qui s’entretient
avec le roi Hassan II. Cette « trahison » est
dénoncée par l’Algérie, la Libye et la Syrie,
qui rompt ses relations diplomatiques avec
le Maroc. Le 26, le roi Hassan II présente à
la Ligue arabe sa démission de président du
sommet arabe.
ÉTATS!UNIS
! Europe
Mardi 22
EUROPE
Commerce.
Les ministres des Affaires étrangères des
Douze aboutissent à un accord valable pour
deux années, sur les importations de beurre
néo-zélandais.
SRI LANKA
Terrorisme.
Dans le Nord de l’île, l’explosion d’une mine
posée par des indépendantistes tamouls
provoque la mort des 31 passagers d’un
autobus.
Mercredi 23
FRANCE
Relations internationales.
Le Premier ministre du Pakistan, M. Mohammed Khan Junejo, est reçu par
M. Jacques Chirac, qui promet un accroissement de l’aide aux réfugiés afghans accueillis par le Pakistan.
Privatisation.
Remplacement des P-DG des douze principales entreprises nationalisées privatisables.
Terrorisme.
À Paris, arrestation de quatre terroristes
irlandais de l’INLA (Irish National Liberation Army), dont le chef d’état major de
l’organisation, Harold Basher Flynn.
Rainbow Warrior.
Le capitaine Dominique Prieur et le commandant Alain Mafart, libérés par la Nouvelle-Zélande, sont transférés sur l’île de
Hao, en Polynésie française (! 7 et éd.
1986).
Logement.
L’Assemblée nationale vote le projet de loi
Méhaignerie sur l’investissement locatif.
Outre-mer.
! Nouvelle-Calédonie
downloadModeText.vue.download 97 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
96
GRANDE!BRETAGNE
Monarchie.
Le mariage du prince Andrew et de Sarah
Ferguson est suivi par 400 millions de téléspectateurs dans plus de 40 pays.
IRLANDE DU NORD
! France
POLOGNE
Solidarité.
À Varsovie, le professeur Bronislaw Geremek, principal conseiller de M. Lech
Walesa, est inculpé de participation à une
association illégale. Il risque trois ans d’emprisonnement ferme.
PORTUGAL
Terrorisme.
Après une vague d’attentats de plusieurs
mois, le Parlement renforce la législation
antiterroriste en créant notamment un
Conseil supérieur de la sécurité intérieure,
constitué de ministres et de responsables
de plusieurs administrations, et en facilitant l’expulsion des étrangers aux activités
incompatibles avec l’intérêt national.
PAKISTAN
! France
NOUVELLE!CALÉDONIE
Le haut-commissaire, M. Fernand Wibaux,
est remplacé par M. Jean Montpezat.
ÉTATS!UNIS
Santé.
L’administration américaine annonce que,
pour la première fois, un vaccin humain
produit par manipulation génétique va être
mis en vente sur le marché. Il s’agit d’un
vaccin contre l’hépatite virale de type B.
Pas de précipitations
Les Indiens pratiquaient la danse de la
pluie ; les cow-boys d’aujourd’hui s’en remettent aux prières publiques, encouragées
par les autorités, dans l’espoir de juguler un
fléau qui frappe tout le sud des États-Unis.
Depuis le début de l’année, les précipitations ont en effet été deux fois moindres
qu’à l’accoutumée. La Géorgie et la Caroline
du Sud subissent plusieurs semaines consécutives de températures variant entre 30 et
40 °C. Le 23 juillet, on dénombre déjà plus
de 40 morts, dont 14 en Géorgie. Le bilan
matériel est également très lourd : près de
la moitié de la récolte de maïs du Sud, soit
plus d’un milliard de dollars, est anéantie.
Pour la seule Géorgie, les pertes en arachides
atteignent 100 millions de dollars. Au total,
on estime à 2 milliards de dollars les dommages causés aux champs de maïs, soja ou
arachides ainsi qu’au bétail, vendu à perte,
en catastrophe.
Les fermiers n’ont souvent plus d’autre espoir
que les distributions gratuites de fourrage,
expédié en gage de solidarité par les fermiers
du Middle West, et les livraisons du gouvernement fédéral, effectuées par avions-cargos militaires. Une centaine de comtés sont
déclarés « zones sinistrées », ce qui permet
l’attribution de prêts fédéraux à faible taux
d’intérêt, mais seuls peuvent en bénéficier les
fermiers qui ne sont pas déjà trop endettés.
La situation est désastreuse pour beaucoup
d’entre eux : le retour des périodes de sécheresse est fréquent et la chute des prix agricoles, en trois ans, a contraint 200 000 agriculteurs à quitter leurs terres sur l’ensemble
du territoire national.
Jeudi 24
COMMONWEALTH
Crise.
À Édimbourg, l’ouverture des XIIIe Jeux de
Commonwealth est boycottée par 32 des
48 pays membres, en raison du refus de
downloadModeText.vue.download 98 sur 502
CHRONOLOGIE
97
Mme Thatcher de prendre des sanctions
économiques contre l’Afrique du Sud.
FRANCE
Audiovisuel.
Le Sénat vote le projet de loi Léotard sur la
liberté de communication.
FEUX DE FORÊTS
Sur la Côte d’Azur, au cours de deux journées d’incendies, deux personnes trouvent
la mort et 7 000 hectares de forêt sont détruits. Les dégâts s’élèveraient à une centaine de millions de francs.
Vendredi 25
FRANCE
Terrorisme.
À Bayonne, des terroristes séparatistes
d’Iparretarak lancent des explosifs contre
le palais de justice et mitraillent les CRS de
garde, blessant grièvement l’un d’entre eux.
Ils entendent ainsi protester contre l’extradition récente de deux membres de l’ETA.
ITALIE
Affaires sociales.
Tous les syndicats du secteur public, à l’exception de celui des médecins du Service
national de santé, signent un accord visant
à mettre hors la loi les grèves sauvages.
RFA
Terrorisme.
À Friedrichshafen, la Fraction armée rouge
fait exploser une bombe de 30 kilos devant
l’immeuble de la société aéronautique
Dornier.
SOUDAN
Guerre civile.
Les rebelles de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) encerclent totalement la ville de Juba, capitale du sud du
pays.
CHILI
Terrorisme.
Devant le palais de la Moneda, à Santiago,
un attentat à la bombe fait 36 blessés.
Samedi 26
LIBAN
Otages.
Libération d’un Américain, le père Martin
Lawrence Jenco, enlevé un an et demi auparavant par l’organisation pro-iranienne du
Djihad islamique.
INDE
Troubles.
À Delhi, des affrontements entre sikhs
et hindous font 6 morts et 60 blessés. Un
millier de personnes sont arrêtées. Ces
violences font suite au massacre de 13 passagers hindous d’un bus par des sikhs, au
Pendjab.
AFRIQUE DU SUD
Terrorisme.
M. Zondi Molapa, l’homme le plus recherché du pays, est abattu par les forces de
l’ordre, au cours d’une fusillade. La police
estime maintenant que la plupart des responsables des récents attentats ont été tués
ou arrêtés.
Dimanche 27
SPORT
Cyclisme.
Greg Lemond est le premier Américain
vainqueur du Tour de France. Dans l’ordre,
il devance son coéquipier Bernard Hinault
et le Suisse Urs Zimmermann.
Le Tour d’Hinault
Le 27 juillet, The Star Spangled Banner
retentit sur les Champs-Élysées. Cet hymne
downloadModeText.vue.download 99 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
98
salue un vainqueur historique : Greg Lemond, premier Américain à remporter le
Tour de France. Pourtant, aux yeux de tous,
Bernard Hinault restera le vainqueur moral
de la compétition. À partir de Nantes, le
13, les événements se succédèrent à toute
allure durant près de deux semaines. Sur les
61,500 km de l’épreuve contre la montre, Hinault l’emporta devant son équipier Lemond,
et Laurent Fignon disparut de la tête du
classement. Lors de la première étape pyrénéenne Bayonne-Pau, le « Blaireau » attaqua
à 80 km du but. En compagnie de l’Espagnol
Pedro Delgado, à qui il laissa la victoire, il
creusa des écarts importants sur ses suivants
immédiats. Fignon, malade, abandonna le
soir même. Le lendemain, au pied de l’Aspin,
il se lança dans une incroyable échappée,
alors qu’il restait encore trois cols à gravir.
Péché d’orgueil ou tactique de génie ? se
demanda le directeur du Tour, Jacques Goddet. Défaillant dans la montée vers Superbagnères, dernière difficulté de la journée,
il conserva seulement 40 secondes d’avance
au classement général sur Lemond et 2′ 58″
sur le Suisse Zimmermann. Bilan de l’opération : 5 minutes perdues et, par voie de conséquence, sa sixième victoire dans le Tour ?
Le dimanche 20, il fut à la peine sur les
pentes de l’Izoard et dans l’escalade finale
du Granon. Il souffrait du genou ! Son dauphin s’empara du maillot jaune. Ragaillardi,
Hinault reprit l’offensive au cours de l’étape
suivante. Seul Lemond fut capable de le
suivre. Les deux « rivaux » franchirent la
ligne d’arrivée à l’Alpe-d’Huez main dans
la main, donnant à leur comportement une
image fraternelle. Au terme de la dernière
bataille contre la montre, à Saint-Étienne,
l’Américain s’inclina de 25 secondes derrière
le champion français qui, fair-play, déclara
devant les caméras de la télévision : « À présent, Greg est digne du maillot. Je l’ai volontairement poussé jusqu’au bout de sa résistance physique et nerveuse. Il l’a supporté et
l’épreuve l’a fortifié. » Tout était donc pour
le mieux ; Lemond avait gagné le Tour et
Hinault une immense popularité.
THAÏLANDE
Vie politique.
Victoire du Parti démocrate de M. Bhichai,
membre de la coalition gouvernementale,
qui remporte 100 sièges sur 347 à l’issue des
élections législatives anticipées.
COLOMBIE
Guérilla.
Dans la province du Caucu, découverte
d’un charnier de 22 cadavres, victimes d’un
règlement de compte entre membres du
groupe Ricardo-Franco.
Lundi 28
URSS
Armée.
À Vladivostok, M. Gorbatchev annonce
que le rapatriement de six régiments stationnés en Afghanistan sera effectué avant
la fin de l’année. Il déclare également qu’un
retrait important des troupes soviétiques de
Mongolie est envisagé.
LIBAN
Terrorisme.
À Beyrouth-Est, une voiture piégée tue
35 personnes et en blesse 140 autres. Le lendemain, à Beyrouth-Ouest, un autre attentat fait 22 morts et 163 blessés.
AFRIQUE
OUA.
À Addis-Abeba, ouverture du 22e sommet.
Le président du Congo, M. Denis Sassou
Nguesso, succède au président sénégalais,
M. Abdou Diouf, à la tête de l’organisation.
downloadModeText.vue.download 100 sur 502
CHRONOLOGIE
99
Mardi 29
FRANCE
Presse.
Le Conseil constitutionnel déclare que
deux dispositions de la loi sur le régime
juridique de la presse sont non conformes
à la Constitution.
AMÉRIQUE DU SUD
Économie.
Les présidents Alfonsin et Sarney signent
les premiers accords d’intégration économique entre l’Argentine et le Brésil.
Mercredi 30
FRANCE
Politique économique.
Le gouvernement annonce une réduction
du montant des aides à l’industrie. Le Fonds
industriel de modernisation est supprimé.
ITALIE
Drogue.
La police révèle qu’un important réseau européen de trafic d’héroïne, destiné à financer l’insurrection tamoule au Sri Lanka, a
été démantelé. Vingt-quatre Sri-Lankais
ont été arrêtés et 25 kilos d’héroïne saisis
dans plusieurs villes d’Europe. Les trafiquants répandaient chaque mois plus de
30 kilos de drogue sur le marché italien.
Jeudi 31
SPORT
Escrime.
À Sofia, le Français Philippe Riboud remporte la médaille d’or du tournoi individuel
à l’épée.
FRANCE
Audiovisuel.
L’Assemblée nationale et le Sénat votent le
projet de loi sur les privatisations.
Faits divers.
À Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne),
un homme de 24 ans, William Normand,
soupçonné d’avoir commis un vol à l’arraché, est abattu par un gardien de la paix au
cours d’une poursuite.
SOUDAN
Guerre civile.
À Addis-Abeba, rencontre pour des négociations officieuses entre le Premier ministre soudanais, M. Sadek el Mahdi, et le
chef des insurgés sudistes de l’Armée populaire de libération du Soudan, le colonel
John Garang.
TUNISIE
Justice.
Un lieutenant et un civil se réclamant tous
deux du Djihad islamique, condamnés à
mort pour attaque à main armée et détention d’armes et d’explosifs, sont fusillés.
ÉTATS!UNIS/JAPON
Industrie électronique.
Signature d’un accord américano-japonais
sur les circuits intégrés, qualifié d’« historique » par le président Reagan. La CEE
craint un partage du marché mondial entre
ces deux pays.
COLOMBIE
Terrorisme.
À Bogota, assassinat d’un magistrat de
la Cour suprême de justice de Colombie, M. Hernando Baquero Borda. Il est le
treizième magistrat tué dans la capitale en
moins d’un an.
Le mois de Maurice
Rheims
En juillet, à New York, on ne parle que de
la dispersion des meubles d’Antenor Patiño,
grand collectionneur décédé l’an dernier. On
murmure que des pièces présentées comme
downloadModeText.vue.download 101 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
100
ayant appartenu au Grand Roi seraient nées,
en fait, il y a moins de 30 ans.
Chacun de nous a tendance à nourrir ses
fantasmes, les gaver de la farce de la vie
pour ensuite mieux les dévorer. Pour moi,
mon mille-feuille demeure l’objet et la
crème Chantilly ses rapports avec la société
marchande.
Cette alliance de l’art et de l’argent remonte
à l’ancienne Rome, où déjà l’on spéculait
allègrement sur la peinture ou l’orfèvrerie.
Trafiquer sous couvert d’art, se remplir les
poches a toujours été une manière élégante
de faire avaler des couleuvres qui ne sont pas
forcément en bronze et fondues vers 1900 par
Brandt.
La fortune ! Il est agréable de l’habiller en
marqueterie, en bronze doré, recouverte de
marbre tronchin, à la condition de prendre
garde. Apprenez à regarder la beauté, à exercer votre sensibilité, à prendre vous-mêmes
vos propres responsabilités. Ne vous fiez pas
aux certificats. Une fois pour toutes, ils ne
sont que des billets à ordre sur la foire aux
illusions. Au XVIIe siècle, lorsque Mazarin et
le roi de France acquéraient ces belles choses,
ils le faisaient fort de leur oeil, se fiant à leur
instinct.
Les amateurs pouvaient bien se tromper, le
roi aussi. En réalité, ce qui intéressait surtout
ces gens de goût, c’était plus le Beau que l’authentique ; d’une certaine manière, il régnait
un climat de pureté ; on n’achetait pas dans
l’espoir de faire quelques bénéfices, on était
trop élégant. De nos jours, on acquiert des
objets afin de briller, on va à la foire aux
antiquaires pour être vu ; il y a quelques
semaines, on demandait de certains meubles
5 ou 7 millions de francs, prix qui n’atteignaient pas le dixième, il y a une quinzaine
d’années.
La spéculation d’aujourd’hui sur les oeuvres
d’art ressemble à celle pratiquée par les sous-
cripteurs à l’époque de Law. Il y a peut-être
trop d’argent dans le monde. L’objet pourrait
apparaître alors comme une serpillière prête
à éponger le trop-plein. Curieusement, il n’y
a pas que les gens fortunés qui excitent la
cupidité de certains et, du petit porteur de
jadis, on pourrait bien faire un collectionneur. Observez les affiches qui tapissent les
murs des grandes villes, elles annoncent que,
dans tel grand hôtel, on peut trouver des gravures de ce peintre célèbre, frappé de sénilité
et dont l’entourage veille sur un marché si
bien organisé qu’il n’y a guère de cités en Europe où l’on ne propose de ses gravures qui ne
sont, parfois, que de simples reproductions.
À la multiplication des pains a succédé celle
des pseudo. Dans le domaine de l’ébénisterie, on constate l’apparition sur le marché de
« merveilles » qui, à entendre les vendeurs,
auraient vu le jour à la cour de Louix XVI,
peut-être, sinon qu’on en trouve en si grand
nombre qu’on se demande si des pièces entières de Versailles ne se sont pas volatilisées,
car elles seules méritaient d’abriter tant de
chefs-d’oeuvre.
Ouvrez les tiroirs, humez les bronzes. Rien
à dire, ils sont parfaits, mieux façonnés encore que ceux exécutés au temps de Molitor
ou de Leleu, mais parfois fabriqués avanthier. Après-tout, avant-hier, c’était 1960 et le
1960, en l’an 2000, sera sûrement à la pointe
de la mode.
MAURICE RHEIMS
DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE
downloadModeText.vue.download 102 sur 502
CHRONOLOGIE
101
Août
Vendredi 1er
FRANCE
Société.
Le Sénat adopte le projet de loi relatif aux
conditions d’entrée et de séjour des immigrés en France, qui est déféré au Conseil
constitutionnel par les socialistes.
Transports.
Les lignes régulières des Chargeurs réunis
sont rachetées par la Compagnie générale
maritime (CGM).
Culture.
M. Jean Le Poulain devient administrateur
général de la Comédie-Française, en remplacement de M. Jean-Pierre Vincent.
ITALIE
Politique intérieure.
Après 35 jours de crise gouvernementale,
M. Bettino Craxi forme son nouveau gouvernement, dont la composition diffère peu
de celle du précédent.
ÉTATS!UNIS
Agriculture.
M. Ronald Reagan décide de subventionner la vente de 4 millions de tonnes de blé
à l’URSS. Cette décision est critiquée par le
secrétaire d’État, M. George Shultz, et par
le Canada et l’Australie, gros exportateurs
de céréales.
Samedi 2
FRANCE
Télévision.
Publication au Journal officiel de deux décrets résiliant les contrats de concession de
la 5 et de TV6.
RFA
Terrorisme.
Membre de la Fraction armée rouge et recherchée pour le meurtre d’un responsable
de la firme Siemens, Eva Sybille HauleFrimpong est arrêtée à Russelsheim, près
de Francfort.
IRAQ!IRAN
Conflit.
Dans une lettre ouverte, le président iraqien M. Saddam Hussein appelle les dirigeants iraniens à opter pour une « paix
honorable ». Cette proposition est rejetée
par le président Ali Khamenei le 4, et par
l’imam Khomeyni le 7.
La guerre économique
Le 2, tandis que le président iraqien,
M. Saddam Hussein, offre aux autorités de
Téhéran de conclure la paix, l’aviation iranienne bombarde les installations pétrolières
d’Aqrah, au nord-ouest de l’Iraq. L’escalade
militaire, entre les deux belligérants, se
poursuit avec la recrudescence des attaques
dirigées contre des objectifs économiques. La
raffinerie d’Ispahan est bombardée le 7, et
à nouveau le 10. L’Iran riposte par des tirs
d’artillerie contre les stations de pompage du
pétrole de Bassora le 7, tandis que, le 11, un
missile sol-sol, destiné à la raffinerie d’AlDowra, atteint la banlieue de Badgad. Le 12,
les Mirage F1 iraqiens attaquent le terminal
flottant de Sirri, situé à près de 1 000 km des
côtes iraqiennes, près du détroit d’Ormuz.
Deux navires-citernes sont touchés. L’île de
Sirri, jusqu’à présent hors de portée de l’aviation iraqienne, était devenue le principal
lieu d’enlèvement du brut de l’Iran, après
les assauts répétés contre le terminal de l’île
de Kharg. Le régime de Bagdad, qui tente
d’asphyxier l’économie iranienne en bloquant
ses exportations de pétrole, a lancé depuis
downloadModeText.vue.download 103 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
102
août 1985 plus d’une centaine de raids contre
Kharg, dont le dernier a eu lieu le 7.
Le 13, Téhéran accuse les pays du Golfe
d’avoir aidé l’Iraq et profère des menaces à
l’encontre de leurs installations pétrolières.
Les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe, qui se réunissent à Abha, en
Arabie Saoudite, du 25 au 27, s’inquiètent
de l’intensification de la « guerre des pétroliers ». 59 navires ont été touchés depuis le
début de l’année. Les attaques, de plus en
plus nombreuses, surtout à partir de la miaoût, sont aussi de plus en plus meurtrières
et de plus en plus lointaines.
Par ailleurs, un an après la trêve instaurée
dans la « guerre des villes », celle-ci reprend
le 6, avec l’attaque par l’artillerie iranienne
de la ville de Sirouan, dans le Kurdistan iraqien ; 86 civils sont tués Le 8, des localités
des gouvernorats de Diyala et de Missane, au
centre et au sud de l’Iraq, sont bombardées.
Le même jour, l’aviation iraqienne touche
la ville d’Armara, située près de la fron-
tière. Bassora est pilonnée le 9, à nouveau
le 19. L’Iraq, qui semble être le plus touché
par la reprise des actions militaires contre
les zones civiles fait état de 121 morts et de
360 blessés. Malgré l’appel lancé le 14 par le
secrétaire général de l’ONU, M. Javier Peréz
de Cuellar, pour que les deux États cessent
l’escalade des représailles, une trêve n’est instaurée que le 15 septembre, après plusieurs
autres bombardements meurtriers. Bassora
est attaquée le 8 et le 9 septembre, tandis que
l’aviation iraqienne prend Tabriz pour objectif le 9 et le 10, puis Kerend le 12, quelques
heures après l’envoi d’un missile iranien sur
le centre de Bagdad.
Dimanche 3
COMMONWEALTH
À Londres, sommet restreint de sept chefs
d’État et de gouvernement, pour discuter
des sanctions à appliquer à l’Afrique du
Sud. Le 5, Mme Margaret Thatcher transige
sur des sanctions limitées, alors que les six
autres pays s’entendent pour adopter des
mesures plus radicales.
FRANCE
Incendies.
Attisés par la sécheresse et la forte chaleur,
plusieurs foyers se déclarent dans le Midi
(Drôme et Pyrénées-Orientales), ainsi qu’en
Seine-et-Marne.
CHYPRE
Terrorisme.
La base aérienne britannique d’Akrotiri,
au sud de l’île, est touchée par des obus
de mortier et des roquettes. L’attaque est
revendiquée par une organisation prolibyenne, l’Organisation nassérienne unifiée.
MALAISIE
Politique intérieure.
Lors des élections générales, la coalition
gouvernementale du Front national remporte 148 des 177 sièges du Parlement.
Lundi 4
OPEP
À Genève, les États membres se mettent
d’accord sur la réduction de leur production
pétrolière, qui passera de 20,3 millions de
barils par jour à 16,6 millions le 1er septembre. Dès le 8, les prix du brut remontent de 9 à 12 dollars le baril. Le Mexique,
qui n’adhère pas à l’organisation, décide de
suivre la même politique.
Mardi 5
FRANCE
Politique intérieure.
À l’Assemblée nationale, M. Jacques Chirac
engage, pour la cinquième fois, la responsabilité de son gouvernement, afin de faire
adopter en première lecture le texte du projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel. La
downloadModeText.vue.download 104 sur 502
CHRONOLOGIE
103
motion de censure, déposée par les députés
socialistes, est rejetée le 8 (! 13).
Relations internationales.
! Espagne et Viêt-nam
ESPAGNE
Relations internationales.
À Madrid, rencontre entre le ministre français délégué à la Sécurité, M. Robert Pandraud, et le ministre de l’Intérieur, M. José
Barrionuevo, puis le Premier ministre,
M. Felipe Gonzalez. Les entretiens portent
sur le renforcement de la lutte et de la coopération antiterroriste, notamment contre
l’ETA.
VIÊT!NAM
Relations internationales.
La radio annonce la signature d’un accord
avec la France, concernant l’exhumation et
le rapatriement des corps des 30 000 soldats
français tués en Indochine.
Mercredi 6
À Ixtapa, au Mexique, ouverture du sommet du groupe des Six sur la paix et le désarmement. Le 7, les chefs d’État du Mexique,
de l’Argentine, de l’Inde, de la Suède, de la
Grèce et de la Tanzanie adoptent une déclaration commune, exigeant un contrôle
strict des expériences nucléaires.
FRANCE
Société.
Le Conseil des ministres adopte l’ordonnance sur les facilités d’embauche, les
contrats de travail à durée déterminée et le
travail à temps partiel et temporaire.
ALBANIE
Transports.
Inauguration de la voie ferrée Shköder-Titograd, qui relie le pays à la Yougoslavie, et
par conséquent au réseau européen.
ESPAGNE
Troubles.
À Vitoria, au Pays basque, de violents affrontements opposent la police aux manifestants, qui protestent contre l’extradition,
fin juillet, de cinq militants basques espagnols par la France (38 blessés).
ÉTATS!UNIS
Médecine.
M.
de
25
de
William Schroeder, doyen des porteurs
coeur artificiel, qui avait été opéré le
novembre 1984, meurt après 620 jours
survie.
Jeudi 7
ONU
Environnement.
À Rome, la FAO met en place un centre
antiacridien d’intervention d’urgence,
chargé de coordonner les opérations de
lutte contre les sauterelles et les criquets,
qui menacent l’Afrique.
FRANCE
Société.
Trois des quatre projets de loi sur la sécurité sont adoptés par le Sénat. Le 8, des
sénateurs socialistes saisissent le Conseil
constitutionnel.
Politique économique.
La loi sur la privatisation de 65 entreprises
est publiée au Journal officiel.
Commémorations.
Chamonix célèbre avec éclat le bicentenaire
de la première ascension du mont Blanc.
URSS
Espionnage.
M. Edward Lee Howard, agent américain
de la CIA, obtient l’asile politique.
downloadModeText.vue.download 105 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
104
COLOMBIE
Politique intérieure.
Investiture de M. Virgilio Barco Vargas
dans ses fonctions de président de la République ; il forme un nouveau gouvernement
libéral le 10. Le même jour, le mouvement
de guérilla M19 affronte l’armée dans la
province de Cauca (14 morts).
Vendredi 8
ARABIE SAOUDITE
Troubles.
Accusés d’avoir organisé des manifestations
à La Mecque et à Médine pendant le Hadjdj, 103 pèlerins iraniens sont arrêtés. Ils
sont libérés le 28.
LIBAN
Guerre civile.
Tandis que les combats et les bombardements reprennent aux abords de la ligne
de démarcation, 25 personnes sont tuées et
60 autres blessées dans un attentat à la voiture piégée, à Beyrouth-Ouest.
PACIFIQUE
À Suva (îles Fidji), les treize pays membres
du Forum du Pacifique Sud demandent
au comité de décolonisation de l’ONU
l’examen d’urgence du statut de la
Nouvelle-Calédonie.
Samedi 9
MONGOLIE
Relations internationales.
À Oulan-Bator, signature avec la Chine d’un
traité consulaire, le premier depuis 1949.
Dimanche 10
SPORT
Automobile.
À Budapest, le premier Grand Prix de Hongrie remporte un énorme succès. Près de
200 000 spectateurs assistent à la victoire
de Nelson Piquet.
CEE
Commerce international.
Les pays du Marché commun signent avec
les États-Unis un accord abrogeant les
surtaxes douanières imposées sur certains
produits alimentaires (pâtes européennes ;
noix et citrons américains).
LIBAN
Guerre civile.
À Beyrouth-Est, de violents combats de rue
éclatent entre miliciens chrétiens des Forces
libanaises.
INDE
Terrorisme.
Le général Vaidya est assassiné à Poona.
Il était chef d’état-major de l’armée lors de
l’assaut contre les Sikhs du Temple d’or en
1984.
ÉTATS!UNIS
! CEE
Lundi 11
POLOGNE
Opposition.
Le dirigeant de l’opposition Adam Michnik, incarcéré depuis le 13 février, est libéré
dans le cadre de la loi d’amnistie du mois
de juillet.
ISRAËL
! Liban
LIBAN
Raid aérien.
L’aviation israélienne bombarde des positions du Fath dans la plaine de la Bekaa
(5 morts, 7 blessés). La veille, des hélicoptères venus d’Israël avaient effectué un raid
sur le camp de réfugiés palestiniens d’Aïn
Heloué, près de Saïda (7 blessés).
downloadModeText.vue.download 106 sur 502
CHRONOLOGIE
105
SRI LANKA
! Canada
TUNISIE
Vie politique.
Divorce du président Habib Bourguiba et
de Mme Wassila bent M’Hamed ben Ammar, dont l’influence a été déterminante
dans la vie politique du pays.
CANADA
Réfugiés.
155 Tamouls, venus du Sri Lanka, et transférés clandestinement de RFA au Canada à
bord d’un caboteur, sont recueillis en mer
au large de Terre-Neuve. Le 13, le gouvernement leur accorde une autorisation de
séjour d’un an.
Mardi 12
FRANCE
Culture.
Après un mois d’interruption, les travaux
reprennent à la Bastille, après la décision
de M. François Léotard d’y installer une
« grande salle de théâtre à vocation musi-
cale, chorégraphique et lyrique », tandis
que le palais Garnier conservera sa « vocation lyrique ».
INDE
Divisions administratives.
Le Parlement adopte le projet de loi qui
fait du territoire du Mizoram le 23e État de
l’Union indienne.
SOUDAN
Les deux Soudan
Le 16, un avion de la Compagnie nationale
Sudan Airways est abattu par un missile
SAM 7, au moment de son décollage de l’aéroport de Malakal, au sud-est du pays. Les
60 passagers et membres de l’équipage sont
tués. Cette attaque survient 24 heures après
l’ordre, lancé par le colonel John Garang,
de l’Armée populaire pour la libération du
Soudan (APLS), d’abattre tout avion, civil
ou militaire, qui survolerait les zones qu’il
contrôle. Le 18, à Londres, l’APLS revendique
la destruction de l’appareil.
Branche armée du Mouvement populaire
pour la libération du Soudan (MPLS),
l’APLS a été créée en 1983 par le colonel John
Garang, qui combattait la politique de l’ancien président Numayri, jugée trop favorable
au Nord et à sa population musulmane, tandis que le Sud, à majorité chrétienne, était
négligé.
Après le coup d’État du général Sewar elDhahab, le nouveau gouvernement a engagé
un processus de négociations de paix avec les
rebelles du Sud, marqué par la signature, en
mars, de la déclaration de Koka-Dam (Éthiopie), puis par la création, en mai, d’un ministère de la Paix et du Congrès institutionnel,
chargé des contacts avec le colonel Garang.
Début août, à Addis-Abeba, des pourparlers s’engagent entre le Premier ministre,
M. Sadek el-Mahdi, et le colonel Garang. Ils
s’achèvent, le 12, sans qu’aucun accord ne soit
intervenu, le MPLS posant comme condition
préalable l’abolition de la loi islamique et le
retour à la Constitution de 1956.
Bénéficiant de l’appui logistique et matériel
de l’Éthiopie et disposant d’un contingent
de 15 000 hommes environ, l’Armée populaire pour la libération du Soudan contrôle
une partie des trois provinces du Sud, à
l’exception des grands centres urbains. Les
opérations antiaériennes sont destinées à
asphyxier les troupes de l’armée régulière, en
garnison dans les villes de Bentiu, Juba, Wau
et Malakal. Le 19, l’APLS annonce une offensive contre ces villes et invite la population
civile à les évacuer. Le lendemain, la ville de
Wau est bombardée et 117 soldats sont tués.
La situation alimentaire des populations du
Sud est préoccupante, surtout dans la région
downloadModeText.vue.download 107 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
106
de Wau, où les habitants assiégés, auxquels
s’ajoutent 30 000 à 50 000 réfugiés, sont
menacés de famine. La Croix-Rouge, qui
avait mis en place un pont aérien, à partir
de l’aéroport d’Entebbe, pour ravitailler la
ville, cesse ses livraisons le 18, en raison des
menaces d’attaque aérienne. Le 20, l’ONU
annonce le retrait de son personnel ; les
derniers camions de vivres, acheminés de
l’Ouganda, parviennent à Juba le 27, avant
que les autorités ougandaises n’interdisent
le transit. Le 2 septembre, la CEE décide de
tenter de livrer des céréales aux habitants de
Wau, à partir du Zaïre.
Mercredi 13
EST!OUEST
Commémorations.
Le 25e anniversaire de la construction du
mur de Berlin est célébré à l’Ouest et à l’Est.
Berlin :
les vingt-cinq ans
du mur
Le 13 août, la commémoration du vingtcinquième anniversaire de la construction
du mur de Berlin est célébrée dans les deux
parties de la ville, à l’Est par un défilé militaire et, à l’Ouest, par une cérémonie au
Reichstag, présidée par le chancelier Helmut
Kohl, et par le dépôt de 74 croix, en souvenir
des victimes du mur. Malgré divers appels
invitant à l’organisation de vastes manifestations de masse, la population du secteur
occidental est peu mobilisée. Le 9, quelque
3 000 jeunes chrétiens-démocrates manifestent et, au point de passage internatio-
nal de Check Point Charlie, certains tentent
d’escalader le mur et de brûler des drapeaux
est-allemands.
Malgré ses 160 km de béton et de fils barbelés, ses 294 miradors, les 10 000 vopos qui le
gardent, le mur a été le témoin de nombreuses
tentatives d’évasion. Le 28 août, un couple
est-allemand, accompagné de son enfant,
parvient à le franchir à bord d’un camion,
en forçant le passage et le poste de contrôle
de Check Point Charlie. Au total, 4 909 fugitifs, dont 554 militaires, ont réussi à gagner
le secteur occidental, 3 000 ont échoué et 74
sont morts au cours de leur tentative.
Symbole de la permanence de la question
allemande, le mur de Berlin est actuellement
l’objet d’une nouvelle querelle entre les deux
Allemagnes. Celle-ci concerne l’utilisation
du statut quadripartite de la ville, garantissant la libre circulation entre les quatre secteurs, pour favoriser le passage à l’Ouest de
milliers d’immigrés du tiers-monde. Pour les
autorités d’occupations occidentales, le mur
est une simple ligne de démarcation, tandis
que le gouvernement de la RDA voudrait le
faire reconnaître comme frontière nationale.
Ainsi, tout étranger arrivé à Berlin-Est par
les avions d’Interflug ou d’Aeroflot peut pénétrer dans le secteur occidental sans visa ni
contrôle. Les autorités ouest-allemandes s’inquiètent de l’afflux chez elles des demandeurs
d’asile, dont la moitié transite par Berlin. En
juillet, 4 451 réfugiés, la plupart originaires
d’Iran, ont emprunté cette voie.
Au début du mois d’août, les trois puissances
occidentales occupant la ville (États-Unis,
France et Grande-Bretagne) ont demandé à
l’Union soviétique, quatrième État responsable du statut de Berlin, qu’elle limite les
« abus de la liberté de circulation » par le
secteur oriental.
FRANCE
Audiovisuel.
Adoption définitive du projet de loi sur la
reforme de l’audiovisuel, dont le nouveau
texte a été mis au point le 11 par une commission mixte composée de députés et de
downloadModeText.vue.download 108 sur 502
CHRONOLOGIE
107
sénateurs. Le 18, la loi prévoyant la privatisation de TF1 est déférée au Conseil constitutionnel par 60 députés socialistes.
ISRAËL
Politique extérieure.
Le gouvernement entérine l’accord israéloégyptien d’arbitrage international pour le
règlement du litige de Taba.
JAPON
Espace.
Le lanceur H1, première fusée de fabrication à 80 p. 100 japonaise, met en orbite
deux satellites à partir de la base de l’île de
Tanegashima.
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
Malgré l’opposition de nombreux congressistes, le Sénat vote une aide de 100 millions
de dollars aux antisandinistes du Nicaragua.
NICARAGUA
! États-Unis
Jeudi 14
CEE
Agriculture.
La commission de Bruxelles décide de
mettre en vente 950 000 tonnes de stocks
de céréales, destinées à l’exportation.
400 000 tonnes supplémentaires sont cédées à bas prix, pour venir en aide aux éleveurs français victimes de la sécheresse.
LIBAN
Guerre civile.
À Beyrouth-Est, l’explosion d’une voiture
piégée fait 20 morts et une centaine de
blessés.
PAKISTAN
Opposition.
Les manifestations prévues pour réclamer
des élections anticipées se déroulent, malgré leur interdiction la veille par le gou-
vernement. Le 13 et le 14, des centaines
d’opposants sont arrêtés, dont Mlle Benazir
Bhutto (! 10 avr.). Les émeutes qui éclatent,
notamment dans le Sind et le Pendjab, et se
poursuivent jusqu’au 22, causent la mort
d’au moins 28 personnes et d’importants
dégâts matériels.
ÉTATS!UNIS
Drogue.
Après être intervenu en Bolivie, le gouvernement américain, qui a lancé, le 4, une
croisade nationale contre la drogue, apporte son aide au Mexique, pour détruire
les champs de marijuana et de pavot. Cette
campagne, baptisée « Opération alliance »,
doit durer jusqu’en 1987.
Vendredi 15
FRANCE
Drogue.
Les douaniers des aéroports d’Orly et de
Roissy saisissent 63 kilos de cocaïne en provenance de Colombie.
AUTRICHE
Musique.
Au festival de Salzbourg, création du
Masque noir, du compositeur polonais
Krzysztof Penderecki, dans une mise en
scène de Harry Kupfer.
IRAQ
! Turquie
TURQUIE
Raid aérien.
L’aviation bombarde des bases kurdes situées en territoire iraqien. Plusieurs centaines de personnes sont tuées.
ÉTATS!UNIS
Politique intérieure.
Devant le Congrès, la politique du président Ronald Reagan est mise en échec à
deux reprises, par l’adoption au Sénat de
sanctions économiques contre l’Afrique
downloadModeText.vue.download 109 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
108
du Sud et par le refus de la Chambre des
représentants d’augmenter les crédits de la
défense. Le 16, la Chambre approuve son
vaste projet de réforme de la fiscalité.
Espace.
M. Ronald Reagan annonce que la NASA se
consacrera désormais aux missions scientifiques et militaires ; le lancement des satellites commerciaux devra être effectué par
des entreprises privées.
PÉROU
Dette extérieure.
Le Pérou est radié du FMI, pour n’avoir
pas remboursé la totalité des arriérés de
180 millions de dollars, qu’il s’était engagé
à régler avant le 15. Au total, la dette du
Pérou au Fonds monétaire s’élève à 750 millions de dollars.
Samedi 16
IRAN
Terrorisme.
À Qom, un attentat à la voiture piégée provoque la mort de 13 personnes. Le 19, ce
sont 20 personnes qui périssent lors de
l’explosion d’une voiture en plein centre de
Téhéran.
RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
Gouvernement.
Élu le 16 mai, M. Joaquin Balaguer (78 ans)
prend officiellement ses fonctions de chef
de l’État ; c’est son cinquième mandat
présidentiel.
Dimanche 17
FRANCE
Météorologie.
Une tornade s’abat sur la ville de La Charité-sur-Loire, dans la Nièvre ; elle provoque
la mort d’une personne et d’importants
dégâts matériels.
Lundi 18
EST!OUEST
Désarmement.
À Stockholm, lors de l’ouverture de la dernière session de la Conférence sur le désarmement en Europe, qui doit s’achever le
19 septembre, l’URSS accepte le principe
d’une inspection sur place de certaines activités militaires par les Occidentaux. Le 29,
elle approuve également un projet de surveillance aérienne.
SUD!SUD
Au Caire, ouverture de la conférence du
groupe des 77, consacrée à la coopération économique entre les pays en voie de
développement.
FRANCE
Terrorisme.
À Toulon, quatre personnes sont tuées
par l’explosion de la bombe qu’elles transportaient. Les victimes appartenaient à
l’organisation SOS-France, qui se révèle
être la couverture légale des commandos de
France, auteur de plusieurs attentats dans la
région.
Énergie.
Début de la campagne de prospection pétrolière, entreprise par la société Elf à Paris et
en banlieue. La détection, par engins vibrateurs, sera effectuée, de nuit, jusqu’au mois
de décembre.
Culture.
Fermeture du musée du Jeu de paume,
dont les collections sur les impressionnistes seront exposées au musée d’Orsay à
partir de décembre. Le Jeu de paume sera
réaménagé pour abriter des expositions
contemporaines.
downloadModeText.vue.download 110 sur 502
CHRONOLOGIE
109
ESPAGNE
Incendies.
Un violent incendie, revendiqué par le
mouvement Milice catalane, se déclare
dans le parc naturel de Catalogne et menace
le monastère de Montserrat. 8 000 hectares
de forêts sont détruits.
URSS
Désarmement.
M. Gorbatchev annonce la prorogation du
moratoire sur les essais nucléaires, jusqu’au
1er janvier 1987.
Relations internationales.
! Israël
ISRAËL
Relations internationales.
Pour la première fois depuis 1967, des
entretiens officiels entre diplomates soviétiques et israéliens ont lieu à Helsinki.
Mardi 19
SPORT
Natation.
Lors des championnats du monde de Madrid, le Français Stephan Caron remporte la
médaille d’argent du 100 mètres nage libre,
et améliore le record de France.
FRANCE
Gouvernement.
Un remaniement ministériel crée deux
ministères délégués, l’un aux Affaires européennes, l’autre à la Réforme administrative, ainsi qu’un secrétariat d’État à la
Défense.
Manifestations.
Dans le Finistère, les éleveurs bretons manifestent violemment contre les pénalités infligées pour dépassement des quotas
laitiers.
Sécurité sociale.
Publication au Journal officiel de la loi sur
le financement des retraites et pensions, instituant deux prélèvements de 0,4 p. 100 sur
les revenus des années 1985 et 1986.
GRANDE!BRETAGNE
Relations internationales.
Après cinq années de rupture, reprise des
relations diplomatiques, au niveau consulaire, avec le Guatemala.
AUSTRALIE
Commerce extérieur.
Instauré il y a trois ans, l’embargo sur les
ventes d’uranium à la France est levé.
ÉTATS!UNIS
Catholicisme.
Le père Charles Curran, titulaire d’une
chaire de théologie morale à l’université de
Washington, est interdit d’enseignement
par le Vatican, en raison de ses prises de
positions libérales sur la sexualité.
Mercredi 20
FRANCE
Chômage.
Le nombre des demandeurs d’emploi accuse une progression de 0,7 p. 100 en juillet
et atteint 2 474 000 en données corrigées
des variations saisonnières, chiffre jugé
« incompressible » par M. Philippe Seguin,
ministre des Affaires sociales et de l’Emploi.
ÉTATS!UNIS
Économie.
Le taux de croissance du premier semestre
atteint seulement 0,6 p. 100. C’est le résultat le plus faible qui ait été enregistré depuis
1981-1982. Quelques heures après sa publidownloadModeText.vue.download 111 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
110
cation, le taux d’escompte est ramené de 6 à
5,5 p. 100.
ARGENTINE
Justice.
Le général Pablo Riccheri, ancien chef de la
police de la province de Buenos Aires pendant le régime militaire, est arrêté et inculpé de violation des droits de l’homme. Le 14,
un autre général, Ramon Camps, avait été
incarcéré pour les mêmes raisons.
Jeudi 21
FRANCE
Vie politique.
Après son voyage dans les Hautes-Alpes,
M. François Mitterrand rend visite aux marins du secours en mer dans le Finistère.
URSS
Accident nucléaire.
Les autorités déclarent que l’accident de
Tchernobyl est imputable à une erreur humaine et à « l’irresponsabilité, l’incurie et
l’indiscipline » du personnel de la centrale.
Vendredi 22
SPORT
Natation.
Aux cours des championnats du monde de
Madrid, une épreuve de 50 mètres nage libre
est organisée pour la première fois. Elle est
remportée par l’Américain Tom Jager.
FRANCE
Justice.
M. Albin Chalandon signe le décret d’extradition des deux ravisseurs de M. Heineken.
URSS
Politique économique.
Le gouvernement décide de s’associer aux
décisions de l’OPEP et de réduire ses exportations pétrolières.
CAMEROUN
Catastrophe naturelle.
Des émanations de gaz toxique d’origine
magmatique, provenant du lac volcanique
de Nyos, au nord-ouest du pays, provoquent
la mort de plus de 1 700 personnes et de
milliers de bovins.
TCHAD
Guerre civile.
De violents combats opposent les partisans
de M. Goukouni Oueddeï et ceux du chef
du Conseil démocratique révolutionnaire,
Cheikh ibn Oumar, qui s’empare de la ville
de Fada.
BOLIVIE
Conflits sociaux.
Après le mot d’ordre de grève de 48 heures
lancé par les syndicats, 20 000 manifestants
protestent, à La Paz, contre la politique minière et fiscale du gouvernement et contre
la récente intervention de l’armée américaine dans la lutte antidrogue. Le même
jour, 6 000 mineurs environ, réclamant la
réactivation des mines d’étain, entament
une marche « pour la vie » de 230 km, qui
doit les conduire d’Oruro à La Paz (! 28).
Samedi 23
FRANCE
Énergie nucléaire.
Les essais de la centrale de Cattenom, en
Moselle, sont interrompus en raison de
l’inondation de galeries souterraines. L’implantation de cette centrale, dont le premier
réacteur doit être mis en service en octobre,
est vivement critiquée par les pays voisins
(Luxembourg et RFA).
Feux de forêts.
Un violent incendie, sans doute d’origine criminelle, détruit, en deux jours, la
presque totalité du massif du Tanneron,
dans le Var et les Alpes-Maritimes, et provoque la mort de quatre personnes. Le 26,
le Premier ministre, M. Jacques Chirac, se
downloadModeText.vue.download 112 sur 502
CHRONOLOGIE
111
rend sur les lieux ; il annonce le renforcement des mesures préventives, et notamment la création d’un Conservatoire de la
forêt méditerranéenne.
ITALIE
Musique.
Le festival Rossini de Pesaro présente, pour
la première fois depuis 150 ans, Bianca e
Falliero, dans une mise en scène de Pier
Luigi Pizzi.
Dimanche 24
MÉDITERRANÉE
Des manoeuvres aéronavales égypto-américaines, baptisées Sea Wind, se déroulent en
Méditerranée, au large des côtes libyennes
(jusqu’au 28).
FRANCE
Vie politique.
Réélection de M. Pierre Pasquini (RPR) et
de M. Émile Zuccarelli (MRG) aux législatives partielles de Haute-Corse. Les élections du 16 mars avaient été annulées par le
Conseil constitutionnel le 8 juillet.
PHILIPPINES
Relations internationales.
Tandis que Mme Corazon Aquino effectue
son premier voyage à l’étranger et se rend
en Indonésie et à Singapour, de violents
combats dans le sud du pays mettent aux
prises l’armée et les guérilleros communistes
de la Nouvelle Armée populaire.
Lundi 25
AGRICULTURE
À Cairns (Australie), 14 pays producteurs
de céréales tiennent une « Conférence des
exportateurs agricoles loyaux », pour examiner les moyens de faire face à la crise
que traverse le commerce agricole mondial
(jusqu’au 27).
NUCLÉAIRE
À Vienne, en Autriche, la conférence de
l’Agence internationale de l’énergie atomique réunit les experts de 51 pays, pour
analyser le rapport sur l’accident de Tchernobyl, transmis par l’URSS le 14. La réunion s’achève le 29 par la lecture de 13 recommandations, destinées à accroître la
coopération internationale pour la sûreté
des réacteurs.
FRANCE
Variétés.
Au Zénith, plus de 7 000 personnes font un
triomphe à la vedette américaine du rock,
Prince.
Mardi 26
FRANCE
Politique intérieure.
Le rapport de la Commission des « sages »
sur le projet de redécoupage électoral est
rendu public et transmis au Conseil d’État.
La commission, composée de six magistrats, émet un avis défavorable pour 63 départements. La gauche, mais aussi l’UDF et
le FN critiquent le projet.
Agriculture.
Le gouvernement décide de consacrer
1,3 milliard de F à l’aide aux agriculteurs
victimes de la sécheresse. 24 départements
du Centre et du Sud sont déclarés sinistrés.
Pays basque.
Deux militants basques espagnols, qui venaient d’être arrêtés, sont expulsés vers l’Espagne. Des manifestations ont lieu au Pays
basque espagnol le 27 et à Bayonne le 30.
ESPAGNE
! France
downloadModeText.vue.download 113 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
112
URSS
Désarmement.
À Wellington, l’Union soviétique se déclare
prête à signer les protocoles du traité de
dénucléarisation du Pacifique Sud.
ISRAËL
! Cameroun
CORÉE DU SUD
Gouvernement.
Le président Chon Tuhwan procède à un
important remaniement ministériel, en
écartant la tendance dure du régime.
CAMEROUN
Relations internationales.
À l’occasion de la visite à Yaoundé du Premier ministre israélien, M. Shimon Pérès,
les relations diplomatiques sont rétablies
entre les deux États.
Mercredi 27
CEE
Commerce international.
La Commission de Bruxelles impose une
taxe provisoire sur les photocopieurs japonais, dont les constructeurs sont accusés de
concurrence déloyale.
RFA
Population.
Le gouvernement adopte des mesures draconiennes pour limiter l’afflux des demandeurs d’asile, dont une grande partie transite par Berlin-Est.
AFGHANISTAN
Guerre.
40 soldats sont tués par l’explosion d’un dépôt de munitions à Qargha, près de Kaboul.
Le 30, l’attentat est revendiqué par les résistants du Hezb islami.
JAPON
! CEE
Jeudi 28
FRANCE
Politique extérieure.
M. Jacques Chirac saisit l’ONU du problème de la FINUL.
Enseignement.
M. René Monory annonce la création d’un
statut des directeurs d’écoles maternelle et
élémentaire, qui de « chargés d’école » deviendront des « maîtres-directeurs ».
BOLIVIE
Politique intérieure.
Tandis que la marche des mineurs est bloquée par l’armée à Calamarca, à 60 km de
la capitale, l’état de siège est proclamé et des
dirigeants syndicaux sont arrêtés. Le 29, les
syndicats lancent un mot d’ordre de grève
de 24 heures (! 22).
Vendredi 29
FRANCE
Outre-mer.
Le Premier ministre, M. Jacques Chirac, arrive en Nouvelle-Calédonie, où il rencontre
les représentants des deux mouvements
rivaux, le RPCR et le FLNKS. Le 31, il se
rend à Wallis-et-Futuna.
Bourse.
L’indice de la Compagnie des agents de
change bat son record absolu à 412. Depuis
le début de l’année, les cours ont enregistré
près de 57 p. 100 de hausse.
Incendies.
Plusieurs foyers éclatent en Corse, notamment près de Porto-Vecchio. Ils sont maîdownloadModeText.vue.download 114 sur 502
CHRONOLOGIE
113
trisés le 1er septembre, après avoir détruit
8 000 hectares de forêts.
Faits divers.
Adjoint au maire de La Seyne-sur-Mer
et conseiller régional de la Région Pro-
vence-Alpes-Côte-d’Azur, M. Daniel Perrin est assassiné devant son domicile, à
Sanary-sur-Mer.
LIBYE
! Maroc
MAROC
Relations internationales.
Le roi Hassan II rompt le traité d’union
avec la Libye, signé le 13 août 1984 à Oujda.
Cette décision est consécutive à une déclaration syro-libyenne, qualifiant la rencontre
avec M. Shimon Pérès de « trahison ».
Samedi 30
SPORT
Voile.
À Newport, 25 concurrents prennent le
départ de la deuxième course autour du
monde en solitaire, qui devrait s’achever en
avril 1987.
Athlétisme.
À Stuttgart, le Français Stéphane Caristan
devient champion d’Europe du 110 mètres
haies.
URSS
Relations internationales.
À Moscou, un journaliste américain,
M. Nicholas Daniloff, est arrêté « pour
espionnage ».
ÉTATS!UNIS
! URSS
Dimanche 31
FINLANDE
Le père de la patrie
M. Urho Kekkonen, qui a été chef de gouvernement et chef de l’État de la Finlande
pendant plus de 30 ans, meurt à Helsinki,
dans la nuit du 30 au 31.
Fils de forestier, il est né à Pielavesi, petit village de la province de Savo, le 3 septembre
1900. Très tôt, il combat en faveur de la liberté de son pays et, lorsque, en 1918, éclate
la révolution, il rejoint les rangs de l’Armée
blanche. Conseiller juridique, militant du
parti agrarien, il est élu député de Carélie en
1936 et entre, la même année, au gouvernement comme secrétaire d’État à l’Agriculture.
Il occupe ensuite plusieurs postes ministériels : celui de la Justice en 1936 et 1937,
puis de 1944 à 1946, et celui de l’Intérieur de
1937 à 1939.
Retiré de la vie politique pendant la Seconde
Guerre mondiale, il publie des articles politiques sous le pseudonyme de Pekku Leitsi.
En 1943, alors que la Finlande est entraînée dans la guerre aux côtés de l’Allemagne,
Urho Kekkonen, dans un discours prononcé
à Stockholm, définit sa politique étrangère,
à laquelle il restera fidèle jusqu’à sa retraite.
Pour conserver son indépendance, la Finlande, qui possède avec l’U.R.S.S. une frontière de plus de 2 000 km de long se doit
d’établir des relations étroites avec son voisin,
tout en se tenant à l’écart des conflits entre
grandes puissances. Cette stratégie, qu’il élabore à partir de 1944 avec le président Paasikivi, baptisée ligne Paasikivi-Kekkonen,
aboutit à la signature, le 14 septembre 1944,
d’une paix séparée avec l’Union soviétique,
grâce à laquelle la Finlande n’est pas englobée parmi les États satellites de l’URSS. En
1948, il est l’un des négociateurs, à Moscou,
downloadModeText.vue.download 115 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
114
du traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle finno-soviétique.
Nommé Premier ministre en 1950, il dirige
cinq gouvernements, jusqu’à son élection à
la présidence de la République, le 15 février
1956. Élu (en 1956, par une majorité très
étroite de 151 voix contre 149), il est ensuite
réélu sans difficulté jusqu’en 1978, réalisant
même peu à peu l’unité de la plupart des partis politiques. Le 27 octobre 1981, il démissionne de ses fonctions pour raison de santé.
Durant ses cinq mandats présidentiels il
renforce les relations finno-soviétiques par
la prolongation du traité d’amitié et par la
signature d’un traité de coopération avec le
Comecon. En même temps, il noue des liens
avec le bloc occidental : entrée de la Finlande
à l’ONU et au Conseil nordique en 1955, à
l’OCDE en 1969 et accord de libre-échange
avec la CEE en 1973. Intransigeant sur la
neutralité finlandaise, Urho Kekkonen joue
un rôle déterminant dans la tenue, en 1975,
de la Conférence d’Helsinki sur la sécurité et
la coopération en Europe. Aucun de ses successeurs n’a remis en cause sa politique extérieure, fondée sur une neutralité absolue. Le
pont qu’il a établi entre l’Est et l’Ouest reste
solide.
ROUMANIE
Catastrophes naturelles.
Un violent tremblement de terre, dont
l’épicentre se situe à Vrancea, à 180 km de
Bucarest, est ressenti jusqu’en Turquie, en
Yougoslavie et en Moldavie soviétique, où
il aurait fait des victimes.
IRAQ!IRAN
Conflit.
L’Iraq propose à l’Iran un nouveau plan de
paix, sous garantie du Conseil de sécurité
de l’ONU. Le 2 septembre, la proposition
est rejetée par le président iranien, M. Ali
Khamenei.
CHINE
Recherche spatiale.
Les scientifiques s’apprêtent à entraîner des
astronautes, après avoir réalisé le premier
simulateur chinois d’une cabine de vaisseau
spatial.
ÉTATS!UNIS
Catastrophe aérienne.
85 personnes au moins sont tuées dans une
collision entre un DC 9 de la compagnie
Aero Mexico et un avion de tourisme audessus de la banlieue de Los Angeles. Après
avoir pris feu, les deux appareils se sont
écrasés sur la ville de Cerritos, détruisant
16 maisons (! éd. 1986).
Le mois de
Jean Le Poulain
Août ! La liberté. Je retrouve avec délices
une vie toute virgilienne dans ma vieille maison provençale, au milieu des vignes, près de
Vaison. Mais, cette année, ce ne seront pas
d’insouciantes vacances : depuis le premier
de ce mois, je suis devenu, pour trois ans, le
dix-neuvième administrateur général de la
Comédie-Française. Cette longue dynastie,
qui a commencé en 1849 avec Arsène Houssaye, m’impressionne beaucoup.
Ma rustique paix romaine n’est que relative.
Comment se fait-il que, chaque jour, immanquablement, l’actualité nous apporte surtout des mauvaises nouvelles ? On se bat au
Liban, rien ne s’arrange en Afrique du Sud,
des forêts brûlent dans le Midi, en Corse, en
Espagne...
Ne nous laissons pas distraire de notre devoir par des problèmes qui nous dépassent.
Le secret de ma philosophie, ce sont les méditations « siestiques » : allongé à l’ombre
sur la terrasse, je pense à ma future tâche
downloadModeText.vue.download 116 sur 502
CHRONOLOGIE
115
et j’apprivoise doucement les difficultés. Au
chant des cigales se mêlent d’autres rumeurs :
Nelson Piquet vient de remporter le premier
Grand Prix automobile de Hongrie devant
200 000 spectateurs enthousiastes, sans
compter des millions de téléspectateurs, probablement. Quel spectacle ! De nos jours, le
théâtre a de bien puissants rivaux.
Pour survivre, il a voulu rivaliser avec le
cinéma, parfois maladroitement, en particulier sur le plan des décors et des éclairages.
Mais l’acteur dans tout cela ? Il arrive qu’on
ne le voit qu’à peine, parfois uniquement
en contre-jour ; et on l’entend de moins en
moins, parce qu’il a adopté un jeu plus intériorisé, et aussi parce que la diction est un
art qui se perd.
Je veux lui redonner la première place, car
ce qui fait la richesse et l’attrait du théâtre,
c’est la présence de l’acteur vivant, et cette
sorte de communion qui s’établit entre la
scène et la salle, au fil du texte. Les Chinois
commencent à entraîner des cosmonautes ;
plus modestement, pour assurer l’avenir de
la Troupe, nous aurons notre propre école
et formerons de jeunes comédiens pour les
besoins spécifiques de la Comédie-Française.
Le talent est un don du ciel, mais avoir une
diction parfaite, savoir dire les vers, c’est le
fruit d’une longue discipline.
Les bulletins d’information me rappellent à
la réalité immédiate. On commente inlassablement l’explosion nucléaire à Tchernobyl.
Les esprits chagrins qui se penchent avec
suspicion sur les radis du marché ne manqueraient pas de trouver mes préoccupations
bien futiles dans cette époque si menacée.
C’est vrai. Mais le monde ne sera pas meilleur si nous devenons lugubres. Au contraire,
il a besoin de pitres pour faire diversion...
Allons, il va y avoir beaucoup à faire. Encore
quelques jours et nous allons nous remettre
à jouer : Molière bien sûr, et aussi Racine,
Shakespeare, Becque, Genêt, Dostoïevski,
Schnitzler, sans compter les représentations
au Petit Odéon et au Petit Montparnasse, les
tournées, les enregistrements pour la radio et
la télévision. Je me hâte de profiter des dernières siestes, car, comme dit Irina à la fin
des Trois Soeurs : « Bientôt ce sera l’hiver,
la neige couvrira tout, mais je travaillerai, je
travaillerai ! »
JEAN LE POULAIN
downloadModeText.vue.download 117 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
116
Septembre
Lundi 1er
NON!ALIGNÉS
À Harare (Zimbabwe), ouverture du
8e sommet du mouvement des non-alignés,
dont c’est le 25e anniversaire. Les représentants des 101 pays membres doivent se prononcer sur une liste de 13 sanctions contre
l’Afrique du Sud. Le 3, le colonel Kadhafi,
qui se dit prêt à « armer les combattants »
contre l’apartheid, conteste l’idée même
du non-alignement et suggère d’abolir le
mouvement. M. Robert Mugabe, Premier
ministre zimbabwéen, succède à M. Rajiv
Gandhi comme président pour trois ans.
La réunion s’achève le 7.
SPORT
Cyclisme.
À Colorado Springs (États-Unis), la Française Jeannie Longo obtient le titre de championne du monde de poursuite (! 7).
FRANCE
Emploi.
Le ministre des Affaires sociales et de
l’Emploi, M. Philippe Séguin, commence
à Épinal un tour de France destiné à promouvoir son plan pour l’emploi des jeunes ;
400 000 personnes devraient en bénéficier
avant la fin de 1987.
URSS
Catastrophes.
Éperonné sur le flanc par un cargo soviétique, le paquebot Amiral-Nakhimov, de
même pavillon, fait naufrage en mer Noire.
Le bilan varie de 300 à 400 morts, suivant
les sources. Accusés de négligences, les
deux commandants sont emprisonnés.
AFRIQUE DU SUD
Attentat.
Une bombe explose dans un supermarché
de Durban (19 blessés graves).
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
Le général Vernon Walters, ambassadeur
des États-Unis à l’ONU, entreprend une
tournée des capitales européennes. Il commence ses entretiens le 1er à Madrid ; il est
le 2 à Paris, où il rencontre M. Mitterrand,
les 3 et 4 aux Pays-Bas, en RFA, en Italie et
en Grande-Bretagne, et achève son voyage
le 4 à Paris.
Mardi 2
EST!OUEST
À Moscou, jusqu’au 3, entretiens américanosoviétiques sur l’Afghanistan.
LIBAN
Otages.
Le Djihad islamique dépose au bureau de
Beyrouth de la chaîne de télévision américaine ABC une vidéocassette où JeanPaul Kauffmann supplie le gouvernement
de céder aux exigences des ravisseurs. Le
communiqué qui accompagne la vidéocassette exige notamment le retour en France
de deux Iraqiens expulsés le 19 février ; le
ministère des Affaires étrangères réplique
que les deux intéressés ont déjà reçu leur
visa de retour.
Mercredi 3
FRANCE
Justice.
Le Conseil constitutionnel entérine l’essentiel du nouveau dispositif pénal ; le régime
spécial antiterroriste ne sera pas étendu aux
atteintes à la sûreté de l’État.
Banque.
29 nouveaux banquiers, parmi lesquels
figurent 15 personnalités proches de la
nouvelle majorité, sont nommés à la tête
des grands groupes bancaires voués à la
privatisation.
downloadModeText.vue.download 118 sur 502
CHRONOLOGIE
117
Faits divers.
À Paris, 26, avenue Gambetta, grave incendie d’origine criminelle : 7 morts, dont 2 enfants, et 17 blessés.
Jeudi 4
EST!OUEST
À Genève, jusqu’au 5, entretiens américano-soviétiques sur les armes chimiques
(! 5).
FRANCE
Terrorisme.
Paris :
l’offensive terroriste
Le Comité de solidarité avec les prisonniers
politiques arabes et du Proche-Orient (CSPPA), qui avait revendiqué sept attentats à
Paris de décembre 1985 à mars 1986, relance
l’offensive le 1er septembre. Dans un communiqué parvenu au siège de l’AFP, il menace de
reprendre les attentats si la France ne libère
pas trois terroristes : Anis Naccache, auteur
d’une tentative d’assassinat contre l’ancien
Premier ministre iranien, Chapour Baktiar,
l’Arménien Waroudjian Gardidjian, qui avait
participé à l’attentat d’Orly, et surtout Georges
Ibrahim Abdallah, chef présumé des Fractions
armées révolutionnaires libanaises (FARL) en
Europe. C’est une série de six attentats successifs que Paris va alors connaître :
– le 4, à 18 h 30, à la station gare de Lyon du
RER, tentative manquée, le détonateur ayant
fait long feu ;
– le 8, à 19 h, dans le bureau de poste de
l’Hôtel de Ville, l’explosion d’une bombe fait
1 mort et 18 blessés ;
– le 12, à 12 h 30, dans une cafétéria « Casino » de la Défense, 41 blessés dont 2 graves ;
– le 14, à 17 h 30, au Pub Renault, sur les
Champs-Élysées, deux gardiens de la paix
sont tués, un maître d’hôtel blessé ; ils
avaient emporté la bombe au sous-sol de
l’établissement ;
– le 15, à 14 h, au service « Permis de
conduire » de la Préfecture de police, 1 mort
et 51 blessés ;
– le 17, à 17 h 25, au magasin Tati, rue de
Rennes, 7 morts et 51 blessés. Tous ces attentats sont revendiqués, de Paris ou de
Beyrouth, par le CSPPA, proche des FARL,
ou par les Partisans du droit et de la liberté (PDL), inconnus jusque-là. Dès le 5, les
mesures de sécurité sont renforcées dans la
capitale. M. Chirac menace ceux qui « manipulent les terroristes » ; le 14, il annonce le
rétablissement des visas d’entrée pour tous
les étrangers (sauf pour les ressortissants de
la Suisse et de la CEE). Le 16, M. Pasqua
décide le placardage de 200 000 affiches qui
diffusent les portraits de Robert et de Maurice, deux frères de Georges Ibrahim Abdallah, recherchés comme témoins ou suspects,
et promet un million de francs à qui aidera à
l’arrestation des poseurs de bombes. Un autre
frère Abdallah, Émile, est soupçonné d’avoir
participé à l’attentat de la rue de Rennes ;
un témoin affirme l’avoir reconnu au départ
d’un vol pour Vienne, le 17 au soir, à Orly.
Les trois frères, ainsi que l’aîné, Joseph, nient
toute participation aux actions terroristes ;
ils affirment n’avoir pas quitté leur village
de Kobayat au Liban depuis deux ans. Le
CSPPA fait part cependant de son intention
de frapper désormais en Italie, où l’extradition de Georges Ibrahim Abdallah est réclamée, et aux États-Unis. Pendant ce temps,
du côté des politiques français, on avance à
petits pas. Le gouvernement, de plus en plus
convaincu de la responsabilité du clan Abdallah, n’exclut pas des complicités syriennes,
sans pour autant mettre en cause officiellement un gouvernement. Le 23, le ministre de
la Coopération, M. Michel Aurillac, puis, le
26, le directeur de la DST, M. Bernard Gérard se rendent à Damas. Le 22, Mgr Hilarion Capucci, proche de l’OLP et du président
downloadModeText.vue.download 119 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
118
syrien Assad, s’entretient, dans sa cellule de
la Santé, avec Georges Ibrahim Abdallah ;
il rencontre aussi le ministre de la Sécurité,
M. Robert Pandraud. Certains reprochent
au gouvernement de négocier avec des États
soupçonnés d’aider les terroristes.
LIBAN
! FINUL.
La FINUL
Le 11 août, une sentinelle française de la
FINUL (Force d’Intervention des Nations
Unies au Liban) abat deux membres du
mouvement chiite Amal qui tentaient de forcer un barrage français à Abassieh, à l’est de
Tyr. Les incidents s’enchaînent jusqu’au 13 :
quatre miliciens d’Amal sont tués et treize
soldats de la FINUL blessés. Il s’agit des affrontements les plus graves entre le mouvement Amal et la FINUL depuis la création de
la force internationale, en 1978. Le 15 août,
le gouvernement suédois donne son accord à
l’envoi de troupes qui relèveront peu à peu
les soldats français au Sud. Le 16, M. JeanClaude Aymé, responsable des affaires politiques aux Nations unies, est attendu au QG
de la FINUL à Nakoura. Tandis que, le 21, la
France demande à l’ONU de procéder à une
« réflexion d’ensemble » sur les conditions
dans lesquelles les « Casques bleus » exercent
leur mission, le chef du mouvement Amal,
Nabih Berri, fait connaître, le 22, son plein
attachement au rôle de la FINUL, et à celui
du contingent français en particulier ; il est
imité, le 26, par M. Amine Gemayel, chef de
l’État libanais Le 28, au lendemain de nouveaux tirs de harcèlement contre les Français,
épreuve de force entre Amal et les extrémistes
pro-iraniens du Hezbollah, hostiles à la FINUL, M. Marrak Golding, secrétaire général
adjoint de l’ONU, est reçu à Paris pour une
série d’entretiens sur l’avenir de la force au
Liban ; le même jour, M. Denis Baudouin,
porte-parole de M. Chirac, réaffirme qu’il
n’est pas question d’évacuer le contingent
français. Dès le début du mois de septembre,
les attaques contre la FINUL se multiplient :
le 4, trois « casques bleus » français sont tués
et un quatrième blessé dans leur base de
Jouaya, près de Sour, huit Népalais blessés le
11, un nouveau mort et cinq blessés parmi les
Français le 13, deux nouveaux blessés français le 27, deux encore, le 28, à Aaïtit.
Il faut rappeler quelle a été la mission initiale
de la FINUL lors de sa création, en 1978 :
la résolution 425 du Conseil de sécurité de
l’ONU, qui stipulait un retrait israélien total
du Liban, lui avait donné pour tâche de se
déployer avec l’armée libanaise le long de la
frontière internationale ; ce déploiement n’a
jamais pu se faire en raison du refus israélien. Le 17 août précisément, à l’issue de la
manifestation colossale de soutien à la FINUL organisée à Tyr par Nabih Berri, l’octroi
d’un bataillon libanais supplémentaire pour
protéger la force internationale a été décidé.
La position des dirigeants libanais dans leur
ensemble est simple : le meilleur moyen pour
l’ONU de protéger la FINUL est de forcer
Israël à évacuer le Liban Sud. Le Hezbollah,
de son côté, accuse la FINUL d’empêcher, par
sa présence, les militants nationalistes de repousser l’armée du Liban Sud (ALS), financée
par Israël.
Le Conseil de sécurité de l’ONU, convoqué le
19 septembre à la demande de la France, se
prononce le 22 en faveur de l’évacuation du
territoire libanais de tous les éléments israéliens et pro-israéliens, afin de faciliter aux
« casques bleus » français leur redéploiement
dans le Sud ; Israël masse alors plusieurs centaines de soldats le long de sa frontière avec
le Liban, pour soutenir l’ALS. Remplacés par
des Népalais aux postes qu’ils abandonnent,
les 600 soldats français à la fin de leur opération de redéploiement, le 26, n’occupent plus
que 3 positions sur 32.
downloadModeText.vue.download 120 sur 502
CHRONOLOGIE
119
AFRIQUE DU SUD
Société.
La population de Soweto observe une jour-
née de deuil et de contestation, pour obtenir
le soutien des États favorables à l’ANC lors
de la conférence des pays non-alignés qui
s’est ouverte à Harare le 1er septembre.
ÉTATS!UNIS
Enseignement.
L’université Harvard fête ses 350 ans.
Vendredi 5
EST!OUEST
À Washington, jusqu’au 6, entretiens américano-soviétiques sur les armes nucléaires
et spatiales (! 4).
FRANCE
Cinéma.
Ouverture du 12e Festival du film américain
de Deauville.
PAKISTAN
Terrorisme.
Sur l’aéroport de Karāchi, détournement
d’un Boeing de la Pan Am par quatre pirates de l’air, libyens ou palestiniens, qui
exécutent un passager. L’assaut donné le
soir par les forces pakistanaises provoque
la mort de 20 autres passagers et de deux
terroristes, et fait une centaine de blessés.
ÉTATS!UNIS
Espace.
Expérience réussie de destruction télécommandée de deux satellites lancés et mis sur
orbite à partir d’une fusée Delta.
ÉGYPTE
Les mystères de Kheops
C’est la lecture de la B.D. d’Edgar P. Jacobs,
le Mystère de la grande pyramide, qui a
décidé deux architectes d’Arras, férus d’archéologie, Gilles Dormion et Jean-Patrice
Goidin, à étudier de plus près l’énigme de
la pyramide de Kheops et particulièrement
la présence d’anomalies architecturales
dans une construction aussi parfaite. Courant mai déjà, la direction des études et
recherches d’EDF et la Compagnie de prospection géophysique française (CPGF) ont
mis en évidence l’existence probable de trois
ou quatre magasins dans le couloir menant
à la chambre de la reine. Dès le 1er septembre, commencent les travaux de forage,
destinés à faire passer un endoscope qui
révélera si ces cavités-magasins existent ou
non, de même qu’une entrée inconnue de la
pyramide, d’autres corridors, une chambre
du roi. Le 5, en réalité, au lieu des trésors
espérés, les chercheurs n’ont trouvé dans les
parois que du sable très fin. Dans la multitude des explications données à sa présence
figure une supposition captivante : il aurait
pour but, par écoulement, de manoeuvrer
des herses de pierre qui ouvriraient sur on
ne sait quoi d’inconnu ; l’entrée de la pyramide et les herses faciles, trop faciles à trouver, ne seraient qu’un leurre, ayant pour rôle
d’attirer d’éventuels pilleurs. Ces hypothèses
ont provoqué de vives controverses de la part
des scientifiques, qui admettent seulement
l’existence de petites cavités, les « serdabs »,
chambres qui servaient à entreposer la statue
du kâ, double du mort. Les fouilles ont cessé
le 8, sans résultats. Mais le procédé d’investigation utilisé, la microgravité, qui permet
de déceler d’infinies variations d’intensité du
champ de pesanteur, a conquis les Égyptiens
qui veulent l’employer pour fouiller Saqqarah, et aussi la Direction des antiquités égyptiennes qui envisage une nouvelle mission, à
Kheops, pour le mois de novembre.
downloadModeText.vue.download 121 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
120
Samedi 6
PROCHE!ORIENT
Palestiniens.
Le Fatah de M. Yasser Arafat, le FDLP
(Front démocratique de libération de la Palestine) de M. Nayef Hawatmeh et le PCP
(Parti communiste palestinien) dénoncent
l’accord jordano-palestinien de février 1985.
TURQUIE
Terrorisme.
À la synagogue d’Istanbul, deux terroristes
ouvrent le feu sur les fidèles en prière ;
21 personnes sont tuées, ainsi que les deux
terroristes. Les Israéliens attribuent cette
action criminelle aux dissidents palestiniens du groupe Abou Nidal.
Dimanche 7
FINLANDE
Sport automobile.
Le Finlandais Timo Salonen remporte le
rallye des « Mille Lacs » sur Peugeot 205
Turbo 16, permettant ainsi à sa firme de
conserver le titre de champion du monde
des marques.
ÉTATS!UNIS
Sports.
Aux championnats du monde de cyclisme
sur route, à Colorado Springs, l’Italien Moreno Argentin remporte le titre masculin ;
chez les femmes, victoire de la Française
Jeannie Longo. Le Tchécoslovaque Ivan
Lendl est vainqueur des Internationaux
de tennis de Flushing Meadow. L’Américaine Martina Navratilova remporte le titre
féminin.
CHILI
Terrorisme.
Près de Santiago, le général Pinochet
échappe à un attentat revendiqué par le
« Front patriotique Manuel Rodriguez »,
d’extrême gauche ; il n’est que légèrement
blessé. L’état de siège est décrété sur l’ensemble du pays pour 90 jours.
Lundi 8
PAKISTAN
Opposition.
Libération de Mlle Benazir Bhutto
(! 14 août).
Mardi 9
FRANCE
Relations internationales.
Entretien entre MM. Jacques Chirac et
Helmut Kohl à l’hôtel Matignon ; il porte
sur la baisse des taux d’intérêt allemands,
les questions agricoles, le TGV, l’Airbus,
l’armement et le nucléaire (centrale de
Cattenom).
Communication.
Démission de Mme Michèle Cotta, présidente de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. M. Marc Paillet,
doyen d’âge de la Haute Autorité, dont la
suppression est annoncée, lui succède pour
quelques semaines.
RFA
! France
JAPON
Défense.
Le gouvernement japonais se déclare prêt
à participer au programme IDS, mais exige
des garanties pour son utilisation.
LIBAN
Terrorisme.
Enlèvement à Beyrouth de M. Frank Herbert Reed, le directeur américain de la Lebanese International School ; quatre Américains sont maintenant détenus en otages
au Liban. Le 11, le Djihad islamique rejette
la responsabilité de cette action.
downloadModeText.vue.download 122 sur 502
CHRONOLOGIE
121
Mercredi 10
FRANCE
Économie.
Invité à l’Heure de vérité d’Antenne 2,
M. Balladur prévoit une baisse moyenne
des impôts de 3 p. 100 pour 1987, puis de
5 p. 100 pour 1988. Parmi les principales
mesures figurent l’allégement des prélèvements en faveur des bas revenus, la réduction du taux d’imposition des hauts revenus
de 65 à 58 p. 100, l’extension de la décote
aux couples mariés afin d’exonérer deux
millions de foyers supplémentaires.
Agriculture.
Une équipe scientifique française met au
point un test génétique qui permet de déterminer le sexe des embryons bovins.
Cinéma.
Le Rayon vert d’Éric Rohmer obtient le
Lion d’or du 43e festival de Venise.
ESPAGNE
Pays basque.
À Ordizia, assassinat de Maria Dolores
Gonzales Catarain, dite Yoyes, ancienne
dirigeante de l’ETA. Le 11, l’organisation
revendique l’attentat.
CHINE
Culture.
Première Foire internationale du livre de
Pékin.
IRAN
Guerre économique.
Bombardement de la raffinerie de Tabriz
par l’aviation iraqienne.
LIBAN
Conflit.
En représailles contre l’attentat à la synagogue d’Istanbul (! 6), l’aviation israélienne effectue un double raid sur les camps
palestiniens de Tyr et de Saïda.
Jeudi 11
FRANCE
Justice.
Dans l’affaire Villemin, au terme de deux
ans d’instruction, le juge Jean-Michel Lambert refuse le non-lieu à la mère de Grégory
et transmet le dossier à la chambre d’accusation de Nancy.
POLOGNE
Vie politique.
Le ministre de l’Intérieur annonce la libération immédiate de tous les prisonniers
politiques.
ISRAËL
! Égypte
ÉGYPTE
Relations internationales.
À Alexandrie, jusqu’au 12, entretiens entre
MM. Moubarak et Pérès ; il s’agit du premier sommet égypto-israélien depuis cinq
ans. La normalisation des relations entre
les deux pays et l’envoi d’un ambassadeur
égyptien à Tel-Aviv sont décidés.
Vendredi 12
FRANCE
Justice.
Expulsion de José Antonio Guinéa, terroriste de l’ETA.
Photographie.
Lartigue
Jacques-Henri Lartigue meurt à Nice le
12 septembre, à l’âge de 92 ans. Avec Henri
Cartier-Bresson et Robert Doisneau, il a été
l’un des trois photographes français les plus
downloadModeText.vue.download 123 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
122
célèbres du siècle. Ses premières photos il
les fait au bois de Boulogne, à l’âge de huit
ans, avec une drôle de boîte en bois verni,
dont son père, banquier à Neuilly, lui a fait
cadeau. Épinglées dans son album d’alors –
nous sommes en 1902 – elles constituent le
début de son Journal, qui représente à lui
seul toute son oeuvre, riche de 200 000 photos, qu’il offrira à l’État en 1979.
Éternel enfant au regard émerveillé, chroniqueur du plaisir, de la douceur de vivre,
d’un certain bonheur, riche et mondain,
photographe de l’instantané, il fut celui qui
captait le mouvement, quand il lui plaisait,
pour s’éloigner de toute angoisse. Ses photographies ont pu être trouvées légères et lui
trop amateur ; s’il prit un vif plaisir à photographier les femmes il s’intéressa également
aux premiers avions, aux premières voitures.
Photographe à l’âge de 8 ans, il ne fut pourtant remarqué qu’à 68, lorsque le musée d’Art
moderne de New York lui consacra en 1962
une exposition, et révélé au grand public
français à 80 ! Il fut aussi peintre, comme
l’indiquait son passeport...
IRAQ!IRAN
Guerre.
Dans la nuit du 11 au 12, un missile solsol iranien atteint Bagdad (21 morts et
81 blessés).
Samedi 13
FRANCE
Partis politiques.
Réunion du Comité directeur du Parti socialiste ; les différents leaders s’opposent sur
leur comportement dans l’opposition.
La fête de l’Humanité, qui dure jusqu’au
14, est marquée par la présence de
« contestataires ».
Culture.
Avec Pli selon pli, de Pierre Boulez, inauguration du Musica 86 de Strasbourg, festival
de musique contemporaine.
GRÈCE
Catastrophes naturelles.
À Kalamata, dans le sud du Péloponnèse,
un tremblement de terre qui atteint une magnitude de 6,2 points cause d’importants
dégâts et provoque la mort de 17 personnes
(300 blessés).
Dimanche 14
SPORT
Athlétisme.
Le premier triathlon international de Paris,
qui a réuni 570 participants, est remporté
par le Français Serge Lactique.
FRANCE
Industrie.
M. Francis Mer est nommé président
unique d’Usinor et de Sacilor, qui regroupent 95 p. 100 de la production sidérurgique française.
RFA
Terrorisme.
À Munich, dans la nuit du 15, attentat à la
voiture piégée, revendiqué par la Fraction
armée rouge.
CORÉE DU SUD
Terrorisme.
À l’aéroport de Séoul, explosion d’une
bombe, qui aurait été posée par des agents
de la Corée du Nord (5 morts et 26 blessés).
Lundi 15
GATT
À Punta del Este (Uruguay), ouverture de
la conférence ministérielle du GATT, qui
réunit les représentants des États-Unis, de
la CEE et de l’Australie.
downloadModeText.vue.download 124 sur 502
CHRONOLOGIE
123
EUROPE
Médecine.
À Marseille, lors du 10e congrès européen
sur les neurosciences, une équipe suédoise
annonce qu’elle va procéder à la greffe de
cellules de foetus humain dans des cerveaux de patients atteints de la maladie de
Parkinson.
FRANCE
Économie.
Le Conseil des ministres adopte le projet de
budget pour 1987.
Culture.
Le directeur de la Musique et de la Danse,
M. Maurice Fleuret, remet sa démission.
AUTRICHE
Vie politique.
À la suite de la nomination de M. Jörg Haider, nationaliste, à la présidence du parti
libéral (FPO), le chancelier Vranitzky annonce la rupture prochaine de la coalition
entre socialistes et libéraux, au pouvoir depuis 1983. Cette décision entraîne des élections législatives anticipées, prévues pour le
23 novembre.
ITALIE
Justice.
À l’issue du procès contre la Camorra, la
cour d’appel de Naples acquitte le présentateur de télévision Enzo Tortora, ainsi que
113 autres accusés.
PHILIPPINES
! États-Unis
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
Jusqu’au 20, visite officielle de Mme Corazon Aquino, chef de l’État philippin.
Société.
Le président Reagan et son épouse donnent
le coup d’envoi d’une « croisade nationale »
contre la drogue.
CUBA
Politique intérieure.
Libération de 60 prisonniers politiques, mesure sans précédent depuis 15 ans.
Mardi 16
ONU
Ouverture de la 41e session de l’Assemblée
générale.
CEE
Sanctions.
À Bruxelles, les Douze aboutissent à un
accord de compromis sur les sanctions à
infliger à l’Afrique du Sud ; celles-ci sont
plus légères que les mesures envisagées
au Conseil européen de La Haye des 2627 juin, notamment en ce qui concerne
l’interdiction des ventes de charbon sudafricain dans la CEE.
FRANCE
Partis politiques.
À Toulouse, jusqu’au 18, premières journées parlementaires du Front national.
Aménagement du territoire.
Le ministre de l’Équipement, M. Méhaignerie, autorise le préfet de la CharenteMaritime à signer la déclaration d’utilité
publique du pont de l’île de Ré.
Industrie automobile.
Sortie de la Citroën AX.
PAKISTAN
Attentat.
À Islamabad, assassinat de l’attaché militaire soviétique, le colonel Fedor Gorenkov.
downloadModeText.vue.download 125 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
124
AFRIQUE DU SUD
Relations internationales.
! CEE
Catastrophes.
Explosion d’un cylindre de gaz dans une
mine d’or de Kinross (Transvaal) : 177 morts
et 235 blessés.
NICARAGUA
Politique intérieure.
Le ministre de l’Intérieur révèle que les
prisons nicaraguayennes renferment
3 910 prisonniers politiques.
Mercredi 17
FRANCE
Relations internationales.
! Indonésie
Nucléaire.
! Indonésie
Culture.
Le Festival d’automne de Paris accueille
la Chine après quatre ans de négociations.
Le Pavillon des pivoines, opéra kunqu du
XVIIe s., est présenté en ouverture.
CHINE
! France
INDONÉSIE
Relations internationales.
À Djakarta, au cours de son voyage officiel
en Indonésie (du 16 au 19), M. Mitterrand
affirme que la France poursuivra ses essais
nucléaires dans le Pacifique.
MEXIQUE
Dette.
Le Mexique obtient du Club de Paris un
accord qui lui permet le rééchelonnement
de sa dette pour un montant de 1,8 milliard
de dollars.
Jeudi 18
FRANCE
Audiovisuel.
Le Conseil constitutionnel rend sa décision
sur le projet de réforme de l’audiovisuel présenté par M. Léotard, qu’il juge conforme
à la Constitution dans sa presque totalité.
Toutefois, deux articles jugés contraires au
pluralisme sont supprimés ; ils sont remplacés par un nouveau projet de loi limitant les concentrations dans l’audiovisuel et
la presse, qui est adopté par le Conseil des
ministres, le 1er octobre.
LIBAN
Terrorisme.
À Beyrouth-Est, en secteur chrétien, assassinat de l’attaché militaire français, le colonel Christian Goutierre.
Vendredi 19
EST!OUEST
À Washington, entretiens entre le secrétaire
d’État George Shultz et le ministre soviétique des Affaires étrangères, M. Édouard
Chevardnadze (jusqu’au 30).
Samedi 20
GATT
Conférence.
À Punta del Este, un accord sur les questions agricoles est conclu, et un nouveau
cycle de négociations commerciales internationales (NCM) est lancé.
FRANCE
Protestantisme.
Jusqu’au 27, campagne d’évangélisation du
pasteur baptiste Billy Graham, au Palais
omnisports de Bercy, à Paris.
downloadModeText.vue.download 126 sur 502
CHRONOLOGIE
125
Culture.
Au Grand Palais, à Paris, rétrospective du
peintre François Boucher.
ASIE
Sports.
À Séoul (Corée du Sud), ouverture des
dixièmes Jeux asiatiques.
Lundi 22
EST!OUEST
La Conférence de Stockholm sur le désarmement en Europe s’achève. Elle avait été
ouverte le 17 janvier 1984.
ÉTATS!UNIS
Monnaie.
Lors des réunions monétaires de Washington, le président Reagan lance un appel pour
la stabilisation des changes, et se heurte à la
résistance des Allemands. Le dollar reste
orienté à la baisse. Le règlement de l’octroi
de six milliards de dollars à Mexico ne peut
se faire dans les délais imposés par le FMI.
Mardi 23
FRANCE
Société.
M. Albin Chalandon, ministre de la Justice,
définit son plan de lutte contre la drogue.
Consistant en une application stricte de
la loi de 1970, qui considère que l’usager
est d’abord un délinquant, celui-ci prévoit
une aggravation des peines contre les trafiquants, mais aussi contre les toxicomanes.
ITALIE
Industrie.
La Libye cède la part de 15 p. 100 qu’elle
avait acquise en 1976 dans la société FIAT.
LIBYE
! Italie
TOGO
Politique intérieure.
Tentative de coup d’État à Lomé. 7 personnes sont tuées, 3 autres blessées par les
commandos, constitués de 70 hommes. Le
25, le président Eyadema obtient l’envoi de
200 parachutistes français.
Mercredi 24
EUROPE
Médecine.
L’assemblée du Conseil de l’Europe édicté
un règlement pour l’utilisation des embryons humains.
FRANCE
Politique intérieure.
Le Conseil des ministres adopte l’ordonnance portant sur le nouveau découpage
électoral.
Industrie.
M. Jacques Maisonrouge, ancien directeur
d’IBM, est nommé directeur général de
l’Industrie.
Audiovisuel.
La Haute Autorité refuse de donner son
autorisation à Paris-Câble, qui devait entrer
officiellement en fonction le 1er octobre.
Jeudi 25
FRANCE
Politique économique.
Le gouvernement annonce la mise en vente
en Bourse de 11 p. 100 du capital d’Elf
Aquitaine, sur 66,8 p. 100 détenus par l’État.
Terrorisme.
Arrestation de Frédéric Oriach, l’un des
fondateurs d’Action directe.
downloadModeText.vue.download 127 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
126
Vendredi 26
FRANCE
Banditisme.
Quatre mois après sa spectaculaire évasion
de la prison de la Santé à bord d’un hélicoptère piloté par sa femme, Michel Vaujour est
arrêté à Paris, au cours d’une tentative de
hold-up.
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
Le président Reagan oppose son veto
aux sanctions économiques votées par le
Congrès contre l’Afrique du Sud. Celui-ci
est rejeté par la Chambre des représentants.
Samedi 27
LIBAN
Troubles.
À Beyrouth, de violents combats opposent
deux milices chrétiennes, les Forces libanaises de Samir Geagea et les partisans
d’Elie Hobeika, ralliés à la Syrie, qui tentent
de s’infiltrer dans le secteur chrétien de
Beyrouth-Est (65 morts et 200 blessées).
Dimanche 28
SPORT
Cyclisme.
L’Irlandais Sean Kelly s’adjuge le Grand Prix
des nations, devant Laurent Fignon.
FRANCE
Élections.
Premier test électoral depuis le 16 mars,
l’élection législative partielle de Haute-Garonne consacre la victoire de Dominique
Baudis ; la majorité et l’opposition obtiennent le même nombre de sièges, mais la
liste PS stagne, alors que l’union RPR-UDF
bénéficie d’un nouvel apport de voix.
Sénat.
À l’issue des élections pour le renouvellement triennal, la majorité obtient 89 sièges
sur 120 ; nette poussée du RPR, stabilité de
l’UDF, recul de la gauche.
Course à pied.
Le Français Pierre Lévisse remporte
Paris-Versailles.
ISRAËL
Administration locale.
Après la nomination par Jérusalem de trois
maires palestiniens en Cisjordanie, à Hébron, à Ramallah et à El-Bireh, toutes les
municipalités de cette région sont de nouveau entre les mains d’édiles arabes.
LIBAN
Terrorisme.
À Beyrouth, enlèvement d’un journaliste
français, M. Jean-Marc Sroussi, neuvième
otage français détenu au Liban ; celui-ci
réussit à s’évader le 1er octobre.
TURQUIE
Vie politique.
Élections législatives partielles, à l’occasion
desquelles, pour la première fois depuis le
coup d’État de 1980, tous les partis légaux
peuvent présenter des candidats : le Parti
de la mère patrie (ANAP) du Premier ministre, M. Turgut Ozal, remporte la victoire ; le Parti de la juste voix (PJV) de l’ancien Premier ministre, M. Demirel, effectue
une nette percée.
Lundi 29
EST!OUEST
Espionnage.
Le journaliste américain Nicholas Daniloff,
accusé d’appartenir à la CIA et appréhendé
le 30 août à Moscou, en riposte à l’arrestation par les Américains, le 23 août, de Guennadi Zakharov, fonctionnaire soviétique de
l’ONU convaincu d’espionnage, est relâché.
L’heureux dénouement de cette affaire,
downloadModeText.vue.download 128 sur 502
CHRONOLOGIE
127
qui prévoit aussi la libération du dissident
soviétique Iouri Orlov, favorise le sommet
Reagan-Gorbatchev, prévu pour les 11 et
12 octobre à Reykjavik, qui doit préparer le
voyage du no 1 soviétique aux États-Unis.
Le 17, Washington avait exigé le départ de
25 diplomates soviétiques de l’ONU.
FRANCE
Partis politiques.
À Nancy, journées parlementaires de
l’UDF, marquées par un appel à l’unité.
Justice.
Expulsion vers l’Espagne de Joaquim Martinez Jimenez, terroriste de l’ETA.
LIBAN
Terrorisme.
Dans la banlieue de Beyrouth, assassinat du
général Khalil Kanaan, commandant de la
5e brigade de l’armée libanaise. Lié, semblet-il, à l’accrochage du 28, entre des miliciens des Forces libanaises, chrétiennes, et
des soldats de la 5e brigade, cet assassinat
altère les rapports entre l’armée et les FL.
Mardi 30
FRANCE
Partis politiques.
Journées parlementaires du RPR à Épinal,
jusqu’au 1er octobre, et du PS à Mâcon.
Syndicats.
La journée nationale d’action de la CGT
affecte principalement la SNCF.
POLOGNE
! Chine
CHINE
Relations internationales.
En visite à Pékin pour deux jours, le chef de
l’État polonais, le général Jaruzelski, amorce
le rétablissement des relations entre les PC
polonais et chinois ; il est le premier dirigeant d’un pays de l’Est à effectuer un tel
rapprochement.
MAROC
Gouvernement.
M. Assedia Laraki est nommé Premier ministre, en remplacement de M. Mohamed
Lamrani.
Le mois de
Madeleine Chapsal
Septembre 1986 : première Foire internationale du livre à Pékin.
Nous avons vu Hitler à l’oeuvre. Et Staline.
Les livres sont les premiers objets que tentent d’anéantir les régimes totalitaires dès
qu’ils se mettent en place. Avant même de
liquider les hommes et de saisir leurs autres
armes, ils brûlent leurs livres, car les livres
sont les armes de l’esprit. Combien efficaces.
D’abord parce qu’elles sont silencieuses : lire
est l’acte clandestin parfait, car il ne fait aucun bruit. (Quel enfant n’a lu ses premiers
livres défendus sous ses draps ou dans les
cabinets ?)
Ce sont aussi des armes à longue, très
longue portée. Leurs effets peuvent mettre
des années ou des siècles à se faire sentir.
Ainsi chacun sait qu’à l’origine de la Révolution française il y a le ras-le-bol, mais aussi
un monceau de petits papiers. Des libelles
– des tracts, disons-nous aujourd’hui –
qu’accompagnaient les oeuvres révolutionnaires de Diderot, de Rousseau, mais aussi
les écrits de n’importe qui...
Car la puissance du livre est qu’il agit parfois sans être lu. Les femmes et les hommes
de 1789 ne lisaient pas beaucoup, mais
ils savaient que des livres existaient qui
disaient leur malheur, leurs souffrances,
exprimaient leurs doléances et leur espoir.
Un livre c’est des larmes plus de la dynamite.
downloadModeText.vue.download 129 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
128
Les livres sont le fondement séculaire de nos
civilisations, comme de chacune de nos vies
modernes. À l’origine de nos existences, il y
a la Parole, celle inscrite dans le gros livre
– la Bible, le Coran, les Vedas, le registre de
l’état civil – qu’on ouvre à notre naissance et
que l’on ferme à notre mort.
D’où l’importance primordiale que je donne
à cette nouvelle qui, sur l’instant, m’a stupéfiée : première Foire internationale du livre
à Pékin.
Je n’en sais pas plus long que, déjà, je me
mets à rêver. Tous les livres étaient-ils là ?
Dans toutes les langues, tous les formats,
sur tous les sujets ? Y avait-il aussi des livres
dits « pornos », ceux qui montrent en paroles et en images que le corps des hommes
et des femmes peut être un objet à la fois de
plaisir extrême et de tout aussi extrême asservissement ? Y avait-il la Bible ? Pouvaiton toucher, acheter ? Surtout, y avait-il la
foule chinoise, avec son sourire et ses yeux
obliques dont les paupières semblent faites
pour dissimuler l’étincelle du désir ?
Les Chinois, nous apprend-on, ont inventé
la poudre. Voilà que nous la leur aurions
renvoyée sous la forme maniable, feuilletable de nos innombrables ouvrages par
d’innombrables auteurs, en toutes langues
et de toutes inspirations.
En fait, tous les livres répètent la même
chose : « Va vers toi. » Tous les livres sont
un appel à l’individualisme, la singularité,
la délivrance d’un message unique, du trésor
personnel de chacun.
Récemment, accablée par un chagrin
d’amour, je me suis reconstruite en écrivant
un livre, un roman. Mon refuge, ma bouée
de sauvetage, mais aussi mon outil pour
tenter de mettre à distance, à l’aide de mots,
aussi bien la violence qu’on m’a faite que la
mienne propre.
Car le livre, c’est ce qui nous permet
d’échapper au corps à corps assassin, pour
nous dire avec passion, tendresse aussi, et
férocité, ce que nous avons à nous dire les
uns aux autres.
On aura compris que je ne conçois pas mon
existence sans les livres. D’où, pour moi,
la grandeur saisissante de l’information :
première Foire du livre à Pékin, en Chine
rouge, au mois de septembre 1986.
MADELEINE CHAPSAL
Météo : L’Été
Les chaleurs caniculaires de la fin de juin
ont, à la fois, mis brutalement fin aux froidures du printemps et auguré d’un été peu
ordinaire tant au niveau des températures
qu’à celui des précipitations. Du 1er juillet
au 25 août, les températures ont été supérieures aux normales calculées de 1950 à
1980 sur l’ensemble du territoire, à l’exception de l’Ouest et du Nord-Ouest. Précisons
toutefois que cette période a été marquée
par la succession régulière de séquences
chaudes et fraîches de courte durée. En
août, des records absolus ont été enregistrés : 37,9 °C à Nevers, 38,1 °C à Bourges,
36,6 °C à Colmar le 3, 33,3 °C à SaintÉtienne-Bouthéon, le 17. Du 26 août à la fin
du mois de septembre, les températures ont
été inférieures aux normales dans l’Ouest, le
Nord, le Nord-Ouest, le Nord-Est, le CentreEst et légèrement supérieures dans le SudOuest, le Sud-Est et la Corse. Des températures anormalement basses ont été relevées
entre le 27 août et le 5 septembre sur une
grande partie du pays : 4,5 °C à Vannes le
28, 4,9 °C à Millau le 29, 4,8 °C à Tours
le 30, 0,6 °C à Romorantin le 4 septembre,
3,5 °C à Auch le 5, alors que des températures maximales records ont été observées
à Perpignan, le 15, 35 °C, et à Saint-Martin-d’Hères (Isère), près de Grenoble, le 16,
33,4 °C.
downloadModeText.vue.download 130 sur 502
CHRONOLOGIE
129
Sécheresse prolongée.
L’Aveyron sans pluie
du 2 mai au 15 août
Les caractères, la distribution temporelle
et la modicité des pluies de juillet et d’août
s’expliquent par l’alternance de temps anticycloniques et de perturbations généralement peu actives. En juillet, la hauteur
totale des pluies a été très déficitaire (de
15 à 85 p. 100) dans toutes les régions, sauf
en Corse. En août, les précipitations furent
normales dans l’Ouest, le Nord et le NordEst et très déficitaires dans le Centre, le
Centre-Est, le Sud-Ouest, le Sud-Est et la
Corse (déficits de 11 à 75 p. 100). En septembre, par contre, les pluies, bien qu’assez
mal réparties dans le temps, ont été voisines
de la moyenne dans le Nord, le Sud-Ouest
et le Sud-Est et excédentaires sur le reste du
pays.
Les déficits pluviométriques des mois de
juillet et d’août, qui faisaient suite à ceux de
mai et de juin, ont été aggravés par la longueur des séquences sèches, une insolation
supérieure à la normale et des températures élevées. Dans l’Aveyron, par exemple,
aucune pluie n’a été observée du 2 mai au
15 août !
Si de telles conditions climatiques ont été
favorables aux activités touristiques et
bénéfiques pour la viticulture, elles furent
lourdes de conséquences pour les cultures et
l’élevage. Au 20 août, les réserves en eau des
sols étaient nulles en Touraine, dans le Poitou-Charentes, les Landes, le LanguedocRoussillon, la Provence et la Corse ; elles
étaient inférieures à 20 p. 100 des réserves
utiles sur près du tiers du territoire (voir
carte ci-dessous). Ce déficit hydrique s’est
traduit par l’étiage absolu de certains cours
d’eau et l’assèchement partiel, inhabituel,
de lacs et d’étangs ; il a fortement affecté
la productivité des cultures, des plantes
fourragères et des pâturages naturels. Les
rendements des céréales ont fléchi de 30 à
50 p. 100 ; le déficit fourrager a varié entre
50 à 85 p. 100 selon les régions. D’après
l’ONIC, la production céréalière est inférieure de 12,6 p. 100 à celle de 1985.
Sévères calamités agricoles.
24 départements sinistrés
La situation à laquelle sont affrontés les
agriculteurs est d’autant plus préoccupante
que leur endettement est considérable. À
la mi-août, 24 départements sont déclarés
sinistrés : Allier, Aude, Aveyron, Cantal,
Corrèze, Creuse, Dordogne, Gard, HauteGaronne, Gers, Gironde, Indre, Indre-etLoire, Isère, Landes, Lot, Lot-et-Garonne,
Lozère, Puy-de-Dôme, Sarthe, Tarn, Tarnet-Garonne et Haute-Vienne. Le gouvernement adopte le train de mesures suivant :
attribution de 1,3 milliard de F aux agriculteurs victimes de la sécheresse ; versement
downloadModeText.vue.download 131 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
130
de 600 000 F à titre d’avance au Fonds national de garantie contre les calamités agricoles ; demande à la CEE de 400 000 tonnes
de céréales fourragères ; réaménagement des
modalités de remboursement des prêts bonifiés et des prêts pour calamités agricoles.
À ce bilan très lourd, il faut ajouter les
conséquences de la tornade qui, le 17 août, a
ravagé la région de la Charité-sur-Loire (un
mort, trois blessés graves et d’importants
dégâts matériels), le naufrage d’un cargo et
de deux voiliers au large des côtes bretonnes
lors de la tempête des 24 et 25 août, les très
nombreux accidents de montagne dans les
Alpes françaises et italiennes et le désastre
écologique consécutif à la destruction par le
feu de plus de 30 000 hectares de forêt.
Le déficit pluviométrique et hydrique de
l’été 1986 a été à l’origine d’une situation
économique et écologique aussi grave, sinon
plus grave, que celle de 1976, l’année de la
« sécheresse du siècle ».
PHILIPPE CHAMARD
downloadModeText.vue.download 132 sur 502
CHRONOLOGIE
131
Octobre
Mercredi 1er
FRANCE
Vie politique.
Trois élus communistes de Limeil-Brévannes et d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne)
sont condamnés à 2 000 F d’amende, six
mois de prison avec sursis et cinq ans de
privation des droits civiques pour avoir
frauduleusement bourré des urnes lors des
élections cantonales de 1982.
ITALIE
Société.
Le ministre de la Santé dénonce une gigantesque escroquerie à la Sécurité sociale portant sur 350 milliards de lires de remboursements de médicaments n’ayant jamais été
prescrits. Le ministre invoque une « infiltration du crime organisé ».
Jeudi 2
FRANCE
Politique intérieure.
M. Mitterrand refuse de signer les ordonnances sur le découpage électoral, dont le
texte a été adopté le 24 septembre par le
Conseil des ministres.
Coopération militaire.
! Togo
Terrorisme.
Après le Comité de soutien aux prisonniers
politiques arabes et du Proche-Orient, l’Armée secrète arménienne pour la libération
de l’Arménie (ASALA) menace de « frapper
[...] en France si le gouvernement [...] ne
libère pas les militants » emprisonnés.
GRANDE!BRETAGNE
Relations internationales.
Le gouvernement suspend les vols des
Libyan Arab Airlines vers la Grande-Bretagne à partir du 31 octobre, en indiquant
que cette compagnie est impliquée « dans le
soutien aux activités terroristes ».
IRAN
Enlèvement du chargé d’affaires syrien à Téhéran, qui est libéré le lendemain. Le rapt
aurait été effectué sur l’ordre d’une tendance
particulièrement dure du régime iranien,
pour contrecarrer les efforts de Damas en
vue d’une solution de compromis dans la
guerre du Golfe.
IRAQ
Justice.
Sept personnes, dont un ancien sous-secrétaire d’État au ministère du Pétrole, des
hommes d’affaires et des entrepreneurs,
condamnées pour prévarication, sont
exécutées.
INDE
Terrorisme.
À New Delhi, le Premier ministre, M. Rajiv
Gandhi, échappe à un attentat perpétré par
un militant sikh. Le lendemain, le directeur
général de la police du Pendjab échappe à
un autre attentat commis par des Sikhs (un
mort et quatre blessés).
La rancune des Sikhs
Communauté religieuse à mi-chemin entre
l’hindouisme et l’islam, les Sikhs n’ont pas la
mémoire courte et continuent, 28 mois après,
de venger l’assaut du Temple d’or d’Amritsar
et le massacre d’un millier des leurs. Ces événements avaient déjà provoqué le meurtre
d’Indira Gandhi dont le fils, le Premier ministre Rajiv Gandhi, échappe, le 2 octobre, à
un attentat commis par un Sikh rescapé des
carnages d’octobre 1984, qui firent officieldownloadModeText.vue.download 133 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
132
lement plus de 5 000 morts. Le lendemain,
c’est le chef de la police du Pendjab, M. Julio
Francis Ribeiro, un chrétien de Goa, qui évite
de justesse un mitraillage. Deux mois plus
tôt, le général qui commandait l’armée in-
dienne au moment des événements d’Amritsar n’avait pas survécu à un autre attentat.
Le 22, M. Rajiv Gandhi décide de renvoyer
le ministre de l’Intérieur et de prendre luimême en main les questions de sécurité.
Depuis le début de l’année, les séparatistes
sikhs ont tué près de 500 Hindous, au hasard
des marchés, des passages d’autobus ou des
processions religieuses ainsi qu’une centaine
de Sikhs hostiles à leur cause. Au total, ce
sont plus de 10 000 personnes qui ont succombé depuis le début de ces affrontements.
En un an, les indépendantistes ont attaqué
250 banques, arrondissant ainsi les sommes
substantielles qui leur sont envoyées par des
Sikhs fortunés d’Amérique du Nord ou de
Grande-Bretagne.
Même si les élections de septembre 1985 ont
donné la victoire aux modérés de l’Akali Dal,
la pression exercée par les jusqu’au-boutistes
reste forte. Ainsi, en avril, une fraction importante des députés pendjabis a choisi de se
ranger de leur côté. De plus bien que minoritaires, les séparatistes occupent le terrain,
organisant régulièrement contre leurs adversaires de spectaculaires charges, sabre au
clair (2 000 combattants, 6 morts, 60 blessés
à New Delhi, le 26 juillet).
L’autre pression recherchée est d’ordre démographique : il s’agit de faire fuir les Hindous
du Pendjab, car les Sikhs ne détiennent
qu’une fragile majorité de 52 p. 100, et de
provoquer, par les inévitables réactions en
chaîne, le retour d’une partie des six millions
de leurs coreligionnaires dispersés à travers
l’Inde. En deux ans, plus de 25 000 familles
se sont réfugiées au Pendjab et, depuis octobre 1985, 10 000 familles hindoues l’ont
quitté. Le 10 octobre, M. Rajiv Gandhi avait
accusé implicitement le Pakistan d’avoir
trempé dans la tentative d’attentat contre lut
Le Khalistan, dont certains Sikhs souhaitent
l’indépendance, est un terme pendjabi qui
signifie « terre des purs ». En ourdou, cela se
dit Pakistan.
PHILIPPINES
Guérilla.
Le chef des maquisards communistes de la
Nouvelle Armée du Peuple, M. Rodolfo
Cander Salas, arrêté récemment, est inculpé de rébellion.
LIBYE
! Grande-Bretagne
TOGO
Coopération militaire.
Le gouvernement français annonce le retrait pour les 5 et 8 octobre de la compagnie de parachutistes et des avions Jaguar,
envoyés à Lomé le 25 septembre.
TUNISIE
Justice.
L’ancien Premier ministre, M. Mohammed
Mzali, est condamné par défaut à un an
de prison pour franchissement illégal de
frontière. Il s’était enfui en Europe le 4 septembre et avait été exclu du Parti socialiste
destourien le 8.
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
Le Sénat, où les républicains ont pourtant
la majorité, s’oppose au veto du président
Reagan contre les sanctions économiques
prises à rencontre de l’Afrique du Sud et
adoptées par les deux Chambres.
Vendredi 3
URSS
Marine militaire.
Un incendie dévaste un sous-marin nucléaire soviétique qui coule, le 6, dans l’AtdownloadModeText.vue.download 134 sur 502
CHRONOLOGIE
133
lantique Nord, à 1 000 km environ au nord
des Bermudes.
OUGANDA
Vie politique.
Début d’une vague d’arrestations d’officiers
et d’hommes politiques parmi lesquels figurent trois ministres en exercice, accusés
de préparer un coup d’État pour empêcher
une « dérive procommuniste ». En quelques
jours, 20 personnes sont inculpées de haute
trahison.
Samedi 4
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II, pour son troisième
voyage en France, visite Lyon, Paray-leMonial, Taizé, Ars et Annecy jusqu’au
7 octobre.
PAYS!BAS
Aménagement du territoire.
Inauguration du grand barrage mobile de
l’Escaut oriental.
Le barrage
Le 4 octobre, sur l’embouchure de l’Escaut,
la reine Beatrix inaugure l’une des plus monumentales digues jamais construites, qui
est en même temps le premier barrage écologique, puisqu’une partie mobile de trois
kilomètres sur neuf au total, permet le va-etvient naturel des marées et le maintien des
eaux salées dans l’estuaire. 600 pêcheurs, des
mytiliculteurs livrant 30 millions de moules
par an, les amateurs, souvent français, des
dernières huîtres plates d’Europe et les écologistes protecteurs des oiseaux migrateurs
sont parvenus à faire préserver le milieu
naturel. Mais la facture est lourde : environ
30 milliards de francs supplémentaires, sur
un budget total de 56 milliards, par rapport
au projet initial de barrage classique fixe
abandonné en 1974.
Mise à l’étude voici plus de 30 ans, au lendemain de la catastrophe du 31 janvier 1953
(la rupture des digues entraîna l’inondation
de 200 000 ha et la mort de 2 000 personnes),
la réalisation est titanesque : 65 piliers de
bétons hauts de 30 à 40 m, pesant jusqu’à
18 000 t, reposent sur une sorte de gigantesque matelas fait d’acier, de graviers et de
dalles de béton. Un système électronique permet la fermeture automatique de 62 vannes
coulissantes de 40 m de large lorsque des
tempêtes ou des marées exceptionnelles sont
annoncées, une ou deux fois par an. Même
dans ce cas, le delta, où débouchent l’Escaut,
la Meuse et le Rhin, n’est pas complètement
fermé car, sur les cinq estuaires, ceux de Rotterdam et d’Anvers restent libres. Mais la
Zélande est-elle définitivement « en sûreté »,
comme l’a affirmé la reine Beatrix ? Rien
n’est moins sûr, car les experts mondiaux
prévoient une élévation générale du niveau
de la mer pouvant aller jusqu’à un mètre d’ici
un siècle.
Dimanche 5
SPORT
Volley-ball.
À Paris, les États-Unis remportent pour la
première fois le championnat du monde, en
battant l’Union soviétique, détentrice du
titre depuis 1978.
Lundi 6
Échecs.
À Leningrad, Garri Kasparov conserve son
titre de champion du monde en battant son
compatriote, Anatoli Karpov.
GRANDE!BRETAGNE
Terrorisme.
Au cours du procès de Nezar Hindawi, qui
avait tenté de faire exploser en vol un avion
downloadModeText.vue.download 135 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
134
de la compagnie israélienne El Al, le procureur général affirme détenir la preuve de la
complicité d’« agents syriens ».
NICARAGUA
L’armée abat un avion américain et capture l’unique survivant, Eugène Hasenfus,
qui déclare, le 9, être un agent de la CIA
envoyé pour fournir des armes aux forces
antisandinistes.
Mardi 7
FRANCE
Terrorisme.
À Paris, l’un des dirigeants de l’OLP,
M. Abou Iyad, affirme que le Comité de
solidarité avec les prisonniers arabes et du
Proche-Orient (CSPPA) et l’ASALA sont
contrôlés par le gouvernement syrien qui
est responsable des attentats commis à
Paris.
GRANDE!BRETAGNE
Presse.
Lancement d’un nouveau quotidien, The
Independant, qui exprime l’ambition de
concurrencer le Times et le Daily Telegraph.
ITALIE
Relations internationales.
L’Italie libère trois tueurs libyens condamnés à de lourdes peines et les échange contre
quatre Italiens détenus en Libye.
Criminalité.
À Palerme, la mafia fait assassiner un garçon de 11 ans, Claudio Domina, parce que
sa famille avait refusé de collaborer avec
elle.
LIBAN
Guerre civile.
Meurtre de Cheikh Saleh, vice-président du
Conseil suprême islamique et partisan de la
coexistence islamo-chrétienne.
SYRIE
! France
INDONÉSIE
Justice.
Neuf anciens dirigeants du Parti communiste indonésien, arrêtés entre 1967 et 1971
et condamnés à mort entre 1968 et 1972,
sont fusillés entre le 26 septembre et le
7 octobre. Selon la presse, ces exécutions
tardives seraient dues à une résurgence des
activités communistes.
LIBYE
! Italie
Chirurgie : in utero
Le docteur Michael Harrisson, de l’université de Californie, à San Francisco, avait
opéré à 26 semaines de vie intra-utérine un
foetus atteint d’une malformation urinaire,
décelable in utero, qui condamnait le foetus
à brève échéance.
Il s’agissait d’un rétrécissement de l’urètre qui
avait été décelé au cours d’une échographie
de contrôle. L’intervention avait consisté,
après ouverture de l’utérus de la mère, à pratiquer une incision de la paroi abdominale
du foetus pour pouvoir ouvrir sa vessie et
assurer une dérivation transitoire des urines,
de façon que les reins ne continuent pas à
souffrir. Deux échecs avaient été enregistrés
précédemment par l’équipe chirurgicale de
l’université de Californie.
Le succès de la troisième intervention a été
annoncé le 7 octobre 1986 alors que l’enfant, né à terme, venait d’avoir un an. Une
semaine après sa naissance, le bébé a subi
une nouvelle intervention de façon à rétablir
l’écoulement normal des urines par l’urètre.
Toutefois, il présente une insuffisance rénale
sévère, pour laquelle une greffe sera sans
doute nécessaire.
downloadModeText.vue.download 136 sur 502
CHRONOLOGIE
135
Mercredi 8
FRANCE
Politique intérieure.
Le Conseil des ministres adopte le projet de
loi sur le nouveau découpage électoral.
Relations internationales.
Visite à Paris du Premier ministre israélien,
M. Shimon Pérès
Immigration.
Le gouvernement annonce que les Tunisiens résidant légalement en France
(225 000 personnes) seront dispensés de
visa.
HONGRIE
Religion.
Rencontre de théologiens catholiques et
d’intellectuels marxistes des pays de l’Est
et de Cuba, organisée par l’Académie hongroise des sciences et le Secrétariat romain
pour les non-croyants.
URSS
Relations internationales.
Première visite officielle du président du
Burkina Faso, le capitaine Thomas Sankara,
qui est reçu par M. Gorbatchev.
ISRAËL
! France
AFRIQUE DU SUD
Politique extérieure.
En représailles de l’appui fourni par le gouvernement mozambicain aux terroristes
noirs de l’ANC, le gouvernement décide
le renvoi, à l’expiration de leur contrat, de
60 000 travailleurs immigrés mozambicains
et l’arrêt de toute embauche de ressortissants de ce pays.
BURKINA FASO
! URSS
Jeudi 9
FRANCE
Vie politique.
M. Roland Dumas, ancien ministre socialiste des Relations extérieures, est élu président de la commission des Affaires étrangères
de l’Assemblée nationale, par 35 voix contre
31 au candidat de la majorité, M. Bernard
Stasi.
POLOGNE
Solidarité.
Le Conseil provisoire du syndicat, créé ouvertement le 30 septembre, annonce qu’il
vient d’être déclaré illégal par les autorités.
Vendredi 10
Santé.
La revue scientifique Cell révèle que, pour
la première fois, une équipe franco-américaine a réussi à cultiver le virus de l’hépatite B, première cause de mortalité parmi
les jeunes gens de certains pays d’Afrique.
La mise au point d’un médicament actif
devrait en être grandement facilitée.
ONU
M. Javier Perez de Cuellar est réélu à l’unanimité et pour cinq ans secrétaire général
de l’Organisation.
FRANCE
Les dépouilles des soldats
en Indochine entre 1939 et
mencent à être rapatriées.
20 000 corps sont attendus
français tombés
1954 comPrès de
jusqu’en 1988.
Terrorisme.
Lors de son procès à Londres, Nezar Hindawi, auteur d’une tentative d’attentat
contre un avion d’El Al, affirme qu’un lieutenant-colonel des services de renseignements syriens s’était présenté à lui comme
l’auteur de l’attentat de la rue Marbeuf, qui
downloadModeText.vue.download 137 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
136
avait fait un mort et 46 blessés en 1982
(! 6 et éd. 1982).
Information.
L’Assemblée nationale adopte les dispositions limitant les concentrations dans les
médias, conformément au voeu du Conseil
constitutionnel.
Écologistes.
Neufs militants antinucléaires réussissent
à occuper pendant une dizaine d’heures la
tour de réfrigération de la centrale de Cattenom, en Moselle.
Arts martiaux.
Pendant deux jours, première démonstration à Paris de sumō, sport national japonais, au palais omnisports de Bercy.
RFA
Terrorisme.
À Bonn, assassinat par la Fraction armée
rouge de M. Gerold von Braunmühl, directeur politique au ministère des Affaires
étrangères.
ISRAËL
Gouvernement.
Démission du Premier ministre travailliste,
M. Shimon Pérès, qui est remplacé le 20 par
M. Yitzhak Shamir, comme prévu dans les
accords de coalition avec le Likoud.
ARGENTINE
Relations internationales.
M. Raul Alfonsin entreprend un voyage
de 10 jours, incluant des étapes à Moscou
et à La Havane. C’est la première fois qu’un
président argentin se rend dans ces deux
capitales.
Samedi 11
EST!OUEST
Relations.
Jusqu’au 12, sommet Reagan-Gorbatchev
à Reykjavik (Islande). Les Américains refusent de renoncer au programme militaire
de l’IDS.
FRANCE
Terrorisme.
En Corse, 26 attentats à l’explosif sont commis dans la seule nuit du 10 au 11.
Culture.
Mort de Georges Dumézil.
Georges Dumézil
Historien des religions, Georges Dumézil est mort à Paris le 11 octobre. Directeur
d’études à l’École pratique des hautes études
à partir de 1935 et professeur au Collège de
France (1949-1968), il avait été élu à l’Académie des inscriptions en 1970 et à l’Académie française en 1978.
Avec quelque 60 volumes rédigés et avec
l’aide d’une quarantaine de langues connues
(« maniées », disait-il), il avait eu le loisir,
au fil de sa longue carrière, d’approfondir
institutions et mythes des sociétés protohistoriques issues de la communauté indoeuropéenne. Son enseignement de l’histoire
des religions, à l’université d’Istanbul, dans
les années 20, avait été l’occasion de la dé-
couverte des sociétés et des parlers du Caucase et spécialement l’oubykh, langue dont
il partagea la connaissance avec le dernier
locuteur authentique ! Il avait consacré
ensuite une bonne partie de ses efforts de
comparatiste (et de structuraliste, bien qu’il
s’en défendît) à une tentative d’explication
des mythes et rites de Rome qui aboutit à
sa brillante Religion romaine archaïque
(1966). Ses « trois fonctions », modèle ternaire de la société primitive européenne,
composée de guerriers, chefs-sorciers et
paysans représentent, plus qu’une théorie, une hypothèse de travail féconde qui a
aidé à comprendre, par exemple, certaines
parentés culturelles entre la Rome antique
downloadModeText.vue.download 138 sur 502
CHRONOLOGIE
137
et l’Inde éternelle. Cette « tripartition fonctionnelle », devenue ensuite « idéologie des
trois fonctions », s’était heurtée autrefois à
une incompréhension étendue. Elle suscite
encore bien des réticences, alors même que
les historiens prennent la relève en étendant
son champ. Georges Duby, notamment, a
bien vu ses prolongements au Moyen Âge.
Georges Dumézil est longtemps resté un
chercheur solitaire, ne comptant pas de disciples avant d’en trouver dans les universités
américaines. En dépit du certain ésotérisme
de ses sujets, il a vendu ses livres, car ils se
lisent avec plaisir.
SALVADOR
Catastrophes naturelles.
Pendant deux jours, de violents séismes
provoquent d’importants dégâts matériels
entraînant la mort d’un millier de personnes et faisant plus de 200 000 sans-abri.
Dimanche 12
GRANDE!BRETAGNE
! Chine
GRÈCE
Vie politique.
À l’issue du premier tour des élections municipales, le Parti de la nouvelle démocratie (droite conservatrice) arrive nettement
en tête dans les grandes villes, aux dépens
du parti socialiste PASOK. Cette tendance
s’amplifie le 19, lors du second tour.
RFA
Vie politique.
Aux élections régionales de Bavière, la
CSU (Christlich-Soziale Union) remporte
56 p. 100 des voix, contre 27,5 p. 100 au
SPD, qui enregistre son plus mauvais score
depuis la guerre. Avec 7,3 p. 100, les Verts
font leur entrée au Landtag.
CHINE
Relations internationales.
Premier souverain britannique à effectuer
un voyage officiel en Chine, la reine Élisabeth II arrive à Pékin pour une visite d’une
semaine.
Lundi 13
Le prix Nobel de médecine est attribué
à deux Américains, spécialistes des facteurs de croissance : M. Stanley Cohen et
Mme Rita Levi-Montalcini.
FRANCE
Vie politique.
Sept voix font défaut à la motion de censure
déposée par le PS, après l’engagement de
responsabilité du gouvernement sur le vote
du nouveau découpage électoral (! 23).
Mardi 14
Le prix Nobel de la paix est attribué à l’écrivain juif américain Élie Wiesel, rescapé
d’Auschwitz et de Buchenwald.
SPORT
Jeux Olympiques.
À Lausanne, le Comité international olympique (CIO) décide de séparer les jeux
d’hiver de ceux d’été et de les organiser en
alternance, tous les deux ans.
FRANCE
Économie.
La société Elf Aquitaine vend 11 p. 100 de
son capital. 26 p. 100 des actions sont achetées par de petits épargnants.
downloadModeText.vue.download 139 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
138
POLOGNE
Justice.
Deux des trois assassins du père Popieluszko bénéficient d’une importante remise
de peine.
CHINE
! Viêt-nam
VIÊT!NAM
Conflit sino-vietnamien.
Selon Hanoi, une offensive militaire
chinoise particulièrement importante, à
proximité de Vi Xuyen, aurait fait de nombreux morts dans la population et plus
d’une centaine parmi les Chinois. Les affrontements restent permanents le long de
la frontière Nord.
Mercredi 15
Le prix Nobel de chimie est remis à trois
spécialistes des mécanismes élémentaires
des réactions chimiques : l’Américain, Yuan
Tseh Lee, originaire de Chine nationaliste,
le Canadien John Charles Planyi et l’Américain Dudley Robert Herschbach.
Le prix Nobel de physique est attribué à
l’Allemand Ernst Ruska, l’un des inventeurs
du microscope électronique, à son compatriote Gerd Binnig et au Suisse Heinrich
Rohrer, créateurs d’un microscope permettant l’observation d’atomes isolés.
URSS
Propagande.
Le gouvernement soviétique invite de très
nombreux journalistes occidentaux à assister au début du retrait d’un contingent de
8 000 hommes sur les 120 000 environ qui
sont basés en Afghanistan.
ISRAËL
Terrorisme.
L’OLP revendique un attentat à la grenade
qui fait un mort et 70 blessés près du Mur
des lamentations, à Jérusalem.
AFGHANISTAN
! URSS
BANGLADESH
Vie politique.
Le général Ershad remporte les élections
présidentielles, mais l’opposition dénonce
une fraude électorale massive.
PHILIPPINES
Vie politique.
La présidente Aquino approuve un projet
de nouvelle Constitution qui sera soumis
à référendum le 23 janvier 1987. Le même
jour, le vice-président, M. Salvador Laurel,
réclame publiquement de nouvelles élections présidentielles en 1987, rejoignant
ainsi le souhait des fidèles de l’ancien président Marcos.
TAÏWAN
Politique intérieure.
Le Guomindang accepte la levée de la loi
martiale et la formation de partis politiques.
PÉROU
Terrorisme.
Le Sentier lumineux revendique l’attentat
qui a grièvement blessé l’amiral Caperetta,
ancien chef de la marine et président de la
Banque industrielle.
B. D. :
Tintin
d’outre-tombe
Trois ans et demi après la mort d’Hergé
(! éd. 1984), son 24e album : Tintin et
l’Alph-art, laissé inachevé par l’auteur, est
sorti le 15 octobre. Pourtant, Hergé avait
toujours souhaité que son héros ne lui survive pas.
Cet ultime album est, en fait, une ébauche
comprenant un bloc à dessins crayonnés et
annotés avec, en vis-à-vis, un autre volume
downloadModeText.vue.download 140 sur 502
CHRONOLOGIE
139
présentant des agrandissements ainsi que la
transcription de dialogues qui ressemblent à
ceux d’une pièce de théâtre.
De cette intrigue, dont l’idée remonte à 1978,
et qui s’inspire de l’affaire Legros, Hergé
même ne connaissait pas la fin. Un artiste
conceptuel jamaïcain, Ramo Nash (ramonache : radis noir, en bruxellois), a l’idée
de remplacer la peinture par l’écriture et se
met à vendre de grandes lettres de l’alphabet
(d’où le titre). C’est dans ce contexte que Tintin découvre un trafic de faux tableaux de
maîtres. Mal lui en prend, car, à la page 42,
là où l’histoire reste inachevée, il est fait prisonnier par des malfrats, condamné à être
transformé en compression de César et destiné à finir dans un musée. Mais le capitaine
Haddock était prévenu, par Milou bien sûr,
et il restait 20 pages pour le sauver !
Cette incursion dans le monde, peu connu
du grand public, des marchands de tableaux
reflète la profonde mutation qui s’opère chez
Hergé, à partir de 1960 : il change de femme,
déménage, se tourne vers le taoïsme, l’ésotérisme et la psychanalyse et ce casanier, père
du plus célèbre des globe-trotters, se met pour
la première fois à voyager. Il vit sa passion de
néophyte en art contemporain comme une
aventure spirituelle ; lui qui prônait la ligne
claire, simple et réaliste pour la bande dessinée, rejette le figuratif. Ce qui ne l’empêche
pas d’ailleurs de dénoncer dans l’Alph-art les
cuistreries de l’avant-garde, ni d’assimiler le
centre Pompidou à une « raffinerie ».
Outre l’émotion procurée à plusieurs générations d’« orphelins », l’un des principaux
intérêts de cette parution est de nous faire
pénétrer dans les coulisses de la création hergéenne et de nous donner, avec ce trait qui
va directement à l’essentiel, une belle leçon
de dessin.
Les 20 000 premiers exemplaires étant immédiatement épuisés, 60 000 autres sont tout de
suite réimprimés : chiffres impressionnants
pour un brouillon vendu sept fois plus cher
qu’un album normal.
Malgré (ou peut-être à cause ?) de l’anachronisme de cet éternel jeune reporter apparu
en 1929, les ventes totales annuelles ont
quintuplé en 20 ans, atteignant cinq millions
d’exemplaires en 1985.
Jeudi 16
Le prix Nobel de littérature est attribué au
Nigérian Wole Soyinka, premier auteur
africain ainsi couronné.
Le prix Nobel de Sciences économiques est
décerné à l’Américain James McGill Buchanan pour ses travaux sur la théorie des décisions politiques et de l’économie publique.
FRANCE
Relations internationales
! Grande-Bretagne
Justice.
Création d’une section antiterroriste au parquet de Paris. Elle sera dirigée par le juge
Alain Marsaud.
GRANDE!BRETAGNE
Relations internationales.
Rencontre Thatcher-Mitterrand à Londres.
Les entretiens portent essentiellement sur
le sommet de Reykjavik.
Immigration.
Désormais, Indiens, Pakistanais et ressortissants du Bangladesh ne peuvent plus
entrer en Grande-Bretagne sans visa.
LIBAN
Guerre.
Pour la première fois, les Palestiniens
abattent un avion israélien, en utilisant un
missile SAM-7.
downloadModeText.vue.download 141 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
140
SRI LANKA
Troubles.
71 séparatistes tamouls ont trouvé la mort
au cours des affrontements qui les opposent
à l’armée depuis quatre jours.
Vendredi 17
SPORT
Jeux Olympiques.
Le Comité international olympique choisit
les villes de Barcelone, en Espagne et d’Albertville, en France (Savoie), pour accueillir
les Jeux de 1992.
FRANCE
Outre-mer.
Jusqu’au 20, voyage de M. Chirac à la Réunion, à Mayotte et aux Comores.
Industrie spatiale
! RFA
Culture.
Lancement officiel du premier fascicule
de la neuvième édition du Dictionnaire de
l’Académie française.
ESPAGNE
Politique intérieure.
Destitution du chef de la garde civile, le
général Andres Cassinello, qui, dans un
entretien accordé au journal ABC, avait
fermement critiqué les milieux parlementaires, journalistiques, judiciaires ainsi que
les communistes. Son successeur est, pour
la première fois, un civil.
RFA
Espace.
Le gouvernement ouest-allemand décide
de participer au financement du projet
français d’avion spatial habité Hermès, à
concurrence de 30 p. 100 de son coût.
AFRIQUE DU SUD
Terrorisme.
Mme Masabata Loate, qui était l’une des
dirigeantes noires antiapartheid de l’époque
des émeutes de Soweto, est assassinée à
coups de hache et de machette par une
vingtaine de jeunes Bantous qui lui reprochaient son pacifisme et son hostilité déclarée au supplice du collier.
TCHAD
Guerre civile.
Radio-France international diffuse une
déclaration de M. Goukouni Oueddeï,
transmise de Tripoli, la capitale libyenne,
où il s’estime « prisonnier ». Il se dit prêt
à rechercher un compromis avec M. Hissène Habré, qu’il reconnaît implicitement
comme « chef de l’État » pour la première
fois.
Samedi 18
FRANCE
Immigration.
101 Maliens en situation irrégulière sont
envoyés dans leur pays par avion spécialement affrété. SOS-Racisme proteste.
BELGIQUE
Gouvernement.
La crise des Fourons provoque la démission
du ministre de l’Intérieur, M. Charles Ferdinand Nothomb.
Dimanche 19
FRANCE
Vie politique.
M. Guy Penne, conseiller du président pour
les affaires africaines démissionne. Il est
remplacé, le 23, par M. Jean-Christophe
Mitterrand.
downloadModeText.vue.download 142 sur 502
CHRONOLOGIE
141
PORTUGAL
Partis politiques.
Le général Ramalho Eanes, ancien président de la République, prend la tête du
Parti rénovateur démocratique.
URSS
Relations internationales.
Le gouvernement soviétique expulse cinq
diplomates américains accusés d’activités
« non autorisées ». Le 21, les États-Unis
renvoient à leur tour 55 diplomates soviétiques, pour égaliser le nombre des diplomates en poste dans chacun des deux pays.
Le 22, cinq Américains sont encore expulsés d’URSS et ceux qui restent sont privés
de leurs 260 employés soviétiques.
MOZAMBIQUE
Gouvernement.
Le président Samora Machel se tue dans un
accident d’avion, dans le Nord de l’Afrique
du Sud.
Lundi 20
FRANCE
Terrorisme.
13 sympathisants du Mouvement démocratique algérien de M. Ben Bella sont arrêtés,
puis assignés à résidence, le 26. Leur implication dans la vague d’attentats commis en
région parisienne pendant le mois de septembre est invoquée par la police.
Culture.
L’historien Georges Duby, professeur au
Collège de France, est nommé président
de la SEPT, la future chaîne de télévision
culturelle.
Médecine.
Le professeur Étienne-Émile Beaulieu, de
l’INSERM, annonce la mise en évidence de
la production d’hormones sexuelles par le
cerveau.
SAHARA OCCIDENTAL
Le Front Polisario avertit la France que
les opérations de l’armée marocaine pourraient « mettre en péril la vie » des deux
aviateurs français qu’il a capturés le 17. Le
24, ceux-ci sont relâchés à Alger.
Mardi 21
FRANCE
Conflits sociaux.
Grève, inégalement suivie, dans les services
publics.
RDA
! Chine
CHINE
Relations internationales.
Visite officielle de M. Erich Honecker, secrétaire général du Parti communiste et président du Conseil d’État de la République
démocratique allemande.
Mercredi 22
EUROPE
Politique extérieure.
Visite de M. Jonas Savimbi, chef de l’UNITA angolaise, qui est reçu au parlement de
Strasbourg par une centaine de députés européens. À Paris, du 23 au 26, il rencontre
MM. Jacques Chaban Delmas, François
Léotard et Jacques Toubon.
FRANCE
Relations internationales.
Visite officielle de M. Tarek Aziz, vicePremier ministre et ministre des Affaires
étrangères de l’Iraq.
Enseignement.
Invoquant un rapport du docteur Pierre
Magnin, le ministre, M. René Monory,
downloadModeText.vue.download 143 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
142
préconise l’allongement de l’année scolaire
pour permettre un allégement du temps de
travail hebdomadaire.
IRAQ
! France
INDE
Gouvernement.
M. Rajiv Gandhi destitue le ministre de
l’Intérieur, M. Aron Nehru, et prend luimême la responsabilité des questions de
sécurité.
MACAO
Statut.
Le Portugal et la Chine parviennent à un
accord de principe sur l’avenir du territoire,
qui serait annexé par la Chine après 1997,
mais conserverait, comme Hongkong, un
régime administratif spécial.
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Vie politique.
Jean Bédel Bokassa, ancien président et
empereur de Centrafrique, quitte la France
clandestinement et regagne Bangui, où il
est arrêté dès sa descente d’avion (le 23).
Jeudi 23
FRANCE
Politique intérieure.
L’Assemblée nationale adopte le nouveau
découpage électoral, en utilisant la procédure de l’article 49-3 (! 13).
HONGRIE
Commémoration.
30e anniversaire du soulèvement de Budapest. Les autorités refusent toujours de
communiquer le nombre, l’identité et le
lieu d’inhumation des victimes de la répression. Des intellectuels dissidents de
Hongrie, RDA, Pologne et Tchécoslovaquie
signent un manifeste commun appelant à la
lutte pour la démocratie et l’indépendance
des pays de l’Est.
RFA
Attentat à la bombe devant la prison de
Spandau, à Berlin-Ouest, revendiqué par
un « Commando pour la liberté de Rudolf
Hess ».
CHILI
Justice.
Le gouvernement annonce l’arrestation de
cinq terroristes du Front patriotique Manuel
Rodriguez, qui ont avoué être les auteurs de
l’attentat manqué du 7 septembre contre le
général Pinochet.
Vendredi 24
FRANCE
Société.
Le ministre de la Santé, Mme Michèle Barzach, rend public le rapport « Aide aux
mourants » et annonce la création d’unités
de « soins palliatifs » pour les assister.
Emploi.
La CGC refuse de conclure avec le CNPF
l’accord sur les procédures de licenciement,
qui avait déjà été paraphé par la CFDT, FO
et la CFTC.
Télévision.
M. François Léotard autorise la Cinquième
Chaîne à reprendre la diffusion de films.
GRANDE!BRETAGNE
Relations internationales.
À la suite de la mise en cause de la Syrie lors
du procès du terroriste jordanien Hindawi,
accusé d’une tentative d’attentat contre un
avion d’El Al et condamné à 45 ans de détention, le gouvernement de Mme Thatcher
rompt ses relations diplomatiques avec
Damas. Washington rappelle son ambassadownloadModeText.vue.download 144 sur 502
CHRONOLOGIE
143
deur. Le 27, la CEE refuse provisoirement
de sanctionner la Syrie.
Samedi 25
CROIX!ROUGE
Délégations.
Lors de la Conférence internationale de la
Croix-Rouge tenue à Genève, la délégation
d’Afrique du Sud est expulsée. Le CICR
(Comité international de la Croix-Rouge)
déclare alors que cette décision est contraire
aux statuts de l’organisation, ainsi qu’à ses
principes d’universalité et de neutralité.
FRANCE
Danse.
Jusqu’au 21 décembre, organisation d’un
cycle Prokofiev à Paris, inauguré par le ballet Cendrillon, donné à l’Opéra dans une
chorégraphie de Noureïev.
Sport.
À Lyon, Alain Lazare, de Nouvelle-Calédonie, remporte le championnat de France de
marathon.
ESPAGNE
Partis politiques.
Dans le but de participer aux élections du
Parlement européen, un Front national est
créé à l’initiative de M. Blas Pinar, ancien
dirigeant de Fuerza nueva, en présence de
M. Giorgio Almirante, du MSI, et d’un représentant du Front national français.
Terrorisme.
À Saint-Sébastien, le gouvernement militaire de la province et sa femme sont tués
par une bombe de l’ETA.
Dimanche 26
SPORT
Formule 1.
À Adélaïde, Alain Prost remporte le Grand
prix d’Australie, conservant ainsi son titre
de champion du monde.
GRANDE!BRETAGNE
Scandale.
Démission de M. Jeffrey Archer, vice-président du parti conservateur, accusé par
le journal News of The World d’avoir tenté
d’acheter le silence d’une prostituée.
INDE
Immigration.
Les autorités annoncent que 16 immigrés
clandestins ont été tués par les gardes frontières alors qu’ils tentaient de pénétrer au
Pendjab et au Rajasthan.
ÉQUATEUR
Guérilla.
À Quito, M. Arturo Jarrin, chef du mouvement Alfaro Vive, est tué par la police.
Lundi 27
RELIGION
À Assise, le pape Jean-Paul II organise une
rencontre de 200 représentants de toutes les
grandes religions afin de prier pour la paix.
La trêve mondiale demandée par le pape
pour ce jour-là est respectée par quelques
pays.
FRANCE!RFA
Affaires culturelles.
À Francfort-sur-le-Main, MM. Mitterrand
et Chirac participent au sommet franco-allemand, à l’issue duquel un accroissement
des relations culturelles entre les deux pays
est décidé.
downloadModeText.vue.download 145 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
144
Mardi 28
RFA
Terrorisme.
Le chef des services d’immigration de Berlin-Ouest, M. Harald Hollenberg, est grièvement blessé aux jambes par des membres
des Cellules révolutionnaires communistes,
en réponse, semble-t-il, aux restrictions
apportées « au droit d’asile ».
Mercredi 29
FRANCE
Relations internationales.
Le gouvernement annonce la conclusion
d’un accord sur le contentieux financier
avec l’Iran à propos du milliard iranien de
participation à l’EURODIF.
Industrie aéronautique.
M. Serge Dassault est élu P-DG de la société des avions Marcel-Dassault, malgré
l’avis négatif du ministre de la Défense,
M. Giraud.
GRANDE!BRETAGNE
Relations internationales.
La décision de réglementer le droit de
pêche dans un rayon de 150 milles autour
des Malouines provoque l’indignation en
Argentine.
ARABIE SAOUDITE
Gouvernement.
Le roi Fahd destitue le ministre du Pétrole,
le cheikh Yamani, qui est remplacé par
M. Hisham Nazer.
IRAN
! France
INDE
Politique intérieure.
Le Premier ministre, M. Rajiv Gandhi, dénonce l’incurie de 40 années de politique et
d’économie socialistes.
LAOS
Gouvernement.
Le prince Souphanouvong, chef de l’État,
démissionne pour « raisons de santé ».
ARGENTINE
! Grande-Bretagne
Jeudi 30
TCHAD
Guerre.
Dans la région de Zouar, les partisans de
M. Goukouni Oueddeï capturent une compagnie de l’armée libyenne, leur ancienne
alliée.
PÉROU
Justice.
Le président Alan Garcia annonce la
création de tribunaux spéciaux pour les
terroristes.
Vendredi 31
JAPON
Politique économique.
Baisse d’un demi-point du taux d’escompte,
ramené à 3 p. 100, son plus faible niveau
depuis la fin de la guerre. Cette mesure est
suivie d’un accord nippo-américain visant à
stabiliser la parité yen-dollar.
ÉTATS!UNIS
! Japon
Le mois d’Emmanuel
Le Roy Ladurie
3 octobre : des actions d’Usinor-Sacilor sont
annulées par suite d’une décision contestable de l’autorité supérieure. 5 000 Lorrains
perdent 460 millions de francs. « Le principal responsable, c’est l’État », dit l’avocat des
downloadModeText.vue.download 146 sur 502
CHRONOLOGIE
145
victimes. Sans doute... mais cette phrase ne
relève-t-elle pas aussi de la trop facile « imputation au politique », comme la définissait
fort bien Ernest Labrousse, il y a quarante
ans, à propos des prodromes de la Révolution
française ?
3 octobre : un sous-marin nucléaire soviétique est en perdition dans l’Atlantique nord.
Simple et minuscule épisode, logiquement
situé dans une série statistique d’accidents ?
Ou bien signe d’une inadéquation de la technique et des techniciens soviétiques, après
quelques autres catastrophes, sur terre et sur
mer, qui sont à mettre au débit de l’URSS ?
6 octobre : l’Américain Hasenfus, accusé
d’aide aux « Contras », est capturé par les
sandinistes au Nicaragua. Son crime : avoir
soutenu contre un gouvernement légitime
une rébellion armée. Mais comment définir
et justifier la légitimité des régimes révolutionnaires, à tendance marxiste-léniniste ?
Raymond Aron, dans un texte aujourd’hui
oublié ou négligé, parlait à leur propos d’une
« légitimité idéologique » ; il opposait celleci à la classique « légitimité démocratique »
des régimes basés sur une véritable souveraineté populaire, issue d’un vote digne de ce
nom. Jusqu’à quel point Aron prenait-il au
sérieux le concept ambigu (« légitimité idéologique »), qu’il offrait ainsi à la méditation
des lecteurs ?
8 octobre : sympathique rencontre de théologiens chrétiens et d’intellectuels marxistes à
Budapest. Une embellie ? Mais, depuis cette
date, Gorbatchev a déclaré, tout récemment,
dans une Pravda d’Asie soviétique, que l’État
(qu’il dirige) veut toujours faire disparaître
la religion, y compris les dernières survivances d’icelle. Alors qui croire ? Les gentils
congressistes de Budapest ? Ou le leader à la
ferme parole ?
10 octobre : la Fraction armée rouge tue Von
Braunmühl, haut fonctionnaire de la RFA.
Georges Besse périra plus tard à Paris, dans
des circonstances analogues. À quand un
« Plus jamais ça » et des centaines de milliers
de manifestants dans les rues pour stigmatiser ces assassinats, aussi injustes que telle
autre mort est odieuse... ?
11 octobre : en Corse, 26 attentats à l’explosif en moins de vingt-quatre heures. Sur le
continent, on reste indifférent, bien à tort, à
ces « nuits de cristal » insulaires. Louis XV,
quand il « donnait » la Corse à la France au
terme de son règne, n’imaginait pas qu’il annexait ainsi une terre assez différente de ce à
quoi l’avaient habitué les structures ouest-européennes. Aujourd’hui encore, terrorisme,
gangstérisme, vendettisme, clientélisme... et
nationalisme font bon ménage dans cette île,
au détriment d’une majorité pacifique et silencieuse, aux dépens aussi d’une élite locale
dont toute une partie choisit d’émigrer et de
faire carrière sur le continent.
20 octobre : embargo sur divers investissements américains en Afrique du Sud. Mais
le blé des fermiers du Middle West continue
de couler à grands flots vers l’URSS, pays
largement aussi oppressif que le régime de
M. Botha. Alors, deux poids et deux mesures ? Doit-on appliquer l’embargo à tous les
systèmes qui bafouent gravement les droits
de l’homme ? Ou renoncer à ce sabre de bois
des sanctions, qui n’est tranchant que sur son
côté droit ?
EMMANUEL LE ROY LADURIE
downloadModeText.vue.download 147 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
146
Novembre
Samedi 1er
FRANCE
Terrorisme.
À Paris, dans la nuit du 30 octobre au
1er novembre, une bombe explose dans les
locaux de la compagnie d’aviation Minerve.
Quelques minutes plus tard, une autre explosion détruit les bureaux de l’Office national de l’immigration. Les deux attentats
sont revendiqués par Action directe.
BULGARIE
Catastrophe.
17 personnes sont tuées par une explosion
au combinat chimique de Devnya, près de
Varna.
SUISSE
Environnement.
À Muttenz, près de Bâle, un incendie détruit un entrepôt des laboratoires Sandoz,
dont les produits chimiques se déversent
dans le Rhin.
L’agonie du Rhin
Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, un violent incendie se déclare dans
l’entrepôt 956 des usines chimiques Sandoz
de Muttenz, dans la banlieue de Bâle.
Pendant quelques heures, un nuage nauséabond, mais non toxique, survole la cité suisse
et la ville haut-rhinoise de Saint-Louis. Alors
que la population est en état d’alerte, les
eaux de ruissellement ayant servi à éteindre
l’incendie, chargée de produits toxiques, se
déversent lentement dans le Rhin, qui se
colore en rouge. Le 7, une deuxième vague
polluante, provoquée par une rupture de canalisation et composée d’un fongicide à base
de mercure, déferle dans le fleuve. Au total,
1 246 tonnes de produits chimiques sont répandues dans le Rhin : 824 tonnes d’insecticides, dont du disulfloton et du thiomeron,
71 tonnes d’herbicides et 39 tonnes de fongicides, dont 12 d’un composé extrêmement
dangereux à base d’hydroxyde de mercure.
Cette catastrophe écologique, qui provoque
la mort immédiate de centaines de milliers
d’anguilles, menace aussi la faune, la flore
et les micro-organismes. Les prévisions les
plus pessimistes envisagent la mort du fleuve
pour les 20 années à venir.
Sur le passage de l’immense nappe rouge, qui
atteint Bonn le 7, Cologne le 8 et les PaysBas le 9, les écluses et les vannes se ferment,
les stations de pompage pour l’alimentation
en eau potable sont arrêtées ainsi que des
brasseries allemandes. La pêche est interdite
pendant six mois.
Sur les rives la colère gronde. Le 9, à Bâle,
5 000 personnes manifestent contre Sandoz,
accusé de négligence : l’entrepôt 956 n’était
pas équipé pour stocker des produits toxiques
et abritait des matières dangereuses dont
l’usage est interdit en Europe. Longtemps
considéré comme un égout pour les industriels, le Rhin commençait à revivre grâce
aux efforts entrepris pour restaurer le milieu
biologique. On attendait même le retour des
saumons au printemps prochain.
Dimanche 2
SPORT
Tennis.
Le premier Open de Paris est remporté par
l’Allemand Boris Becker.
IRLANDE
Partis politiques.
Après la décision du Sinn Féin de renoncer à sa politique abstentionniste au Parlement de Dublin, plus de 130 des membres
de ce parti, lié à l’IRA, fondent le Sinn Féin
downloadModeText.vue.download 148 sur 502
CHRONOLOGIE
147
républicain, sous la direction de Daithi
O’Coneill.
LIBAN
Otages.
L’Américain David Jacobsen, qui avait été
enlevé le 28 mai 1985, est libéré par le Djihad islamique.
TUNISIE
Politique intérieure.
Lors des élections législatives, le parti socialiste destourien remporte la totalité des
125 sièges. Tous les candidats de l’opposition s’étaient retirés. Le 5, le président
Bourguiba reconduit son gouvernement.
ÉTATS!UNIS
! Liban
Lundi 3
PAKISTAN
Troubles.
Le couvre-feu est instauré à Karachi, où
de violentes émeutes opposent, depuis le
31 octobre, des Pathans à la population
locale. Plus de 44 personnes sont tuées et
300 autres blessées. Des affrontements intercommunautaires semblables ont lieu à
Hyderabad.
MOZAMBIQUE
Gouvernement.
Le comité central du FRELIMO élit M. Joaquin Alberto Chissano président de la République, en remplacement de Samora Machel, décédé accidentellement le 19 octobre.
Mardi 4
EST!OUEST
À Vienne, ouverture de la troisième Conférence sur la sécurité en Europe (CSCE), qui
réunit 35 pays européens ainsi que le Canada et les États-Unis. À cette occasion, le
ministre soviétique des Affaires étrangères,
M. Chevardnadze, rencontre son homo-
logue américain, M. George Shultz. Le 6, un
second entretien se solde par un constat de
désaccord entre les deux pays sur le problème du désarmement en Europe.
FRANCE
Audiovisuel.
M. Gabriel de Broglie est élu à la tête de la
Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), qui remplace la
Haute Autorité, dont les activités cessent le
13.
RFA
Communication.
En rachetant la maison d’édition américaine
Doubleday et après la prise de contrôle de la
société RCA (Radio Corporation of America), Bertelsmann devient le premier groupe
international de la communication.
LIBAN
Guerre civile.
À Beyrouth, depuis le 29 octobre, de violents combats opposent les forces d’Amal
aux Palestiniens du camp de Bourj el-Barajneh. Une soixantaine de personnes sont
tuées par les bombardements.
ÉTATS!UNIS
Politique intérieure.
Lors des élections, le parti démocrate reprend le contrôle du Sénat, en remportant
55 sièges, contre 45 au parti républicain de
M. Ronald Reagan. Il accentue sa majorité
à la Chambre des représentants en gagnant
sept sièges.
Californie.
Le projet instituant l’anglais langue officielle
de l’État est adopté par référendum.
Mercredi 5
EUROPE
À Strasbourg, les 21 ministres de l’Intérieur européens se réunissent pour mettre
downloadModeText.vue.download 149 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
148
au point un plan de lutte contre le terrorisme. À cette occasion, Malte adhère à la
convention européenne pour la répression
du terrorisme signée en 1977. M. Robert
Pandraud annonce que la France la ratifiera
prochainement.
FRANCE
Défense.
Le Conseil des ministres adopte la loi de
programmation militaire (1987-1991).
Approuvé par le président François Mitterrand, ce projet privilégie le développement de l’armement nucléaire stratégique,
en particulier celui des sous-marins lancemissiles. Le 13, il est adopté par l’Assemblée
nationale.
ROUMANIE
Justice.
Directeur de l’Institut des Nations unies
pour la recherche sur le désarmement,
M. Liviu Bota est accusé d’espionnage
par les autorités de son pays. Celles-ci lui
avaient interdit de regagner Genève en décembre 1985.
Jeudi 6
FRANCE
Relations internationales.
! Espagne
Culture.
L’Académie française décerne son Grand
Prix du roman à Pierre-Jean Rémy pour
Une ville immortelle (Albin Michel) et le
prix Paul-Morand à Jean Orieux pour l’ensemble de son oeuvre. Le prix du cinéma est
attribué au metteur en scène Alain Resnais.
ESPAGNE
Relations internationales.
À l’occasion de la visite de M. Jacques Chirac
à Madrid, M. Felipe Gonzales confirme l’excellence des relations entre les deux pays.
Le même jour, sept Basques espagnols sont
expulsés de France. Ils avaient été interpellés la veille, lors de la découverte d’une
importante cache d’armes à Hendaye.
ITALIE
Industrie.
Annonce du rachajt par Fiat de la firme
automobile d’État Alfa-Romeo.
Samedi 8
ALGÉRIE
Troubles.
À Constantine, une manifestation d’étudiants et de lycéens, protestant contre les
conditions de vie et d’enseignement, dégénère en violentes émeutes, qui se poursuivent jusqu’au 10. Le centre-ville est dévasté et quatre manifestants sont tués. Les
12, 13 et 15, 186 personnes sont condamnées à des peines de prison, tandis que des
manifestations semblables se déroulent à
Sétif.
Dimanche 9
SPORT
Voile.
33 navigateurs solitaires quittent Saint-Malo pour la troisième Route du rhum.
FRANCE
Cyclisme.
En participant à un cyclocross dans son village breton de Quessoy, Bernard Hinault fait
officiellement ses adieux à la compétition.
ÉGYPTE
Gouvernement.
Le Premier ministre, M. Ali Loutfi, est remplacé par M. Atef Sedki, qui forme un nouveau gouvernement le 11.
downloadModeText.vue.download 150 sur 502
CHRONOLOGIE
149
Lundi 10
CEE
À Londres, les ministres des Affaires étrangères des Douze, à l’exception de celui de la
Grèce, se prononcent pour des sanctions
limitées contre la Syrie (24 oct.).
URSS
Viatcheslav Molotov, ancien bras droit de
Staline, meurt à Moscou, à l’âge de 96 ans.
Politique économique.
Alors que s’ouvre à Moscou le sommet du
COMECON, consacré essentiellement aux
problèmes de l’intégration économique des
pays de l’Est, M. Vladimir Kamentser est
nommé à la tête de la Commission d’État
pour l’économie extérieure. Cet organisme,
créé le 24 septembre, est chargé de procéder à d’importantes réformes du commerce
extérieur.
SYRIE
! CEE
BANGLADESH
Politique intérieure.
Le chef de l’État, le général Mohammed
Ershad, lève la loi martiale et remet en
vigueur la Constitution, suspendue depuis
1982.
JAPON
Relations internationales.
Visite officielle de trois jours du chef de
l’État des Philippines, Mme Cory Aquino, à
laquelle le gouvernement octroie une aide
financière.
PHILIPPINES
! Japon
Mardi 11
SPORT
Squash.
À Toulouse, lors des championnats du
monde, le Néo-Zélandais Ross Norman
enlève au Pakistanais Jahangir Khan le titre
qu’il détenait depuis cinq ans.
FRANCE
Terrorisme.
À Paris et à la Défense, trois attentats à
l’explosif, revendiqués par Action directe,
provoquent d’importants dégâts matériels
dans les locaux des firmes Peugeot, Total et
Péchiney-Ugine-Kuhlmann.
Commémoration.
À Longueval, dans la Somme, le président
d’Afrique du Sud, M. Pieter Botha, inaugure
un musée dédié aux soldats sud-africains
morts au cours des deux guerres mondiales. Quelques centaines de manifestants
antiapartheid sont dispersés par les forces
de police. Lors de son séjour, qui a été l’objet de rassemblements de protestations le 6,
M. Botha est accueilli par le sous-préfet de
la Somme, M. Guy Fontanelle.
Otage.
! Liban
IRAQ!IRAN
Conflit.
L’aviation iraqienne bombarde les installations pétroléochimiques de BandarKhomeyni, au sud de l’Iran.
LIBAN
Otages.
Deux Français, MM. Marcel Coudari et Camille Sontag, qui avaient été enlevés respectivement le 27 février et le 7 mai derniers,
sont libérés par l’Organisation de la justice
révolutionnaire et conduits à Damas.
downloadModeText.vue.download 151 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
150
CORÉE DU SUD
Opposition.
L’un des principaux opposants au régime,
M. Kim Dae Jung, est placé en résidence
surveillée.
AFRIQUE DU SUD
! France
AMÉRIQUE
À Guatemala Ciudad, les pays membres
de l’Organisation des États américains
adoptent une résolution soutenant la position de l’Argentine face à la décision de
la Grande-Bretagne d’étendre sa zone de
pêche autour des îles Malouines.
Mercredi 12
FRANCE
Politique intérieure.
Le Conseil des ministres adopte le projet de
loi de réforme du Code de la nationalité, qui
comporte de légères modifications par rapport au précédent, après l’avis négatif émis
par le Conseil constitutionnel. M. François
Mitterrand exprime son désaccord.
Vie politique.
Première réunion constitutive du Conseil
national de la gauche, nouvelle organisation promue par M. Lionel Jospin le 29 juin
dernier.
Relations internationales
! Guinée
SUISSE
Environnement.
À Zurich, lors d’une réunion des quatre
ministres de l’Environnement des pays
riverains du Rhin, la Confédération helvétique s’engage à appliquer la législation
communautaire en matière de stockage de
substances toxiques et à financer la remise
en état du Rhin.
AFGHANISTAN
Conflit.
Un rapport présenté à l’ONU fait état de
l’utilisation récente d’armes chimiques, de
bombes au napalm ou au phosphore, par
l’armée soviétique.
GUINÉE
Relations internationales.
Le chef de l’État français, M. François Mitterrand, arrive à Conakry pour une brève
visite officielle, qui confirme la relance de la
coopération entre les deux pays.
Jeudi 13
FRANCE
Relations internationales
! Afrique
Économie.
En rachetant le secteur agrochimique
d’Union Carbide, Rhône-Poulenc se place
au troisième rang mondial de l’industrie
agrochimique.
Prisons.
Le Conseil d’État s’oppose au projet de
M. Albin Chalandon, Garde des Sceaux, qui
prévoit de confier la construction et la gestion de 15 000 places dans les prisons à des
entreprises privées. Le 17, les gardiens de
prisons protestent contre le projet par une
grève des écrous (! 19).
Variétés.
Le fantaisiste Thierry Le Luron, qui avait
parodié la plupart des hommes politiques
et des vedettes du spectacle, meurt à Boulogne, Hauts-de-Seine, à l’âge de 34 ans.
URSS
Désarmement.
À l’occasion d’une visite en Finlande, le
secrétaire du PC, M. Ligatchev, annonce
une réduction des armements nucléaires
soviétiques dans le secteur de la Baltique,
notamment sur la péninsule de Kola.
downloadModeText.vue.download 152 sur 502
CHRONOLOGIE
151
IRAN
! États-Unis
PHILIPPINES
Troubles.
Président du parti de gauche du Bayan et
principal dirigeant syndical, M. Rolando
Olalia est assassiné. Le 14, 5 000 militants
de gauche réclament la démission du ministre de la Défense M. Juan Ponce Enrile,
qu’ils rendent responsable du meurtre. Le
20, plusieurs dizaines de milliers de manifestants participent aux obsèques à Manille.
AFRIQUE
À Lomé (Togo), 39 chefs d’État ou de gouvernement africains, ainsi que M. François
Mitterrand et M. Jacques Chirac, assistent
à l’ouverture du treizième sommet francoafricain, qui se tient jusqu’au 15. Les débats portent essentiellement sur le conflit
tchadien.
ÉTATS!UNIS
Ventes d’armes.
Des armes pour
les ayatollahs
Le 2 novembre, la libération de l’Américain
David Jacobsen par le Djihad islamique déclenche dans la presse américaine une série
de révélations, qui laissent entendre que cet
élargissement a été négocié contre l’envoi
d’armes à l’Iran par les États-Unis.
Le 3 novembre, un hebdomadaire libanais, alChiraa, annonce que M. Robert McFarlane,
ancien conseiller du président Ronald Reagan, a effectué une visite secrète à Téhéran. Le
4 novembre, jour des élections américaines, le
président du Parlement iranien, M. Hachemi
Rafsandjani, confirme ce voyage.
Le 10 novembre, à Copenhague, le secrétaire
général du syndicat des marins, M. Henrik
Berlau, indique que neuf transports d’armements américains au moins ont été effectués
cette année par des cargots danois à partir
de ports européens et israéliens dont celui
d’Eilat, vers le port iranien de Bandar Abbas
Le 13 novembre, M. Ronald Reagan reconnaît que des négociations secrètes ont été engagées avec des éléments modérés du régime
iranien, par l’intermédiaire de M. Robert
McFarlane et que de « petites quantités »
d’armes ont été livrées à Téhéran. Le président américain dément que ces tractations
aient été nouées pour obtenir la libération
des otages du Liban.
Le 25 novembre, l’attorney général des États-
Unis, M. Edwin Meese, dévoile qu’une partie
du paiement effectué par l’Iran a été détournée au profit des Contras nicaraguayens, au
moment où le Congrès avait interdit toute
aide militaire aux guérilleros. L’amiral John
Poindexter, patron du Conseil national de
sécurité (NSC), démissionne, tandis que son
collaborateur, M. Oliver North, impliqué
dans le détournement de fonds, est limogé.
Le NSC a conçu et organisé les fournitures
militaires à Téhéran depuis le 14 septembre
1985, avant que M. Ronald Reagan ne signe,
le 17 janvier 1986, un ordre secret autorisant les livraisons d’armes. M. Edwin Meese
confirme également le rôle d’intermédiaire
joué par les dirigeants israéliens, qui reconnaissent avoir fait transférer du matériel
militaire au régime de Khomeyni. Le 28 novembre, le président du Parlement iranien,
M. Hachemi Rafsandjani, se félicite d’avoir
« jeté le trouble aux États-Unis ».
Cette affaire remet en question la politique
étrangère américaine dans son ensemble et la
crédibilité de M. Ronald Reagan, qui affirme
avoir été tenu à l’écart de nombreuses manoeuvres effectuées par le SNC au sein même
de la Maison-Blanche. À la fin du mois, les
sondages indiquent une chute spectaculaire
de 23 points de la popularité du président
américain.
downloadModeText.vue.download 153 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
152
Vendredi 14
FRANCE
Emploi.
La population de Decazeville organise une
opération « bassin mort » pour la défense
de la sidérurgie.
IRAQ!IRAN
Conflit.
Un missile iranien touche un quartier résidentiel de Bagdad (7 morts, 63 blessés).
SYRIE
! États-Unis
TCHAD
Conflit.
Alors que, dans le nord du pays, l’aviation
libyenne bombarde des positions du GUNT
de M. Goukouni Oueddeï, M. Hissène Habré s’entretient, à Lomé, avec le chef de l’État
français, M. François Mitterrand. La France
décide de livrer des armes supplémentaires
à M. Hissène Habré, pour soutenir la lutte
des Tchadiens du Nord contre la Libye.
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
Le gouvernement prend, à rencontre de la
Syrie, une série de sanctions, qui prévoient
notamment la restriction du personnel diplomatique et des échanges commerciaux.
Samedi 15
FRANCE
! Mali
ESPAGNE
À Melilla, les commerçants musulmans
lancent une grève de trois jours pour protester contre la politique du gouvernement
espagnol à l’égard de la communauté islamique qui, le 10, s’est prononcée en faveur
d’un rattachement au Maroc (! 22).
IRLANDE DU NORD
Troubles.
À Belfast, 200 000 protestants unionistes
manifestent à l’occasion du premier anniversaire de l’accord anglo-irlandais, rattachant l’Ulster à la République d’Irlande.
Les manifestants, qui attaquent des établissements catholiques, se heurtent aux
forces de l’ordre ; 2 personnes sont tuées,
71 sont blessées et 91 autres sont arrêtées.
Mme Thatcher réitère sa détermination à
maintenir l’accord.
NOUVELLE!CALÉDONIE
Troubles.
À Thio, un jeune Caldoche est tué au
cours de violents affrontements entre indépendantistes et militants du RPCR de
M. Jacques Lafleur. Le couvre-feu est instauré dans la région, qui est quadrillée par
450 gendarmes, et 18 membres du FLNKS
sont écroués. À Paris, M. Jacques Chirac
annule son entretien prévu avec M. JeanMarie Tjibaou, qui sera reçu par M. Bernard Pons, le 17.
MALI
Relations internationales.
Lors de sa visite à Bamako, le président
François Mitterrand promet d’octroyer
une aide supplémentaire au gouvernement
malien.
BRÉSIL
Vie politique.
Lors des élections législatives, nette victoire
du parti du mouvement démocratique brésilien, confirmant le succès de la politique du
président José Sarney.
NICARAGUA
Justice.
Inculpé de terrorisme et de violation de la
sécurité publique, le « marine » américain
Eugène Hasenfus est condamné à 30 ans de
détention (! 6 oct.).
downloadModeText.vue.download 154 sur 502
CHRONOLOGIE
153
Dimanche 16
ASIE
À Bangalore, au sud de l’Inde, le sommet
de l’Association sud-asiatique pour la coopération régionale réunit, jusqu’au 17, l’Inde,
le Pakistan, le Bangladesh, le Bouthan,
le Népal, les Maldives et le Sri Lanka, qui
décident de mettre en place un secrétariat
permanent à Katmandou. Au cours des
discussions, le Premier ministre indien,
M. Rajiv Gandhi, tente de relancer les négociations entre le gouvernement sri lankais et les séparatistes tamouls, qui refusent
l’autonomie proposée.
FRANCE
Justice.
Principal accusé de l’affaire du Carrefour du
développement, M. Yves Chalier se livre à la
justice et est écroué à la prison de la Santé.
SRI LANKA
! Asie
Lundi 17
CEE
À Bruxelles, les ministres des Finances
adoptent une directive libérant les transactions sur les titres financiers à l’intérieur
du Marché commun, à partir du 1er février
1987.
FRANCE
Politique extérieure.
Annonce de la signature d’un accord partiel
avec l’Iran, sur le règlement du contentieux
financier d’Eurodif. Un premier acompte
est versé deux jours plus tard.
Relations internationales.
! Burkina Faso
Terrorisme.
Le P-DG de la régie Renault, M. Georges
Besse, est assassiné à Paris. L’attentat est revendiqué par Action directe et le commando Pierre Overney. Les portraits de deux
militants du groupe terroriste, suspectés
du meurtre, sont placardés dans toute la
France.
Lettres.
Le prix Goncourt est attribué à Michel
Host pour son deuxième roman Valet de
nuit (Grasset) ; le prix Renaudot à Christian Giudicelli pour Station balnéaire
(Gallimard).
URSS
Politique économique.
Au cours de la session du Soviet suprême
(jusqu’au 19), adoption de la loi sur le travail individuel, qui autorise les activités privées commerciales et artisanales.
IRAN
! France
BURKINA FASO
Relations internationales.
Le président François Mitterrand arrive à
Ouagadougou, pour un voyage officiel de
48 heures. C’est la première visite d’un chef
d’État français depuis 1972.
ARGENTINE
Politique extérieure.
Le gouvernement fait une offre de paix à la
Grande-Bretagne à propos du conflit des
Malouines et se déclare prêt à négocier le
sort des îles, à condition que le RoyaumeUni annule son projet de zone de pêche
protégée (! 11).
Mardi 18
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II entame son plus long
voyage à l’étranger, qui le conduit au Bangladesh (19-20), à Singapour (20), aux îles
Fidji (21), en Nouvelle-Zélande (22-24), en
Australie (24-29) et enfin aux Seychelles
downloadModeText.vue.download 155 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
154
le 1er décembre. C’est le 32e déplacement
international du pape depuis son élection.
ATLANTIQUE
Voile.
La Marine nationale abandonne les recherches entreprises pour retrouver Loïc
Caradec, dont le maxi-catamaran Royale a
fait naufrage au cours de la Route du Rhum.
La radio et la balise Argos de son bateau ne
répondaient plus depuis le 12.
FRANCE
Politique intérieure.
Le Conseil constitutionnel valide le nouveau projet de loi concernant le redécoupage électoral.
Politique économique.
Le ministre de l’Économie et des Finances,
M. Edouard Balladur, annonce une réforme
du crédit aux particuliers et aux entreprises,
ainsi qu’un nouvel assouplissement du
contrôle des changes.
Conflits sociaux.
L’Opéra de Lille licencie ses 46 musiciens et
26 choristes.
CHINE
Espace.
Conclusion avec une société américaine
d’un accord pour le lancement d’un satellite
de télécommunication par la fusée chinoise
Longue Marche.
TCHAD
Conflit.
Le chef du Conseil démocratique de la
révolution, Acheikh Ibn Omar, est nommé
président du GUNT, en remplacement de
M. Goukouni Oueddeï, toujours détenu en
Libye.
Mercredi 19
FRANCE
Société.
L’Assemblée nationale adopte le projet de
loi de Mme Michèle Barzach relatif à la
famille, dont l’objectif est de favoriser la
naissance du troisième enfant.
Prisons.
Le Conseil des ministres adopte le projet de
privatisation des prisons de M. Albin Chalandon. Le président François Mitterrand le
désapprouve (! 13).
POLOGNE
Syndicalisme.
Annonce, à Bruxelles, de l’affiliation de
Solidarité à la Confédération internationale
des syndicats libres (CISL) et à la Confédération mondiale du travail (CMT).
NICARAGUA
Politique intérieure.
L’Assemblée nationale adopte une Constitution, la première depuis l’arrivée des sandinistes au pouvoir.
Jeudi 20
ONU
L’Assemblée générale condamne le raid
américain sur Tripoli du 15 avril dernier
par 79 voix contre 28.
FRANCE
Lettres.
Le premier Grand Prix de la francophonie de l’Académie française est décerné
au poète libanais d’expression française
Georges Schéhadé.
Photographie.
Dans le cadre du Mois de la photo, qui est
l’occasion d’une centaine d’expositions
dans divers lieux publics de la capitale, le
grand prix du Mois est décerné à Sebastiao
Salgado.
downloadModeText.vue.download 156 sur 502
CHRONOLOGIE
155
AFGHANISTAN
Politique intérieure.
M. Babrak Karmal démissionne de ses
fonctions de président du Conseil révolutionnaire. Le 23, il est remplacé, à titre provisoire, par M. Mohammed Tsamkani.
IRAN
Politique extérieure.
L’ayatollah Khomeyni dénonce toute idée
de rapprochement avec les États-Unis et
condamne les dirigeants iraniens favorables à l’ouverture de négociations avec
Washington.
IRAQ!IRAN
Conflit.
En l’espace de quelques heures, l’aviation
iraqienne lance une quinzaine de raids sur
les villes d’Islamabad, de Bakhataran et surtout d’Ahwaz, où 84 personnes trouvent la
mort. Le 23, Islamabad et Bakhataran sont
de nouveau bombardées ; 112 personnes
sont tuées.
Vendredi 21
FRANCE
Relations internationales.
Paris, lors du 11e sommet franco-britannique, Mme Margaret Thatcher, qui est
reçue par M. François Mitterrand et par
M. Jacques Chirac, qualifie les relations
entre les deux pays d’« entente cordiale à
son plus haut niveau ».
Politique intérieure.
À l’Assemblée nationale, les députés
adoptent le projet de loi portant sur la ratification de l’Acte unique européen.
CEE : l’acte unique
Le 21 novembre, les députés français ratifient, par 498 voix sur 577, le projet d’Acte
unique européen, portant sur la révision du
traité fondateur de la Communauté économique européenne, le traité de Rome. Seuls
les parlementaires communistes votent
contre, tandis que les élus du Front national ainsi que quelques gaullistes, conduits
par M. Michel Debré, refusent de participer
au scrutin, estimant que le projet « met en
cause l’indépendance et la souveraineté de la
France ».
Élaboré par les pays membres du Marché
commun depuis le Conseil européen de Milan en juin 1985, ce texte de 66 pages a été
signé le 17 février dernier à Luxembourg par
neuf États. Les trois autres à savoir le Danemark, l’Italie et la Grèce, qui ont émis des
réserves, l’ont paraphé onze jours plus tard
à La Haye.
L’objectif prioritaire de l’Acte unique est de
réaliser, avant le 31 décembre 1992, une
harmonisation des législations des Douze,
première étape vers l’instauration définitive du grand marché intérieur, espace sans
frontière, où circuleront librement les marchandises, les personnes les services et les
capitaux. La mise en oeuvre d’une politique
étrangère commune et le renforcement de la
cohésion économique et monétaire parachèveront l’intégration européenne. Outre un
accroissement des compétences de la CEE
aux domaines de la monnaie, de l’environnement et de la technologie, le texte accorde
au Parlement des pouvoirs renforcés. Pour
atteindre ces objectifs les processus de décisions seront accélérés et améliorés par le remplacement, dans la plupart des cas, du vote à
l’unanimité par celui à la majorité qualifiée.
Déjà ratifié par la plupart des États membres
dont le Danemark, l’Italie, la Belgique et la
Grande-Bretagne, l’Acte unique devrait être
adopté par tous les autres pays avant la fin
de l’année et entrer en vigueur dès le 1er janvier 1987.
downloadModeText.vue.download 157 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
156
Sciences.
Au centre expérimental de la Comex à
Marseille, début de l’opération Hydra VI,
destinée à tester un nouveau mélange respiratoire composé d’oxygène, d’hélion et
d’hydrogène.
Huit plongeurs sont enfermés, jusqu’au
23 décembre, dans un caisson soumis à une
pression équivalent à une profondeur de
520 mètres.
GRANDE!BRETAGNE
! France
BRÉSIL
Politique économique.
Le gouvernement lance un nouveau plan de
redressement économique, baptisé Cruzado 2, qui prévoit une hausse importante des
tarifs publics, des voitures et de l’essence.
Le même jour, la monnaie est dévaluée de
0,26 p. 100. Le 27, à Brasilia, importantes
manifestations contre la nouvelle politique
du gouvernement.
Samedi 22
FRANCE
Universités.
Réunis à la Sorbonne, les étudiants ap-
pellent à la grève générale et demandent
le retrait du projet de loi de M. Alain
Devaquet.
ESPAGNE
À Melilla, 7 000 musulmans manifestent
pour réclamer des droits civiques identiques à ceux de la population européenne.
Plus des trois quarts des 20 000 habitants
musulmans de l’enclave sont considérés
comme apatrides (! 15).
ALGÉRIE
Armée.
Le chef d’état-major, le général Mostefa
Benloucif, est démis de ses fonctions et remplacé par le général Abdallah Belhouchet.
PHILIPPINES
Troubles.
Une tentative de coup d’État militaire est
déjouée par le chef d’état-major, le général
Fidel Ramos. Le lendemain, Mme Cory
Aquino obtient la démission de l’ensemble
du gouvernement ; le ministre de la Défense, M. Juan Ponce Enrile, est immédiatement remplacé par le général Rafael Ileto
(! 13).
Dimanche 23
FRANCE
Manifestations.
À Paris, répondant à l’appel de la FEN,
près de 200 000 enseignants et hommes
politiques de gauche manifestent pour la
défense de l’école.
AUTRICHE
Vie politique.
Lors des élections législatives, le parti
socialiste, au pouvoir depuis seize ans, ne
remporte que 80 sièges contre 90 précédemment et le parti populiste conservateur
77 contre 81. Le parti libéral progresse de
4,6 p. 100 avec 18 élus, tandis que 9 députés
des Verts font leur entrée au Parlement.
ITALIE
Manifestations.
À Turin, 30 000 personnes répondent à
l’appel du Mouvement pour la libération fiscale de M. Sergio Gabbi et protestent contre
les « taxes iniques ».
Lundi 24
FRANCE
Économie.
Début de la première opération de
sation avec la mise sur le marché
étranger de 28 millions d’actions
downloadModeText.vue.download 158
privatifrançais et
de Saintsur 502
CHRONOLOGIE
157
Gobain, représentant la totalité des actions
détenues par l’État.
Lettres.
Le prix Femina est attribué à René Belletto pour l’Enfer (POL) et le prix Médicis
à Pierre Combescot pour les Funérailles de
la sardine (Grasset). Le Femina étranger est
décerné à Torgny Lindgren pour Bethsabée
(Actes Sud), tandis que John Hawkes reçoit
le Médicis étranger pour Aventures dans le
commerce des peaux en Alaska (Seuil).
Sciences.
Le chimiste Alain Horeau est élu président
de l’Académie des sciences.
ARABIE SAOUDITE
Gouvernement.
Interdiction est signifiée au cheikh Yamani
de quitter le territoire (! 29 oct.).
LIBAN
Guerre civile.
Dans le sud du pays, au terme de violents
combats, des combattants palestiniens s’emparent du village de Magdouché, place forte
d’Amal. Depuis le 29 octobre, des combats
intermittents opposent les miliciens chiites
aux Palestiniens autour des camps de Bourj
el-Barajneh, à Beyrouth, d’Aïn Heloué, près
de Saïda, et de Rachidiyeh, près de Tyr ;
170 personnes ont été tuées et 718 blessées
(! 28).
AFRIQUE DU SUD
Économie.
Deuxième banque commerciale d’Afrique
du Sud, la Barclays décide de cesser ses activités dans le pays.
Mardi 25
FRANCE
Outre-mer.
Dans la nuit du 24 au 25, la Guadeloupe est
le théâtre d’une série d’attentats à l’explosif.
Deux jours plus tard, de nouvelles explosions portent à une vingtaine le nombre des
attentats, dont aucun n’a été revendiqué.
URSS
! Inde
ABU DHABI
Raid aérien.
Des avions non identifiés bombardent
la plate-forme pétrolière d’Abou alBoukhouche, située à 150 km au large de
l’émirat ; 5 personnes sont tuées et 27 blessées. L’Iraq et l’Iran se rejettent la responsabilité de l’attaque.
INDE
Relations internationales.
Le gouvernement célèbre avec faste l’arrivée du dirigeant soviétique M. Mikhaïl
Gorbatchev, qui effectue un voyage officiel
de quatre jours. Les deux pays décident
d’accroître leur coopération économique et
évoquent le problème de la paix nucléaire.
Mercredi 26
FRANCE
Politique économique.
En adoptant l’ordonnance sur la liberté des
prix et de la concurrence, qui prendra effet
le 1er janvier 1987, le Conseil des ministres
met fin au contrôle des prix en vigueur de-
puis 1945.
RFA
Justice.
Inculpés dans l’attentat commis le 29 mars
contre le siège de la Société germano-arabe
de Berlin-Ouest, les ressortissants jordaniens Farouk Salameh et Ahmed Hasi sont
condamnés respectivement à 13 et 14 ans
de prison. Le second est le frère de Nezar
Hindawi (24 oct.). Le jugement évoque
l’implication de la Syrie, mais sans pouvoir déterminer « à quel niveau politique »
(! 27).
downloadModeText.vue.download 159 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
158
ÉMIRATS ARABES UNIS
Transports.
Inauguration du pont de l’Amour qui, sur
une longueur de 25 km, relie l’île de Bahreïn à l’Arabie Saoudite.
IRAQ!IRAN
Conflit.
En représailles contre l’attaque par l’aviation iraqienne du tunnel pétrolier de Larak,
situé dans le détroit d’Ormuz, l’Iran lance
un missile sur Bagdad pour la troisième
fois en 12 jours ; 48 personnes sont tuées
et 52 blessées.
LIBAN
L’ONU décide de réduire le contingent français de la FINUL de 1 380 à 520 hommes,
qui seront stationnés au quartier général de
Nakoura. La raison invoquée est l’impossibilité pour les Casques bleus de remplir
leur mission dans l’extrême-sud du Liban.
Jeudi 27
RFA
Politique extérieure.
Le gouvernement prend des sanctions modérées à rencontre de la Syrie : trois diplomates sont expulsés et l’aide économique
est suspendue. Damas réplique en rappelant son ambassadeur et en renvoyant trois
diplomates allemands (! 26).
SYRIE
! RFA
PHILIPPINES
Guerre civile.
Un accord de cessez-le-feu est signé entre
le gouvernement et la guérilla communiste. D’une durée de 60 jours, la trêve doit
prendre effet à partir du 10 décembre.
Vendredi 28
FRANCE
Audiovisuel.
Publication au Journal officiel du dernier
texte de loi de M. François Léotard sur la
liberté de l’audiovisuel, concernant la limitation des concentrations dans les médias.
LIBAN
Guerre civile.
Malgré la conclusion d’un cessez-le-feu
à Damas, les combats chiito-palestiniens
redoublent, notamment à Beyrouth autour
des camps de Bourj el-Barajneh et de Chatila (! 24).
ÉTATS!UNIS
Défense.
Avec la mise en service d’un 131e bombardier B-52 équipé de douze missiles de croisière, les USA dépassent le plafond prévu
par les accords Salt-2.
Samedi 29
FRANCE
Catholicisme.
À Port-Marly, Yvelines, 800 traditionalistes
occupent l’église Saint-Louis.
CORÉE DU SUD
Troubles.
À Séoul, de violents affrontements opposent
les forces de l’ordre à des étudiants et à des
opposants, qui tentent de participer à une
manifestation interdite. 70 000 policiers anti-émeutes procèdent à 1 937 arrestations.
Dimanche 30
ESPAGNE
Pays basque.
Lors des élections au Parlement régional,
le parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE)
remporte une légère victoire sur le parti
nationaliste basque avec 18 sièges contre
downloadModeText.vue.download 160 sur 502
CHRONOLOGIE
159
17. Cependant, les divers partis nationalistes obtiennent 70 p. 100 des voix.
ITALIE
Médecine.
À Naples, naissance du premier bébééprouvette européen, dont le sexe a été programmé lors de sa fécondation in vitro. La
technique consiste à séparer, par une force
centrifuge, les spermatozoïdes porteurs de
chromosomes XY, plus légers, de ceux porteurs de XX.
PORTUGAL
Partis politiques.
Le Mouvement démocratique portugais
(MDP) met fin à l’Alliance du peuple uni
qu’il formait avec le parti communiste.
TAIWAN
Troubles.
27 policiers sont blessés et 33 voitures de
police sont incendiées au cours de violentes
échauffourées entre les forces de police et
des manifestants, rassemblés à l’aéroport
de Taipeh pour accueillir deux dissidents,
MM. Hsu Hsin-liang et Hsieh Tsung-min
exilés aux États-Unis. Ceux-ci avaient annoncé leur retour, mais l’autorisation d’entrée leur avait été refusée.
Cinéma : Cary Grant
Une des dernières stars d’Hollywood,
l’acteur américain Cary Grant est mort le
30 novembre à Davenport, Iowa, à l’âge de
82 ans.
D’origine britannique, Alexandre Archibald
Leach naît dans une famille modeste de
Bristol le 18 janvier 1904. À l’âge de 15 ans,
il s’engage dans une troupe d’acrobates avec
laquelle, en 1920, il découvre New York pour
la première fois. En 1925, remarqué par un
producteur de théâtre américain, il quitte
définitivement l’Angleterre pour la scène de
Broadway, où il joue, danse et chante dans
des comédies musicales. En 1942, il obtient
la nationalité américaine.
En 1929, son premier essai au cinéma est
un échec, mais, en 1932, Casy Robinson lui
offre son premier rôle important dans Singapore Sue. Cary Grant signe un contrat
avec la Paramount. C’est le début d’une
étonnante carrière, l’une des plus réussies du cinéma, qui s’achève en 1966 dans
Rien ne sert de courir de Charles Walters.
En 35 années, Cary Grant tourne 72 films
sous la direction des plus grands maîtres
de Georges Cukor à Alfred Hitchcock, en
passant par Howard Hawks, Frank Capra,
Leo McCarey et Raoul Walsh et en compagnie des plus grandes vedettes féminines
dont Katharine Hepburn, Ingrid Bergman,
Ginger Rogers et Grâce Kelly. Sa silhouette
impeccable et décontractée, son élégance
naturelle et son charme souriant ont fait
de lui un véritable mythe et le symbole de
l’éternelle jeunesse.
Excepté quelques compositions dramatiques (Sylvia Scarlett, Seuls les anges ont
des ailes, Cas de conscience), il est avant
tout le séducteur charmant et misogyne des
grands classiques de la comédie américaine
(l’Impossible M. Bébé, Arsenic et vieilles
dentelles, Allez coucher ailleurs, Chérie,
je me sens rajeunir, Opérations jupons...),
jusqu’à sa rencontre avec Alfred Hitchcock,
en 1941. En quatre films (Soupçons, les Enchaînés, la Main au collet et la Mort aux
trousses), le cinéaste britannique découvre
et met en valeur l’ambiguïté inquiétante de
l’acteur.
En 1970, alors que, retiré des studios Cary
Grant se consacre aux affaires sa carrière
est couronnée par un César honorifique. Il
est mort alors qu’il préparait, sur la scène
du théâtre Adler de Davenport, un spectacle
tournant autour de son personnage, intitulé
Conversation avec Cary Grant.
downloadModeText.vue.download 161 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
160
Le mois d’Hector
Bianciotti
Je ne suis pas sûr que la photographie soit
un art, surtout quand elle se prend pour
tel. L’art plastique, quand il prend appui
sur une photographie, peut être cependant
très étonnant, surtout dans le cas d’artistes
comme Joël-Peter Witkin, qui exposait à la
galerie Baudouin Lebon, ou Pascal Kern
chez Zabriskie, lors de ce Mois de la photo
1986. Mais lorsqu’on s’approche de cette photographie élaborée, on regrette ce qu’elle a
d’intact, ce coup de pinceau du peintre que
l’oeuvre entière semblait promettre. Je crois
davantage à la photo comme à un art de
capture de gestes, de moments, de lumières ;
je crois aussi que la photo peut surprendre
des instants d’une personne qui sont révélateurs, qui montrent un regard que nous
n’avions jamais vu, ou bien qu’elle peut donner à voir une obsession que quelqu’un avait
dévoilée verbalement sans qu’on y crût tout
à fait. Giacometti, par exemple, avait toujours dit que son ambition était de rendre un
visage tel quel. Mais il griffonnait tellement,
il faisait tant de cercles avec son crayon ou
son pinceau ! Un tel écheveau de lignes sur
le visage jetait pour moi un soupçon sur ses
propos et sa recherche. Et c’est l’exposition
photographique sur Giacometti, au centre
culturel suisse, où l’on trouvait des photographies anonymes et aussi des Cartier-Bresson
ou des Doisneau, qui m’ont convaincu qu’il
n’y avait pas la moindre rupture entre ce que
Giacometti disait chercher sans le trouver et
son oeuvre.
Celui qui a vu la photographie de CartierBresson où le photographe a surpris le peintre
en train de marcher et l’a capté dans l’attitude d’une de ses sculptures, comme s’il en
était l’ombre portée, peut se dire deux choses.
Pour ce qui est de Giacometti, c’est absolument vrai qu’il cherchait, au-delà de l’esthétique, à traduire la vérité de la chose – en
l’occurrence du mouvement. Pour ce qui est
de la photographie, j’y trouve une garantie de
l’idée que j’en ai : une capture. Le Jury, dont
je faisais partie, avec Anna Fàrovà, Valerio
Adami, Charles-Henri Favrod, sous la présidence de Samuel Fuller, a décerné le prix de
la meilleure exposition du Mois de la photo à
cette exposition sur Giacometti D’autre part,
nous avons accordé le grand prix du Mois de
la photo au photographe Sebastiao Salgado
pour l’exposition « Autres Amériques » à la
maison de l’Amérique latine. Le prix « découverte » n’ayant pas été attribué, le jury
a décidé d’accorder un prix spécial à Dieter
Appelt qui exposait ses « Travaux récents » à
la galerie 666. Nous avons voulu rendre hommage aussi bien à Appelt qu’à cette galerie
qui, depuis sa création en 1980, se consacre à
promouvoir les recherches nouvelles.
HECTOR BIANCIOTTI
downloadModeText.vue.download 162 sur 502
CHRONOLOGIE
161
Décembre
Lundi 1er
FRANCE
Criminalité.
Lionel Cardon comparaît devant la cour
d’assises de Bordeaux pour le meurtre des
époux Aran (11 octobre 1983). Interrompu
le 2 par une tentative de suicide de l’accusé,
le procès reprend le 10. Le 14, Lionel Cardon est condamné, pour la deuxième fois, à
la réclusion criminelle à perpétuité, assortie
d’une peine de sûreté de 18 ans.
CULTURE
En compagnie de MM. Chirac et Giscard
d’Estaing, le président Mitterrand inaugure
le musée d’Orsay, consacré à l’art du XIXe s. ;
l’ouverture au public a lieu le 9.
Télévision.
Modeste début de Paris-Câble pour une
centaine de foyers. L’autorisation d’émettre,
accordée pour 6 mois et reconductible, a
été donnée par la CNCL le 28 novembre.
30 000 foyers sont déjà câblés dans les 13e,
14e et 15e arrondissements.
INDE
Troubles.
3 000 hindous manifestent à New Delhi,
après le massacre la veille, au Pendjab, de
24 des leurs par des terroristes sikhs. Le 2,
les hindous attaquent les quartiers sikhs
de la capitale. Le 5, on dénombre 7 morts
et 11 blessés après une recrudescence des
violences.
Mardi 2
ONU
! Nouvelle-Calédonie
FRANCE
Scandale.
Dans l’affaire du Carrefour du développement, le contrôleur général de la police,
Jacques Delebois, fait l’objet de la 14e inculpation. Il est accusé d’avoir fourni le « vrai
faux passeport » qui a permis à Yves Chalier de quitter le territoire national.
Culture.
Le prix Interallié est décerné à Philippe
Labro pour l’Étudiant étranger (Éd. Gallimard) ; le prix Chateaubriand à Jean Raspail pour l’ensemble de son oeuvre, à l’occasion de la publication de Qui se souvient des
hommes (Éd. Robert Laffont).
ESPAGNE
Vie politique.
La démission du président de l’Alliance
populaire, M. Manuel Fraga Iribarne, met
fin à la crise qui affecte la droite espagnole
depuis plusieurs mois.
NOUVELLE!CALÉDONIE
Statut.
L’Assemblée générale des Nations unies
affirme « le droit de la Nouvelle-Calédonie
à l’indépendance » dans une résolution demandant la réinscription de l’île sur la liste
des territoires ayant vocation à redevenir
indépendants. Le 3, la France condamne
cette ingérence de l’ONU au nom de sa souveraineté nationale.
ÉTATS!UNIS
Crise de pouvoir à Washington après les
révélations sur les ventes d’armes à l’Iran.
La popularité de M. Reagan subit une chute
spectaculaire. Ce dernier décide de révéler la vérité sur les ventes d’armes et sur le
financement clandestin des contras nicaraguayens. Il demande la nomination d’un
procureur spécial indépendant pour tirer
les conclusions judiciaires des enquêtes en
cours.
downloadModeText.vue.download 163 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
162
Mercredi 3
FRANCE
Justice.
Aux assises de Paris, ouverture du procès
de trois membres d’Action directe, Régis
Schleicher, Claude et Nicolas Halfen, accusés des meurtres des deux policiers tués au
cours de la fusillade du 31 mai 1983, avenue Trudaine, à Paris. Inquiétés par les menaces de Régis Schleicher, quatre jurés font
défection, ce qui entraîne, le 8, le report du
procès.
Logement.
Dans la nuit du 2 au 3, l’Assemblée nationale adopte définitivement la loi Méhaignerie qui tend « à favoriser l’investissement
locatif et l’accession à la propriété des logements sociaux ». La loi entre en vigueur le
25.
Santé.
Le Conseil des ministres adopte le projet
de réforme hospitalière de Mme Michèle Barzach, marqué par le retour de la possibilité
pour les médecins hospitaliers d’exercer des
activités libérales au sein de l’hôpital public.
Énergie.
Signature du contrat qui prévoit l’achat de
gaz des gisements de Troll et de Sleipner
(Norvège) par GDF. (6 milliards de m3 par
an).
Jeudi 4
FRANCE
Administration.
Suppression de la « troisième voie » d’accès
à l’ENA, réservée aux syndicalistes et représentants d’associations. Seuls les étudiants
et les fonctionnaires pourront désormais
accéder à l’École.
Audiovisuel.
La CNCL nomme cinq nouveaux présidents
pour l’audiovisuel public : MM. Roland
Faure à Radio France ; Claude Contamine à
Antenne 2 ; René Han à FR 3 ; Jean-Claude
Michaud à Radio France Outremer ; Henri
Tézenas du Montcel à RFI.
Culture.
Élection de M. Jean-Louis Curtis à l’Académie française, au fauteuil de Jean-Jacques
Gautier.
Les étudiants
et les réformes
Le conflit étudiant, qui agite la France
entière, du 4 au 6 décembre particulièrement, trouve son origine à la mi-novembre,
à quelques jours du débat à l’Assemblée nationale sur la réforme universitaire proposée
par le ministre, Alain Devaquet.
À partir du 17, de nombreux lycées et plusieurs universités sont en grève. Le 23,
200 000 personnes environ manifestent à
Paris, à l’appel de la FEN et du PS, « pour
l’avenir de la jeunesse » et contre la politique
scolaire et universitaire du gouvernement.
Le 27, ce sont 200 000 étudiants et lycéens à
Paris, 400 000 en province, qui manifestent
contre la réforme Devaquet. Le 28, le projet
de loi est renvoyé en commission par décision
de M. Chirac, après un début de discussion à
l’Assemblée nationale. Le 4 décembre, encore,
300 000 étudiants manifestent à Paris entre
la Bastille et les Invalides et 300 000 en province ; il y a 200 blessés. Pressé de retirer le
projet Devaquet, M. René Monory, ministre
de l’Éducation, refuse, mais il accepte, le 5,
de retirer les trois points qui sont à l’origine
du conflit et qui concernent les critères d’accueil à l’université, les droits d’inscription,
les diplômes nationaux. De nouvelles manifestations ont lieu dans la soirée du 5 ; un
étudiant de 22 ans, Malik Oussekine est tué
pendant la nuit.
Le 6, M. Devaquet démissionne et M. Monory assume seul la responsabilité de la réforme
downloadModeText.vue.download 164 sur 502
CHRONOLOGIE
163
universitaire. Le 8, M. Chirac décide de retirer totalement le projet Devaquet, initiative
qui répond à la demande d’une partie de sa
majorité et à celle de M. Mitterrand, formulée dès le 3.
Dans l’après-midi du 10, 125 000 personnes
à Paris et 200 000 personnes en province
manifesteront encore contre les violences
policières du 5, qui ont conduit à la mort de
Malik Oussekine. Les partis de gauche et les
syndicats notamment la CGT, se sont joints
au cortège. Des manifestations de soutien
ont lieu dans plusieurs pays européens, et des
délégations étrangères sont présentes dans les
défilés parisiens.
COLOMBIE
Faits divers.
À Bogota, un ingénieur tue 29 personnes,
en blesse 15 autres avant d’être abattu par
la police. Il s’agit d’une des plus sanglantes
tueries perpétrées par un homme seul.
Samedi 6
TAIWAN
Élections législatives.
Le KMT (Kouomintang, ou Guomindang,
parti nationaliste), au pouvoir depuis 1949,
conserve sa majorité, mais accuse un certain recul, provoqué par l’étonnant score
du DPP (parti démocratique progressiste,
d’opposition), créé illégalement en septembre 1986, qui recueille 24 p. 100 des
suffrages.
Dimanche 7
FRANCE
Terrorisme.
Gilbert Vecchi, complice d’Action directe,
arrêté le 3, fournit tous les détails sur l’attentat du 9 juillet 1986 contre la Brigade de
répression du banditisme, quai de Gesvres,
à Paris, et confirme que l’auteur de cet attentat est bien Max Frérot.
Lundi 8
SPORT
Tennis.
En battant en finale l’Allemand de l’Ouest
Boris Becker, le Tchécoslovaque Ivan Lendl
remporte le tournoi des Masters pour la
quatrième fois.
FRANCE
Conflits sociaux.
Jusqu’au 20, grève des navigants de la marine marchande.
URSS
! Afghanistan
AFGHANISTAN
Guerre.
Kandahar, la deuxième ville du pays, est
bombardée par deux Mig ; le dernier bilan
fait état de 450 morts ; les autorités soviétiques déclarent que ce bombardement est
accidentel.
INDE
Troubles.
La publication dans un journal d’un texte
jugé offensant pour la communauté musulmane provoque deux journées d’émeutes à
Bangalore ; on compte 17 morts, 100 blessés, 150 arrestations.
ZAMBIE
Troubles.
Dans les villes du nord du pays, début
d’émeutes de la faim qui durent une huitaine de jours ; les magasins sont pillés ;
le calme revient après l’arrestation de
450 personnes.
downloadModeText.vue.download 165 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
164
Mardi 9
FRANCE
Justice.
La chambre d’accusation de la cour d’appel
de Nancy rejette le non-lieu de Christine
Villemin, estimant suffisantes les charges
retenues à son encontre, et la renvoie devant la cour d’assises ; Christine Villemin se
pourvoit en cassation (! 15).
Paris.
Le XIXe siècle
entre en gare...
En gare d’Orsay, oeuvre de l’architecte
Victor Laloux († 1937), qui avait été inaugurée en 1900, à l’occasion de l’Exposition
universelle.
Son édification en face du Louvre avait choqué les Parisiens Avec l’abandon partiel du
trafic ferroviaire à la veille de la Seconde
Guerre mondiale, l’édifice était devenu entrepôt, parking théâtre, hôtel des ventes.
Née alors l’idée de créer un musée avait
été ensuite longuement et laborieusement
concoctée. Le local séduisait, avec sa salle
longue de 140 m et sa voûte transparente
culminant à plus de 30 m. Chargée de l’aménagement intérieur, l’architecte italien Gae
Aulenti a traité le volume fastueux qui lui
était confié de manière à réaliser un ensemble fonctionnel. Les sobres compartimentages assument leurs fonctions entre un vieux
décor bien caché et les oeuvres exposées, ses
contemporaines approximatives. Il s’agit là
d’un exemple type de la muséographie d’aujourd’hui qui isole ce qui doit être considéré
en soi. Le peintre Georges Mathieu a jugé
sévèrement le cadre : « un mélange de métro
de Moscou et de tombeau égyptien ». Les
salles d’exposition et les réserves du Louvre,
du Palais de Tokyo et du Jeu de Paume, ainsi
que divers dépôts ont fourni la plus grande
partie du fonds. Mais les dons les dations et
les legs de toutes origines n’ont pas manqué
et continuent d’approvisionner le musée qui
doit couvrir un champ artistique très étendu
dans l’espace, sinon dans le temps.
L’époque visée s’étend de la Révolution de
1848 au début de la Première Guerre mon-
diale, limites du XIXe siècle triomphant. Elle
permet de réhabiliter totalement certains
peintres artistes naguère brocardés, à présent réinstallés sur les cimaises mais le nom
de « pompier » est sur toutes les lèvres. La
sculpture est la plus objectivement présente :
elle se mêle à la foule, la rencontre, l’oblige à
s’y heurter. Comme la peinture, elle est d’une
remarquable diversité, du classicisme au
romantisme tardif, divers délires aux évocations morales ou politiques qui peuvent faire
songer à un certain réalisme socialiste...
Le département des Arts décoratifs fait
triompher les versions XIXe des thèmes et des
styles d’un passé plus lointain : de la céramique au meuble, l’inspiration a été cherchée dans tous les temps et tous les pays, ou
presque. Enfants du siècle, la photographie et
le cinéma se sont fait ouvrir toutes grandes
les portes du musée, que le président de la
République inaugure ce 9 décembre.
Mercredi 10
FRANCE
Relations internationales.
Visite officielle de trois jours du président
égyptien Hosni Moubarak, la première depuis son accession à la présidence.
Culture.
Au Centre Pompidou, à Paris, rétrospective
sur le Japon des avant-gardes (1910-1970),
consacrée aux arts plastiques, à l’architecture, à la musique et au cinéma nippons de
cette période (jusqu’au 2 mars 1987).
downloadModeText.vue.download 166 sur 502
CHRONOLOGIE
165
URSS
Dissidents.
On apprend le décès, après 20 ans d’internement, de l’écrivain soviétique dissident
Anatoli Martchenko, cofondateur en 1976
du groupe de surveillance de l’application
des accords d’Helsinki.
ÉGYPTE
! France
ÉTATS!UNIS
Vente d’armes.
Selon les déclarations de M. George Shultz,
la contra anti-sandiniste au Nicaragua aurait bénéficié du produit des ventes d’armes
américaines à l’Iran.
Jeudi 11
OTAN
Relations Est-Ouest.
Jusqu’au 12, à Bruxelles, réunion des ministres des Affaires étrangères des 16 pays
membres de l’Alliance atlantique pour leur
session d’hiver. Ceux-ci proposent une
négociation sur la réduction des armes
conventionnelles.
FRANCE
Conflits sociaux.
À l’AFP, vote d’une grève contre le plan de
restructuration proposé par le P-DG Henri
Pigeat. Les journalistes reprennent le travail le 18, après la démission de ce dernier.
Incendies de forêt.
En comité interministériel restreint, adoption d’un plan de lutte contre les incendies
de forêt ; celui-ci comporte notamment
l’institution d’une taxe sur les allumettes et
briquets, qui devrait rapporter 50 millions
de francs en 1987.
Culture.
Au Grand Palais, à Paris, exposition « le
Prodige saoudien » sur l’histoire de l’Arabie
Saoudite (jusqu’au 21).
ARABIE SAOUDITE
! France
INDE
Territoires.
L’Arunachal Pradesh, situé aux confins de
l’Inde, de la Birmanie et du Tibet et revendiqué par la Chine, devient le 24e État de
l’Union indienne. La Chine proteste.
TCHAD
Conflit.
Offensive libyenne à Bardaï, capitale du Tibesti et fief de Goukouni Oueddeï, l’ancien
chef du GUNT, actuellement détenu à Tripoli. Alors que les combats s’intensifient, la
France fait savoir qu’elle n’envisage pas d’intervenir au nord du 16e parallèle (! 17).
SURINAM
Guérilla.
Le gouvernement accuse la France de préparer une invasion de son territoire, via la
Guyane française, en favorisant l’opposition armée, dirigée par Ronnie Brunswijk,
ancien garde du corps du président Desi
Bouterse. Le Surinam demande la convocation du Conseil de sécurité des Nations
unies.
Vendredi 12
FRANCE
Justice.
Au terme de deux années d’instruction, les
docteurs Diallo et Archambeau, les deux
anesthésistes de Poitiers inculpés d’assassinat sur la personne de Nicole Berneron,
downloadModeText.vue.download 167 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
166
décédée en cours d’opération le 30 octobre
1984, sont déférés en cour d’assises.
Scandale.
Dans l’affaire du « Carrefour du développement », l’affirmation que le « vrai faux passeport » d’Yves Chalier lui aurait été remis
par M. Pasqua débouche sur une campagne
contre le ministre de l’Intérieur.
RDA
Catastrophes.
Un biréacteur Tupolev-134 de l’Aeroflot
s’écrase à Berlin-Est, à la suite d’une erreur
de pilotage ; le bilan est de 70 morts.
BRÉSIL
Société.
Première grève générale depuis mars 1985 :
les Brésiliens entendent protester contre le
nouveau plan de rigueur économique, justifié par le paiement de la dette extérieure.
Samedi 13
TURQUIE
Réfugiés.
Le Bulgare Naim Shalamanov, le plus grand
haltérophile actuel, enfui de Melbourne
(Australie) à l’occasion d’une compétition
sportive, obtient l’asile politique en Turquie
dont sa famille est originaire et où il s’était
réfugié.
TUNISIE
Justice.
M. Habib Achour, ancien secrétaire général
de la centrale syndicale UGTT, qui purge
actuellement une peine de trois ans de prison, est condamné à quatre années d’emprisonnement supplémentaires pour complicité d’abus de confiance et de mauvaise
gestion de la société touristique Amilcar,
propriété de l’UGTT (! 12 janv.).
Dimanche 14
FRANCE
Économie.
M. Balladur publie les résultats de la première privatisation, celle de Saint-Gobain,
qu’il qualifie de « réussite exemplaire » :
1 547 044 Français sont devenus actionnaires, détenant à eux seuls 50 p. 100 du
capital.
Prisons.
Dans la nuit du 13 au 14, à la prison de
Pau (Pyrénées-Atlantiques), spectaculaire
évasion de deux terroristes basques d’Iparretarak, Gabriel Mouesca et Marie-France
Hégui, aidés par quelques-uns des leurs
déguisés en gendarmes, qui prennent le directeur de la prison et sa famille en otages.
SUÈDE
Terrorisme.
Dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat
d’Olof Palme, cinq Kurdes sont interrogés
par les policiers, convaincus d’une responsabilité du parti communiste kurde dans cet
assassinat.
PAKISTAN
Troubles.
À Karachi, le conflit ethnique entre Mohajirs et Pachtous fait 56 morts et 300 blessés
au cours de violents affrontements. Le gouvernement démissionne le 20, pour permettre un remaniement ministériel.
Lundi 15
FRANCE
Terrorisme.
À Provins (Seine-et-Marne), M. Alain Peyrefitte, ancien garde des Sceaux, échappe
à un attentat à la voiture piégée, perpétré,
estime-t-on, par Action directe. M. Serge
downloadModeText.vue.download 168 sur 502
CHRONOLOGIE
167
Langet, employé de mairie, qui tentait de
faire démarrer la voiture, est tué sur le coup.
Société.
Lors des Troisièmes Journées annuelles
d’éthique, tenues jusqu’au 16, le gouvernement approuve la proposition du Comité
national consultatif d’arrêter pendant 3 ans
les recherches sur les manipulations génétiques de l’embryon.
Affaire Villemin.
Pendant la nuit, Christine Villemin, qui
vient d’apprendre son renvoi en cour d’assises, tente de se suicider (! 9).
VIÊT!NAM
Le 6e congrès
Le sixième congrès du parti communiste
vietnamien se tient à Hanoi du 15 au 18 décembre. Cette réunion, à laquelle assistent
pour la première fois quelques journalistes
occidentaux, marque une évolution importante au sein des instances dirigeantes du
parti. Le 17, les trois principaux responsables
du pays, derniers compagnons historiques
d’Hô Chi Minh, abandonnent les fonctions
qu’ils occupaient au bureau politique, officiellement en raison de « leur état de santé
et de leur âge avancé » ; M. Pham Van Dông
(80 ans), Premier ministre depuis 1955,
M. Lê Doc Tho (76 ans), principal idéologue,
et M. Truong Chinh (79 ans), secrétaire général du parti depuis le décès de M. Lê Duan
le 10 juillet dernier, sont nommés « conseillers » du comité central.
Cette démission simultanée fait suite à
une grave crise économique et politique.
Rendu responsable de la faillite du plan de
réformes décidées en juin 1985, le vice-Premier ministre pour les Affaires économiques,
M. Tran Phuong, est limogé le 3 février tandis que six ministres chargés des secteurs clés
de l’économie sont relevés de leurs fonctions
le 21 juin. Cet échec fait l’objet, depuis le
début de l’année, d’une vaste campagne d’autocritique. Situé dans une région en pleine
expansion, le Viêt-nam est devenu l’un des
pays les plus pauvres du monde, accablé
par la corruption, les pénuries, la malnutrition et une démographie galopante. Le
taux d’inflation atteint 700 p. 100 par an,
le chômage touche entre 4 et 6 millions de
travailleurs, les réserves en devises sont pratiquement nulles. Le FMI et la Banque asiatique de développement refusent d’accorder
de nouveaux crédits à un pays dont la dette
extérieure s’élève à 6,17 milliards de dollars,
tandis que les pays occidentaux ont suspendu
leur assistance depuis l’invasion du Cambodge en 1978. L’URSS, principal bailleur
de fonds avec une aide de 1,750 milliard de
dollars par an, a menacé, en octobre, de suspendre son soutien, si aucune amélioration
n’était apportée à la gestion économique.
Le 18, la nomination à la tête du parti de
M. Nguyen Van Linh, chef de file des « réformateurs », confirme la victoire des militants
d’une ligne modérée face aux « anciens »,
partisans d’un communisme pur et dur.
PACIFIQUE SUD
Nucléaire.
L’URSS est le premier pays à signer le traité
de dénucléarisation de cette partie du globe.
TRINITÉ ET TOBAGO
Élections législatives.
Écrasante victoire de l’Alliance nationale
pour la reconstruction (NAR), le parti de
l’opposition modérée, au détriment du
Mouvement national du peuple (PNM),
le parti du Premier ministre sortant,
M. George Chambers.
downloadModeText.vue.download 169 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
168
Mardi 16
CEE
Agriculture.
À Bruxelles, après plus d’une semaine de
discussions, les ministres de l’Agriculture
de la Communauté signent un accord qui
prévoit une réduction de 8,5 p. 100 en 2 ans
de la production de lait, et une baisse de
10,5 p. 100 du prix d’intervention de la
viande bovine. Des aménagements agrimonétaires favorables à la France sont également effectués.
FRANCE
Syndicats.
Élu à une forte majorité, M. François Périgot succède à M. Yvon Gattaz à la tête du
CNPF.
Danse.
À Lausanne (Suisse), pendant la nuit du 15
au 16, mort de Serge Lifar, danseur et chorégraphe d’origine russe.
URSS
Politique intérieure.
L’un des derniers fidèles de Leonid Brejnev, M. Dinmouhammed Kounaev, chef
du parti communiste du Kazakhstan, est
mis à la retraite. Il est remplacé par un
Russe, M. Gennadi Kolbine ; les 17 et 18, à
Alma-Ata, cette décision suscite de graves
émeutes à caractère nationaliste ; à l’issue
d’affrontements avec les forces de police, on
relève plusieurs morts.
Mercredi 17
FRANCE
Politique extérieure
! Tchad
Conflits sociaux.
Début d’une longue série de grèves avec des
arrêts de travail à EDF.
Terrorisme.
À Aulnay-sous-Bois, en banlieue parisienne, découverte par la DST d’un important stock d’armes, à la disposition, estimet-on, du terrorisme arabe. Cinq arrêts
d’expulsion sont prononcés le 24.
Industrie.
Le Conseil des ministres entérine la nomination de M. Raymond Lévy, ancien
P-DG d’Usinor, à la présidence de la Régie
Renault.
MOZAMBIQUE
Otages.
La Résistance nationale du Mozambique,
l’opposition armée au régime du FRELIMO, libère 57 otages, et 8 autres le 22.
NIGERIA
Économie.
Un accord autorisant le rééchelonnement
de la dette du Nigeria est conclu avec le club
de Paris.
TCHAD
Conflit.
Dans la nuit du 16 au 17, M. Hissène Habré
ayant pressé la France de lui porter secours
après l’attaque libyenne du 11, une intervention française « exceptionnelle » d’aide aux
habitants du Tibesti a lieu sous la forme de
parachutages de vivres, de carburant et de
munitions (! 11 et 19).
Jeudi 18
FMI
M. Michel Camdessus, gouverneur de la
Banque de France, est élu directeur.
SPORT
Automobile.
M. Jean-Marie Balestre démissionne de la
présidence de la Fédération internationale
de sport automobile (FISA).
downloadModeText.vue.download 170 sur 502
CHRONOLOGIE
169
FRANCE
Conflits sociaux.
Grève des guichetiers de la SNCF et de certains conducteurs de Paris-Nord, ainsi qu’à
Air-Inter et dans les ports.
Société.
M. Mitterrand refuse de signer l’ordonnance sur l’aménagement du temps de travail. Le 20, le texte, transformé en amendement, est adopté par l’Assemblée nationale.
Économie.
M. Balladur fait connaître le calendrier des
prochaines privatisations : Paribas, TF1,
Havas, CCF, BIMP, BTP, AGF. Il annonce
en même temps le retrait définitif pour la
fin du mois de la nouvelle pièce de 10 F.
Justice.
Adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi de M. Chalandon qui permet le
jugement des actes terroristes par une cour
spéciale, composée de magistrats professionnels. Cette mesure permet de faire obstacle aux éventuelles pressions sur les jurés,
comme celles effectuées au cours du procès
d’Action directe, au début du mois.
Équipement.
M. Mitterrand inaugure le tronçon
Bourg-en-Bresse-Sillans de l’autoroute
Mâcon-Genève.
GRANDE!BRETAGNE
Armement.
Le gouvernement conclut un marché avec
la firme américaine Boeing pour son avionradar Awacs, au détriment de l’équivalent
britannique Nimrod.
NICARAGUA
Le pilote américain Eugen Hasenfus, capturé le 6 octobre, est gracié par le président
Daniel Ortega et libéré.
Vendredi 19
FRANCE
Culture.
À Figeac (Lot), inauguration du musée
Champollion par M. François Mitterrand.
URSS
Dissidents.
Assigné à résidence à Gorki depuis janvier 1980, le physicien Andreï Sakharov est
autorisé à revenir à Moscou, où il arrive le
23, et à reprendre ses activités à l’Académie
des sciences. Elena Bonner obtient aussi le
droit de résider à Moscou.
LIBAN
Conflit.
À Tripoli et dans la région, attaque de
postes syriens par des milices du « mouvement de l’unification islamique ». La riposte
syrienne fait plusieurs centaines de morts.
CHINE
Société.
Des dizaines de milliers d’étudiants manifestent dans plusieurs grandes villes,
notamment à Shanghai puis à Canton,
exigeant une accélération des réformes promises par Deng Xiaoping. Le mouvement,
qui s’étend à Pékin le 23, dure jusqu’à la fin
du mois.
TCHAD
Conflit.
La jonction s’effectue entre les troupes de
Hissène Habré et de Goukouni Oueddeï,
qui remportent une victoire contre les Libyens à Bardaï (! 17).
Samedi 20
OPEP
Les 13 ministres de la conférence de l’OPEP
réunis à Genève s’accordent pour revenir
downloadModeText.vue.download 171 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
170
au système des prix fixes, abandonné depuis un an.
RFA
Société.
À Hambourg, de violents affrontements
entre squatters et policiers font plus de
120 blessés.
Dimanche 21
FRANCE
Société.
Réouverture des « restaurants du coeur » de
Coluche. 60 000 repas par jour sont prévus
jusqu’au printemps.
Terrorisme.
Vague d’attentats en Haute-Corse.
URSS
! Nicaragua
IRAQ!IRAN
Conflit.
Un raid de l’aviation iraqienne sur Bakhtaran, au nord-ouest de l’Iran, provoque
80 morts environ. Le 22, une centaine
d’autres Iraniens au moins sont tués à
Islamabad-Gharb lors d’une opération
analogue.
LIBAN
Violent bombardement du camp de Chatila par des chars de fabrication soviétique.
Dans les jours qui suivent, les combats s’in-
tensifient entre miliciens chiites d’Amal et
Palestiniens.
CUBA
Dissidents.
Grâce aux démarches du Premier ministre
espagnol Felipe Gonzalez, le dissident
cubain Gutierrez Menoyo est libéré après
21 ans passés en prison. Il gagne Madrid.
NICARAGUA
L’URSS annonce officiellement une aide de
300 millions de dollars (pétrole, matières
premières, machines) pour 1987.
Lundi 22
FRANCE
Conflits sociaux.
Après un week-end affecté par un arrêt de
travail des cheminots, le personnel de la
RATP se met en grève à son tour, tandis
que le mouvement se durcit à la SNCF et
dans les ports. Les propositions de la SNCF,
qui accepte de négocier sur les salaires, sont
jugées insuffisantes par les syndicats. Le 23,
le gouvernement se dit résolu à ne pas céder
aux grévistes. Le 25, une suspension « provisoire » de la grève intervient à la RATP.
INDE
Troubles.
Trente immigrés bengalais sont assassinés
par les indépendantistes du Tripura.
BURKINA FASO
Guerre.
Fin de la « guerre de l’Agacher » contre le
Mali, qui, depuis le 25 décembre 1985, a
fait une centaine de morts. Un arrêt de la
Cour internationale de justice de La Haye
partage la bande de terrain de l’Agacher en
attribuant 40 p. 100 du territoire au Mali.
MALI
! Burkina Faso
CANADA
Francophonie.
La cour d’appel du Québec autorise l’affichage bilingue dans la province.
ARGENTINE
Justice.
Approbation par le Sénat du projet de loi
visant à mettre fin aux procédures judiciaires contre les militaires coupables de
downloadModeText.vue.download 172 sur 502
CHRONOLOGIE
171
violations des droits de l’homme pendant la
dictature.
Mardi 23
FRANCE
Justice.
Par ordonnance du juge d’instruction Gilles
Boulouque, Georges Ibrahim Abdallah, chef
des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), est renvoyé devant la cour
d’assises de Paris.
TURQUIE
Syndicats.
À l’issue du procès de la DISK, la puissante
centrale syndicale de gauche, entamé en
1981, 264 syndicalistes sont condamnés à
des peines de un à quinze ans de prison.
ÉTATS!UNIS
Espace.
L’appareil expérimental Voyager réussit le
premier tour du monde en avion sans escale et sans ravitaillement après 42 000 km
de vol durant 9 jours, à 3 000 m d’altitude.
L’avion, qui atterrit sur la base d’Edwards
(Californie), gagne même un jour sur l’horaire prévu.
Mercredi 24
FRANCE
Jeux.
M. Pasqua autorise la réouverture pour un
an du casino Ruhl, à Nice, fermé depuis le
4 janvier 1982.
URSS
Catastrophes.
Un coup de grisou provoque un certain
nombre de morts dans la mine de charbon
de Yasinovskaïa-Gloubokaïa, dans la région
de Donetsk (Ukraine).
IRAQ!IRAN
Conflit.
Violente offensive iranienne, sous le nom
de code « Kerbala 4 », visant à s’emparer de
la ville industrielle de Bassorah, au sud de
l’Iraq. Les assaillants sont repoussés et l’île
d’Oum al-Rassas, assiégée, est libérée par
les troupes iraqiennes. Le bilan serait de
plusieurs dizaines de milliers de morts des
deux côtés.
LIBAN
Otages.
Libération par l’Organisation de la justice
révolutionnaire d’Aurel Cornéa, l’ingénieur du son d’Antenne 2 enlevé le 8 mars
1986. À cette date, il reste cinq otages français au Liban.
TCHAD
Conflit.
Les forces tchadiennes repoussent une attaque libyenne contre le poste de Yebbi-Bou
(Tibesti), infligeant de lourdes pertes en
hommes et en matériel à l’armée du colonel Kadhafi. Ce même jour, M. Mitterrand
fait parvenir à M. Hissène Habré un message où il annonce la décision de la France
de renforcer son aide logistique aux forces
gouvernementales tchadiennes, sans toutefois engager ses forces armées au nord du
16e parallèle.
Jeudi 25
ARABIE SAOUDITE
Terrorisme.
Détournement d’un Boeing 737 iraqien qui
assurait la liaison Bagdad-Amman. L’appareil explose après un atterrissage forcé sur
l’aéroport d’Ar’aar, deux grenades ayant été
lancées en plein vol dans la cabine. 62 personnes sont tuées, ce qui constitue l’un des
bilans les plus lourds du terrorisme. L’attentat est revendiqué par l’Organisation de
downloadModeText.vue.download 173 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
172
l’action révolutionnaire, qui était inconnue
auparavant.
LIBAN
Terrorisme.
Dans la plaine de la Bekaa, assassinat d’un
diplomate libyen, M. Mousbah Mohammad Ghariby, attribué au mouvement
chiite Amal.
GUADELOUPE
Communication.
Lancement de Télé-Caraïbes, en dépit de
l’interdiction de la CNCL.
Vendredi 26
FRANCE
Conflits sociaux.
M. Jean Dupuy, directeur général de la
SNCF, demande la nomination par le gouvernement d’un médiateur « extérieur »,
pour faire avancer le règlement du conflit ;
le 29, M. François Lavondès, secrétaire général du Conseil économique et social, est
nommé ; le 31, il retire le projet de grille des
salaires qui se trouve à l’origine du mouvement et annonce la négociation d’une nouvelle grille avec les syndicats.
ESPAGNE
Terrorisme.
Attentat contre le Novotel de Madrid.
SOMALIE
Vie politique.
On annonce la réélection à la présidence
de la République de M. Mohammed Ziyad
Barre, qui se soumettait pour la première
fois au suffrage universel direct. Il aurait
obtenu 99,93 p. 100 des voix.
Samedi 27
FRANCE
Criminalité.
À Neuilly (Hautes-de-Seine), assassinat
d’une octogénaire, Marguerite Moulène.
Après une trêve de six mois, ce meurtre
d’une personne âgée est le 33e en trois ans.
Faits divers.
À la station de sports d’hiver des Orres
(Hautes-Alpes), la chute de deux télécabines, qui se croisaient, fait 36 blessés.
PACIFIQUE SUD
Catastrophes naturelles.
Dans la nuit du 26 au 27, l’île française de
Futuna est presque totalement dévastée
par le cyclone Raja. On compte un mort et
deux blessés.
ÉGYPTE
Troubles.
Émeutes de musulmans intégristes à Assiout ; 123 arrestations sont effectuées.
Dimanche 28
SPORT
Tennis.
À Melbourne, l’Australie remporte la Coupe
Davis en battant la Suède en finale.
ISRAËL
Espionnage.
À Jérusalem, ouverture du procès de
M. Mordechaï Vanunu, accusé d’avoir livré
au Sunday Times de Londres des informations sur le potentiel atomique israélien.
Lundi 29
GRANDE!BRETAGNE
Harold Mac Millan, ancien Premier ministre britannique, meurt dans sa résidence
du Sussex, à l’âge de 92 ans.
downloadModeText.vue.download 174 sur 502
CHRONOLOGIE
173
URSS
Andreï Tarkovski, cinéaste soviétique,
meurt à Paris à l’âge de 54 ans.
VIÊT!NAM
Politique intérieure.
L’Assemblée nationale, dont la session
s’achève ce jour, ne procède à aucun changement à la tête de l’État, comme on aurait
pu l’attendre après ceux intervenus au sein
du parti communiste. Elle entérine le budget 1986 et adopte le projet de budget et le
plan économique pour 1987.
TCHAD
Conflit.
L’aide logistique aux forces gouvernementales tchadiennes annoncée par M. Mitterrand le 24 se concrétise avec de nouveaux parachutages français de matériel,
tandis que, dans la nuit qui précède, les
forces libyennes se sont emparées de l’oasis
de Zouar.
Mercredi 31
LIBAN
Conflit.
L’« Organisation des opprimés sur terre »
annonce l’exécution à Beyrouth de trois
otages juifs du Liban considérés comme des
espions israéliens et disparus depuis vingt
mois. Il s’agit de Youssef Yehouda Benesti,
Elie Srour et Henri Men.
Le mois de Paul Bocuse
Bien sûr, décembre demeure le mois où l’ensemble des cuisiniers se trouve mobilisé par
des multiples préparatifs et mises en place
des fêtes de fin d’année ; ceci pour leur plus
grand plaisir.
Étant tous d’un tempérament généralement
généreux, ces fêtes nous donnent la possibilité de combler un peu plus qu’à l’ordinaire
amis et clients. Chez nous, l’animation se fait
sentir dès le début du mois. Nous procédons
à la décoration de l’intérieur et de l’extérieur
de la maison avec des guirlandes lumineuses
tressées sur des bandes de sapin, cernées de
houx, agrémentées de boules dorées ; plantes
vertes enrubannées, sapins dressés et décorés.
Élaboration des menus de fêtes, commandes
de gibiers, dindes, chapons de Bresse, truffes,
foies gras, crustacés, chocolats, papillotes,
marrons glacés, enfin tout ce qui symbolise
Noël.
Cette période doit conserver avant tout son
caractère de tradition, déjà par les mets qui
seront consommés.
Une dizaine de jours avant Noël, trois foires
aux volailles ont lieu en Bresse, joliment
nommées « les trois glorieuses ».
C’est mon ami Roger Miéral, volailler dans
la région, qui fut l’instigateur de ces manifestations et qui donna ses lettres de noblesse
à la foire de Montrevel, certainement la plus
prisée. Cet homme remarquable sut valoriser
le label de la volaille de Bresse, aussi bien en
France qu’à l’étranger, mais nous a malheureusement quittés l’an dernier.
La salle des fêtes et la place du Marché sont
réquisitionnées pour l’occasion, de grandes
tables sont disposées à l’intérieur de la salle,
sur lesquelles sont placés : dindes, chapons,
oies, volailles, tous d’origine bressanne.
Ces volatiles sont épilés du moindre duvet, la
peau lisse bien tirée, entourés d’un ruban de
couleur pour mieux flatter leur chair rebondie, ou emmaillotés tels des nouveau-nés ;
seuls la tête et le cou conservent des plumes
savamment brossées.
Quant à l’extérieur, il est envahi par de nombreuses personnes des environs qui présentent également de la volaille, mais vivante.
Des restaurateurs de toutes régions, des journalistes, critiques gastronomiques venus de
la France entière et même de l’étranger assistent à cette manifestation qui débute aux
aurores. Un jury attribue des prix et distridownloadModeText.vue.download 175 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
174
bue des diplômes aux propriétaires des plus
belles pièces qui sont ensuite vendues. Tout
ce mouvement d’animaux et de personnes
donne l’accent traditionnel campagnard à ce
marché qui prend vite l’allure d’une fête.
Pour réconforter les lève-tôt, dès 8 heures du
matin, un énorme pot-au-feu est servi dans
la salle commune du café du village, accompagné de fromages de chèvre, de tartes aux
pommes, le tout arrosé de beaujolais bien
frais.
Enfin, décembre est le mois du rituel. Chaque
année, par exemple, j’ai pour coutume d’inviter entre les deux fêtes les personnes du
troisième âge de ma commune, cette réception donnant lieu à des scènes touchantes.
D’abord, compter les disparus au cours de
l’année écoulée, qui sont d’ailleurs remplacés par de « nouveaux vieux », puis écouter
poèmes et chansonnettes écrits spécialement
par eux pour cette occasion.
Cette fête, plus particulièrement que toute
autre, reste pour moi la plus émouvante.
Le Noël familial ne peut avoir tout le panache que l’on pourrait souhaiter car, comme
tous les commerçants, pâtissiers, confiseurs,
volaillers, et bien d’autres, nous sommes
avant tout entièrement dévoués et attentifs
aux désirs du public, qui nous fait l’honneur
d’avoir choisi notre établissement pour célébrer la fin de l’année.
Nous essayons de donner le meilleur de
nous-mêmes, n’oubliant pas que Noël est synonyme d’espoir, de souhaits comblés, voire
d’allégresse ; c’est avant tout la fête du coeur !
Joyeux Noël et bonne année 1987.
PAUL BOCUSE
Météo : L’Automne
En octobre, les températures, bien que très
variables d’un jour sur l’autre et notamment
pendant la dernière décade, furent supérieures aux moyennes 1951-1980 sur l’ensemble du pays. De nombreux records ont été
enregistrés entre le 1er et le 15. Ainsi a-t-on
relevé des températures maximales exceptionnellement élevées (à Lorient : 25 °C le 3,
contre 22,6 °C en 1972, et à Millau : 26,1°,
contre 25,6° en 1976), et des températures
minimales très élevées (16,5 °C à Blagnac,
13,2 °C à Mâcon et à Lyon-Bron le 14 octobre et 14,8° à Saint-Dizier le 15 [ancien
record 12,2° en 1967].) L’inégale distribution
spatiale et temporelle des pluies d’octobre
fut imputable aux variations du champ de
pression. Du 1er au 11, les hautes pressions
ont entretenu sur le pays un temps ensoleillé,
chaud et sec. À partir du 12, l’anticyclone, en
se décalant vers l’Europe de l’Est, a favorisé
l’advection d’air chaud et instable sur le Sud
(du 12 au 17), puis l’installation d’un temps
perturbé d’ouest qui, du 18 au 31, a affecté
toute la France. Les pluies diluviennes qui se
sont abattues sur le Languedoc-Roussillon
(120 mm à Coustouge, Ferrals-les-Corbières
et Portel-des-Corbières dans l’Aude, le 12 ;
125 mm à Nant et 69 mm au mont Aigoual en
10 heures le 13...) ont provoqué inondations,
coulées de boue, éboulements et d’importants
dégâts matériels. Les réserves en eau du sol se
sont ainsi reconstituées dans de nombreuses
régions mais elles demeurent faibles, voire
très faibles, à la fin du mois dans le SudOuest, les pays de Loire, le Centre, le Lyonnais, la Provence et la Corse.
En novembre, les températures ont été supérieures à la moyenne, même si le début et la
fin du mois ont été plutôt froids. Les précipitations furent partout déficitaires. Du 2 au
9, les gelées, les brumes, les brouillards et les
nuages bas matinaux, les après-midi ensoleillés ont été les premières manifestations
de l’automne. À cette fraîcheur de saison a
succédé une douceur inhabituelle, qui s’est
maintenue sur tout le pays du 10 au 27.
Les températures furent de 4 à 6 °C supérieures aux normales dans le Nord, l’Ouest,
le Sud-Ouest et le Sud-Est, de 6 à 7,5° dans
downloadModeText.vue.download 176 sur 502
CHRONOLOGIE
175
le Nord-Est et de 8° dans le Centre-Est. De
nombreux records de chaleur ont été battus le 16 novembre : 19 °C à Saint-Étienne
(ancien record 17,9° en 1957), 17,7 °C à
Mâcon (a.r. : 16,8° en 1957), 19 °C à LyonBron (a.r. : 18,6° en 1926). Ce n’est que le
27 que le froid a refait apparition avec des
gelées faibles et de nombreux brouillards,
localement givrants. Dans le Centre, le NordEst, l’Ouest et le Sud-Ouest, les températures
minimales et maximales sont alors comprises
entre 0 et – 5 °C et entre 7 et 10 °C respecti-
vement. Le mois de novembre a connu trois
épisodes pluvieux d’importance et de durée
inégales, du 1er au 3, du 13 au 15 et du 16
au 26. C’est au cours du second épisode que
downloadModeText.vue.download 177 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
176
75 p. 100 des précipitations mensuelles ont
été enregistrées dans les départements de la
Lozère, de l’Ardèche et du Gard : 362 mm à
Villefort, 260 mm à Cassagnac, 324 mm à
Loubaresse, 235 mm à Saint-Jean-du-Gard...
Ces pluies orageuses, abondantes, intenses et
accompagnées de vents forts ont été à l’origine de la crue de nombreux cours d’eau et en
particulier de celle de l’Ardèche et du Tarnon.
Du 16 au 26 novembre, plusieurs perturbations océaniques actives et rapprochées ont
affecté l’ensemble du territoire ; des chutes de
neige relativement abondantes (30 à 50 cm)
ont été observées à partir du 22 dans les Pyrénées occidentales et centrales. Ces intempéries ont pris fin avec l’installation d’un
puissant anticyclone sur la France (1 035 à
1 040 hectopascals). Les réserves en eau du
sol sont encore, au 20 novembre, très déficitaires en Beauce, dans le Lyonnais, l’Agenais,
le Midi toulousain, ou le sud des Alpes.
Des vents instantanés très forts ont été mesurés à plusieurs reprises tant sur le littoral
atlantique qu’à l’intérieur du pays : 119 km/h
à Fécamp le 1er , 101 km/h à Millau le 15,
107 et 115 km/h à Carteret le 18 et le 23 respectivement. Les 9 et 10 novembre, des vents
de 80 à 100 km/h, associés à des dépressions
très actives, et une mer démontée (creux de
8 à 12 m) avaient, quelques heures après le
départ de la course du Rhum, endommagé
plusieurs voiliers et contraint à l’abandon
quatre navigateurs.
Décembre fut un mois maussade durant
lequel se succédèrent des périodes sèches,
fraîches ou même froides (du 1er au 4, du 10
au 12 et du 22 au 24) et des périodes pluvieuses, généralement douces, imputables
aux effets de hautes pressions établies sur
l’Europe occidentale ou sur le proche Atlantique et à ceux de perturbations d’Ouest plus
ou moins actives.
Les températures ont été voisines des normales dans le Centre, le Centre-Est, le Nord
et le Nord-Est et légèrement supérieures à
celles-ci dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et
la Corse. Les pluies multiformes (crachin,
averses, giboulées) et les chutes de neige
ont contribué à l’amélioration des réserves
hydriques des sols dans certaines régions
comme la Beauce, la Champagne, le Languedoc et le Nord-Est du Massif central.
En décembre, les chutes de neige les plus
fortes se sont produites entre le 19 et le jour
de Noël : 40 à 70 cm au-delà de 1 800 m
d’altitude dans les Alpes. L’enneigement, bien
que tardif, était à la fin du mois excellent
dans toutes les stations de sports d’hiver des
Alpes, des Pyrénées, du Massif central, du
Jura et mêmes des Vosges. L’automne 1986
fut, sans doute, la saison la plus conforme à
la normale de l’année.
PHILIPPE CHAMARD
downloadModeText.vue.download 178 sur 502
177
l’Année
dans le Monde
Devant fêter le 4 novembre son quarantième anniversaire, l’UNESCO
n’avait pas oublié de déclarer 1986 Année
internationale de la paix. L’initiative de
l’organisation internationale a été relayée
par le pape Jean-Paul II, le 27 octobre, lors
de la rencontre oecuménique d’Assise, qui
était conçue comme « la préfiguration
d’un monde en paix ». Aux côtés d’Amnesty International, de Médecins sans
frontières ou de Médecins du monde, dont
l’audience est consacrée par de multiples
interventions sur les lieux de détresse,
sont apparus les « nouveaux gourous »,
ceux que nous inventent les médias, les
spectacles et le sport : le 25 mai, le chanteur Bob Geldof et Sport Aid ont mobilisé quinze millions de personnes dans
260 villes de 75 pays pour sensibiliser les
foules à la lutte contre la faim en Afrique.
Bien sûr, ces bonnes volontés ne sont pas
toujours récompensées par des résultats
tangibles. Conscient des limites réelles de
son pouvoir, le pape, à Assise, s’est contenté modestement de proposer une trêve de
24 heures. Actuellement, l’« intégrisme »
musulman ne crée pas des conditions
propices à une action oecuménique en
faveur de la paix. Attaquée par l’un des
mouvements armés du Proche-Orient, la
France a connu un « septembre noir » qui
lui a appris à vivre avec le terrorisme.
Les difficultés d’une action humanitaire
irréprochable se sont aussi manifestées à
propos de l’intervention de Bob Geldof et
de Band Aid en Éthiopie, relayée et amplifiée par tous les médias et les nouveaux
géants de la communication qui « font »
l’événement. Bernard-Henry Lévy a estimé que les sauveteurs « ont tué des gens
sans le savoir ». Silence, on tue, titre du
livre d’André Glucksmann et de Thierry
Wolton, a porté la même accusation. Il
est reproché à Band Aid d’avoir accepté
une déportation des populations vers le
sud de l’Éthiopie.
Entravées ou dénaturées par des obstacles
inattendus, les campagnes faisant appel
à la générosité posent ainsi à leurs promoteurs les problèmes que connaissent
depuis toujours les scientifiques lorsque
leurs recherches entrent en application
dans des conditions qu’ils n’ont pas prévues. On l’a bien vu encore, cette année
même, lorsqu’une équipe d’astronautes
américains a disparu dans la terrifiante
explosion de Challenger, rappelant
qu’après un quart de siècle la maîtrise de
l’espace n’est pas encore totale, lorsque la
steppe ukrainienne s’est illuminée subitement, en pleine nuit, le 25 avril, dans
la fournaise nucléaire de Tchernobyl, ou
encore lorsque l’on apprend qu’un soldat
sur deux de l’armée zaïroise est porteur
du Sida, malgré le progrès des biotechdownloadModeText.vue.download 179 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
178
nologies (éd. 1987 et éd. 1986). Dans un
autre domaine, on s’aperçoit que les prêts
au tiers monde n’apportent pas de solution satisfaisante à ses problèmes.
Les échecs de la technique, comme les
controverses engagées à propos de l’action humanitaire, conduiraient aisément
à une vision pessimiste du monde et au
refus de toute intervention. En réalité, il
est possible de déceler des causes d’espoir,
si l’on se réfère aux tendances, parfois peu
datables, qui marquent l’évolution de nos
sociétés à l’approche du XXIe siècle. En
France, malgré les divergences de vues
entre le président et le gouvernement issu
des élections du 16 mars, la cohabitation
a été plutôt une réussite ; la poursuite de
la régionalisation et de la décentralisation
par la nouvelle majorité renforce cette
impression.
La crise économique est susceptible
d’introduire des effets inattendus dans
l’évolution de nos sociétés : après une période de hausse des prix, la désinflation a
assuré une amélioration plus sensible du
niveau de vie que la croissance indexée
des salaires en période d’inflation. La
gestion du chômage, même, peut instaurer un renouvellement de nos habitudes
sociales. « Le déclin d’une certaine forme
d’emploi salarié, stable, à plein temps »
peut favoriser « l’émergence d’activités
nouvelles dont le statut reste à trouver ».
Utopie en 1968, réalité en 1998 ? Les
trente-cinq heures par semaine réclamées par certains syndicats, la multiplication du temps libre, l’horaire à la carte,
autant de pistes à explorer qui peuvent
nous conduire vers des genres de vie où
le loisir et la culture seraient plus à notre
portée.
Si les moyens de cette politique manquent
encore, les instruments se mettent en
place : après l’ouverture de la Cité des
sciences et de l’industrie à la Villette (éd.
1986), le musée d’Orsay a été inauguré
le 1er décembre 1986 ; le Grand Louvre
s’annonce par un véritable laboratoire
d’archéologie urbaine. Le succès des
manifestations culturelles, qu’elles soient
consacrées au passé, comme l’hommage
rendu par Paris à cette capitale de l’esprit
européen qui a donné naissance au mythe
de Vienne, ou au temps présent, comme
la rétrospective qui a montré comment
Yves Saint-Laurent s’intègre dans les courants de l’art vivant, prouve sans peine
que les loisirs intellectuels trouveront
aisément leur place dans l’avenir, à côté
des sports de détente.
GEORGES GRELOU
downloadModeText.vue.download 180 sur 502
179
Politique
Riche en événements, l’année politique
semblait néanmoins devoir être sans
surprise. La défaite de la gauche aux élec-
tions était prévue et nul ne doutait que la
cohabitation, pour être un jeu subtil, était
inévitable. Et vint, en fin d’année, l’inattendu. D’autant plus surprenant que tout
semblait calme de ce côté-là.
« Coluche ou Tapie ?
– Les deux, M’sieur ! »
Huit millions de jeunes de 15 à 24 ans...
En ce mois de janvier 1986, Antenne 2
et l’Événement du Jeudi se penchent
sur leurs aspirations. Ne seront-ils pas
« le pays dès le second millénaire qui
commence demain » ? Mais, même si
75 p. 100 des jeunes sondés « redoutent
les agressions dans la rue », nulle Grande
Peur, ni Grande Illusion ne les agite à
l’approche de l’an 2000. Ils aiment la pub,
le look, le parfum, le Coca-Cola et la Marie-Brizard ; et, s’ils rêvent de créer leur
entreprise, ils cotisent aux restaurants du
coeur chers au fantaisiste Coluche, devenu, jusqu’à sa mort accidentelle le 19 juin
1986, un inamovible – quoique officieux
– superministre de la Charité publique.
Bref, une jeunesse sage, studieuse,
réaliste, aux aspirations « entrepreneuriales » et qui, si elle cherche ce supplément d’âme sans lequel il ne saurait y avoir
de « vraie jeunesse », l’a trouvé prosaïquement dans l’Hexagone en faisant sienne
une grande cause nationale qui fait l’unanimité de la classe politique : la solidarité
avec les « nouveaux pauvres ». Dans les
classes terminales, les premiers enfants
des soixante-huitards ne connaissent de
Guevara et d’Hô Chi Minh que ce qu’en
disent leurs manuels scolaires. Leurs
héros à eux seraient plutôt – s’il faut en
croire les sondages – à chercher quelque
part entre business et show biz.
Sage, cette jeunesse le restera d’ailleurs
toute l’année. Trop, peut-être, au goût de
la gauche, lorsque, dans un printemps
aux froideurs attardées d’hiver, les 18 à
24 ans apportent, le 16 mars, 50 p. 100
de leurs suffrages à la droite (et même
53 p. 100 pour les plus jeunes d’entre eux,
les 18-20 ans). Du jamais vu dans une
sociologie électorale qui, habituellement,
constate que la jeunesse penche plutôt à
gauche.
Trop sage, peut-être, aux yeux de la
droite, lorsque, dans un hiver aux moi-
teurs de printemps, défilant par centaines
de milliers à Paris et en province, elle le
fait en si bon ordre et avec un visage si
bon enfant – ni drapeaux rouges, ni Internationale – que, seuls, casseurs... et forces
downloadModeText.vue.download 181 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
180
de l’ordre semblent porter alors, aux yeux
de l’opinion, la responsabilité des inévitables violences de fin de manif.
Comment résister à une jeunesse si
sage – aux antipodes de celle de mai 1968
– sans risquer de voir une crise sociale
succéder à une crise universitaire ? Et
ce, pour un énième projet de réforme
universitaire que très peu de Français,
hormis les lycéens et les étudiants, ont
lu et dont l’auteur même – le très discret
ministre aux Universités, Alain Devaquet – n’a jamais cru devoir démentir
l’insistante rumeur selon laquelle il ne l’a
rédigé, à son corps défendant, que pour
payer quelque dette postélectorale à ceux
que l’on commence, en ce dixième mois
de cohabitation, à appeler les « ultras » du
libéralisme.
Ce fut, les 6 et 7 décembre, pour le
Premier ministre Jacques Chirac, le plus
long week-end de l’année. La pluie et les
nuages revenus semblaient faire escorte
à la dépouille d’un étudiant décédé des
suites d’une « bavure » policière. Télévisions et radios répercutaient l’appel
d’une coordination étudiante qui, maniant l’apolitisme avec une maestria à
laisser pantois monsieur Barre, invitait
les syndicats à se joindre à une « grande
manifestation populaire ». Peu enthousiastes, mais craignant de ne pas tenir
leurs troupes, André Bergeron (Force
ouvrière) et Edmond Maire (CFDT)
adjuraient le Premier ministre de retirer
ce projet de loi. Le lendemain, lundi, la
Bourse enregistrait, à l’ouverture, une
forte baisse et, sur toutes les places financières, le franc était attaqué. À 13 heures,
le Premier ministre annonce le retrait de
la loi Devaquet.
L’acte I de la cohabitation s’achevait.
Jusque-là, elle avait été, entre François
Mitterrand, Jacques Chirac et Raymond
Barre, un jeu feutré d’observations, de
silences lourds de sens, de discrètes réprobations dont Michel Schifres retrace
la chronique. Mais en cette fin d’année, et
seulement dix mois après que la gauche
eut subi un très lourd échec électoral, bien
des cartes semblent s’être redistribuées
en quelques jours. La solidarité gouvernementale n’a pas été sans faille pendant
la crise ; et, plus que Matignon (où l’on
est contraint de réagir au jour le jour à
l’événement), l’Élysée (où l’on peut garder
le silence tant que ne se dévoilent pas les
enjeux d’un conflit) est apparu comme la
tranchée la mieux protégée pour mener
cette subtile guerre de position qu’est,
en attente de l’élection présidentielle, la
cohabitation...
Dans cette tourmente de fin d’année,
un fragile consensus – ô combien indispensable, pourtant – finit de s’effriter :
celui qui, un temps, avait uni les politiques de tous bords dans la réprobation
unanime du terrorisme. Dans un septembre noir, où l’horreur avait culminé
le mercredi 17, rue de Rennes, les partis
avaient su s’élever à la dignité tranquille
que manifestait alors la population. Pour
quelques semaines furent oubliés les
démons du « sécuritarisme politique »,
ceux-là mêmes qui, en d’autres époques,
avaient poussé la gauche à scander « Giscard démission » après l’attentat de la rue
Copernic, puis la droite à faire du garde
des Sceaux, Robert Badinter, le « complice » d’un anonyme tueur de vieilles
dames. Las, de petites phrases en petites
phrases, le brasero politicien allait à nouveau s’enflammer, comme l’explique RodownloadModeText.vue.download 182 sur 502
POLITIQUE
181
bert Soie dans Vivre avec le terrorisme. Il
est vrai qu’enchevêtrée dans les négociations menées pour la libération d’otages
français au Liban, largement subordonnée aux engagements politiques de la
France au Moyen-Orient, souffrant de
l’absence d’un front commun des pays
occidentaux, la lutte contre le terrorisme
international semble, tant en France qu’à
l’étranger, se mener (au moins) autant par
des déclarations tonitruantes que par des
actes concrets...
L’atlas de l’horreur
Si, entre 1968 et 1975, le terrorisme avait
fait 800 victimes dans le monde libre, ce
chiffre s’est multiplié par cinq au cours
des dix années suivantes. Georges Besse,
président de la Régie Renault, un employé
municipal de Provins, tué lors d’un attentat
qui visait l’ancien ministre Alain Peyrefitte,
seront, en France, les dernières victimes
de ce long martyrologe. Plus grave : c’est
devant un tribunal français, à Paris même,
que le terrorisme remporte, le 3 décembre,
une triste victoire. Face à la menace d’un inculpé, Régis Schleicher (« Je voudrais savoir
combien de temps il est prévu de protéger
les jurés »), un jury populaire s’évapore...
Un autre procès – qui, pour se dérouler
à Bangui, en Centrafrique, n’en passionne
pas moins les Français – montre toutefois
que même le pire et le plus puissant des
terrorismes, le terrorisme d’État, peut,
parfois, avoir à répondre de ses crimes.
Peu d’observateurs se souviennent que ce
furent les inlassables dénonciations de ses
crimes par Amnesty International qui
furent à l’origine de la chute de Jean Bédel
Bokassa. Mais cette Internationale de la
justice et du droit conjugue souvent discrétion et efficacité. Cependant, chaque
année, son rapport recense les atteintes
aux droits de l’homme commises dans le
monde entier. C’est, rédigé dans un style
volontairement dépouillé, le terrible – et
parfois fastidieux – « bilan d’activité » de
toutes les dictatures du monde : 137 pendaisons en Somalie, 5 000 personnes placées en « rééducation » au Laos, 470 exécutions en Iran, etc. Un atlas de l’horreur
qui n’épargne que très peu de pays.
Une légère note d’optimisme, toutefois,
dans le rapport daté de 1986 : « Dans le
monde entier, la force et l’influence des
organisations de défense des droits de
l’homme ne cessent de croître. » Il est
vrai qu’au cours de cette dernière décennie, la démocratie a conquis ou reconquis
de nombreux pays d’Amérique latine et,
cette année même, à Haïti et aux Philippines, deux dictatures ont été renversées.
Amnesty International – cette immense
chaîne de solidarité qui compte désormais plus de 500 000 membres dans le
monde – est pour beaucoup dans ces évolutions. Ses campagnes acharnées pour
la libération des prisonniers d’opinion,
pour l’obtention de procès équitables
pour les détenus politiques, pour l’aboli-
tion de la torture et de la peine de mort
ont, en effet, contribué à déstabiliser de
nombreuses dictatures.
Noël Copin relate l’histoire de ces
vingt-cinq années de lutte qui prirent leur
source en 1961, quand un avocat britannique, Peter Benenson, publie, le 28 mai,
dans l’Observer et le Monde, un appel solennel qui fut, peut-être, la Déclaration des
droits de l’homme dont cette deuxième
moitié de XXe siècle, ballottée dans le cycle
sans fin des révolutions et des contre-révolutions, avait tellement besoin...
downloadModeText.vue.download 183 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
182
La France, elle-même, pourtant si
tranquille en sa démocratie, connut,
dans un passé récent, avec la décolonisation, son lot d’événements tragiques dont
les droits de l’homme sortent rarement
vainqueurs. Pourtant, une grande partie
de son empire, l’Afrique noire, put accéder à l’indépendance sans traverser de
trop grands drames. Est-ce ce souvenir,
encore vivace, qui fit de la mort de Gaston Defferre, le 5 mai 1986, un moment
d’émotion partagé par tous les hommes
politiques ? Par une loi-cadre, promulguée en 1956 en pleine guerre d’Algérie, le maire de Marseille avait, en effet,
amorcé cette décolonisation tranquille.
Face au cercueil, dressé dans le hall de sa
bonne mairie de Marseille, la stature de
« l’homme d’État » qui avait vu « juste et
clair » avant beaucoup effaçait peut-être
l’image du « politique politicien » que ses
amis, eux-mêmes, jugeaient, parfois, un
peu trop habile...
Il est vrai aussi que – là, l’histoire
ayant jugé très vite – la dernière grande
initiative du petit homme à l’éternel chapeau noir est désormais saluée comme
un succès. Cette décentralisation, vieux
serpent de mer de la politique française,
que le premier « ministre de l’Intérieur
et de la Décentralisation » du « gouvernement de la gauche unie » imposa, en
1982, un peu comme une lubie personnelle est, en effet, entrée dans les moeurs
en cette année 1986. En même temps
que leurs députés, les Français ont élu, le
16 mars, 1840 conseillers régionaux au
suffrage universel. Cette année-là, aussi,
se sont achevés les « transferts de compétences » qui voient désormais les régions,
les départements ou les communes exercer certains pouvoirs hier dévolus au
tout-puissant pouvoir central. Et, pour
étrenner les présidences des nouveaux
conseils régionaux, désormais sanctifiés
par le suffrage universel, des personnalités aussi connues que Valéry Giscard
d’Estaing (Auvergne) Jacques Chaban-Delmas (Aquitaine), Edgar Faure
(Franche-Comté), Olivier Guichard
(Pays de la Loire) n’ont pas craint de se
porter, avec succès, candidats. François
Grosrichard dresse un bilan de la régionalisation et de la décentralisation en
même temps qu’il analyse le cours nouveau que doit désormais suivre, face à ces
réformes, la politique d’aménagement
du territoire, que le gouvernement de
Jacques Chirac ne semble pas vouloir
remettre en cause...
On le voit, cette année 1986, an I de
la cohabitation, fut pour les Français
une année lourde d’événements de politique intérieure. Les débats sur l’IDS, la
défense, le désarmement qui avaient tant
agité l’opinion française en 1985 se sont
essoufflés en 1986, le consensus sur la
politique de défense nucléaire étant plutôt sorti renforcé de la cohabitation. Et
la rencontre de Reykjavik, entre Reagan
et Gorbatchev, qui vit les deux Grands
redistribuer leurs vecteurs nucléaires
sur le grand échiquier du jeu « Guerre et
paix », a occulté une conférence sur le
désarmement : celle qui, à Stockholm,
réunit depuis 1984 les 35 pays signataires de l’acte d’Helsinki. Pourtant, en
septembre 1986, à la quatrième session
de cette conférence trop discrète, des accords ont été conclus. Comme si dans un
monde agité, les espoirs de paix ne pouvaient avancer que masqués !
PHILIPPE ORSINI
downloadModeText.vue.download 184 sur 502
POLITIQUE
183
Les élections
1986
L’alternance attendue s’est réalisée.
Pourquoi était-elle prévisible ?
Est-elle durable ?
Les élections législatives du 16 mars
et sénatoriales du 28 septembre 1986
ne furent pas de divines surprises pour
l’union de l’opposition RPR-UDF qui les
remporta. Depuis les partielles du 17 janvier 1982, la gauche au pouvoir avait
subi des échecs électoraux qui laissaient
prévoir sa défaite. Le rétablissement du
scrutin de liste proportionnel lui permit
d’en limiter l’ampleur au prix du retour au
Palais-Bourbon de l’extrême droite. Mais
il ne put empêcher la constitution d’une
majorité parlementaire qui, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, ne coïncidait plus avec la majorité présidentielle. Dès lors se trouvaient
posés de nombreux problèmes politiques
d’ordre constitutionnel et en premier lieu
celui de la cohabitation.
Les paradoxes du reflux
Les électeurs de François Mitterrand
avaient cru que son arrivée au pouvoir
porterait des fruits quasi immédiats.
Certes, le nouveau chef de l’État était
un fin politique, mais il n’était pas un
magicien, et ne pouvait l’être. La crise
se prolongeait, la reprise de l’expansion
économique ne se produisait pas, le niveau et la qualité de la vie se dégradaient
au lieu de s’améliorer. Et les « déçus du
socialisme » se multipliaient : jeunes
appelés du contingent qui attendaient en
vain l’abaissement de douze à six mois
de la durée du service militaire, qui leur
avait été pourtant solennellement promis ; contribuables assujettis à une fiscalité toujours trop lourde pour les bénéficiaires de bas salaires, démobilisatrice
pour les cadres, décourageante pour les
détenteurs de capitaux ; assurés sociaux
mécontents de l’alourdissement de leurs
cotisations et de la diminution des prestations qui leur étaient versées ; travailleurs atteints dans leur niveau de vie par
une stabilisation des salaires plus rigoureuse que celle des prix ou, pis encore,
marginalisés par le chômage qui frappait
2 500 000 d’entre eux dès octobre 1984 ;
nationalistes xénophobes d’autant plus
hostiles à la présence des immigrés que
ceux-ci concurrençaient certains d’entre
eux sur le marché de l’emploi ; résidents
des grands ensembles, où différences
socioculturelles et délinquance juvénile
étrangère créaient de lourdes tensions
entre communautés ; victimes de crimes
et de délits qui réclamaient un alourdisdownloadModeText.vue.download 185 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
184
sement des peines de prison, voire le rétablissement de la peine de mort, en un
temps où les vagues d’attentats terroristes
accroissaient le sentiment d’insécurité
des citoyens ; enfin et surtout partisans
de l’école privée dont un million défilèrent dans les rues de Paris, le 24 juin
1984, pour combattre l’instauration d’un
« grand service public, unifié et laïque
d’éducation nationale sans spoliation ni
downloadModeText.vue.download 186 sur 502
POLITIQUE
185
monopole ». Ce jour-là, le destin électoral des partis au pouvoir avait été scellé.
Ils le comprirent, les socialistes, en
changeant de Premier ministre et donc de
politique, les communistes, en refusant de
participer au gouvernement constitué par
Laurent Fabius le 17 juillet 1984. Affaiblie
par cette rupture de l’Union de la gauche,
par l’affaire de la Nouvelle-Calédonie et
par celle du Rainbow Warrior, la majorité
en place ne pouvait que limiter un échec
électoral prévisible en modifiant le système de désignation des députés. C’est ce
qu’elle fit par la loi du 10 juillet 1985 qui
substitua au scrutin majoritaire de circonscription à deux tours, le scrutin de
liste départemental à la proportionnelle
avec attribution des sièges au quotient,
puis à la plus forte moyenne.
Les programmes électoraux
L’opposition était déjà en campagne. Ou
plutôt les oppositions, car l’adoption d’un
nouveau mode de consultation électorale
avait eu pour premier effet de ressusciter
une extrême droite que le système précédent avait impitoyablement éliminée du
Parlement depuis 1958.
Le scrutin de liste lui donnait ses
chances. Jean-Marie Le Pen les saisit.
Fondateur du Front national en 1972, il
proposait aux Français un programme
très simple, qui lui avait déjà permis de
remporter d’importants succès lors des
élections précédentes. Il répondait en
effet aux trois préoccupations essentielles
des Français telles que les sondages les révélèrent jusqu’à la veille du 16 mars 1986 :
le chômage, l’insécurité et l’immigration.
Une seule mesure, pour l’essentiel, devait
y pourvoir : le retour des étrangers dans
leur pays d’origine, en commençant par
les travailleurs clandestins.
Conscients que cette proposition obtiendrait un accueil favorable non seulement dans les zones ouvrières votant majoritairement pour la gauche, mais aussi
dans une frange de leur clientèle électorale, l’UDF et le RPR durent renforcer
leur alliance et infléchir leur programme,
sans en altérer les principes, pour éviter,
sur leur droite, une hémorragie de voix
fatale à leur retour au pouvoir. Signée
le 16 janvier 1986 par Jacques Chirac
et par Jean Lecanuet, la « plate-forme
pour gouverner ensemble du RPR et de
l’UDF » ainsi que leurs « 20 engagements
fondamentaux » traduisirent ces préoccupations : les travailleurs clandestins
seraient condamnés, puis « reconduits
aux frontières » ; les immigrés candidats
au retour seraient incités financièrement
à regagner leur pays d’origine ; les étrangers en situation régulière ne pourraient
acquérir la nationalité française et l’exercice des droits civiques que par « un acte
volontaire », tout en restant à l’abri de
toute mesure d’expulsion. Ainsi étaient
ménagées les aspirations d’un électorat
nationaliste en évitant le plus possible les
atteintes portées aux droits de l’homme.
Mais là n’était pas l’essentiel. Pour lutter contre le chômage, rendre compétitives les entreprises et relancer la production, l’Union pour la nouvelle majorité ne
proposait pas de remettre en cause toutes
les réformes votées au cours de la dernière législature : la décentralisation, les
39 heures, l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans (mais seulement pour ceux
qui le désiraient) et même l’abolition de la
peine de mort étaient considérés comme
des acquis irréversibles. Mais elle soudownloadModeText.vue.download 187 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
186
mettait à l’approbation des électeurs tout
un ensemble de projets dont la mise en
oeuvre devait émanciper l’économie et
assurer le progrès social : libération immédiate des prix et, dans des délais très
brefs, des changes ; abrogation des mesures réglementaires limitant le libre jeu
de la concurrence, dénationalisation à
terme de la totalité des entreprises du secteur concurrentiel, même si ces dernières
étaient passées sous le contrôle de l’État
dès 1945 (banques, sociétés financières et
audiovisuelles, compagnies d’assurances,
groupes industriels...) ; allégement de la
fiscalité sur les capitaux (suppression de
l’impôt sur les grandes fortunes...) et sur
les revenus des particuliers et des entreprises (abaissement des tranches d’impôt,
la plus élevée devant être ramenée progressivement de 65 à 50 p. 100 et la plus
basse devant assurer l’exonération des
foyers les plus modestes ; réforme de la
taxe professionnelle...).
En somme, le programme de l’opposition RPR-UDF aurait pu se résumer
par un slogan : « Moins d’État, mais un
meilleur État ». Pour les partis d’opposition aspirant à gouverner, il s’agissait d’un
État qui devait être d’abord le garant de
libertés qu’ils considéraient comme essentielles : celle du père et de la mère de
famille qui doivent avoir le libre choix du
troisième enfant et de l’école grâce à des
mesures fiscales et sociales incitatives et
protectrices de leur niveau de vie ; celle
de l’enfant et de l’adolescent auxquels des
enseignants hautement qualifiés doivent
assurer une formation culturelle et une
promotion professionnelle à la mesure de
leurs possibilités intellectuelles ; celle du
citoyen auquel doit être garanti l’accès à
l’information grâce à une presse écrite et
audiovisuelle pluraliste libre de toute dépendance à l’égard du pouvoir en place ;
celle de l’électeur enfin qui doit pouvoir
choisir « son » député grâce au rétablissement du scrutin majoritaire de circonscription à deux tours. Mais un « meilleur
État » c’était aussi pour l’opposition un
État qui devait être garant de la sécurité
intérieure et extérieure du territoire grâce
à la redéfinition des tâches de la police,
grâce à la renégociation des conventions
d’extradition permettant l’arrestation, la
condamnation ou l’expulsion des terroristes nationaux ou internationaux, grâce
enfin à la modernisation de l’armée,
notamment par la « diversification sans
délai » de la force nucléaire stratégique.
Bien entendu, la gauche ne pouvait
que combattre un programme qui remettait en cause l’essentiel de son oeuvre
économique et sociale au cours de la septième législature. Mais, depuis la rupture
du 17 juillet 1984, il ne lui était plus possible de lui opposer un projet commun de
gouvernement.
Libre des contraintes du pouvoir, mais
corseté par celles de la doctrine, le parti communiste s’assigna bien de vastes
objectifs, se proposant en particulier de
créer en cinq ans un million d’emplois,
notamment par la diminution du temps
de travail et par l’interdiction de toute
suppression de poste non compensée
localement. Mais il ne put innover en ce
qui concerne les moyens.
Vouloir plus d’État en un temps où
l’opinion publique en réclamait moins
était électoralement dangereux. Le parti
socialiste le comprit. Mais cela ne facilita
pas l’élaboration de sa plateforme électorale, d’autant plus qu’il se heurtait à une
double difficulté. Détenteur du pouvoir,
downloadModeText.vue.download 188 sur 502
POLITIQUE
187
il lui fallait assurer l’héritage et se situer
dans la continuité de la politique suivie
depuis 1981. Désireux de s’y maintenir, il
devait s’efforcer de conserver les suffrages
des « déçus du socialisme » sans donner
davantage prise aux critiques accrues du
parti communiste.
Le comité directeur du PS ne parvint
pas à concilier totalement ces impératifs
contradictoires lorsqu’il arrêta définitivement le 14 décembre 1985 son « programme de continuité et de construction » ainsi que le qualifia lui-même, le
premier secrétaire Lionel Jospin.
Trois priorités étaient susceptibles de
satisfaire les militants plus que les élec-
teurs : « développer la solidarité ; étendre
les libertés et se donner les moyens d’une
maîtrise collective de l’avenir ». Pour
atteindre le premier de ces objectifs, les
socialistes proposaient l’adoption de
deux mesures essentielles : la mutualisation des risques entraînés par les mutations industrielles ; la constitution d’un
revenu minimum garanti. Mais l’une et
l’autre supposaient un accroissement des
charges sociales et fiscales des particuliers et des entreprises, ce qui rendait peu
crédibles la stabilisation, puis la diminution des prélèvements obligatoires promises par ce même programme.
L’extension aux petites entreprises du
droit d’expression des travailleurs, l’octroi
à terme du droit de vote aux immigrés
lors des élections municipales répondaient au second des objectifs du PS, mais
mécontentaient à la fois les petits patrons
hostiles à la syndicalisation de leur perdownloadModeText.vue.download 189 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
188
sonnel et la fraction de l’opinion publique
qui réclamait au contraire l’expulsion
des immigrés et l’octroi prioritaire aux
citoyens français des emplois libérés par
leur départ.
Enfin, pour « se donner les moyens
d’une maîtrise collective de l’avenir », les socialistes envisageaient de développer le rôle
de l’administration dont l’emprise sur la vie
quotidienne des particuliers et des entreprises ne pourrait dès lors que s’accroître
contrairement aux voeux des nombreux
électeurs, qui aspiraient, nous l’avons vu,
non pas à plus, mais à moins d’État.
La campagne électorale
Elle commença officiellement le lundi
3 mars 1986 à la radio et à la télévision.
Curieusement, le débat ne porta pas essentiellement sur les trois préoccupations
principales des Français telles que les révélaient les sondages : le chômage, l’insécurité et l’immigration. Moins proches de
leurs électeurs qu’ils ne le croient ordinairement, les hommes du microcosme
politique cher à Raymond Barre débat-
tirent longuement de deux questions de
moindre intérêt : le bilan de la gestion
socialiste ; le problème de la cohabitation.
À la première, la fraction des électeurs
susceptibles de faire basculer la majorité avait déjà répondu par des jugements
bien tranchés qu’ils n’avaient, pour la plupart, nullement l’intention de modifier,
même si le taux de l’inflation s’abaissait
selon l’INSEE à 0,1 p. 100 en décembre
1985 et le nombre des chômeurs à moins
downloadModeText.vue.download 190 sur 502
POLITIQUE
189
de 2 500 000 selon le même organisme.
Par contre, ces mêmes électeurs se sentaient moins concernés que les hommes
politiques par la seconde question : celle
du problème constitutionnel posé par
une éventuelle cohabitation entre un
chef de l’État de gauche et un Premier
ministre de droite.
Ne risquait-on pas de déclencher une
crise politique pour résoudre la crise
économique ?
François Mitterrand eut l’habileté de
laisser les dirigeants de l’opposition en
discuter et révéler ainsi les failles qui
pouvaient exister entre eux. Convaincu
que le temps travaillait pour le président de la République, Raymond Barre
annonça au Club de la presse d’Europe 1
du 14 avril 1985 qu’il « ne voterait pas la
confiance à un gouvernement de cohabitation ». Au soir du 16 mars 1986, la
majorité présidentielle serait ou confirmée ou condamnée. Et, dans le second
cas, faute d’avoir su ou pu conserver la
confiance de ses concitoyens, le détenteur
du pouvoir suprême n’aurait le choix,
selon l’ancien Premier ministre, qu’entre
deux attitudes : ou se soumettre, c’està-dire accepter une diminution de son
autorité contraire à sa dignité et à l’esprit
des institutions ; ou se démettre. C’était
exiger sa renonciation au pouvoir comme
condition préalable à la formation d’un
nouveau gouvernement.
Réaffirmée encore avec vigueur à Paris
et à Viroflay le 15 et le 19 janvier 1986,
cette politique « barriste » reposait sur
une idée fondamentale : la nécessité de
maintenir la cohérence d’un exécutif à
deux têtes. Mais elle avait un inconvénient : celui de provoquer une élection
présidentielle dans la foulée des élections
législatives et donc de retarder la mise en
oeuvre du programme de l’Union pour la
nouvelle majorité.
Dans le droit-fil de sa déclaration
de Verdun-sur-le-Doubs du 27 janvier
1978, Valéry Giscard d’Estaing estimait
au contraire « la future cohabitation politique très viable » (interview à l’Express,
downloadModeText.vue.download 191 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
190
10 mai 1985), puisque le Premier ministre, une fois nommé par le chef de
l’État, ne pourrait être révoqué par ce dernier. Et il précisait, dans une conférence
de presse tenue à Paris le 14 janvier 1986,
qu’il serait de ce fait « indéboulonnable ».
Il rejoignait ainsi l’opinion de Jacques
Chirac pour qui il était impensable de
demander aux Français de voter pour le
programme de l’opposition tout en lui
annonçant qu’en cas de victoire celle-ci
refuserait de constituer un gouvernement pour l’appliquer avec le président
de la République encore en place. Faisant
une lecture parlementaire de la Constitution, contrairement à Raymond Barre,
le maire de Paris précisa, le 26 février
1986, lors d’une interview à Antenne 2,
que la cohabitation était possible à quatre
conditions : l’existence d’une majorité indiscutable ; l’affirmation de la confiance
de cette majorité envers le Premier ministre sollicité ; l’engagement solennel de
ce dernier d’appliquer sans concession le
programme défini dans « la plate-forme
pour gouverner ensemble du RPR et de
l’UDF » ; enfin, la promesse non moins
solennelle du chef de l’État de laisser le
Premier ministre exercer pleinement les
pouvoirs qui lui sont reconnus par l’article 20 de la Constitution : conduire la
politique de la France.
En fait, le président du RPR avait tenu
compte de la détermination du chef de
l’État à ne pas démissionner et à ne pas
rester neutre. Cette détermination s’était
affirmée tardivement, mais nettement,
sur deux plans très différents : d’abord
celui du combat politique pour deman-
der au peuple français « de ne pas couper les jarrets des équipes qui gagnent »
(discours du Grand-Quevilly, 17 janvier
1986) et « de préserver ses conquêtes »
(discours de Lille, 7 février) ; ensuite
celui de la Constitution en affirmant,
le dimanche 2 mars, quelques heures
avant le début de la campagne officielle,
qu’il « préférerait renoncer à (ses) fonctions que renoncer aux compétences de
(sa) fonction ». C’était laisser planer un
doute sur une éventuelle dramatisation
de la vie politique au lendemain d’une
défaite électorale de la majorité sortante.
Ce doute devait-il profiter au parti socialiste ? L’affirmer serait présomptueux.
Mais force est de constater que, crédité de
28 p. 100 des intentions de vote dans le
dernier sondage publié le 8 mars 1986, ce
parti obtint, le 16, 32, 65 p. 100 des suffrages exprimés.
Les résultats :
conséquences et perspectives
Au soir des élections, les politologues ne
furent pas trop surpris par la proclamation
des résultats. L’instauration de la proportionnelle avait porté ses fruits. Le reflux
de la vague rose avait été atténué dans de
nombreux départements où la gauche
avait pu conserver autant de députés que la
droite du fait de la répartition à la plus forte
moyenne des sièges restant à pourvoir.
La poussée du RPR et de l’UDF avait été
contenue, pas assez cependant pour empêcher ces partis de gouverner, car les vainqueurs avaient obtenu deux voix de majorité grâce à l’apport des divers droite. Fruit
du nouveau type de scrutin, le succès du
Front national était attendu. Seule son ampleur étonna puisque ses listes totalisèrent
9,85 p. 100 des suffrages exprimés, alors
qu’aucun sondage ne lui en avait accordé
plus de 7 à 8 p. 100. Mais il était en recul
downloadModeText.vue.download 192 sur 502
POLITIQUE
191
downloadModeText.vue.download 193 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
192
de 1,10 p. 100 par rapport aux 10,95 p. 100
obtenus aux élections européennes du
17 juin 1984. L’extrême droite n’aurait-elle
remporté une fois de plus qu’une victoire
circonstancielle, confortée par le charisme
de son actuel leader Jean-Marie Le Pen ?
downloadModeText.vue.download 194 sur 502
POLITIQUE
193
Pourtant, ce fut le déclin du PCF
qui focalisa l’attention de la classe politique. Il se poursuivait inexorablement :
21,41 p. 100 des suffrages exprimés aux
législatives du 4 mars 1978 ; 15,34 p. 100
aux présidentielles du 26 avril 1981 ;
downloadModeText.vue.download 195 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
194
11,20 p. 100 aux européennes du 17 juin
1984 ; 9,78 p. 100 aux législatives du
16 mars 1986. Jamais depuis 1924
(9,84 p. 100) les voix recueillies par ce
parti n’avaient été aussi peu nombreuses.
Devancé même par le Front national, il
downloadModeText.vue.download 196 sur 502
POLITIQUE
195
n’était plus que la cinquième force politique du pays. Sa faiblesse était telle que
le PS, malgré sa bonne tenue électorale
(32,65 p. 100 des suffrages exprimés),
ne pouvait plus espérer reconquérir la
majorité au Parlement et donc le contrôle
downloadModeText.vue.download 197 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
196
du pouvoir avec le seul concours de son
ancien partenaire. Dès lors, les dirigeants
socialistes étaient condamnés à rechercher
des alliés de substitution au centre gauche,
où ils s’étaient déjà étroitement associés au
MRG, qui leur devait, en fait, sa survie politique. Problème en apparence insoluble.
D’ailleurs, les temps s’y prêtaient-ils ?
Sûrement pas, et cela en raison d’une
conjoncture économique et sociale défavorable au pouvoir en place. Dépôts de
bilan multipliés, chômage accru, insécurité subie ou ressentie, autant de raisons
pour l’électorat de ne pas renouveler à la
gauche le bail de confiance qu’il lui avait
consenti en 1981. Mais il y a plus. Une
analyse fine du résultat des votes exprimés le 16 mars révèle que l’évolution en
profondeur de la structure de la société
française semble agir dans le même sens,
malgré une homogénéisation certaine du
vote des hommes et de celui des femmes.
Électeurs âgés de plus de 34 ans, inactifs,
travailleurs indépendants, agriculteurs,
catholiques pratiquants ou non et même
salariés disposant d’un revenu mensuel
supérieur à dix mille francs demeurent
majoritairement fidèles à la droite et
accordent leurs suffrages au RPR et à
l’UDF. Par contre, la gauche ne peut garder intacts ses bastions traditionnels.
Certes, elle maintient ses positions dans
la fonction publique, dont elle garantit
l’emploi sous le couvert d’un statut protégé, mais elle ne peut empêcher la dérive
droitière des employés du secteur privé,
ce qui réduit à 50 p. 100 le nombre des
salariés qui lui accordent encore ses suffrages en 1986. L’évolution technologique
défavorise aussi sa composante commudownloadModeText.vue.download 198 sur 502
POLITIQUE
197
niste, puisqu’elle entraîne rapidement la
réduction de la main-d’oeuvre et donc de
la classe ouvrière, qui est le support naturel du PCF, au profit des employés et des
cadres moyens, qui votent plus volontiers
pour le PS.
Mais l’avenir immédiat de la gauche,
prise dans son ensemble, n’est-il pas
encore menacé par la désaffection des
jeunes électeurs à son égard ? Convaincus sans doute qu’il ne peut y avoir de so-
lution idéologique à la crise économique,
ceux-ci ont accordé le 16 mars la majorité de leurs suffrages aux divers partis de
droite : 50 p. 100 pour la classe d’âge des
18-24 ans et même 53 p. 100 pour celle
des 18-20 ans. C’est là un phénomène
politique entièrement nouveau.
downloadModeText.vue.download 199 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
198
downloadModeText.vue.download 200 sur 502
POLITIQUE
199
Dès lors, une question se pose : la
double victoire remportée par François
Mitterrand et par les socialistes en 1981
a-t-elle bien marqué une inversion, dans
la longue durée, du rapport des forces
opposant la gauche à la droite, rapport
qui s’est toujours situé depuis la Seconde
Guerre mondiale dans une fourchette
électorale comprise entre 40 et 60 p. 100 ?
À deux reprises, ce mécanisme a fonctionné au bénéfice de la gauche : de 1946 à
1958 et de 1981 à 1986. Une fois, la droite
en a tiré longuement profit de 1958 aux
années charnières 1978-1981. Mais on
peut aussi se demander si le déferlement
de la vague rose en 1981 n’a été qu’un accident de parcours. La victoire remportée
par le RPR et par l’UDF aux élections sénatoriales du 28 septembre 1986 ne permet pas de trancher le débat, puisqu’elle
ne fait que traduire, au niveau de la haute
assemblée, l’ampleur des succès remportés par l’Union pour la nouvelle majorité
aux élections municipales, cantonales
et législatives antérieures. Les résultats
des élections législatives partielles de
ce même 28 septembre présentent plus
d’intérêt. En portant de 43,10 p. 100 à
45,93 p. 100 le nombre des suffrages exprimés en faveur de la liste UDF-RPR,
les électeurs de Haute-Garonne ont, à
l’évidence, refusé de donner au gouvernement en place l’habituel avertissement
sans frais que les électeurs lui adressent
souvent après six mois d’exercice du pouvoir. Par là-même n’ont-ils pas répondu
par avance à la question que nous nous
posions au début de ce paragraphe ? Il
faut y réfléchir en se rappelant toutefois
qu’une élection départementale n’a pas
la valeur d’une consultation à l’échelon
national et qu’en politique ce qui paraît
sûr n’est jamais certain.
downloadModeText.vue.download 201 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
200
Régionalisation
et décentralisation
Depuis que les Conseils régionaux ont été élus au suffrage universel
en mars 1986, la décentralisation est devenue une composante permanente
de la vie politique française.
Introduction
Pour trois raisons au moins, l’année
1986 pourra être marquée d’une
pierre blanche dans la chronique de la
décentralisation et de la régionalisation.
Pour la première fois dans l’histoire de la
République, des élections ont eu lieu le
16 mars – le même jour que les législatives – pour désigner au suffrage universel 1 840 conseillers régionaux. 1986 a été
aussi l’année pendant laquelle a été achevée la quasi-totalité de ce qu’on appelle les
« transferts de compétences », c’est-à-dire
de pouvoirs, autrefois exercés par l’État et
ses fonctionnaires, et qui relèvent désormais des collectivités locales, Régions,
départements, communes. Enfin – troisième élément à relever –, c’est la mort de
Gaston Defferre, qui fut l’artisan, l’inventeur et le grand maître de la décentralisation. On se souviendra de cette boutade
que lança un jour le maire de Marseille,
à peine nommé au gouvernement, en
juin 1981, et installé place Bauveau : « Si
j’avais pu choisir tout seul mon titre de
ministre, je me serais fait appeler ministre
de la Décentralisation et de l’Intérieur, et
non l’inverse. »
Décentralisation, régionalisation,
autonomie des collectivités locales sont
des notions à la fois proches et pourtant
distinctes. La décentralisation (qui est
une vieille idée dont la gauche n’a d’ailleurs pas à revendiquer le monopole) a
bénéficié, depuis 1981, à la fois aux départements et à leurs organes dirigeants
(les conseils généraux et leur « patron »,
le président du conseil régional), aux
maires et surtout aux conseils régionaux.
Surtout parce que, jusqu’à mars 1986,
ces conseils, à la différence des communes et des départements, n’étaient
pas, juridiquement, des collectivités locales de plein exercice. C’est chose faite
depuis que leurs membres sont élus au
suffrage universel. Ils n’ont d’ailleurs pas
mis beaucoup de temps pour acquérir
une réelle légitimité. D’où – souvent – la
confusion dans l’opinion publique entre
décentralisation et régionalisation.
Quant à l’autonomie des collectivités locales, elles se caractérise par une
double liberté depuis la grande loi-cadre
du 2 mars 1982. D’abord, le représentant de l’État, qui s’appelle désormais
commissaire de la République, n’est plus
détenteur du pouvoir exécutif dans le
downloadModeText.vue.download 202 sur 502
POLITIQUE
201
département ou la Région. Sa tutelle sur
les élus du suffrage universel s’est considérablement réduite. En second lieu,
aucune collectivité ne peut exercer une
tutelle sur une autre. Ainsi, la Région n’a
pas de pouvoir juridique hiérarchique
ou financier sur les départements qui la
composent et un conseil général ne peut
forcer la main d’une commune. Seul
l’État conserve un pouvoir d’arbitrage.
À mesure que s’affirment les pouvoirs
des Régions (et certaines sont présidées
par des personnalités qui ne veulent
évidemment pas faire de la figuration),
la vieille querelle entre les départementalistes et les régionalistes ressurgit.
À terme, qui l’emportera de la vieille
structure départementale, créée en
1790, réorganisée en 1871, solidement
implantée dans les mentalités et les réalités provinciales, et de la Région, institution neuve, tout entière tournée vers
l’économie et l’aménagement du territoire ? Quatre niveaux d’administration
– l’État, la Région, le département, la
commune (sans compter la communauté urbaine parfois et l’échelon européen)
–, n’est-ce pas trop ? N’est-ce pas la porte
ouverte à une multiplication à l’infini de
la bureaucratie ?
La décentralisation a aussi introduit
des transformations profondes dans le
rôle et la place du préfet, représentant de
l’État dans le département et la Région.
Il a perdu les attributs du pouvoir exécutif, notamment celui d’élaborer et de
mettre en oeuvre le budget départemental ou régional. Ses pouvoirs de contrôle
consistent désormais uniquement à
s’assurer que les délibérations des collectivités locales sont bien conformes
aux lois et décrets de la République.
Dans le cas contraire, il défère ces délibérations au tribunal administratif.
Lorsqu’il s’agit d’anomalies financières
et précisément budgétaires (un budget
présenté en déséquilibre, des dépenses
dites obligatoires non inscrites), l’une
des 24 chambres régionales des comptes
(22 pour la métropole, 2 pour l’outremer) est saisie.
Fonctionnant comme la Cour des
comptes, ces chambres font un travail
utile, mettent le doigt sur des anomalies. Pour la première fois, le rapport
annuel de la Cour des comptes a publié
en juin des extraits des observations
formulées par les chambres régionales
des comptes. Elles ont relevé quatre
genres de pratiques dangereuses ou
contestables : la mauvaise utilisation des
échelons administratifs intermédiaires,
comme les syndicats intercommunaux,
dans lesquels les collectivités n’exercent
pas comme elles le devraient leurs responsabilités ; la tendance de certaines
communes à engager des programmes
d’investissements ambitieux qui, à leur
terme, se révèlent très coûteux ; les aides
financières parfois excessives que certaines collectivités apportent pour l’implantation d’entreprises ; certains agissements qui ont pour effet de contourner
la réglementation au préjudice des finances publiques.
Pour redonner du prestige aux préfets
commissaires de la République, le gouvernement de M. Chirac, dans la même
ligne sur ce point au moins que celui de
M. Fabius, a décidé que la déconcentration devait aller de pair avec la décentralisation. Rappelons à ce propos qu’il y a
décentralisation des pouvoirs lorsqu’une
autorité, l’État en l’occurrence, se dédownloadModeText.vue.download 203 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
202
charge de certains d’entre eux et les
confie à d’autres autorités indépendantes
de l’État et élues, à savoir les collectivités locales. Il y a déconcentration, en revanche, lorsque l’État central, parisien,
avec ses ministères et leurs directions
générales, se décharge de ses pouvoirs
et les fait exercer par ses représentants,
ses agents, en province, en l’occurrence
les préfets et les sous-préfets. M. Pasqua,
ministre de l’Intérieur, a défini, au début
de juillet, les orientations du gouvernement à propos de la décentralisation et
de la déconcentration, indiquant aux
préfets qu’ils ne devaient en rien renoncer à leurs pouvoirs qui sont grands,
puisqu’ils représentent tous les ministères, et donc l’État et le gouvernement
dans leur ensemble.
Les transferts de compétences
Quels pouvoirs ont été transférés aux
collectivités territoriales ?
L’opération s’est déroulée sur quatre
ans pour trouver son aboutissement en
1986. Dès mai 1983, la Région s’est vu
attribuer des compétences importantes
pour l’aménagement du territoire. C’est
l’époque où sont préparés et signés les
« contrats de plan » entre l’État et les
Régions. Ces contrats déterminent, au
vu d’un plan régional, les actions prioritaires et les clés de financement. Ils
fixent des engagements réciproques.
L’État, avant et après mars 1986, s’est fait
un devoir de respecter ses obligations
au prix parfois de légers ajustements,
par exemple pour les routes ou les gros
travaux d’infrastructure. Sur la période
1984-1988, l’État a annoncé qu’il dépenserait 38,9 milliards ; les Régions ont
programmé 25,8 milliards.
Autre compétence transférée aux
Régions : la formation professionnelle
continue et l’apprentissage. Les Régions
bénéficient enfin depuis 1986 de capacités accrues : c’est à elles qu’incombent la
construction, la rénovation, l’entretien
des lycées et de certains établissements
d’enseignement spécialisés (À titre
d’exemple, la Franche-Comté a 25 lycées
à gérer.).
Les conseils généraux sont, depuis
cette année aussi, responsables des col-
lèges mais, comme les Régions pour les
lycées, ils n’exercent aucune compétence
relative à la pédagogie ou à la gestion du
personnel d’enseignement. Depuis 1984,
downloadModeText.vue.download 204 sur 502
POLITIQUE
203
les départements ont, en outre, pris en
main les transports scolaires et surtout l’aide sociale, un secteur très lourd
financièrement. Heureuse surprise !
Depuis que l’État a délégué aux conseils
généraux les dépenses d’aide sociale,
celles-ci progressent à une allure raisonnable, voire diminuent. De là à penser
que les élus locaux gèrent plus rationnellement les finances publiques que l’État
downloadModeText.vue.download 205 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
204
– au moins pour tout ce qui relève des
services et des « équipements de proximité », en contact direct avec la population –, il n’y a qu’un pas, que beaucoup
sont tentés de franchir.
Les communes, elles, ont élargi leurs
pouvoirs dans le domaine de l’urbanisme. C’est le maire qui délivre le permis de construire en son nom propre.
En outre, à côté des attributions juridiques, il y a les responsabilités de fait.
Et, à cause de la crise économique,
de l’urgence à régler les problèmes de
l’emploi et à rechercher des implantations d’entreprises, les maires des
grandes villes et des petites communes
sont, qu’ils le veuillent ou non, investis
de pouvoirs économiques qui ne sont
pas sans portée (bureaux de recherche
d’investisseurs, constructions d’usinesrelais, garantie d’emprunts, exonération
de taxe professionnelle, etc.).
La décentralisation est-elle un gouffre
financier, ouvre-t-elle la voie à des abus,
à des privilèges, à des prébendes, comme
le croient et l’écrivent certains anciens
préfets ? On lira avec intérêt, de ce point
de vue, le livre que M. Jean Émile Vie,
préfet de Région, a publié sous le titre
Les Sept Plaies de la décentralisation, qui,
du début jusqu’à la fin, est un hymne au
centralisme.
La Caisse des dépôts et consignations,
qui tient à jour un tableau de bord précis
de l’évolution des finances locales, estime
que, tout compte fait, la progression des
dépenses et de la fiscalité a été modérée.
Pour les communes, dont les impôts
sont trois fois plus élevés que ceux des
départements et vingt fois plus que ceux
des Régions, la fiscalité directe a augmenté en 1984 de 19 p. 100 et en 1985
de 11,6 p. 100. Pour les départements,
les hausses ont atteint 18 et 12 p. 100 ;
pour les Régions, les pourcentages sont
de 33,5 et 15,3. Évidemment, les Régions
apparaissent, comme les collectivités locales, les plus boulimiques puisqu’elles
sont une nouvelle institution qui a besoin de s’affirmer.
Est-il vrai que, dans un certain
nombre de cas, la hausse des budgets régionaux entre 1984 et 1985 est plus que
downloadModeText.vue.download 206 sur 502
POLITIQUE
205
significative (+ 26 p. 100 en Bourgogne,
+ 25 p. 100 en Picardie ou en Limousin) ? Les différences sont instructives
aussi lorsque l’on compare la fiscalité
directe par habitant selon les Régions ;
136 F dans le Nord-Pas-de-Calais, 130 F
en Midi-Pyrénées, 31 F seulement dans
les Pays-de-la-Loire ou 50 F en HauteNormandie. En Provence-Alpes-Côted’Azur, le produit des impôts dans le
total des ressources ne dépasse pas
19 p. 100, alors qu’il dépasse 35 p. 100 en
Auvergne, 33 p. 100 en Franche-Comté,
43 p. 100 dans le Nord et en Midi-Pyrénées (la moyenne tournant en 1985
autour de 30 p. 100).
On met souvent en avant pour le
critiquer le développement excessif
du nombre de fonctionnaires qu’ont
embauchés, encouragés par la décentralisation, les communes, les départements et les Régions. Mais, n’eût-il pas
été normal que l’État, commencât luimême, et dès 1982, à réduire le nombre
de ses fonctionnaires pour en transférer
un bon nombre vers les communes, les
départements, les Régions qui avaient
et ont toujours besoin de cadres de haut
niveau ?
Plus d’un million de fonctionnaires
Pour ce faire, il eût fallu qu’existât un
véritable statut de la fonction publique
territoriale. Or seuls les agents communaux étaient dotés d’un statut comparable à celui des fonctionnaires d’État.
M. Defferre, puis M. Joxe élaborèrent
donc pour les quelque 1 100 000 agents
territoriaux un statut qui fut consigné
dans la loi du 26 janvier 1984, complétée
par des décrets et arrêtés sur les comités
techniques paritaires, les corps, la formation, le droit syndical, etc.
Mais il est vite apparu que la mise en
oeuvre de cette loi était extrêmement
compliquée et difficile. Dès avril 1986,
l’une des premières tâches du gouvernement fut de la mettre en veilleuse et, en
procédant à une large consultation des
syndicats de personnels et des associations d’élus, de remettre en chantier un
nouveau projet.
Yves Galland, nommé ministre délégué chargé des collectivités locales en
septembre, a vite travaillé, puisqu’il fait
adopter par le Conseil des ministres
de la mi-novembre un projet de loi
mettant en place un nouveau statut
qui tient compte de deux impératifs :
– les maires et les « patrons » des Régions et des départements doivent
conserver directement leurs responsabilités et une certaine liberté dans la
gestion du personnel sans passer par
des échelons de gestion intermédiaire ;
– il faut que le système ne soit pas trop
coûteux, alors que celui imaginé par
les gouvernements socialistes prévoyait
quatre cotisations différentes.
Mais, du projet précédent, le gouvernement de M. Chirac garde trois principes : l’unité de la fonction publique
territoriale, la mobilité des agents, et
enfin des garanties de carrière.
Comment seront recrutés les agents ?
Par concours, selon le sacro-saint principe de la fonction publique. Mais un
candidat reçu ne sera pas automatiquement engagé et nommé. Il faudra qu’il
soit recruté par le maire ou le président
du conseil régional ou général à partir
d’une liste d’aptitudes établie par le jury.
downloadModeText.vue.download 207 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
206
Le gouvernement n’a pas voulu qu’un
maire, par exemple, se voit imposer un
candidat qu’il n’aurait pas choisi ou soit
l’objet d’une sanction financière s’il refusait le candidat. Si le texte est adopté par
le Parlement, il sera créé un Centre national de la fonction publique territoriale
chargé de la formation, des concours, de
la mise en place d’une « bourse de l’emploi », du déroulement de carrière des
fonctionnaires des grades les plus élevés ; des centres départementaux, voire
interdépartementaux, s’occuperont de
la gestion technique des personnels employés dans les communes de moins de
200 habitants.
S’occuper des fonctionnaires, c’est
bien, mais il ne faut pas oublier les élus
eux-mêmes. Reparler du statut des élus
locaux et régionaux, c’est réveiller un
serpent de mer – ce que font tous les
gouvernements successifs sans parvenir
à traiter à fond la question. Pourtant, à
l’initiative des gouvernements socialistes de 1981-1986, une loi qui limite le
cumul des mandats sera mise en application en 1987. Et l’actuel ministre chargé des collectivités locales la juge pour
sa part tout à fait judicieuse.
Il faut, de plus, permettre à un nombre
de plus en plus grand de salariés d’entreprises privées ou nationales de s’engager
dans la vie publique. C’est pourquoi le
gouvernement a ouvert une négociation avec le CNPF sur la question. Les
salariés devraient pouvoir obtenir deux
sortes de crédits d’heures pour exercer
un éventuel mandat, le premier crédit
étant pris en charge par l’entreprise et la
seconde tranche par le salarié lui-même.
Les élus demandent aussi que soient
réglés les problèmes de leurs indemnités
et de leur retraite. M. Marcel Debarge,
sénateur socialiste, avait été chargé de
réfléchir à la question, mais ses propositions de revalorisation des indem-
nités auraient abouti à une « ardoise »
de quelque 10 milliards de francs. Une
amélioration plus immédiate pourrait être obtenue en revanche en ce qui
concerne les retraites complémentaires.
Il ne faut pas que les Régions débordent le cadre qui leur a été fixé et
qu’elles alimentent une nouvelle bureaucratie. Elles ne doivent pas se substituer
ou se surajouter à des collectivités locales
qui ont l’habitude de la gestion, a déclaré
en substance M. Chirac à la mi-octobre à
la Réunion, devant le congrès des présidents de conseils généraux. 1987 dira si
la décentralisation enregistre une pause,
un recul ou au contraire une consolidation. De toute façon, changer des
habitudes administratives et politiques
séculaires de centralisme est une affaire
de volonté, de constance, sur plusieurs
générations.
FRANÇOIS GROSRICHARD
Un nouveau cours
pour l’aménagement
du territoire
Ceux qui pensaient que l’arrivée d’un
nouveau gouvernement en mars
1986 modifierait le cours de l’aménagement du territoire on dû être déçus. A
la fin de l’année, le délégué, M. Jacques
Sallois, ancien directeur du cabinet de
M. Jack Lang, était toujours en poste.
Le ministre de l’Aménagement du territoire, du Logement et de l’Équipement
n’avait toujours pas pris d’orientations
très marquées, sauf à accepter une amdownloadModeText.vue.download 208 sur 502
POLITIQUE
207
putation considérable du budget des
primes et à réorienter ses crédits pour
1987 sur les infrastructures routières.
Mais, surtout, tout le monde est resté
jusqu’au 18 novembre dans l’attente du
rapport d’Olivier Guichard, qui avait été
sollicité fin mai par le nouveau ministre,
M. Pierre Méhaignerie, pour définir
clairement les priorités, et énumérer
aussi les « non-priorités », étant entendu
qu’il faut désormais compter sur trois
faits nouveaux : la décentralisation, la
faible croissance économique, la dimension européenne.
Il est vrai que, écartelé entre deux
logiques et deux légitimités – l’efficacité économique et la solidarité géographique –, l’aménagement du territoire
a grand besoin d’un bilan général de
santé. D’autant qu’avec la crise toutes
les régions ont, à un titre ou à un autre,
quelque raison de demander l’appui
de l’État. Celles qui caracolent en tête,
comme l’Île-de-France, Rhône-Alpes
downloadModeText.vue.download 209 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
208
ou l’Alsace, ont besoin de maintenir
leur avance et de préserver leurs atouts
pour résister à la concurrence d’autres
régions européennes. Celles, comme
le Nord-Pas-de-Calais ou la Lorraine,
qui sont frappées de plein fouet par la
triple récession des charbonnages, de la
sidérurgie et d’autres activités lourdes
(pétrole, mécanique, chimie, chantiers
navals) cherchent difficilement les voies
de la reconversion industrielle. Dans
un troisième groupe (Ouest, Normandie, Poitou-Charentes, Aquitaine), où
les greffes industrielles ont commencé
à prendre dans les années 1960-1970,
les Régions sont encore fragiles et ont
besoin de voir accompagné leur développement industriel, universitaire et
technologique. Enfin, le Massif central,
les Alpes du Sud, les Pyrénées sont gagnés par le « désert rural », tandis que
les espaces limitrophes (Toulouse, Languedoc, Provence-Côte-d’Azur), favorisés par le tropisme du soleil, ont une
population croissante et décrochent de
beaux succès industriels.
À cet égard, la réussite des « technopoles » de Toulouse, Montpellier et
Nice-Sophia Antipolis, très prisées par
les investissements de haute valeur ajoutée, fait pâlir les métropoles du Nord, de
l’Ouest et du Centre. Comme la carte
ci-devant l’indique, une quinzaine de
zones frappées par les nécessaires reconversions industrielles peuvent être
considérées comme « prioritaires » au
regard de la politique traditionnelle
d’aménagement du territoire.
Dressant à la fin de l’été le bilan de la
politique des pôles de conversion lancée
en mars 1984, la DATAR a pu recenser 500 dossiers d’entreprises nouvelles
installées dans ces quinze pôles, qui
ont reçu une prime d’aménagement du
territoire, sur des crédits d’État, d’un
montant moyen de 47 000 F par emploi.
Sur trois ans, 27 500 emplois devraient
être créés pour 7,65 milliards de francs
d’investissements. À quoi s’ajoutent,
dans l’éventail des aides, d’autres primes
ou prêts publics et des mesures sociales
pour permettre aux salariés « en sureffectifs » de quitter leur entreprise et de
suivre une formation, ou de tenter de
créer une entreprise.
Ces résultats ne sont pas négligeables,
mais, bien sûr, ils sont loin de compenser les suppressions d’emplois dans les
mêmes zones. Et les réserves d’usines
de la région parisienne qui seraient susceptibles d’être transférées en province
s’épuisent. 40 000 emplois, en effet, ont
été volontairement décentralisés chaque
année de 1955 à 1970, encore 10 000 de
1970 à 1980, mais seulement 5 000 au
mieux depuis cette date.
Dernière décision importante prise à
l’automne au chapitre de l’aménagement
du territoire : la création de « zones
d’entreprises », à l’instar de ce qui existe
dans plusieurs pays, notamment en
Grande-Bretagne, sur les trois sites de
Dunkerque, La Seyne et La Ciotat, pris
dans la crise des chantiers navals de la
NORMED. Les entreprises qui viendront y créer des emplois seront exonérées d’impôts sur les bénéfices pendant
dix ans.
FRANÇOIS GROSRICHARD
downloadModeText.vue.download 210 sur 502
POLITIQUE
209
À travers les Régions
Pour chaque Région ou département d’outre-mer, les budgets cités sont
les états de prévision primitifs de 1987, qui
sont susceptibles d’évoluer dans le courant de l’année (source :
ministère de l’Interieur).
ALSACE
L’Alsace détient un record. La charge
fiscale par habitant prélevée par le conseil
régional est la plus faible de France (140 F
en 1985, au lieu de 210 F en Midi-Pyrénées par exemple).
Le caractère de plus en plus international des données et des échanges économiques n’effraie pas l’Alsace.
Précisément, les premiers à en tirer
profit sont les frontaliers. Ils sont de plus
en plus nombreux à aller travailler en
Allemagne (15 720 au 1er trimestre 1984 ;
17 000 au 2e trimestre 1986), alors que le
nombre de frontaliers qui se dirigent vers
la Suisse baisse corrélativement (20 600
au début de 1984 et 18 000 à la fin de
downloadModeText.vue.download 211 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
210
1986). La bonne tenue de la conjoncture
allemande favorise l’écart entre le taux
de chômage du Bade-Würtemberg tout
proche (5,1 p. 100 en mai 1986) et celui
de l’Alsace (7,3 p. 100), augmentant la
pression de la main-d’oeuvre française sur
le marché allemand du travail.
L’Alsace a ouvert un bureau au Japon
chargé de convaincre des investisseurs
tentés par une implantation en France.
Ces investisseurs seront satisfaits d’apprendre que l’Alsace est au premier rang
des Régions françaises pour la part des
salariés de l’industrie occupée dans des
établissements dont le capital social est
détenu à plus de 20 p. 100 par des entreprises étrangères.
AQUITAINE
Le port de Bordeaux joue le rôle de
poumon économique de l’Aquitaine.
Le trafic de 1985, avec 10,7 millions de
tonnes, s’est accru de 6 p. 100 par rapport
à l’année précédente. Mais, si les volumes
d’hydrocarbures ont progressé, le trafic
générateur de valeur ajoutée, c’est-à-dire
les conteneurs, a chuté de 6 p. 100.
Bordeaux « sort » de Bordeaux et glisse
vers l’aval. L’avenir porte deux noms : le
Verdon et Bassens. Face à Roy an, le Ver-
don a du mal à honorer les espoirs qu’on
avait mis en ce site il y a dix ans. Deux
armements étrangers ont décidé de supprimer leurs escales au Verdon. En revanche, c’est à un changement complet de
décor que l’on assiste à Bassens, sur la rive
droite, aux portes mêmes de Bordeaux,
où règne une activité fébrile. Hangars et
terre-pleins regorgent de marchandises
de tous genres. L’optimisme trouve là ses
racines. Les nuages ? Shell a décidé de
fermer sa raffinerie de Pauillac.
AUVERGNE
En étant élu en mars 1986 président
du conseil régional, M. Giscard d’Estaing
a rompu une longue domination socialiste, assurée depuis 1977 par M. Maurice
Pourchon. Et, sans ambage, il a décidé de
faire faire un tournant à 90 degrés à l’institution régionale qui, selon lui, doit être
moins « interventionniste ». Premier acte
concret : mettre un terme à la construction de l’hôtel de la Région dont le coût
aurait avoisiné 100 millions de francs et
qui avait été confiée par M. Pourchon à
Renzo Piano, l’architecte de Beaubourg.
À sa place, M. Giscard d’Estaing veut
faire construire une école d’ingénieurs
des métiers de la mécanique, orientée
downloadModeText.vue.download 212 sur 502
POLITIQUE
211
vers les matériaux du futur. Poursuivant
son plan de réduction des effectifs et de
restructuration engagé en 1980, Michelin a annoncé le 29 octobre la suppression de 2 200 emplois, dont 1 650 dans
la capitale auvergnate. Parallèlement,
Michelin met en place une unité faisant
appel aux dernières inventions de la robotique, qui sera opérationnelle en 1988
à Clermont-Ferrand.
Michelin occupe encore 22 000 personnes en Auvergne et un emploi chez
Michelin en induit deux ou trois hors de
l’entreprise. Le conseil régional va-t-il entériner cette orientation vers la monoindustrie ou peut-il mener une politique de
diversification ?
BOURGOGNE
La Région a un taux de natalité plus
faible que la moyenne nationale et un
taux de mortalité plus fort. Dans une
étude publiée par le Comité économique
et social, les experts relèvent que 35 cantons (essentiellement dans le Morvan)
peuvent être qualifiés de « désert bourguignon » avec une chute de la population de 8 p. 100 en vingt ans et une densité de 18 habitants au m 2.
Les zones urbaines ont aussi leurs problèmes et le périmètre de Chalon-surSaône-Le Creusot-Montceau-les-Mines,
classé « pôle de conversion » en mars 1984,
a dû affronter depuis deux ans la crise du
charbon et la faillite de Creusot-Loire.
downloadModeText.vue.download 213 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
212
Le pôle de conversion est souvent cité
comme un modèle. Sur les 1 283 licenciés de Creusot-Loire en décembre 1984,
9 p. 100 d’entre eux avaient, 22 mois
après, retrouvé un travail, 3,3 p. 100
seulement avaient eu à subir une
déqualification.
Le taux de chômage dans les villes
du pôle de conversion, qui était
de 10,65 p. 100 début 1984 et de
12,17 p. 100 début 1985, est tombé à
10,19 p. 100 en juillet 1986. En deux
ans et demi, 137 millions de francs de
primes de la DATAR ont été accordés
à des entreprises qui se sont engagées à
créer 4 180 emplois pour 750 millions de
francs d’investissements.
BRETAGNE
Depuis 15 ans, la Bretagne est devenue
une région pilote pour l’agriculture, mais
depuis deux ans la situation se détériore ;
les agriculteurs, qui ont beaucoup investi,
sont endettés et les cours à la production n’évoluent pas comme les prix de
revient. On est passé de difficultés d’ordre
conjoncturel (déséquilibre passager des
marchés) à des problèmes structurels
qui remettent en cause la dynamique de
ce complexe agroalimentaire, moteur
de l’économie régionale (les industries
agroalimentaires emploient plus de
37 000 personnes, dont près de 15 p. 100
dans les coopératives).
Le principal sujet de préoccupation
concerne le secteur lait-viande bovine auquel participent directement ou indirectement deux agriculteurs sur trois. L’instauration des quotas laitiers a provoqué
des manifestations violentes ; les agriculteurs ont refusé de payer les taxes parafiscales sur les céréales qu’ils achètent pour
nourrir leur bétail. Les dépassements des
quotas laitiers ont été élevés pour la campagne mars 1985-mars 1986 ; après les six
premiers mois de 1986, ils atteignaient
5 p. 100. Ces quotas tendent à fermer la
porte aux jeunes qui désirent s’installer,
alors que la relève des chefs d’exploitation
est déjà jugée insuffisante.
Pour les porcs, la situation a été plus
satisfaisante : bonne tenue des cours,
baisse des prix des aliments à cause de
l’effet dollar (la majeure partie des tourteaux est importée). Les éleveurs ont pu
reconstituer partiellement leur trésorerie. La Bretagne produit 45 p. 100 de la
viande de porc française.
downloadModeText.vue.download 214 sur 502
POLITIQUE
213
CENTRE
Cette Région, faite de six départements, traîne comme un boulet un complexe d’identité. Mais, c’est la Région
Centre qui, dès 1985, a pris la première
l’initiative de contester les systèmes
d’aides financières aux entreprises, qui
étaient alors partout en vigueur. Le
conseil régional a estimé que les subventions aux entreprises qui créaient des emplois n’étaient pas une bonne méthode :
cet interventionnisme est contraire à
la philosophie libérale actuelle, les élus
n’ont pas à se substituer aux banquiers et,
surtout, outre le fait que l’efficacité réelle
des primes sur l’emploi reste à démontrer, elles « déresponsabilisent » les chefs
d’entreprises.
« Faisons ce que les autres ne peuvent
pas faire et ne faisons que cela », répond
M. Dousset. D’année en année, le budget
consacré au développement industriel et
artisanal diminue. Les primes sont remplacées par des avances, des prêts, des
garanties d’emprunt.
Fin octobre a été ouverte la section
d’autoroute Orléans-Salbris (60 km), à
travers la Sologne, qui a soulevé de nombreuses polémiques, puisque les premiers
projets remontent à 1972.
CHAMPAGNE-ARDENNE
downloadModeText.vue.download 215 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
214
L’agriculture est très performante, tout
autant que l’industrie agroalimentaire.
La Région est au premier rang pour la
fabrication des crèmes glacées ou pour la
luzerne déshydratée, au second pour les
sucreries. Dans l’industrie proprement
dite, 50 p. 100 de la production française de sous-vêtements et 40 p. 100 de
la production de layettes proviennent de
Champagne-Ardenne.
Le nord de la Région est frappé par la
crise sidérurgique. La vallée de la Meuse
a été classée pôle de conversion en 1984 ;
les entreprises qui viennent s’y installer
peuvent bénéficier de primes et d’aides
financières.
La Région ayant hérité de la gestion
des lycées, le conseil régional a visé haut :
138 millions de francs (sur un total de
500 millions en 1986). Il s’est engagé
dans un certain nombre d’actions spécifiques pour améliorer le système éducatif : construction de deux cités scolaires à
Troyes et à Reims et de dix-huit collèges
ruraux ; aide au lancement de vingt-huit
opérations de préscolarisation en milieu
rural ; équipement informatique de quatorze lycées ; reconversion des professeurs de LEP vers de nouvelles disciplines
(électrotechnique, informatique).
Dernière initiative originale à signaler : la décision de créer un Institut régional de la coopération décentralisée pour
tisser des liens d’échanges et d’entraide
avec le tiers-monde.
CORSE
Les Corses s’interrogent sur l’avenir
du vignoble : 32 000 hectares en 1976,
11 000 aujourd’hui, soit à peine plus qu’à
l’époque où sont arrivés les rapatriés d’Algérie. L’arrachage massif, subventionné
par la CEE, est passé par là. 1985 a marqué une accélération. Il est vrai que la
commission de Bruxelles est attrayante :
40 000 à 49 000 F à l’hectare.
Les stocks disponibles de la récolte
1985 (un million d’hectolitres) sont restés élevés ; les mesures de distillation
n’ont que partiellement compensé le retard enregistré en matière de commercialisation, qui a pesé sur les cours.
FRANCHE-COMTÉ
Les Régions, M. Edgar Faure connaît !
Il fut le père des circonscriptions d’action
régionale, qu’il a créées, en 1955, lorsqu’il
était à Matignon.
Le dynamisme de sa Région est réel :
c’est la Région la plus industrialisée de
France puisque 43 p. 100 de sa maind’oeuvre et de son produit sont d’origine
industrielle contre 30 p. 100 dans la
moyenne française. Le taux de couverture des importations par les exportations de... 247 p. 100.
downloadModeText.vue.download 216 sur 502
POLITIQUE
215
Mais les zones d’ombre s’étendent :
taux de croissance de la production industrielle inférieur à la moyenne, perte
de 4 000 à 5 000 emplois par an depuis
cinq ans, fort pourcentage de salariés
sans qualification.
Pour réagir contre cette « hémorragie
lente », le conseil régional lance un vaste
programme de formation. Un plan de
modernisation des lycées s’étendant sur
quinze ans, avec chaque année 50 millions de crédits régionaux (soit davantage
que le volume des crédits d’État transférés), a été adopté.
La Région demande aussi que l’État accepte une décentralisation plus marquée
de l’appareil de recherche.
ÎLE-DE-FRANCE
Mickey va-t-il élire domicile à Marne-
la-Vallée, cette ville nouvelle située à
40 km à l’est de Notre-Dame ? Telle était
la grande question encore sur toutes les
lèvres à la fin de 1986. Une question fondamentale, puisque à la clé de ce gigantesque parc de loisirs miroitent quelque
40 milliards de francs d’investissements,
des dizaines de millions de visiteurs français et étrangers chaque année, un coup
de fouet extraordinaire pour le commerce, les hôtels, les organisations de
congrès, les travaux publics – bref, pour
l’emploi. Et, même si le taux de chômage
en Île-de-France est très sensiblement inférieur à la moyenne nationale (la région
parisienne ne souffre ni de la crise de la
sidérurgie ni de celle des chantiers navals ; elle concentre, en revanche, les deux
tiers des grands laboratoires, les trois
quarts des sièges sociaux des grandes
downloadModeText.vue.download 217 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
216
entreprises et d’une façon générale des
emplois tertiaires de haut niveau), un tel
projet ne peut qu’être favorable à l’activité
économique, dussent les agriculteurs de
l’Est parisien en souffrir.
Mais les négociations traînent en longueur. Aux questions financières (quels
allégements fiscaux seront proposés aux
investisseurs américains ?) s’ajoutent des
discussions juridiques sans fin : faut-il
créer à Marne-la-Vallée un établissement
public ad hoc ?) et des craintes d’ordre
culturel (la « bonne culture » française
va-t-elle résister au rouleau compresseur
de l’impérialisme américain ? Le génie
français saura-t-il résister aux séductions
du « roi dollar » ? Pourtant le président
du conseil régional tient à cette affaire
comme à la prunelle de ses yeux et il engage toute la région dans la bataille.
Michel Giraud, à la tête de la Régioncapitale, défenseur déterminé de la Région devant la montée en puissance des
« départementalistes », n’hésite pas à sortir de l’Hexagone. En 1985, il a créé l’association Metropolis, qui regroupe plus
de vingt grandes métropoles mondiales.
L’Île-de-France a conclu des accords de
coopération concrète avec la capitale
égyptienne pour l’organisation des trans-
ports, avec Shanghaï pour l’urbanisme.
En mai 1987, à Mexico, lors du congrès
de Metropolis qui sera consacré au logement et à l’urbanisme, d’autres accords
seront paraphés.
Urbanisme, transports, cadre de vie,
environnement : tels ont les axes forts de
la politique de l’Île-de-France. Les Franciliens attendent avec impatience que
le gouvernement donne son feu vert à
l’autoroute A 14 La Défense-Orgeval, qui
pourrait être la première grande opération d’autoroute urbaine à péage financée
par des capitaux privés.
LANGUEDOC-ROUSSILLON
C’est l’homme fort du département
de France le moins peuplé qui dirige la
Région depuis mars 1986. Mais le maire
de la plus grande ville, Montpellier – le
socialiste Georges Frêche, connu pour
son caractère difficile, mais aussi son dynamisme inépuisable et ses succès –, est
son adversaire politique et son rival. Les
passes d’armes Frêche-Blanc ponctuent
régulièrement l’actualité du LanguedocRoussillon. D’autant que Perpignan et la
Catalogne aiment bien que leur « autonomie » soit reconnue, que la Lozère, perchée sur ses montagnes ou blottie dans
les gorges du Tarn, ne trouve pas très évidownloadModeText.vue.download 218 sur 502
POLITIQUE
217
dents ses liens avec les cités touristiques
de Gruissan ou du Cap-d’Agde.
Georges Frêche a mis le Languedoc
en émoi lorsque, en juillet, il s’est écrié :
« Montpellier et la Région n’ont plus rien
à faire ensemble ! » Le conseil régional, où la gauche est minoritaire, venait
de supprimer les crédits pour la société
Languedoc-Roussillon Export et pour
l’Opéra-palais des Congrès de Montpellier (50 millions de F). « Je montrerai que
si Montpellier peut vivre sans la Région,
la Région ne vivra pas sans Montpellier », a lancé Georges Frêche. Réplique
de Jacques Blanc : « Je veux rééquilibrer
la Région, Montpellier a beaucoup pioché dans les finances régionales. Elle doit
être la capitale d’une Région, non d’un
désert. »
LIMOUSIN
C’est l’une des « plus petites » Régions,
en superficie, en population, en revenu
par habitant, en ressources. Pourtant, elle
ne s’avoue pas vaincue.
La Région pratique une politique audacieuse dans le domaine de la recherche,
en collaboration avec l’industrie. De
nombreux organismes ont vu le jour ces
dernières années, dans l’orbite de l’université et de ses laboratoires : École nationale de céramique industrielle, Institut
de recherche en communication optique
et micro-ondes, Fondation de l’eau, Institut bio-limousin, Institut de gestion des
énergies. Un slogan est né : « Ne cherchez
plus la route du futur, elle passe par le
Limousin. » La Région se situe en effet au
deuxième rang en France pour le budget
consacré à la recherche.
Pour faciliter la création et le développement des PME, une Société limousine de garantie a été créée en juillet
1986. Associant la quasi-totalité des établissements financiers de la Région et le
conseil régional, avec un capital initial
de 250 000 F, cette société garantira, à
hauteur de 50 p. 100, des prêts à moyen
et long terme dont bénéficient les PME
de moins de 50 salariés. Le ministre de
l’Équipement, M. Méhaignerie, a promis pour 1987 un effort exceptionnel de
l’État afin de moderniser les routes dans
la Région.
LORRAINE
Le 27 octobre 1986, devant ses collègues du conseil régional, M. Jean-Marie Rausch n’a pas mâché ses mots en
dressant un constat de l’évolution économique récente : « Sur 9 800 emplois
promis, 1 023 ont été créés et 3 200 sont
downloadModeText.vue.download 219 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
218
définitivement abandonnés. » Et il a ajouté : « Je me dois de rappeler solennellement
ici que la Lorraine ne saurait accepter que
le gouvernement actuel revienne sur les
engagements de celui qui l’a précédé, même
si ce dernier n’en avait pas prévu la couverture financière. »
Encore un chiffre qui montre l’ampleur du problème de la conversion industrielle : entre 1982 et 1987, la sidérurgie lorraine aura perdu 22 000 emplois,
ce qui représente deux fois l’effectif de
l’ensemble des grands chantiers navals
français.
Mais des réalisations concrètes ont pu
être engagées ou menées à bien dans le
cadre du contrat de plan État-Région : un
ambitieux programme routier, la création
d’un aéroport régional, l’institut national
polytechnique de Lorraine, l’autoroute
Nord-Sud Lorraine-Bourgogne.
Le 5 novembre, une étape décisive a été
franchie, toujours au chapitre industriel,
dans la constitution du « pôle européen »
de Longwy, création originale, voire
unique en France et en Europe, puisque
cette entité regroupe des communes
françaises, belges et luxembourgeoises.
Les entreprises qui viendront s’installer
pourront bénéficier d’aides (nationales
ou européennes) pouvant aller jusqu’à
30 p. 100 des investissements.
Le projet de pôle européen est né officiellement en janvier 1986. Il prévoit en
« parc industriel » de 400 hectares avec
des aménagements douaniers spécifiques. Selon M. Jacques Chérèque, préfet
délégué à l’industrialisation, 8 000 emplois pourraient y voir le jour d’ici à 1990,
dont 5 500 pour la zone française.
MIDI-PYRÉNÉES
Un événement important a eu lieu le
16 juin 1986 à Agen. Les responsables
d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées ont décidé de mettre l’avenir de leurs Régions
en commun. Au moment où l’Espagne et
le Portugal entrent dans la CEE, il était
nécessaire de mettre un terme, officiel,
aux séculaires rivalités entre Toulouse et
Bordeaux. « Cette compétition est imbécile », a dit M. Chaban-Delmas.
M. Baudis, à l’occasion de cette rencontre, a lancé deux projets : une participation de la Région Aquitaine pour
engager un bateau multicoque baptisé
Grand Sud dans l’America Cup en 1987
downloadModeText.vue.download 220 sur 502
POLITIQUE
219
à Melbourne. Le bateau fait appel à des
techniques de pointe développées dans
les Régions du Sud-Ouest. Le second
projet consiste à dresser un inventaire
des lieux de tournage cinématographiques. D’autres travaux en commun se
dessinent : l’aménagement de la Garonne
ou du Lot ; le développement touristique
des Pyrénées.
La rencontre d’Agen était si attrayante
que Dominique Baudis a recommencé, le
15 juillet, avec le Languedoc-Roussillon.
Une charte de coopération interrégionale
a été signée avec cette Région. Les deux
Régions ouvriront ensemble un bureau
de liaison avec la Catalogne à Barcelone.
NORD-PAS-DE-CALAIS
Une conversion industrielle douloureuse, avec le déclin de la sidérurgie, des
chantiers navals, des charbonnages. Une
série de catastrophes pour l’emploi dans
la vallée de la Sambre, autour de Maubeuge, où les dépôts de bilan succèdent
aux redressements judiciaires ou aux
liquidations.
La bonne nouvelle a été la signature, début janvier, d’un accord entre
M. Mitterrand et Mme Thatcher pour la
construction du tunnel ferroviaire sous la
Manche. Évidemment, dans cette gigantesque opération d’aménagement du territoire qui va changer la géopolitique de
l’Europe, le Nord-Pas-de-Calais est aux
premières loges.
Il y aura deux tunnels de 7,3 mètres de
diamètre à l’intérieur desquels circuleront des trains : soit des trains ordinaires
ou des TGV, soit des navettes sur lesquelles prendront place les véhicules. La
longueur du tunnel sera de 50 km environ et son coût de 53 milliards de francs,
downloadModeText.vue.download 221 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
220
entièrement d’origine privée. Le groupement franco-britannique qui a été retenu prévoit un trafic de 29,7 millions de
voyageurs et de 13,2 millions de tonnes
de marchandises. Les principales sociétés
françaises de travaux publics intéressées
sont Bouygues, Dumez, la SAE, la SGE et
SPIE-Batignolles.
Un programme d’accompagnement
pour les régions Nord-Pas-de-Calais,
Picardie et Haute-Normandie (2,7 milliards de francs pour les routes, compensations pour les ports de Dunkerque,
Calais, Boulogne, Dieppe) avait été décidé par M. Fabius. Il a été confirmé par le
gouvernement de M. Chirac.
NORMANDIE
BASSE!NORMANDIE
Caen, port de la Région parisienne
vers l’Angleterre ! Voilà le pari qu’à lancé
la capitale de la Basse-Normandie. Début
juin 1986, deux ministres, un ancien ministre, les présidents du conseil général
du Calvados et du conseil régional ont
inauguré avec éclat la liaison maritime
Transmanche, destinée à transporter les
passagers et le fret entre Caen-Ouistreham et Portsmouth. L’armateur est la
compagnie Brittany Ferries, présidée par
le (jadis) bouillant leader agricole breton
Alexis Gourvennec. C’est une affaire dont
on parlait depuis plus de dix ans, mais
elle n’avait pu voir le jour tant les rivalités
entre Caen et Cherbourg étaient grandes.
Sur un investissement de 70 millions
de francs pour construire la passerelle,
c’est-à-dire l’embarcadère, et les infrastructures, l’État a apporté quinze millions, la Région sept et la chambre de
commerce de Caen l’essentiel, à savoir
48 millions. 400 emplois ont été créés
dont une quarantaine à la gare maritime.
Les commerçants apprennent l’anglais,
les hôteliers multiplient leurs capacités
d’accueil, les restaurateurs impriment
des menus bilingues et les transporteurs
découvrent la conduite à gauche.
HAUTE!NORMANDIE
Lorsque, le 15 septembre 1986,
M. Pierre Méhaignerie, ministre de
l’Équipement et de l’Aménagement du
territoire, a donné son accord pour lancer les procédures relatives au « pont de
Honfleur », la Haute-Normandie tout
entière a applaudi à la bonne nouvelle.
La chambre de commerce et d’industrie du Havre, qui sera concessionnaire
downloadModeText.vue.download 222 sur 502
POLITIQUE
221
de l’ouvrage, a été chargée d’étudier les
montages financiers, l’État ayant décidé
de ne pas engager de crédits budgétaires
dans l’opération. Le pont sera à péage et
financé grâce aux excédents de recettes
provenant des péages de Tancarville. La
chambre de commerce doit mettre au
point avec les collectivités locales concernées les modalités de garantie d’emprunts
nécessaires.
À vol d’oiseau, moins de 10 km séparent Honfleur, très proche de la région
touristique de Deauville, et Le Havre,
avec sa grande zone industrielle et portuaire. Malgré le pont de Tancarville, c’est
un parcours routier de 50 km qu’il faut
accomplir pour passer d’une rive à l’autre.
Le nouvel ouvrage, qui évitera ce détour,
mesurera 4 000 mètres. Il constituera un
record mondial, puisque la travée centrale
sera de 510 mètres. Son coût : 1 milliard
de francs environ. Début des travaux :
fin 1987 et mise en service : 1991-92. Ce
pont relancera-t-il le sempiternel débat
sur la fusion des deux Normandies ?
PAYS DE LA LOIRE
Olivier Guichard, président du conseil
régional depuis douze ans, symbolise
mieux que personne l’aménagement du
territoire. Qui mieux que le fondateur de
la DATAR en 1963 connaît les nécessités
d’une répartition équilibrée des activités
pour que les Régions naturellement servies par leur situation n’accaparent pas les
fruits du développement ?
Les Pays de la Loire ont une chance,
leur estuaire. Au début de l’année a été
inaugurée la « zone internationale atlantique ». But : attirer sur les rives de l’estuaire, là où existent des centaines d’hectares disponibles, des investissements
industriels, des commerces, des négociants. Comment ? En obtenant du gouvernement l’octroi d’avantages douaniers,
fiscaux et réglementaires. Des contacts
ont été pris avec des investisseurs arabes
(koweïtiens notamment), qui seraient
prêts à s’engager dans des programmes
« d’immobilier d’entreprises ».
Le port autonome, en tout cas, se
porte plutôt bien : alors que l’ensemble
du trafic des ports a stagné en 1985, celui
de Nantes-Saint-Nazaire s’est accru de
10 p. 100.
La fin de 1986 devait être marquée par
un événement marquant : l’achèvement
de l’hôtel de la Région à Nantes, oeuvre
des architectes Durand-Ménard-Thibaud,
qui aura coûté 150 millions.
downloadModeText.vue.download 223 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
222
PICARDIE
Début janvier, Charles Baur, président
du conseil régional, supprime le système
des subventions aux entreprises et les
remplace par des prêts. Et il réinvente
une politique économique par le biais
de l’Agence régionale de développement
(ARD), fer de lance de ce que doit être la
nouvelle politique de reconquête industrielle. Cible n° 1 : les PME. Le conseil
régional veut « répondre aux besoins de
l’entreprise à tous les stades de sa vie, sauf
s’il est trop tard ». À sa création, il lui
propose un prêt participatif. Ensuite, au
cours des différentes phases de développement, il prête pour les investissements
qui peuvent être de natures très diverses :
achat de machines, prospection à l’exportation, conseil, audit.
C’est sur ce dernier point, original,
qu’il convient de s’arrêter. Le 9 octobre,
un « accord-cadre de Région », le premier du genre, a été signé entre le commissaire de la République, le président
du conseil régional et les dirigeants de la
banque Scalbert Dupont, dont les racines
historiques sont picardes, pour le financement des travaux de conseil et d’études,
dits « investissements immatériels »,
engagés par les industries régionales. Par
cet accord sont couplés deux modes de
financement : les subventions du Fonds
régional d’aide au conseil (FRAC), ali-
menté par l’État et la Région, et le prêt dit
Softmatic, dégagé par la banque Scalbert
avec le concours de la Sofaris (Société
pour l’assurance du capital risque).
POITOU-CHARENTES
downloadModeText.vue.download 224 sur 502
POLITIQUE
223
Un pont ? Pas de pont ? C’est autour
de cette question qu’a oscillé, sinon
l’actualité de toute la Région PoitouCharentes en 1986, du moins celle du
département de Charente-Maritime.
Allait-il être décidé, ce pont entre La
Pallice et l’île de Ré que les touristes,
les Rochelais et les insulaires appellent
de leurs voeux lorsque les files de voitures s’allongent en attendant des bacs
poussifs ?
Soulagement pour les uns irritation pour d’autres (des maires de l’île
et des propriétaires de résidences secondaires qui redoutent un envahissement), la question a été tranchée le
19 septembre, lorsque le préfet de Charente-Maritime a été autorisé à signer
la déclaration d’utilité publique de l’ouvrage. Ce dernier mesurera 2,9 km et
devrait être achevé en vingt mois. Le
conseil général a confié les travaux à
Bouygues. Le devis s’établit à 460 millions de francs.
Le ministre de l’Environnement,
M. Carignon, a demandé au commandant Cousteau un rapport sur les solutions de nature à préserver l’équilibre
écologique de l’île. En fait, il n’y aura
pas de rapport Cousteau, du moins officiellement. Les pouvoirs publics ayant
donné le feu vert avant qu’il ait mis le
point final à son étude, le commandant
a déchiré son texte, le 30 octobre, devant les caméras de la télévision. Il n’en
continue pas moins le combat...
PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR
Avec La Ciotat (Bouches-du-Rhône)
et La Seyne-sur-Mer (Var), la Région a
été au coeur du feuilleton de la société
de construction navale NORMED : dépôt de bilan en juin, négociations dif-
ficiles pour élaborer un plan social (en
vertu duquel les ouvriers qui le veulent
peuvent quitter l’entreprise avec une
somme de 200 000 francs au moins),
manifestations parfois violentes, mise
en place par le gouvernement des
« zones d’entreprises », à La Seyne et à
La Ciotat, où les entreprises qui viendront créer des emplois pourront obtenir une exonération totale d’impôts sur
les bénéfices pendant dix ans.
Les responsables de la Région ont
été surtout sensibles aux projets de reprise, partielle, des installations. Ainsi,
M. Jacques Margnat, vice-président
de l’Union patronale des Bouches-duRhône et président de la commission
des finances au conseil régional, s’est
downloadModeText.vue.download 225 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
224
déclaré prêt à récupérer les installations
de La Ciotat avec 1 500 personnes et à
poursuivre la construction des navires
comme par le passé. Un industriel marseillais, M. Maurice Génoyer, propose
de prendre en charge le chantier de La
Seyne qu’il destinerait à la production
de navires militaires et dont il diversifierait les activités (mécanique, tuyauterie, hydraulique).
RHÔNE-ALPES
C’est la seconde Région de France en
population, après la Région parisienne,
mais la troisième pour le budget.
Grâce à la Savoie et à Albertville, qui
vont organiser les jeux Olympiques d’hiver de 1992, c’est l’ensemble de l’économie
rhône-alpine qui, dans les cinq ans, va
recevoir un coup de fouet. L’ancien palais de justice d’Albertville accueillera le
comité d’organisation des jeux. Une halle
de 9 000 places sera le lieu de rencontre
des sports de glace. Val-d’Isère organisera le super géant hommes et Tignes, le
slalom. Les descendeurs s’élanceront aux
Menuires ; le spécial dames sera disputé
à Méribel.
Il va falloir moderniser le réseau de
transports. L’autoroute arrivera à Albertville. Pour 54 km supplémentaires,
la société concessionnaire dépensera
840 millions de francs. Quant à la SNCF,
elle poussera le TGV au coeur de la vallée. En 1989, elle proposera 50 p. 100 de
places supplémentaires, soit 70 000 aux
jours de pointe, quand le TGV ira de
Paris à Bourg-Saint-Maurice en 4 heures
30. Entre-temps, il aura fallu moderniser et automatiser la ligne unique, pour
230 millions de francs, financés par la
SNCF, les collectivités locales et les usagers, invités à payer une surtaxe.
FRANÇOIS GROSRICHARD
downloadModeText.vue.download 226 sur 502
POLITIQUE
225
Cohabitation :
deux sur
la balançoire
Il est des années différentes. 1986 est de celles-là. Car, pour la
première fois,
sous la Ve République, une pratique nouvelle apparaît : elle s’appelle
cohabitation.
Et, de Mitterrand à Chirac, de Barre à Rocard, toute la classe politique
vit autrement.
« Car ce n’est pas régner qu’être deux à régner,
Celui qui s’y résout est mauvais politique. »
Sans doute Corneille n’imagine-til guère, lorsqu’il écrit la Mort de
Pompée, que ses deux vers résumeront,
quelque trois cents ans plus tard, l’année politique de l’an 1986. La maxime
pourtant n’est pas universelle : parfois la
volonté se brise sur les circonstances et,
quel que soit le voeu de l’un et de l’autre,
la couronne ne peut se porter qu’à deux.
Et, en cette fin du XXe siècle, les murs ont
beau afficher des slogans plus publicitaires que politiques – « Au secours, la
droite revient » pour les uns, « Vivement
demain » pour les autres –, les plus avertis
remarquent qu’au fond ces affiches disent
la même chose et rejoignent l’opinion
de la classe politique. Elle, si elle donne
raison en secret à Corneille, n’ignore
pas qu’elle va être contrainte d’accepter bientôt une situation toute nouvelle.
D’ailleurs, elle s’y est préparée ; elle sait
depuis plusieurs mois, bien avant les
élections législatives, que l’hypothèse si
souvent imaginée va devenir réalité : un
président de la République d’un bord
et une majorité de l’autre. Elle en est si
consciente qu’elle a, sinon inventé, du
moins popularisé un mot pour traduire
ce cas étrange : la cohabitation. Rarement, en aussi peu de temps, une expression aura connu un aussi grand succès,
au point de susciter la nausée tant elle est
répétée dans les discours, les journaux,
les radios, les télévisions. Sa petite soeur –
la « coexistence » –, utilisée par ceux qui
entendent marquer, jusque dans le langage, la différence entre les deux camps,
ne parviendra jamais, elle, à s’imposer.
Un manteau d’Arlequin
Les élections de mars sont pourtant une
surprise : ce pays, vieux bloc républicain
et qui use de son bulletin de vote avec la
downloadModeText.vue.download 227 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
226
finesse d’un politologue, a plus d’un tour
dans son sac. Il transforme sans doute
l’opposition en majorité, mais il ne lui accorde la victoire que par quelques sièges
– trois de plus exactement que la majorité absolue. En envoyant au Palais-Bourbon trente-cinq communistes, deux cent
seize socialistes, cent quarante-huit RPR,
cent vingt-neuf UDF, quatorze « divers
droite » et trente-cinq Front national, il
complique sérieusement la tâche des gouvernants. Sans doute a-t-il été largement
aidé par le mode de scrutin voulu par
le chef de l’État : la proportionnelle qui
a remplacé, le temps d’un vote, le mode
majoritaire, compagnon traditionnel de
la Ve République, limite la victoire de la
droite, l’affaiblit en favorisant l’apparition
de l’extrême droite et consacre le parti socialiste comme premier parti de l’opposition au détriment des communistes.
Soudain, la France n’est plus, comme
à l’ordinaire, divisée en deux camps irréductibles mais se vêt d’un manteau d’Arlequin dont elle avait perdu l’habitude.
Et dans le match de la cohabitation, qui
commence dès que tombent les derniers
résultats, François Mitterrand marque un
premier point. « Vous avez élu, dimanche,
déclare-t-il le lendemain, une majorité
nouvelle de députés à l’Assemblée nationale. » Comme pour enfoncer le clou, il
ajoute : « Cette majorité est faible numériquement mais elle existe. »
Législation
Depuis les élections de mars 1986 et la
mise en place du nouveau gouvernement, l’activité législative s’est bien évidemment concentrée sur la mise en oeuvre des
engagements pris par le Premier ministre
lors de sa déclaration de politique générale
du 9 avril 1986.
Si l’on excepte les textes fiscaux (voir Budget), ceux relatifs à la communication et les
mesures prises en faveur de la famille (loi
du 29 décembre, constituant le volet social
d’une politique d’aide déjà développée en
matière fiscale), la majorité des lois adoptées l’ont été dans les domaines suivants :
sécurité des Français, relance économique
et sociale, mode de scrutin.
Relance économique et sociale
Une loi du 2 juillet autorise le gouvernement à prendre par ordonnances diverses
mesures sociales et économiques : aménagement du droit de la concurrence ; mesures
relatives à l’emploi, favorisant le travail des
jeunes ; amélioration des régimes de travail
temporaire, des contrats de travail à durée
déterminée et assouplissement des règles
relatives à l’aménagement du temps de travail ; intéressement des salariés aux résultats des entreprises et accès du personnel
aux conseils d’administration ou de surveillance, privatisations à réaliser dans un
délai de cinq ans (ce transfert d’entreprises
du secteur public au secteur privé concerne
les banques, les compagnies d’assurance
nationalisées après la guerre, Havas, ElfAquitaine et les entreprises nationalisées en
1982).
Ont été prises en application de cette loi
les ordonnances du 16 juillet sur l’emploi
des jeunes de 16 à 25 ans (modifiée par
ordonnance du 20 décembre), du 11 août
sur les contrats à durée déterminée, le travail temporaire et le travail à temps partiel,
du 15 octobre sur les avantages consentis
aux entreprises dans certaines zones, du
21 octobre sur l’intéressement des salariés
aux résultats des entreprises et l’ouverture
de leurs conseils au personnel, du 1er décembre relative à la liberté des prix et de
downloadModeText.vue.download 228 sur 502
POLITIQUE
227
la concurrence, du 20 décembre relatives au
placement des demandeurs d’emploi.
Le président de la République ayant refusé,
le 14 juillet, de signer l’ordonnance sur la
privatisation, c’est par la voie législative (loi
du 6 août) que celle-ci a été organisée.
Une loi du 3 juillet relative à l’autorisation administrative de licenciement libère
les entreprises d’un certain nombre de
contraintes. Elle s’accompagne d’une loi du
30 décembre relative aux procédures de licenciement, et d’une loi de même date portant réforme du conseil de prud’hommes.
C’est aussi en vue de favoriser l’embauche
que la loi de finances rectificative pour 1986
(loi du 11 juillet) prend des mesures pour
limiter les coûts supplémentaires entraînés
par les dépassements d’effectifs.
Dans le cadre du plan logement, une loi du
23 décembre favorise l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements
sociaux et l’extension de l’offre foncière.
Sécurité
Cinq lois ont pour but de renforcer l’efficacité de la justice pénale à tous les stades du
processus judiciaire.
Ce sont : la loi du 3 septembre relative aux
contrôles et vérifications d’identité et les
trois lois du 9 septembre relatives à la lutte
contre la criminalité et la délinquance, à la
lutte contre le terrorisme (modifiée par une
loi du 30 décembre), ainsi qu’à l’application
des peines.
Une autre loi du 9 septembre modifie les
conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France en vue de prévenir le renouvellement de certains abus.
Élections
Une loi du 11 juillet relative à l’élection
des députés rétablit le scrutin uninominal
majoritaire à deux tours et autorise le gouvernement à délimiter les circonscriptions
électorales par voie d’ordonnance.
Ce moyen n’ayant pas pu être utilisé, c’est
une loi du 24 novembre qui dresse le tableau des circonscriptions.
MICHELINE VAN CAMELBEKE
Il n’en faut pas plus pour que certains
annoncent déjà le retour aux Républiques
passées et redoutent, leur crainte mêlée
d’un délicieux frisson de plaisir, des poisons anciens. Quelques images du début
du mariage forcé qui lie désormais le
président de la République, François Mitterrand, et le nouveau Premier ministre,
Jacques Chirac, semblent leur donner
raison. Il est finalement rare, sous la
Ve République, que le choix du Premier
ministre soit l’occasion de discussions,
privées mais vite publiques, dans les partis ; que le chef de l’État oppose un veto,
lui aussi connu par tous, à deux personnalités choisies par le chef du gouvernement et que celui-ci consulte, dans son
hôtel de ville, au vu et au su de tout un
chacun. Paris avait oublié le défilé des
voitures noires ou grises des « pressentis » : il le retrouve, étonné.
Le guetteur
et le bretteur
Les plaies pansées (Jacques Chaban Delmas, par exemple, que beaucoup voyaient
à Matignon, renoue avec la présidence
de l’Assemblée nationale, Valéry Giscard
d’Estaing n’ayant su se décider à temps),
les hiérarchies établies, le gouvernement
constitué, ces scènes-là appartiennent
vite au passé. Car la pièce principale
se joue entre deux hommes et deux
hommes seulement : François Mitterrand
downloadModeText.vue.download 229 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
228
le guetteur et Jacques Chirac le bretteur.
Lorsque les deux hommes se retrouvent
face à face dans le salon Murat, au palais
de l’Élysée, pour leur premier Conseil
des ministres, un conseil à l’atmosphère
froide, pesante, protocolaire, personne ne
s’y trompe : la cohabitation sera armée. Et
comme pour illustrer – si on ose dire – le
glacis, un symbole, ce jour-là, disparaît :
la traditionnelle photographie du gouvernement entourant le chef de l’État sur
le perron de l’Élysée ne sera pas prise.
Budget
La disparition de l’écart d’inflation avec
nos principaux partenaires, l’amélioration de notre taux de croissance grâce aux
exportations et investissements et la réduction simultanée du déficit et des impôts sont
les principaux objectifs du budget 1987.
La réduction des impôts
Le programme du gouvernement vise à
réduire de 50 milliards de francs en deux
ans les impôts des Français (en 1987, près
de 27 milliards de francs, soit une diminution de plus de 3 p. 100). Des mesures particulières abaisseront la charge des familles
modestes. Le taux maximum d’imposition
passe de 65 à 58 p. 100.
La réduction des impôts sur les entreprises
(11 milliards de francs) est obtenue par des
allégements généraux (baisse de l’impôt
sur les sociétés à 45 p. 100) se substituant
aux mesures sectorielles (aides à l’investissement), par une réforme de la taxe professionnelle et par une fiscalité au service
de la croissance économique et de l’emploi
(taxe sur les frais généraux ramenée de 30
à 20 p. 100).
La réduction du déficit
Il passe de 145,3 à 128,6 milliards de francs,
diminution de la part des dépenses publiques dans le PIB (de 21,2 à 20,6 p. 100) ;
suppression de 26 000 emplois publics ;
réduction de 24 p. 100 des aides directes à
l’industrie. Le total des dépenses s’élève à
1 030 milliards de francs.
Les secteurs prioritaires :
– la défense : le budget militaire
(+ 6,9 p. 100) bénéficie de près de
11 milliards de mesures nouvelles ;
– l’emploi : les crédits consacrés à
la formation professionnelle progressent de 29,2 p. 100 (22,3 milliards) ;
– la sécurité : sur le budget de l’Intérieur, près d’un milliard de francs
de plus qu’en 1986 (+ 6,5 p. 100) ;
– les départements et territoires d’outremer : le budget du ministère augmentera du
quart par rapport à 1986 (1 718 millions de
francs).
PASCALE CHELIN
Il faudrait être Saint-Simon pour répertorier, cataloguer, disséquer tous les
manquements à la cohabitation, les accrocs qui remaillent et les blessures qu’elle
sécrète. Pour les politiciens comme pour
les autres hommes, la mémoire a ceci de
réconfortant qu’elle peut être sélective :
elle sait oublier les crispations et négliger
les agacements. Mais le tamis ne peut filtrer les graves affrontements. Il y en a.
Et ils adviennent rapidement. Dès le
second Conseil des ministres, François
Mitterrand fait savoir qu’il ne signera
pas l’ordonnance supprimant l’autorisation administrative de licenciement – et
voilà Jacques Chirac contraint, c’est la
première fois mais pas la dernière, de
downloadModeText.vue.download 230 sur 502
POLITIQUE
229
transformer son ordonnance en projet de
loi et de passer devant le Parlement. Dès
lors, aussi, le pli est pris et l’opinion s’habitue, en quelque sorte, à apprendre que
le président a manifesté ses réserves. En
avril, successivement, il fait savoir qu’une
dévaluation ne lui paraît guère opportune, qu’il est hostile à des ordonnances
portant sur la privatisation d’entreprises
nationalisées avant 1981. En mai, il s’oppose à plusieurs remplacements dans des
postes nommés en Conseil des ministres,
d’hommes jugés à gauche, il s’inquiète
des projets du gouvernement concernant
la Nouvelle Calédonie, il marque son
désaccord avec son Premier ministre sur
l’Initiative de défense stratégique.
Étonnantes au début, ces salves du
président contre les projets gouvernementaux apparaissent vite à l’opinion
presque comme de la routine. Les Français s’habituent à ce que leur président
et leur Premier ministre adoptent sur
de nombreux sujets des positions opposées. Personne, au fond, ne s’étonne que
François Mitterrand refuse les privatisations, s’inquiète du nouveau découpage
électoral, manifeste sa prééminence en
ce qui concerne la défense, s’insurge des
dispositions du nouveau code de la nationalité, prenne ses distances quant à la
réforme des prisons et, sur tous les sujets
d’actualité ou presque, fasse entendre sa
différence.
De temps en temps, dans cette situation somme toute exceptionnelle mais
qui, peu à peu, sombre dans la monotonie, quelques « exercices de cohabitation » font hausser les sourcils des Français. D’amusement, lorsqu’ils constatent
la course de vitesse entre leurs champions
– comme au sommet des pays industrialisés, à Tokyo, où François Mitterrand et
Jacques Chirac « se marquent », soucieux
l’un de l’autre, de ne pas laisser au rival
un trop grand prestige. Ou d’inquiétude,
quand la crise paraît plus sévère.
Comme le 14 juillet. Ce jour-là François Mitterrand annonce à la télévision
qu’il ne signera pas l’ordonnance sur la
privatisation. Dans la soirée, Jacques
Chirac lui téléphone et leur dialogue, tel
que le rapportent Jean-Marie Colombani
et Jean-Yves Lhomeau dans leur livre le
Mariage blanc (Grasset, 1986), traduit les
limites de la cohabitation.
« Monsieur le Président, dit Jacques
Chirac, la majorité de mes amis souhaite la
crise... Et je dois vous dire que moi-même,
si je laissais aller mon tempérament...
– Une crise ? De quelle crise parlez-vous ?
Songent-ils à une crise gouvernementale ?
– Je ne plaisante pas, Monsieur le Président. La plupart d’entre eux veulent
une élection présidentielle anticipée.
– Ah bon ! En seraient-ils maîtres ?
Mais vous avez raison. Il y aura bien
une élection présidentielle. En 1988.
– C’est plus grave que vous ne
le pensez, Monsieur le Président. Mais l’intérêt du pays...
– Ah, vous avez dit « mais ». Donc
il n’y a pas crise. Parlons d’autre
chose, si vous le voulez bien.
– Par tempérament, je souhaiterais la crise. Par raison, je pense
qu’il faut l’éviter. Voulez-vous
mettre fin à la cohabitation ?
– Je ne souhaite pas la crise mais je suis
prêt à assumer les conséquences de ma
décision. Je vous avais prévenu et vous
n’avez pas voulu m’entendre. Je vous l’ai
déjà dit. Je n’attends rien, je ne demande
rien. Je n’attends pas de récompense.
downloadModeText.vue.download 231 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
230
L’opinion ne m’intéresse pas. Je n’aspire
qu’à bien finir mon septennat. Vous le savez, l’élection présidentielle était inscrite
dans les faits dès le 16 mars. Il est déjà
miraculeux que notre cohabitation se soit
déroulée sans heurt pendant quatre mois.
Conjuguons nos efforts pour que ce miracle se poursuive. »
Le mariage de raison
Le « miracle » se poursuivra. D’autant que
François Mitterrand et Jacques Chirac
vont être, paradoxalement, unis par le
sang. Celui que laissent derrière eux les
terroristes, extérieurs et intérieurs, qui
lancent un défi à la France en faisant
éclater leurs bombes. Car le sang coule et
la mort frappe aussi bien dans une galerie commerciale des Champs-Élysées (le
soir-même où Jacques Chirac devient
Premier ministre), qu’au Pub Renault, à la
Brigade de répression du banditisme qu’à
l’hôtel de ville, rue de Rennes comme à
la Défense. Et la mort touche autant des
anonymes que des personnalités comme
le PDG de Renault, assassiné un soir de
novembre.
Si le terrorisme espérait élargir la fracture qui, bien logiquement, existe au
sommet de l’État, cet objectif au moins
échoue. Au contraire, il soude la classe
politique, il renforce la cohabitation, il
unit le couple plus profondément sans
doute qu’aucun autre élément. Et si
l’union sacrée n’est pas officiellement proclamée, la situation en a pourtant le parfum. « Chacun voit bien, assure Jacques
Chirac, qu’actuellement il y a recrudescence de cette lèpre qu’est le terrorisme
et que nous devons, sans merci, engager
contre lui une véritable guerre » ; « Nous
devons, jure François Mitterrand, tous témoigner de la résolution du pays de combattre sans merci le terrorisme qui menace tant de vies et nos libertés. » Contre
le terrorisme, le langage, au sommet de
l’État, est le même, les responsabilités
sont nettement délimitées et personne ne
songe à briser le consensus qui s’est établi.
D’ailleurs voudrait-on se défaire de la
tunique de l’unité que sans doute on ne
le pourrait pas : les Français simplement
ne l’accepteraient pas. D’autant qu’ils sont
de farouches partisans de la cohabitation. Alors que la classe politique boude
volontiers ce nouveau visage de la Ve République, eux, dès le début, l’approuvent,
s’en satisfont et le font savoir. Pas un sondage qui ne marque cet attachement, pas
une enquête qui ne prouve cette inclination. La formule « le gouvernement gouverne, le président préside » les satisfait.
Au point qu’ils accordent un record de
popularité au chef de l’État : 61 % d’opinions favorables au sondage IFOP-Journal du Dimanche de novembre, un score
que n’avait pas atteint un président de la
République depuis 1973. Sans doute –
d’autres études le démontrent – ce ravissement n’est-il pas pour autant de la béatitude : les notions de droite et de gauche
existent toujours et les passions ne sont
point endormies. Mais on s’accommode
aisément de la cohabitation, mieux, on la
plébiscite.
Ce sentiment tranché des Français
pèse évidemment sur les acteurs. Chacun a en mémoire l’analyse d’un homme
qui, seul ministre d’État dans le gouvernement Chirac, responsable de l’Économie et des Finances, apparaît comme la
révélation politique de 86 : Édouard Balladur. Lui assure que la cohabitation est
downloadModeText.vue.download 232 sur 502
POLITIQUE
231
le contraire du western : le premier qui
tire est mort. Peu importe au fond qu’il
ait tort ou raison : la classe politique dans
son ensemble est assurée de la justesse du
raisonnement.
D’où la guerre de position caractéristique de la cohabitation. Personne ne
l’ignore, cette guerre-là vise à user l’adversaire, à saper sa confiance et le « faire-savoir » y est finalement plus important que
le « faire » proprement dit. Les offensives
doivent être calculées au plus juste et ne
donnent pas lieu à ces larges batailles que
d’autres moments exigent. Chacun joue
le rôle pour lequel, au moins temporai-
rement, il est fait et, comme parfois au
théâtre, on y développe moins un personnage qu’on y occupe un emploi. Alors
Jacques Chirac gouverne, gère, décide,
contraint quotidiennement à trancher,
vrai maître de l’exécutif soucieux d’appliquer son programme. François Mitterrand, lui, doit guetter la faute, affirmer
son dessein sans pour autant apparaître
transgresser les règles, manifester sa
différence sans pour autant marquer sa
singularité.
Politique économique
M. Balladur, ministre de l’Économie, des
Finances et de la Privatisation, rompt
avec le passé et instaure le libéralisme économique. Il s’agit, par le désengagement de
l’État, de revenir à l’économie de marché.
L’objectif prioritaire est la réduction du
chômage, qui passe par la reprise des investissements et donc de la croissance, sans
dérapage inflationniste. Pour investir, les
entreprises doivent retrouver leur liberté
d’action, qui renforcera à terme leur compétitivité, indispensable à l’amélioration
du commerce extérieur. Le « redressement
économique et social » sera obtenu en combinant liberté et rigueur. À cette fin, outre
une dévaluation du franc le 6 avril 1986,
trois moyens sont essentiellement utilisés.
– La privatisation de 65 entreprises nationalisées dans l’industrie, la banque et l’assurance sera réalisée. Par une OPV, l’État a
ramené sa part à 51 p. 100 du capital d’Elf
Aquitaine et a dénationalisé Saint-Gobain.
– La déréglementation est immédiatement
amorcée : d’abord par la levée du contrôle
des changes et la libération des prix, qui
sera totale après la mise en place d’un nouveau droit de la concurrence ; ensuite par
la suppression de l’autorisation administrative de licenciement et la mise en oeuvre
de la flexibilité ; enfin, la dérégulation doit
s’étendre dans de nombreux secteurs.
– L’assainissement budgétaire sera réalisé
progressivement. Dès 1986, un collectif
budgétaire comprend une série d’économies en dépit du coût d’un plan emploijeunes. Dans le budget 1987, les dépenses
publiques augmenteront moins vite que les
prix. Il sera ainsi possible d’obtenir à la fois
un allégement des impôts des entreprises
comme des ménages, compensé par la
hausse des cotisations sociales, et un déficit
légèrement réduit.
DOMINIQUE COLSON
Bref, la cohabitation est une joute
cruelle, d’esprit terriblement latin tant elle
suppose de complexité dans la tactique et
de simplicité dans la stratégie. Elle se manifeste davantage par l’éclair, un moment
entrevu, des poignards que par le tir systématique des batteries. Qu’elle s’appelle
paix armée ou guerre froide, elle traduit
en fait une même réalité axée sur des
défis soigneusement dosés et sur des tensions précautionneusement décrispées.
Elle constitue surtout une réalité noudownloadModeText.vue.download 233 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
232
velle dans la Ve République et une nouvelle phase pour celle-ci. La situation est
même si originale que, dans leur majorité, les spécialistes de la chose politique,
politiciens, politologues, journalistes, ne
parviennent pas à croire, au fond d’euxmêmes, qu’une telle coexistence puisse
durer et pronostiquent régulièrement la
mise à mort de cet état de grâce si particulier. D’où, tout au long de l’année, sous
de prestigieuses signatures, l’annonce que
la cohabitation n’est pas ce qu’elle prétend
être et qu’il s’agit davantage d’un trompel’oeil que d’une véritable harmonie. Et les
deux premiers livres qui lui sont consacrés au cours de l’année ne cachent guère,
dès leur titre, leur scepticisme : le Mariage
blanc, assurent Jean-Marie Colombani
et Jean-Yves Lhomeau, (Grasset, 1986),
la Comédie de la cohabitation, estime
Thierry Pfister (Albin Michel, 1986).
Un rééquilibrage des pouvoirs
Pourtant, ce système-là traduit, à trois
niveaux au moins, un changement dans
la pratique de la Ve République. D’abord
il illustre un rééquilibrage des pouvoirs
entre le président de la République et le
Premier ministre. Traditionnellement,
le premier est prédominant et, au fil
des années, le rôle du second a été peu
à peu gommé : essentiel sous le général
de Gaulle qui se contentait d’incarner les
grandes orientations et de cultiver son
jardin secret, le « domaine réservé », le
chef du gouvernement n’est plus ensuite
qu’important, avant d’exécuter simplement les décisions de l’Élysée. Au fur et à
mesure que la Ve République avance, son
autonomie diminue et « le château », le
surnom de l’Élysée, tend à intervenir dans
les moindres décisions du gouvernement.
Il n’en est plus de même aujourd’hui.
Au contraire, le Premier ministre gouverne puissamment, incarne le pouvoir
exécutif et retrouve le rôle que lui avait
défini la Constitution. Les rapports se
sont normalisés. Ils sont fondés sur le
principe de « toute la Constitution de
1958, rien que la Constitution de 1958 »,
François Mitterrand et Jacques Chirac
estimant que ce principe-là est le mieux
à même de sauvegarder leurs intérêts.
Le premier y trouve avantage puisqu’il
lui permet de ne pas cautionner une
politique qu’il désapprouve ; le second
l’approuve d’autant plus qu’il l’autorise à
appliquer son programme, à gouverner et
à renforcer ses positions.
Ce rééquilibrage des pouvoirs s’est
traduit également par un renforcement
de la puissance des « juges ». La cohabitation a eu, en effet, pour conséquence
d’accentuer la présence de la technostructure que sont le Conseil d’État et le
Conseil constitutionnel. Ces instances
sont désormais des acteurs à part entière
dont les décisions ont une importance
d’autant plus grande qu’elles symbolisent
la victoire ou la défaite momentanée des
uns et des autres. En ce sens, 1986 est
aussi la concrétisation quotidienne de ce
pouvoir-là.
Cette voie nouvelle de la Ve République
n’en devient pas pour autant, à proprement dire, parlementaire. Si le pouvoir
a changé de rive, au point que Matignon
apparaît comme une présidence bis, il
est resté à l’exécutif. Le pari de Jacques
Chirac – plus une majorité est courte,
plus elle est solide – n’est toutefois pas totalement gagné. Sans doute, aucune voix
ne lui manque lors des votes importants,
downloadModeText.vue.download 234 sur 502
POLITIQUE
233
aucune dissonance n’apparaît réellement
sur les projets essentiels, mais de temps
à autre, la majorité grogne ouvertement.
Il en est ainsi dès le mois d’avril, par la
« faute » d’un raid américain sur la Libye
et d’un bombardement de Tripoli et de
Benghazi. La France – et donc le Premier
ministre – a refusé que son territoire soit
survolé. La décision de Paris, si elle fait
du bruit à Washington, crée le vacarme
dans la majorité, surtout à l’UDF, qui
n’apprécie pas que l’allié traditionnel soit
ainsi rejeté. Giscard d’Estaing ne mâche
d’ailleurs pas ses mots et il sermonne son
ancien Premier ministre : « Dans les périodes de crise déclenchées par des actes
de terrorisme international, dit-il, l’Occident doit donner avant tout la preuve de
sa solidarité ».
Ce ne sera pas, durant ces années
étonnantes, le seul couac qu’on entendra
du côté de la majorité. Une autre affaire,
en octobre, va également provoquer
quelques déchirements. En principe, tout
aurait dû être simple et la succession de
Jean Lecanuet à la présidence de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale une formalité. Mais les règlements de compte internes aboutissent
à une colossale surprise : voilà que se
trouve élu, à la place du centriste Bernard
Stasi, le socialiste Roland Dumas. Personne ne s’y trompe : cette déviation-là
est un coup de semonce et signifie, pour
le moins, que la majorité est moins soudée qu’on pourrait le croire.
Vie sociale
Le changement de gouvernement n’a pas
provoqué de déréglementation « sauvage ». La nomination au ministère des Affaires sociales de Philippe Séguin, un libéral modéré, soucieux de préserver le climat
social, a rassuré les syndicats. Apaisés par le
maintien de prérogatives et dispositifs essentiels (comme la représentativité des syndicats nationaux, les 39 heures et la retraite
à 60 ans), les syndicats réformistes ont accepté l’idée d’une réadaptation négociée des
acquis sociaux, la CGT s’isolant dans son
refus. Opposés à la suppression de l’autorisation administrative de licenciement,
principale demande patronale inscrite dans
le programme de l’UDF et du RPR, mais mis
devant le fait accompli, ils ont accepté d’en
négocier les mesures d’accompagnement.
C’est le 21 octobre que le CNPF, la CFDT, la
CFTC et FO sont parvenus à un accord prévoyant notamment l’adoption et l’extension
aux PME des congés de conversion et la
consultation du comité d’entreprise, contre
la réduction des délais de licenciement. Si
cet accord a été transformé en loi au mois
de décembre, c’est par une procédure détournée que les mesures d’aménagement du
temps de travail ont pu être adoptées, perturbant ainsi le compromis fragile entre le
gouvernement et les syndicats. Cette année
s’est enfin terminée par la grève des cheminots, la plus dure depuis 1968. Largement
dépassés par la base qui s’est donné ses
propres modes d’expression, les syndicats
ont suivi ce mouvement social de nouvelle
nature sans pouvoir le contrôler. L’élection
d’un homme nouveau, François Périzot, à
la tête du CNPF, a mis un terme au conflit
interne entre Yvon Gattaz et Yvon Chotard, qui démissionna en mars des postes
qu’il occupait pour poser sa candidature à
la présidence. Au-delà des rivalités personnelles, deux conceptions du CNPF se sont
affrontées : le « parti de l’entreprise » cher
à Yvon Gattaz ne pouvait suffire aux yeux
d’Yvon Chotard pour faire du patronat un
authentique acteur politique.
SIMON PARLIER
downloadModeText.vue.download 235 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
234
La galerie
des prétendants
Car si deux hommes, les deux premiers
au sommet de l’État, dominent la cohabitation, ce ne sont pas les seuls acteurs.
Moins exposés, en apparence plus tranquilles mais tout aussi affûtés, les autres
– tous ceux qui espèrent jouer un rôle
dans la prochaine élection présidentielle
– observent, tapis dans l’ombre, le théâtre
de lumière.
Raymond Barre est de ceux-là. Lui, la
cohabitation, il l’a toujours désapprouvée,
estimant que la Ve République y perd son
âme et que ce régime-là est plus néfaste
que bénéfique au pays. Le résultat des
élections et le sentiment des Français lui
ont donné tort et il sait qu’il ne peut, pour
le moment, proférer ouvertement les critiques qu’il confie en privé. Rien, donc, ne
transpire de ses pensées et l’ancien Premier ministre, devenu simple député du
Rhône, choisit en grande partie le silence.
Cela n’empêche pas ses réseaux de se développer, ses partisans – au Palais-Bourbon
ou ailleurs – d’exprimer bien souvent sa
pensée et sa cote de popularité d’être au
plus haut. Raymond Barre, dans ces mois
de cohabitation, engrange, attendant son
heure, que ses partisans estiment devoir
inéluctablement sonner. Nul ne s’y trompe,
il faudra compter, le moment venu, avec
cet homme qui – il ne s’en cache pas – sera
présent à l’élection présidentielle.
Un autre caracole aussi dans les sondages. Il s’appelle François Léotard et, lui,
doit vivre une situation quelque peu différente. Sans doute, au lendemain de mars,
est-il l’un des vainqueurs des élections.
Son parti est bien représenté au gouvernement – au point de constituer la « bande à
Léo » –, il est un ministre important et il
a scellé avec Jacques Chirac un pacte. Les
sondages lui sont toujours aussi favorables,
même si la classe politique murmure. Car
elle s’interroge sur ce jeune homme et se
demande s’il est aussi bon ministre de la
Culture qu’homme politique. Alors, dans
les salons et dans les dîners en ville on
se gausse volontiers du jeune prétendant
plus fragile, dit-on, qu’il ne paraît, plus
soucieux, dit-on encore, de sa présence
dans les médias que de sa réelle crédibilité.
François Léotard n’attache guère d’importance à ces bruits. Il estime, lui, qu’il ne
peut être négligé sur l’échiquier politique
et que son avenir, à la différence de bien
d’autres, est vraiment devant lui.
Dans cette galerie de portraits qui
anime le paysage, il faudrait encore citer
Jean-Marie Le Pen. Fort d’un groupe parlementaire, le leader du Front national
a lui aussi fait son choix : il sera présent
en 1988 dans l’élection présidentielle. Et
s’il doit se désister au second tour, ses
préférences pencheront davantage vers
Raymond Barre que vers Jacques Chirac.
Car il n’apprécie guère que le Premier
ministre veuille lui tailler des croupières.
Aussi n’a-t-il pas hésité à mêler parfois
ses voix avec la gauche pour censurer le
gouvernement et à protester haut et fort
contre la loi – l’abandon de la proportionnelle et le retour au scrutin majoritaire qui le condamne et ne lui permettra
plus d’être présent en tant que groupe
parlementaire. « Ave Caesar, morituri te
salutant. » C’est avec ces mots, reprenant
l’habituel salut des gladiateurs promis
à la mort, qu’il a, par exemple, accueilli
le Premier ministre lorsqu’il s’est agi de
discuter de la modification du scrutin.
La phrase était significative et Jacques
downloadModeText.vue.download 236 sur 502
POLITIQUE
235
Chirac ne pouvait ignorer l’avertissement : désormais, Jean-Marie Le Pen
userait de son influence pour contrecarrer celui qui, pense-t-il, peut l’éliminer de
la scène politique.
Il faudrait encore, pour que le tableau
soit complet, citer deux hommes qui
restent présents, qui ont leurs partisans.
Le premier, Valéry Giscard d’Estaing, a
déjà connu la magistrature suprême et
rien ne dit qu’il brûle du désir d’y revenir.
Mais rien ne dit non plus le contraire et
Giscard, en ces temps cohabitationnistes
qu’il a toujours approuvés, ne va pas sans
garder une féroce présence. De temps à
autre, il émet des critiques envers le gouvernement, s’étonnant un jour de sa position vis-à-vis des États-Unis, regrettant
un autre jour une utilisation systématique du vote bloqué. Surtout, même s’il
relance vers la fin de l’année l’idée d’un
président pour l’Europe, il cache encore
soigneusement ses intentions quant aux
futures présidentielles : « Je ne prendrai
position que dans un an », assure-t-il en
octobre, dépassant d’ores et déjà le rôle
que certains voulaient lui assigner : celui
d’être simplement une figure emblématique, prêt à servir la cause barriste.
Michel Rocard aussi ne se découvre
qu’à demi. Comme d’autres, il garde une
bonne cote dans les sondages, comme
d’autres il sait que le mystère sied volontiers aux ambitieux. Pourtant, sa candidature, pour peu que le chef de l’État
ne soit pas présent dans la compétition,
apparaît inéluctable. Au point d’inquiéter
certains membres du parti socialiste, plus
prêts à opter pour Laurent Fabius, voire
même Lionel Jospin, dans l’hypothèse
où l’hôte de l’Élysée ne souhaiterait pas
renouveler le bail.
Politique étrangère
La politique étrangère de la France s’est
adaptée sans difficulté apparente à la
cohabitation.
Rapports Est-Ouest : le dialogue avec les
deux grands s’est poursuivi avec les visites
de F. Mitterrand aux États-Unis et en URSS.
La France a ainsi exprimé son attachement
au respect des traités existants (SALT II et
AMB), ainsi que sa volonté de parvenir à
une entente sur la limitation des armes
conventionnelles. Excluant tout accord séparé avec l’URSS, F. Mitterrand a cependant
rappelé l’exclusion de l’arsenal nucléaire
français des négociations en cours entre les
deux super puissances.
La France et le Proche-Orient : le terrorisme a requis la prudence. Après le départ
en Iraq du chef des moudjahidin iraniens
réfugiés en France, Massoud Radjavi, et le
règlement du contentieux financier, le rétablissement de relations régulières entre la
France et l’Iran a pu s’amorcer. Cependant,
le gouvernement français a refusé de remettre en question ses rapports avec l’Iraq,
comme le demandait l’Iran. Cette normalisation a facilité la libération d’un otage
détenu au Liban. La même circonspection
est nécessaire à l’égard de la Syrie, pourtant
soupçonnée de soutenir les terroristes en
Europe. La France a refusé d’adopter des
sanctions contre Damas.
La présence de la France dans le Pacifique
fut mise en cause lors du Forum du Pacifique Sud. Les États réunis se sont en effet
prononcés en faveur de la dénucléarisation
de la région, ainsi que de l’indépendance de
la Nouvelle-Calédonie, qu’ils ont souhaité
réinscrire sur la liste du comité de décolonisation de l’ONU. Le contentieux franco-néo-zélandais a cependant été réglé par
la libération des deux agents français et le
dédommagement de la Nouvelle-Zélande.
SIMON PARLIER
downloadModeText.vue.download 237 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
236
Oui, décidément, la cohabitation n’est
pas qu’un régime tranquille et unanimiste.
Au paradis du consensus, les ambitions se
découvrent tout aussi brutales que lorsque
l’Élysée et Matignon étaient occupés par
un personnel politique de même obé-
dience. Car, qu’on ne s’y trompe pas, l’année 1986 aura d’abord révélé une idée fixe.
Elle hante aussi bien les têtes de droite que
les têtes de gauche et même si on en parle
rarement, on y pense toujours. Cette idée
fixe s’appelle bien sûr élection présidentielle, qu’elle intervienne à sa date normale
en 1988 ou qu’une crise, d’autant plus foudroyante qu’elle ne se sera guère annoncée,
l’avance à 1987.
Alors, dès maintenant, pour montrer qu’ils ne sauraient être surpris par
l’imprévisible, ceux qui comptent –Mitterrand, Chirac, Barre, Giscard, Rocard
– font déjà savoir qu’ils seront, d’une
manière ou d’une autre, présents le moment venu. Les deux premiers sont évidemment les plus intéressés. D’autant
que les Français, soucieux de couronner
les animateurs de cette cohabitation qu’ils
prisent tant, leur accordent les lauriers de
la popularité. Toutes les enquêtes d’opinion montrent qu’ils apprécient ceux qui
sont aux affaires.
Alors Jacques Chirac ne se cache guère
pour affirmer qu’il sera candidat, conforté par les sondages de fin d’année qui le
propulsent largement devant ses rivaux
Raymond Barre et Valéry Giscard d’Estaing. François Mitterrand aussi semble
montrer le bout de l’oreille, même si cette
tentation-là prend des apparences de
démenti. « Je ne suis pas candidat, je n’ai
pas l’intention de l’être », dit-il en octobre
dernier. Mais le chef de l’État assortit ses
affirmations de tant de commentaires, de
tant de nuances, de tant de sous-entendus, que chacun traduit que sa candidature est quasi certaine.
L’élection présidentielle
Lorsque 1986, l’année de la cohabitation, l’année du rééquilibrage, l’année
de la nouvelle donne se termine, un jeu
encore plus important que celui de mars
s’annonce. Car mars était finalement une
parenthèse dans la vie politique. Ce qui
s’offre, en revanche, c’est l’élection présidentielle, c’est-à-dire la clé de voûte de
l’édifice français. Un temps, le pouvoir
a pu se trouver à Matignon, un temps,
l’hôte du « Château » du Faubourg SaintHonoré a pu avoir moins d’importance,
mais aucun des prétendants ne l’ignore :
la puissance demeure bien à l’Élysée. Et
– ce qui n’est pas le moins étonnant – la
période cohabitationniste a finalement
peu changé les choses. Ni les rapports de
forces, ni les ambitieux. À gauche, deux
hommes, François Mitterrand et Michel
Rocard dominent. À droite, le triangle
est toujours le même et enferme trois
personnalités, Raymond Barre, Jacques
Chirac, Valéry Giscard d’Estaing.
Les voilà tous, à quinze mois de
l’échéance normale, celle de mai 1988, aux
marches du palais. De ces cinq-là, l’un
triomphera. Mais si la cohabitation a pu
un moment troubler le jeu, cette vérité-là
est inéluctable. Corneille, finalement, avait
bien raison lorsqu’il assurait : « Car ce n’est
pas régner qu’être deux à régner. »
MICHEL SCHIFRES
Après avoir été journaliste à Combat, au Monde, et
au Quotidien de Paris, Michel Schifres est actuellement le rédacteur en chef du Journal du Dimanche.
Il a notamment publié, en collaboration, l’Élysée de Mitterrand. Son prochain livre, l’Enaklatura,
aux éditions Lattes, traite de l’ENA et des énarques.
downloadModeText.vue.download 238 sur 502
POLITIQUE
237
Vivre
avec le terrorisme
La France se croyait-elle à l’abri du terrorisme ? Les événements
tragiques de 1986
ont définitivement dissipé ses illusions. Impuissante, elle a assisté à
l’interminable
détention de ses otages au Liban. Furieuse, elle a vu des bombes
exploser en plein
Paris, tuant et blessant aveuglément. « Vivre avec le terrorisme » est
devenu,
pendant plusieurs semaines, une obsession nationale.
La fin de 1985 avait été marquée par
un double attentat spectaculaire. Le
7 décembre, des engins explosaient dans
deux grands magasins parisiens, boulevard Haussmann, faisant 35 blessés. Les
terroristes allaient frapper cinq autres
fois au cours de l’hiver, sans compter les
bombes désamorcées à temps.
Puis, sans explication, à partir du
21 mars, la série noire s’arrête. L’été ne
sera endeuillé que par un attentat contre
les locaux de la Brigade de répression
du banditisme, le 9 juillet, revendiqué
par Action directe, apparemment sans
rapport avec ceux du début de l’année
qui, eux, semblaient être de facture
proche-orientale.
En septembre, la capitale est reprise
dans la tourmente terroriste. Une première bombe explose à Paris le 8. Puis
une deuxième, le 12. Puis une troisième... Cinq au total, en l’espace d’une
dizaine de jours, avec une tragique addition : 10 morts et 160 blessés.
C’est une « guerre », déclare le Premier ministre, Jacques Chirac. Mais
aucune bombe n’explose à Paris après
le 18 septembre, date à laquelle l’attaché militaire, le colonel Christian Goutierre, est assassiné à Beyrouth. Simple
accalmie ?
Pas de panique
Les médias ne manquent pas d’être mis
en cause. Ne font-ils pas le jeu des poseurs de bombes en consacrant tant de
place aux attentats ? Le débat ne sera
pas tranché en France, pas plus qu’il ne
l’avait été en Italie du temps où les Brigades rouges défrayaient la chronique.
Il est très difficile, en effet, sinon impossible, de se taire. Le silence de la presse
provoquerait les rumeurs les plus folles
et pourrait conduire les terroristes à agir
de manière plus spectaculaire encore
pour se faire entendre. Mais, si un blackout est impensable, les médias peuvent
éviter de trop en faire, de diffuser des
informations non vérifiées et d’affoler la
population.
downloadModeText.vue.download 239 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
238
Affolés, les Parisiens ? Ils ont, au
contraire, une attitude exemplaire pendant tout le « septembre rouge » 1986. À
commencer par les secouristes – sapeurs-pompiers, SAMU, ambulanciers
privés et médecins libéraux –, qui sont
présents sur les lieux de chaque attentat
quelques minutes à peine après l’explosion. Un spectacle effroyable les attend :
corps déchiquetés, hurlements, façades
éventrées... Avec une efficacité remarquée, les secouristes soignent sur place
les blessés ou les évacuent vers les hôpitaux, devant une foule silencieuse mais
digne.
Sans panique, les habitants de la capitale respectent les consignes de sécurité qui leur sont données. Ils acceptent
d’être fouillés à l’entrée des cinémas, parfois dans leurs propres bureaux. Dans
les gares, chacun évite de laisser traîner
un bagage qui serait immédiatement détruit. Des objets suspects sont signalés
dans des rames de métro ou des galeries
marchandes. Le sang-froid de quelques
Parisiens permet d’éviter des drames.
C’est apparemment un engin explosif déposé dans une poubelle, près du
magasin Tati, qui a provoqué la terrible explosion de la rue de Rennes, le
17 septembre. On décide donc de plomber toutes les poubelles sur les boulevards, devant les grands magasins... Des
groupes de policiers patrouillent en perdownloadModeText.vue.download 240 sur 502
POLITIQUE
239
manence dans les endroits très fréquentés. C’est surtout une mesure psychologique qui vise à rassurer la population,
car il n’existe aucun remède miracle
pour empêcher les attentats. Les responsables le savent, et les Français le sentent
confusément.
Pas question d’annuler la visite que
le pape doit faire dans la région RhôneAlpes début octobre : ce serait s’incliner
devant les adeptes de la terreur. On mobilise plutôt 15 000 policiers, et le voyage
pontifical a lieu sans incident.
Les Français gardent leur calme, mais
n’en pensent pas moins. Un sondage,
réalisé le 17 septembre par l’Institut
Louis Harris, indique que 77 p. 100 des
personnes interrogées sont favorables
au rétablissement de la peine de mort
pour les actes terroristes, 34 p. 100 reconnaissent que les récents attentats
les ont fait changer d’avis sur ce point.
Et 61 p. 100 estiment que les services
secrets français doivent mener des opérations pour exécuter les terroristes et
leurs chefs, quel que soit le pays dans
lequel ils se trouvent.
Le Premier ministre fait savoir qu’il
reste personnellement opposé à la peine
de mort. Mais son ministre de la Justice,
Albin Chalandon, tient des propos plus
ambigus : « Si le terrorisme continuait à
s’amplifier et prenait des proportions encore plus fortes qu’aujourd’hui, il y aurait
indiscutablement dans le pays une pression pour le rétablissement de la peine de
mort, et on ne pourrait pas y résister. »
Devançant cette « pression » populaire,
deux sénateurs centristes déposent une
proposition de loi visant à rétablir la
peine capitale.
Des consommateurs
comme les autres
Vendredi 12 septembre, vers midi, dans
une cafétéria du quartier de la Défense,
un homme vingt-cinq ans environ prend
un plateau, fait la queue, puis s’attable.
Soudain, il renverse son verre et tache sa
chemise. Il se dirige alors vers les toilettes,
apparemment furieux. Nul n’a vu le parquet
qu’il a déposé sous son siège. Quelques instants plus tard, c’est l’explosion. Elle fera
31 blessés.
Le surlendemain, dans l’après-midi, une
foule nombreuse se presse au Pub Renault,
sur les Champs-Élysées. Personne ne prête
attention à un jeune homme qui quitte les
lieux tranquillement après avoir pris une
consommation. Un paquet blanc, paraissant suspect, attire l’attention d’une serveuse. Elle avertit discrètement le maître
d’hôtel qui, à son tour, alerte deux gardiens
de la paix. Les trois hommes emportent le
paquet dans le parking d’un sous-sol voisin.
L’un des policiers est tué par l’explosion, les
deux autres sont grièvement brûlés.
Abdallah et ses frères
Comment lutter contre le terrorisme ?
Les pays démocratiques qui ont dû affronter ce fléau se sont vite aperçus que
le moyen le plus efficace était d’agir à la
source, c’est-à-dire de repérer et d’« infiltrer » les groupes violents. Mais la France
se heurte à une double difficulté. D’une
part, cette vague d’attentats semble être
fomentée de l’étranger, même si elle bénéficie de complicités locales. D’autre part,
les services secrets français sont en piètre
état : ils paient leurs missions ratées, leurs
querelles internes et leurs difficultés de
recrutement. Lorsque les attentats se
downloadModeText.vue.download 241 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
240
succèdent à Paris en septembre, deux anciens « patrons » de la DGSE, Alexandre
de Marenches et Pierre Marion, sont en
train de polémiquer ouvertement sur
leurs activités passées. Tout le monde est
d’accord pour donner un nouvel élan aux
services secrets, mais c’est une oeuvre de
longue haleine.
Relations internationales
Rapports Est-Ouest : les relations internationales ont été dominées par la reprise des négociations sur le désarmement.
Entamées au début de l’année par les propositions audacieuses de M. Gorbatchev, elles
n’ont abouti à aucun accord au sommet de
Reykjavik, les 11 et 12 octobre.
La préparation de ce sommet a commencé
avec les propositions soviétiques de réduire
les arsenaux nucléaires des deux pays,
d’abandonner la modernisation des arsenaux français et britanniques, de réduire
les forces conventionnelles (proposition
faite au lendemain du sommet du pacte
de Varsovie, en juin), de diminuer jusqu’à
disparition complète les euromissiles. Les
négociations se sont poursuivies au sommet de Stockholm, en septembre, avec
l’acceptation du principe de l’inspection sur
place. C’est ce programme qui avait motivé
les initiatives de paix de M. Gorbatchev et
qui divisa les deux grands au sommet. Aux
exigences soviétiques de limiter le programme à la recherche en laboratoire, les
Américains ont opposé un délai de dix ans
dans le déploiement de l’IDS en échange de
l’élimination complète de tous les missiles
balistiques. Finalement, ces divergences
n’ont pas été compensées par des accords de
désarmement partiel.
Rapports Nord-Sud : un « programme d’action pour le redressement économique et
le développement de l’Afrique 1986-1990 »
a été adopté à l’issue de la session spéciale
de l’ONU, en juin. Cependant, les relations
Nord-Sud ont été négligées cette année. Les
sept pays les plus industrialisés ont à peine
mentionné le problème lors du sommet de
Tokyo, en mai, et les pays non alignés réunis à Harare, en septembre, l’ont déclaré
« au point mort ». Le dialogue est bloqué
par le problème de la dette du tiers-monde :
plus de 1 000 milliards de dollars.
SIMON PARLIER
Le 14 septembre, le gouvernement
annonce une série de mesures antiterroristes. La plus spectaculaire est l’institution d’un visa obligatoire pour tous
les étrangers, exceptés les ressortissants
de la Suisse et des pays de la CEE. Cette
initiative vexe les États amis, comme l’Autriche, et crée une belle pagaille dans les
consulats de France, nullement outillés
pour ce surcroît d’activité.
Pense-t-on vraiment interdire ainsi
l’accès du territoire national aux terroristes ? Ces derniers arrivent toujours
avec des papiers en règle. Le seul intérêt
du visa obligatoire est de permettre la
création d’une « banque informatisée »
réunissant tous les renseignements demandés aux voyageurs étrangers. Mais, là
aussi, cela demande du temps : une telle
banque ne devient pas opérationnelle du
jour au lendemain.
Les Français ne doutent pas que les
poseurs de bombes soient arabes. Divers
indices permettent de l’affirmer d’autant
que, parallèlement au terrorisme parisien, des attentats sont commis contre
des militaires français au Liban et qu’un
véritable chantage est exercé autour des
otages détenus à Beyrouth par le Djihad
islamique.
downloadModeText.vue.download 242 sur 502
POLITIQUE
241
Veut-on punir la France pour sa politique proche-orientale, la contraindre
à une autre attitude ? C’est plausible.
Reste à savoir qui agit ainsi, car plusieurs
groupes ou États ont des choses à lui
reprocher. Des intégristes musulmans
veulent obliger la France à retirer ses soldats de la force internationale de l’ONU
au sud du Liban. La Syrie cherche à avoir
les mains libres à Beyrouth. L’Iran essaie
de contraindre Paris à rompre avec l’Iraq.
Quant à la Libye, elle est toujours en
conflit avec la France à propos du Tchad...
Les attentats de septembre sont revendiqués, à Paris et à Beyrouth, par deux
organisations : le Comité de soutien
aux prisonniers politiques arabes et du
Proche-Orient (CSPPA) et les Partisans
du droit et de la liberté. Un troisième
groupe, l’ASALA (Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie),
entre à son tour dans cette surenchère de
communiqués, menaçant de commettre
des attentats si les « militants » détenus
dans les prisons françaises ne sont pas
libérés.
Europe occidentale
Une évolution politique contrastée : alors
qu’il est battu en France, le parti socialiste obtient la majorité absolue des sièges
en Espagne et reste dans la coalition au
pouvoir en Italie. Au Portugal, le socialiste
Mario Soares est élu président de la République. La politique d’austérité ébranle en
revanche la social-démocratie suédoise et
oblige le cabinet de centre-droit à démissionner en Norvège. En Autriche, quelques
mois après l’élection controversée de Kurt
Waldheim à la présidence, les élections
législatives ont lieu le 24 septembre : les
socialistes et les populistes perdent des
voix au profit des écologistes et de l’extrême
droite.
L’intégration européenne progresse lentement : le Danemark a accepté la réforme
institutionnelle ; l’Espagne et le Portugal
sont devenus membres de la CEE le 1er janvier. La coopération militaire, technologique et policière évolue aussi : réunion du
47e sommet franco-allemand consacré à
la défense, approbation de nouveaux projets dans le cadre du programme Eurêka,
coordination des mesures de lutte contre le
terrorisme.
L’économie occidentale a profité de la baisse
du prix du pétrole ; l’inflation a été réduite ;
la stagflation semble avoir disparu. Parmi
les mesures d’assainissement, les gouvernements, indépendamment de leur couleur
politique, ont choisi l’austérité budgétaire,
qui a provoqué dans certains pays, comme
la Belgique, une forte réaction syndicale.
Cependant, malgré la désinflation, la croissance n’a pas repris. Sa lente progression
de 2,4 p. 100 en 1984, à 2,8 p. 100, prévue
pour 1987, ne suffit pas pour résorber un
chômage qui continue de toucher 12 p. 100
de la population active. Aussi, une relance,
par l’offre et la demande, est-elle recommandée par la Commission européenne.
Cette reprise suppose pourtant que soit mis
un terme à la baisse du dollar qui pénalise
l’Europe sur le plan commercial.
SIMON PARLIER
Les soupçons des enquêteurs se sont
tout de suite portés sur les Fractions
armées révolutionnaires libanaises
(FARL), dont le chef présumé, Georges
Ibrahim Abdallah, est détenu à Lyon.
Ce Libanais brouille toutes les cartes :
de famille chrétienne, il est de formation
marxiste-léniniste et soutient les musulmans intégristes. On l’accuse notamment
d’avoir trempé dans l’assassinat de deux
downloadModeText.vue.download 243 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
242
diplomates à Paris, un Israélien et un
Américain.
Georges Ibrahim Abdhallah paraît
être tellement au centre des attentats
qu’une « lettre ouverte » lui est adressée,
le 15 septembre, par une cinquantaine
de jeunes « beurs » et de personnalités
maghrébines résidant en France. « Il faut
que les attentats cessent au plus vite, écrivent les signataires. Le conflit du Moyen
Orient ne peut se régler sur les berges de
la Seine. Si par malheur, demain, la haine
devait se retourner contre la communauté maghrébine en France, sachez que
nous vous tiendrions comme responsable
au même titre que ceux qui l’exerceraient
à notre endroit. »
Deux frères de Georges Ibrahim Abdallah, Maurice et Robert, sont soupçonnés d’avoir joué un rôle essentiel dans le
terrorisme parisien. Leurs photos sont affichées dans les lieux publics et une prime
d’un million de francs est offerte à toute
personne pouvant fournir des renseignements valables sur les auteurs d’attentats.
Ce procédé, déjà testé en Allemagne fédérale, n’avait jamais été employé en France
depuis la Seconde Guerre mondiale.
Europe orientale
En 1986, la situation de presque tous les
pays de l’Est ne s’est pas améliorée. Sauf
en Pologne et en Hongrie, l’immobilisme
politique a triomphé. Et, en dehors de la
RDA, les graves difficultés économiques
ont partout persisté.
Les opposants aux régimes en place n’ont
pas été tolérés. Le maintien de la ligne
traditionnelle est apparu lors des congrès
des partis communistes tchécoslovaque et
bulgare, et à l’occasion du congrès du Parti
socialiste unifié d’Allemagne. Au cours de
ces réunions, les représentants de la vieille
garde – Gustav Husak, 74 ans, Todor Jivkov,
secrétaire général depuis 1954, et Erich Honecker – ont conservé le pouvoir.
En revanche, en Pologne, après bien des
hésitations, presque tous les prisonniers
politiques, dont le dirigeant clandestin de
Solidarité, Zbigniew Bujak, ont été libérés
le 13 septembre. Mais, l’interdiction par le
général Jaruzelski du « Conseil provisoire
de Solidarité » impose la prudence.
Sur le plan économique, après cinq années
difficiles (1980-1985), les plans quinquennaux engagés pour 1986-1990 prévoient
une reprise de la croissance, grâce à une
meilleure productivité et au développement
des technologies de pointe, des industries
lourdes et des biens de consommation.
En attendant, l’endettement extérieur de la
Yougoslavie (20 milliards de dollars) et de
la Pologne (29,7 milliards de dollars) reste
inquiétant. En juin, Varsovie a obtenu des
pays de l’Ouest un nouveau report de ses
remboursements. Les relations des pays
de l’Est avec l’URSS ont été affectées par
le drame de Tchernobyl : les informations
peu crédibles, distillées par le Kremlin, ont
vivement mécontenté leurs dirigeants. Il
n’en a pas été de même avec la Chine. En
septembre, le général Jaruzelski a été le premier chef d’État d’Europe de l’Est reçu à
Pékin depuis 1959.
LAURENT LEBLOND
De son village de Kobayat, au nord du
Liban, la famille Abdallah clame son innocence et se déclare prête à poursuivre
le gouvernement français en diffamation.
Un troisième frère, Émile, n’est-il pas
soupçonné d’avoir commis l’attentat de la
rue de Rennes ?
« Nous savons avec certitude que les
downloadModeText.vue.download 244 sur 502
POLITIQUE
243
frères d’Ibrahim Abdallah ont été mêlés aux actions terroristes en France »,
affirme le ministre de la Coopération
Michel Aurillac. Il ajoute, de manière à
peine voilée : « Nous savons aussi qu’ils
ont été « exfiltrés » par des agents secrets
professionnels. Enfin, nous avons constaté qu’ils avaient tenu au Liban une conférence de presse dans une région contrôlée par la Syrie. »
La Syrie, donc ? Non, le gouvernement de Jacques Chirac refuse de mettre
en cause cet État. Il le remerciera même
publiquement de « collaborer » avec la
police française.
Une série d’allées et venues, plus ou
moins discrètes, ont lieu entre Paris et
Damas. Le ministre de la Coopération
et le directeur de la DST se rendent
dans la capitale syrienne, tandis qu’un
archevêque grec catholique, Mr Hilarion
Capucci, proche du gouvernement de
Damas et des Palestiniens, accomplit une
« mission de bons offices » à Paris du 19
au 30 septembre et rencontre notamment
Georges Ibrahim Abdallah dans sa cellule
de la santé. Cette initiative déplaît à l’Élysée, qui ne manque pas de le faire savoir.
Les victimes indemnisées
Une loi d’indemnisation des victimes
des attentats a été promulguée le 9 septembre 1986, mettant fin à une injustice de
plus en plus flagrante. Jusqu’alors, en effet,
les personnes ou les familles qui avaient
vu leur vie ruinée en quelques secondes
par un acte terroriste ne recevaient aucun
dédommagement.
Il a fallu que quelques-uns de ces rescapés
de l’horreur et leurs parents créent des associations et multiplient les démarches pour
qu’on s’intéresse enfin à leur sort. Ainsi est
né SOS-Attentats, sous l’impulsion de Françoise Rudetzki, grièvement blessée dans
l’attentat du Grand Véfour, en décembre
1983, et qui a dû être opérée une trentaine
de fois D’autres initiatives ont vu le jour en
1986 pour informer les victimes sur leurs
droits et sur les démarches à accomplir.
La nouvelle loi prévoit la création d’un
fonds de garantie, alimenté par des prélèvements sur les contrats d’assurance. Elle
concerne toutes les victimes d’un acte terroriste en France, quelle que soit leur nationalité, mais aussi les Français se trouvant à
l’étranger. Cette loi n’a cependant pas d’effet
rétroactif. Or on estime que 700 personnes
environ ont été tuées ou blessées dans des
attentats en France depuis 1974.
Un bref moment d’union nationale
La France est frappée par le terrorisme
alors qu’elle vit une expérience politique
sans précédent : un président de la République socialiste « cohabite » avec un Premier ministre de droite. Les attentats ont
pour effet immédiat de les rapprocher l’un
de l’autre et de faire taire les polémiques
entre les partis. La classe politique serre les
rangs. François Mitterrand ira jusqu’à exprimer publiquement sa « confiance » dans
les responsables de la lutte antiterroriste.
La seule fausse note vient du Front
national. Son leader, Jean-Marie Le Pen,
refuse de se solidariser avec l’action du
gouvernement qu’il juge « désinvolte ».
Et il n’hésite pas, malgré l’interdiction du
Premier ministre, à organiser une manifestation contre le terrorisme à Paris, le
22 septembre.
La belle unité du monde politique se
dissipera progressivement, à mesure que
le péril terroriste semblera s’éloigner. Les
downloadModeText.vue.download 245 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
244
socialistes critiquent « l’incohérence » du
gouvernement et ironisent sur le fait que
le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua,
prétendait « terroriser les terroristes »
après son entrée en fonction. Dans les
rangs mêmes de la majorité, des voix discordantes se font entendre. Le courant
UDF s’étonne que la France ne se solidarise pas immédiatement avec la GrandeBretagne. Celle-ci a rompu, en octobre,
ses relations diplomatiques avec la Syrie,
dont les services secrets sont reconnus
coupables d’une tentative d’attentat contre
un avion israélien.
URSS
Un an après son arrivée au pouvoir, qui
remonte au 11 mars 1985, Mikhail
Gorbatchev a été confronté à une série
d’événements tragiques, qui ont eu de
graves conséquences dans son pays et, surtout dans le premier cas, sur la scène internationale : drame de Tchernobyl (25 avril),
naufrages du paquebot Amiral-Nakhimov
en mer Noire (31 août) et du sous-marin
Yankee I au large des Bermudes (3 octobre).
Les deux premiers accidents ont été dus à
d’inquiétantes négligences humaines, au
moment même où M. Gorbatchev insistait
sur l’importance de l’esprit de responsabilité, indispensable pour améliorer les résultats économiques de l’URSS.
Des changements politiques
partiels
Avant même la réunion du congrès du Parti communiste, qui a eu lieu à Moscou du
26 février au 6 mars, le renouvellement des
dirigeants a été massif : il a touché 70 p. 100
des ministres et 50 p. 100 des cadres des
républiques. Ce phénomène s’explique à la
fois par l’ascendant du nouveau secrétaire
général et par l’impérieuse nécessité de rajeunir un appareil politique, fossilisé sous
Brejnev. Mais, à l’issue du congrès, seulement 40 p. 100 des membres du Comité
central ont été remplacés par des hommes
formés sous Khrouchtchev à la gestion économique dans des écoles supérieures. Un
nombre encore relativement élevé de dirigeants conservateurs, promus au cours de
la Seconde Guerre mondiale, y siègent donc
toujours. Ils freinent l’action du nouveau
maître du Kremlin.
Des réformes économiques limitées
La principale novation apportée par
M. Gorbatchev réside dans la dramatisation
de ses propos sur la situation économique
du pays : pour que, d’ici à l’an 2000, le socialisme gagne la compétition l’opposant au
capitalisme depuis la Révolution de 1917,
il faut introduire des réformes radicales en
URSS.
Réaliste, le nouveau secrétaire général sait
bien que ce sera difficile, car les travailleurs
soviétiques sont peu motivés. Les premières
mesures qu’il a prises ne brillent pas par leur
audace. M. Gorbatchev a remis en cause la
toute-puissance des trop nombreux ministères : créé en novembre 1985, le Comité
d’État au complexe agro-industriel (Gosagroprom) a remplacé cinq d’entre eux et
les services techniques de l’Agriculture. De
plus, les principes d’autonomie comptable
et de responsabilité financière sont à nouveau appliqués dans les entreprises, dans
les ministères, au plan d’État (Gosplan) et
à l’Approvisionnement technique (Gossnab). Ce dernier département est essentiel :
sa carence entraîne inévitablement l’échec
des meilleures initiatives venant des unités
de production. Le 29 mars, le Conseil des
ministres a décidé d’encourager le travail
en petites équipes autonomes, l’extension
des libertés commerciales des paysans et
downloadModeText.vue.download 246 sur 502
POLITIQUE
245
le développement du rôle des exploitations
individuelles.
Pas de libertés
La répression menée vis-à-vis des opposants au régime a continué. Les gestes ponctuels des autorités en faveur de personnalités mondialement connues ne s’expliquent
pas par une évolution des conceptions
soviétiques sur le chapitre des libertés individuelles. Ils sont à situer dans le cadre
des marchandages diplomatiques constants
avec les États-Unis. Ainsi, de décembre
1985 à juin 1986, Elena Bonner, épouse
d’Andreï Sakharov, a-t-elle eu l’autorisation
de séjourner en Occident. De son côté, le
dissident juif Anatoli Chtcharanski, emprisonné depuis 1977, a été libéré le 11 février
à Berlin, dans le cadre d’un échange global
entre l’Est et l’Ouest, dont huit espions ont
bénéficié. Dans des conditions similaires,
le physicien Iouri Orlov et sa femme ont
retrouvé la liberté en même temps que le
journaliste américain Nicolas Daniloff, et
qu’un fonctionnaire soviétique à l’ONU,
Guennadi Zakharov, inculpés d’espionnage
(5 octobre).
Ces mesures négociées de routine ont moins
de portée que le retour à Moscou, le 23 décembre, d’Andreï Sakharov, qui est vraisemblablement le premier signe d’une stratégie
de réforme et de mobilisation de la société
soviétique et d’une politique visant à régler
à l’amiable les problèmes extérieurs majeurs.
LAURENT LEBLOND
Les Français s’interrogeaient fébrilement, en septembre, sur la cause
des attentats. À partir d’octobre, ils se
demandent, avec la même perplexité,
pourquoi les attentats ont cessé. Ni les
contrôles aux frontières ni les mesures de
précaution prises à Paris ne suffisent à expliquer cette accalmie. Faut-il l’attribuer
à des négociations, sinon à un marché
conclu avec les terroristes ? Il n’y a « aucun compromis, aucune négociation avec
les terroristes ou les intermédiaires », a
fermement assuré le Premier ministre.
Le Monde révélera, cependant, fin
octobre, qu’une trêve a été imposée aux
poseurs de bombes par l’intermédiaire
des gouvernements syrien et algérien.
Trêve fixée jusqu’à février 1987 – date
du procès de Georges Ibrahim Abdallah
– et assortie des menaces de représailles
françaises si des attentats étaient commis pendant cette période. L’Algérie et la
Syrie semblent avoir été, l’une et l’autre,
récompensées de leur coopération : treize
opposants algériens résidant en France
sont interpellés fin octobre et échappent
de peu à une expulsion ; du blé et de la
farine sont livrés à la Syrie, qui connaît de
graves difficultés économiques.
Les informations du Monde sont
démenties très mollement. Le gouvernement ne semble pas mécontent,
après tout, qu’on dise aux Français qu’il
a su faire cesser les attentats terroristes.
Le mystère reste cependant à peu près
entier. À la fin de 1986, les Parisiens se
demandent encore qui a eu la folle idée,
et dans quel but précis, de vouloir faire
de leur ville un Beyrouth-sur-Seine. Ils se
rendent surtout bien compte qu’aucune
mesure de police, aucune menace de représailles ne peut extirper ce terrorisme
qui est lié à la solution des interminables
conflits du Proche-Orient.
ROBERT SOLÉ
Après avoir été correspondant à Washington et à
Rome, Robert Solé dirige actuellement le service Société du Monde. Il a publié le Défi terroriste aux éditions du Seuil, dans la collection l’Histoire immédiate.
downloadModeText.vue.download 247 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
246
Maghreb
Machreq
L’économie des pays tributaires des
exportations pétrolières a souffert de
l’effondrement des cours du brut, provoqué
par la stratégie de la guerre des prix, imposée par l’Arabie Saoudite dans le cadre de
l’OPEP.
L’instabilité politique s’est manifestée dès
janvier, au Yémen du Sud au cours d’une
guerre civile entre factions rivales du parti
socialiste.
Au Maghreb, la Tunisie, confrontée à une
situation économique et sociale inquiétante, a amorcé un virage politique avec le
limogeage, le 8 juillet, du Premier ministre,
Mohamed Mzali.
Le Liban est en proie à l’anarchie politique
et idéologique : désagrégation de l’État, dissensions au sein du gouvernement, combats entre chrétiens, affrontements entre
chiites et reprise de la guerre des camps
entre Amal et combattants palestiniens.
Les éléments chiites du Hezbollah ont créé
une dynamique politique autonome et ont
imposé leur loi.
Les pays du Golfe ont subi les contrecoups
du conflit irano-iraqien. La « guerre des
pétroliers », a menacé la sécurité de la région. L’Iran a remporté deux victoires, en
occupant Fao (11 février) et en reprenant
Mehran (2 juillet).
La Libye, qui a fait figure de principal responsable du terrorisme international, a été
l’objet de sanctions. L’épreuve de force, qui
s’est engagée entre le colonel Kadhafi et les
États-Unis, a atteint son point culminant
avec le raid sur Benghazi et sur Tripoli, le
14 avril.
Le Premier ministre israélien, Shimon Pérès, a dominé la scène diplomatique. Reçu
par le roi Hassan II, à Ifrane, au Maroc
(11 juillet), et par le président égyptien
Hosni Moubarak à Alexandrie (11 septembre), il a aussi renoué le dialogue avec
l’Espagne, la Côte-d’Ivoire, l’URSS et le
Cameroun.
MARIE-ODILE SCHALLER
downloadModeText.vue.download 248 sur 502
POLITIQUE
247
Amnesty
International :
25 ans de combats
Amnesty International est née en 1961, sur l’initiative de l’avocat
britannique
Peter Benenson, scandalisé par la condamnation à sept ans de prison de
deux étudiants portugais qui avaient levé leur verre à la liberté.
Amnesty compte aujourd’hui 500 000 membres dans le monde (25 000 en
France).
Ses buts : obtenir la libération des prisonniers d’opinion, abolir la
torture
et la peine de mort.
Le 15 octobre 1986, un livre au titre
très sobre est mis en vente : Amnesty
International. Rapport 1986. Un volume
de 437 pages, qui fait le tour du monde
en 128 pays, dénonçant les atteintes aux
droits de l’homme quel que soit le régime
politique.
Les premières phrases de ce rapport sont relativement optimistes : « La
pression exercée sur les gouvernements
pour les inciter au respect des droits de
l’homme s’intensifie. Dans le monde
entier, la force et l’influence des organisations de défense des droits de l’homme
ne cessent de croître. La législation internationale sur les droits de l’homme se
renforce. »
Mais, au dos du livre, sur la couverture, un paragraphe plus pessimiste : « Ce
rapport va irriter un certain nombre de
gouvernements. Pourquoi ? Parce qu’il
fait apparaître le gouffre qui sépare les
engagements qu’ils ont pris en matière
de droits de l’homme et les abus qu’ils
commettent. »
Tout en se gardant de juger les gouvernements, le rapport d’Amnesty dresse
de cruels constats pour l’année 1985 : des
milliers de personnes ont été détenues
sans jugement en Afrique... Des décès en
prison, à la suite de mauvais traitements,
ont été signalés en Afrique du Sud, en
Ouganda, au Burkina Faso, en Namibie,
au Togo.
Au Nigeria, 140 personnes ont été
condamnées à mort, 58 au Ghana ; en
Afrique du Sud, il y a eu 137 pendaisons
et, en Somalie, 100 exécutions.
Mais les mêmes fléaux sévissent sous
presque toutes les latitudes : recrudescence d’abus en Équateur, multiplication
des enlèvements au Chili, aucune estimation fiable sur le nombre de prisonniers à
Cuba. De 5 000 à 7 000 personnes placées
downloadModeText.vue.download 249 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
248
en « rééducation » au Laos et au Viêtnam. Des membres de communautés
religieuses arrêtés : bouddhistes au Viêtnam, chrétiens au Népal, communauté
Ahmadiyya au Pakistan... Condamnations à mort par des tribunaux militaires
spéciaux en Afghanistan et au Bangladesh, exécutions immédiates en Chine
dès la sentence de mort...
L’Asie méridionale et
orientale
Le monde indien
Les problèmes économiques de l’Inde
restent graves : le déficit du commerce extérieur a été particulièrement
élevé lors des six premiers mois de l’année
1986. L’agitation a repris au Pendjab en
janvier, plusieurs centaines de sikhs extrémistes ont occupé le Temple d’or d’Amrtisar puis ont appelé à la guerre sainte pour
l’indépendance.
Au Pakistan, la politique d’ouverture démocratique amorcée à la fin de l’année 1985
avec la levée de la loi martiale s’est très vite
raidie devant l’ampleur des manifestations
qui ont précédé et suivi le retour d’exil de
Benazir Bhutto, fille de l’ancien président
Ali Bhutto (avril-août 1986).
Au Sri Lanka, la trêve de huit mois décidée
entre les mouvements tamouls divisés et les
forces de sécurité a été rompue au mois de
janvier 1986. Le Sri Lanka vit sous le régime
de l’état de siège depuis juin 1986.
Le monde chinois
Malgré le déficit du commerce extérieur, la
corruption et la nouvelle campagne de rectification lancée au mois de janvier, l’année
1986 a vu la confirmation des orientations
choisies par Deng Xiaoping et son équipe
de « jeunes réformateurs ». Au mois d’avril,
l’Assemblée populaire nationale a ratifié le
VIIe plan quinquennal. Bien que mettant
l’accent sur un nécessaire ralentissement
de la croissance économique, le Plan a réaffirmé la nécessité de poursuivre la politique
de réformes et la politique d’ouverture sur
l’étranger. Au mois de juillet 1986, le renminbi a été dévalué de 16,3 p. 100 par rapport au dollar, mesure qui devrait aider la
Chine à développer ses exportations. La
politique étrangère chinoise a surtout été
marquée en 1986 par une normalisation
des rapports avec l’URSS. Le gouvernement
chinois a également profité du détournement d’un Boeing 747 des China Airlines de
Taiwan vers l’aéroport de Canton pour provoquer les premiers contacts directs entre
la République populaire de Chine et Taiwan
depuis 1949.
Japon et Corée
Après la victoire de son parti aux élections
de juillet 1986, le Premier ministre Nakasone, pour la première fois dans l’histoire
récente du Japon, a été autorisé à constituer
un troisième gouvernement. Cependant,
en 1986, la hausse incontrôlable du yen a
provoqué l’inquiétude des exportateurs
japonais.
En Corée du Sud, le gouvernement s’est vu
confronté en 1986 à une agitation croissante. Le président Chun, ainsi que le parti
au pouvoir, se prononcèrent en faveur d’une
révision de la Constitution, peut-être afin
de pouvoir préparer dans le calme les jeux
Asiatiques qui se déroulèrent à Séoul au
mois de septembre 1986.
Les pays de l’ASEAN
Le président Marcos, abandonné par les
États-Unis, a dû démissionner et quitter
downloadModeText.vue.download 250 sur 502
POLITIQUE
249
les Philippines. Après des élections législatives confuses (février 1986), portée par
une grande ferveur populaire et soutenue
par la hiérarchie catholique, Mme Corazon Aquino a été proclamée présidente. En
dépit de négociations de cessez-le-feu, la
guérilla communiste se poursuit. Seul un
espoir d’accord existe avec les autonomistes
musulmans de l’île de Mindanao.
En 1986, le ralentissement de la croissance
économique s’est poursuivi dans les pays de
l’ASEAN du fait de la fermeture des marchés extérieurs. La Malaisie, responsable
de la chute des cours, mais également la
Thaïlande et l’Indonésie, se ressentent
encore de la crise de l’étain qui a entraîné
la fermeture du marché de Londres en
1985. Le nouveau gouvernement de M. Mahathir s’est heurté à un réveil du fondamentalisme islamique au Kedah et au Sabah. Le
gouvernement de Singapour a mis en place
un ensemble de mesures libérales pour lutter contre la crise économique la plus grave
qui ait frappé Singapour du fait de la faiblesse des cours du pétrole et des denrées
de base.
VALÉRIE NIQUET-CABESTAN
200 prisonniers d’opinion en Pologne
malgré des mesures de grâce. Et en
U.R.S.S. ? Amnesty International a eu
connaissance de plus de 600 prisonniers
d’opinion, mais pense que le nombre réel
est nettement supérieur...
En France, Amnesty s’est inquiétée
des objecteurs de conscience et de la
mort d’Éloi Machoro et de Marcel Nonnaro en Nouvelle-Calédonie... Seuls sont
épargnés les pays sur lesquels Amnesty
International estime ne pas avoir d’informations suffisantes : le Belize, le Mali, le
Canada, le Qatar.
Minutieusement retransmis, ce panorama des atteintes à la liberté dans le
monde est le résultat d’un véritable travail de fourmi accompli par Amnesty
International. Un travail qui se poursuit
depuis tout juste un quart de siècle.
L’appel de Peter Benenson
« Ouvrez votre journal n’importe quel
jour de la semaine et vous appren-
drez que, quelque part dans le monde,
quelqu’un a été emprisonné, torturé et
exécuté parce que son gouvernement
jugeait intolérable ses opinions ou sa
religion. Le lecteur ressent alors un pénible sentiment d’impuissance. Pourtant
si tous ceux qui, de par le monde, ressentent ce même sentiment pouvaient
s’unir, alors une action commune serait
possible... L’important est de mobiliser
l’opinion publique. »
Ce texte, publié dans l’Observer, le
28 mai 1961, et reproduit le même jour
dans le Monde, marque la naissance
d’Amnesty international. Quelques mois
plus tôt, Peter Benenson, en ouvrant son
journal, le Times, a appris la condamnation de deux étudiants portugais à sept
ans de prison. Leur crime ? Ils ont levé
leur verre à la liberté dans un restaurant
de Lisbonne. Avocat, Peter Benenson est
préoccupé depuis longtemps par la répression gouvernementale contre toutes
opinions discordantes. Dès 1950, il assiste à des procès politiques en Hongrie, à
Chypre, en Afrique du Sud et en Espagne,
soit en tant qu’observateur, soit en tant
que défenseur des victimes des gouvernements. L’avocat britannique réagit vivement au verdict scandaleux relaté par
le Times. Il se rend aussitôt à l’ambassade
du Portugal à Londres pour protester. Il
est fort bien reçu, mais il constate qu’un
downloadModeText.vue.download 251 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
250
tel geste individuel sera sans effet sur le
sort de ces deux étudiants. En revanche,
il se demande comment réagiraient les
régimes oppressifs si, au lieu de réactions
individuelles, les gouvernements avaient
à affronter des protestations concertées,
venant de tous les coins du monde ?
Benenson pense alors à une campagne
internationale, d’une durée limitée à un
an, pour attirer l’attention sur le sort de
prisonniers détenus dans des pays aux régimes politiques différents, pour l’expression non violente de leurs opinions politiques ou religieuses. Ses amis, Eric Baker,
quaker lui aussi, et Sean Mac Bride, sont
enthousiastes et l’incitent à rédiger un
article pour diffuser ses idées et obtenir
immédiatement une très large audience.
Ce texte, publié en français sous le titre
les Prisonniers oubliés, annonce le lancement d’une opération concertée sur le
plan mondial, l’« Appel pour l’amnistie,
1961 ».
Afrique
La crise pétrolière a engendré quelques
« nouveaux pauvres ». Si les récoltes ont
été bonnes dans certaines régions, la plus
grave invasion d’acridiens depuis soixante
ans en Afrique subsaharienne a nécessité
l’aide internationale. Le spectre de la faim
demeure, particulièrement dans le Sahel.
L’Afrique du Sud est entrée dans un climat
révolutionnaire dominé par la peur et la
haine. La dépendance vis-à-vis de l’extérieur demeure : l’URSS n’a lâché ni l’Angola,
où l’on avait trop vite donné Savimbi comme
vainqueur, ni l’Éthiopie, qui s’enfonce dans
le totalitarisme. N’oublions pas les pays
« protégés » ou tenus à bout de bras par la
France : la République centrafricaine, dont
la stagnation inquiète ; le Tchad, menacé
par la Libye et frappé de plein fouet par la
crise du coton. L’opposition entre les deux
camps et entre les régimes s’est manifestée
notamment lors du sommet des pays non
alignés organisé à Harare, en septembre.
En 1986, le FMI fait souvent office de gouverneur d’antan : les disciplines ainsi imposées sont saines en dépit des protestations
des classes dirigeantes. La zone franc continue à attirer plus qu’elle ne contraint.
Derrière les péripéties, il faut discerner
la « longue période » des nouveaux historiens : c’est la croissance démographique,
c’est l’explosion urbaine, c’est l’expansion
des langues européennes malgré la médiocrité de l’enseignement, c’est le progrès des
religions venues d’ailleurs : islam et aussi
christianisme.
L’Afrique évolue, en profondeur et, en gros,
vers une plus grande intégration avec le
reste de l’Univers, par le progrès foudroyant
des communications, par l’accroissement
du nombre des individus touchés par le
monde extérieur. Ce qui condamne inéluctablement le régime sud-africain, c’est qu’il
ne pourrait subsister que dans un monde
clos. Or le monde de 1986 est de plus en
plus ouvert, et l’Afrique en fait de plus en
plus partie.
BERNARD LANNE
L’appel de Peter Benenson est largement entendu. Un mois plus tard, il a
reçu plus d’un millier de lettres proposant de l’aide. Il crée un bureau à Londres
et, dès novembre, pour bien fixer les
bases de ce mouvement, dont l’objectif est
d’obtenir une amnistie pour tous les prisonniers d’opinion politique et religieuse,
il « adopte » trois captifs : l’un à l’Est, le
philosophe roumain Constantin Noica ;
le deuxième à l’Ouest, le poète et journaliste Cristobal Vega Alvarez ; le troisième
downloadModeText.vue.download 252 sur 502
POLITIQUE
251
représente le tiers monde, c’est le médecin et poète Agostinho Neto, le futur président de l’Angola.
Quatre objectifs
Amnesty International s’est fixé quatre
grands objectifs :
1. La libération immédiate et sans
condition de tous les prisonniers d’opinion. Depuis 1961, plus de 30 000 prisonniers ont été pris en charge ; en 1985,
4 562 prisonniers ont été adoptés ou ont
fait l’objet d’une enquête.
Un exemple : en novembre 1986, Amnesty International lance un appel pour
Recep Marashi, âgé de 30 ans. Cet éditeur
turc publie essentiellement des livres sur
l’histoire et la culture kurdes.
Or, cette ethnie de 6 à 8 millions de
personnes n’est pas officiellement reconnue par les autorités. À l’issue de plusieurs procès, Marashi totalise une peine
de 36 ans de prison.
2. L’obtention pour les prisonniers
politiques d’un procès équitable devant
un tribunal compétent, indépendant et
impartial.
Deux exemples : Vu Ngoc Truy, ancien
avocat vietnamien de 71 ans, est détenu à
Chi Hoa depuis juin 1978 sans inculpation ni procès et sans fixation d’un terme.
Au Salvador, deux frères sont en instance
de jugement sous l’inculpation de participation à l’enlèvement du chef de l’aviation
civile. Les seuls éléments de preuves retenus contre eux seraient leurs aveux, qui
leur auraient été arrachés sous la torture
et qu’ils auraient été obligés de répéter
publiquement à la télévision.
3. L’abolition totale de la torture. La
torture est proscrite par le droit international et, pourtant, selon les estimations
d’Amnesty, près du tiers des gouvernements du monde ont infligé des traitements cruels depuis le début de la présente décennie. Les informations sont
difficiles à obtenir, les autorités faisant
souvent disparaître les preuves. Cependant, Amnesty s’est occupée depuis 1980
de plus de 3 000 prisonniers.
4. L’abolition totale de la peine de
mort. La peine de mort tend à reculer :
à la fin de 1985, elle était abolie dans
28 pays et maintenue dans 17 autres pour
des crimes exceptionnels ; néanmoins,
Amnesty a recensé 1 125 exécutions en
1985 dans 44 pays, et 1 489 condamnations capitales dans 61 pays. Encore estime-t-elle ces chiffres comme étant audessous de la réalité.
500 000 membres dans le monde
Aujourd’hui, Amnesty International est
un mouvement structuré, qui compte
plus de 500 000 membres à travers plus
de 150 pays et territoires.
Le Secrétariat international de Londres
est composé de 200 permanents, salariés,
représentant une trentaine de nationalités. Il est divisé en deux départements :
le département des programmes et le
département de la recherche. Le premier
est chargé d’animer et de coordonner
l’activité des sections, soit 3 400 groupes.
De nombreuses publications diffusent les
informations sur la situation des droits
de l’homme, notamment le mensuel
Chronique d’informations internationales.
Dans ce journal, les membres d’Amnesty
prennent connaissance chaque mois de
trois cas de prisonniers d’opinion.
Le département de la recherche compte
downloadModeText.vue.download 253 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
252
une centaine de personnes, journalistes
ou universitaires. Aucun chercheur ne
s’occupe de son pays d’origine. Chaque région géopolitique – les deux Amériques,
les Caraïbes, l’Europe, le monde arabe, le
Moyen-Orient, l’Afrique (de l’Afrique du
Sud au Sahara), l’Asie – est confiée à une
équipe de trois ou quatre chercheurs et
cinq ou six assistants. Grâce à un réseau
de télécommunications et des services
juridique et médical, ils contrôlent la rédaction des dossiers individuels des prisonniers pour les adoptions. Ils sont responsables des études, des rapports et des
communiqués de presse sur la situation
politique et la répression dans ces pays.
Ils proposent un programme d’action
(missions, campagnes, interventions,
actions urgentes, publications).
Amérique du Nord
États-Unis
Les prévisions pessimistes l’ont emporté : la croissance américaine restera
inférieure à 3 p. 100. La baisse du prix des
matières premières et du dollar n’a pas
donné tous les résultats espérés. La maîtrise de l’inflation et du chômage sont des
atouts, mais on a pu observer certains effets
inquiétants : la baisse du prix du pétrole
a déprimé l’économie des États producteurs et déstabilisé le système bancaire déjà
touché par la crise du secteur agricole. La
chute du dollar n’a pas permis de réduire le
déficit commercial, qui atteint cette année
130 milliards de dollars. La restructuration
industrielle en cours, par la spécialisation
dans les secteurs de pointe d’industrie à
haute technologie et dans les services, ne
peut pas encore avoir d’effet visible. Dans
cette situation, les tentations protectionnistes sont fortes. C’est pour les contrer que
les États-Unis veulent forcer leurs principaux partenaires et concurrents à ouvrir le
plus possible leurs frontières et qu’ils ont
donc relancé les négociations commerciales
multilatérales. L’administration américaine a ainsi tenté d’imposer, dans le cadre
du GATT, une libéralisation des échanges
dans le secteur prometteur des services. Ce
libéralisme est pourtant ambigu puisque les
É.-U. n’ont pas hésité à menacer la CEE de
mesures de rétorsion si les céréaliers américains n’avaient pas accès aux marchés espagnol et portugais. Cette guerre commerciale
est évitée par un accord provisoire.
Le déficit budgétaire reste préoccupant. La
loi Gramm-Rudman qui vise à le réduire
jusqu’à l’équilibre en 1991 n’est pas encore
appliquée. La longue négociation entre
le Congrès et la présidence sur les choix
budgétaires se poursuit. On estime le déficit à 220 milliards, alors que l’objectif de
la loi est de le ramener à 144 milliards en
1987. La réduction prévue, de 50 milliards,
ne permettra pas d’atteindre ce but. C’est
notamment le contrôle des dépenses militaires qui oppose les deux pouvoirs, l’exécutif étant contre leur réduction. Malgré cette
résistance, les crédits pour la « guerre des
étoiles » ont été limités.
Le Congrès a adopté la réforme fiscale,
une des mesures de relance envisagées par
le président Reagan. Sans incidence sur le
montant global des recettes, la réforme est
fondée sur une nouvelle répartition de la
fiscalité : la diminution des impôts sur le revenu est compensée par une augmentation
de la charge pesant sur les entreprises. Elle
exonère 6 millions d’Américains et réduit les
taux et tranches d’imposition : pour l’impôt
sur le revenu, deux tranches de 15 p. 100
et de 28 p. 100 au lieu des 14 tranches de
11 p. 100 à 50 p. 100, le taux maximal de
l’impôt sur les bénéfices étant ramené de
46 à 34 p. 100. En supprimant un ensemble
downloadModeText.vue.download 254 sur 502
POLITIQUE
253
d’avantages et de déductions, cette réforme
pourrait avoir des effets contraires sur l’économie américaine. Les déceptions économiques expliquent peut-être l’échec relatif
des républicains aux élections législatives
du 4 novembre. Les démocrates dominent
désormais les deux chambres du Congrès.
Les deux dernières années de mandat présidentiel s’annoncent difficiles pour Ronald
Reagan.
Canada
Le gouvernement conservateur de Brian
Mulroney a dû affronter cette année des
difficultés politiques internes (avec la démission du ministre de l’Industrie) et résoudre de sérieux problèmes économiques.
Les négociations bilatérales avec les ÉtatsUnis en vue de créer une zone de libre
échange nord-américaine ont finalement
été ouvertes en avril. Leur succès suppose
pourtant que soient vaincues les pressions
protectionnistes catégorielles et régionales.
Le Québec et l’Ontario s’opposent en effet
à l’institution d’un tel marché commun.
M. Mulroney a par ailleurs atteint, au moins
partiellement, un de ses objectifs lors du
sommet de Tokyo : associer le Canada aux
travaux du groupe des cinq ministres des
Finances.
SIMON PARLIER
Pour garantir son indépendance, politique notamment, Amnesty International s’est fixé comme principe d’assurer
elle-même son financement. Elle refuse
toute subvention gouvernementale et assure son autonomie par les cotisations de
ses membres, par des dons soumis à des
règles strictes, par la vente de ses publications et par des campagnes locales de
fonds.
À la fin de sa première année d’existence, les comptes d’Amnesty International présentaient un état de dépenses
d’environ 72 000 F. En 1986, le budget
international s’élève à 72 000 000 F. Cette
augmentation est proportionnelle à la
croissance de l’action entreprise.
25 000 membres en France
Amnesty compte aujourd’hui 44 sections nationales. La section française
a été créée en 1971 ; issue de mai 1968,
dans un contexte d’effervescence intellectuelle, elle a été fondée par MarieJosé Protais. Aujourd’hui, elle compte
25 000 membres, soit 433 groupes.
Le Secrétariat international confie les
dossiers de deux ou trois prisonniers directement aux groupes, qui se réunissent
une fois par mois. À partir des directives
qu’il a reçues de Londres et en liaison avec
la section nationale, le groupe organise sa
propre action. En général, les dossiers des
prisonniers adoptés sont plus particulièrement pris en charge par trois ou quatre
personnes. L’action de ce sous-groupe,
qui assure toute la correspondance avec
le prisonnier, sa famille, le directeur de la
prison, les autorités locales, est le centre
de gravité de tout ce qui va être entrepris
par les autres membres, qui mènent une
action de sensibilisation dans l’opinion
publique (conférences sur les droits de
l’homme, spectacles, ventes d’objets,
stands sur les marchés, informations
auprès des écoles). Ces membres, bénévoles, soulignent volontiers l’enrichissement personnel qu’Amnesty International leur apporte : « C’est une ouverture au
monde et aux autres, c’est l’universalité de
l’action humanitaire entreprise par Amnesty, qui agit partout, dans tous les pays,
sans esprit politique et confessionnel. »
downloadModeText.vue.download 255 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
254
Discuter directement
avec les autorités
Les membres d’Amnesty participent activement aux campagnes pour les trois
prisonniers du mois. Ces trois cas sont
déjà pris en charge par un groupe, mais,
leur situation étant jugée particulièrement inquiétante, une vaste campagne de
lettres est organisée. Chaque membre va
écrire aux autorités compétentes du pays
concerné (gouvernements, ambassades)
et demander la libération immédiate du
prisonnier d’opinion. L’effet recherché est
simple : accumuler des lettres provenant
du monde entier. Il n’est pas rare que les
chercheurs de Londres, au cours de leur
mission à l’étranger, découvrent dans les
ambassades des paquets de lettres d’Amnesty International. À l’époque où il présidait Amnesty, le Chilien José Zalaquett
racontait que, au cours d’une mission en
Afrique, les autorités lui montrèrent un
paquet de 4 000 lettres adressées seulement par la section française. Ces lettres
permettent parfois d’amorcer une discussion directe avec les autorités. En Ouganda, par exemple, lors d’une mission,
le gouvernement a déclaré qu’il était prêt
à adopter certaines mesures suggérées,
telles la ratification d’instruments internationaux de protection des droits de
l’homme. Il a été convenu que le dialogue
entre Amnesty International et le gouvernement ougandais se poursuivrait.
Un prisonnier pris en charge par
Amnesty ne retombe jamais dans l’oubli jusqu’à sa libération. S’il est difficile
d’apprécier avec exactitude l’effet produit
par les lettres, bien des témoignages permettent de prendre conscience de leur in-
térêt. « Je n’imaginais pas que vous aviez
tant d’amis dans le monde », déclarait un
militaire sud-américain à un prisonnier.
Enfin libérés, des hommes et des femmes
ont pu décrire ce qu’ils avaient vécu
et parlé des messages qui leur étaient
parvenus :
Mohamed Naji Chaari de Tunis, le
1er janvier 1986 : « Ces cartes que je recevais régulièrement dans ma cellule, il y a
bientôt huit ans, et plus particulièrement
les tiennes, ont fait renaître en moi l’espoir de la liberté que j’avais failli perdre. »
José Luis Massera, ancien professeur
de mathématiques et député au Parlement uruguayen, libéré en mars 1984,
après huit ans et demi d’emprisonnement
pour ses opinions politiques, écrit : « J’ai
reçu une lettre directement de Sète. Ce
fut un événement dans la prison, non
seulement pour moi et mes familiers,
mais pour tous les prisonniers, malgré les
cloisonnements qui empêchaient la communication entre les différentes parties
de ces bâtiments énormes. La nouvelle
d’une lettre arrivée de France, d’un tout
petit village que personne ne connaissait ! Cela nous a donné l’idée qu’il y avait
dans le monde un mouvement très large,
auquel participaient des gens qui étaient
près de nous. Cela a été la chose la plus
importante pour pouvoir résister aux
atrocités de la torture et de la prison en
général. »
Un autre prisonnier d’Amérique latine : « Je suis resté pieds et mains liés
pendant huit mois. Le soir de Noël, la
porte de ma cellule s’ouvrit et le garde
lança à l’intérieur un morceau de papier
chiffonné. Je me traînai comme je pus
pour le ramasser. Il disait simplement :
« Constantin, ne te décourage pas ; nous
savons que tu es vivant. » Il était signé
downloadModeText.vue.download 256 sur 502
POLITIQUE
255
« Monica » et portait l’emblème d’Amnesty International. Ces mots sauvèrent ma
vie et me rendirent mon courage. Huit
mois plus tard, j’étais libéré. »
« En général un prisonnier d’opinion
ne prend connaissance qu’indirectement
de l’intérêt d’Amnesty à son égard, lors
de railleries de ses geôliers ou dans les
lettres des membres de sa famille qui sont
strictement censurées, mais cela suffit à
lui procurer un sentiment merveilleux :
après tout, il n’est pas complètement
oublié, quelqu’un pense à lui. L’intérêt
de l’opinion publique mondiale sur le
sort des prisonniers tchèques nous est
essentiel », disait Karel Kynel, journaliste
tchèque accusé de subversion.
Campagnes 1986
En plus du rapport annuel, Amnesty
publie des rapports de missions et des
études sur la situation et sur les actions
entreprises ou à entreprendre. Voici
quelques exemples de ces documents
pour l’année 1986.
Chili : les commandos clandestins.
Le « rapport de mission », publié au
mois d’août 1986 affirme que « la menace
d’arrestation, d’enlèvement, de torture et
même de mort, est une réalité continuellement présente dans la vie d’un millier
de Chiliens, qu’il s’agisse de chrétiens travaillant avec l’Église, de défenseurs des
droits de l’homme, d’habitants des quartiers pauvres ou de membres d’organisations d’opposition ». Ce texte, qui traite
des arrestations politiques, des rafles, des
descentes de police et aussi des tortures,
auxquelles participent des médecins,
fait en particulier état des « agressions
et manoeuvres d’intimidation commises
par des commandos clandestins, qualifiés familièrement d’inconnus » et qui se
sont multipliés depuis 1983 en réaction
au mécontentement populaire.
Pour Amnesty, leurs actions tendent
à « dissuader les Chiliens de participer à
des actions jugées contraires à l’intérêt du
gouvernement, et ces groupes sont composés d’agents des services de sécurité
agissant en secret avec des collaborateurs
civils ».
Afghanistan : la torture. Le document sur l’Afghanistan, publié en novembre 1986, rapporte de nombreux
témoignages de torture recueillis auprès
d’anciens détenus. Tout en soulignant
qu’il y a d’autres motifs de préoccupation
(exécution sommaire d’opposants armés,
mais aussi de non-combattants ; déten-
tion de prisonniers politiques, dont des
prisonniers d’opinion ; condamnations à
mort), Amnesty dénonce les divers types
de tortures pratiqués par le Khad (service
de renseignement de l’État) : passages à
tabac ; privation de sommeil ; usage de
l’électricité. Plusieurs prisonniers ont
donné des noms de détenus qui seraient
morts des suites de tortures. Et le rapport
poursuit : « La plupart du temps, les prisonniers précisent que le personnel soviétique est présent pendant les séances
de torture et participe aux interrogatoires
ou les conduit. Par contre, les Afghans
sont chargés d’appliquer la torture. » Mais
Amnesty ne cache pas que l’opposition a
recours elle aussi à la torture et aux exécutions sommaires.
Afrique du Sud : les peines capitales.
Le document sur l’Afrique du Sud analyse
les effets de l’état d’urgence décrété en
juillet 1985. À la fin du mois d’octobre de
la même année, 400 personnes auraient
downloadModeText.vue.download 257 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
256
été détenues depuis le début de l’état
d’urgence. Plus de 800 écoliers auraient
été arrêtés à Soweto les 22 et 23 août
1985. Parlant également des prisonniers
morts en détention et des enlèvements
et assassinats d’opposants, Amnesty rappelle que « tous les ans, une centaine de
personnes sont pendues en Afrique du
Sud » et dresse le tableau des exécutions
capitales au cours des dernières années.
En 1984 : 115, dont 88 Noirs, 24 métis,
2 Blancs et 1 Asiatique.
Critiques et polémiques
L’action d’Amnesty International suscite
des réactions parfois vives des autorités gouvernementales et de la presse. Le
mouvement fait lui-même volontiers état
de ces critiques ; leur diversité et leur
contradiction apparaissant, globalement,
comme un gage de son indépendance.
Voici quelques échantillons d’accusations de provenances très diverses.
Pour avoir affirmé que 1 600 personnes, au moins, avaient été exécutées
en Iran pendant les 28 mois qui ont suivi
le changement de pouvoir, Amnesty International se voyait accusée de suivre
« les ordres impérialistes et sionistes ».
Au même moment, le ministre iraqien
chargé des Affaires religieuses affirmait
à un journaliste canadien qu’Amnesty
International avait des « tendances prosionistes », tandis qu’au ministère de la
Justice israélien on jugeait « offensantes »
les requêtes d’Amnesty.
En septembre 1980, l’ambassade du
Zaïre à Londres, répondant à une lettre
ouverte d’Amnesty International sur les
tortures et exécutions, reprochait à ce
mouvement de « s’ériger en agence de
propagande idéologique aux fins de dénigrer et de déstabiliser systématiquement
le Zaïre ».
Enfin, voici un extrait de Memphis
Press Scimitar (Tennessee) de février
1982 : « Si Amnesty International a perdu
de vue sa vraie mission, il vaudrait mieux
qu’elle garde entièrement le silence plutôt
que d’alimenter en textes de propagande
la Pravda et ses congénères ».
Et un autre extrait, de Radio-Moscou,
capté par la B.B.C. et reproduit dans le
Summary of World Broadcasts, en août
1980 : « Dans l’attaque de propagande
massive contre l’U.R.S.S., c’est à Amnesty International qu’est dévolu le rôle de
coordonnateur. Les fils qui partent de
cette organisation basée à Londres aboutissent aux services secrets américains,
britanniques et israéliens, aux centres
antisoviétiques de la République fédérale
d’Allemagne et aux syndicats réactionnaires des États-Unis. »
À ces critiques de caractère politique
qui sont depuis longtemps adressées à
Amnesty International et qui tendent
à s’annuler par leur diversité et leurs
contradictions, se sont ajoutées, au cours
de l’année 1986, des critiques venues de
l’intérieur et qui ont pris finalement l’aspect de « dissidences ». Un courant appelé
Lumière s’est organisé à l’intérieur d’Amnesty avant d’entraîner effectivement
des départs. Dénonçant, notamment la
« faillite de programme d’éducation aux
droits de l’homme d’Amnesty International » face au climat de racisme en France
et aux bavures policières, les mécontents
proclamaient la nécessité de rejoindre
des « organismes engagés politique-
ment ». Une autre critique a été exprimée
par d’anciens responsables, Jean-François
downloadModeText.vue.download 258 sur 502
POLITIQUE
257
Lambert, qui fut président de la section
française d’Amnesty de 1979 à 1982, date
à laquelle il démissionna tout en restant
au sein de l’organisation, et Teddy Follenfant, ancien membre du bureau exécutif,
qui a été exclu en 1986.
Amérique latine
La démocratisation se poursuit : des présidents civils sont réélus au Guatemala,
au Costa Rica, en Colombie et au Brésil ; en
Haïti, J.-Cl. Duvalier est contraint d’abandonner le pouvoir (7 février). Cependant,
les démocraties doivent affronter la guérilla ; si la Colombie a consolidé son régime
en légalisant une partie de l’opposition
communiste, le massacre par l’armée de
200 guérilleros du « Sentier lumineux » a
affaibli le gouvernement péruvien. Les dictatures chilienne et paraguayenne résistent
encore. Les conflits en Amérique centrale
continuent d’inquiéter les États latino-américains, rassemblés dans les groupes de la
Contadora (Colombie, Mexique, Panama
et Venezuela) et de Lima (Argentine, Brésil, Pérou et Uruguay) ; un appel à la pacification est lancé en janvier. Les cinq pays
d’Amérique centrale leur répondent en mai
par la déclaration d’Esquipulas (Guatemala), mais l’échec de la réunion prévue en
juin révèle la division entre les deux camps
sur la question du désarmement. Malgré la
condamnation de leur intervention au Nicaragua par la Cour internationale de justice, les États-Unis ont renouvelé leur aide
aux forces anti-sandinistes.
La dette extérieure du Mexique et du Venezuela est aggravée par la baisse du prix du
pétrole. Si le Venezuela réussit sa politique
d’assainissement économique, le Mexique
et les banques américaines ne parviennent
que tardivement à un accord de sauvetage
financier. S’inspirant du plan Austral mis
en oeuvre par l’Argentine en juin 1985, le
Brésil adopte cette année une politique de
rigueur financière s’écartant en partie des
orientations souhaitées par les organismes
prêteurs. Cette orientation contribue au
succès électoral du président Sarney. Le
second plan cruzado, nom de la nouvelle
monnaie, reçoit un accueil défavorable.
SIMON PARLIER
Les déçus d’Amnesty reprennent une
critique souvent faite de l’extérieur : le
souci d’équilibre poussé jusqu’à la symétrie. Follenfant explique : « Avoir l’air de
mettre sur le même plan le sort des objecteurs de conscience suisses et le génocide
au Cambodge ou l’existence du Goulag,
en renvoyant dos à dos les démocraties
occidentales – où des abus peuvent effectivement se produire – et des régimes
auxquels l’horreur et la répression féroce
sont consubstantielles, n’est ni sérieux
ni utile aux droits de l’homme, bien au
contraire. »
Mais c’est l’affaire des deux prisonniers iraqiens expulsés de France en février 1986 (finalement libérés et revenus
à Paris en septembre 1986) qui a mis le
feu aux poudres : Amnesty International a été accusée d’avoir indirectement
provoqué l’assassinat de l’un des otages
du Liban, Michel Seurat, par ses ravisseurs, en annonçant par erreur l’exécution de l’un des deux Iraqiens. Dans une
interview au Quotidien de Paris (14 mars
1986), Teddy Follenfant exprimait cette
thèse, reprochant à Amnesty sa « légèreté
meurtrière » : « Connaissant la situation
au Liban, les responsables d’Amnesty
auraient dû savoir qu’une telle information allait provoquer une réaction immédiate... Elle aurait donc dû la garder sous
downloadModeText.vue.download 259 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
258
le coude, comme cela se fait souvent. Au
lieu de cela, elle l’a lâchée. Cela a enclenché un processus qui a abouti à la mort
de Seurat. »
Dans une « action urgente » datant du
27 février, Amnesty International exprimait effectivement auprès du gouvernement iraqien et auprès du gouvernement
français son inquiétude sur le sort des
deux exclus, Hamza Fawzi al-Rubai et
Muhammad Hassan Khair al-Din. Dans
ce texte, Amnesty recommandait l’envoi
de télégrammes aux autorités iraqiennes.
L’un des paragraphes était ainsi rédigé :
« Demandant confirmation des informations selon lesquelles l’un des deux
hommes aurait été exécuté et l’autre risquerait l’exécution à tout moment, insistez pour que, dans ce dernier cas, la
condamnation à mort soit commuée ».
Dans une partie de la presse, les informations, dont Amnesty International
demandait confirmation, ont été données
sans utilisation du conditionnel.
Face aux critiques, Amnesty faisait
notamment observer : « L’annonce non
confirmée de l’exécution d’un prisonnier
iraqien a été faite dans les médias avant
qu’Amnesty International fasse mention d’un tel événement. L’organisation
n’a jamais dit qu’un prisonnier avait été
exécuté, mais a signalé qu’elle cherchait
à vérifier une nouvelle non confirmée...
L’assassinat présumé de Michel Seurat a
été annoncé cinq jours après la déclaration catégorique du gouvernement iraqien selon laquelle aucun des prisonniers
iraqiens n’avait été tué... Nous n’avons fait
que notre strict devoir en faisant état des
renseignements alarmants que nous avions reçus et qui, fort heureusement, se
sont révélés faux... »
Quant au reproche, déjà fort ancien,
adressé à l’équilibre politique qu’Amnesty
pousse jusqu’à la symétrie, l’organisation reste ferme sur ses principes. « Ce
sont eux, affirme Chantai de Casablanca, chargée des relations avec la presse
pour la section française, qui assoient
la réputation d’intégrité de notre organisation, ses succès également. Ce sont
eux qui font que nous pouvons nous en
prendre à tous les pays, pro-américains
ou pro-soviétiques. »
Le rôle de
l’opinion publique
Depuis l’article de Peter Benenson, il
y a vingt-cinq ans, l’activité d’Amnesty
International, qui lui valut, en 1977, le
prix Nobel de la Paix, est liée à toutes
les grandes batailles pour la défense des
droits de l’homme : Amnesty a soutenu
la fondation du Comité des droits de
l’homme pour Sakharov (1970) et les
accords d’Helsinki (1975). L’une des premières démarches fut faite par Sean Mac
Bride, à Prague, en faveur de Mgr Beran,
et le premier « prisonnier de l’année »
fut désigné : le disciple pakistanais de
Gandhi, Abdul Ghaffar Khan. Puis ce
furent les interventions contre la torture
dans la Guinée de Sekou Touré, contre la
répression britannique après les événements d’Aden (1966), la Grèce des colonels (1967), à nouveau contre la Tchécoslovaquie (1968), contre les internements
préventifs en Irlande du Nord (1971), le
coup d’État au Chili, les « cages à tigres »
au Sud-Viêt-nam et les « escadrons de la
mort » au Brésil (1973), les agissements
de Bokassa et d’Amin Dada, la police
secrète Khad dans l’Afghanistan nouveldownloadModeText.vue.download 260 sur 502
POLITIQUE
259
lement occupé (1979), les disparitions en
Amérique du Sud, la mort par injection
avec appel aux médecins, l’état d’urgence
en Pologne (1981). Mais il faudrait citer
aussi, pêle-mêle, la Turquie, les Tamouls
du Sri Lanka, les Khmers rouges, les vagues d’exécution en Chine, Timor...
Il est vrai que pendant ce temps-là
des pays de dictature se sont ouverts à la
démocratie (Argentine, Uruguay...). Plus
de 80 nations ont aujourd’hui ratifié le
Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, qui a pris effet le 23 mars
1976. Fondé sur « la reconnaissance de
la dignité inhérente à tous les membres
de la famille humaine », ce texte affirme
les libertés de conscience, d’expression,
d’association.
Plus de 40 gouvernements ont également signé la Convention des Nations
unies contre la torture, adoptée le 9 décembre 1975.
Amnesty International et tous les
mouvements qui militent pour les droits
de l’homme peuvent s’appuyer sur de tels
textes, mais la réalité est loin de ces engagements. Face à l’immensité de la tâche,
face aussi aux critiques qui lui sont adressées de l’extérieur et de l’intérieur, Amnesty, et notamment la section française,
s’interroge à la fois sur ses méthodes, ses
structures et sur les modes d’action à
entreprendre. Née dans la vieille Europe,
comment cette organisation peut-elle
atteindre une dimension plus universelle
et s’ouvrir davantage aux pays du tiers
monde, à l’Afrique, à l’Asie ? Court-elle le
risque de rester plus occidentale ? Comment, par ailleurs, pourra-t-elle garder et
renforcer toute sa crédibilité en pénétrant
davantage dans les pays les plus fermés,
notamment les pays de l’Est ?
En dépit des difficultés, des polémiques, voire des crises, l’intuition profonde de Peter Benenson garde toute sa
force : la pression de l’opinion publique
est essentielle dans la longue bataille pour
les droits de l’homme.
NOËL COPIN
Journaliste, Noël Copin, est directeur de la rédaction de la
Croix-l’Événement, il débuta en 1955. Il a été chef du Service
politique et rédacteur en chef d’Antenne 2 (1977-1982).
downloadModeText.vue.download 261 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
260
Dégel
à Stockholm
CONFÉRENCE SUR LE DÉSARMEMENT EN EUROPE
Élément majeur du processus multilatéral de sécurité en Europe
engagé à la suite de l’acte final
d’Helsinki (août 1975), la Conférence sur
le désarmement en Europe s’est ouverte à
Stockholm en janvier 1984. But de l’opération : diminuer les risques de tension
et de confrontation militaire sur la totalité du Vieux Continent, de l’Atlantique à
l’Oural. Alors même que les négociations
de Vienne sur la réduction des armements classiques piétinent depuis 13 ans,
le programme de la Communauté de
défense européenne pouvait sembler audessus des moyens de 35 nations réunies
dans la capitale suédoise. Et pourtant, la
quatrième session s’est achevée, le 22 septembre 1986, par un accord.
CONFIANCE, SÉCURITÉ ET
DÉSARMEMENT
Fidèle à la logique qui préside habituellement à ce genre de rencontre,
l’URSS réitérait ses propositions sur le
non-recours à la force, sur le non-emploi
en premier de l’arme nucléaire, et sur la
création de zones dénucléarisées. Autant
d’accords globaux et de principe que l’Alliance atlantique ne manquait pas d’épingler comme tels, allant même jusqu’à les
assimiler à des déclarations d’intention
dont la charte des Nations Unies n’est
pas avare. Pour Moscou, les prétendues
initiatives américaines n’avaient qu’un
seul but, essayer de révéler les structures
défensives du pacte de Varsovie. L’antagonisme des deux blocs restait intact et il
fallait attendre décembre 1984, pour qu’à
l’initiative des Neutres, et en particulier
à celle de la Finlande, un accord sur les
procédures de travail soit entériné. Les
pourparlers se sont accélérés en 1986. Nul
doute que R. Reagan et M. Gorbatchev
n’aient eu intérêt à un bon accord. Si en
URSS le crédit politique du numéro un
soviétique n’est pas illimité, le président
américain, quant à lui, approche de la fin
de son mandat. Son intransigeance sur les
questions de contrôle des armements est
controversée, et par l’opinion publique, et
au sein du Congrès. Enfin que ni le bombardement aérien sur Tripoli ni l’affaire
Daniloff n’aient pesé sur les négociations
ne peut se réduire aux seules vertus du
processus multilatéral.
L’ESPRIT D’HELSINKI ?
Les freins mis à l’activisme diplomatique soviétique tous azimuts et à l’intransigeance américaine ont permis d’adopter
un ensemble de mesures contraignantes
de confiance et de sécurité. Les 35 États
downloadModeText.vue.download 262 sur 502
POINT DE L’ACTUALITÉ
261
signataires s’engagent à « s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force
dans leurs relations avec tout État... » Sont
également inclus dans le document final
de la Conférence de Stockholm : la notification préalable de certaines activités
militaires (notamment les manoeuvres),
leur observation à partir d’un seuil de
17 000 soldats, ainsi que les calendriers
annuels de ces activités. La question de
la conformité et de la vérification de ces
dispositions contraignantes a fait l’objet
de réelles avancées de la part de Moscou.
Outre les moyens techniques de contrôle,
euphémisme désignant l’usage de satellites, il est également notifié que « chaque
État participant a le droit d’effectuer des
inspections sur le territoire de tout autre
participant ». L’inspection pouvant être
terrestre ou aérienne, le choix des avions
ou des véhicules sera fait « d’un commun
accord ».
Ouverte dans un climat politique peu
clément – pour mémoire, rupture des
négociations de Genève, déploiement des
missiles américains en Europe et épisode
du Boeing sud-coréen abattu par la chasse
soviétique –, la Conférence de Stockholm
apparaît à bien des égards comme un
succès. Il n’en demeure pas moins que la
négociation a revêtu dans les dernières
semaines un caractère accentué de bloc
à bloc que nombre de pays participants
ont jugé contraire à l’esprit d’Helsinki.
On pouvait se consoler en espérant que la
rencontre de Reykjavik entre R. Reagan
et M. Gorbatchev bénéficierait de cette
embellie ; de toute évidence, le ciel s’est
couvert en Islande.
PHILIPPE FAVERJON
downloadModeText.vue.download 263 sur 502
262
Société
1986L es chiffres nous font parfois des clins d’oeil. Un
siècle auparavant, le 28 octobre 1886, les
Français offraient aux États-Unis la statue de la Liberté éclairant le monde. Cent
ans après, les descendants de Bartholdi
et d’Eiffel, principaux artisans de cette
oeuvre symbolique, sont toujours aussi
attachés à la liberté. Ils s’effraient de la
voir bafouée dans la plupart des pays du
monde et ils grondent chaque fois qu’elle
leur paraît menacée dans le berceau des
droits de l’homme et du citoyen.
Liberté chérie
Dans le tiercé gagnant de la République
(Liberté-Égalité-Fraternité), l’ordre d’arrivée varie selon l’époque. Les années 40 et
50 avaient été placées sous le signe de la
Fraternité : au front, dans la Résistance,
puis dans les entreprises et les institutions
chargées de reconstruire le pays après
les années de guerre. Les années 60 et 70
avaient été celles de l’Égalité. La croissance
économique avait provoqué un enrichissement général, dont la plupart des catégories sociales avaient largement bénéficié.
Le maître mot des années 80 est indéniablement celui de Liberté. Le seul capable en tout cas de mobiliser des individus qui ne descendent plus facilement
dans la rue, préférant la douceur du foyer
à l’inconfort de la contestation. On se
souvient des manifestations de soutien
à l’école « libre », qui rassemblèrent le
24 juin 1984 un million et demi de parents
(dont les enfants étaient pour beaucoup
inscrits à l’école laïque). On se souvient des
pressions sociales qui ont permis la reconnaissance et la multiplication des radios
« libres », puis la « libération » progressive
de la télévision du monopole étatique. Le
mot libéralisme lui-même a bénéficié d’un
a-priori favorable dans l’opinion (avant
même qu’elle n’en découvre le contenu)
parce qu’il évoquait le mot liberté. C’est au
nom de cette liberté que se développent
les formes actuelles de l’individualisme,
caractéristique de cette fin de siècle. Ainsi,
les mentalités ont bien changé depuis Tocqueville qui prétendait que « les Français
veulent l’égalité dans la liberté et, s’ils ne
peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans
l’esclavage »...
1968-1986 : L’Histoire
ne se répète pas
C’est aussi pour la liberté, celle de l’accès
aux diplômes et surtout à l’emploi, que
les lycéens et les étudiants ont défilé en
downloadModeText.vue.download 264 sur 502
SOCIÉTÉ
263
décembre 1986. Là encore, les chiffres
nous font un clin d’oeil malin. 86, c’est
68 à l’envers ; il n’en fallait pas plus pour
que le spectre de l’historique mois de mai
se profile dans les esprits, et aussi dans
les médias ! Mais si les chiffres étaient
inversés, les situations l’étaient aussi. Les
jeunes de mai 68 étaient en révolte contre
la société industrielle. Ceux de 86 revendiquaient au contraire le droit de s’y intégrer. Une nuance de taille, qui mesure
aussi l’évolution depuis vingt ans.
Âgés aujourd’hui de 15 à 20 ans, ces
lycéens et étudiants sont nés entre 1965 et
1970. Ils n’ont donc connu que la « crise »,
ou plutôt les crises qui se sont succédé
depuis leur naissance : crise culturelle,
dont les premiers symptômes remontent
à 1965 ; crise économique, conséquence
du choc pétrolier de 1973 ; crise démographique, apparente sur les courbes de
natalité dès 1974. Crise politique, aussi,
avec les bouleversements de 1981 (arrivée
de la gauche au pouvoir), de 1983 (renversement de la politique économique)
et de 1986 (retour de la droite et mise en
place difficile d’une politique libérale).
Dans le même temps, l’évolution technologique provoquait un grand chambardement des métiers et rendait nécessaire
la restructuration industrielle. Enfin, les
nuages s’accumulaient sur l’Europe, qui
ne parvenait pas à stabiliser sa population, à résoudre le problème de ses immigrés, à améliorer sa compétitivité par rapport au Japon, aux États-Unis ou à l’Asie
du Sud-Est, à trouver le vaccin contre le
terrorisme...
Au total, les jeunes auront donc connu
beaucoup de chocs et de crises pendant
leurs années d’enfance. C’est ce qui explique que les manifestants de décembre
1986 n’étaient pas à la recherche de l’utopie perdue mais, plus prosaïquement, d’un
emploi, du droit d’entrer dans le monde
des adultes autrement que par la porte du
chômage. Dans ce contexte, la loi Devaquet ne constitua qu’un prétexte, la goutte
d’eau qui fait déborder le vase et produit
donc littéralement le « ras le bol ».
Cette courte révolte des lycéens et
des étudiants ne saurait être considérée
comme un épiphénomène. Elle traduit
une inquiétude réelle et grandissante (les
sondages de l’année 86 le montraient nettement) devant ce qui leur apparaît comme
un paradoxe inadmissible : une société
moderne, démocratique, à la technologie
avancée, qui érige la consommation en
dogme et prône la réussite, ne peut plus
reconnaître à ses plus jeunes membres le
droit au travail, c’est-à-dire à l’intégration
sociale. C’est la dignité de l’individu qui est
bafouée si on ne lui permet plus de trouver
sa place dans la collectivité.
L’insécurité sociale
Si les adultes se sont, dès le début, sentis
solidaires des manifestations étudiantes,
c’est parce qu’ils ressentaient eux aussi
durement l’insécurité de l’époque, et qu’ils
étaient inquiets pour l’avenir de leurs
enfants. Il faut dire que l’année 1986, en
particulier au cours des quatre derniers
mois, aura été fertile en événements dramatiques. Les attentats terroristes de septembre avaient déclenché des réflexes de
repli chez les Parisiens qui avaient déserté
les restaurants, les salles de spectacle et les
grands magasins. L’assassinat de Georges
Besse, la tentative manquée contre Alain
Peyrefitte, l’intimidation des jurés au cours
du procès de Régis Schleicher avaient
downloadModeText.vue.download 265 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
264
entretenu cette atmosphère de crainte et
cette impression de vulnérabilité nationale. Les soubresauts de la cohabitation
avaient aussi beaucoup agacé des citoyens
qui avaient rêvé « d’autre chose », d’une
sorte d’union nationale, d’un compromis
historique entre les valeurs de la gauche
et l’efficacité économique de la droite. Au
lieu de cela, les protagonistes de la cohabitation leur donnaient le spectacle de joutes
d’un autre temps.
En cette fin d’année 1986, le « sociobaromètre » restait à la tempête. Après les
étudiants, les cheminots se mettaient en
grève, paralysant progressivement la vie
des entreprises comme celle des individus. Le conflit, qui se prolongeait jusqu’à
mi-janvier 1987, ne devait profiter à personne ; l’économie et le climat social en
sortaient également affectés.
L’incertitude quant aux valeurs sur
lesquelles reposera la France de demain
explique en partie le sentiment d’insécurité des Français. On craint toujours plus
ce que l’on ignore que ce que l’on connaît.
Il s’y ajoute la « peur technologique » ressentie par beaucoup, face aux développements possibles de l’ordinateur ou de la
génétique. Les catastrophes qui se sont
produites en 1986 (Tchernobyl, pollutions
du Rhin par les industries chimiques, etc.)
ont sans doute renforcé cette peur.
Mais il existe aussi d’autres formes
d’insécurité, liées aux menaces pesant sur
l’avenir du monde. Celle, par exemple,
qui concerne le non-respect des droits de
l’homme. Bien peu d’êtres humains ont
la possibilité de s’exprimer librement, à
l’intérieur d’une démocratie. La famine
et la malnutrition, qui touchent environ
le quart de la population mondiale, ne
constituent pas seulement une atteinte
à la justice la plus élémentaire, mais un
risque d’explosion entre les pays riches et
les autres.
Le spectre de la guerre est donc très
présent dans les esprits, dans ses quatre
dimensions contemporaines : guerre
économique entre les nations industrialisées ; guerre terroriste de déstabilisation
des états démocratiques ; guerre « sainte »
conduite par les partisans de l’islamisme
(voir l’« Intégrisme » musulman par Olivier Carré) ; guerre conventionnelle
embrasant en permanence les « points
chauds » de la planète. Sans oublier, bien
sûr, le risque d’une guerre nucléaire déclenchée par les rêves hégémoniques de
certains dirigeants.
La responsabilité des médias
L’un des enseignements majeurs de cette
année 1986 fertile en événements est
que le poids des médias sur la vie sociale
se fait de plus en plus lourd, dans la plupart des domaines qui concernent la vie
quotidienne des Français. Parmi eux,
le terrorisme est sans doute le plus probant, qu’il s’agisse des attentats perpétrés
en France ou des otages français détenus
au Liban, objets d’un long et douloureux
chantage, par gouvernements et télévision
interposés.
L’influence des médias sur la vie sociale
concerne la plupart des représentations
collectives qui prévalent aujourd’hui : le
système de valeurs, les mentalités dominantes, les opinions les plus répandues, les
images des personnes, des institutions, des
objets ou des idées, la perception de l’art
contemporain, les rêves et aspirations du
plus grand nombre, les phénomènes de
mode, les signes extérieurs de la « réusdownloadModeText.vue.download 266 sur 502
SOCIÉTÉ
265
site », la notoriété et la popularité des personnages publics (voir les Nouveaux Gourous) sont tous plus ou moins influencés
par la place que leur accordent les médias
et la façon dont ils en parlent.
L’importance et la variété des services
rendus par les médias expliquent aussi
l’influence parfois négative qu’ils ont sur
ceux à qui ils s’adressent. La « morosité »
des Français, leur peur panique de l’insécurité, leur angoisse face au futur seraient
sans doute moindres sans l’insistance de
la presse écrite et audiovisuelle à montrer
les manifestations de désordre, de délinquance ou de folie qui se produisent quotidiennement en France et dans le monde.
Si le public n’est pas toujours conscient
du pouvoir que les médias exercent sur la
vie sociale et sur celle de chacun, les chefs
d’entreprise savent combien il est important de maîtriser les outils de la communication. C’est pourquoi beaucoup se sont
déclarés candidats au rachat ou à la création des nouvelles chaînes de télévision
(voir les Géants de la communication, par
Francis Balle et Joseph Vebret). La mise en
place du PAF (paysage audiovisuel français) ne constitue pas seulement un enjeu
économique ; elle aura des répercussions
considérables sur la vie culturelle, politique et sociale du pays.
La télévision constitue évidemment un
élément prépondérant de ce paysage. Plus
que les autres médias, elle fait et défait les
vedettes, les succès, les images des personnes et des organisations. Si elle crée rarement de toutes pièces un phénomène de
popularité, elle l’accélère et l’amplifie de façon parfois inquiétante. Une éclatante démonstration de l’influence de la télévision
a été donnée en décembre 1986, lors des
manifestations des étudiants. Qui pourrait
nier que la nature et la forme de ces manifestations ont été influencées par la façon
dont la télévision en a rendu compte jour
après jour ? Ainsi, il semble que les caméras se sont plus volontiers portées sur les
jeunes filles que sur les jeunes hommes,
au point que beaucoup de téléspectateurs
ont eu l’impression (fausse) qu’il s’agissait
pour l’essentiel d’un mouvement féminin,
voire féministe. Sans entrer dans une polémique de nature politique, il semble également que les journalistes aient plus insisté
sur les « bavures » policières que sur les
actions et l’identité des provocateurs.
Une image, reprise par tous les médias,
résume à elle seule cette simplification
de la réalité : une jeune fille munie d’un
porte-voix s’adresse aux personnes qui
sont devant elle et montre sa main gauche
ensanglantée. Pour les millions de Français qui l’ont vue et revue, cette image forte
ne pouvait signifier que deux choses : le
mouvement était mené par des femmes ;
les forces de l’ordre déchaînées n’avaient
pas hésité à s’attaquer à elles et à faire couler le sang...
Ainsi, l’histoire immédiate n’est plus
indépendante de la façon dont elle est
montrée et commentée en temps réel par
les médias. L’image qu’ils donnent des
événements et des personnes qui y sont
impliquées joue un rôle considérable dans
notre vision du monde et dans notre mode
de vie. C’est l’une des grandes leçons de
cette année 1986. Il ne fait guère de doute
qu’elle sera confirmée et amplifiée au cours
des prochaines années. C’est dans un nouveau type de démocratie qu’il faudra donc
apprendre à vivre.
GÉRARD MERMET
downloadModeText.vue.download 267 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
266
L’« intégrisme »
musulman
Par des publications, des revendications et des manifestations réitérées,
un profond courant de l’opinion musulmane proclame la nécessité
d’une application stricte des règles de l’islam dans la vie publique comme
dans les comportements privés. Au cours des dernières années,
cette conception radicale de l’islam s’est propagée à travers le monde
musulman,
du Maroc à l’Indonésie. Pour désigner ce phénomène, les médias emploient
l’expression d’intégrisme musulman dont l’usage s’est largement répandu.
Le terme d’islamisme a la préférence des observateurs spécialisés.
Plusieurs événements survenus au
cours de l’année 1986 signalent la
permanence, à travers le monde, de
ce qu’on est convenu d’appeler l’« intégrisme » islamique. L’Iran poursuit l’établissement d’institutions politiques et sociales qualifiées d’islamiques. Au Liban,
le radicalisme a, de manière frappante,
connu un grand essor. Le Ḥizb-Allāh
(Parti de Dieu, qui n’est pas le Parti des
fous de Dieu évoqué parfois par la presse)
regroupe des chiites libanais ; il est capable, désormais, de concurrencer sérieusement le mouvement Amal (Espoir),
de Nabih Berri, et même de l’affronter
par les armes à Beyrouth, à Baalbek, et
au sud du Liban. La guérilla islamique
« intégriste » provoque en Afghānistān de
meurtrières offensives soviétiques. Des
procès ont été aussi intentés au Maghreb
contre des activistes islamiques au cours
de l’année 1986.
Comme l’expression « intégrisme islamique » désigne aujourd’hui des phénomènes très différents et parfois antagonistes, il faut essayer de présenter à
grands traits la variété des formes d’action
de l’« intégrisme islamique » dans le
monde, puis les grandes idées et revendications qu’il diffuse. Enfin, nous essaierons de comprendre ces phénomènes
« intégristes », en recherchant leur signification et en repérant certaines causes
probables du mouvement.
Les formes
d’action
Les formes d’action oscillent entre une
certaine participation au pouvoir, le
groupe de pression plus ou moins pesant,
et l’action insurrectionnelle aboutissant
éventuellement à des gouvernements
« intégristes » islamiques.
downloadModeText.vue.download 268 sur 502
SOCIÉTÉ
267
La participation au pouvoir. Des activistes islamiques occupent des postes au
gouvernement en Jordanie, au Koweït,
au Yémen du Nord, au Qatar, au Soudan. Des personnalités du mouvement
des Frères musulmans, fondé en Égypte
en 1928, partagent les responsabilités du
pouvoir dans ces pays, enseignent dans
les universités, sont actifs dans l’armée et
dans la presse. Depuis la fin des années
1970, la Jordanie a soutenu sur son territoire la résistance islamique syrienne.
Le Soudan a suivi depuis 1983 les directives des Frères musulmans et instauré
une application pénale rigoureuse, peu
musulmane en fait, de la Charī«a (lois islamiques variables, inspirées du texte du
Coran et, surtout, des textes du Ḥadīth,
traditions attribuées à Mahomet).
Les groupes de pression. Les intégristes islamiques constituent des groupes
de pression, de force croissante en Turquie, où le Parti du salut national, entre
autres, remet en cause le kémalisme.
En Égypte, après l’assassinat de Sadate,
en octobre 1981, par un groupe extrémiste appelé Djihād (Guerre), les Frères
musulmans historiques ont restauré leur
influence, d’autant qu’ils se démarquent
publiquement des extrémistes et les
condamnent. Militant pour l’application
de la Charī«a, ils ont obtenu des résultats
tangibles en matière de droit de la famille.
En Algérie, des groupes, étiquetés du
nom général et vague de Frères musulmans, ont obtenu un Code de la famille
écrit qui leur est favorable sans exclure
des solutions « émancipées » optionnelles. Au Maroc, en Tunisie, au Mali, au
Sénégal, ailleurs encore, le mouvement
islamique accentue, comme en Algérie, la
division des mentalités entre islamiques
intransigeants et « modernes » marqués
par la culture française. Les universités
sont, dans ces pays, les foyers privilégiés
de l’intégrisme. En Inde, les courants
musulmans activistes misent sur les très
fortes minorités musulmanes, structurées par la Djama«at i-islāmī (Communauté islamique).
Les insurrections islamiques. Dans
quelles circonstances un groupe de pression réprimé et opprimé est-il conduit
à la révolte ? On a connu des insurrections islamiques, « intégristes », selon
le vocabulaire reçu. Aujourd’hui, c’est
l’Afghānistān, le Liban et la Syrie ; c’était
l’Égypte au début des années 1980 ; ce
fut, par un putsch militaire, la Libye en
1969, le Pākistān en 1976, et, dans le
cadre d’un soulèvement populaire guidé
par une coalition de partis en majorité
« islamiques », l’Iran en 1978-1979 ; ce
fut, plus tôt, l’Arabie Saoudite, créée par
un mouvement puritain politico-religieux, le wahhābisme, véhiculé par la
force de la famille Saoud, au cours des
années 1920. Ces révolutions ont toutes
installé des régimes qui se veulent « islamiques », qui instaurent un Code pénal
dit « coranique » et appliquent les peines
du talion censées remplacer l’incarcéra-
tion (mort, lapidation ou amputation).
Même les « zones libérées » par la résistance islamiste afghane pratiquent ce système. En Iran, l’état de guerre intérieure
et extérieure justifie aussi des exécutions
capitales immédiates, sans procès, au
nom de la guerre sacrée contre les « hypocrites ». L’arsenal des enlèvements,
piratages, chantages sur des otages,
attaques suicidaires, a pris un essor efficace grâce à la publicité automatique des
organes de presse occidentaux. Ce « terdownloadModeText.vue.download 269 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
268
rorisme publicitaire » que l’on a appelé
le « nucléaire du pauvre » est l’une des
armes bien utilisées par « l’intégrisme »
islamique. En Afghānistān, la résistance
nationale au régime communiste prosoviétique (1978), puis à l’armée soviétique
d’occupation (1979) a pris une tonalité
islamique « intégriste » ; les associations
d’ulémas traditionnellement non engagées se sont ralliées à cette tendance. En
Syrie, d’une manière assez comparable, le
front d’opposition au régime baassiste a
été piloté par les nouveaux Frères musulmans, en 1980-1981. Une confrontation
de grande ampleur a eu lieu début 1982
à Ḥama ; elle a été sanctionnée par un
bain de sang aveugle de la part de l’armée
syrienne. Depuis, le combat s’est déplacé
vers le Liban, par groupes interposés,
en particulier au nord, à Tripoli, parmi
les sunnites (mouvement Tawḥīd), à
Beyrouth, à Baalbek et, au sud, parmi les
chiites radicaux (Ḥizb-Allāh). Dans la
partie du Liban non chrétien qu’il occupe
depuis 1976, le pouvoir syrien est vulnérable, face aux divers groupes « intégristes islamiques » qui s’y sont épanouis
au cours des années 1980, et surtout au
lendemain de l’invasion israélienne de
l’été 1982. Cette pression conjuguée de
la Syrie et d’Israël sur le Liban et contre
les Palestiniens a déclenché une mobilisation musulmane violente et radicale,
alors que, précédemment, les musulmans
libanais, tant sunnites que chiites, représentaient un élément modérateur dans la
guerre civile qui, depuis 1975, opposait
les Maronites radicaux, les Palestiniens
et le parti des Druzes. Le Ḥizb-Allāh,
chiite, et le Tawḥīd (Unification), sun-
nite, à Tripoli, revendiquent la dilution
du Liban non plus dans une grande Syrie,
ni, certes, au profit d’un petit État maronite, mais dans un Empire islamique parti de Téhéran.
Ajoutons à ce panorama des mouvements insurrectionnels « intégristes »
islamiques quelques actions sporadiques
downloadModeText.vue.download 270 sur 502
SOCIÉTÉ
269
remarquables : ainsi, l’occupation « terroriste » de la mosquée de La Mecque
à la fin de 1979, et les menaces de pèlerins iraniens armés lors du Hādjdj de
1986. Apparemment, un groupe de pression « intégriste » islamique peut donc,
dans certaines circonstances, passer à des
actions insurrectionnelles, particulièrement dans les États où il est réprimé.
Religions
L’histoire présente des religions reflète
les inquiétudes des hommes qui, dans
le même temps, sont marqués par le développement du doute métaphysique et
éprouvent le besoin de trouver un refuge
spirituel en marge des institutions religieuses officielles.
C’est pourquoi les grandes religions monothéistes – christianisme, judaïsme, islam
– sont aux prises avec des intégrismes de
plus en plus agressifs. C’est pourquoi, aussi,
prolifèrent et recrutent des sectes ou des
« organisations à prétention religieuse ou
philosophique » qui prétendent fournir un
remède au désarroi moral des hommes de la
fin du XXe siècle.
Église catholique
L’année 1986 est encore dominée par la personnalité, à la fois charismatique et complexe du pape Jean-Paul II, dont l’enseignement doctrinal – notamment en matière
d’éthique sexuelle et matrimoniale et en ce
qui concerne le célibat des prêtres – se situe
généralement dans la tradition catholique
la plus orthodoxe et la moins aventureuse,
mais dont certaines démarches et prises de
position témoignent d’une conscience universelle des besoins des hommes et d’un
oecuménisme dynamique.
Si l’encyclique Dominum et vivificantem,
consacrée à l’Esprit-Saint, publiée le
30 mai, est en fait une méditation personnelle sur la Trinité et, par voie de conséquence, sur l’Église inspirée par l’Esprit de
Dieu, l’Instruction sur la liberté chrétienne
et la libération, rendue publique le 5 avril
par la congrégation pour la Doctrine de
la foi, sort des sentiers battus : car, si elle
insiste, une fois encore, sur le dialogue et
la concertation nécessaires dans les situations d’oppression, spécialement en Amérique latine, elle n’exclut pas la nécessité, en
certains cas, du recours des opprimés à la
résistance, passive ou active. Ce qui constitue une nouveauté remarquable dans le
développement de la théologie de la Libération, abordée jusque-là par l’Église romaine
avec d’extrêmes réserves, qu’on retrouve au
niveau des rapports personnels avec Rome
des théologiens de la Libération.
En général, d’ailleurs, la curie reste méfiante
à l’égard des théologiens considérés par elle
comme trop hardis. Ainsi, l’Américain Curran, est privé de chaire en raison du « caractère dangereux » de son enseignement
en matière sexuelle ; le Néerlandais Schillebeeckx, le 15 septembre, pour la quatrième
fois, fait l’objet d’une « notification » sévère
de la part du cardinal Ratzinger, préfet de
la congrégation pour la Doctrine de la foi.
Si, le 27 octobre, par un geste sans précédent, Jean-Paul II rassemble, à Assise, en
un « sommet », marqué par la prière et le
jeûne en faveur de la paix et de la fraternité universelles, les représentants de toutes
les religions, le problème du sacerdoce
consacré des femmes continue à se heurter
à l’opposition absolue de l’Église romaine,
comme en témoigne, en juin, le vif échange
de lettres entre l’archevêque de Canterbury
et le cardinal Willebrand, président du secrétariat romain pour l’Unité des chrétiens.
Cette attitude contrastée se retrouve au
cours des trois voyages, hors d’Italie, accomplis par Jean-Paul II en 1986. En Inde
downloadModeText.vue.download 271 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
270
(1er -11 février), le pape se fait l’avocat des
démunis, qui pullulent dans ce pays, tout en
rappelant l’essentiel de l’éthique chrétienne,
pourtant très différente de celle de l’hindouisme. En Colombie (1er-7 juillet), il in-
siste sur les liens de subsidiarité qui doivent
être maintenus entre riches et pauvres, tout
en souhaitant la libération de ceux-ci. À
Lyon, Taizé, Paray-le-Monial, Ars, Annecy
(4-7 octobre), l’exaltation du culte du SacréCoeur et de la spiritualité traditionnelle du
patron des prêtres français, saint Jean-Marie Vianney, et de saint François de Sales,
s’accompagne d’un appel à l’oecuménisme le
plus large et le plus fraternel et à la nécessité du service des pauvres, magnifiés en
la personne d’Antoine Chevrier, fondateur
des prêtres du Prado, que le pape béatifie
solennellement en présence de 300 000 personnes réunies à Lyon.
Protestantisme
Du 18 au 21 mai, à Genève, est commémorée l’adoption, par la ville de Calvin, le
21 mai 1536, de la Réforme. Cette commémoration, marquée notamment par un culte
solennel et par une cérémonie au Mur des
réformateurs, donne l’occasion aux réformés venus du monde entier de célébrer la
pérennité de l’oeuvre calviniste et de mettre
en lumière l’apport du protestantisme à la
civilisation moderne avide de tolérance, de
liberté, d’esprit critique, mais aussi de spiritualité authentique.
Judaïsme
Le grand événement de l’année 1986 est de
caractère oecuménique, on peut même dire
insolite et historique ; il s’agit de la visite
que, le dimanche 13 avril, Jean-Paul II
fait à la synagogue de Rome. Même si les
ombres sont encore nombreuses au tableau
des relations judéo-chrétiennes, le pape
franchissant, le premier dans l’histoire, le
seuil d’une synagogue, lisant les psaumes
près de la Théba, là où sont conservés les
rouleaux de la Torah, près du chandelier
à sept branches, vient éclairer ce tableau
d’une lumière absolument nouvelle. Malgré
quelques réticences – le pape n’a parlé ni de
« repentance chrétienne » ni de la reconnaissance par le Vatican de l’État d’Israël –,
cette visite est fortement ressentie et saluée
avec joie par le judaïsme tout entier.
Cet événement ne peut cependant faire
oublier « l’incident d’Auschwitz », les communautés juives, confortées en cela par les
associations consacrées au rapprochement
entre juifs et chrétiens, ne pouvant admettre
l’installation d’un carmel polonais à la lisière du camp d’extermination d’Auschwitz-
Birkenau, considéré par les juifs comme le
haut lieu, le symbole sacré de la Shoah, cette
élimination systématique et concertée du
« Peuple de Dieu » par les nazis.
L’attribution, le 14 octobre, du prix Nobel
de la paix à Elie Wiesel, le chroniqueur de
« l’Holocauste », donne un relief particulier
aux déclarations, tractations, rencontres et
communiqués dont le carmel d’Auschwitz
continue de faire l’objet.
PIERRE PIERRARD
Idées et revendications
des islamistes
L’action des islamistes est guidée par des
idées largement répandues et s’exprime
par des revendications bien connues. Nous
présentons d’abord celles des groupes
extrémistes les plus visibles et les plus
dangereux à première vue. Puis nous rappellerons l’utopie islamique des groupes
historiques et son influence récente sur
l’appareil international de l’islam actuel.
Les fondements de l’action des mouvements extrémistes. Les idées et les
actions extrémistes se résument partout
downloadModeText.vue.download 272 sur 502
SOCIÉTÉ
271
ainsi : il est urgent d’établir un pouvoir
islamique par la force, par une guerre
sacrée intérieure contre le pouvoir impie
en place et, sous forme révolutionnaire
mondiale, contre les soutiens impies,
« ignorants », de ce pouvoir activement
contraire à l’islam. L’état le plus précis
de ces programmes islamistes est dressé
dans un opuscule publié par Abd alSalām Farag, qui a été considéré comme
le « cerveau de l’attentat » contre Sadate
en 1981 et comme l’instigateur du « complot khomeyniste » au Caire et à Assiout,
avant d’être condamné à mort au Caire
et pendu en 1982. L’écrit de Farag est, en
grande partie, une mosaïque de citations
de Ibn Taymiyya (mort en 1328), auteur
considérable qui a quelque peu inspiré le
réformiste Rachīd RiḠa (mort en 1935)
et le courant wahhābite-saoudien. Ce que
reproche foncièrement ce petit livre au
public musulman instruit, c’est de taire,
ou d’omettre, le devoir de contestation,
violente s’il le faut, d’un pouvoir politique
infidèle à l’islam. Cet opuscule évoque le
passage de la théorie, elle-même marginale en tradition musulmane, du takfīr
(excommunication) et de la guerre musulmane (djihād, ou, mieux, qitāl, terme
coranique), interne et révolutionnaire, à
celle du meurtre (gatl) individuel et sélectif. La grave erreur de cet écrit, du point
de vue de la pratique du droit musulman,
c’est qu’il suit des avis autorisés d’un juriste musulman du XIVe siècle, à Damas,
dans le contexte de l’époque (la menace
militaire mongole), et non des avis de
grands juristes musulmans actuels, en
réponse à des situations présentes.
Pour Farag, l’impiété exige une action
révolutionnaire islamique. C’est là le fruit
sommaire et utopique, mais mobilisateur,
d’une lecture littérale, rapide, du Coran
et de certains commentaires. L’ignorance
anté-islamique (Djāhiliyya) des musulmans d’aujourd’hui et, surtout, de leurs
gouvernants, déclarés idolâtres, exige la
guerre (qitāl) et donc le meurtre (qatl), car
la guerre est une collection de meurtres.
Donc, l’ordre coranique : « Tuez les idolâtres où qu’ils se trouvent ! » (Coran, IX,
5), s’applique, pour les « intégristes » violents, de nos jours, tout de suite, à commencer par les pays dits musulmans.
Le phénomène religieux musulman
comme courant politique militant, ou du
moins revendicatif, s’exprime même au
niveau de l’appareil mondial de l’islam,
comme en témoignent des documents
officiels récents : l’un est la Constitution
islamique modèle, adoptée en décembre
1978 par le 9e congrès des ulémas au
Caire et complétée par le Conseil islamique mondial en 1983 ; l’autre est la
Déclaration islamique universelle des
droits de l’homme, promulguée à Paris, à
l’UNESCO, le 19 septembre 1981, par le
Conseil islamique mondial.
Les activistes musulmans, les « islamistes », ne se contentent pas de désobéir aux chefs fautifs en certaines matières fautives, comme le permettent la
Constitution islamique (article 45), et la
Déclaration (§II. b1 et XII. c1). Ils sont
convaincus du devoir d’une révolution
politique et violente.
L’influence des mouvements « inté-
gristes » historiques. Les mouvements
« intégristes » historiques sont beaucoup
plus proches des idées actuelles de l’appareil de l’islam que des idées des groupes
extrémistes récents. Au cours des deux
dernières décennies, les idéologues radicaux marquants de cette tendance sont
downloadModeText.vue.download 273 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
272
l’Égyptien Sayyid Quá¹ b (mort en 1966)
et le Pakistanais Abūl-«Alā’ Mawdūdī
(mort en 1979) ; ces penseurs ont professé des opinions plus avancées que celles
de leurs aînés, les Frères musulmans
des années 30 et 40. Les groupuscules
radicaux, tels que Taḥrīr, (Libération
islamique) Takfīr (Anathème), Djihād
(Guerre sacrée), Tawḥīd (Unification),
ne font-ils que suivre les idées et programmes de Mawdūdī et de Quá¹ b ? En
réalité, il y a une grande distance entre la
casuistique de Quá¹ b, réfléchie et cultivée, et celle des « illuminés » actuels
qu’on nomme souvent les « quá¹ bistes ».
Ce qui est exact, c’est que l’idée qutbienne
de takfīr actif, esprit d’excommunication
générale et ferment d’un Djihād comme
action révolutionnaire interne, a inspiré
les dissendences extrémistes actuelles.
Dès la fin des années 50, sous l’influence personnelle de Sayyid Quá¹ b,
dont les écrits sont largement diffusés
à travers le monde arabe et traduits en
plusieurs langues, la pensée des Frères
musulmans se concentre sur le thème
politique et non plus sur le problème social. Elle met en avant la formule « l’État
(ou le gouvernement) islamique », ou encore la « souveraineté politique exclusive
(ḥākimiyya) de Dieu » face à la tyrannie (qui est une impiété, kufr) des sociétés arabes occidentalisées, marxisées,
matérialistes, « ignorantes et anté-islamiques » (Djāhiliyya). Voilà les concepts
clés dorénavant, et ils sont politiques. La
justice sociale n’est pas oubliée ; on l’honore toujours, mais au second plan, et en
évitant le mot « socialisme », si dévalué
par le bilan de l’expérience nassérienne et
par l’oppression des régimes socialistes en
pays musulmans.
Pour les Frères musulmans emprisonnés dans les années 50 et 60, il faut avant
tout une révolution politique. L’« État islamique » instauré, tout ira bien, puisque
la Loi sacrée (Charī«a), avec ses exigences
sociales, sera enfin appliquée. Sur le type
de gouvernement, voici l’idée de Sayyid
Quá¹ b première manière : « Aucun souverain (musulman) ne détient un pouvoir
religieux directement du Ciel... Il ne tient
sa place que par le choix entièrement et
absolument libre de tous les musulmans.
De plus, il ne doit tenir son pouvoir que
de sa continuelle application de la Loi »
(la Justice sociale en islam, 1949).
Justice
Depuis la constitution du gouvernement issu des élections législatives
du 16 mars 1986, le ministre de la Justice,
M. Chalandon, a fait porter ses efforts sur
un meilleur « management » de la justice,
la mise en place d’une politique sécuritaire,
un effort de modernisation du système
pénitentiaire, le lancement d’une politique
de chantiers pour les détenus, les jeunes
majeurs, les mineurs et la lutte contre la
toxicomanie.
Si le ministre a réussi à faire accepter sans
trop de heurts les projets de lois sur la sécurité (v. Législation), son action dans le
secteur de l’éducation surveillée, dans le
domaine pénitentiaire et dans celui de la
lutte contre la toxicomanie a suscité une
opposition certaine.
En ce qui concerne l’éducation surveillée,
le ministre privilégie le développement des
chantiers de jeunes et étudie la formule de
création d’établissements spécialisés pour
les mineurs récidivistes.
downloadModeText.vue.download 274 sur 502
SOCIÉTÉ
273
Dans le domaine pénitentiaire, il mène de
front, avec la modernisation du secteur public, la mise en place de la privatisation des
prisons. Il s’agit de charger des groupes privés, sur la base d’un cahier des charges, de
concevoir, réaliser et financer des établissements pénitentiaires qui seront loués par
l’État. Le secteur privé n’accueillerait pas de
détenus condamnés à de longues peines et
réserverait certaines responsabilités particulières à des agents de l’État.
Avec de nouvelles mesures de prévention, la
lutte contre la toxicomanie a appelé la mise
en place de moyens permettant une stricte
application de la loi de 1970. Celle-ci donne
au juge la possibilité d’envoyer le drogué
dans un centre de soins ou en prison s’il
refuse de se faire soigner. Dans cette perspective, d’ici à l’été 1987, 1 600 places seront
rendues disponibles dans des centres fermés
de désintoxication placés sous le contrôle
de la justice et 2 000 places d’accueil seront
réservées dans des centres associatifs. L’aggravation des mesures législatives contre les
trafiquants est parallèlement prévue.
Sayyid Quá¹ b nuance ici l’idée habituelle qu’ont les orientalistes du régime
politique islamique, vu comme « théocratie (laïque) égalitaire » (Massignon ; Gardet), ou comme « État théocratique » de
Médine (Rodinson). Mais aussi, écrit plus
tard Quá¹ b, « la révolution totale contre la
souveraineté des créatures humaines dans
toutes ses formes et en toute institution, la
rébellion totale en tout lieu de notre terre,
la chasse aux usurpateurs (de la souveraineté divine) qui dirigent les hommes par
des lois venues d’eux-mêmes, cela signifie
la destruction du royaume de l’homme au
profit du royaume de Dieu sur la terre... »
(À l’ombre du Coran, 1950-1964). Ce ton
radical tranche sur la grande tradition musulmane. En effet, la guerre musulmane
classique devient ici une guerre intérieure
permanente. Quá¹ b ne prêche pas explicitement le tyrannicide ou le terrorisme
sélectifs ; mais les groupes extrémistes
actuels le feront, islamisant ainsi le thème
de la « guerre révolutionnaire » menée par
une « avant-garde » consciente et active,
idée moderne non conforme à la grande
tradition musulmane.
Ajoutons l’idée de justice sociale islamiquement inspirée, très élaborée dans les
années 40 et 50, en particulier par Quá¹ b
dans la Justice sociale en islam, déjà cité.
Pas de ribā (usure et tout prêt à intérêt),
mais la zakāt (aumône systématisée en
impôt sur le revenu et sur la fortune), voilà
l’ordre islamique rêvé, entrevu, encore inconnu. Dans cette ligne, il y a aujourd’hui
à travers le monde musulman, en particulier en Égypte, en Inde, au Pākistān, en
Europe, des « banques islamiques » dont
les règlements honorent ces principes.
À Damas, au moment même de l’union
syro-égyptienne nassérienne, le chef des
Frères musulmans syriens, MuṣṠafa
al-Sibā«ī, publiait son Socialisme de l’islam
(1959), best-seller des années 60. En Iran
révolutionnaire islamique, le slogan « justice sociale islamique » est à l’honneur, en
particulier pour dénoncer la corruption.
La constitution du Bangladesh s’en réclame. Un « islam de gauche » s’y réfère,
partout dans le monde musulman d’aujourd’hui, supplantant parfois les partis
communistes.
La « justice sociale islamique », élaborée par les Frères musulmans égyptiens et
syriens des années 1950, avait été systématisée par le chiite iraqien Muḥammad
Bāqir al-á¹¢adr, exécuté sans procès en
1980 à Nadjaf. Les ouvrages de á¹¢adr sont
partout une référence dans les milieux
downloadModeText.vue.download 275 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
274
intellectuels musulmans, tant sunnites,
en particulier dans le Golfe, que chiites.
á¹¢adr estime que, contrairement à l’école
capitaliste qui se soumet servilement aux
mécanismes économiques, l’islam entend
se fonder sur des présupposés d’ordre
moral, humain, et suivre la science économique en tenant compte, entre autres, des
exigences suivantes : l’association équitable (muḠārada) du travail et du capital ; le rejet de l’usure (ribā).
Toutefois, l’anticommunisme s’exprime
en termes cassants par ceux-là mêmes qui
ont, dès 1948, parlé de socialisme. Ainsi le
prestigieux Muḥammad Ghazālī, un ancien Frère musulman égyptien, alors qu’il
était directeur du bureau de la mission au
ministère des Wakfs et Affaires religieuses
(1973-1975), après son retour d’Arabie
Saoudite, déclarait dans un avis juridique
autorisé (fatwā), que « le communisme
menace le principe de propriété privée,
car pour lui toute chose est propriété collective de la société... L’athéisme est l’une
de ses composantes ; il refuse totalement
toute forme d’institution religieuse dans
la société... L’islam comporte dans son
essence même un ordre des biens et de la
politique qu’il est impossible d’accommoder avec le communisme autant dans la vie
pratique que du point de vue doctrinal ».
Signification
des « intégrismes » islamiques
Les « intégrismes islamiques » expriment
l’échec du tiers-mondisme « économiste »
qui enchantait les années 50 et 60. Ils expriment par des symboles religieux la protestation d’une culture populaire jusqu’à
présent bafouée.
Le refus de l’économie. Les économistes de l’Est et de l’Ouest encourageaient fortement l’« illusion économiste »
selon laquelle tout pays du tiers-monde
pouvait immanquablement, par une planification autoritaire, rejoindre les pays
avancés, en s’occidentalisant le plus possible. Aujourd’hui, frustrée par son insuffisante intégration au travail productif
national, déçue dans son attente des avantages matériels annoncés, par le coût des
grands projets intérieurs et, souvent, des
aventures extérieures, la base sociale des
régimes « développementalistes » de type
nassérien fait germer elle-même le courant islamiste actuel. Ce dernier ne prétend pas rejeter le modernisme technique,
culturel et politique, mais revendique une
modernisation autochtone, en marge des
structures bureaucratiques, personnalisée, maîtrisée et idéalement satisfaisante
sur les plans matériel et intellectuel par le
recours à l’islam comme « culture populaire ». Le terme « intégrisme » convient
mal, on le voit, à ce mouvement général.
Chronique judiciaire
Les procès apparaissent parfois en retard
par rapport aux moeurs de la société
ou bien annonciateurs des problèmes de
demain. Au chapitre de l’archaïsme criminel, les meurtres pulsionnels de toujours : à Ajaccio, c’est la condamnation du
pécheur Antoine Recco à la prison à vie
pour avoir étranglé deux jeunes touristes
dans sa barque. Son frère Tony, en 1985,
avait été condamné à la même peine pour
six meurtres de sang-froid, dont celui d’une
enfant de 12 ans. Itinéraire également
trouble que celui de Lionel Carton : il s’empara de la femme d’un médecin de Pessac
comme d’une proie, avant de la tuer et de
downloadModeText.vue.download 276 sur 502
SOCIÉTÉ
275
marquer son chemin sanglant de la mort
d’un policier.
Voyage au bout de l’horreur pour ces trois
candidats légionnaires du Paris-Vintimille
qui, à la hauteur de Montauban, balancèrent
littéralement un jeune Arabe par la fenêtre.
On y verra d’abord un crime raciste, mais
on nuancera au cours des audiences en y
associant la brutalité à l’état pur.
Quant aux lendemains qui font peur, on
les entreverra à travers le procès de trois
membres d’Action directe, auteurs de la
fusillade de l’avenue Trudaine où deux policiers avaient été abattus. L’assassinat, quinze
jours plus tôt, de Georges Besse, PD-G de
Renault, apparaîtra comme la réponse anticipée du groupuscule « à l’ordre bourgeois
représenté par la cour d’assises de Paris ».
Enfin, et appartenant bel et bien à notre
temps, un dernier procès qui nous vient
d’ailleurs, tout en restant de chez nous :
celui de Jean-Bedel Bokassa, empereur
déchu de Centrafrique, jugé à Bangui. Bokassa répondait de la mort d’une centaine
d’écoliers en 1979. Son procès n’était pas
que cela. C’était sa vie entière qui était en
cause, son despotisme et sa mégalomanie,
résultantes d’un colonialisme acharné, suivi
d’une décolonisation à l’échelle d’un continent, vécue comme une rupture.
PIERRE BOIS
Le retour à une culture populaire.
L’« islamisme » actuel est ainsi une nouveauté, mais seulement dans la mesure où il
est l’expression démocratique de la culture
populaire. Les systèmes de type nassérien
sont perçus comme le négatif d’une image
positive à venir. Le nassérisme est désormais démobilisateur ; c’est le courant islamiste qui mobilise. Les Frères musulmans
libres et leurs proches ont souvent animé
des organisations d’entraide, d’instruction
et de soins, dans les quartiers, les universités, parfois les villages. Les islamistes radicaux actuels ont même parfois sécrété une
contre-société, close et sans rapport avec
la société existante, mais profondément
solidaire, comme le groupe Takfīr wa-hijra
(Anathème et retrait), en Égypte, dans les
années 70. Enfin, les régimes autoritaires
ont parfois torturé à mort dans les prisons ; toute la population avait à ce propos
des informations précises et indiscutables.
On nourrissait ainsi la mobilisation poli-
tique islamique d’opposition. Cette vague
« intégriste », mondiale depuis 1970, peut
effrayer. Elle devrait rassurer, s’il s’agit bien
d’un mode de modernisation autochtone
plus proche de la culture populaire, et
non d’un mythique retour au Moyen Âge
antimodernisateur.
L’essor politique de l’islam. Avec les
années 70, cet « islam politique » prend
naissance, comme une vague de fond, à
travers l’ensemble du monde musulman.
Il y a une communauté de vues, de revendications, de méthodes d’action même.
Il y a une parenté déjà ancienne entre les
Frères musulmans en Égypte et la Communauté islamique (Djama«at i-islāmī)
indienne, cachemirienne et pakistanaise.
Le prestige du fondateur de cette communauté, Mawdūdi, des Égyptiens « martyrs », comme Bannā, fondateur des Frères
musulmans, et Quá¹ b, leur penseur radical, favorise la formation d’une véritable
Internationale islamiste ; mais il ne s’agit
pas d’une organisation mondiale comme
l’était naguère le Komintern. Étouffée par
les régimes coloniaux puis, souvent et plus
encore, par les régimes de la nouvelle indépendance, la « culture populaire » parvient
enfin à s’exprimer, à imposer des chefs,
une vue du monde et des lois. Pour les cidevant révolutionnaires de l’establishment
downloadModeText.vue.download 277 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
276
post-colonial, cette émergence est considérée comme foncièrement réactionnaire
et obscurantiste. Mais les révolutions nassériennes ou baassistes, leurs armées, leurs
plans de développement introduisant des
conseillers soviétiques, américains ou européens, leur socialisme créateur de privilégiés sans scrupules, plus féroces pour
les pauvres parfois que les ci-devant « féodaux », sont perçus de manière négative.
L’évolution de l’opinion publique, mobilisée par cette situation, a aidé fortement à
l’explosion de l’islam politique.
Le rôle de l’islam dans l’épanouissement des nationalismes. Souvenons-nous
que les mouvements nationaux locaux de
lutte pour l’indépendance furent souvent
d’inspiration islamique : au Soudan, avec
le mahdisme, à la fin du XIXe siècle ; en Libye, avec le mouvement politico-religieux
de la Sanūsiyya, au début du XXe siècle ;
en Algérie, avec l’État coranique d«Abd
el-Kader en Oranie, dont l’État islamique
est réimprimé et diffusé aujourd’hui ; puis
avec le rôle, décisif pour l’accession à l’indépendance, de l’Association des ulémas,
fondée en 1932 par Ben Badis, proche de
Bannā ; au Maroc, pareillement, avec la
république musulmane du Rif. L’histoire
du mouvement wahhābite-saoudite, en
Arabie, garde une grande influence sur
tous les mouvements islamistes L’Inde a
été traversée par le grand courant de la
Muslim League, auquel le Pākistān d’aujourd’hui doit beaucoup. Dès le début du
XXe siècle, l’Indonésie exprime son désir
d’indépendance face aux Hollandais par le
Sarikat-islam qui est en train de reprendre
vigueur. Partout, l’islam a été le point de
référence des résistances nationales contre
les puissances coloniales. Le même islam,
parfois les mêmes mouvements organisés
servent actuellement de ferment contre les
pouvoirs post-coloniaux européanisés.
Radicalisme et tradition islamiques.
L’« intégrisme » islamique sous ses diverses formes d’intervention signifie ainsi
avant tout, croyons-nous, un recours général à la foi et à la culture musulmanes
que l’on juge oubliées, dénaturées ou colonisées. Même les tenants de la grande tradition de pensée musulmane, sunnite ou
chiite, qui est politiquement « quiétiste »
et socialement accommodante, pragmatique, doivent aujourd’hui tenir compte
des groupes extrémistes, qui héritent de
traditions mineures et déviantes. Le tyrannicide et la révolte armée, la guerre sacrée
(djihād) comme obligation individuelle
et permanente, l’anathème (takfīr) contre
des personnes, des groupes, des gouvernants et ses conséquences juridiques et
policières, voire militaires, ce sont là des
positions discutées et rejetées depuis longtemps par la grande tradition, sunnite et
chiite. Mais les exigences de justice sociale
et d’équité politique, ainsi que d’efficacité
du pouvoir, le sens d’une justice islamique,
relèvent de la grande tradition, et les extrémistes actuels contraignent celle-ci à
une remise en cause. De là cette volonté
d’islamisation croissante des institutions.
Rien ne peut permettre d’estimer que cette
volonté générale, modérée et réfléchie, soit
obscurantiste et ennemie de la modernité.
L’« intégrisme » d’aujourd’hui semble pouvoir donner un sursaut à la grande tradition qui, il faut bien le reconnaître, n’avait
guère été encouragée par les pouvoirs
post-coloniaux de type « révolutionnaire »
et « socialiste ». De plus, depuis Rachīd
RiḠā et ses émules, l’islam officiel avait
privilégié la veine marginale héritée d’Ibn
Taymiyya et de ses nombreux diffuseurs
downloadModeText.vue.download 278 sur 502
SOCIÉTÉ
277
modernes, veine politiquement extrémiste et relevant de traditions mineures,
orthodoxes certes, mais en symbiose avec
des courants extrémistes hétérodoxes rejetés par la grande tradition, aux débuts de
l’islam et ensuite. Une partie de l’émigration musulmane, turque en Allemagne,
maghrébine en France, indo-pakistanaise
en Grande-Bretagne, est gagnée à une
« guérilla spirituelle » ; cette tendance
reflète une affirmation identitaire dans la
perspective d’une société future pluriculturelle, ou, peut-être même, de sociétés
interculturelles à long terme. Apparemment, le terrorisme international, parfois qualifié globalement d’islamique ou
d’intégriste islamique, n’a pas d’appui dans
cette émigration. Une autre partie, en tout
cas, contribue notablement à la grande
tradition, grâce à quelques intellectuels de
qualité.
OLIVIER CARRÉ
Docteur ès lettres et sciences humaines, diplômé de
langue arabe, Olivier Carré enseigne la sociologie de l’islam contemporain à l’université de Paris-III et à l’École
des hautes études en sciences sociales. Outre des études
sur le conflit israélo-palestinien, il a publié cinq ouvrages
concernant le monde musulman, parmi lesquels l’Islam et
l’État dans le monde d’aujourd’hui, P. U. F., coll. Politique,
1982 ; les Frères musulmans (1928-1982), Gallimard, coll.
Archives, 1983.
Faits divers
Toute une France s’est reconnue à travers des statistiques aux courbes agressives, chiffres noirs des années folles : au
cours des dix dernières années, la grande
criminalité a augmenté de 71,5 p. 100, la
moyenne, de 52,65 p. 100, les vols à main
armée, de 153 p. 100, tandis que la drogue
poursuivait une progression sans frein :
4 060 infractions contre 412 au temps, pas
si lointain, des débuts du septennat de VGE.
Mais si les chiffres font peur, ils ne sont pas
porteurs d’émotion comme ces faits divers
qui éclairent brusquement une actualité
pourtant non tamisée : les 10 assassinats
de vieilles dames dans Paris pèseront lourd
leur charge d’angoisse, de même que les
agressions dans le RER, les violences dans
le métro à la une de la presse, faisant de la
France un pays membre à part entière de
l’insécurité avec un niveau de malfaisance
tel qu’un Français sur cinq est victime de la
délinquance.
La France suit aussi, sans oser se passionner, l’affaire Villemin ou celle des soeurs
Weber, extraordinaires dames indignes de
Nancy soupçonnées d’avoir tué amant et
mari à la tronçonneuse. Ou même encore
des embuscades vécues dans le style d’un
gigantisme à la Rambo du côté de Marseille : fourgon blindé détruit par mines
magnétiques.
Autres temps : la France aux urnes s’est
prononcée pour la lutte contre l’insécurité. Autres résultats affirmés. Cette fois,
le Français en a pour son bulletin de vote.
Contrôles d’identité, présence policière dans
les rues, aux endroits chauds des grandes
villes. Faut-il croire à la redécouverte de la
peur du gendarme ? À la mi-86, l’Intérieur
donne des statistiques plus optimistes ; vols
avec violence à la baisse : – 3,47 p. 100, vol
à main armée : – 0,44 p. 100 (17,60 p. 100
de mars à août), ce qui fait que, au marché
commun du crime, la France se cantonnera
à un rang malgré tout modeste, avec un
taux de criminalité de 67,14 pour 1 000 habitants, contre 67,65 en RFA et 70,47 en
Angleterre.
PIERRE BOIS
downloadModeText.vue.download 279 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
278
Les géants
de la
communication
D’où viennent désormais les géants de la communication ?
De l’Europe, qui possède aujourd’hui tous les atouts
dans la course mondiale à l’audiovisuel.
Les géants de la communication sont
aujourd’hui européens. Par leur
poids, et par leur taille, mais aussi par une
valeur subjective : leur ambition. L’année
1986 les a propulsés sur le devant de la
scène. Ils sont moins d’une douzaine, en
comptant les « prétendants », viennent
d’horizons divers et sont prêts à rivaliser – ou à s’associer – sur le marché d’une
activité devenue désormais une véritable
industrie, la communication, avec un
même objectif : l’audiovisuel.
Tout est né en fait d’une révolution en
forme de pari technologique et trouve
son origine au milieu des années 70. À
cette époque, le territoire américain est
déjà largement câblé. Les satellites sont
également sur orbite. Le marché outreAtlantique de la communication audiovisuelle vit à un rythme de croissance
soutenu. L’Europe s’inquiète. Elle risque
de rater un rendez-vous technologique
aux débouchés tant commerciaux que
culturels. La plupart des États européens
ne réagiront qu’au début des années 80,
en lançant un vaste programme technologique passant par les médias dits
nouveaux, câble et satellites. C’est un
pari technologique certes, mais aussi
politique et surtout industriel. L’industrie
s’essouffle et espère recevoir, par le biais
de la communication audiovisuelle, un
nouveau coup de fouet.
Les téléspectateurs sont demandeurs
de plus d’images, mais rechignent à
s’abonner. La complexité des infrastructures et le poids considérable des investissements permettent à certains États
de justifier l’existence de leur monopole
d’intervention, tout en décourageant l’initiative privée dans les États « libéraux ».
La lenteur de la montée en puissance fait
hésiter le marché publicitaire. Les programmes coûtent cher et constituent une
autre source de dépenses. Cette laborieuse
transformation du paysage audiovisuel
se heurte à une logique implacable : sans
« tuyaux » (supports de transmission), pas
downloadModeText.vue.download 280 sur 502
SOCIÉTÉ
279
de programmes, sans programmes pas
d’audience, sans audience pas de publicité,
sans publicité pas de financement pour les
programmes et pas d’extension des sup-
ports, et ainsi de suite.
Mais les groupes ont de la suite dans les
idées. Ils ont senti qu’une brèche venait
de s’ouvrir. C’est à leur tour d’observer les
Américains et les Japonais, puis les Brésiliens, qui déversent leurs « soap operas »
sur l’Europe. Celle-ci est devenue pour
eux un enjeu. Le but de la manoeuvre sera,
pour les groupes européens, de la rendre
maîtresse du « jeu ». Ils sont en passe de
réussir.
D’abord, parce que les États européens
ont peu à peu tiré les verrous juridiques
et réglementaires, en entrant pour la plupart dans une logique de dérégulation
et de déréglementation. Ce libéralisme
est le fruit de la crise économique : l’État
ne peut plus assurer seul le financement
d’un certain nombre de services ; la communication en fait partie. C’est aussi le résultat d’une prise de conscience politique
face à la notion de service public de la
communication. L’exemple de la récente
réforme de la communication en France
en est la parfaite illustration. C’est, enfin,
la conséquence de la pression de l’industrie électronique en totale expansion. À
ce mouvement de dérégulation s’ajoutent
deux autres tendances intervenant en parallèle, mais aussi en contradiction.
Concentration d’abord. L’apparition de
nouvelles formes de communication et
l’intégration des progrès techniques imposent à terme une diversification. Celleci passe par une concentration permettant de rationaliser les charges de gestion,
en réalisant des économies d’échelle. Sans
compter que les différents secteurs intégrés qui ratissent le terrain peuvent jouer
à plein, et entre eux, le jeu de la synergie.
Ce souci de diversification peut se justifier : peur de la concurrence, ouverture
sur d’autres sources de profit, sécurité en
cas de déperdition d’un secteur, contournement d’une activité visée. En bref,
occuper le terrain, tout en s’adjoignant
des potentialités de profit rapidement
mobilisables.
Internationalisation, ensuite, conséquence de la décentralisation. C’est le
concept du réseau – le network. Un filet,
aux mailles plus ou moins rapprochées,
quadrille le territoire, mais les marchés
locaux ne parviennent pas toujours à
rentabiliser la structure. D’où un impé-
ratif : élargir le marché en dépassant les
frontières. Cette internationalisation
peut passer par des accords entre géants
recherchant une synergie commune qui
permette de faire chuter les coûts. Un
exemple européen : le Consortium européen pour la télévision commerciale,
regroupant l’Italien Silvio Berlusconi,
l’Anglais Robert Maxwell, l’Allemand
Leo Kirch, le Français Jérôme Seydoux,
et destiné dans un premier temps à travailler sur le satellite de télévision directe
TDF 1, et à diffuser à destination de l’Europe. La concession a été annulée par le
gouvernement Chirac, mais la structure
demeure. La synergie est évidente : la
production d’images coûte autant de fois
moins cher qu’il y a de partenaires, avec
une certitude de diffusion dans autant de
pays.
Douze groupes déterminés
L’audiovisuel constitue l’objectif prioritaire de ces géants de la communication.
downloadModeText.vue.download 281 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
280
Pour lui, et par lui, ces douze groupes
modèlent leurs structures et déterminent
leurs stratégies à court terme.
Population
La communauté des démographes, centrée sur la Division de la population
des Nations unies, que dirige à New York le
Français Jean-Claude Chastelland, s’est rappelée à l’attention des médias en signalant
que la population mondiale franchissait la
barre des 5 milliards. Est-ce en 1986 ou au
début de 1987 ? La question n’a pas grand
sens, puisque l’augmentation annuelle, estimée actuellement à 1,7 p. 100 par an, soit
85 millions de personnes en plus sur la planète chaque année, est inférieure à l’incertitude avec laquelle la population mondiale
est elle-même estimée.
Le passage à 1 milliard date de 1830, celui des
2 milliards de 1930, de 3 milliards de 1960,
de 4 milliards de 1975. La vitesse maximale
de croissance de l’ordre de 2 p. 100 par an a
été atteinte dans les années 1960. Il y a en
ce moment un ralentissement relatif, lié à la
baisse spectaculaire de la fécondité dans de
nombreux pays d’Asie, mais l’accroissement
absolu, continuera d’ici à l’an 2000, jusqu’à
peut-être 95 millions de personnes par an.
La situation démographique de la France
varie peu : 55,3 millions d’habitants au début de 1986. La croissance, 0,4 p. 100 par
an, et la fécondité, 1,82 enfant par femme,
sont un peu supérieures à celles des autres
pays développés. En Europe, la fécondité
est plutôt de l’ordre de 1,4 à 1,6 enfant par
femme ; elle est même inférieure à 1,3 en
Allemagne fédérale. Ce qui retient l’attention en France, c’est la baisse considérable
de la nuptialité : seulement 269 000 mariages en 1985, moins de 5 pour 1 000 habitants, alors que chaque classe d’âge, dans
les générations susceptibles de se marier,
pourrait former plus de 400 000 couples. Le
phénomène est ancien ; il remonte à 1972,
mais il s’accentue chaque année davantage.
La préférence croissante des jeunes gens
pour la cohabitation sans mariage est manifeste. Comment faire pour que l’institution
matrimoniale entérine cette évolution, tout
en convainquant les jeunes générations que
l’union justifie une reconnaissance sociale ?
MICHEL-LOUIS LEVY
Certes, ces groupes ont des dimensions variant du simple au vingtuple.
Mais les plus petits sont souvent les plus
agressifs. Ils viennent d’origines diverses.
Soit de l’édition et de l’écrit – avec comme
priorité, désormais, l’audiovisuel –, soit
de l’audiovisuel – avec comme stratégie
marginale l’écrit et le souci de synergie
avec les programmes télévisés (information) ou avec les réseaux diffuseurs
d’images (valorisation).
Enfin, ces groupes peuvent
être classés en quatre catégories :
– ceux qui se trouvent plus ou moins
sous la coupe d’un État, et donc soumis à sa politique. C’est le cas d’Havas ou de la Compagnie luxembourgeoise de télévision (CLT) ;
– ceux qui, désormais, se sont institutionnalisés, tels que l’Allemand Bertelsmann ;
– les groupes à dimension « charismatique », sous la direction d’un
homme qui incarne la structure :
Maxwell, Murdoch, Berlusconi ;
– et les « prétendants » : Hersant, Hachette, Goldsmith, Leo Kirsh, Carlo De
Benedetti...
Le premier groupe de communication
européen est devenu en une quinzaine
de jours le numéro un mondial : Bertelsmann. Début septembre, le groupe ouestallemand qui détenait, aux États-Unis,
downloadModeText.vue.download 282 sur 502
SOCIÉTÉ
281
25 p. 100 du capital de la société RCAAriola, numéro trois mondial du disque,
filiale de General Electric, achète la totalité du capital. L’accord de vente comprend
également la cession de RCA Record
Club, de RCA Video Productions et de
RCA Records Spécial Products. Mais le
groupe de la famille Mohn n’en reste pas
là. Quelques jours après cette acquisition
majeure, Bertelsmann rachète la totalité
de la maison d’édition américaine Doubleday Co. Ces deux reprises augmentent
le chiffre d’affaires annuel du groupe de
trois milliards de DM... Bertelsmann,
déjà leader mondial du club de livres,
possédait sur le territoire américain,
entre autres, les livres de poche Bantam
Books.
L’écrit et le développement à l’étranger
sont dans la tradition même de ce groupe,
qui réalise plus de 50 p. 100 de son chiffre
d’affaires consolidé à l’extérieur de la
République fédérale d’Allemagne. La loi
anticoncentration allemande devenant
un frein à son expansion, le développement sur des territoires extérieurs est
indispensable. Ce qui n’a pas empêché le
groupe de lancer, toujours en septembre,
son premier quotidien à Hambourg,
avec comme arrière-pensée de briser
le monopole de la presse Springer dans
cette région. Ce développement passe
aussi par la France où oeuvre une filiale
de Grüner-Jahr (Stern, Brigitte...), Prisma
Presse, dirigée par Axel Ganz, homme
de lancements de presse sous-tendus
par une démarche marketing pointue.
Autant de lancements, autant de succès
(Geo, Prima, Femme Actuelle, Télé Loisirs, Ça m’intéresse). L’écrit, l’impression,
l’édition, la distribution sont des activités
parfaitement intégrées. La diversification
est d’abord passée par l’édition musicale,
puis plus timidement par l’image, via
la fabrication de cassettes et de disques
vidéo. Quant à l’audiovisuel, il est placé
sous la responsabilité de l’UFA, filiale
commune avec Grüner-Jahr (que Bertelsmann contrôle à 75 p. 100). Trois
directions d’investigation : la production,
l’édition et les réseaux. Mais le groupe,
qui a fêté la même année ses 150 ans,
n’a qu’un savoir-faire tout relatif. Alors,
pour chaque projet, il s’associe. En 1984,
c’est le lancement de RTL-Plus en Allemagne, qui vise une place sur le satellite
TVSat, afin de toucher les foyers non
câblés. Cette activité télévisée se fait en
association (39 p. 100) avec la CLT, dans
le capital de laquelle Bertelsmann a également pris une participation, au cours
du 3e trimestre de la même année, terminant ainsi l’année 1986 en beauté. La
télévision devient sa priorité, même s’il
n’y consacre que 2 p. 100 de son chiffre
d’affaires. Mais, ramené à la totalité, c’est
déjà considérable pour un groupe qui a
multiplié sa rentabilité par cinq en cinq
ans, alors que le chiffre d’affaires considéré sur la même période progressait de
moins de 50 p. 100.
La fin des initiatives individuelles
La CLT est un petit groupe de communication, mais c’est le plus agressif et
vraisemblablement celui qui possède le
plus de savoir-faire en matière d’audiovisuel. Pour devenir un diffuseur à l’échelle
européenne, il lui est indispensable de
s’implanter en France, mais la CLT a été
systématiquement écartée de tous les
montages, que ce soit du côté des télévisions privées ou du satellite. La tendance
downloadModeText.vue.download 283 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
282
pourrait s’inverser avec la nouvelle donne
audiovisuelle. En attendant, un certain
retard a été pris. La CLT est donc présente
aujourd’hui en Belgique et en Allemagne,
où s’assouplissent progressivement les
contraintes juridiques et réglementaires.
Enseignement
Il avait déclaré dès sa nomination : « Il n’y
aura pas de réforme Monory. » Mais les
résolutions initiales de René Monory n’auront pas résisté au temps.
S’il n’y a point de réforme en apparence, que
de « contre-réformes » en revanche ! Avec
son bon gros sens pratique, le nouveau locataire de la rue de Grenelle avale les dossiers, consulte les partenaires et en tire des
conclusions : abrogation de la loi Savary sur
les universités, de la réforme Chevènement
sur les lycées.
Son plus grand coup de balai, il le réserve
cependant à la toute-puissante FEN (Fédération de l’éducation nationale) : suppression du corps des PEGC ; fin du « privilège » accordé aux instituteurs de distribuer
en classe les assurances scolaires de la MAE
(Mutuelle assurance élèves, proche de la
FEN) ; modification des conditions de mutation des enseignants ; création d’un statut
de directeurs d’école et retrait des personnels « mis à disposition » des associations
par l’Éducation nationale (la plupart font
partie de « l’orbite » FEN).
Ironie du sort, c’est sur un dossier qu’il
n’avait pas souhaité rouvrir – la réforme des
universités – que René Monory va essuyer
un brutal coup d’arrêt. Le projet d’Alain Devaquet, ministre délégué à l’Enseignement
supérieur, qui prévoit entre autres dispositions une élévation des droits d’inscription et une officialisation de la sélection,
provoque en effet la colère des étudiants.
Durant trois semaines, le flot de la jeunesse
monte jusqu’à submerger le gouvernement
et l’obliger à faire machine arrière. Revanche
de la FEN, qui saisit alors la balle au bond et
appuie de toute sa force les revendications
étudiantes. Déstabilisé, René Monory voit
l’ensemble de son action menacée. Doté
d’une marge de manoeuvre considérablement rétrécie, il n’a d’autre ressource que de
revenir à sa philosophie initiale et déclare :
« Première réforme à réaliser dans l’Éducation nationale : ne plus faire de réformes. »
CHRISTIAN MAKARIAN
La force de la CLT est également sa
faiblesse : ses structures financières de
base sont d’origine multinationale, partagées entre la Belgique, le Luxembourg,
l’Allemagne et la France. Le principal
actionnaire est belge. C’est le groupe
bancaire Albert frère, associé à la Compagnie financière Bruxelles-Lambert,
qui contrôle, directement et indirectement, 54 p. 100 du capital. La France
est représentée par le groupe Havas et
par d’autres porteurs, tels que Paribas,
Moët-Hennessy (dont les parts lui ont
été cédées par Hachette après son acqui-
sition d’Europe 1-Communication), la
Compagnie des compteurs Schlumberger, etc. Depuis peu, le capital s’est ouvert
à l’Allemagne, via Bertelsmann. Cette
situation n’est pas sans poser des problèmes. D’abord, parce que l’extension
du groupe peut se heurter aux intérêts
contradictoires de ses actionnaires. Ensuite, parce que la CLT n’a pas une assise
financière très étendue. Son point fort
est constitué sans aucun doute par son
savoir-faire, mais aussi par la présence
d’Albert Frère, hier passif, aujourd’hui
fermement décidé à faire progresser la
Compagnie. Celle-ci a d’ailleurs procédé
downloadModeText.vue.download 284 sur 502
SOCIÉTÉ
283
à une augmentation de capital, dans l’optique de la concession de la cinquième
chaîne française qu’elle recherche, avec
Paribas et le groupe Havas. La CLT a
conduit une diversification timide vers
l’écrit (Télé Star par exemple), mais a
poussé très loin son implication dans
l’audiovisuel en se diversifiant en amont
(production télé, vidéo, cinéma, câble,
télématique) et en aval (distribution et
diffusion). La plus grande partie de son
volume d’affaires provient de son activité radio (RTL) et de la régie publicitaire qui en découle. L’ambition d’Albert
Frère de développer l’activité télévisée
de la CLT est réelle : en octobre 1985
naît une structure de réflexion, Média
International, qui s’est ouverte à Rupert
Murdoch. Ce type de structure laisse
présager des associations entre géants
qui, inévitablement, excluront les initiatives individuelles.
Une stature internationale
Le plus gros actionnaire français de
la CLT, le groupe Havas, représente
l’exemple parfait du groupe multimédias.
Le premier groupe de publicité français,
dont l’État est actionnaire à 50,26 p. 100,
sera privatisé, mais non démantelé, ni
vendu par « appartements ». Ce qui lui
aurait totalement coupé les ailes dans
son développement vers l’international.
En effet, Havas intervient dans tous les
secteurs de la communication : la publicité d’abord, avec sa filiale à 45 p. 100,
Eurocom, premier holding français
parmi les agences conseils en publicité, deuxième en Europe et parmi les
vingt premières agences aux États-Unis
depuis l’alliance entre Havas Conseil et
Marsteller, filiale de Young and Rubicam
(n° 1 aux États-Unis et n° 2 mondial),
ayant donné naissance à HCM et permis
la mise en place d’une entité de 500 millions de dollars.
Ainsi donc, Havas intervient à tous les
carrefours de la communication : édition
(35 p. 100 de la Compagnie européenne
de publications), conseil publicitaire,
régie (40 p. 100 de la presse écrite en
France), télématique, cinéma, affichage
(Avenir), audiovisuel (CLT et 25 p. 100
de Canal Plus). Havas a déjà une expérience audiovisuelle avec Canal Plus.
Le lancement fut laborieux, les déficits
considérables, mais c’est aujourd’hui
un succès (près de 1 500 000 abonnés
à la fin de 1986, ainsi qu’un bénéfice
dépassant les 150 millions de francs). À
tel point que le président de la chaîne,
André Rousselet, envisage de lancer des
« déclinaisons » ciblées de Canal Plus,
telles que Canal Plus Junior.
Presse
Malgré la loi d’octobre 1984 visant à garantir la transparence et le pluralisme
des entreprises de presse, Robert Hersant,
début janvier, a pris le contrôle du Progrès
de Lyon, et s’est assuré de ce fait le monopole sur la région Rhône-Alpes. Il écrit
dans un éditorial, au lendemain de cette
opération : « parfois, pour ne pas être en
retard d’une guerre, il convient d’être en
avance d’une loi... » Il fait construire à Paris,
dans le XVIIe arrondissement, un studio de
télévision ultrasophistiqué, dans l’optique
de son entrée dans le capital de TF1. Pendant ce temps, toujours à Lyon, la guerre
fait rage. Libération lance en septembre un
quotidien spécifique (qui augmentera d’aildownloadModeText.vue.download 285 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
284
leurs ses ventes de 10 000 exemplaires sur la
région). Lyon-Libération est destiné à rétablir partiellement le pluralisme. Quelques
jours avant son lancement, Lyon-Figaro fait
son apparition... Et les grèves des ouvriers
du Livre se succèdent au détriment de
Lyon-Libération...
À Paris, la bataille fait rage autour de l’audiovisuel, dont deux chaînes vont être redistribuées. Les groupes de presse, soucieux
de ne pas rater un rendez-vous, mais aussi
inquiets pour leurs ressources publicitaires,
s’organisent. Les Éditions mondiales (Télé
Poche, Nous Deux...), Jimmy Goldsmith
(l’Express), et d’autres tentent de participer
aux tours de table. Des éditeurs s’associent :
Pluricommunication regroupe le Monde et
quatre quotidiens régionaux, dont OuestFrance ; Set-Presse réunit une trentaine
d’éditeurs, dont Bayard-Presse et la Voix du
Nord, s’assurant un investissement potentiel
de 100 à 150 millions de francs.
Au milieu de cette agitation, Daniel Filipacchi, vice-président du groupe Hachette
et responsable du secteur presse, connaît
un revers de taille avec la chute de 7 Jours
Madame, contraint au retrait par Femme
Actuelle, patronné par Axel Ganz. Pendant
ce temps, Elle-USA, lancé avec Murdoch,
crève les plafonds de diffusion et fait des
petits en Europe.
JOSEPH VEBRET
Autant peut-on être discret au sein
du groupe Bertelsmann, ou diplomate
du côté de la CLT, autant Silvio Berlusconi semble avoir un besoin maladif de
médiatisation et goûter le succès avec
arrogance. Il est vrai qu’il s’est développé
à l’arraché. Surtout que rien ne le prédisposait, au départ, à l’audiovisuel. Partant
de la construction et de l’immobilier,
Sue eminenza a conquis le marché de la
télévision privée en Italie en cinq ans,
profitant du flou juridique de la législation et des difficultés financières de ses
concurrents. Ses trois chaînes drainent,
depuis, 80 p. 100 de l’audience privée de
la télévision. Et il ne lui aura fallu qu’un
an pour se déployer en Europe, tout en
observant de près l’Amérique du Nord.
La stratégie de Silvio Berlusconi est
simple : pousser la logique commerciale
à son maximum.
Celui qui a été appelé le « fossoyeur »
du cinéma, avant qu’on le laisse prendre
part au capital de la Cinq, celui qui a sa
place en France selon François Léotard,
tire 70 p. 100 de son chiffre d’affaires
global des médias, dont 55 viennent de
l’audiovisuel. Son holding, Fininvest, regroupe encore des activités financières,
d’assurances et immobilières. Son autre
axe de développement vertical intègre
un journal d’informations régionales, un
hebdomadaire de télévision et une revue
de cinéma... Le souci de la synergie.
D’autant qu’en matière audiovisuelle, Fininvest est un touche-à-tout : technique
avec vente de matériel, production
film et TV, centrale d’achat et de vente,
disques, trois chaînes en Italie, la Cinq
en France, Multilingual TV Network au
Canada, des stations régionales, l’équipe
de football de Milan, ainsi que des salles
de cinéma... Berlusconi a des ambitions
mondiales qui passent dans un premier
temps par un développement européen
pouvant servir de plate-forme de production susceptible de rivaliser, à terme,
avec les États-Unis. En six ans, l’individu est parvenu à devenir une légende,
vivante et incontournable.
Deux autres géants, enfin, s’activent
sur le terrain : Robert Maxwell et Rupert
Murdoch. Le premier se cache derrière
downloadModeText.vue.download 286 sur 502
SOCIÉTÉ
285
une société familiale enregistrée au
Liechtenstein. Sa diversification passe
par l’écrit avec la maison d’édition Pergamon Press, les imprimeries British
Printing Communications Corporation
(BPCC), ainsi que le groupe Mirror
Newspapers, depuis 1983 (10 millions
d’exemplaires, dont le Daily Mirror).
Côté télévision, Maxwell s’est fortement
diversifié vers l’audiovisuel en moins de
deux ans : il a racheté des réseaux de
câble, rebaptisés British Cable Services
(BCS), devenant ainsi le plus grand
opérateur en Grande-Bretagne ; il a
repris Ten, chaîne payante anglo-américaine, devenue Mirror Vision ; il a
acquis 51 p. 100 des parts de Première
et se trouve, ainsi, face à face avec son
plus farouche concurrent, Rupert Murdoch, qui participe aux autres 49 p. 100 ;
il participe enfin au Consortium européen qui vise une place sur un satellite.
Ce qui ne les empêche pas, l’un et l’autre,
de chercher à implanter d’autres chaînes
sur le sol britannique. La seule faiblesse
de Maxwell, avec qui tout géant devra
compter, est sa carence de catalogue et
de structure de production.
Radio
Deux mots résument l’évolution de la
radio en France durant l’année 86 :
libéralisme et banalisation. Le libéralisme
s’est manifesté par l’amorce du désengagement de l’État. L’opération concerne
les radios périphériques. L’État participe
à leur capital, par l’intermédiaire de la
Sofirad. Première étape : la vente, début
mars, au groupe Hachette, des 34,19 p. 100
que la Sofirad détenait dans le capital
d’Europe 1-Communication.
Ce libéralisme aura pour conséquence une
banalisation des radios locales. La loi sur la
communication, votée en 1986, règle une
situation fort confuse, celle des réseaux qui
s’étaient constitués auparavant sans support
légal. Cette innovation résulte de la logique économique du marché : économies
d’échelle, rationalisation des charges, même
programme, ou presque, diffusé simultanément sur l’ensemble du territoire et donc
rapprochement vers le marché publicitaire.
La guerre des sondages fait rage entre les
principaux réseaux : NRJ, qui rivalise en
audience avec RMC ; Chic FM, qui appartient au groupe Hersant ; Hit FM, regroupant UGC et l’agence de publicité RSCCRFM, qui a repris les stations du réseau
CFM après le désengagement d’Europe,
Fun, Skyrock, qui fait partie à 50 p. 100 du
groupe Filipacchi, et 95,2 qui a vu l’arrivée
du Suisse Jean-Claude Nicole. Certains
diffusent via le satellite Télécom 1, tandis
que d’autres développent des programmes
spécifiques à chaque région. Dans le même
temps, ces radios, qui se sont stabilisées
dans leur progression, auront drainé plus
de 500 millions de francs de recettes publicitaires, soit 20 p. 100 des investissements
radio. Aussi, les périphériques inquiètes
tentent d’occuper le terrain et se précipitent
sur la FM.
On est loin du désir d’émergence d’une
expression radiophonique locale. D’autant
qu’à moyen terme moins de cinq réseaux
subsisteront et pas plus de 200 radios
locales...
JACQUES VEBRET
Rupert Murdoch, de son côté, n’a pas
une bonne réputation. Il n’en a que faire.
D’autant qu’il l’a cherché. Sa technique
de développement est simple : commencer par racheter des entreprises au
bord de la faillite. Puis, appliquer la loi
rédactionnelle des trois « S », « sexe,
downloadModeText.vue.download 287 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
286
sang et scandale », au sein des 80 journaux de son groupe (The Times excepté),
répartis entre l’Australie, les États-Unis
et la Grande-Bretagne, Partant de ces
titres, il prend le virage de l’audiovisuel. L’aboutissement est colossal : c’est
d’abord le rachat de la Twentieth Century Fox, mégastructure de production
TV et cinéma, et ensuite l’acquisition
des stations du réseau Metromedia qui
lui permettront de monter un quatrième
réseau face aux trois géants américains,
ABC, CBS et NBC.
Rupert Murdoch est partout. Il vient
de faire le grand ménage dans ses titres
londoniens. Par ailleurs, il contrôle Sky
Channel, la chaîne par satellite la plus
diffusée en Europe. Il ressemble quelque
peu à Robert Hersant : ils ont tout et
veulent le reste. Quitte à s’endetter. Cela
fait partie des personnages et de leur
légende.
Restent les prétendants : Hachette,
qui vise TF 1, Jimmy Goldsmith, PDG
de la Générale Occidentale, patron de
l’Express, « raider » spécialiste des OPA
et des OPE (Presses de la Cité), au détriment de Carlo De Benedetti, Goodyear,
ratée à la dernière minute, et qui regarde
vers la 5, ou encore Robert Hersant... qui
ont compris que sans la télévision il n’y a
point de stature internationale.
Une industrie lourde...
de conséquences
Cette nouvelle donne du paysage médiatique européen, ce bouillonnement des
groupes du Vieux Continent, devenus
des géants, cette activité de production
et de diffusion devenue une véritable industrie, imposent une réalité : l’Europe
de l’audiovisuel est en marche. L’Atlantique a toutes les chances de n’être plus
un obstacle, mais dans le sens Europe-
États-Unis. La tendance s’est inversée.
D’autant que les principaux réseaux
américains sont en proie à des difficultés
financières débouchant sur des coupes
sombres et des politiques de rigueur draconiennes... Une chance pour l’Europe.
D’autant que la communication audiovisuelle, en prenant sa vitesse de
croisière et en acquérant ses lettres de
noblesse, sous l’impulsion de ces géants,
attire de plus en plus les investisseurs financiers, aux côtés des initiatives privées
ou publiques. C’est le cas de Berlusconi,
ou de la CLT, pouvant mobiliser très
rapidement des sommes considérables.
Enfin, si ces géants jouent la synergie de leurs différentes activités, ils
jouent également cette carte entre eux,
n’hésitant pas à s’associer ou à créer des
structures communes. Leur poids et
leurs stratégies outre-Atlantique en seront d’autant plus efficaces : « Entre ces
groupes, explique Holde Lhoest dans son
rapport, existent de nombreux points de
contact. Au-delà de situations concurrentielles souvent aiguës, leurs stratégies
hétérogènes s’entrelacent dans un réseau
d’interdépendances complexes. Pour en
donner un bref aperçu, il suffit d’esquisser la « ronde » dans laquelle s’enchaîne
avec cohérence l’ensemble des groupes
pris en compte. La CLT ayant pour actionnaire l’Agence Havas, toutes deux
sont liées à l’éditeur Bertelsmann dans le
cadre du programme de télévision RTLPlus. De son côté, Bertelsmann compte
parmi ses partenaires du projet à péage
Télé-Club la société Beta-Taurus de Leo
Kirch qui, elle, se trouve être l’alliée des
downloadModeText.vue.download 288 sur 502
SOCIÉTÉ
287
groupes Berlusconi et Maxwell au sein
du Consortium européen pour la télévision commerciale. Or, Maxwell est
devenu coactionnaire de son meilleur
ennemi Rupert Murdoch, dans la chaîne
à péage Première, après l’abandon de
cette chaîne par Thorn-Emi. Rupert
Murdoch, enfin, a conclu un joint-venture avec le groupe Bruxelles-Lambert
dans le cadre de la société Média International. Bruxelles-Lambert étant l’actionnaire principal de la CLT, la ronde
se ferme dans une belle harmonie... »
Rien ne prouve, a priori, que la loi
anti-concentration, votée après le changement de majorité, ne constitue pas
une chance supplémentaire, mais pour
la France cette fois. En effet, elle oblige
indirectement les groupes de communication à aller chercher hors de leur territoire les marchés qui leur échappent ou
qu’ils ne peuvent approcher aux termes
de la loi.
L’an 2000 de l’audiovisuel est aux
portes de l’Europe.
JOSEPH VEBRET
Journaliste spécialisé dans les médias et la communication, collaborateur de Stratégies, chargé de cours au
CELSA et à l’Institut pratique de journalisme, Joseph
Vebret est l’auteur, en collaboration avec Barthélémy, d’un
ouvrage sur les 3 H de la communication (éd. Autrement,
1986).
Échecs
1986 est incontestablement l’année des jeunes. Sokolov,
Youssoupov, Short, sans oublier Kasparov, dominent leurs aînés. La vieille garde
composée de Spasski, Kortchnoi, Portisch,
Polougajevski et Tal est reléguée au second
plan. Les jeunes grands maîtres, sans complexes, règnent. En janvier, Short donne le
ton en gagnant facilement le traditionnel
tournoi des Hauts-Fourneaux à Wijk aan
Zee. Pendant ce temps, à Minsk, le jeune
Sokolov, 22 ans, écrasait par 6 points à 2,
en demi-finale du tournoi des candidats,
le « vieux » Vaganian (35 ans). Dans l’autre
demi-finale, Youssoupov, 25 ans, battait
Timman, 34 ans, 6 points à 3.
En février, le Français Gilles Mirallès,
20 ans, se distingue en gagnant le tournoi
de Cannes devant Kortchnoi. Mirallès réalise à cette occasion sa première forme de
grand maître. Un mois plus tard, à Londres,
Flear, 26 ans, l’emporte devant toutes les
vieilles gloires, Portisch, Polougajevski,
Spasski, Larsen...
Ceskovski créa en avril l’une des plus
grosses surprises de l’année en devenant
champion d’URSS ; il est vrai que les meilleurs Soviétiques étaient absents. La nouvelle génération, avec Malanjouk et Bareev,
pointe son nez aux premières places.
La championne du monde Maia Chibourdanidze réalise un exploit en obtenant le
match nul 4 points partout contre le grand
maître Popovic, cinquantième joueur mondial. Sa performance passe un peu inaperçue, car, au même moment, à Bâle, Kasparov
downloadModeText.vue.download 289 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
288
exécute Miles, 5,5 points à 0,5. Un avertissement pour Karpov avant le championnat
du monde. Karpov lui répond en remportant le plus fort tournoi de l’année, Bugojno ; tous les meilleurs sont là, à l’exception
du champion du monde et de Kortchnoi.
Une petite ombre pourtant au tableau :
Karpov perd contre Sokolov lors de leur
première confrontation. Les feux de l’actualité sont à la fin juillet braqués sur Londres
où les deux K s’affrontent pour la troisième
fois en deux ans. Les bookmakers donnent
Kasparov favori ; pour eux, le champion du
monde conservera son titre sans problème.
Le début du match leur donne raison.
Lorsque les deux joueurs vont à Leningrad
pour la seconde phase du championnat,
Kasparov a un point d’avance. Là, le champion du monde se déchaîne et accroît son
avance, 2 points, puis 3. Pour tous les spécialistes, tout est fini. Sauf pour Karpov.
L’ex-champion du monde réagit vigoureusement et gagne trois parties de suite, revenant à égalité, 9,5 points partout. Le match
est relancé et tout peut arriver. La chance
sourit à Kasparov, qui, en remportant la
vingt-deuxième partie, s’assure un avantage décisif. Deux petites nulles lui permettent de conserver son titre sur le score
de 12,5 points à 11,5 face à un Karpov qui
est loin d’avoir démérité.
À Riga, Sokolov crée la surprise en éliminant Youssoupov par 7,5 points à 6,5. Il
jouera en février 1987 une super-finale face
à Karpov, le vainqueur devant rencontrer
Kasparov en automne, titre de champion du
monde en jeu.
Gilles Mirallès, au départage, obtient le titre
de champion de France, après un match
nul, 2 partout, face à Olivier Renet, 22 ans.
1986 fut une année de passation de pouvoir, les moins de 25 ans chassant les « has
been ». Seul Karpov, 35 ans, a bien résisté
à l’ouragan de la jeune génération sans
complexes.
ALAIN FAYARD
downloadModeText.vue.download 290 sur 502
SOCIÉTÉ
289
Les nouveaux
gourous
Les prêtres ne sont plus des directeurs de conscience.
Les intellectuels n’exercent plus une influence mesurable sur
les modes de vie ou de pensée. L’école n’enseigne plus aux jeunes
les règles d’une « morale » universelle. L’État n’apparaît plus comme un
guide
mais comme un gestionnaire. En cette fin de vingtième siècle,
les maîtres à penser des Français ont bien changé ; ils s’appellent
aujourd’hui
Montand, Tapie, Gainsbourg, Renaud, July, Kouchner, Séguéla...
Les années 60 et 70 avaient été marquées par la conquête du confort
matériel. Les années 80 sont celles de la
perte du confort moral. Les grandes institutions, celles qui servaient de référence
et de guide aux générations précédentes,
sont pour la plupart en déclin ; certaines
même sont proches de la faillite. Il y
avait d’abord la religion, qui, pendant des
siècles, servit de guide à l’ensemble de la
société. Pas besoin d’être un observateur
subtil pour constater que le fossé se creuse
entre le discours officiel de l’Église catholique et les préoccupations des Français.
Les mises en garde répétées contre la liberté des moeurs, les condamnations sans
appel de la contraception ou de l’avortement sont reçues avec agacement par
beaucoup de catholiques et restent sans
effet sur leurs comportements. Il ne faut
pas, bien sûr, nier l’existence et l’importance des mouvements « modernistes »
qui se développent depuis quelques années à l’initiative de la « base », tels que le
Renouveau charismatique ou ces petites
communautés vivant selon de nouvelles
règles. Mais ils ne touchent encore qu’une
faible minorité de pratiquants et ne bénéficient que d’une timide reconnaissance
de la part des autorités religieuses. Il y
avait aussi l’école, qui jouait traditionnellement un rôle déterminant dans la
formation morale des futurs adultes. Il
faut bien constater que les jeunes élèves
des années 80 passent plus de temps à
apprendre les règles du calcul ou de la
grammaire que celles de la morale ou de
la vie en commun, même si Jean-Pierre
Chevènement a rétabli en 1984 l’instruction civique. Les parents, d’ailleurs, ne s’en
plaignent pas, qui considèrent en majorité
qu’il n’appartient pas aux professeurs de
se substituer aux familles pour inculquer
aux enfants les principes de la morale et
de la vie en société. Encore faut-il que ces
principes apparaissent de façon claire aux
parents pour qu’ils soient en mesure de
les enseigner à leurs enfants, ce qui n’est
guère le cas aujourd’hui. Il y avait encore
l’État, pourvoyeur traditionnel (au moins
downloadModeText.vue.download 291 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
290
au cours des trente dernières années) de
la croissance économique et de sa juste
répartition, à travers le système complexe
des impôts et des prestations sociales
en matière de santé, de chômage ou de
retraite. Les dix dernières années ont
montré les limites de son action, lorsque
la situation internationale se détériore
et que la prospérité économique n’est
plus au rendez-vous. Les idéologies politiques, quelles qu’elles soient, se révèlent
alors impuissantes à éviter aux individus
les inconvénients de la crise, dont les
effets se font bientôt sentir dans tous les
domaines. Et l’État-Providence, habitué
à gérer l’abondance et à la répartir entre
tous les citoyens, se trouve tout à coup
contraint de gérer la pénurie et ne parvient pas à la répartir justement, du fait
de privilèges et d’inégalités structurelles
qui apparaissent soudain au grand jour. Il
y avait enfin les maîtres à penser, ce club
d’« intellectuels » qui, pendant les années
fastes, parvenait à se faire entendre du
grand public et à lui insuffler quelques
idées dont on retrouvait la trace jusque
dans les conversations du « café du Commerce ». Ceux-là sont morts avec Sartre,
Aron, Braudel, Foucault et Simone de
Beauvoir. Car leurs successeurs sont
comme désemparés par une situation qui
résiste de plus en plus à leurs analyses,
comme elle a résisté aux prédictions des
experts de tous bords. Alors on considère avec une certaine réserve des affirmations ou explications le plus souvent
contradictoires ; on se demande avec
autant d’ironie que de frayeur « où sont
passés les intellectuels » et l’on baptise à
la hâte les « nouveaux intellectuels », afin
d’avoir un peu de matière grise à moudre
dans les discussions des salons parisiens.
Pendant ce temps, c’est une nouvelle race
de « maîtres à penser » qui occupe un
terrain déserté par les prêtres, les enseignants, les politiciens et les intellectuels.
Ces « nouveaux gourous » s’appellent
Jean Boissonnat, François de Closets,
Harlem Désir, Serge Gainsbourg, Serge
July, Bernard Kouchner, Yves Montand,
Yves Mourousi, Bernard Pivot, Renaud,
Jacques Séguéla, Bernard Tapie. Ils s’appelaient, avant leur fin tragique, Coluche,
Philippe de Dieuleveult, Thierry Sabine.
Malgré sa ressemblance avec un inventaire à la Prévert, cette liste présente une
homogénéité certaine. Tous les noms
qu’elle contient ont en commun deux
caractéristiques essentielles : ce sont tous
des acteurs, compétents dans leurs domaines respectifs, de la vie économique
et sociale ; ce sont tous des personnages
fortement « médiatisés ». La tentation
première, face à cette liste des « nouveaux
gourous » des Français, est de faire la fine
bouche. Pourtant, personne ne peut nier
l’impact présent de ces personnages sur la
scène française contemporaine. Certains
proposeront une explication simple à ce
phénomène. C’est précisément parce que
tous ces personnages occupent le devant
de la scène médiatique française qu’ils
exercent une influence sur les opinions et
les modes de pensée des Français. Toutefois, ce raisonnement ne tient pas, car il
inverse la cause et la conséquence ; il témoigne d’une connaissance superficielle
des médias et des rapports complexes
qu’ils entretiennent avec les autres composantes de la société. C’est, en premier
lieu, parce que tous les personnages cités
incarnent à leur manière un des grands
courants de la société actuelle qu’ils ont
eu accès aux médias. C’est parce que les
downloadModeText.vue.download 292 sur 502
SOCIÉTÉ
291
Français se sont reconnus (ou projetés)
en eux qu’ils ont été à nouveau sollicités.
Bridge
Le bridge de compétition réunit en
France plus de 55 000 membres. Le président de la Fédération, Georges Chevalier,
et son équipe essaient de promouvoir le
jeu par l’université de Bridge et en sollicitant des sponsors pour patronner de nombreuses compétitions. Tous les ans paraît un
tableau des joueurs qui classe ceux-ci selon
leurs performances.
Cette année, le premier joueur français est
Michel Perron et la première joueuse Véronique Bessis.
– À la coupe d’Europe Philip Morris, qui a eu
lieu à Paris du 21 au 23 mars, l’équipe française Martell, composée de MM. Chemla,
Perron, Sharif, Lebel, Reiplinger et Stoppa,
a terminé quatrième.
– Aux championnats d’Europe juniors,
qui se sont déroulés à Budapest, l’équipe
de France, composée de Mme Cronnier,
MM. Desrousseaux, Quantin, Multon, Dussol et Courtel, a obtenu la deuxième place.
– Aux championnats du monde, à Miami,
dans le tournoi par paires mixtes, où les
Américains ont pris les trois premières
places, Mlle Chevalley et M. Mouiel ont terminé sixièmes et première paire française.
– Dans la coupe Rosenblum (championnat
du monde par équipes), également gagnée
par une équipe américaine, l’équipe Martell,
composée de MM. Chemla, Perron, Damiani, Lebel, Stoppa –, a été classée quatrième.
– Dans le tournoi par paires open, qui a été
aussi marqué par une victoire américaine
(MM. Meckstrott et Rodwell), MM. Delmouly et Roudinesco ont pris la neuvième
place.
Une sélection en vue des championnats
d’Europe, à Brighton, débutant en décembre et s’achevant fin mars 1987, désignera la nouvelle équipe de France.
En 1986, les performances des Français
n’ont pas été exceptionnelles. La France
fait, certes, partie des meilleures équipes
mondiales, mais beaucoup de nations, qui
étaient réputées comme moyennes, progressent régulièrement et prennent place
parmi les plus fortes.
FÉLIX COVO
C’est enfin parce qu’ils font preuve
de qualités médiatiques exceptionnelles
qu’ils sont devenus des points de passage
obligés (on dit « incontournables ») pour
la plupart des médias. La démonstration
de cette symbiose entre les grands médiateurs et les grands courants sociaux
est facile à établir. Montand incarne
l’apolitisme croissant des Français et leur
volonté de consensus sur les grandes réalités du moment ; au-delà des idéologies
et des manoeuvres de partis politiques
qui apparaissent aujourd’hui dépassés
ou nuisibles. Tapie représente le réalisme
industriel de la nécessité d’entreprendre
dans une économie de plus en plus soumise à la dure loi de la concurrence mondiale. Séguéla est l’apôtre d’un monde
dans lequel le plaisir et le rêve ne sont
plus des tabous mais des revendications
légitimes ; un monde qui se confondrait
avec celui que nous présente la publicité.
Gainsbourg est le chantre d’un univers
doucement décadent, dans lequel les valeurs morales ne seraient plus collectives
mais individuelles, où le plaisir esthétique l’emporterait sur les satisfactions
d’ordre éthique. Mais Harlem Désir, Renaud et Kouchner nous ramènent à une
réalité plus tangible en nous montrant
downloadModeText.vue.download 293 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
292
les difficultés de la vie en commun et les
différences de traitement des êtres humains au sein du pays comme entre les
différentes régions du monde. Ils sont en
quelque sorte, avec l’abbé Pierre et autres
encore, la mauvaise conscience des
Français. Mais leur mérite (et la source
de leur pouvoir) est de fournir à chacun,
après l’avoir culpabilisé, les moyens de se
donner bonne conscience, en envoyant
un chèque, en achetant un disque, bref
en faisant « quelque chose », au moins
une fois dans l’année. C’est un peu le
rôle inverse que jouait Coluche avec ses
Restaurants du coeur montrant que la
solidarité peut être aussi une fête dans
laquelle on reçoit tout autant que l’on
donne. Ce n’est pas le moindre mérite
de Michel Colucci que d’avoir réussi à
faire agir ses contemporains autant qu’il
les a fait rire (à leurs dépens, d’ailleurs),
et d’utiliser la formidable capacité de
mobilisation des médias pour des « charity-shows », opérations de bienfaisance
à grand spectacle, dont tout le monde
sortait un peu meilleur, en tout cas un
peu moins égoïste ou un peu moins
lâche. Dans un genre évidemment très
différent, Boissonnat, de Closets, July,
Mourousi ou Pivot traduisent aussi dans
leurs façons d’être et dans leurs actions
quelques-unes des tendances de fond
caractéristiques de leurs publics : nécessité du professionnalisme, refus du
dogmatisme, importance grandissante
de la forme. Chacun d’eux est en effet
irréprochable sur le plan professionnel ;
il n’est qu’à écouter leurs chroniques, lire
leurs ouvrages ou regarder leurs émissions pour apercevoir le travail d’information, la qualité d’analyse et le respect
du public dont ils font preuve. Aucun ne
met en avant l’appartenance à une « chapelle » idéologique ou politique ; l’objectivité est pour tous un souci réel qui ne
pourrait guère s’accommoder de compromis. Enfin, tous ces journalistes ont
compris qu’il existait bien des façons de
« passer la rampe » médiatique. La lumineuse concision de Boissonnat, la pédagogie souriante de Closets, l’irrévérence
de July à l’égard des choses et des gens, la
décontraction naturelle de Mourousi, la
bonhomie cultivée de Pivot sont autant
de moyens différents et efficaces de délivrer un message. Face aux discours des
politiciens et des experts engagés qui
viennent à la télévision pour imposer la
bonne parole (la leur !), les analyses plus
nuancées de quelques journalistes bien
informés pèsent d’un poids plus lourd
sur la balance de l’opinion. Quant aux
grands absents (les Alain Colas, Philippe
de Dieuleveult, Thierry Sabine), ceux-là
ont été en mourant sur leur terrain d’action (la mer, les lointaines contrées, le
désert) comme canonisés par le public.
Chacun d’eux personnifiait le besoin
d’aventure et d’évasion présent dans
chaque Français, soucieux d’échapper à
un quotidien souvent difficile. De « gourous », ces trois aventuriers sont passés
au stade de « héros », au sens mythologique de demi-dieux s’illustrant dans
ces sortes de guerres, belles et inutiles,
qu’ils ont livrées à la nature. Plus que
de « héros », c’est d’ailleurs peut-être de
« hérauts », au sens ancien de « porteurs
de messages », qu’il faudrait parler à leur
propos. Car chacun de ces personnages
nous apporte un message précis et instructif sur l’état du monde et de notre
société. Il ne serait donc pas raisonnable
de les ignorer.
downloadModeText.vue.download 294 sur 502
SOCIÉTÉ
293
La faute aux médias ?
C’est l’explosion à la fois technologique et
sociologique des médias au cours des dix
dernières années qui a ouvert les portes
de la célébrité à des individus qui n’étaient
ni artistes, ni politiciens, ni intellectuels,
ni journalistes. Si les Platini, Noah, Prost,
Tabarly, Mac Enroe, Navratilova ou Maradona peuvent être d’une certaine façon
considérés comme des artistes dans leur
spécialité, il n’en est pas de même de personnalités comme Jean-Paul II, Walesa,
Caroline de Monaco, lady Di ou le professeur Schwartzenberg. Tous ces personnages ne sont pas des « gourous », à
l’exception du pape Jean-Paul II dont c’est
la mission première (au sens propre de
« maître spirituel »). Mais ils occupent
une place de premier ordre dans l’actualité et sont souvent sollicités par les médias pour intervenir dans des domaines
très différents de leur spécialité. De sorte
qu’ils jouent finalement un rôle indéniable de prescripteurs vis-à-vis de leurs
admirateurs. On se souvient du scandale
déclenché par Yannick Noah, après qu’il
eut déclaré à un journaliste qu’il lui arrivait de toucher à la drogue... Il n’est donc
pas contestable que ce sont les médias qui
permettent à certains individus d’acquérir un haut niveau de notoriété. Il n’est pas
contestable non plus que cette notoriété
n’est jamais neutre et qu’elle s’accompagne
d’effets de toutes sortes sur l’opinion. La
publicité faite en 1986 à Henri Roques,
docteur en histoire contemporaine (pour
peu de temps !), après avoir soutenu
une thèse pour le moins discutable sur
l’inexistence des chambres à gaz en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, en est une illustration. Elle aura
probablement renforcé les tendances
néo-nazies de certains esprits faibles, en
même temps qu’elle aura permis de redire aux jeunes toute l’horreur des camps
de concentration. Mais il serait faux de
croire que l’émergence d’un personnage
de l’actualité en tant que « nouveau gourou » est un phénomène purement artificiel et médiatique. Si la notoriété est
une condition nécessaire, elle est bien
loin d’être suffisante. Il faut, comme on l’a
montré, que le « médiateur » en question
soit en résonance avec son époque ; il faut
aussi qu’il ait le charisme suffisant pour
entraîner les foules.
Philatélie
La série des timbres artistiques continue
d’obtenir un vif succès auprès des collectionneurs, mais aussi des usagers. Cette
année, ce sont les oeuvres de Maurice Estève, Magnelli et Jean Arp qui ont eu les
honneurs de l’impression. Comme toujours
lors de l’émission, une notice philatélique
avec un agrandissement de l’image mise en
vente était proposée aux amateurs.
À la fin de l’année, une autre bonne surprise attendait les amoureux du timbre et
du cinéma : l’émission d’une très belle série
en deux tons noir et blanc consacrée aux
trésors de la Cinémathèque. Dix timbres
différents, tous à 2,20 F.
Dans la même valeur faciale, les PTT ont
voulu célébrer le centenaire de la statue de
la Liberté. Une très belle opération, puisque
le même graphisme a été utilisé des deux
côtés de l’Atlantique. Un régal pour les amateurs de correspondance...
Pour la première fois, l’Administration a
mis en circulation un timbre sans valeur faciale chiffrée. À la place, une simple lettre :
downloadModeText.vue.download 295 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
294
A, au-dessus du visage vert de Marianne.
Cette vignette est destinée aux plis non
urgents, et son prix d’achat sera affecté par
les augmentations annuelles sans qu’il soit
nécessaire d’imprimer une nouvelle série.
Dans le domaine de l’ancien, les cotes ne
semblent pas souffrir de grande amplitude :
les cours varient assez peu depuis un an,
et, à quelques centimes près, l’on retrouve
les mêmes chiffres que l’an dernier. Le 1 F
vermillon est toujours en vedette avec, dans
sa version « vif » non oblitéré, une cote à
375 000 francs. En bloc de quatre, il atteint
1 million et 750 000 francs (cotation Yvert
et Tellier 1987). Des records qui n’ont pourtant guère varié depuis deux ans. Enfin, le
timbre oblitéré devrait, d’une manière gé-
nérale, revenir en vogue et certaines valeurs
rattraper, voire dépasser, celles des non
oblitérés dans des cas plus fréquents. Ici
encore, la rareté impose sa loi, face à la surproduction de vignettes qui ne sont jamais
utilisées dans le courrier courant.
ALAIN DISTER
L’effet-Tapie :
du show-business
au « business-show »
Star, Bernard Tapie a toujours voulu
l’être. Dès 1966, à l’âge de 19 ans, il met
un « y » à son nom, pour lui donner sans
doute une allure plus américaine, et sort
son premier disque (Passeport pour le
soleil). À l’époque, l’événement passera
largement inaperçu et il faudra que le
chanteur devienne un homme d’affaires
pour que l’on commence vraiment à
parler de lui. Au départ, il y a bien sûr
l’affaire Manufrance, que Tapie reprend
en fanfare avec, semble-t-il, l’appui des
syndicats. Depuis, ce patron de choc aux
allures de play-boy occupera régulièrement le devant de l’actualité, au rythme
de ses reprises d’entreprises en faillite : les
fixations Look, les balances Terraillon,
les piles Wonder, les chaussures Kickers,
les magasins La Vie Claire, ceux de MicMac, la maison de haute couture Grès...
viendront successivement grossir les actifs (les mauvaises langues diront aussi les
passifs !) du « Groupe Bernard Tapie »,
sans oublier l’épisode du rachat des châteaux de Bokassa. Le tout sous l’oeil stupéfait et admiratif de la plupart des médias
et de la grande majorité des Français,
qui gardent toujours une place dans leur
coeur pour les Zorros de tout poil. Non
content de bouleverser les règles du jeu
industriel et patronal (ses ennemis lui reprochent de bouleverser aussi celle de la
gestion), Tapie s’intéresse alors au « sponsoring ». Bernard Hinault et l’équipe
de La Vie Claire remportent le Tour de
France 1985 ; Greg Lemond et la même
équipe remporteront le Tour 86. Chaque
fois, le sponsor occupera autant les médias que ses champions. Après le vélo,
c’est au football, autre activité populaire,
que Tapie s’intéresse, avec la reprise
de l’Olympique de Marseille. Depuis
longtemps, on prête à Tapie l’intention
d’amorcer une carrière politique. De
fait, plusieurs sondages montrent que les
Français le verraient volontiers ministre
de l’Industrie. L’accord industriel conclu
avec Bouygues lui a d’ailleurs permis
de mettre de l’argent de côté, et certains
n’hésitent pas à affirmer qu’il pourrait lui
être utile pour financer une campagne
électorale... Et puis, sur sa demande, TF1
lui confie, au début de 1986, l’animation
d’une série d’émissions (Ambitions). Une
formidable tribune pour quelqu’un qui
veut asseoir sa notoriété et faire passer
quelques idées personnelles. Quelles que
downloadModeText.vue.download 296 sur 502
SOCIÉTÉ
295
soient la nature des ambitions de Bernard
Tapie et la santé de son groupe, force est
de constater que l’homme a su mobiliser
à son service l’ensemble des médias. De
7 sur 7 au Jeu de la vérité en passant par
l’Heure de vérité ou la une des grands magazines, la « couverture médiatique » de
Bernard Tapie est supérieure à celle de la
plupart des leaders politiques. Les conséquences ne se mesurent pas seulement en
termes de notoriété (la sienne est proche
de 100 p. 100, c’est-à-dire autant que celle
de Mitterrand ou de Chirac, mais plus
que celle de Léotard ou de Jospin). Elles
sont aussi économiques : si l’on évaluait
le budget publicitaire équivalent aux
retombées des actions personnelles de
Tapie dans les médias, c’est en dizaines de
millions de francs actuels qu’il se chiffrerait. Enfin, sur le plan social, l’impact de
Bernard Tapie illustre trois des changements sociologiques les plus profonds de
ces dernières années : la réhabilitation de
l’entreprise et des patrons ; le rôle croissant des médias dans le fonctionnement
social ; l’importance de la forme par rapport au fond, du charisme personnel de
celui qui s’adresse au public à travers la
télévision.
La vie par personnes interposées
Les « nouveaux gourous » jouent en
réalité un double rôle dans la société
actuelle. Ils contribuent bien sûr à faire
évoluer les opinions et les attitudes dans
un certain nombre de domaines. Cette
influence est d’ailleurs pour eux d’autant
plus facile à exercer qu’ils ont pu accéder
à cette place privilégiée dans le coeur des
Français parce que leurs conceptions de
la vie étaient, au départ, assez proches.
Mais le rôle social des « nouveaux gourous » ne s’exerce pas seulement au niveau conscient. En même temps qu’ils
répondent par leurs idées, leurs déclarations, leurs analyses à certaines des questions que se posent les Français sur les
grands sujets du moment, ils leur servent
aussi d’exutoire. L’une des caractéristiques
des Tapie, Séguéla, Gainsbourg, July,
Kouchner, etc., est avant tout de faire des
choses difficiles (créer des entreprises,
imposer des produits et des marques,
composer des musiques, diriger un quotidien, organiser l’aide au tiers monde...)
et d’être parmi les meilleurs dans leur
spécialité. Le « Français moyen » n’a pas
en général les capacités, l’expérience ou
l’énergie nécessaires pour s’engager dans
l’une de ces voies. Il est donc particulièrement ravi de constater que d’autres le
font à sa place ; il les en remercie en leur
accordant son attention et son affection.
Tout naturellement, il tend même à leur
déléguer une partie de ses responsabilités. Ainsi, les Français, conscients de la
nécessité de créer des entreprises pour
lutter contre le chômage, confient-ils
volontiers cette tâche à Bernard Tapie.
Persuadés de la nécessité de réduire les
inégalités entre les pays riches et les pays
pauvres, ils se félicitent de l’action menée
par Kouchner et Médecins sans frontières,
sans s’impliquer pour autant à titre personnel, sauf de temps à autre en faisant
parvenir un chèque à une association ou
en achetant un disque au profit des enfants d’Éthiopie. Pourtant, ce rapport un
peu ambigu de délégation à des personnalités sélectionnées donne une image
fausse de la société française contemporaine. Le simple examen du contenu des
médias montre à l’observateur une société
downloadModeText.vue.download 297 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
296
dans laquelle souffleraient à la fois l’esprit
d’entreprise, l’esprit de solidarité, l’esprit
d’aventure et l’esprit libéral. Une analyse
un peu plus fine montre que la situation
n’est pas aussi claire : les créations d’entreprise sont pour une bonne part le fait de
chômeurs qui n’ont parfois guère d’autres
solutions pour disposer d’un emploi ; la
solidarité n’est souvent qu’un moyen de se
donner bonne conscience, en répondant
ponctuellement à un appel plutôt qu’en
consacrant de façon continue du temps
et de l’énergie à l’amélioration de la situation de ses semblables ; l’esprit d’aventure
consiste le plus fréquemment à vibrer
aux exploits des autres, au moment du
rallye Paris-Dakar, ou en savourant les
belles images des grandes courses à la
voile ; l’esprit libéral est pour beaucoup
un mot, qu’ils récusent dès lors qu’il met
en cause les avantages acquis et le confort
existant. Les « nouveaux gourous » élus
par les Français sont donc en fait investis
par eux d’une sorte de procuration pour
effectuer en leur lieu et place ce qui est
bon pour l’amélioration de la justice sociale et le rétablissement de la prospérité
économique.
Mode
Il fait tourner les têtes et chavirer tous les
regards. Par lui, les femmes ont retrouvé
l’identité de leur sexe, exhibant avec fierté
leur silhouette galbée. En glissant voluptueusement et sensuellement dans le tube
de l’année 1986, un nom qui va comme un
gant à ce fourreau de jersey noir, évocateur
de l’époque, elles ont fait triompher la mode
à fleur de peau.
À l’origine de cette ligne, moulante et délicieusement provocante, qui fait corps avec
les formes, le désir d’affirmer sa différence
en jouant ses meilleurs atouts (buste menu,
taille fine, hanches fuselées et jambes découvertes) ; le refus aussi de se couler dans
le moule unisexe et androgyne du jean,
symbole de la décennie précédente et le
besoin peut-être de se sécuriser face à la
multiplicité des tendances. Car, au fil des
années, celles-ci ont transformé la mode en
un gigantesque kaléidoscope, sans règles, ni
points de repères. À la fois étourdissant et
équivoque, le fourreau a son langage. Ligne
stricte mais coupe savante, il exprime la
rigueur côté face ; la sensualité côté pile.
Précurseur de cette allure à double tranchant, reflétant toute l’ambiguïté féminine :
un homme. Il s’appelle Azzédine Alaïa. Plébiscité à l’unanimité, son style a engendré
de nombreux émules. Toutes générations de
couturiers, créateurs, stylistes confondues,
personne n’échappe à son influence. En faisant du corps un nouvel objet de convoitise,
il a imposé l’idée d’un chic inédit. Simple
mais insolent.
LAURENCE BEURDELEY
La fin des intellectuels ?
On ne trouve guère, dans la catégorie
décrite précédemment, de personnalités
correspondant à la définition traditionnelle des « intellectuels », que l’on pourrait énoncer, par exemple, de la façon
suivante : individus pourvus d’un fort
bagage scolaire et d’une grande culture,
engagés généralement dans des activités
universitaires de réflexion, d’écriture et
de recherche. Cela ne signifie pas qu’il n’y
a plus en France, comme on le prétend
parfois, d’intellectuels au sens classique
du terme ; des Jean Baudrillard, Raymond Boudon, Pierre Bourdieu, Michel
downloadModeText.vue.download 298 sur 502
SOCIÉTÉ
297
Crozier, Emmanuel Le Roy Ladurie, Edgar Morin, Michel Serres, Alain Touraine
et quelques autres continuent de porter
haut les couleurs de la pensée française.
Mais il est clair que les Français préfèrent
choisir leurs guides parmi ceux qui sont
engagés dans la vie économique et sociale
du pays plutôt que dans les universités.
De plus, les « vrais » intellectuels sont
assez peu et souvent mal « médiatisés ».
En dehors de quelques performances réalisées à Apostrophes par un Michel Serres
ou un Claude Hagège, l’espace audiovisuel réservé aux sujets dits « sérieux » est
le plus souvent occupé par les « nouveaux
intellectuels », sortes de transition entre
les précédents et les « nouveaux gourous »
dont il est question ici. Le premier phénomène (désaffection des Français pour
la vie intellectuelle classique) s’explique
assez facilement. La situation actuelle de
la France, engagée comme les autres pays
occidentaux dans une longue période de
mutation, est marquée par la confusion.
Les récentes années ont sonné le glas de
beaucoup d’idéologies et de tentatives
théoriques d’explication des grands mouvements économiques et sociaux. Pour
vaincre cette impuissance soudaine à
décrire et à comprendre l’évolution, un
grand vent de réalisme et de pragmatisme s’est abattu sur le pays balayant du
même coup bon nombre d’idées reçues.
Les intellectuels, dont le rôle essentiel est
précisément de fabriquer des explications
organisées du monde dans lequel nous
vivons, ont donc perdu une partie de leur
crédit auprès d’un public qu’ils fascinent
beaucoup moins que par le passé. Depuis
la mort de Sartre, Aron, Lacan, Foucault, Simone de Beauvoir et de quelques
autres « grands esprits », personne ne
semble sur le point de prendre la relève.
Sans doute parce que peu d’intellectuels
contemporains peuvent prétendre à ce
statut de « spectateur engagé » qui faisait
la force d’Aron et qui fait celle des « gourous » d’aujourd’hui. Peu séduits par la
production actuelle des intellectuels, impuissants à expliquer le monde comme il
va, les médias se tournent alors tout naturellement vers ceux qui sont en position
de le « sentir », sinon de l’expliquer. Ce
sont souvent des journalistes, des artistes,
des industriels qui répondent le mieux à
cette définition.
Vie pratique : Le Minitel
Les Américains nous l’envient. Pour une
fois, nous prenons plusieurs longueurs
d’avance dans le domaine de la télématique ! C’est notre système hypercentralisé qui a permis l’explosion de ce mode de
communication. Chaque jour, de nouveaux
services s’ajoutent à une liste déjà longue.
Le plus ancien est l’annuaire électronique.
À terme, il devrait remplacer le vénérable
volume imprimé qui commence à coûter
fort cher aux PTT. Le Minitel est pratique
pour obtenir un renseignement SNCF ou
Air France : pas de standard saturé, réponse
immédiate et claire. Utile aussi pour passer
commande auprès des magasins spécialisés dans la vente par correspondance, du
type la Redoute ou les 3 Suisses. Indispensable, enfin, pour contrôler son compte en
banque. Autant d’opérations trop sérieuses
pour une masse d’usagers qui persistent, les
bienheureux, à considérer l’informatique
comme une source infinie de jeux d’esprit.
Dès lors, se sont multipliés les messageries
plus ou moins coquines, les jeux divers, les
tests rigolos, tout cela, bien sûr, facturé au
prix fort sur le fameux 36.15 (1 F la midownloadModeText.vue.download 299 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
298
nute). Certains pouvoirs ou ligues de vertu
se sont inquiétés, voire indignés, de l’usage
polisson fait d’un service public. Pourtant,
on imagine mal les PTT renoncer à cette
manne providentielle sous prétexte d’assainissement des moeurs. Outil scientifique, le
Minitel est aussi au service de techniciens,
de savants et d’ingénieurs. Dans sa version
haut de gamme, le modèle 20, il permet de
travailler tranquillement à domicile en restant branché sur le terminal de l’entreprise.
La création constante de nouvelles banques
de données devrait étendre aux usagers
« ordinaires » un nombre et une qualité incomparables de services. Tout ce qui est aujourd’hui du domaine de la prospective est
du domaine de la réalité de demain. Grâce à
une petite boîte branchée sur un téléphone.
ALAIN DISTER
À une époque où la quasi-totalité des
foyers sont équipés d’un récepteur de
télévision, où les Français passent en
moyenne près de trois heures chaque
jour devant leur petit écran, il est clair
que la forme de la communication prend
une importance considérable. Après une
journée de travail et le journal télévisé
du soir qui apporte son lot quotidien de
catastrophes, la prestation d’un Bernard
Tapie est généralement mieux reçue
dans les foyers que celle d’un expert de
l’INSEE ou du CNRS. Interrogés sur le
même sujet (par exemple la création
d’entreprise), le premier sera probablement plus regardé que le second, même
si celui-ci a des révélations à faire sur
l’état du monde, tel qu’il apparaît dans
les études qu’il conduit. Dans la galaxie
Mac Luhan, les temps seront de plus en
plus difficiles pour ceux qui continueront
de penser que ce que l’on dit mérite plus
d’intérêt que la façon dont on le dit... La
crise des intellectuels est donc autant une
crise de la forme qu’une crise du contenu.
Il ne leur suffira pas d’inventer de nouvelles explications (même crédibles) aux
mouvements apparemment erratiques
du monde contemporain pour retrouver
l’influence qu’ils avaient dans le passé. Il
leur faudra aussi faire preuve d’une forme
nouvelle de respect pour un public dont
ils ne peuvent plus ignorer l’évolution et
les goûts, simples et légitimes. En attendant, ce sont les « nouveaux gourous » qui
continueront de jouer le rôle, essentiel,
de miroir-guide-directeur de conscience
auprès d’une large majorité de Français.
Une situation à la fois logique et préoccupante. Car elle montre aussi bien la force
de la société médiatisée dans laquelle
nous vivons désormais que les excès et les
insuffisances qu’elle peut engendrer. C’est
finalement à tous les Français de veiller à
ce que la médiatisation ne soit pas synonyme de médiocratisation.
GÉRARD MERMET
Ingénieur Arts et Métiers, MBA de l’université de Columbia (New York), enseignant à l’université de Paris-Dauphine, Gérard Mermet est un spécialiste de l’analyse des
modes de vie et du changement social et collabore aux
travaux de plusieurs sociétés d’études. Il est l’auteur de
Francoscopie et de la Bataille des images (Larousse).
downloadModeText.vue.download 300 sur 502
POINT DE L’ACTUALITÉ
299
La réforme
de l’audiovisuel
La nouvelle majorité politique était
décidée à aller vite sur le terrain de
la communication. Trois lois, votées
coup sur coup, sont venues remodeler le
paysage médiatique français : la loi sur
la presse, la loi Léotard sur la communication audiovisuelle, ainsi qu’une loi
anticoncentration.
La loi « anticoncentration » organise
très précisément le paysage médiatique,
afin d’éviter les positions dominantes.
D’autant que la plupart des groupes de
communication français s’intéressent à
l’audiovisuel, dans un souci de diversification, mais aussi dans l’espoir d’occuper
le terrain dans une sorte d’autodéfense.
La télévision fascine, mais elle fait peur.
Ces mêmes groupes sont devenus des
mastodontes. Les 3 « H » en particulier : Hersant, le papivore, qui s’intéresse
à TF 1, Hachette, qui a repris en mars le
groupe Europe 1-Communication et le
groupe Havas, associé à la CLT, dont il
est un des actionnaires, candidat à la cinquième chaîne.
Les 3 « H » ont été d’abord exclus du
marché de la télévision. La dernière mouture du texte les favorise. Ainsi, concernant la télévision, personne ne peut
détenir plus de 25 p. 100 d’une chaîne
nationale. Et qui possède déjà entre
15 p. 100 et 25 p. 100 d’une chaîne nationale ne peut acquérir plus de 15 p. 100
du capital d’une autre chaîne. Enfin, qui
détient plus de 5 p. 100 de deux chaînes
ne peut détenir plus de 5 p. 100 d’une
troisième. Pour une chaîne diffusée par
satellite, nul ne peut détenir plus de
50 p. 100 du capital. Pour deux chaînes,
ce pourcentage tombe à 33 p. 100. Même
règle des 50 p. 100 pour une télévision
hertzienne. Pas de possibilité de cumuler des autorisations régionales au-delà
d’une couverture totale de 6 millions
d’habitants.
Pour la radio, la règle interdit de toucher plus de 15 millions de personnes
avec un second programme, pour peu
que l’on possède déjà une radio diffusant
sur le plan national.
Quant à la presse, la loi interdit à une
même personne le contrôle de plus de
30 p. 100 des publications quotidiennes
d’information politique et générale.
Restent les cumuls multimédias : aucune
autorisation concernant la télévision, la
radio ou l’exploitation d’un réseau câblé
ne pourra être attribuée à une personne
se trouvant en position dominante dans
deux des quatre secteurs de la communication. C’est-à-dire, si elle est déjà titulaire d’autorisations pour des télévisions
hertziennes touchant 4 millions d’habitants, ou si elle est déjà titulaire d’autorisations pour des radios desservant plus
de 30 millions d’auditeurs, ou encore titudownloadModeText.vue.download 301 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
300
laire d’autorisations d’exploitation de réseaux câblés pour 6 millions d’habitants,
ou enfin si elle contrôle plus de 20 p. 100
de la presse quotidienne politique ou
d’information générale.
Au niveau régional, un opérateur choisira entre la presse, sans limitation de
diffusion, une télévision émettant sur la
zone concernée, un réseau câblé, une radio pouvant être reçue par les deux tiers
des habitants de la zone.
Les 3 « H » sont préservés : Hachette
peut conserver Europe 1 et entrer dans le
capital de TF 1 ; Hersant peut se diversifier sans avoir à vendre un seul titre.
Havas, déjà actionnaire de Canal Plus à
25 p. 100, peut obtenir 15 p. 100 du capital de la 5. Du sur mesure !
JOSEPH VEBRET
downloadModeText.vue.download 302 sur 502
301
Économie
Introduction
La reprise mondiale tant souhaitée à la
fois par les pays industriels et par le
tiers monde devait nettement s’affirmer
en 1986, après s’être amorcée progressivement depuis 1982. Plusieurs facteurs
semblaient aller dans le sens d’une croissance plus forte : d’une part, les politiques
d’assainissement suivies par de nombreux
pays, le plus souvent sous l’impulsion du
libéralisme, commençaient à porter leurs
fruits ; d’autre part, un environnement
international très favorable se dessinait
avec la dépréciation du dollar, la chute
du prix du pétrole et la baisse des taux
d’intérêts.
Mais ces prévisions optimistes ne se
sont pas réalisées et les résultats sont
décevants. Le taux de croissance de
l’économie mondiale a atteint seulement
2,5 p. 100 en 1986, soit un peu moins
qu’en 1985. Le ralentissement est particulièrement net aux États-Unis et au Japon,
alors qu’en revanche, la France connaît,
pour la première fois depuis quelques
années, une croissance qui se rapproche
de la moyenne. Mais l’Allemagne fédérale
reste la plus dynamique.
Ces erreurs de prévisions, d’ailleurs de
plus en plus fréquentes, peuvent s’expliquer en grande partie par deux phénomènes caractéristiques de l’année et qui
sont d’ailleurs liés. Il s’agit du manque de
concertation internationale et de la montée des incertitudes en raison de l’interdépendance croissante des économies.
La concertation internationale
à l’épreuve
L’économie mondiale oscille en permanence entre la coopération et l’affrontement. Cette situation est à la longue
néfaste à ses progrès. Aussi, peu à peu, les
tenants du libéralisme même semblent se
rallier à la nécessité d’une concertation,
de négociations multilatérales, au lieu
d’appliquer la politique du chacun pour
soi. Pourtant la mise en pratique est difficile tant les intérêts sont divergents.
D’abord, la coordination tant réclamée
des politiques économiques s’est heurtée
à l’opposition constante entre la position américaine et celles de l’Allemagne,
et, dans une moindre mesure, du Japon.
Les États-Unis, partisans du dopage économique, exigeaient la baisse des taux
d’intérêts et la stimulation de la demande
intérieure chez leurs deux partenaires.
Le Japon et l’Allemagne désiraient, en
revanche, une plus grande stabilité monétaire et refusaient de jouer les locomotives. Comme moyen de chantage, les
downloadModeText.vue.download 303 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
302
Américains ont laissé filer le dollar audelà des objectifs définis lors de l’accord
du 22 septembre 1985. C’est seulement
lorsque le Japon a cédé, le 31 octobre, en
baissant pour la quatrième fois son taux
d’intérêt, qu’un accord nippo-américain
de stabilisation de la parité entre le yen et
le dollar est intervenu, isolant encore plus
les Européens.
De même, dans le cadre des échanges
internationaux, le contraste est frappant
entre ces deux attitudes : d’une part, le
climat de guerre économique s’intensifie entre les différents partenaires avec
l’accentuation des pressions protectionnistes, le développement des mesures
discriminatoires et la résolution des problèmes au coup par coup ; d’autre part,
dès l’automne, s’est ouvert officiellement
à Punta del Este, en Uruguay, un nouveau
cycle de négociations commerciales multilatérales (NCM) qui durera plusieurs
années et dont le but est de renforcer la
vitalité du libre échange, avec encore plus
d’ambition, puisque, pour la première
fois, de nouveaux thèmes seront abordés,
tels l’agriculture et surtout les services.
Bien d’autres exemples pourraient
corroborer les difficultés de la concertation internationale, comme les rapports
Nord-Sud, les relations entre membres de
l’OPEP, ou entre États de la communauté
du tiers monde.
La montée
des incertitudes
Dans une économie de plus en plus complexe, mondiale et changeante, la montée
des incertitudes, au regard tant des fluctuations excessives que des déséquilibres
permanents et croissants, constitue le second handicap, et non des moindres, qui
rend les prévisions inopérantes et favorise la stagnation internationale.
En matière de fluctuations, l’année 1986 a été particulièrement riche.
D’abord, en décembre 1985, l’OPEP, renonçant à son rôle de gardien des prix
mondiaux du pétrole, afin de privilégier
la défense de ses parts de marché, a provoqué l’effondrement du marché. Le prix
du baril de 28 dollars est tombé à 7 dollars en juillet, pour retrouver progressivement un niveau de 14-15 dollars après
l’accord du 4 août, renouvelé en octobre,
qui marque un retour au plafonnement
de la production. La polarisation sur ce
contre-choc pétrolier ne doit pas faire
oublier l’évolution également chaotique
du cours des matières premières dont
dépendent encore largement les pays
sous-développés.
De même, le dollar, depuis l’accord de
septembre 1985, a perdu 55 p. 100 de sa
valeur par rapport au yen et 30 p. 100 par
rapport au mark allemand. La spéculation sur la monnaie allemande perturbe
à son tour le fonctionnement du Système
monétaire européen, déjà soumis à un
réaménagement en avril 1986.
Enfin, les variations perpétuelles des
taux d’intérêts risquent d’amoindrir les
bienfaits attendus de leur baisse amorcée
depuis 1982.
En matière de déséquilibres, les écarts
se creusent. Les déséquilibres économiques sont de plus en plus flagrants.
Ainsi, la surproduction se généralise
pour un grand nombre de produits face
à une demande solvable stagnante, les
stocks s’accumulent, les prix baissent,
la concurrence entre les producteurs
s’accentue. Le marché du blé, analysé par
downloadModeText.vue.download 304 sur 502
ÉCONOMIE
303
Gilbert Rullière, est représentatif de ce
mouvement. À l’inverse, de nombreux
pays sont confrontés à la faiblesse de leur
appareil productif, incapable de répondre
aux accroissements de la demande tant
intérieure qu’extérieure, et qui reflète leur
manque de compétitivité. Cette situation
provoque à son tour des déséquilibres
extérieurs avec le décalage entre le déficit croissant des États-Unis, en dépit de
la baisse du dollar, et les excédents également à la hausse en Allemagne fédérale
et au Japon.
Les déséquilibres financiers s’accentuent aussi. Les déficits budgétaires dépassent les prévisions, en particulier celui
des États-Unis, malgré la loi GrammRudman qui, outre une réforme fiscale,
impose le retour sur cinq ans à l’équilibre
budgétaire. À l’impressionnante dette
intérieure américaine s’ajoute son endettement extérieur qui devient alarmant
puisque le pays est devenu, pour la première fois en 1985, débiteur net par rapport au reste du monde et particulièrement du Japon passé, à l’inverse, premier
créancier du monde.
Enfin, plus dangereux encore, s’avère le
déséquilibre entre la sphère financière et
la sphère réelle. Partie des États-Unis, la
« révolution financière » (internationalisation, innovations financières, déréglementation et désintermédiation) se propage, comme le montre le « Big Bang »
de la City de Londres, à la fin d’octobre
1986 ; elle provoque, certes, l’envolée
des cours de la Bourse, mais a tendance
à privilégier les activités purement spéculatives au détriment des activités productives. La situation économique n’est
pas des meilleures, au regard de la faible
croissance, de la montée du chômage et
de l’insuffisance des investissements et
des débouchés.
Les trois tendances dominantes
Il semblerait que les désordres monétaires et financiers soient au contraire
indissociables de l’aggravation de la crise.
Car, finalement, le bilan, après bientôt
quinze années de crise, est encore lourd
au regard des trois tendances dominantes
que sont la désinflation, certes atout positif mais fragile, le développement du chômage dans les pays développés et l’endettement croissant du tiers monde.
La désinflation. Les politiques monétaires et budgétaires restrictives, conjuguées à un environnement de plus en
plus favorable (faiblesse des revendications salariales liées au chômage, désinflation importée grâce à la baisse des prix
des matières premières, du pétrole puis
du dollar) ont permis aux économies occidentales d’amorcer un ralentissement
de la hausse des prix, qui n’est plus que
de 2,5 p. 100 en 1986, même si les succès
demeurent inégaux.
Mais si la désinflation a des effets bénéfiques, notamment en permettant une reprise sur des bases saines, elle est un atout
fragile dans la mesure où elle pénalise les
agents endettés et freine l’incitation à
investir tant que la baisse des taux d’intérêts nominaux n’a pas atteint l’ampleur du
ralentissement de la hausse des prix. Or,
on ne sait encore si la désinflation va se
poursuivre, avec le risque de dégénérer
en déflation, ou si, au contraire, les forces
inflationnistes vont se réveiller. L’article
d’Alain Bienaymé, pose l’ensemble du
problème, fait le point de la situation,
recherche ses causes et ouvre les perspecdownloadModeText.vue.download 305 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
304
tives possibles ou probables en matière de
désinflation.
L’endettement du tiers monde est
un des plus inquiétants problèmes que
la communauté internationale ait aujourd’hui à résoudre. Les risques, en effet,
s’accentuent non seulement parce que la
dette a décuplé en quinze ans pour dépasser les 1 000 milliards de dollars en 1986,
mais parce qu’elle est concentrée tant au
niveau des pays débiteurs (essentiellement l’Amérique latine) que des banques
créancières (surtout les États-Unis). Aussi, une crise financière internationale est
à craindre si se multipliaient les défauts
de paiement.
Les pays du tiers monde ont transféré en 1986 plus de capitaux à l’extérieur
qu’ils n’en reçoivent, bloquant ainsi toute
possibilité de croissance. Le plan Baker
d’octobre 1985 veut rompre avec ce cercle
vicieux en permettant la reprise des pays
les plus endettés grâce à des crédits privés et publics supplémentaires. Mais les
banques hésitent de plus en plus à s’engager comme en témoigne le sauvetage
financier du Mexique péniblement réussi
en 1986.
Pierre Jacquet retrace la genèse de la
crise, délimite les enjeux des négociations concernant la gestion de la dette et
s’interroge sur l’avenir des relations entre
les prêteurs et les États du tiers monde.
Le chômage et la crise de l’emploi.
Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, le
nombre de chômeurs a triplé depuis 1973
et concerne 31 millions de personnes en
1986, soit 8,4 p. 100 de la population active. Le chômage est d’autant plus préoccupant qu’il est concentré sur les jeunes
et les chômeurs adultes de longue durée,
ce qui aggrave les inégalités sociales et
augmente la proportion de « nouveaux
pauvres ».
Pour lutter contre ce fléau, les politiques économiques ont utilisé séparément ou conjointement différents
moyens qui vont du traitement social du
chômage à la relance de la croissance,
accompagnée d’un effort de formation,
en passant par la recherche d’une plus
grande flexibilité. Aucune de ces solutions n’a permis la régression du chômage. Aussi, un autre langage semble
s’amorcer en 1986, du moins en France ;
il est résumé par le ministre des Affaires
sociales Philippe Séguin, quand il parle
de « chômage incompressible » quelles
que soient les politiques suivies.
Delphine Girard, à partir de l’exemple
français, analyse ce revirement dans la
façon d’aborder le chômage et traite de
la situation comme des politiques suivies
en matière d’emploi, particulièrement depuis le changement de majorité en mars
1986.
DOMINIQUE COLSON
downloadModeText.vue.download 306 sur 502
ÉCONOMIE
305
La désinflation
2,2 p. 100 d’inflation en 1986. Ce résultat, exceptionnel pour la France,
confirme la tendance au ralentissement des hausses de prix
dans les pays occidentaux et la rupture avec l’idée naguère dominante,
selon laquelle le chômage pourrait être vaincu au prix d’une inflation
plus rapide.
Comme le mot le suggère, la désinflation se définit par référence à l’inflation. La plupart des nations occidentales
ont connu sans désemparer depuis la
Seconde Guerre mondiale, une augmentation quasi générale des prix des biens
et des services, ces prix étant exprimés
en monnaie à leur valeur nominale. Bien
qu’ils n’aient pas varié à la même cadence
pour chacun des biens et des services
qui composent le produit intérieur brut,
l’habitude s’est prise de résumer l’inflation par un seul chiffre : celui du taux
annuel d’augmentation du niveau général
des prix. Il est calculé soit en moyenne
annuelle par le rapport du niveau d’ensemble des prix observés en année n au
niveau de ceux qui avaient été enregistrés
dans l’année précédente, soit en glissement par estimation de la tendance observée au cours des douze derniers mois
connus. Ce procédé est commode, mais à
la condition de garder présent à l’esprit :
a) que le calcul d’une moyenne cache
une évolution plus ou moins divergente des prix des éléments composant le produit intérieur, et en particulier les biens de consommation ;
b) que les taux de salaire ont tendance à
croître plus vite, sauf en période d’hyperinflation, en sorte que la dépréciation
du pouvoir d’achat de l’unité monétaire
n’entraîne pas fatalement celle du niveau
de vie des consommateurs (voir : J. Fourastié et B. Bazil, Lorsque les prix baissent,
Hachette, 1983).
La désinflation est le ralentissement
graduel de l’inflation ainsi définie : les
prix continuent en général d’augmenter
mais à un rythme continûment décroissant ; plus exceptionnellement, le niveau
général des prix diminue au lieu de monter, comme le montre l’exemple de la
République fédérale d’Allemagne depuis
avril 1986.
Le concept de désinflation doit être
distingué d’un terme voisin, celui de
déflation. La désinflation concerne seulement les variations du rythme auquel
l’inflation déprécie la valeur de l’unité
monétaire. La déflation recouvre de manière souvent indistincte le tassement des
valeurs nominales de la production, de
la dépense, des crédits, etc., et confond
dans un même mouvement les prix et les
quantités correspondantes.
Les économies occidentales sont entrées depuis 1980 dans une période de
désinflation qui, pour ne pas être sans
précédent, n’en a pas moins retenu l’attention en raison de ses aspects très particuliers. Le tableau et le graphique mettent
downloadModeText.vue.download 307 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
306
en évidence la diminution du rythme annuel de hausse des prix à la consommation relevés dans les dix principales nations occidentales. En six ans, de 1980 à
1986, l’inflation a perdu 9 points pour les
dix pays observés et n’atteint plus que des
valeurs de 3,7 p. 100 en 1985, 2,2 p. 100
en rythme annuel en 1986. Ce processus
n’est certes pas nouveau. Le graphique
met en évidence, en effet, le ralentissement intervenu après le premier choc
downloadModeText.vue.download 308 sur 502
ÉCONOMIE
307
pétrolier qui s’était traduit par un quadruplement du prix du pétrole intervenu
en quelques jours en octobre 1973. Mais
l’originalité de la désinflation qui a succédé au second choc pétrolier, lequel se caractérisait par un triplement des prix du
pétrole entre fin 1979 et l’automne 1981,
est de rapprocher les économies occidentales d’un régime de stabilité monétaire.
Les bienfaits de la désinflation
Avant d’indiquer les causes de ce phénomène, il convient de rappeler en quoi la
désinflation est désirable et constitue un
progrès à mettre à l’actif des politiques
économiques occidentales et des com-
portements des agents économiques des
années 1980. Comme le démontrent
amplement les expériences d’inflation
accélérée à des taux dépassant le seuil
psychologique des deux chiffres, c’est-àdire de 10 p. 100, et à plus forte raison
dans les cas historiques d’hyperinflation
(à 3 ou à 4 chiffres, voire à plus) la dégradation de la monnaie déséquilibre les
relations d’échanges, sape la confiance
des agents économiques dans les institutions financières, redistribue les richesses
de manière injuste et déstabilise en fin de
compte les rapports sociaux et politiques.
Une inflation, même modérée, à 4 ou
5 p. 100 l’an par exemple, non seulement
excède encore le taux moyen de croissance du produit intérieur en termes
réels, mais elle risque à tout moment de
dégénérer et de préluder à un emballement des prix. Les calculs économiques
se trouvent alors complètement faussés,
en raison des perspectives de dévalorisation de la monnaie ; une indexation quasi
généralisée des prix se produit, chaque
acteur cherchant à se prémunir contre
l’inflation qu’il anticipe ; l’épargne diminue, l’investissement recule au profit des
placements spéculatifs à court terme : de
ce fait, la productivité et l’emploi finissent
rapidement par décliner. Par conséquent,
la désinflation est particulièrement bienvenue, car elle annonce un certain retour
à l’ordre, prometteur pour le développement durable du pouvoir d’achat, de
l’épargne et de l’investissement productif,
et donc pour le soutien de l’activité ainsi
que son orientation vers les productions
les plus authentiquement demandées par
le consommateur.
Lorsque, de surcroît, la désinflation
permet à un pays comme la France de
réduire son propre différentiel de hausse
des prix vis-à-vis de ses partenaires
étrangers, ce pays rejoint alors peu à
peu le peloton des nations qui bénéficient de la stabilité ; il renforce par là
même ses positions dans la compétition
internationale. En effet, à taux de change
constant, le prix de ses produits, exprimé
en yens, en marks ou en dollars, enchérit de moins en moins ; par conséquent,
les producteurs du pays considéré défendront mieux leurs parts de marché tant à
l’intérieur que sur les marchés mondiaux.
Le tableau statistique n° 1 montre que si
la France a été très longtemps handicapée
par un différentiel d’inflation de plus de 4
à 5 points entre 1981 et 1983, elle l’a fortement réduit depuis lors. Cependant, visà-vis de son principal client et fournisseur, la République fédérale d’Allemagne,
à l’égard de laquelle les accords monétaires européens de 1979 la lient par une
relation de change stable (mais ajustable),
la France conserve un écart d’inflation
qui amenuise périodiquement sa compédownloadModeText.vue.download 309 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
308
titivité : cet écart était encore supérieur à
2 points en glissement annuel au milieu
de 1986. Si la France ne parvenait pas à le
réduire, il en résulterait, comme dans les
périodes qui ont précédé les quatre dernières dévaluations du franc vis-à-vis du
deutsche Mark (1981 à 1986), une accumulation de tensions que seul un nouvel
ajustement des parités pourrait, momentanément, résorber.
Épargne
Pour la première fois depuis 1949, les
ménages n’ont épargné que 12 p. 100 de
leur revenu disponible en 1986 (18,6 p. 100
en 1975). Les sommes accumulées ainsi représentent la moitié de l’épargne nationale,
le solde se répartissant entre les entreprises
(un tiers en 1985) et les administrations.
Les Français économisent aussi différemment. L’immobilier et les placements liquides à court terme sont délaissés progressivement au profit des titres négociables.
– Les placements en titres : la part des valeurs mobilières dans l’épargne est passée de
23 p. 100 en 1970 à 38 p. 100 en 1985. Elles
s’acquièrent soit directement (la moitié seulement sur sept millions de porteurs), soit
par la voie des SICAV et fonds communs
de placement dont le succès va croissant.
Les obligations et titres participatifs ont
connu en 1986 une croissance moindre
que les placements en actions et certificats
d’investissements dont la vitalité est confirmée depuis 1985 (passage progressif d’une
économie d’endettement à une économie de
fonds propres).
Les titres courts négociables, créés depuis
1985 (certificats de dépôts, en mars, bil-
lets de trésorerie et bons du Trésor négociables, en décembre) accentuent leur percée puisque leur part dans les placements
de titres est passée de 3 p. 100 en 1985 à
plus de 12 p. 100 en 1986.
– Les placements liquides à court terme
n’accueillent plus qu’une faible fraction de
l’épargne nouvelle. Les livrets A des Caisses
d’épargne, qui en constituent la principale
composante (57 p. 100), sont en perte de
vitesse ; les retraits l’emportant sur les versements, d’autant que les taux d’intérêts ont
été ramenés de 6 p. 100 à 4,5 p. 100.
– L’immobilier et le foncier tombent en
disgrâce puisque leur part dans l’épargne
globale est passée de 52 p. 100 en 1970 à
39 p. 100 en 1984. La loi Méhaignerie devrait contribuer à la reprise de ces secteurs.
DOMINIQUE COLSON
Le recentrage des priorités
Si la désinflation est donc souhaitable,
dans quelle mesure peut-on en attribuer le
mérite aux politiques économiques mises
en oeuvre au cours des dernières années ?
La question doit être posée, car, depuis
1979, les pays occidentaux ont modifié
leur manière d’agir dans le domaine de
l’économie, tout au moins en intention.
En effet, l’accélération de l’inflation aux
États-Unis en 1978 et 1979, ainsi que dans
les premiers mois de 1980, et l’effondrement du dollar à des cours excessivement
dépréciés obligèrent ce pays à prendre des
mesures d’économies budgétaires et à freiner la croissance de sa masse monétaire.
Elles conduisirent le Trésor des États-Unis
à emprunter des devises étrangères pour
défendre sa monnaie et à accepter à cette
fin de payer des taux d’intérêt élevés.
Ces changements auxquels l’Europe a
dû s’adapter ont été perçus comme le signal
d’un recentrage des priorités économiques
au profit de la lutte contre l’inflation. Il est
downloadModeText.vue.download 310 sur 502
ÉCONOMIE
309
de fait que la politique dite keynésienne
de stimulation de la demande globale par
une combinaison alliant le déficit public et
l’argent à bon marché avait fini par dérégler les mécanismes économiques et par
nuire à l’emploi. Frédéric von Hayek y a
vu depuis longtemps (dans Prix et Production) une politique de « desperado », plus
inspirée par les hommes politiques soumis
à la pression de leurs électeurs que par une
analyse économique sérieuse. Selon cet
auteur, l’inflation nourrie par un crédit excessif et mal distribué (et d’autant plus mal
distribué que le dirigisme le voudrait « sélectif ») oriente les ressources en capital
et en travail vers des secteurs qui cessent
d’être rentables dès que l’inflation cesse
de s’accélérer. L’État comble en effet les
défaillances de l’épargne volontaire par des
moyens de paiement supplémentaires qui,
n’étant pas gagés sur une épargne préalable,
ne sont pas soustraits à la consommation.
Dès lors, l’impulsion donnée à la demande
de consommation, soit directement par
le relèvement des salaires, soit indirectement à la suite des effets multiplicateurs
de l’investissement ainsi financé, augmente les prix et les profits des industries
de consommation et ceux des services par
rapport à ceux des biens d’équipement. La
demande supplémentaire se heurtant à la
barrière des stocks de produits et des équipements disponibles, l’inflation accélérée
par le crédit facile déprime, à la longue, et
l’emploi et l’investissement.
Au désenchantement qui a entouré les
politiques d’inspiration keynésienne s’est
ajouté un second motif. La vieille recette
qui consistait à lutter alternativement et
successivement contre l’inflation en laissant le nombre croissant des chômeurs
peser sur les salaires, puis contre le chômage en laissant filer les prix et le crédit,
ne donnait plus de résultat depuis le début
des années 70 : les pays malades de la stagflation récoltaient à la fois le chômage et
l’inflation.
Investissement
Le taux d’investissement dans l’industrie
(l’investissement rapporté à la valeur
ajoutée de l’industrie) tombé à 13,2 p. 100
en 1982, remonte à 15,5 p. 100 en 1985. L’investissement qui avait augmenté en volume
de 13 p. 100 en 1985, se réduit à 4 p. 100,
selon les prévision, en 1986.
Au niveau national, l’effort d’investissement
est encore moindre (+ 2,8 p. 100 en 1986),
puisque les entreprises non industrielles, les
ménages et les administrations, ont eu un
comportement encore moins dynamique
avec des investissements qui représentent
pourtant 85 p. 100 de la Formation brute de
capital fixe (BFCF).
Dans l’industrie, l’investissement productif progresse en 1985 surtout dans les biens
intermédiaires (+ 15 p. 100 et les biens
d’équipement professionnels (+ 18 p. 100),
notamment les technologies de pointe ;
d’abord dû aux groupes nationalisés (1984),
puis aux groupes privés (1985), il proviendrait des petites et moyennes entreprises en
1986. Enfin, ces investissements continuent
à améliorer la productivité et non pas à
augmenter les capacités de production : en
témoigne la part croissante de l’investissement immatériel au détriment de l’investissement en matériel.
L’insuffisance de l’investissement a des
conséquences graves : le retard par rapport
aux autres pays industriels s’accentue, l’outil
de production vieillit, la compétitivité s’affaiblit et le chômage augmente. Pourtant,
dès mars 1986, la nouvelle majorité pendownloadModeText.vue.download 311 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
310
sait rétablir la confiance des investisseurs
en libérant l’économie et en abaissant les
charges sociales et fiscales. Certes, depuis
1983, les comptes des entreprises s’améliorent, mais celles-ci ont préféré effectuer
des placements financiers ou se désendetter
(le taux d’autofinancement de 51,7 p. 100 en
1982 atteindrait 92 p. 100 en 1986).
DOMINIQUE COLSON
Enfin, le constat d’échec général doit
être complété, dans le cas de la France,
par une troisième considération. Notre
pays est en effet le seul, parmi les nations
industrielles, à avoir répercuté aussi totalement le poids des chocs pétroliers sur
ses entreprises. La dégradation continue
de leurs marges et de leur autofinancement conduisit celles-ci soit à retarder
le, renouvellement de leurs équipements,
soit à s’endetter dans des proportions
excessives. L’endettement, qui est simultanément encouragé par l’inflation, parce
qu’elle allège le poids réel de la dette à
rembourser, par un régime fiscal favo-
rable aux frais financiers mais défavorable
aux bénéfices, le fut également par le jeu
de l’effet de levier. Grâce à ce dernier, plus
l’entreprise emprunte en proportion de
ses capitaux propres, plus elle amplifie la
rentabilité de ceux-ci par rapport au rendement économique des actifs exploités.
Cet effet joue à la condition cependant
que les charges d’intérêt rapportées à la
dette soient inférieures à la rentabilité
de l’actif, ce qui était normalement le cas
avant 1982.
Une ère de réformes
Au total, les entreprises françaises abordèrent la décennie 1980-1990 avec deux
handicaps durables : des équipements
vétustés et des bilans fragiles. Leur capacité globale de production s’en est trouvée
réduite, de même que leur capacité de
réaction à la concurrence internationale.
Ainsi, au tournant des années 1970-1980,
la bienveillante négligence avec laquelle
les gouvernements occidentaux avaient
considéré l’inflation depuis trente ans cessa-t-elle. Les États-Unis et l’Europe prirent
des résolutions nouvelles en matière de
politique monétaire. Des normes plus
strictes furent assignées à la croissance de
la masse monétaire. Puis, compte tenu de
l’incidence de la raréfaction relative des
liquidités disponibles sur la hausse des
taux d’intérêt, les ministres du groupe des
Dix résolurent de renforcer les disciplines
budgétaires, afin de contribuer à la reprise
économique en relâchant la pression qui
s’exerçait sur les taux d’intérêt. Cette résolution, qui date de 1982, fut très inégalement suivie d’effets (la République fédérale
d’Allemagne, le Royaume-Uni s’y conformèrent mais non la France, ni surtout les
États-Unis). Le renchérissement des taux
d’intérêt, particulièrement marqué aux
États-Unis, attira vers l’Amérique assez de
capitaux pour compléter l’épargne domestique et propulser le dollar à des taux très
surévalués en regard de la parité économique des pouvoirs d’achat des monnaies.
Cet afflux de capitaux contribua donc à
solder les déficits croissants du budget
fédéral et à relancer la demande globale
par des allégements fiscaux, le maintien
des dépenses sociales et l’augmentation
des dépenses militaires américaines. Les
entreprises américaines, en général peu
endettées, souffrirent assez peu du relèvement des taux d’intérêt ; elles profitèrent
largement de la reprise économique de
1983 à 1985.
downloadModeText.vue.download 312 sur 502
ÉCONOMIE
311
Si les États-Unis ont été les premiers à
déclencher le processus de désinflation,
ils le doivent non pas tant à de vagues
résolutions de réduire leurs dépenses
publiques mais au contrôle de la masse
monétaire et de la croissance des salaires,
ainsi qu’à la pression exercée sur leurs
propres prix à l’importation par les hauts
cours du dollar.
La France, de son côté, continua de
contingenter le crédit, de préférence à
l’emploi des méthodes traditionnelles
en économie de marché. Ces dernières
auraient pu consister à manipuler le
coefficient des réserves obligatoires par
lesquelles les banques sont obligées de
déposer sans intérêt à la Banque centrale
une fraction de leurs propres ressources
en dépôts et à laisser le taux d’intérêt
s’établir au niveau d’équilibre de l’offre et
de la demande de crédit. Les entreprises
jugées dignes d’encouragements de l’État
ont été, en revanche, protégées contre
une hausse excessive des taux d’intérêt
par le système des prêts bonifiés. Un tel
système d’esprit keynésien réduit le taux
demandé en dessous du taux du marché
et comble la différence par une subvention publique. Il traduit ici encore la distance entre l’intention de mettre fin aux
stimulants artificiels de la demande et
les faits. Les crédits bonifiés furent développés au point de représenter, en 1985,
environ la moitié du total des crédits
consentis à l’économie. Comme la distribution de ces crédits contribuait au coût
de fonctionnement du système bancaire,
il en résulta que les emprunteurs de
droit commun qui n’avaient aucun accès
aux prêts bonifiés voyaient reporter sur
eux le coût des avantages consentis aux
secteurs privilégiés (logement, agriculture) ou aux opérations encouragées par
l’État.
Ce dispositif de rationnement discriminatoire permit, certes, de limiter
les fluctuations des taux d’intérêt, mais
il n’évita pas à la France le handicap des
taux nominaux relativement élevés.
Jusqu’en 1986, ces taux d’intérêt ont excédé constamment le niveau de 10 p. 100,
alors que, au Japon et en Allemagne, pays
à monnaie forte et de faible inflation, ces
taux sont demeurés dans la gamme de 5
à 10 p. 100. C’est qu’en effet seul un différentiel d’intérêts suffisant pour compenser les écarts d’inflation permet de limiter
les mouvements de capitaux spéculatifs
et de retarder la dévaluation ou la dépréciation de la devise du pays à monnaie
réputée faible.
Depuis 1985, la politique monétaire
française a inauguré une ère de réformes.
Elles ne mettent en cause ni la stratégie
de désinflation ni la fixation de normes
de croissance des agrégats monétaires.
En revanche, elles visent, par la suppression de l’encadrement direct du crédit, à
inciter les banques à être beaucoup plus
rigoureuses dans la sélection de leurs
concours et à renforcer, par le développement de leurs fonds permanents, leur
propre autonomie. Ces réformes vont
nous rapprocher, en 1987, des régimes de
régulation monétaire par le taux d’intérêt
et la variation des réserves obligatoires
des pays anglo-saxons.
La consolidation
Comme on le voit, la désinflation amorcée depuis 1980 n’est qu’en partie le produit des résolutions affichées au plan
monétaire et budgétaire. Pour le reste,
downloadModeText.vue.download 313 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
312
elle est le fruit d’un heureux concours
de circonstances particulier aux relations entre les États-Unis et les autres
pays occidentaux. Dans les années 1983
à 1986, d’autres facteurs plus décisifs sont
venus, en se relayant et en se complétant,
consolider la désinflation en Europe, et
spécialement en France. Retenons pour
notre pays et dans l’ordre chronologique :
– le ralentissement de la hausse des salaires et des coûts salariaux intervenu à la
fin 1982 ; – la chute des prix du pétrole
amorcée dès le début de 1983 ; – la chute
des prix en dollars des matières premières
importées dès le printemps 1984 ; – plus
généralement, le rôle désinflationniste
d’un commerce international qui croît
en moyenne plus vite que les produits
nationaux et porte sur des produits manufacturés avantagés par les économies
d’échelle.
Le premier de ces phénomènes mérite
attention, car la hausse des salaires a été
modérée à la suite des modifications
des règles du jeu intervenues dans les
négociations salariales introduites par
M. Jacques Delors.
Jusqu’alors, les revendications de salaires portaient si possible sur l’augmentation du pouvoir d’achat de ceux-ci et au
minimum sur leur maintien en fonction
de l’inflation observée au cours de l’année
écoulée. Le gouvernement dénonça la nocivité de cette pratique, car son résultat le
plus clair était de perpétuer les pressions
inflationnistes. Il recommanda et appliqua la règle selon laquelle la hausse des
salaires devait se limiter en moyenne au
taux d’inflation annoncé comme l’objectif souhaité par le gouvernement pour
l’année à venir. L’augmentation du taux
de salaire brut qui s’élevait encore de
15 p. 100 en 1982, 11 p. 100 en 1983, chuta à 7,6 puis 5,9 p. 100, respectivement en
1984 et 1985. Et, compte tenu des gains
de productivité du travail, la progression
du coût salarial par unité produite se ralentit à partir de l’automne 1983. Enfin, la
baisse du pétrole et celle du dollar constituent des causes extérieures. Renforcées
en 1986, elles ne se reproduiront pas, ou
peu, en 1987.
La désinflation s’est poursuivie en
1986. La France a vécu là une période
d’exceptionnelle facilité. Elle a profité à
plein, comme les importateurs de pétrole
et de matières premières, de la double
diminution du prix du baril de pétrole
(de l’ordre de 50 p. 100) et du cours du
dollar (de l’ordre de 30 p. 100). La France
économisa ainsi 75 milliards de francs
sur sa facture pétrolière, et plus généralement un montant équivalent à 3 p. 100
du PIB (environ 125 milliards de francs),
par suite de l’amélioration de ces termes
de l’échange, c’est-à-dire par suite de la
hausse du prix relatif de ses exportations
par rapport à ses importations.
Les entreprises furent les premières,
pour une fois, à en profiter, en captant
les deux tiers environ de ce gain inopiné
contre 28 p. 100 directement répercutés
sur les particuliers par la baisse des prix
de l’essence et du fuel et 4 p. 100 par le
relèvement de la taxe pétrolière perçue
par l’État. Elles ont bénéficié d’une forte
diminution de leurs coûts de production,
qui a prolongé et renforcé la tendance à la
modération observée dès 1985.
La désinflation n’a certes pas également favorisé toutes les entreprises. Il
est normal que, dans un premier temps
tout au moins, les industries les plus fortement consommatrices de matières predownloadModeText.vue.download 314 sur 502
ÉCONOMIE
313
mières aient été les plus immédiatement
avantagées par la chute des cours (chimie,
métallurgie, etc.). Dans un deuxième
temps, la concurrence et la reconstitution
de leurs réserves financières permettront
aux entreprises de transmettre en aval au
consommateur final une plus grande partie des bénéfices retirés par la nation.
Par ailleurs, les entreprises les plus
lourdement endettées éprouvent, dans
cette période de désinflation, des difficultés de transition, car la relative rigidité des taux d’intérêt nominaux provoque deux séries de conséquences chez
certaines d’entre elles. D’abord, les taux
d’intérêt nominaux excèdent depuis cinq
ans le taux d’inflation d’un montant de
l’ordre de 5 à 6 points (voir graphique
p. suivante), la désinflation enrichit les
créanciers au détriment des débiteurs,
alors que l’inflation produisait les résultats opposés. Ensuite, le taux d’intérêt
réel apparent (taux nominal diminué du
taux d’inflation constaté) dépasse le taux
de rentabilité d’un certain nombre d’entreprises ; de ce fait, l’effet de levier tend
à s’inverser et à jouer comme une sorte
de piège pour les entreprises qui n’ont pu
renégocier ni leurs dettes ni leurs taux,
bénéficier d’une clause de taux d’intérêt
variable. Plus généralement, la conjonction de la désinflation avec le maintien
de taux d’intérêt réels apparents à leur
niveau actuel incite les entreprises à
consacrer leurs bénéfices en priorité au
remboursement de leurs dettes, de préférence à l’investissement.
L’anémie pernicieuse dont souffre
l’appareil productif français, et dont témoigne la fragilité des résultats obtenus
par nos industries, tire ainsi son origine
de la très grande faiblesse de l’augmentation de notre capital fixe, c’est-à-dire de
l’outil de production. Les consommateurs
retirent un certain avantage de la désinflation qui, toutes choses égales quant à
leur revenu nominal disponible après impôts, améliore leur pouvoir d’achat (voir
tableau II).
Mais la France, comme les États-Unis,
a été entraînée en 1985 et en 1986 dans la
voie de la facilité, puisque la consommation y a crû plus vite que la production
intérieure. La désinflation ne suffit donc
pas à améliorer rapidement la compétitivité des productions nationales ni l’emploi, même si elle en est l’une des conditions nécessaires.
downloadModeText.vue.download 315 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
314
Marchés financiers
Les mutations actuelles s’orientent en
France autour de trois axes : le décloisonnement, mettant fin progressivement à
la segmentation des métiers de la finance ;
l’innovation financière (couverture des
risques, recherche de la liquidité, capitalrisque) ; la déréglementation, afin de supprimer tous les freins d’adaptation d’un
marché qui évolue vers une dimension
internationale.
Les objectifs concrets sont d’abord la recherche d’une réponse adaptée aux besoins
des agents économiques en période de taux
réels élevés, ensuite une baisse du coût du
crédit par la concurrence entre les intermédiaires, et enfin l’amélioration du rang
international des places financières.
Pour la France, la modernisation de la
Bourse de Paris est un élément majeur du
dispositif : la mise en oeuvre du système
informatique d’aide à la cotation a été réalisée, et quelques valeurs ont été admises à
la cotation continue. Tout est prévu pour
alléger les procédures traditionnelles et
diffuser l’information en temps réel.
La principale innovation été le 21 février
l’ouverture du Marché à terme d’instruments financiers (MATIF), avec retard par
rapport aux grandes places étrangères. Il
s’agit de la transposition des techniques à
terme des marchés de marchandises aux
marchés financiers et, dans un premier
temps, d’un marché à terme d’obligations à
long terme.
L’année boursière 1986 a été marquée en
France par une vive hausse du marché des
actions, tendance désormais plus prudente
dans l’incertitude qui règne sur les taux
d’intérêts et sur les conjonctures politiques.
Les privatisations, comme celle de SaintGobain, réalisée en décembre, doivent
dynamiser le marché et provoquer l’investissement d’abondantes liquidités. Il en va
downloadModeText.vue.download 316 sur 502
ÉCONOMIE
315
de même avec le récent assouplissement
des règles des opérations d’offres publiques
d’achat, ou d’échange.
PATRICK CADOUR
L’avenir
En cette fin d’année 1986, la désinflation
est-elle amenée à se poursuivre ? Les prix,
qui ont progressé de l’ordre de 2,2 p. 100
en 1986, monteront-ils seulement de
2 p. 100 en 1987 comme l’annonce le
gouvernement français ? Bien que le
ralentissement de la hausse des prix ne
soit pas un fait acquis et exige des entreprises comme des pouvoirs publics une
gestion rigoureuse, cet objectif demeure
accessible. Plusieurs raisons fondent ce
pronostic :
1 – Les prix du pétrole, qui ont évolué
dans la zone de 10 à 15 dollars le baril depuis février 1986, ne diminueront guère,
mais, sauf circonstances et troubles exceptionnels, ils risquent peu de s’élever
au-dessus ou de tendre vers 18 à 20 dollars (éd. 1986). L’état de la demande mondiale de pétrole, compte tenu des économies d’énergie et des perspectives de
croissance mondiale, ne justifie pas un tel
relèvement dans les prochains mois. La
possibilité pour le principal producteur
de l’OPEP, l’Arabie Saoudite, de redresser les prix passe par sa propre capacité à
réduire l’offre mondiale. Or cette capacité
a sensiblement décliné depuis l’époque
(1973) où le pétrole fournissait 48 p. 100
de l’énergie du monde et où l’Arabie
Saoudite livrait 13 p. 100 de ce pétrole.
Nous sommes parvenus en 1986 à une situation différente : le pétrole n’entre plus
que pour 37 p. 100 de la demande totale
d’énergie, et le leader de l’OPEP n’en a
livré que 6 p. 100 ; par conséquent son
poids spécifique sur le marché de l’énergie a décliné de 6 p. 100 (0,48 × 0,13) à
2 p. 100 (0,37 × 0,06).
2 – Les cours du dollar ont plus de
chance de diminuer ou de se stabiliser
que de remonter dans les prochains mois,
en raison de la persistance du déficit
extérieur courant des États-Unis et des
incertitudes sur l’échéance électorale de
1988. Les événements susceptibles de stabiliser le dollar par un regain de protectionnisme paraissent moins probables.
En revanche, une inconnue subsiste : l’afflux des capitaux attirés par l’allégement
substantiel des taux d’imposition sur les
revenus des particuliers et des sociétés
peut, si l’Europe ne s’engage pas dans la
même voie, redresser le dollar à plus long
terme.
3 – La libération quasi-totale des prix
en France, à l’exception de ceux des livres,
des médicaments et des tabacs, soulève la
crainte que l’inflation ne reprenne. Cette
crainte se nourrit de la croyance, infondée et constamment démentie, que le
contrôle des prix réduit efficacement l’inflation. Or, celui-ci engendre toute une
série d’effets pervers – limitation de la
concurrence, corporatisme, rigidité des
politiques commerciales et financières
des entreprises, fausses innovations, etc.
– qui perpétuent l’action du virus inflationniste dans le corps social. En régime
de contrôle des prix, l’inflation traduit
tout au plus le degré de résistance de
l’État face aux revendications cumulées
des professions.
Mais, comme les phénomènes économiques sont dépourvus de symétrie et que
les chefs d’entreprise français, contrairement à leurs confrères et concurrents,
downloadModeText.vue.download 317 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
316
ont été habitués à 50 ans de contrôle, certains redoutent que la libération des prix
conduise à leur explosion. Cette crainte
peut être démentie. En effet, la force de
la concurrence mondiale, largement stimulée par les progrès techniques et la
déréglementation de nombreux secteurs
aux États-Unis (transports aériens, télécommunications, marchés financiers,
etc.), joue fortement dans le sens de la
baisse (éd. 1986). D’autre part, la liberté
des prix est la seule solution durablement
adéquate aux disciplines de la concurrence : elle donne enfin à l’entreprise la
possibilité de moduler ses propres tarifs
en fonction d’une stratégie d’ensemble,
et à la concurrence le moyen puissant de
corriger tout excès.
4 – La rigueur salariale continuera de
s’imposer en 1987. Le nombre des chômeurs interdit de rémunérer sensiblement
plus ceux qui ont l’avantage de conserver
leur emploi. En outre, la France se trouve
dans l’obligation de redresser des résultats extérieurs médiocres, précaires, en
réduisant l’avance de la consommation
intérieure sur la production : la France
doit épargner et investir pour exporter
et créer des emplois compétitifs avant
de consommer beaucoup plus. Enfin,
la rigueur salariale reflète une ambition
plus vaste qui est d’améliorer le rapport
qualité-prix de nos activités, qu’il s’agisse
de nos produits ou de nos capacités de
travail et de gestion. Seul un progrès sensible dans nos innovations, dans notre
productivité et notre aptitude à saisir les
occasions offertes par la croissance mondiale, pourra justifier un assouplissement
global et modulé de la rigueur salariale
en fin d’année 1987. Le gouvernement a
assigné des objectifs de progression des
masses salariales conformes à l’ambition
de réduire l’inflation de 1987 à 2 p. 100.
5 – La réussite de cette politique repose
en partie sur les anticipations des entreprises et des consommateurs. Ces anticipations paraissent moins délibérément
orientées vers l’inflation que naguère.
L’État réduit son train de vie. Il reste aux
collectivités locales à modérer le leur et
sans doute à la Sécurité sociale de choisir
avec discernement, sans trop écouter les
groupes les plus bruyants, les économies
nécessaires.
Pour sa part, l’État montre globalement l’exemple. La progression prévue
des dépenses publiques en 1987 est de
1,8 p. 100 en termes nominaux, soit
beaucoup moins que celle du PNB en
francs courants (+ 4,8 p. 100) : la diminution du nombre des fonctionnaires
(17 000 personnes), des aides à l’industrie
(– 14 p. 100), de la dette publique, grâce
à un report d’une partie des sommes recueillies à la faveur des privatisations, en
sont les principaux gages. La répartition
downloadModeText.vue.download 318 sur 502
ÉCONOMIE
317
des sacrifices entre les différents budgets,
et surtout à l’intérieur de chaque budget
ministériel, peut, comme de coutume,
laisser à désirer. L’analyse économique
des gestions ministérielles a malheureusement moins progressé que celle des
politiques budgétaires globales. La diminution corrélative des déficits publics
en comparaison du PIB permet d’entrevoir une baisse des taux d’intérêt et des
frais financiers des entreprises, ce qui
ajouterait un autre facteur favorable à la
désinflation.
La désinflation engagée depuis 1981
nous rapproche d’un régime de stabilité
monétaire. Les restrictions monétaires,
puis les disciplines des salaires nominaux, la concurrence internationale et
enfin les prix du pétrole ont combiné leur
action. Ces bienfaits deviennent plus évidents à mesure que les prix ralentissent
leur progression. Elle a des chances de
durer. Mais elle nécessite des efforts.
L’attitude de l’économiste ne peut être
que d’extrême modestie tant les points
marqués contre l’inflation risquent d’être
perdus de nouveau en raison de la grande
volatilité des forces sociales et des anticipations des acteurs économiques. L’année
1986 aura toutefois été marquée par des
progrès déterminants dans la voie de la
désinflation.
ALAIN BIENAYMÉ
Professeur à l’université de Paris IX-Dauphine, Alain
Bienaymé a été membre du Conseil économique et social
(1974-1984), dont il a présidé la section des problèmes
économiques généraux et de la conjoncture (1980-1984).
Il est également membre de l’International Council for
Educational Development et vice-président de la Société
d’économie politique. Il a publié, entre autres, Stratégie de
l’entreprise compétitive (Masson, 1980), Entreprise, marchés, État (PUF, 1982), et l’Enseignement supérieur et l’idée
d’université (Economica, 1986).
Finances internationales
Depuis quelques années, les marchés
internationaux des capitaux et des
crédits ont subi de nombreux et profonds
bouleversements tant dans le volume et la
répartition géographique des émissions
internationales de titres que dans les structures et les formes d’institutions financières
servant d’intermédiaire dans toutes les opérations à l’échelle internationale d’emprunt
ou d’investissement.
Les foyers financiers des grands pays industriels sont en train de s’unifier en un seul
marché, à l’échelle du monde tout entier.
Dans les principaux centres financiers
internationaux (New York, Londres et Tokyo), les grands établissements bancaires
multiplient les instruments financiers afin
d’attirer la clientèle des investisseurs et des
sociétés multinationales, tout en cherchant
à satisfaire les emprunteurs. Cette mondialisation financière a été facilitée et accélérée par le jeu de la dérégulation (ou déréglementation) adoptée dans presque tous
les grands pays industriels (éd. 1986). Sur
le plan interne, sont peu à peu supprimées
les dispositions qui cloisonnaient les opérations financières, soit géographiquement
(aux États-Unis par exemple la plupart des
banques devaient se limiter à travailler
dans un seul État), soit sectoriellement (les
banques de dépôts ne pouvaient jouer le
rôle des banques d’affaires et inversement,
ou intervenir directement en bourse, etc.).
Sur le plan international, les pays qui interdisaient aux agents étrangers d’exercer leur
activité sur leur territoire les ont autorisés à
s’installer chez eux. À la suite de cette dérégulation à l’échelle mondiale, les frontières
entre marchés internationaux de crédits et
d’obligations s’effacent, les cloisonnements
entre différents intermédiaires disparaissent. Un vaste marché mondial des capitaux est en train de naître où les opérateurs
pourront solliciter directement ou simultadownloadModeText.vue.download 319 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
318
nément les marchés nationaux les plus actifs, emprunteurs et investisseurs pourront
effectuer sur ces marchés des opérations
24 h sur 24 (en continu) sur pratiquement
n’importe quelle devise ou n’importe quel
titre.
Aussi, dans les principaux centres financiers du monde interviennent des banques
universelles agrégeant des filiales spécialisées, banques de dépôts, banques d’affaires
et d’investissement, mais aussi maisons de
titres, sociétés de courtage, banques de trésorerie, sociétés de placement. Les capitaux
propres de ces megabanks sont abondants,
la clientèle d’investisseurs et d’entreprises
multinationales et les réseaux d’information sont implantés dans le monde entier.
Dans cette mondialisation, l’hégémonie du
dollar, l’ampleur des marchés de capitaux
américains et leur intégration croissante
dans le marché international font de New
York le véritable centre mondial de redistribution des capitaux tant pour les titres
financiers à court terme (comme le commercial paper) que pour les titres financiers
beaucoup plus longs.
Cependant, le rôle croissant de la place de
New York sur le plan international n’a pas
remis en cause le rôle directeur de la City
de Londres pour les opérations internationales, surtout après son ouverture aux innovations financières et technologiques. Avec
le Big Bang (ou grand chambardement),
une réforme a été engagée à la Bourse de
Londres le 27 octobre 1986. Avec cette
réforme, les frontières entre les différentes
activités boursières et bancaires ont été
effacées. Le système de courtage fixe a été
abandonné et la Bourse ouverte aux sociétés étrangères. La place de Londres traitera
non seulement des actions et obligations
britanniques, mais aussi des valeurs mobilières d’autres pays ainsi que celles ayant
un caractère international. Il se crée ainsi
un marché international où se négocient
des valeurs mobilières de n’importe quel
pays au coût de transaction le plus faible.
En effet, le nouveau marché mondial est
très compétitif : une pression permanente
sur les marges limite les gains sur les opérations ; mais cette profitabilité réduite est
compensée par une croissance en volume
et par l’application de nouvelles techniques
performantes de gestion internationale,
fondées sur l’emploi de l’informatique.
GILBERT RULLIÈRE
downloadModeText.vue.download 320 sur 502
ÉCONOMIE
319
La dette
du tiers monde
La gestion de la dette a permis d’éviter les ruptures que
l’on aurait pu craindre, mais montre maintenant ses limites :
les banques, réduites aux rééchelonnements, deviennent
difficiles à convaincre, alors que les pays endettés
ne voient pas la fin de la récession.
Après l’éclatement de la crise lors de la
cessation de paiement mexicaine en
août 1982, le problème de l’endettement
des pays en développement est resté en
1986 l’un des points chauds de l’actualité
économique internationale. Certes, un
climat d’optimisme s’était établi depuis
1984, alors qu’une crise profonde du
système financier international avait été
évitée, et que la formidable croissance
américaine parvenait à faciliter l’ajustement économique et financier des pays
endettés. Mais une certaine désillusion
s’installait, en 1985, devant la morosité
de la situation et des perspectives économiques internationales, la faiblesse persistante des cours des matières premières,
la montée de tensions protectionnistes :
autant de facteurs qui paraissaient éloigner encore toute perspective de voir, à
court terme, les pays en développement
endettés assainir leur équilibre financier
extérieur et retrouver le chemin d’une
croissance durable.
L’effondrement des prix du pétrole a
paru tirer d’affaire certains pays importateurs comme le Brésil, qui a vu en 1986
sa contrainte extérieure considérablement allégée. Mais il a aussi suscité en
1986 un regain d’inquiétude concernant
la situation des pays endettés exportateurs de pétrole, tout particulièrement le
Mexique, présenté jusqu’en 1985 comme
le « bon élève » de l’ajustement, pionnier
des accords marquants de renégociation de la dette, comme celui du rééchelonnement pluriannuel conclu avec ses
banques créditrices et le FMI en 1985 ;
cet accord portait sur 49 milliards de dollars (la moitié de la dette extérieure du
pays) et représentait tant par le montant
que par le report d’échéances (14 ans) un
tournant dans la gestion des problèmes
d’endettement. Tous ces progrès apparaissaient soudain remis en cause par le
« troisième choc » pétrolier, le pays tirant
du pétrole près des trois quarts de ses
recettes d’exportations et près de la moitié de ses recettes fiscales. Il fallait donc
de nouveau mettre en place une opération de sauvetage qui a fait, tout au long
de l’année, l’objet de négociations labodownloadModeText.vue.download 321 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
320
rieuses. L’accord qui en est résulté, conclu
entre le Mexique, le comité représentatif
des banques, le FMI et le Club de Paris, a
été présenté comme un nouveau pas en
avant dans la gestion des problèmes de la
dette. Il s’agit tout d’abord de la première
mise en application du plan Baker élaboré par le secrétaire américain au Trésor lors de l’assemblée annuelle du Fonds
monétaire international et de la Banque
mondiale, en septembre 1985. Ce plan
prévoyait la coopération des débiteurs
et des créanciers autour de stratégies
d’ajustement permettant la croissance.
Il proposait de mettre 40 milliards de
prêts nouveaux sur une période de 3 ans
à la disposition de 15 pays parmi les plus
endettés (Il s’agit de trois pays d’Afrique
[Côte-d’Ivoire, Maroc, Nigeria], de dix
pays d’Amerique latine, de la Yougoslavie et des Philippines.), sous réserve de
leur détermination à poursuivre des réformes économiques. Une moitié de cette
somme serait fournie par les banques
commerciales, et l’autre par les pays industrialisés et les agences multilatérales.
C’est ainsi que l’accord mexicain s’accompagne de près de 12 milliards de dollars
de nouveaux prêts, dont 6 milliards de
la part des banques commerciales. Mais
au-delà des montants élevés de ces nouveaux crédits, l’accord innove également
en matière d’allongement de la validité
de certains prêts rééchelonnés (20 ans),
de diminution des marges demandées
par les banques (13/16 p. 100 au-dessus du Libor, contre 1 1/8 p. 100 lors du
rééchelonnement de 1985), de garanties
accordées par la Banque mondiale (sur
un montant de 750 millions) et surtout
par la mise en place d’un prêt conditionnel de 1,7 milliard de dollars mobilisables
sous contrôle du Fonds monétaire international, dès lors que le pays respecte ses
engagements en matière d’ajustement,
n’atteint pas une croissance économique
suffisante, et que le prix du baril de pétrole tombe au-dessous de 9 dollars (voir
tableau I).
On peut se demander pourquoi créanciers et débiteurs en sont ainsi réduits à
ces négociations en continu, ces rééchelonnements de rééchelonnements, coûteux à la fois en termes de frais de gestion et de temps de négociation et qui,
en outre, semblent ne pas traiter le problème en profondeur, puisqu’ils ne font
que repousser à plus tard les charges du
remboursement. Pourtant, cette solution
au coup par coup s’est imposée comme
étant la plus opérationnelle, et peut-être
la plus acceptable par l’ensemble des parties concernées.
Ce n’est pas pour autant qu’il convient
de s’en satisfaire. Le principe même de
gérer les problèmes au fur et à mesure
qu’ils font surface sert aussi d’alibi à l’indifférence manifestée à l’égard de pays
fortement endettés à leur propre échelle,
mais dont les déséquilibres ne menacent pas le système international. Il s’agit
notamment des pays pauvres d’Afrique,
dont le drame dépasse la seule crise de la
dette pour englober crise de développement, crise alimentaire et crise politique
à la fois (Sur la situation économique de
l’Afrique subsaharienne, voir le Rapport
RAMSES 86/87, publié par l’IFRI [AtlasEconomica, 1986, pp. 268-282].). Ces
pays sont dans une situation tragique
qui semble appeler un traitement spécifique, relevant essentiellement des aides
officielles de la part des gouvernements
et des institutions multilatérales. Pour la
downloadModeText.vue.download 322 sur 502
ÉCONOMIE
321
communauté bancaire internationale, relativement peu impliquée en Afrique (si
ce n’est au Maroc, en Côte-d’Ivoire et au
Nigeria), la crise de l’endettement est essentiellement celle des pays latino-américains, et celle des Philippines en Asie,
les autres pays d’Asie ayant pu traverser la
crise sans rééchelonnement de leur dette.
L’engagement des banques
En fait, en perspective, la crise de 1982
(Pour une étude plus approfondie de la
crise de la dette et des problèmes qu’elle
pose, voir le Rapport RAMSES 85/86
(Atlas-Economica, 1985, pp. 113-143).)
apparaît seulement comme l’un des rebondissements dont l’histoire financière
internationale semble coutumière. On
compare d’ailleurs souvent la crise actuelle à celle qui, dans les années 30, avait
vu la plupart des pays latino-américains
et de nombreux pays européens en cessation de paiement sur leurs engagements
extérieurs. La différence fondamentale
avec la situation des années 30 tient au
rôle du secteur bancaire dans l’endettement international des années 80. Dans
le premier cas, la plus grande partie de
la dette était constituée de titres, dont
les porteurs assuraient individuellement
downloadModeText.vue.download 323 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
322
la totalité des risques. En cas de défaut,
les pertes étaient élevées, mais pouvaient,
par l’appauvrissement des investisseurs
privés, être absorbées sans que la structure économique en fût menacée. Or, depuis le début des années 60, les banques
ont considérablement accru le montant et
le champ de leurs opérations internationales ; comme elles jouent un rôle pivot
dans le fonctionnement et le financement
de l’économie, toute défaillance bancaire
risque de se propager aux autres banques
et à l’ensemble de l’économie.
Agriculture
L’année 1986 a confirmé les tendances
qui se manifestent dans l’agriculture depuis le début de la décennie : excès de l’offre
sur les marchés internationaux, stagnation
de la demande solvable dans les pays en
voie de développement, détérioration des
revenus agricoles dans les pays industrialisés, permanence de l’insécurité alimentaire
dans les pays pauvres.
Les stocks des produits de base (céréales,
produits laitiers), ont augmenté à un point
tel que les grands pays agricoles industria-
lisés, principalement les États-Unis et les
membres de la CEE, ont pris de nouvelles
dispositions visant à diminuer tout à la
fois la production et les prix garantis aux
agriculteurs. Aux États-Unis, la loi agricole
applicable pendant la campagne 1986-1987
prévoit des niveaux de soutien des prix
considérablement réduits par rapport à
ceux de la campagne 1985-1986. Elle comporte en outre des mesures pour la mise
en repos de 20 à 30 p. 100 des terres céréalières. Des subventions seront accordées
pour éviter l’approfondissement excessif
d’une crise sociale commencée avec les difficultés financières de beaucoup de farmers
au cours de ces dernières années. Quant à
la CEE, elle a gelé les prix de soutien de la
plupart des productions pour la campagne
1986-1987 et maintenu le système des quotas laitiers instauré en 1984.
Sur des marchés pléthoriques, les ÉtatsUnis et la CEE ont continué en 1986 une
bataille sans merci à coups de subventions,
ce que déplorent les pays exportateurs qui
ne subventionnent pas leurs produits (Australie, Argentine entre autres).
Face à une offre que les grands pays agricoles parviennent très difficilement à juguler, la demande solvable stagne. D’abord,
dans ces mêmes pays et dans les autres pays
industrialisés occidentaux, où les besoins
alimentaires sont, globalement, très largement satisfaits, mais aussi dans ceux qui
s’étaient révélés des clients empressés au
cours des années 1970. Chez ces derniers,
de nombreux facteurs expliquent la stagnation : la progression de l’endettement,
(Nigeria, Mexique), la baisse de la rente
pétrolière (Algérie, Venezuela), le cours du
dollar, maintenant moins excessif, le succès de certaines politiques d’autosuffisance
(Inde, Chine), l’amélioration des récoltes en
URSS, habituellement grosse importatrice
de céréales pour son élevage (1986 a été annoncée comme l’une des meilleures années
céréalières).
En France, de très nombreux mécontentements sectoriels ont reflété un malaise
général : opposition des producteurs de lait
bretons à la politique des quotas, manifestations des éleveurs de moutons contre la
chute des cours provoquée par le bas prix
des agneaux britanniques, plainte des producteurs de maïs contre les avantages donnés aux États-Unis pour approvisionner le
marché espagnol. Enfin, un nouvel été de
sécheresse, après celui de 1985, a aggravé la
situation des agriculteurs du Centre et du
Sud-Ouest.
downloadModeText.vue.download 324 sur 502
ÉCONOMIE
323
Aux difficultés des exploitants agricoles des
pays développés, victimes des excédents,
fait écho la malnutrition des populations du
tiers monde. Globalement, la production a
augmenté depuis une dizaine d’années à un
rythme plus rapide dans les pays en voie
de développement que dans les pays développés, mais c’est vrai aussi de la population, c’est pourquoi l’alimentation des pays
pauvres ne s’est pas améliorée partout. Dans
certains d’entre eux, en Afrique notamment, la situation reste extraordinairement
précaire comme le montre l’influence des
catastrophes naturelles (sécheresse, invasions de sauterelles, etc.).
Dans son rapport de 1986 sur le développement dans le monde, la Banque mondiale
propose le libre-échange agricole comme
remède. Mais est-il possible de parvenir à
un minimum de sécurité alimentaire sans
protection des paysans dans les économies
du tiers monde ? Le vent du libre-échangisme qui souffle sur la planète pourra-t-il
résoudre ce paradoxe irritant d’excédents
agricoles ne trouvant pas preneur dans les
pays riches face à une demande alimentaire
insolvable dans les pays pauvres ?
BERNARD ROUX
Comment en est-on arrivé là ? C’est
sous la double pression de l’offre et de la
demande que l’endettement international
et particulièrement la dette bancaire se
sont accrus aussi considérablement dans
les années 70. L’environnement macroéconomique international y a été très
propice : forte croissance, taux d’intérêt
nominaux faibles, forte inflation des prix
du commerce mondial, c’est-à-dire des
taux d’intérêt réels parfois fortement négatifs incitant les pays en développement
à accroître leur endettement. Par ailleurs,
le premier choc pétrolier augmenta sensiblement les besoins de financement externes des pays en développement, alors
même qu’il conduisait à une augmentation de l’épargne mondiale, détenue par
les pays exportateurs de pétrole (l’excédent pétrolier), qui fut placée par ces
pays auprès des banques commerciales
des pays occidentaux. Celles-ci durent
trouver des débouchés pour cet afflux de
liquidités ; c’est le problème du recyclage.
Ces banques se précipitèrent dans l’activité de prêts aux pays en développement
(principalement en Amérique latine et
en Asie), qui leur paraissait présenter un
très bon rapport risque/rendement. Les
banques consentirent donc à ces pays
des prêts de montants très élevés, organisés, pour une meilleure répartition des
risques, sous forme de prêts syndiqués
associant un grand nombre d’institutions, parfois plusieurs centaines.
Si l’on peut critiquer le laxisme avec lequel les banques ont gonflé leurs créances
sur les pays en développement, il convient
également de remarquer que ces derniers
ont géré leur endettement extérieur avec
une insouciance tout aussi imprudente.
Les pays d’Amérique latine notamment
ont souvent pratiqué des politiques de
fuite en avant, renforcées dans de nombreux cas par le maintien de taux de
change surévalués, incitant soit à l’évasion
des capitaux par crainte de dévaluation,
comme en Argentine ou au Mexique, soit
au report de la demande interne sur des
biens d’importation durables, comme par
exemple au Chili. Dès lors, le rapport de
la dette extérieure totale aux exportations
de biens et services s’est considérablement gonflé dans les pays latino-américains, alors qu’il restait à peu près stable
dans les pays asiatiques (à l’exception des
Philippines), qui avaient adopté des stradownloadModeText.vue.download 325 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
324
tégies de croissance fondées sur le développement des exportations.
Cette conjonction d’offres de prêts
abondantes de la part des banques et
de politiques économiques inadaptées
conduisit à une situation de déséquilibre,
caractérisée par la concentration excessive des créances bancaires sur un petit
nombre de pays, principalement latinoaméricains, dont les ratios d’endettement
avaient atteint des niveaux extrêmes.
Cette concentration apparaissait net-
tement dans le cas des banques américaines, mais posait également problème
aux banques européennes, et, entre
autres, françaises.
Dans ce contexte de fragilisation, l’environnement économique fut une cause
indéniable de l’émergence d’une situation
de crise. Après le deuxième choc pétrolier, la lutte contre l’inflation devint prioritaire dans les principaux pays industrialisés, qui mirent en place des politiques
monétaires restrictives. Les pays en développement non pétroliers virent leurs
déficits se creuser. Le début des années 80
fut marqué par une nette décélération de
l’activité économique, par des taux d’intérêt nominaux très élevés, par une détérioration des termes de l’échange des pays en
développement et des taux d’intérêt réels
atteignant de hauts niveaux, donc, par un
resserrement de la contrainte financière
extérieure des pays en développement
(voir graphique).
Lorsque les banques ont commencé à
percevoir la détérioration de la situation
financière des pays en développement,
elles ont nettement marqué leur réticence
à poursuivre l’accumulation des créances.
En août 1982, le Mexique, qui ne disposait plus des réserves en devises et des
financements externes adéquats pour assurer le service de la dette, dut se déclarer
en cessation de paiement ; une véritable
réaction en chaîne fut ainsi amorcée,
caractérisée par une vague de suspensions de paiement et par un assèchement
presque total des crédits bancaires, accentuant encore la gravité de la crise.
En matière de gestion de crise, à ceux
qui se montraient confiants dans l’aptitude des gouvernements (pour la dette
officielle) et des banques (pour la dette
bancaire) à faire face aux problèmes au
fur et à mesure qu’ils se présentaient,
selon la formule de la gestion au coup
par coup, s’opposaient ceux qui, sensibles
au risque global économique et financier, préconisaient une approche radicale
visant à alléger le fardeau de la dette et
à réduire ainsi les tensions pesant sur le
système financier international. De nombreuses propositions très imaginatives
virent le jour, qui avaient le mérite de
traiter le problème en profondeur et dans
une optique de long terme, mais qui, à les
bien examiner, paraissaient à la fois très
difficiles à mettre en oeuvre, et assez inadaptées à la situation.
Outre le fait que ces solutions globales
ne tenaient pas compte de la spécificité
downloadModeText.vue.download 326 sur 502
ÉCONOMIE
325
des problèmes propres à chaque pays, elles
heurtaient de front le sacro-saint principe
d’orthodoxie financière qui s’exprime ainsi :
les banques doivent être rémunérées pour
le risque qu’elles prennent. Une entorse
ouverte à ce principe pouvait avoir deux
inconvénients, le premier de tarir complètement les flux bancaires futurs à destination des pays en développement, le second
d’être mal admis par ceux des emprunteurs
ayant réussi à assainir leur situation financière au prix d’efforts draconiens. Enfin, le
grand nombre des banques impliquées, la
diversité de leurs intérêts et la variété de
leurs relations avec leurs gouvernements
rendaient peu praticables les approches
globales préconisées. Compte tenu de ces
rigidités, la communauté internationale fut
réduite à la « navigation à vue », à savoir
l’approche négociée au cas par cas.
Depuis août 1982, un grand nombre
de rééchelonnements se sont donc succédé (voir tableau II). Le report des dettes
officielles s’opère dans le cadre du Club de
Paris, qui rassemble les gouvernements
créditeurs ; les dettes bancaires le sont dans
chaque cas par l’intermédiaire d’un « comité consultatif » de banques qui représente
l’ensemble des banques commerciales créditrices (parfois plusieurs centaines). Le
rôle du Fonds monétaire international,
intermédiaire et garant, est fondamental.
Les processus de négociation sont
encore à l’oeuvre sous nos yeux et conditionnent la gestion future du problème de
la dette. De nombreux efforts, de part et
d’autre, par les créanciers, les débiteurs,
les gouvernements, les organisations
internationales, sont déployés pour faire
aboutir les solutions négociées, car l’intérêt collectif conseille de prévenir les ruptures potentielles en procédant à des ajustements mieux contrôlés. Deux aspects
principaux des négociations méritent
d’être soulignés, relatifs tout d’abord aux
discussions entre débiteurs et créanciers,
ensuite aux divergences d’intérêts entre
banques créditrices elles-mêmes.
L’intervention du FMI
Il est erroné de croire que les pays endettés n’ont pas d’autre choix que de se plier
aux exigences de leurs créanciers. Voyant
downloadModeText.vue.download 327 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
326
se rétrécir considérablement et durablement leur accès aux financements dont ils
ont besoin pour assurer leur développement, ils peuvent être enclins à prendre
des mesures hostiles (pouvant aller
jusqu’à la décision extrême de répudiation de la dette). Les coûts économiques
de telles mesures ne sont pas évidents ; ils
dépendent des mesures de rétorsion qui
seraient alors prises par les créanciers. Or
il est douteux que l’on puisse en représailles exclure longtemps de gros pays
débiteurs du commerce international : ils
assurent des débouchés intéressants aux
exportations des pays industrialisés. Mais
au-delà du calcul économique, il ne faut
pas négliger la dimension politique. Les
intérêts de politique étrangère incitent
certainement les gouvernements des pays
débiteurs en difficulté à ne pas heurter de
front les pays industrialisés, encore que
les arguments de solidarité entre pays en
développement puissent à l’occasion se
manifester. Il est clair, par exemple, que
le Mexique accorde beaucoup d’intérêt
au maintien de bonnes relations avec
les États-Unis, et cela n’est pas étranger
aux réticences mexicaines à soutenir
les différentes tentatives de « cartel des
débiteurs ». Mais, dans certains cas, les
intérêts de politique intérieure peuvent
imposer des mesures d’hostilité envers
les créanciers : le coût social et politique
d’un ajustement économique dont on ne
voit pas la fin, alors même que la stabilité politique reste fragile, particulièrement dans les démocraties naissantes
d’Amérique latine, peut à la longue s’avérer insupportable. Dès lors, pour rendre
la négociation possible, les banques
doivent consentir des concessions et, en
particulier, de nouveaux crédits (voir
tableau III).
Les créanciers, à leur tour, ont bien
sûr collectivement intérêt à ce que les
solutions extrêmes soient évitées. Ce qui
importe n’est au demeurant pas tant le
remboursement ultime de la dette que le
paiement régulier des intérêts sur cette
dette. Mais pour conserver ces créances
douteuses à leur bilan, et pour accorder
de nouveaux prêts, les banques ont besoin de garanties sérieuses ; les pays endettés devront prendre les mesures économiques qui dégageront les ressources
nécessaires pour le service futur de leur
dette (voir tableau IV).
Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur
les programmes d’ajustement du Fonds
monétaire international, c’est grâce à
son intervention qu’ont pu progresser les
négociations entre débiteurs et créanciers
(pour la dette bancaire comme pour la
dette officielle) : « L’acceptation, par les
downloadModeText.vue.download 328 sur 502
ÉCONOMIE
327
pays débiteurs, de la conditionnalité du
FMI est devenue un élément clef (des)
négociations (...), dont les banques ont
fait dépendre leur propre acceptation des
programmes de refinancement (Banque
des règlements internationaux, Rapport
annuel, 1984, p. 124.). » Le FMI a pu
subordonner son intervention financière
auprès des États débiteurs en difficulté au
consentement de nouveaux crédits par
les banques, et à la mise en place, sous
son égide, de programmes d’ajustement
dans chaque pays. Il a donc joué un rôle
clef dans ces négociations.
Industrie
La tendance à l’affaiblissement de l’industrie manufacturière, qui s’était révélée
sous l’empire des chocs pétroliers, semble
s’être renversée en 1986. Dans une très large
mesure, ce changement peut être attribué à
une mutation technologique fondée sur la
mise en oeuvre de la filière électronique et
sur le relais pris, dans un proche avenir, par
le développement des bio-industries. Cette
mutation a contribué au renouvellement des
modèles du développement industriel. On
cherche à économiser davantage l’énergie
et les matières premières ; les thèses d’épuisement des ressources naturelles en longue
période sont ainsi rendues caduques.
Ce renouveau industriel observé dans les
principaux pôles de l’économie mondiale
s’est manifesté à travers une accélération
des processus de restructuration des industries de base et par l’exacerbation de la
concurrence commerciale.
Après le premier choc pétrolier, l’augmentation du coût de l’énergie, le tassement de
la consommation et la concurrence de nouveaux pays industriels, comme le Mexique
et la Corée du Sud, sur les marchés traditionnels d’exportation avaient mis en évidence les difficultés de plusieurs industries de base (sidérurgie, industrie textile,
constructions navales, etc), incapables
d’écouler des excédents liés à une surcapacité de production. Malgré les aides accordées à ces industries pour faciliter leur restructuration, elles n’ont plus absorbé autant
de ressources financières, de sorte que la
mise en oeuvre de nombreuses innovations
technologiques n’a pas été freinée.
Afin d’améliorer leur rentabilité, certains
grands groupes industriels ont fait preuve
d’un nouveau dynamisme commercial non
seulement en s’efforçant de pénétrer sur des
marchés jusqu’alors fermés (cas de l’Europe
downloadModeText.vue.download 329 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
328
vis-à-vis du Japon), mais aussi en formant
des réseaux communs avec d’autres entreprises ou en créant des filiales avec des partenaires du pays à pénétrer.
GILBERT RULLIÈRE
La plupart des pays en développement
en difficulté ont donc tant bien que mal
accepté jusqu’à présent de se plier à la discipline du FMI. Le Pérou, en revanche, a
choisi une stratégie délibérément hostile en décidant, en 1985, de limiter ses
dépenses au titre du service de la dette à
10 p. 100 du revenu de ses exportations.
Il n’a pas encore pour autant enduré de
représailles significatives. Son président,
Alan Garcia, en sort d’autant plus renforcé que le pays a retrouvé, en 1986, une
croissance réelle très positive. Il n’est pas
exclu que d’autres pays (le Mexique en a
d’ailleurs envisagé l’hypothèse) suivent le
même exemple, dès lors qu’ils estimeront
ne plus pouvoir sacrifier la croissance
économique à l’ajustement extérieur.
Peut-être est-ce aussi une option que
les créanciers devraient examiner plus
favorablement.
La solidarité bancaire
Il est remarquable qu’à quelques accrocs
près la solidarité des banques créditrices ait pu être si longtemps préservée. Car, parmi les plusieurs dizaines de
banques qui se partagent les créances
sur un pays donné (plus de 500 dans le
cas du Mexique), les intérêts individuels
peuvent être très différents et parfois
conflictuels. En particulier, les banques
petites ou moyennes, souvent moins
exposées sur les pays en développement
en difficulté (en proportion de leur capital), n’éprouvent pas la même incitation
que les grosses banques très impliquées à
prolonger la fiction de ces créances douteuses et à les accroître par de nouveaux
crédits. En outre, les modalités de répartition, entre les banques concernées, des
nouveaux crédits négociés par leur comité représentatif, lors des accords de rééchelonnement, font de plus en plus l’objet
de discussions. Chacune des banques
cherche en fait à reporter sur les autres
la plus grande partie des engagements
nouveaux. Ces brèches dans la solidarité
bancaire sont devenues de plus en plus
évidentes, comme en témoigne l’accord
avec le Mexique décrit plus haut. Le principe de cet accord avait été défini entre
le Mexique et le FMI dès juillet 1985. Il
a fallu attendre octobre pour qu’il soit
accepté par le comité représentatif des
banques. À la date du 21 novembre 1986,
le Mexique avait enfin réussi à obtenir la
participation de ses banques créancières
à hauteur de 90 p. 100 du montage envisagé, pourcentage nécessaire au déblocage du prêt du FMI. Il lui restait donc
encore à cette date à obtenir les 10 p. 100
restants pour pouvoir bénéficier du prêt
de 6 milliards de dollars qui était prévu.
Énergie
Les problèmes énergétiques ont été
encore dominés par la baisse du prix
du pétrole. Le prix du baril a baissé de
40 dollars en novembre 1980 à 28 dollars
en février 1985 (éd. 1986). Une nouvelle
baisse, amorcée en février 1986, l’a amené
au-dessous de 14 dollars, soit une chute de
moitié en six mois ; à l’issue de transactions
downloadModeText.vue.download 330 sur 502
ÉCONOMIE
329
conclues sur le marché libre de Rotterdam,
il est même tombé à 8 ou 10 dollars.
Cet effondrement du prix du pétrolier rendait compte non seulement des mutations
du marché international depuis le début
des années 80 (réduction de la consommation ; économies d’énergie), mais aussi des
conflits constatés au sein de l’OPEP. Aussi,
en décembre 1985, afin de conserver une
juste part du marché, face à l’essor de la production des pays indépendants comme la
Grande-Bretagne, la Norvège, le Mexique,
l’OPEP rompait officiellement avec la politique de plafonnement de la production
qu’elle tentait de suivre depuis 1982. Une
telle décision, consacrant la baisse du prix,
cherchait à éviter que soient évincés progressivement du marché les producteurs
aux réserves les plus abondantes et aux
coûts de production les plus bas comme
l’Arabie Saoudite : ainsi, en déclenchant
la guerre des prix, l’Arabie Saoudite et ses
alliés du Golfe visaient à mettre un terme à
cette situation absurde et à reprendre ainsi
le contrôle du marché.
Cette politique ne pouvait pas satisfaire
tous les pays membres de l’OPEP. Aussi, par
un accord conclu au début du mois d’août et
renouvelé à la fin d’octobre 1986, l’OPEP a
décidé à nouveau de limiter la production,
afin d’éviter la baisse du prix du pétrole et
de maintenir le prix du baril aux alentours
de 15 à 18 dollars. Les quotas des pays aux
coûts de production élevés comme l’Équateur, le Gabon, le Koweït et le Qatar ont
été accrus pour obtenir leur adhésion.
Néanmoins, cet accord reste très précaire ;
la guerre des prix peut se rallumer à tout
instant.
GILBERT RULLIÈRE
En dépit des progrès réalisés ainsi, on
peut donc se demander si cet arrangement
annonce une nouvelle et heureuse prise de
conscience par les banques que les accords
de refinancement doivent maintenant privilégier le rétablissement de la croissance
dans les pays en développement, et une
conception à beaucoup plus long terme
de programmes d’ajustement ; vu le temps
nécessaire pour aboutir et les pressions
considérables exercées sur les banques,
notamment par le gouvernement américain, on peut aussi interpréter cet accord
comme un signe précurseur d’un début
de dissociation, ou du moins de distanciation, des banques par rapport à la gestion
de la dette. Il faut reconnaître qu’au fur et à
mesure des différentes renégociations, les
banques ont peu à peu donné leur agrément à des concessions qui auraient paru
inimaginables quelques mois auparavant,
et que l’on pouvait interpréter comme un
signe de maturation et une amorce de vision à plus long terme des problèmes posés par l’ampleur de leurs risques. L’accord
mexicain en 1986 crée toutefois un précédent en obtenant des banques une entorse
de taille à l’orthodoxie traditionnelle : le
principe du prêt conditionnel est en effet
de prêter d’autant plus que la santé du pays
se détériore ! Si les banques l’ont accepté
pour le Mexique, il n’est pas sûr qu’elles
soient prêtes à le refaire. À l’issue des inévitables renégociations qui devront avoir
lieu avec, entre autres, l’Argentine, le Nigeria, ou les Philippines, 1987 devrait, sur ce
point, fournir de plus amples éclaircissements (Voir l’article de Françoise Crouigneau dans le Monde du 21 novembre
1986, p. 40).
En tout état de cause, les banques ont
commencé de procéder à des restructurations de leurs portefeuilles de créances
en cédant pour une fraction de leur valeur nominale certaines de leurs créances
sur les pays endettés ; certains y voient la
downloadModeText.vue.download 331 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
330
naissance d’un « marché secondaire » des
créances, mais les volumes qui s’y traitent
restent marginaux en comparaison du volume de la dette bancaire (voir tableau V).
Parfois, des entreprises acquièrent ces
créances et les échangent aux gouvernements débiteurs contre des parts d’investissement direct dans le pays (comme Nissan au Mexique, par exemple). Même de
faible ampleur, ces opérations contribuent
à la stabilisation du problème.
Automobile
L’industrie européenne vient toujours
en tête du classement de la production
de voitures, mais, alors que la production
mondiale a augmenté de 30 p. 100 depuis
1970, le nombre des unités produites par les
usines européennes est pratiquement stagnant depuis cette date. Par ailleurs, alors
que les Européens multipliaient par dix
leurs achats de voitures étrangères à l’Europe, les exportations européennes vers le
marché mondial diminuaient de 10 p. 100
malgré une reprise sensible en 1983. Beaucoup d’entreprises ont été alors contraintes
de réduire les effectifs.
En contrepoint de cette dégradation, les
constructeurs européens ont été surpris
par l’offensive extraordinaire des firmes
japonaises et plus récemment par celle des
Américains. Depuis 1970, l’industrie automobile japonaise a connu un développement sans précédent : sa production a plus
que doublé et ses exportations, multipliées
par cinq, ont submergé la planète, ravissant
à l’Europe cette première place sur le marché mondial qu’elle détenait encore jusqu’en
1975. Désormais, sur dix voitures exportées dans le monde, un peu plus de deux
seulement proviennent encore d’usines
européennes, alors que près de cinq sont
japonaises.
Le secteur européen de l’automobile a été
affaibli par les chocs pétroliers et par la
crise économique générale (tassement de
la demande). Mais il a également souffert
d’une adaptation tardive face à l’une des
mutations majeures de l’histoire de l’automobile. Les quatre grands groupes européens (Fiat, Peugeot, Renault, Volskwagen)
se sont lancés dans une politique de relèvement de la productivité, d’amélioration
de la technologie et de modernisation des
réseaux commerciaux ; en outre, ils ont
cherché, après plusieurs concurrents japonais ou américains, à renouveler plus fréquemment les modèles et à privilégier le
haut de gamme, au moment même où les
producteurs américains, ferment, pour les
moyennes cylindrées, le marché intérieur.
GILBERT RULLIÈRE
Le renforcement des disparités
L’ajustement extérieur des pays endettés
s’est remarquablement effectué. Il a toutefois nécessité une importante récession, obtenue par le biais notamment de
downloadModeText.vue.download 332 sur 502
ÉCONOMIE
331
dévaluations réelles très importantes dans
les pays latino-américains, et des réductions considérables des importations.
Or, la contrainte financière extérieure ne
semble pas se relâcher et on ne voit guère
la fin de cet ajustement dans la récession,
peu compatible avec la stabilisation politique, ou avec les besoins de l’économie.
Les pays en développement remboursent
plus chaque année qu’ils ne reçoivent de
nouveaux prêts, et voient la progression
de leurs recettes d’exportation buter sur
une croissance insuffisante de la demande
mondiale et sur le risque que font courir
à leurs marchés les tendances protectionnistes. Les pays industrialisés ont une responsabilité considérable dans ce domaine.
Mais, en 1986, ils ont paru figés dans leur
souci de sauvegarder les résultats des politiques de rigueur et incapables d’adopter
des décisions coordonnées visant à promouvoir la croissance économique internationale. Plus que jamais, la reprise d’une
croissance forte de l’économie mondiale
paraît nécessaire à tout espoir de « sortie »
de crise.
Tout aussi préoccupant est le problème
du financement futur du développement.
Peu d’options semblent encore se dégager.
Les banques ne seront probablement pas
prêtes, dans un avenir prévisible, à contribuer de façon significative à la solution du
problème par de nouveaux crédits. Elles
ont été fortement échaudées par leur imprudence récente concernant à la fois leurs
prêts aux pays en développement et, surtout aux États-Unis, les crédits accordés
aux secteurs agricole et énergétique en difficulté ; elles sont par ailleurs confrontées à
une mutation profonde de leur environnement et de leurs activités dans le cadre de
la révolution financière que connaissent
tous les pays industrialisés. L’intermédiation bancaire internationale, classique
sous la forme de crédits syndiqués, est en
fait condamnée à un déclin durable. On
ne peut guère attendre de l’aide officielle
qu’elle prenne le relais, même si l’on peut
vivement souhaiter qu’un effort sérieux
soit consenti en faveur des pays les plus
pauvres de la planète. Les contraintes budgétaires de la plupart des pays industrialisés laissent cependant peu d’espoir à ce
sujet. Il ne faut pas non plus s’attendre, de
la part des entreprises, à un accroissement
des flux d’investissement direct dans les
pays en développement. Il y a certes un
potentiel intéressant à exploiter, mais il
faut d’abord que se mette en place un code
d’investissement qui préserve les intérêts
à la fois des entreprises et des pays d’accueil. Reste l’accès au marché des capitaux.
Seuls cependant certains pays peuvent y
prétendre à des coûts non prohibitifs, s’ils
possèdent des réserves adéquates et font
preuve d’un dynamisme économique suffisant. C’est le cas de certains pays d’Asie
(en particulier la Corée). Le Brésil pourra
peut-être aussi y avoir accès dès 1987. Au
total, la crise de la dette pourrait bien renforcer les disparités des situations et des
performances des pays du tiers monde,
pénalisant doublement ceux qu’elle met
durablement en difficulté, d’une part par
la nécessité d’un ajustement coûteux,
d’autre part en réduisant leurs perspectives d’accès à de futurs financements.
PIERRE JACQUET
Ancien élève de l’École polytechnique, ingénieur des
Ponts et Chaussées, Pierre Jacquet est adjoint au directeur
de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Il est responsable de la partie économique du Rapport
annuel mondial sur les systèmes économiques et les
stratégies (RAMSES), publié chaque année par l’IFRI. Il
est également maître de conférences à l’École nationale
d’administration et à l’Institut d’études politiques de Paris.
downloadModeText.vue.download 333 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
332
Aviation
Une conjoncture économique et politique peu favorable – baisse notable du
dollar et terrorisme en Europe – a amené
une baisse sensible du trafic passagers sur
le faisceau Atlantique-Nord dans le sens
Amérique-Europe, qui a touché toutes
les compagnies desservant ces liaisons. À
cette baisse s’ajoute, pour Air France, une
diminution non négligeable du nombre
des passagers sur les lignes desservant le
Maghreb. Néanmoins, le bilan et les pers-
pectives financières des principales compagnies aériennes françaises demeurent favorables : 1985 a été une année bénéficiaire
et, même si la progression des bénéfices est
sans doute plus modérée en 1986, le solde
n’en sera pas moins positif selon les documents soumis aux assemblées générales ordinaires. Pourtant, la concurrence s’aggrave
par suite de la construction du TGV Atlantique, pour les lignes intérieures, de la déréglementation progressive du réseau européen, conformément au traité de Rome, et
de l’introduction de nouvelles compagnies
américaines sur la desserte de l’AtlantiqueNord. L’arrivée de ces compagnies concurrentes reste insuffisamment compensée par
l’ouverture de Miami et de San Francisco à
Air France et de San Francisco à UTA, avec
concurrence franco-française sur la ligne
Paris-Los Angeles-Papeete. En outre, pour
l’ensemble des compagnies, le renouvellement et la modernisation des flottes sont
à l’ordre du jour avec pour règles de base :
des avions moins bruyants, plus sûrs, plus
confortables, et d’un coût d’exploitation
moins élevé.
C’est pourquoi les trois principaux constructeurs occidentaux remplissent actuellement
leurs carnets de commandes grâce à leurs
nouveaux modèles commercialisés ou en
cours de réalisation : pour Boeing, les 737300 et 400, les 757, les 767, les 747-400, le
futur 707, aux nouveaux réacteurs à hélices
non carénées : pour McDonnell Douglas,
les séries MD-80 ; pour Airbus Industries, les A 300-600, les A 310 et, à venir,
les A 320 (dont le premier vol approche),
A 330 et A 340.
PHILIPPE DELAUNES
downloadModeText.vue.download 334 sur 502
ÉCONOMIE
333
Emploi et chômage :
la fin des illusions
L’année 1986 restera marquée par l’émergence en France d’un chômage
« incompressible » qu’aucun pouvoir politique, qu’il soit de droite ou
de gauche,
ne parvient à maîtriser. L’arrivée au pouvoir de l’opposition, en mars,
n’a pu inverser la montée irréversible de l’inactivité forcée.
Le retour au plein emploi apparaît aujourd’hui
comme un mythe dépassé.
Le 16 mars 1986, quand, les Français
ont choisi de faire revenir au pouvoir
les partis qui étaient dans l’opposition
depuis 1981, nul doute qu’ils entendaient
ainsi exprimer, entre autres, leur déception devant l’impuissance des socialistes
à maîtriser le problème le plus préoccupant de leur vie quotidienne, le chômage. Beaucoup de ceux qui avaient mis
tant d’espoir dans les promesses de la
gauche se sont sentis floués à l’heure du
bilan. De 1981 à 1986, la France a perdu
647 000 emplois et le nombre des chômeurs a augmenté de 50 p. 100, passant
de 1 600 000 à 2 400 000.
L’année 1986 a donc été marquée par
le retour du réalisme libéral qui devait à
son tour répondre à la première attente
des Français. Le chômage est en train de
devenir le problème politique, économique et social majeur. Il est susceptible,
à lui seul, de faire jouer une alternance
peu ancrée jusqu’alors dans les habitudes
françaises. Il est susceptible aussi de faire
éclater le fameux clivage droite-gauche
qui divise le pays depuis des décennies.
Car si, au bout du compte, l’expérience
des libéraux se solde à son tour par une
incapacité à redresser l’emploi, il faudra
bien se résigner à admettre que l’extension du chômage obéit à des phénomènes
qui dépassent la compétence des hommes
politiques.
Pour la première fois en 1986, un ministre a osé parler de « chômage incompressible ». Philippe Séguin, ministre
des Affaires sociales du gouvernement
Chirac, ne déteste certes pas la provocation. Il a donc choisi de dire tout haut une
vérité difficile à avouer quand on détient
le pouvoir. À savoir : ne comptons pas sur
les effets de la croissance pour retrouver le
plein emploi de jadis. Elle ne sera jamais
suffisante pour créer le nombre d’emplois
nécessaire à la résorption du chômage.
Un constat que les experts économiques
confirment dans toutes leurs études. Tant
que le taux de croissance ne dépassera
pas 3 p. 100 par an, le nombre d’emplois
continuera à décroître. La crise de l’emploi n’est donc pas seulement conjoncturelle, mais bien structurelle. Comme l’exdownloadModeText.vue.download 335 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
334
plique lui-même Philippe Séguin, pour
justifier son pronostic pessimiste de 2 à
2,5 millions de chômeurs en France « totalement incompressibles », « les réserves
de productivité de l’industrie et des services classiques sont énormes et la compétition internationale les fera toujours
jouer à plein. Il y a désormais un décalage
structurel entre le rythme de l’évolution
technologique et la capacité d’adaptation,
sur la base des modèles traditionnels, du
corps social ».
Constructions navales
La construction navale a connu un essor
presque ininterrompu de la fin de la Seconde Guerre mondiale à 1974, le tonnage
lancé étant multiplié par près de 17. Cet
essor s’explique par une conjoncture favorable, marquée par la croissance du commerce mondial (trois fois plus en volume
entre 1958 et 1973) et par celle des transports maritimes. Après 1974, la crise énergétique provoque une nette diminution des
échanges maritimes, portant, entre autres,
sur les hydrocarbures, qui a entraîné une
surcapacité de la flotte mondiale, d’où une
guerre des tarifs de fret, puis une réduction
des commandes et un net déclin de l’activité
des chantiers.
Les aides officielles accordées aux chantiers
ont provoqué plus de commandes que nécessaire. En même temps, des concurrents
très compétitifs sont apparus, en particulier la Corée du Sud, qui semble souffrir le
moins du marasme, alors qu’en 1986 la crise
est presque universelle. Le Japon, qui à lui
seul construit la moitié du tonnage mondial, licencie jusqu’au tiers du personnel.
L’Europe, très médiocrement compétitive,
avait peu de chances de faire face : la situation est grave en Suède, en Grande-Bretagne, en Allemagne fédérale et en France.
La Normed (chantiers à Dunkerque, La Ciotat et La Seyne) était d’une efficience discutable dès sa création. En 1986, elle n’en finit
pas d’agoniser, et les médias se font l’écho
de plans, de tractations avec des repreneurs
et de colères syndicales. Plus discrets, les
autres chantiers sont aussi aux prises avec
les règlements judiciaires et les dépôts de
bilan. Le vénérable chantier Dubigeon, à
Nantes, créé en 1740, met fin à son activité,
n’ayant aucune commande en vue. La politique française actuelle s’oriente vers la suppression des aides à la construction au profit de programmes de conversion, parfois
dans le cadre de zones d’entreprises pilotes.
GILBERT RULLIÈRE
Une croissance insuffisante
L’année 1986 aura sans doute marqué
un tournant dans la prise de conscience
des Français. Car tous les experts sont
formels : l’accroissement régulier du
rendement de notre appareil productif
va continuer à susciter des suppressions
d’emplois. C’est une évolution douloureuse, mais inéluctable, si l’on veut maintenir la France en bonne position dans la
concurrence internationale. Même si le
redressement de la situation économique,
lié à une accélération de la croissance,
permet des créations nettes de postes de
travail dans certains secteurs, ces emplois
ne pourront absorber, à eux seuls, tous les
nouveaux actifs qui se présentent chaque
année sur le marché du travail.
Et c’est la forte croissance de la population active disponible qui justifie les
prévisions les plus noires sur l’évolution
de l’emploi et du chômage en France. En
1986 et 1987, 400 000 nouveaux actifs
se présenteront sur le marché du tradownloadModeText.vue.download 336 sur 502
ÉCONOMIE
335
vail. Comment l’appareil de production
peut-il absorber ces 200 000 personnes
supplémentaires chaque année, alors
qu’il est déjà contraint de tailler dans
ses propres effectifs pour survivre ? On
comprend dans ces conditions les pronostics alarmistes des experts, qui prévoient une augmentation du nombre
des chômeurs d’un million d’ici 1991, et
le franchissement du seuil fatidique des
trois millions de chômeurs dès 1989. L’un
des événements notables de l’année 1986
n’est pas l’évocation de ces trois millions
de chômeurs : André Bergeron, le leader
de Force ouvrière, s’était déjà fait l’écho
de cette perspective auparavant. La nouveauté, c’est que le pouvoir politique en
place ose ouvertement en parler.
Cette pression démographique s’explique en grande part par la montée
continue de l’activité féminine dans la vie
économique. Sous l’effet de la crise et de
l’évolution sociologique, le taux d’activité des femmes ne cesse d’augmenter.
De 1975 à 1982, ce taux a progressé plus
qu’au cours des vingt dernières années :
il a atteint 66,5 p. 100 en 1986. Ce phénomène va se poursuivre dans les années
à venir, de pair avec l’extension du travail
à temps partiel, qui touche aujourd’hui
22,5 p. 100 des femmes, contre 15 p. 100
en 1975.
Légère amélioration de l’emploi : à
défaut d’enrayer la montée du chômage,
la politique mise en oeuvre en 1986 a-telle permis de stopper l’hémorragie des
emplois ? L’INSEE n’a pas encore rendu
son verdict, mais les experts s’attendent à
un bilan moins catastrophique que celui
qui avait été enregistré au cours des deux
dernières années. Il faut en effet se rappeler qu’en 1984 et 1985, la France avait perdu 350 000 emplois, alors que les grands
pays industriels, eux, dans le même
temps, avaient recommencé à augmenter leurs effectifs : 6,4 millions d’emplois
créés aux États-Unis, 920 000 au Japon,
600 000 en Grande-Bretagne, 220 000
en Allemagne fédérale. Loin de suivre ce
mouvement, la France, en 1986, a continué de perdre des emplois, mais dans une
proportion moindre que les années précédentes ; de plus, la chute des emplois
industriels n’est plus compensée par l’accroissement des emplois dans le secteur
tertiaire, lui aussi soumis aux impératifs
de la modernisation et de la productivité.
L’année 1986 devrait donc se solder par
une diminution de l’emploi total, salarié
et non salarié, d’environ 0,3 p. 100, soit
une perte de 70 000 emplois. Ce résultat
global recouvre des évolutions contrastées selon les grands secteurs d’activité.
Ainsi, pour la première fois depuis le milieu de l’année 1982, l’emploi salarié dans
les secteurs marchands non agricoles s’est
légèrement accru, de l’ordre de 0,1 p. 100
au cours du premier semestre 1986. Si
l’on compare avec la même période de
l’année précédente, les six premiers mois
de l’année 1985, on constate que les
effectifs avaient régressé de 0,3 p. 100 ;
l’emploi salarié a donc connu une légère
amélioration entre 1985 et 1986. Sur
douze mois, de juillet 1985 à juillet 1986,
la baisse globale des effectifs salariés a été
de 0,2 p. 100, alors que l’année précédente
avait été marquée par une diminution de
1,4 p. 100. Pour les différentes branches
industrielles, les experts de l’INSEE s’attendent à un bilan en demi-teinte pour
l’année 1986. Dans les industries manufacturières, la dégradation se ralentit,
avec une baisse des effectifs de 1,9 p. 100
downloadModeText.vue.download 337 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
336
en 1986, contre 2,9 p. 100 en 1985. Les
secteurs les plus touchés demeurent ceux
des biens d’équipement, notamment
l’automobile, ainsi que la sidérurgie, le
textile et le cuir. Pour l’énergie, l’arrêt
de la croissance des effectifs d’EDF et la
forte baisse de l’emploi dans les Charbonnages de France entraînent une diminution de l’emploi plus forte qu’en 1985. Le
bâtiment perd, en 1986 comme en 1985,
1 p. 100 de ses effectifs. La croissance des
emplois dans les commerces est moins
sensible qu’en 1985 : 0,7 p. 100 contre
1,3 l’année dernière. Les effectifs se réduisent dans les transports à un rythme
annuel de 0,4 p. 100. Dans les services,
l’augmentation des effectifs est moins
soutenue qu’auparavant : 1 p. 100 contre
1,7 en 1985.
Télécommunications
L’expansion a été accompagnée de profondes mutations techniques et structurelles. Dans le domaine de la technologie,
deux innovations sont en train de bouleverser le système de télécommunications : la
numérisation ; l’optoélectronique, qui tire
parti de la vitesse et de la longueur d’onde de
la lumière pour transmettre à bon compte
une plus grande masse d’informations.
Le progrès de ces technologies suscite l’amélioration de la qualité des services existants
et l’introduction progressive de nouveaux
services (télécopie, courrier électronique,
vidéotex, visiophone, etc.). En outre, ces innovations technologiques vont accroître la
productivité des entreprises et bouleverser
la vie quotidienne : par exemple, le courrier électronique et la télécopie pourraient
remplacer la lettre et la poste traditionnelle.
Sur le plan économique, ces innovations
technologiques commencent à provoquer
des changements dans l’organisation des
marchés, principalement européens et
américains. Dans un premier temps, les
« monopoles naturels » qui fondaient le
contrôle direct de l’État sur le fonctionnement des réseaux de communication ont
été remis en cause. L’apparition de nouveaux moyens de transmission (faisceaux
hertziens, satellites) a poussé de nombreux
opérateurs à créer aux États-Unis des entreprises cherchant à exploiter ces nouvelles
techniques. Par ailleurs, la déréglementation cherchant la vérité des tarifs a entraîné
le démantèlement de certains monopoles
existants, comme celui d’ATT. Inversement,
pour conquérir des marchés extérieurs difficiles, certains groupes industriels ont été
conduits à reprendre des activités relevant
d’un autre groupe monopolistique : tel est le
sens de l’accord entre ITT et la CGE (juillet
1986) : la CGE absorbe les activités de télécommunication du groupe ITT et devient le
numéro deux mondial du secteur.
GILBERT RULLIÈRE
Selon les estimations des spécialistes
de l’INSEE, l’emploi total, salarié et non
salarié, aura chuté d’environ 70 000 en
1986, soit une baisse de 0,3 p. 100 avec
40 000 pertes d’emplois salariés, et 30 000
d’emplois non salariés.
Le résultat est globalement moins
mauvais que les années passées. En 1985,
la France avait perdu 100 000 emplois,
250 000 en 1984.
Plus d’un Français sur dix au chômage
Conséquence immédiate de ces pertes
d’emploi, conjuguées à l’arrivée des nouveaux actifs sur le marché du travail : une
stabilisation du chômage à un niveau très
downloadModeText.vue.download 338 sur 502
ÉCONOMIE
337
élevé. Le nombre des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE (Agence nationale
pour l’emploi) est resté tout au long de
l’année sur la crête des 2 500 000.
Plus significative encore que les
chiffres des demandeurs d’emploi, l’évolution du taux de chômage en France
rend compte de la détérioration de la
situation. En effet, le pourcentage des
chômeurs, par rapport à la population
active, est passé de 7,4 p. 100 en 1981, à
9,8 p. 100 en 1984 et à 10,1 p. 100 à la
fin de 1985. En septembre 1986, le taux
de chômage atteignait 10,7 p. 100 de la
population active, soit un taux bien supérieur à la moyenne enregistrée dans les
pays de l’OCDE (8,3 p. 100).
Plus d’un Français sur dix est inscrit au
chômage en 1986. Mais, certaines catégories sont plus frappées que d’autres.
On note à ce sujet des évolutions qui témoignent d’une nouvelle aggravation du
chômage structurel.
Si le chômage, depuis le début de la
crise, touchait en priorité les jeunes dépourvus de formation et d’expérience
professionnelle, il s’étend aujourd’hui
chez les adultes de 25 à 49 ans et frappe
le personnel qualifié. Des deux millions
et demi de chômeurs recensés à la fin du
mois de septembre 1986, on comptait
31 p. 100 d’employés et 22 p. 100 d’ouvriers parmi le personnel pourvu de qualification. Certes, les jeunes ont continué
downloadModeText.vue.download 339 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
338
en 1986 à être les premières victimes du
chômage. Un jeune Français sur quatre,
dans la tranche des moins de vingt-cinq
ans, est inscrit à l’ANPE comme demandeur d’emploi, soit un taux trois fois supérieur à celui que l’on enregistre dans la
population adulte. Par ailleurs, les jeunes
de moins de vingt-cinq ans représentent,
en 1986, le tiers des chômeurs recensés.
Mais, l’un des faits les plus inquiétants
de l’année 1986 est incontestablement
la très forte augmentation du chômage
des adultes âgés de 25 à 49 ans. À la fin
du mois de septembre, ils représentaient
près de la moitié des demandeurs d’emploi (48,6 p. 100), comme si les mesures
prises en faveur de l’emploi des jeunes
avaient provoqué un effet relatif de glissement du chômage d’une tranche d’âge
à une autre. Au cours des six premiers
mois de l’année, le nombre des demandeurs d’emploi a augmenté en moyenne
de 18 000 par mois. Cet accroissement a
porté en priorité sur les femmes de 25 à
49 ans (+ 10 000 par mois), ensuite sur
les hommes de cette même tranche d’âge
(+ 4 000 par mois), et sur les jeunes de
moins de 25 ans (+ 3 000 par mois).
Autre signe marquant de la crise, l’allongement de la durée du chômage. À
l’automne 1986, l’ancienneté moyenne des
demandes d’emploi était de 333 jours, soit
une augmentation de 4 p. 100 en un an.
Phénomène plus angoissant encore, un
chômeur sur trois était inscrit à l’ANPE depuis plus d’un an, terme au-delà duquel les
chances de se réinsérer dans la vie active
se réduisent considérablement, comme
l’indiquent les conclusions convergentes
de toutes les études dont on dispose.
Quelle politique ?
« Pour créer de nouveaux emplois, l’économie française a besoin d’un supplément de liberté » déclarait devant les
députés, le 2 avril 1986, Jacques Chirac,
le nouveau Premier ministre de la cohabitation. Tenue par ses promesses préélectorales, comme la gauche cinq ans auparavant, la nouvelle majorité a eu pour
downloadModeText.vue.download 340 sur 502
ÉCONOMIE
339
objectif de mettre le libéralisme au service de l’emploi. Le gouvernement a pris
une série de mesures visant à stimuler la
création d’emplois dans les entreprises,
tant par des incitations financières pour
les jeunes, que par l’assouplissement des
règles de l’embauche et du licenciement,
considérées comme trop rigides par le
monde patronal.
Le 16 juillet 1986, le Conseil des ministres adopte la première ordonnance
de la cohabitation, signée par le président
de la République, portant sur l’emploi des
jeunes. Les mesures contenues dans l’ordonnance ont pour but d’inciter les employeurs à embaucher des jeunes de 16 à
25 ans, en leur offrant des exonérations,
partielles ou totales, des charges sociales.
Ces charges, qui représentent plus de la
moitié du salaire versé, freinent les velléités d’embauche. Les jeunes, inexpérimentés et insuffisamment formés, sont plus
particulièrement victimes de cette situation. L’allégement des charges sociales se
traduit par une perte de 4,5 milliards de
francs en 1986, pour les finances de l’État,
entérinée par un collectif budgétaire. La
même somme figure dans le projet de
budget pour 1987.
Le « plan urgence » pour l’emploi
des jeunes, comme le baptise Philippe
Séguin, ministre des Affaires sociales
et auteur du projet, comporte trois séries de dispenses totales ou partielles :
– une réduction de 25 p. 100 des cotisations patronales pour toute embauche de jeunes effectuée entre le
1er mai 1986 et le 31 janvier 1987 ;
– une diminution de 50 p. 100 de ces
mêmes cotisations de Sécurité sociale
pour l’embauche de jeune effectuée à
la suite d’un contrat d’apprentissage ou
d’une formation en alternance. Rappelons que les systèmes de formation
en alternance avaient été mis au point
par les partenaires sociaux, en 1982,
pour faciliter l’insertion des jeunes
dans les entreprises, en leur donnant
la possibilité d’exercer une activité
tout en bénéficiant d’une formation ;
– enfin, troisième élément du projet :
un abattement à 100 p. 100 des charges
sociales pour tous les contrats d’apprentissage et les formations en alternance.
Distribution
Au cours de l’année 1986, la grande
distribution des produits et des services (chaînes de supermarchés et d’hypermarchés) a été affectée par une nouvelle vague d’innovations concernant la
vente des produits et les services rendus
aux consommateurs en matière bancaire.
Dans le domaine de la vente des produits,
les formules traditionnelles commencent à
être révisées. D’ordinaire, le supermarché
se voulait le pôle d’attraction du centre
commercial qu’il avait contribué à mettre
en place : la distribution de masse s’attachait à proposer des produits banalisés ou
downloadModeText.vue.download 341 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
340
de bas de gamme en juxtaposant les différents rayons (alimentation, électroménager, librairie, etc.). Dans les nouvelles
formules, les longues perspectives seront
cassées au profit de petites cellules spécia-
lisées et autonomes. L’animation ne sera
plus ponctuelle à l’occasion de promotions,
mais permanente. Cette formule d’hypermarché « atomisé » et haut de gamme va
tendre à se généraliser. Cette évolution implique deux bouleversements. D’un côté,
les fournisseurs ou industriels n’auront
plus à consentir, comme par le passé, autant de sacrifices financiers pour être bien
référencés en hypermarchés (remises, ristournes) et pour y introduire de nouveaux
produits (pratique du « ticket d’entrée »).
D’un autre côté, les consommateurs disposeront de la possibilité de grouper en un
même lieu tous leurs achats, tant en produits ordinaires que de luxe.
Pour fidéliser leur clientèle, certaines
grandes surfaces de vente offrent de nombreux services financiers (assurance, crédit à la consommation et parfois immobilier, etc.). D’autres donnent aux porteurs
de la carte de crédit « maison » la possibilité d’obtenir au moment de passer à
la caisse une avance en espèces, déduite
automatiquement de leur compte en
banque. Cependant, un certain nombre de
chaînes, refusant d’être concurrencées sur
ce terrain, acceptent le paiement par carte
bancaire.
GILBERT RULLIÈRE
La diminution du coût du travail,
même temporaire, pour les jeunes de 16
à 25 ans s’est aussitôt traduite dans la réalité, si l’on en juge par le bilan dressé à la
fin de septembre 1986 par le ministère du
Travail : les chefs d’entreprise ont déclaré
400 000 embauches de jeunes, avec exonération, dans le cadre du plan Séguin.
Lever les rigidités
Parallèlement aux mesures financières, le
gouvernement s’est engagé dans un vaste
programme de flexibilité destiné à dégager les entreprises de certaines rigidités
nuisibles à l’embauche, conformément
aux engagements pris dans la plate-forme
électorale RPR-UDF (voir la Quête de la
flexibilité, éd. 1985).
Le changement radical opéré dans les
conditions de licenciement restera dans
les annales de l’histoire sociale comme la
grande réforme de l’année 1986. Cette réforme, qui s’est opérée en plusieurs temps,
a donné lieu à des épisodes riches en
rebondissements. Fidèle aux promesses
faites au patronat, le gouvernement a préparé dès le printemps une ordonnance visant à supprimer l’autorisation administrative que doit obtenir tout employeur
désirant procéder à un licenciement
économique auprès de l’Inspection du
travail. Ingérence insupportable de l’État
dans la marche des entreprises, aux yeux
des patrons, qui avaient bien l’intention
d’obtenir de nouveau la liberté de licencier sans contrôle.
Le président de la République a refusé
de signer une ordonnance qui entraînait,
selon lui, une régression des droits acquis pour les salariés. Le gouvernement
a donc transformé l’ordonnance en un
projet de loi qu’il a fait rapidement adopter par l’Assemblée nationale en utilisant
l’article 49-3 de la Constitution.
La loi a été votée le 3 juillet 1986. Elle
supprime immédiatement l’autorisation
administrative de licenciement et engage
le gouvernement à déposer, avant la fin
de l’année, un second projet de loi, réglementant définitivement les procédures
downloadModeText.vue.download 342 sur 502
ÉCONOMIE
341
de licenciement économique à partir du
1er janvier 1987. Les partenaires sociaux
sont invités à ouvrir des négociations
pour élaborer un dispositif contractuel
de licenciement économique, qui servira
de base à la rédaction du second projet de
loi gouvernemental. Bien que jugeant sévèrement la suppression de l’autorisation
administrative, les syndicats acceptent
de négocier. Les discussions aboutissent,
dans la nuit du 20 octobre, à un accord sur
les procédures de licenciement, conclu
entre le CNPF et les organisations syndicales CFDT, Force ouvrière et CFTC.
Pour les entreprises, l’accord facilite les
licenciements : raccourcissement des
délais, contrôle de l’Administration sur la
simple régularité des procédures, et non
sur le contenu du plan social. En échange,
les salariés obtiennent le droit de bénéficier d’un contrat de conversion en cas
de licenciement, ou d’un stage de formation professionnelle de cinq mois, rémunérés à 70 p. 100 du salaire. L’accord du
20 octobre préfigure le nouveau régime
de licenciement applicable au 1er janvier
1987, tel qu’il est prévu dans la seconde
loi Séguin.
Matières premières
La baisse des cours des matières premières s’est poursuivie en 1986. Dans
le domaine des produits miniers, les
stocks n’ont cessé de croître ; de même,
en ce qui concerne les produits végétaux,
des réserves abondantes pèsent sur les
prix. En outre, la baisse du dollar n’a pas
été compensée par une hausse du cours
des matières premières ; habituellement,
les cours exprimés en dollars enregistrent
des fluctuations de sens contraire à celles
du taux de change du dollar relativement
aux principales monnaies des pays industrialisés, ces variations n’étant pas nécessairement d’ampleur identique. Ce phénomène de compensation partielle ou de
surcompensation s’explique par la rapidité
des ajustements opérés sur les marchés
à terme, où s’établissent les cours. Or, en
1986, la baisse observée en avril n’aurait
pas dû se produire, compte tenu de l’affaiblissement du dollar. Cette absence de
réaction à la hausse souligne la persistance
des causes structurelles. En premier lieu,
la modernisation des techniques tend à
diminuer l’utilisation relative des métaux.
En second lieu, à cette diminution de la
consommation s’ajoute l’effet de l’arrivée
en force de matériaux de substitution plus
compétitifs : plastiques, fibres optiques et,
de façon plus générale, matériaux composites. En troisième lieu, aux prises avec un
endettement énorme, certains pays en voie
de développement (Mexique, Brésil) ont
essayé de compenser les baisses de cours
par l’ouverture de mines géantes que la
hausse du dollar entre 1982 et 1984 a encouragée. En revanche, le cours de l’étain a
tellement baissé que la Bolivie a dû envisager la fermeture des mines et le démantèlement de l’entreprise publique Comibal.
Enfin, la surabondance est très vite apparue comme un facteur de division entre
produits, rendant difficile un accord avec
les pays consommateurs.
GILBERT RULLIÈRE
Pour le patronat, c’est une magnifique
victoire. Yvon Gattaz, président du CNPF,
annonce que la suppression de l’autorisation administrative, en débloquant les
freins psychologiques à l’embauche, va
entraîner, avant la fin de l’année 1986, la
création de 300 000 à 400 000 emplois
dans les entreprises.
downloadModeText.vue.download 343 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
342
Flexibilité
du temps de travail
Si, pour le gouvernement, le développement de l’emploi passe par la liberté de
licencier, il implique également plus de
souplesse dans les formes de travail différencié. Ce sera précisément l’objectif
de l’ordonnance du 11 août 1986 que de
faciliter, pour les entreprises, le recours
aux contrats à durée déterminée, au travail temporaire, et au travail à temps
partiel. Le chef d’entreprise pourra désormais conclure librement des contrats de
travail temporaire ou à durée déterminée sans se référer à une liste de recours
limitative. Les salariés à temps partiel
seront pris en compte dans le calcul des
effectifs au prorata de leur temps de travail. L’ordonnance crée aussi un nouveau
type de contrats à durée déterminée : le
contrat de travail intermittent. Celui-ci
permettra désormais de pourvoir, de façon permanente, les emplois comportant
alternativement des périodes d’activité et
d’inactivité. Enfin, l’ordonnance autorise
les entreprises à recourir aux préretraites
à mi-temps, pour réduire le nombre des
licenciements.
Commerce international
Au cours de l’année 1986 s’est ouvert un
grand cycle de négociations commerciales multilatérales entre les quatre-vingtdouze pays signataires du GATT (General
Agreement on Tariffs and Trade). Sous l’impulsion des Américains, il s’agit d’actualiser les règles du GATT, de les adapter à
une concurrence commerciale de plus en
plus sauvage et à un environnement économique en plein bouleversement depuis
quelques années, de renforcer des règles
auxquelles chaque pays doit se plier pour
parvenir à une libéralisation et ainsi à un
nouveau développement des échanges internationaux. Il est certain que les entraves
au commerce se sont aggravées depuis la
réunion de 1982.
Parce qu’ils doivent faire face à de sérieux
problèmes, les États-Unis sont les principaux demandeurs de ce nouveau round. En
premier lieu, le déficit de leur balance commerciale s’accroît d’année en année. En second lieu, plusieurs branches de l’industrie,
mais aussi de l’agriculture, sont gravement
menacées par la concurrence européenne,
japonaise et des nouveaux pays industrialisés (Corée du Sud, Hong Kong, Mexique,
Taiwan). Enfin, le déficit budgétaire, qui a
atteint des sommets jamais égalés, préoccupe autant l’opinion publique que les milieux financiers.
Devant ces difficultés, le gouvernement
américain n’entend pas céder à la tentation
du protectionnisme. Il lui est arrivé, certes,
d’accepter des accords d’autolimitation sur
l’exportation des voitures japonaises ou,
plus récemment, sur les « puces » d’ordinateur. Mais il préfère jouer la carte d’une
négociation qui lui permettrait d’accroître
ses exportations par une ouverture accrue
des marchés de ses partenaires commerciaux et par une réduction des subventions
utilisées par les autres de manière déloyale.
Concrètement, les négociations porteront
sur l’ouverture des marchés de services, de
finance et de la haute technologie.
GILBERT RULLIÈRE
Les entreprises devaient aussi être
encouragées à franchir les fameux seuils
d’effectifs au-delà desquels elles sont tenues de supporter de nouvelles charges
comme celles qui sont imposées au-delà
de la limite des dix salariés ; par la loi des
Finances rectificative, les seuils fiscaux
downloadModeText.vue.download 344 sur 502
ÉCONOMIE
343
ont été gelés pour une période de trois
ans à compter du 1er janvier 1986. Dernier volet de cette flexibilité réclamée
par les entreprises pour sauvegarder ou
créer des emplois : la souplesse du temps
de travail. Les lois sur l’aménagement du
temps de travail, si elles sont adoptées,
devraient permettre de déroger à la législation actuelle, sous certaines conditions,
par accord de branche ou accord d’entreprise : semaine de plus de 40 heures, travail du week-end, travail de nuit, heures
supplémentaires. Dans le but de favoriser
une utilisation plus continue des moyens
de production, et d’améliorer par ce biais
la productivité des entreprises, le décompte du temps de travail, dans le cadre
de l’année, et non plus de la semaine, devient possible, après accord de branche.
Vers de nouvelles
formes d’activité
Très rapidement, le gouvernement
Chirac a pris conscience des limites, en
ce qui concerne l’emploi, d’une politique
axée principalement sur l’efficacité économique. Indispensable aux yeux des
libéraux, conforme à leurs idées, elle ne
pouvait suffire à relever le défi du chômage. Et Philippe Séguin a décidé de
lancer un autre débat dans l’opinion et la
classe politique, dont la philosophie peut
se résumer en une phrase, prononcée
par le ministre des Affaires sociales : « le
choix n’est pas entre de nouvelles formes
d’activité et le plein emploi d’hier, il est
entre le chômage et ces nouvelles formes
d’activité »... Quand un Français sur dix
est inscrit à l’ANPE, la priorité doit être
de favoriser le développement de toute
forme d’activité susceptible d’occuper les
chômeurs, en acceptant que le modèle
du travail salarié, fixe et stable, soit aménagé. Tel est le parti à prendre pour venir
à bout du « chômage incompressible ».
C’est, du moins, la conviction fermement
exprimée par Ph. Séguin.
Les « nouvelles activités », la gauche
en avait en son temps déjà découvert les
charmes, en proposant les fameux TUC
(travaux d’utilité collective), formes
d’occupation à mi-temps, offertes temporairement aux jeunes en quête d’emploi,
par des associations ou des collectivités
locales. Loin de rejeter les TUC, en dépit des critiques qu’elle avait formulées
lorsque les socialistes les avaient mis en
place, la nouvelle majorité a poursuivi
l’opération. À l’automne, on recensait
180 000 jeunes en TUC, soit autant qu’à
la fin de 1985.
Le gouvernement projette même d’allonger de 12 à 24 mois la durée des TUC
et de permettre à des chômeurs âgés de
plus de 25 ans d’en bénéficier, à condition que l’opération soit blanche pour les
finances de l’État. Dans cette perspective,
Philippe Séguin a proposé aux gestion-
naires de l’UNEDIC que les chômeurs de
longue durée adultes, qui participeraient
à des TUC, baptisés PIL (programmes
d’insertion locale) continuent de percevoir leurs indemnités de chômage ; la
collectivité ou l’association d’accueil leur
verseront un complément, en fonction de
leur expérience professionnelle.
Loin d’abandonner le traitement
social du chômage, le gouvernement
s’est efforcé d’en perfectionner les effets.
Même si les mesures concrètes ne voient
le jour qu’en 1987. Mais les ambitions
du gouvernement dépassent la simple
et utile « occupation » des chômeurs.
downloadModeText.vue.download 345 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
344
Dans une démarche tant sociale qu’économique, l’Administration peut réussir à
déceler de nouveaux gisements d’emploi,
pour lesquels il existe une demande solvable, répondant à des besoins que les
conditions économiques ne révèlent pas
spontanément.
CEE
Approuvé en décembre 1985 au Conseil
européen de Luxembourg, l’Acte
unique fixait trois objectifs prioritaires :
d’ici 1993, former un grand marché unifié de 320 millions de consommateurs (le
premier du monde) ; pour les années 1987
à 1992, adopter et réaliser un programme
de recherche sur les technologies nouvelles ; dès 1986, généraliser au Conseil
des ministres le vote à la majorité qualifiée.
L’Acte unique n’est pas entré en application
en 1986 par suite de la lenteur des procédures parlementaires. En France, le projet
de loi portant ratification a été adopté le
21 novembre, mais l’Allemagne, la Grèce,
l’Irlande et le Portugal ont examiné le texte
à l’extrême fin de l’année.
Les ministres des Douze, et surtout les
représentants de la France, du RoyaumeUni et de la République fédérale, trouvent
trop audacieuses les propositions de la
commission sur l’abolition des obstacles
internes aux échanges et sur le budget de
la recherche. Le vote majoritaire n’est toujours pas entré dans les moeurs. La rigueur
financière des pays riches du Nord se mani-
feste en permanence, et particulièrement à
l’égard des États plus pauvres du Sud. Ainsi,
dans de nombreux domaines, la volonté
politique fait souvent défaut. Pourtant, le
temps presse ; dès 1987, le financement de
la Communauté, qui repose sur le prélèvement de 1,4 p. 100 des recettes de TVA, ne
sera plus assuré.
La CEE a cependant dû négocier avec les
États-Unis, qui la menaçaient de représailles commerciales. En juillet, les Américains ont obtenu de continuer à exporter
du maïs vers l’Espagne, jusqu’à la fin de
l’année.
En avril, à la demande de la France, un réajustement des parités entre les devises du
Système monétaire européen a été décidé.
Le franc français a été dévalué de 3 % et le
mark réévalué d’autant. Le seul point positif
est la bonne marche du programme de recherche Eurêka, auquel 19 pays participent
(voir éd. 1986).
LAURENT LEBLOND
« Les petits boulots »
Une fois de plus, les États-Unis font école.
Et les experts gouvernementaux vantent
les mérites de l’expérience d’outre-Atlantique qui a permis l’éclosion de trois millions d’emplois par an, depuis 1982, principalement dans le secteur des services et
dans les entreprises individuelles.
Jacques Chirac a confié une mission
de réflexion sur ces nouvelles activités à
François Dalle, l’ancien PDG de l’Oréal.
François Dalle entend trouver « des solutions transitoires, et même artificielles »,
l’essentiel étant de « ne pas laisser les
jeunes dans la désespérance »... Sans attendre les résultats de la mission Dalle,
le ministre des Affaires sociales n’a cessé,
durant l’automne de 1986, de répandre
ses propres idées. Le père des « petits
boulots », comme il n’aime guère qu’on
le surnomme, veut aider à « l’émergence
de services peu qualifiés, et peu soumis
aux contraintes de la productivité ». Dans
trois domaines : les activités d’aide aux
personnes âgées et aux familles, notamdownloadModeText.vue.download 346 sur 502
ÉCONOMIE
345
ment à domicile ; les activités périphériques au secteur social ; les activités aux
marges des entreprises. Autant de potentialités d’emplois pour des activités dont
la demande solvable n’est pas suffisante
pour qu’il y ait embauche dans les conditions normales du marché. Dans cette
optique, le gouvernement étudie des mesures spécifiques qui pourraient voir le
jour au début de 1987. Des contacts sont
pris avec la presse nationale et régionale
pour envisager des systèmes de portage de
journaux à domicile. Avec une réduction
partielle des charges sociales, les professionnels estiment qu’ils pourraient susciter des activités pour 5 000 personnes.
D’autres contacts sont entretenus avec
le secteur de la vente à domicile. Et les
services du ministère de l’Économie élaborent des projets de déductions fiscales,
ou d’exonérations partielles de charges
sociales, pour favoriser l’emploi à domicile. Cette démarche est aussi une manière de blanchir le « travail au noir », de
plus en plus répandu dans les économies
occidentales, et même en URSS. L’OCDE
estime que la production légale non déclarée, expression administrative définissant le « travail au noir », représente entre
2 et 4 % de la production totale dans les
pays membres de l’organisation.
Après 1986, année de la flexibilité au
service de l’emploi, l’année 1987 symbolisera-t-elle le déclin d’une certaine forme
d’emploi salarié, stable, à plein temps, au
profit de l’émergence d’activités nouvelles
dont le statut reste à trouver ? C’est sans
doute le souhait du pouvoir politique,
qui a préparé l’opinion publique à cette
réflexion, dans une optique bien déterminée : tout plutôt que le chômage.
Mais ce mode de raisonnement n’est
pas sans dangers. Quand la CGT dénonce
les risques d’une « tiers-mondialisation »
de l’économie française, elle se fait l’écho
de certaines craintes du monde salarié, qui dépassent largement l’audience
de la centrale ouvrière. Les « nouvelles
activités » ne comportent-elles pas des
risques sérieux de dérapages, tant pour
la vie économique que pour les salariés ?
Certains craignent un glissement des emplois « normaux », qui auraient été créés
de toute façon, vers ces formes d’activités
bénéficiant de facilités sociales et fiscales.
Quant aux futurs titulaires des « petits
boulots », de quel statut juridique et social relèveront-ils ? Faut-il, au nom de la
lutte contre le chômage, favoriser l’instauration d’une société duale ? Autant de
questions que l’évolution du chômage en
France au cours de ces dernières années
amène à se poser, et dont la réponse détermine, à terme, un véritable choix de
société.
DELPHINE GIRARD
Journaliste, Delphine Girard est chef du service social
de la Tribune de l’économie. Docteur en droit public, ancienne élève de l’Institut d’études politiques de Paris, elle
entre en 1974 à la rédaction de la Vie française, où elle a en
charge pendant dix ans les problèmes sociaux, et notamment l’emploi, avant d’être appelée, en 1984, à la Tribune
de l’économie.
downloadModeText.vue.download 347 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
346
Le blé
en crise
La situation mondiale sur le marché du blé devient de plus en plus
tendue. On parle de crise malgré
l’abondance des récoltes annuelles et l’accumulation des stocks dans les silos des
pays grands producteurs.
LA MARCHE
VERS LA SURPRODUCTION
Dès le début des années 1980, les pays
producteurs de blé se sont installés durablement dans une situation de surproduction. La production mondiale de blé
n’a cessé de battre des records sans toutefois épuiser les réserves de productivité
existantes. Les progrès de la production
se sont manifestés principalement dans
les pays d’Europe occidentale, aux ÉtatsUnis et aussi dans les pays où la Révolution verte a eu lieu, à la suite de l’introduction de nouvelles variétés à haut
rendement, comme par exemple l’Inde.
En Europe occidentale, c’est la France
qui occupe la place prépondérante dans
la production communautaire, surtout
pour le blé tendre. En effet, elle assure,
pour 1984, 44 p. 100 de la récolte des Dix,
loin devant le Royaume-Uni (19,6 p. 100)
et la République fédérale d’Allemagne
(16,2 p. 100). Le poids de l’Hexagone s’est
d’ailleurs renforcé depuis 1955, puisque,
à cette date, la récolte française ne représentait que 37,7 p. 100 du total européen.
De plus, la France a rapidement étendu
ses cultures de blé dur aux côtés de la
Grèce et de l’Italie. Si le blé est cultivé
dans presque toutes les régions de la
Communauté, il n’en demeure pas moins
que l’essentiel de la production est assuré
par les terres les plus riches, parmi lesquelles figurent celles du Bassin parisien.
L’augmentation de la production de
blé résulte davantage de l’amélioration
des rendements que de l’extension des
superficies consacrées aux céréales. Cette
culture intensive, pratiquée le plus souvent dans le cadre d’exploitations de taille
au-dessus de la moyenne, distingue l’Europe occidentale des autres grands producteurs mondiaux où le blé est cultivé
soit dans le cadre de vastes exploitations
extensives (fermes du Middle West aux
États-Unis, de la Prairie canadienne, de
la Pampa argentine ou de l’Australie ;
sovkhozes et kolkhozes en Union soviétique), soit dans le cadre d’une agriculture souvent traditionnelle (cas de la plupart des pays du tiers monde).
Cette hausse des rendements résulte de
plusieurs facteurs : progression constante
de l’emploi d’engrais de plus en plus performants avec fractionnement des doses
d’engrais ; raffinement de la préparation
du sol ; renforcement de la protection
phytosanitaire à travers l’emploi de produits insecticides, fongicides et anticryptogamiques de plus en plus sophistiqués, mais aussi de plus en plus coûteux,
qui pèsent lourdement sur le budget des
exploitations agricoles ; enfin, sélection
downloadModeText.vue.download 348 sur 502
POINT DE L’ACTUALITÉ
347
des semences et hybridation. La garantie
des prix appliquée dans plusieurs pays
producteurs comme la France ou l’Allemagne fédérale a également contribué à
l’accroissement rapide de production de
blé.
LES ÉCHANGES INTERNATIONAUX :
LA PRESSION DES EXCÉDENTS
L’état de la surproduction presque
permanente de tous les grands pays producteurs de blé a entraîné au début des
années 80 une certaine anarchie sur les
marchés internationaux, surtout en matière de prix. Avec les progrès continus
de la génétique, les stocks des principaux
vendeurs (États-Unis, Communauté économique européenne, Canada, Argentine, Australie) ne cessent de s’accumuler
d’une année à l’autre. Or, la demande internationale de blé tend à s’affaiblir : certains pays asiatiques, comme l’Inde et la
Chine, ont réduit leurs achats à la suite du
relèvement de la production intérieure
dû à la Révolution verte ; par ailleurs, un
grand nombre de pays en voie de développement sont endettés et ne peuvent
pas acheter facilement du blé importé.
Enfin, le blé ne participe plus autant à
l’alimentation animale ; il est concurrencé par des protéines moins coûteuses.
Dans ces conditions, les pays producteurs se livrent à une concurrence sans
merci de telle façon que la notion de
cours mondial du blé a perdu toute signification. On relève autant de prix que de
contrats : ce sont les acheteurs qui font la
loi sur le marché. La compétition se manifeste par une guerre des prix à coups de
subventions ou de rabais. Cet écoulement
plus ou moins forcé n’empêche pas une
réduction du revenu des producteurs de
blé, qui se préoccupent de reconversion
vers d’autres activités productives ; certaines exploitations sont condamnées à
disparaître, comme cela s’est produit aux
États-Unis depuis 1984.
GILBERT RULLIÈRE
downloadModeText.vue.download 349 sur 502
348
Sciences
et
Techniques
Introduction
Le risque et la sécurité : en 1986, ces
deux concepts fondamentaux ont
été particulièrement mis en relief
par l’actualité scientifique et technique.
La Terre est une planète vivante, animée d’incessants soubresauts. Séismes
et éruptions volcaniques constituent les
manifestations, parfois spectaculaires, de
ses frémissements. On sait aujourd’hui
que la croûte terrestre, tel un gigantesque
puzzle, est morcelée en une douzaine de
plaques rigides en mouvement les unes
par rapport aux autres. Épaisses de 50 à
150 km, ces plaques glissent sur la partie
fluide du manteau sous-jacent en entraînant les continents dans leur mouvement. Leurs limites constituent les zones
les plus fragiles de la croûte terrestre, le
long desquelles se manifestent la plupart
des séismes et des éruptions volcaniques.
L’Amérique latine représente l’une de
ces régions particulièrement exposées
aux séismes majeurs. On le constate une
nouvelle fois le 10 octobre, avec le séisme
meurtrier, d’une magnitude de 7 sur
l’échelle de Richter, qui ravage le Salvador,
moins d’un an après les précédents tragiques de Mexico et d’Armero (Colombie).
Comment se prémunir contre de
telles catastrophes ? Avec tout ce que
l’on a appris au cours des dernières décennies sur les mouvements de l’écorce
terrestre, la prévision des séismes ne
représente plus un objectif inaccessible.
Elle nécessite toutefois des investissements considérables, que très peu de
pays peuvent consentir. Aux États-Unis,
la faille de San Andréas est surveillée en
permanence par des centaines de capteurs et par des faisceaux laser couplés
à un réseau d’alerte informatisé, mais
ce matériel ultra-perfectionné coûte en
moyenne 100 millions de dollars par an !
De nombreux laboratoires dans le
monde s’efforcent de mettre au point des
systèmes parasismiques moins onéreux
downloadModeText.vue.download 350 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
349
que ceux déjà utilisés au Japon ou aux
États-Unis. Ces dernières années, on a découvert que l’effet destructeur d’un tremblement de terre résulte essentiellement
des vibrations horizontales du sol, qui se
produisent à une fréquence de l’ordre de la
seconde. Celles-ci induisent à la base des
immeubles un mouvement extrêmement
saccadé, qui s’amplifie dans les étages
supérieurs, et parvient à disloquer complètement la construction s’il se prolonge
plus d’une dizaine de secondes. Des simulations menées en laboratoire ont montré
qu’il suffisait de ramener la fréquence des
oscillations horizontales d’un immeuble
à cinq ou six secondes pour que des
constructions de type classique restent
intactes. En France, le Centre national
de la recherche scientifique expérimente
même depuis quelque temps des « sandwichs » composés de feuilles de fer et de
blocs de caoutchouc qu’il suffit d’interposer entre le sol et les constructions pour
ralentir le rythme des vibrations. Peutêtre ces amortisseurs, particulièrement
simples à réaliser, rendront-ils bientôt la
construction parasismique sensiblement
moins coûteuse qu’aujourd’hui, permettant ainsi sa généralisation dans les pays à
haut risque séismique ?
Les éruptions volcaniques représentent un autre type de catastrophes naturelles souvent meurtrières. Aussi, d’activés recherches sont-elles menées en vue
d’améliorer la fiabilité des prévisions
d’éruptions. Des résultats très encourageants ont été obtenus en 1986 sur le
piton de la Fournaise, à la Réunion, entré
en éruption le 19 mars. Résultats d’autant
plus remarquables que ce volcan, à la différence de ceux qui sont implantés à la
limite de plaques tectoniques, ne manifeste que de très faibles signes précurseurs d’éruption. Grâce à une surveillance
intensive du volcan, réalisée non seulement par des mesures très précises de
déformation du relief et de l’activité sismique, mais aussi, pour la première fois,
par l’enregistrement des variations magnétiques, les chercheurs sont parvenus
à prévoir l’éruption quelques jours avant
qu’elle ne survienne.
Peut-être parviendrons-nous ainsi,
dans l’avenir, à mieux nous prémunir
contre les risques naturels majeurs ? Mais
il nous faut assumer désormais, simultanément, d’autres risques : ceux qu’engendre le développement des activités
humaines elles-mêmes.
La technologie
en accusation
L’explosion en vol de la navette américaine Challenger, le 28 janvier, avec sept
astronautes à bord, a surpris et bouleversé le monde. Tragique ironie du sort :
cette catastrophe – la plus meurtrière de
l’histoire de l’astronautique – est survenue l’année même du vingt-cinquième
anniversaire du premier vol humain dans
l’espace, celui de Iouri Gagarine. Blasée
par la longue série de succès spatiaux enregistrés depuis lors, l’opinion publique
a confondu conquête spatiale et routine.
Elle a oublié qu’il existait toujours une
part de risque dans l’aventure spatiale.
La succession d’échecs de lancements de
fusées enregistrée au cours des mois suivants aux États-Unis l’a malheureusement
rappelé avec acuité : cette série noire n’a
pas épargné la fusée Delta, la plus fiable
pourtant des fusées américaines, avec un
taux de succès de 94 p. 100.
downloadModeText.vue.download 351 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
350
D’un point de vue purement statistique, il était inéluctable qu’un grave
accident survienne un jour ou l’autre à
la navette spatiale. Mais ce qui est révoltant, c’est que l’on ait pu établir que la
catastrophe de Challenger, loin d’être une
fatalité, était imputable à une somme de
malfaçons techniques, de négligences
humaines et de fautes d’organisation qui
auraient pu aisément être évitées. Doiton pour autant considérer qu’il faut désormais renoncer aux vols humains dans
l’espace ? Que l’humanité, avec 14 victimes pour quelque 200 astronautes et
cosmonautes envoyés dans l’espace, a
déjà payé un trop lourd tribut à l’exploration du cosmos ? Certainement pas. Ce
serait oublier les précédents de l’aviation,
de l’automobile ou du chemin de fer, et
méconnaître les enjeux de l’espace, la plus
fabuleuse aventure du XXe siècle.
Le 26 avril, moins de trois mois après
la disparition de Challenger, survenait
une autre catastrophe technologique majeure : l’incendie d’un réacteur nucléaire
à la centrale de Tchernobyl, à 130 kilomètres au nord de Kiev (Ukraine).
Celui-ci provoquait l’irradiation de la
région environnante et la formation dans
l’atmosphère d’un nuage de produits
radioactifs qui allait, les jours suivants,
dériver lentement au-dessus de l’Europe. Cet accident, le plus grave survenu
depuis que l’on utilise l’atome à des fins
civiles, a semé l’inquiétude en Europe et
donné un regain de faveur aux thèses des
adversaires du nucléaire. On sait à présent qu’il a résulté de faiblesses technologiques et d’erreurs humaines cumulées,
mais le retard avec lequel l’URSS a informé la communauté internationale de son
déroulement et les divergences dans l’appréciation des risques de contamination
radioactive qui se sont manifestées d’un
pays à un autre ont inutilement contribué
à nourrir l’inquiétude des populations. Il
faut espérer que, dans les divers pays disposant d’installations nucléaires, même
considérées comme très sûres, on saura
tirer les leçons de la catastrophe, notamment par la prise de mesures de prévention redoublées et diversifiées. Une question essentielle reste cependant posée :
quelles conséquences les rayonnements
ionisants issus du réacteur sinistré auront-elles à long terme pour les êtres vivants, en particulier pour les habitants de
l’Ukraine et de la Biélorussie qui vivent à
proximité de la centrale ?
À l’automne, la technologie a été à nouveau mise en accusation avec la pollution
catastrophique du Rhin engendrée par
une série d’accidents survenus dans des
usines chimiques. La première alerte a
été déclenchée le 31 octobre par une fuite
de désherbant à l’usine bâloise de la firme
pharmaceutique Ciba-Geigy. Le lendemain, un incendie ravageait les entrepôts
des laboratoires Sandoz à Muttenz, dans
la banlieue de Bâle, provoquant la combustion et l’explosion de plus de 800 t de
produits bruts agrochimiques et la formation d’un nuage de mercaptan au-dessus
de la frontière franco-suisse. Pire, les eaux
utilisées pour éteindre l’incendie ruisselaient dans le Rhin, entraînant le déversement dans le fleuve de 1 000 t de pesticides et d’insecticides organophosphorés.
La vague toxique de boue rougeâtre ainsi
formée progressait ensuite lentement,
déclenchant sur son passage une véritable
catastrophe écologique, illustrée notamment par l’empoisonnement de plus de
150 000 anguilles. Le 7 novembre, un
downloadModeText.vue.download 352 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
351
nouvel incident provoquait le rejet dans le
fleuve de 2 000 litres d’eau contaminée par
du mercure. Puis, le 3 décembre, on apprenait la fuite accidentelle de 5 000 litres
d’une émulsion laiteuse de polychlorure
de vinyle et de latex en provenance d’une
usine du groupe Lonza, à Waldshut, à
60 km en amont de Bâle.
L’humanité en danger ?
Les activités humaines peuvent induire
aussi des modifications de l’environnement qui, pour être moins spectaculaires,
n’en sont pas moins susceptibles d’avoir à
long terme des conséquences encore plus
dramatiques. Les Journées de l’environnement organisées par le CNRS à Paris,
fin octobre, ont été l’occasion de rappeler que le taux de gaz carbonique dans
l’atmosphère ne cesse de croître depuis
le début de l’ère industrielle : il est passé en un siècle de 275 à 345 parties par
million (ppm) et l’on estime qu’il atteindra 600 ppm vers l’an 2050. Les conséquences de ce phénomène pourraient
être, à terme, un réchauffement global
de la Terre par effet de serre, la fonte
des glaces polaires, un bouleversement
des échanges d’énergie entre l’océan et
l’atmosphère, donc du climat, l’élévation
de plusieurs dizaines de mètres du niveau
général des mers et l’engloutissement
d’une partie des terres émergées. Non
moins dramatique pourrait devenir, si
elle perdure, la diminution régulière de
la couche d’ozone au-dessus du pôle Sud,
mise en évidence depuis 1979 par des
mesures effectuées au sol, dans l’Antarctique, et confirmées par les observations
du satellite américain Nimbus 7. Cette diminution régulière se double même d’une
déchirure saisonnière, en octobre, particulièrement préoccupante. Les causes du
phénomène restent encore mal élucidées,
mais l’on sait depuis quelques années que
les émissions de chlorofluorocarbones,
largement employés, notamment pour la
réfrigération et le conditionnement d’air,
le nettoyage à sec et dans l’industrie cosmétique comme gaz propulseurs pour les
bombes aérosol, contribuent à détruire la
couche d’ozone atmosphérique. Or, cette
dernière joue un rôle fondamental pour
le maintien de la vie sur la Terre, en protégeant notre planète des rayonnements
solaires ultraviolets nocifs.
Certains risques, enfin, naissent des
progrès mêmes de la science. Ne citons
l’atome que pour mémoire. Aujourd’hui,
ce sont les perspectives ouvertes par les
progrès de la biologie moléculaire et du
génie génétique qui donnent le vertige.
Elles nous font passer sans transition de
l’émerveillement devant les promesses
des biotechnologies à l’inquiétude face
aux possibilités de manipulation de l’espèce humaine. Une inquiétude manifestée par certains chercheurs eux-mêmes,
comme le professeur Jacques Testart, l’un
des meilleurs spécialistes mondiaux de
la fécondation in vitro et de la congélation d’embryons humains, qui a annoncé
publiquement, en septembre, sa décision d’arrêter ses recherches sur certains
aspects de la manipulation de la procréation humaine. Qu’elles nous fascinent ou
nous effraient, les avancées des sciences
et des techniques ne peuvent en aucun
cas nous laisser indifférents car elles
contribuent à façonner le monde dans
lequel nous vivrons demain.
PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE
downloadModeText.vue.download 353 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
352
1986 : une année
critique pour la
conquête spatiale
Avec l’explosion de la navette américaine « Challenger »,
l’astronautique a connu la plus grande catastrophe de sa brève histoire,
l’année même du vingt-cinquième anniversaire du vol de Iouri Gagarine,
le premier homme lancé dans l’espace. Ce tragique accident est venu
brutalement rappeler au public que la conquête spatiale reste
une aventure dangereuse, malgré les nombreux succès
auxquels il a été habitué.
Mardi 28 janvier 1986, à 17 h 38
(heure française) : 25e lancement
de la navette spatiale. Le 55e vol habité
américain dans l’espace commence. Challenger s’arrache du pas de tir de cap Canaveral avec sept astronautes à bord. La
fusée s’élève sous les applaudissements et
les cris joyeux de très nombreux enfants
venus assister au départ de la première
enseignante-astronaute : Sharon Christa
McAuliffe. Soixante-treize secondes plus
tard, c’est le drame, suivi en direct par des
millions de téléspectateurs : une énorme
boule de feu orange troue le ciel et une
pluie de débris enflammés retombe dans
l’océan Atlantique. La navette a explosé
en vol, avec les cinq hommes et les deux
femmes qui constituaient son équipage.
L’astronautique vient de connaître la plus
grande catastrophe de son histoire.
Dans le monde entier, l’émotion
est considérable. Le public croyait la
conquête de l’espace entrée dans l’ère
de la routine. Il découvre brutalement
qu’elle reste une aventure dangereuse.
« Nous nous sommes habitués à la notion
d’espace et peut-être avons-nous oublié
que nous avons seulement commencé sa
conquête. » « Nous sommes encore des
pionniers », rappelle à ses concitoyens le
président Reagan dans une allocution télévisée, quelques heures après la tragédie.
Il est vrai qu’il paraît déjà bien loin
ce jour mémorable du 12 avril 1961 où
l’URSS, à la surprise générale, lança le
premier homme dans l’espace. En effectuant une révolution autour de la Terre,
lors d’un vol de 108 minutes, à bord du
vaisseau spatial Vostok 1, Iouri Gagarine inscrivit ce jour-là son nom dans
downloadModeText.vue.download 354 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
353
l’Histoire. Depuis, cosmonautes (soviétiques) et astronautes (américains) nous
ont sevrés d’exploits. L’homme a appris à
vivre et à séjourner dans l’espace, et il a
marché sur la Lune. Ce qui apparaissait
hier comme une prouesse sensationnelle
passe désormais presque inaperçu. On
se souvient, à la rigueur, du premier pas
de l’homme sur la Lune, celui de Neil
Armstrong, le 21 juillet 1969, mais plus
personne ne songe au premier « piéton de
l’espace », Alexei Leonov, qui, le 18 mars
1965, évolua pour la première fois hors
d’un vaisseau en orbite autour de la Terre.
Et combien savent aujourd’hui que trois
cosmonautes ont séjourné dans l’espace
237 jours, soit près de huit mois, en 1984 ?
Les victimes de l’espace
Quatre accidents, ayant fait au total
quatorze victimes – dix Américains
et quatre Soviétiques –, ont endeuillé la
conquête de l’espace depuis le vol de Gagarine, il y a 25 ans.
Le 27 janvier 1967, à cap Canaveral, les
Américains Virgil Grissom, Edward White
et Roger Chaffee, désignés pour constituer
l’équipage du premier vol habité Apollo,
périssent carbonisés dans l’incendie qui ravage leur cabine lors d’une répétition au sol.
Une révision complète et des modifications
du matériel s’imposent. Le programme est
arrêté pendant 19 mois.
Le 24 avril 1967, le Soviétique Vladimir
Komarov périt en regagnant la Terre à bord
du vaisseau Soyouz 1 : le parachute destiné
à freiner l’engin dans l’atmosphère se met
en torche et la cabine s’écrase au sol après
une chute libre de 7 km. Comme aux ÉtatsUnis, le programme soviétique de vols spatiaux pilotés, à la suite de ce drame, va marquer le pas pendant plus d’un an.
Le 29 juin 1971, trois autres astronautes
soviétiques, Gueorgui Dobrovolski, Victor Patsaiev et Vladislav Volkov, trouvent
la mort lors de leur retour au sol à bord
du vaisseau Soyouz 11, après 23 jours et
18 heures de séjour à bord de la station
orbitale Saliout 1 : une brutale dépressurisation de la cabine entraîne le décès des
trois hommes, qui n’ont pas revêtu leurs
scaphandres étanches pendant cette phase
délicate du vol.
Enfin, le 28 janvier 1986, l’explosion en vol
de Challenger cause la mort de sept Américains membres de l’équipage : Francis
R. Scobee, Michael Smith, Judith Restnik,
Ronal McNair, Ellison Onizuka, Gregory
Jarvis et Sharon Christa McAuliffe.
D’autres vols spatiaux ont connu une heureuse issue après avoir failli tourner à la catastrophe. Ainsi, le vol américain Gemini 8,
le 16 mars 1966, qui fut l’occasion du premier amarrage dans l’espace : Neil Armstrong et David Scott rattrapèrent en orbite
une fusée Agena choisie comme cible et y
accouplèrent leur vaisseau ; mais, par suite
du blocage d’un moteur de stabilisation, ce
train spatial se mit à tourner follement sur
lui-même. Les deux astronautes parvinrent
difficilement à rendre à leur cabine son autonomie et durent ensuite écourter leur vol
pour amerrir précipitamment.
Lors du vol Apollo 13, en avril 1970, on
frôla aussi le drame avec l’explosion d’un
réservoir d’oxygène. L’alunissage fut annulé
et la mission écourtée.
Le 4 avril 1975, il fallut mettre fin au vol
propulsé de Soyouz 18 en raison d’une défaillance du lanceur. Le véhicule spatial soviétique, occupé par Vassili Lazarev et Oleg
Makarov, n’accomplit qu’un vol suborbital
et rentra dans l’atmosphère sous un angle
qui valut aux cosmonautes de subir une
décélération voisine de 16 g.
downloadModeText.vue.download 355 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
354
Enfin, le 27 septembre 1983, le lancement
de Soyouz T10 à bord duquel avaient pris
place Vladimir Titov et Guennadi Strekalov pour aller rejoindre la station orbitale
Saliout 7, fut marqué par l’explosion de la
fusée porteuse. Mais le système d’éjection
fonctionna parfaitement et la cabine dans
laquelle se trouvait l’équipage, après un bon
balistique, revint se poser au sol, freinée par
des parachutes, à 4 km de la plate-forme de
lancement.
Le nouveau visage
de la conquête spatiale
En vingt-cinq ans, la conquête spatiale
nous est devenue si familière qu’elle nous
apparaît maintenant presque banale.
Pourtant, à la fin de 1986, ils n’étaient
encore que 199 à avoir eu le privilège de
voler dans l’espace : 128 astronautes lancés de cap Canaveral (parmi lesquels 121
Américains et 8 femmes) et 71 cosmonautes lancés de Baïkonour (parmi lesquels 60 Soviétiques et 2 femmes). Mais
quelque 3 000 fusées et 3 500 satellites
ont été tirés depuis 1957. L’URSS et les
États-Unis n’ont plus le monopole de ces
vols. Cinq autres pays ont, en effet, réussi
à mettre en orbite autour de la Terre leurs
propres satellites au moyen d’un lanceur
national : successivement, la France en
1965, le Japon et la Chine en 1970, la
Grande-Bretagne en 1971 et l’Inde en
1980. Depuis 1979, l’Europe a accédé, elle
aussi, au rang de puissance spatiale, grâce
au lanceur Ariane. Au club des puissances
de l’espace s’ajoutent, par ailleurs, une
douzaine de nations dépourvues de lanceurs mais qui construisent des satellites
et en confient le lancement à des fusées
étrangères ou à la navette américaine.
L’espace, aujourd’hui, n’est plus un
théâtre d’opérations de prestige. Il est
devenu l’enjeu d’une redoutable bataille
commerciale, stratégique et politique.
Le temps des exploits est révolu, nous
entrons dans l’ère de l’exploitation du cosmos. Les satellites d’applications, utilisés
par exemple comme relais de télécommunications ou pour l’observation de la
Terre, constituent l’une des illustrations
de cette ère nouvelle : celle de l’espace
utile.
Les grands programmes spatiaux se
situent désormais dans ce contexte. En
construisant Ariane, l’Europe entendait
garantir son indépendance pour la mise
en orbite de satellites lourds et prendre sa
part du marché international des satellites d’applications. On peut considérer
aujourd’hui que cet objectif a été atteint.
En seulement six ans et demi d’activité,
Arianespace, première compagnie de
transport spatial du monde, a accumulé
près de 15 milliards de francs de commandes pour le lancement de 54 satellites, soit plus de la moitié du marché
mondial des lancements commerciaux,
face aux lanceurs américains et notamment à la navette. La société Arianespace
aura même eu la satisfaction, en 1986, de
pénétrer sur le marché nippon, des entreprises japonaises ayant en effet décidé de
confier le lancement de trois satellites à
la fusée Ariane, en 1988. Ainsi, malgré
la fiabilité encore insuffisante à Ariane
(78 p. 100 avec 4 échecs pour 18 tirs)
et la nécessité de modifier le système
d’allumage du moteur cryogénique du
troisième étage après les échecs des vols
15 (septembre 1985) et 18 (mai 1986),
imposant la suspension des lancements
jusqu’en 1987, l’Europe peut-elle envisager avec optimisme son avenir spatial.
downloadModeText.vue.download 356 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
355
Plus de 6 000 objets en
orbite autour de la Terre
Le 1er juillet 1986, à 0 h, selon le centre
spatial Goddard de la NASA, la Terre
comptait très exactement 6 076 satellites
artificiels, au sens large du terme (satellites
proprement dits, étages de fusées porteuses,
débris divers). Sur ce total, 3 047 objets
(50,2 p. 100) étaient d’origine américaine,
2 785 (45,8 p. 100) d’origine soviétique, les
244 autres (4 p. 100) se répartissant entre
une vingtaine de pays. Cet ensemble ne
représentait lui-même que 32 p. 100 des
16 860 objets ayant gravité autour de la
Terre depuis le début de l’ère spatiale, dont
plus des deux tiers se sont désagrégés dans
l’atmosphère ou bien ont été récupérés au
sol.
La catastrophe de Challenger
Aux États-Unis, la tragédie de Challenger
aura eu pour conséquence, en revanche,
une révision déchirante de la politique
des lanceurs spatiaux, avec l’abandon
du quasi-monopole dont bénéficiait la
navette et un retour partiel à l’usage de
propulseurs traditionnels. Dévoilée le
15 août par le président Reagan, la nouvelle politique américaine de lanceurs
spatiaux retire à la NASA et à ses navettes les missions commerciales pour les
confier au secteur privé, auquel se trouve
garanti l’accès aux centres de lancement
de cap Canaveral, en Floride, et de Vandenberg, en Californie. Désormais, seront essentiellement confiées à la navette
« les charges utiles importantes pour la
sécurité nationale, la politique étrangère,
l’exploration de l’espace ou le développement de nouvelles technologies », c’està-dire, en fait, les charges utiles scientifiques ou militaires. Certaines missions
commerciales « dans l’intérêt de la politique étrangère », notamment les lancements de satellites accompagnés d’astronautes étrangers, continueront toutefois
d’être effectuées par le Shuttle (angl.,
navette). Mais, pratiquement, la NASA
ne pourra plus souscrire de nouveaux
contrats commerciaux pour les missions
classiques, et en particulier les satellites
de télécommunications qui constituent
l’essentiel du marché.
Si la NASA voit ainsi son rôle diminué
et la politique qu’elle menait depuis une
dizaine d’années désavouée, c’est que les
conclusions de la commission d’enquête
sur l’accident de Challenger nommée par
la Maison-Blanche sont accablantes pour
l’agence spatiale américaine. Présidée par
William Rogers, ancien secrétaire d’État,
réputé pour sa probité, et comprenant
12 membres dont l’ancien astronaute Neil
Armstrong, le prix Nobel de physique Richard Feynman et le pilote d’essai Charles
Yeager, premier homme à avoir franchi
le mur du son et à avoir volé à mach 2,
la commission remet son rapport au
président Reagan le 6 juin, après quatre
mois d’enquête serrée, de consultations et
d’interrogatoires.
Comme on l’avait rapidement supposé, il s’avère que l’accident a été provoqué par la rupture d’un joint d’étanchéité
sur l’un des deux propulseurs d’appoint à
poudre (ou boosters), chargés d’arracher
la navette à la Terre pendant les deux premières minutes du vol. Un flux de gaz
brûlants s’est échappé par la fissure, scindant progressivement le propulseur en
deux morceaux dont l’un est venu finalement heurter le gros réservoir extérieur
de la navette. Ce dernier, véritable bombe
downloadModeText.vue.download 357 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
356
volante renfermant quelque 700 tonnes
d’oxygène et d’hydrogène liquides, a alors
explosé, provoquant du même coup la
désintégration de l’orbiteur.
L’enquête a permis toutefois d’établir
la lourde responsabilité de la NASA dans
la catastrophe. Depuis plusieurs années,
les responsables du programme Shuttle
connaissaient la fragilité des joints
des boosters et, tout en sachant que la
défaillance d’un seul d’entre eux serait
fatale, n’avaient pris aucune disposition
pour corriger ce défaut (et d’autres).
Au contraire, pour augmenter la charge
utile, la décision a été prise d’alléger les
propulseurs auxiliaires tout en renforçant
la puissance de leur moteur, au risque de
les fragiliser encore davantage. Avec le
nombre croissant de missions réussies,
les consignes de sécurité ont été de plus
en plus allégées. Tout était mis en oeuvre
pour accélérer coûte que coûte le rythme
des vols, afin de soutenir la concurrence
de plus en plus vive exercée par le lanceur
européen Ariane. Le 28 janvier, l’ordre de
lancement a été donné malgré l’avis défavorable formulé tant par les ingénieurs
de la firme responsable de la fabrication
des boosters que par les dirigeants de
Rockwell, le principal constructeur de la
navette, en raison des risques de dépré-
dation causés par le gel. En définitive, la
catastrophe de Challenger est imputable
à une somme de malfaçons techniques,
de négligences humaines et de fautes
d’organisation.
Astronomie
Voir un noyau cométaire : grâce aux
deux sondes soviétiques Véga et à la
sonde européenne Giotto qui, en mars, ont
survolé la comète de Halley à des distances
respectives de 8 900, 8 000 et 605 km, ce
rêve des astronomes est devenu réalité.
Les sondes ont révélé un objet oblong,
de 15 km sur 8 environ, à la surface très
sombre (son pouvoir réfléchissant n’excède
pas 4 p. 100) et chaude (environ 70 °C),
parsemée de cratères par où s’échappent, du
côté éclairé par le Soleil, des jets de gaz et de
poussières. L’analyse de la composition de
ces gaz et de ces poussières a confirmé que
le noyau est surtout formé d’eau (80 p. 100)
et d’oxyde de carbone. On se le représente
désormais comme un corps hétérogène de
densité inférieure à l’eau, dont le coeur serait formé d’un agglomérat de glace et de
particules réfractaires, enrobé d’une croûte
sombre et poreuse, à faible conductibilité
thermique, riche en composés organiques
et ressemblant à du goudron.
Un autre événement majeur pour la connaissance du système solaire a été le survol, le
24 janvier, pour la sonde américaine Voyager 2, de la lointaine planète Uranus. Enveloppée d’une épaisse atmosphère à base
d’hydrogène et d’hélium (près de 15 p. 100),
avec une faible proportion de méthane, notamment sous forme de nuages, elle tourne
sur elle-même en 17 heures environ. Malgré l’inclinaison très particulière de son axe
de rotation, presque couché sur le plan de
son orbite, sa température (– 220 °C) est
quasiment identique aux pôles et à l’équateur. La planète se distingue aussi par la très
forte inclinaison (60°) de son axe magnétique par rapport à son axe de rotation. Aux
cinq satellites qu’on lui connaissait, Voyager
2 a permis d’en ajouter dix autres, de 40 à
170 km de diamètre. La sonde a observé
aussi les neuf fins anneaux de matière, décelés de la Terre, autour d’Uranus, en 1977,
et en a découvert deux autres, dont un large
(2 500 km) et diffus.
PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE
downloadModeText.vue.download 358 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
357
La NASA prévoit la reprise des vols le
18 février 1988 avec la navette Discovery.
La perte de Challenger et la suspension
des vols pendant deux ans vont entraîner
l’annulation de 86 missions par rapport
au calendrier établi avant la catastrophe.
Alors que 145 vols étaient prévus pour
la période 1986-1992, la NASA n’envisage plus désormais que 59 vols durant
la même période. La prévision antérieure
était, au demeurant, très optimiste, car
elle était fondée sur l’hypothèse de 24 vols
annuels à partir de 1989, alors qu’en
1985, l’année où le rythme des vols a été
jusqu’ici le plus élevé, 9 vols seulement
ont pu être effectués sur les 15 prévus.
Ce bouleversement du calendrier prévisionnel des vols s’accompagne d’une
révision complète de la stratégie d’utilisation de la navette. Pendant les trois
premières années qui suivront la reprise
des lancements, la moitié des vols seront
militaires. Le programme scientifique est
sérieusement réduit : parmi les 86 vols
perdus d’ici à 1992, 31 devaient être principalement consacrés à la science. Seules
19 missions scientifiques pourront finalement être exécutées durant ce délai. À
l’exception de quelques rares missions
jugées prioritaires, notamment le Télescope spatial (dont le lancement n’a cessé
d’être reporté depuis 1983 pour des raisons diverses), le lancement de la plupart
des satellites scientifiques prévus subira
plus de trois ans de retard.
Au cours de l’été 1986, l’US Air Force
a décidé d’investir 2,6 milliards de dollars sur environ cinq ans pour modifier
certains satellites militaires conçus pour
la navette, et développer et fabriquer en
série de nouveaux lanceurs classiques,
tels les Titan 4 et MLV. Par ailleurs,
pour préserver les capacités de la NASA
à assurer les diverses missions civiles et
militaires devant lui incomber durant les
années 90, notamment la mise en orbite
et la desserte d’une station spatiale mais
aussi les essais de systèmes d’armes de défense à partir de l’espace, Ronald Reagan
a autorisé la construction d’un nouvel
exemplaire de la navette, destiné à remplacer Challenger. Son coût est estimé à
2,8 milliards de dollars.
Plusieurs centaines de millions de dollars devront par ailleurs être dépensés
pour modifier les navettes existantes et
adapter certains satellites dont le lancement devait être effectué par la navette.
L’explosion de Challenger représente
ainsi pour les États-Unis une addition
de près de 6 milliards de dollars, sans
compter l’achat des nouvelles fusées qui
seront utilisées pour lancer les charges
utiles retirées à la navette, ni le manque
à gagner des utilisateurs. Mais cet accident tragique n’aura été que l’épisode le
plus noir d’une année particulièrement
sombre pour l’astronautique américaine,
en dépit de l’éclatant succès de la mission
de survol d’Uranus par Voyager 2.
Le 18 avril, sur la base militaire de Vandenberg, un lanceur Titan 34D, transportant probablement un satellite de reconnaissance Big Bird, explose 9 secondes
après sa mise à feu, à moins de 500 m d’altitude. La retombée d’une pluie de débris
enflammés endommage sévèrement les
plates-formes de lancement avoisinantes,
tandis que plusieurs dizaines de personnes sont intoxiquées par des vapeurs
nocives. L’utilisation des lanceurs Titan
est suspendue jusqu’en 1987.
Le 3 mai, une fusée Delta, emportant
une satellite météorologique GOES, se
downloadModeText.vue.download 359 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
358
désintègre en vol 71 secondes après le décollage, par suite de l’extinction prématurée d’un moteur, consécutive à un courtcircuit. L’échec est d’autant plus marquant
qu’il survient après 117 tirs successifs
réussis d’un lanceur de ce type. Tirée à
178 reprises depuis 1960, la fusée Delta
n’a connu que 3 p. 100 d’échecs et apparaît
comme l’un des lanceurs américains les
plus fiables.
Les assurances spatiales :
un bilan catastrophique
Le premier satellite commercial à avoir
été assuré fut Early Bird (Intelsat 1),
premier satellite de télécommunications
géostationnaire opérationnel, lancé de cap
Canaveral, le 4 avril 1965. Depuis lors, la
formule de l’assurance spatiale s’est largement développée (en particulier, presque
tous les satellites de télécommunications
ont été assurés), sans que le marché parvienne néanmoins à trouver son équilibre.
De 1975 à 1985, le montant mondial des
primes d’assurances encaissées pour le
spatial a été de 456,3 millions de dollars
et celui des sinistres payés de 846,3 millions de dollars, soit un déficit de 390 millions de dollars. Pour la fusée Ariane seule,
durant la même période, le montant des
primes encaissées s’est élevé à 114,5 millions de dollars et celui des sinistres payés
à 199,8 millions de dollars. Ce bilan très
déficitaire a provoqué au cours des dernières années une hausse considérable des
primes qui atteignent désormais entre 20 et
25 p. 100 des prix des satellites, soit entre
80 et 100 millions de dollars environ par
lancement. Si de puissantes organisations
comme Intelsat peuvent supporter de tels
tarifs, ces taux sont, en revanche, devenus
prohibitifs pour de nombreux clients. Cette
situation a conduit la société Arianespace,
qui commercialise la fusée Ariane, à créer
une filiale, la Société de réassurance des
risques relatifs aux applications spatiales
(S3R), pour offrir à ses clients une garantie de relancement en cas d’échec, grâce à
une « assurance lanceur » complémentaire
de celle fournie par le marché traditionnel.
Les lancements sont assurés non plus au
coup, mais par série de quinze (pour répartir le risque), au taux préférentiel de 11 ou
13 p. 100 selon que l’utilisateur, en cas de
sinistre, choisit de relancer son satellite sur
Ariane ou d’être remboursé.
La S3R fonctionne depuis le 1er janvier
1986, avec un capital de 28 millions de F.
Durant sa première année d’existence, elle a
signé neuf contrats d’assurance, portant sur
3 satellites européens, 2 américains et 4 internationaux, dont 8 satellites de télécommunications et un satellite de télédétection,
Spot 1, lancé avec succès en février 1986.
Ni Challenger ni le satellite de télécommunications TDRSS-B embarqué dans sa soute
n’étaient assurés, et leur désintégration n’a
provoqué aucune perte directe pour les assureurs. Mais la suspension des vols habités
américains jusqu’en 1988 prive les compagnies spécialisées de la plupart des revenus
qu’elles pouvaient escompter en 1986 et en
1987.
La concurrence s’intensifie
Tandis que les Américains voient ainsi
leurs lanceurs spatiaux cloués au sol, les
Japonais enregistrent, au contraire, avec
satisfaction, le 13 août, le succès du premier essai en vol de leur nouvelle fusée
H1 en version biétage. Sa mise en service
opérationnel est prévue pour 1988. Ultérieurement, les Japonais disposeront
d’une fusée H2, capable de placer 2 t en
orbite géostationnaire. Ce futur lanceur
affichera des performances intermédownloadModeText.vue.download 360 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
359
diaires entre celles d’Ariane 4 et celles
d’Ariane 5. Il constituera un redoutable
concurrent pour les Américains et les
Européens.
La Chine, elle-même, qui a placé en
orbite son dix-neuvième satellite en 1986,
manifeste à présent sa volonté de ne pas
rester à l’écart du marché mondial des
lancements, en proposant des tarifs très
compétitifs. L’accord conclu en 1986 par
les Chinois avec la société américaine
Western Union a fait sensation : il prévoit
le lancement, avant mars 1988, par une
fusée chinoise Longue Marche 3, du satellite de télécommunications Westar 6, récupéré dans l’espace par la navette Discovery après une mauvaise satellisation. De
même, les Suédois ont décidé de confier à
une fusée chinoise le lancement, en 1988,
de leurs deux petits satellites de télécommunications Mailstar, et plusieurs autres
pays, dont le Brésil, ont engagé des négociations avec les Chinois pour le lancement des satellites.
Demain :
les ouvriers de l’espace
Quel que soit son intérêt, le marché commercial des satellites ne représente qu’un
aspect de l’utilisation de l’espace. Certains
ont pu se demander, après la catastrophe
de Challenger, si les vols spatiaux humains n’étaient pas condamnés. S’il existe
effectivement des missions programmables, en particulier les opérations de
largage de satellites, où une présence humaine n’est pas nécessaire, pour d’autres,
en revanche, l’homme joue un rôle irremplaçable, en raison, notamment, de
sa capacité d’observation et d’initiative
qui lui permet d’opérer avec le maximum
d’efficacité, y compris pour faire face à des
situations imprévues : on l’a bien vu, par
exemple, en 1984, lors de la réparation
en orbite du satellite d’astronomie solaire
SMM ou de la récupération dans l’espace
des satellites de télécommunications Palapa B2 et Westar 6.
Physique
Manipuler la matière, cela n’a plus guère
de secrets pour le physicien. Les ions,
les protons, les électrons, voire l’antimatière,
sont couramment utilisés dans les laboratoires et se prêtent volontiers à toutes les
expériences. Il ne s’agit pourtant là que de
matière chargée. Pourquoi est-il si difficile
de manipuler la matière « ordinaire », c’està-dire électriquement neutre : les atomes ?
D’abord, parce que les atomes libres sont
toujours en mouvement désordonné ; ensuite, parce qu’ils sont presque insensibles
aux champs électriques et magnétiques
qui agissent sur la matière chargée. Parvenir à immobiliser des atomes libres semblait donc une gageure, jusqu’à ce que trois
expériences, menées aux États-Unis et en
France, en démontrent la possibilité.
La première expérience, réalisée en 1985
au National Bureau of Standards (NBS) de
Washington, utilise un faisceau d’atomes
de sodium sortant d’un four à près de
3 600 km/h. Pour les arrêter, un mur de
lumière, précisément un laser placé dans
l’axe du faisceau et l’éclairant à contre-courant. Lorsqu’un photon lumineux heurte
un atome de sodium, il est en effet absorbé
par l’atome, qui subit aussitôt une transition électronique, à condition que l’énergie
du photon soit exactement égale à l’énergie
nécessaire pour exciter l’atome de sodium.
La désexcitation est pratiquement immédiate et l’atome réémet un photon dans une
direction aléatoire. Statistiquement, l’énerdownloadModeText.vue.download 361 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
360
gie de ces photons est donc nulle et, pour
satisfaire le bilan d’énergie du système, c’est
l’atome lui-même qui doit perdre de l’énergie. De fait, au cours de ce curieux choc
lumière-matière, la vitesse de l’atome diminue... d’environ 0,1 km/h. Il faut donc près
de 36 000 chocs par atome pour immobiliser le faisceau. Dans l’expérience du NBS,
cet énergique freinage lumineux s’accomplit sur une distance d’environ 50 cm.
Les résultats de cette première tentative
de freinage ont été améliorés en un temps
record. L’équipe du laboratoire de spectroscopie de l’École nationale supérieure vient
en effet de publier les résultats d’une expérience où les atomes ne sont plus arrêtés par
un simple faisceau laser, mais par une onde
laser stationnaire. Le dispositif a la propriété de moduler les niveaux d’énergie des
atomes, ce qui les force à dissiper leur énergie plus rapidement. L’efficacité du ralentissement est bien supérieure à celle obtenue
au NBS : il suffit de 2 ou 3 cm pour arrêter
le faisceau d’atomes.
Ces atomes immobiles (ou presque) sont
déjà très précieux : la principale source
d’imprécision en spectroscopie – la science
qui permet d’étudier la structure interne
des atomes à partir de leurs transitions
électroniques – est en effet le mouvement
des atomes, qui modifie leurs spectres
d’émission. La précision des horloges atomiques, en particulier, qui sont basées sur
des mesures spectroscopiques de l’atome de
césium, va sans doute être améliorée d’un
ordre de grandeur, si les atomes de césium
veulent bien se tenir tranquilles. Mais
deux autres expériences faites cette année
ouvrent des horizons bien plus vastes, en
montrant la possibilité d’enfermer dans une
boîte les atomes immobilisés.
La première boîte est une petite sphère
magnétique de 20 cm 3 où les atomes, qui
possèdent un moment magnétique, sont
faiblement attirés. Une fois pris au piège,
ils font quelques tours... et puis s’en vont :
aucun d’eux n’est resté plus d’une seconde
dans l’appareil. La deuxième boîte, réalisée aux laboratoires Bell dans le New Jersey, est un minuscule cylindre de 0,1 mm
de long dans lequel un faisceau laser attire
les atomes comme une lampe les papillons,
mais beaucoup moins longtemps : quelques
secondes au maximum.
Ces pièges sont encore très imparfaits et ne
parviennent qu’à capter quelques atomes.
Mais leur perfectionnement laisse envisager la possibilité d’y mettre en présence un
grand nombre d’atomes identiques, pendant
un temps assez long pour qu’ils puissent
s’associer. L’observation de la matière ralentie pourrait dès lors réserver bien des surprises : la création de molécules nouvelles ?
de cristaux inédits ? Tous les espoirs sont
permis.
NICOLAS WITKOWSKI
L’astronautique de demain sera marquée par l’utilisation de grandes stations
spatiales. Celles-ci serviront à la fois de
laboratoire pour la réalisation d’expériences scientifiques ou technologiques
en microgravité, de dépôt de stockage de
matériel spatial, d’atelier d’assemblage de
grandes structures orbitales, de stationservice pour l’entretien et la réparation
de satellites, et de base de lancement vers
l’orbite des satellites géostationnaires ou
vers le milieu interplanétaire. Véritables
ouvriers du cosmos, les astronautes et les
cosmonautes du futur joueront un rôle
essentiel dans la construction, la maintenance et l’exploitation de ces stations.
Les principales puissances spatiales préparent activement cette échéance. Bénéficiant de l’expérience acquise depuis 1971
avec leur programme de stations Saliout,
les Soviétiques seront vraisemblablement
les premiers à utiliser un complexe orbidownloadModeText.vue.download 362 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
361
tal modulaire conçu pour être habité en
permanence. Ils ont franchi une nouvelle
étape dans cette voie le 20 février 1986, en
plaçant en orbite Mir, le premier spécimen d’une station de nouvelle génération.
Celle-ci est dotée de six sas d’amarrage
permettant, en principe, d’y accoupler
simultanément autant de vaisseaux, automatiques ou habités, notamment des modules destinés à des recherches spécialisées (astrophysique, biologie, etc.), qui
seront entièrement équipés au sol avant
leur lancement. Les Soviétiques ont aussi
étrenné, le 21 mai, un nouveau vaisseau
de transport spatial, le Soyouz TM, version améliorée du Soyouz T, en usage depuis 1980, capable de manoeuvrer autour
de la station Mir pour s’y amarrer. Avec
ce nouveau matériel, l’URSS peut espérer
poursuivre son expérience des vols spatiaux humains de longue durée en conservant la sérieuse avance qu’elle a acquise en
ce domaine : à la fin de 1986, rien moins
que 14 cosmonautes soviétiques avaient
passé plus de 2 500 heures dans l’espace, 3
d’entre eux ayant même franchi le cap des
8 000 heures, tandis qu’aucun astronaute
américain n’avait à son actif 2 500 heures
en orbite. Le record de séjour, en durées
cumulées, s’élève à 374 jours 17 heures
59 minutes pour le cosmonaute Leonid
Kizim. Les 60 cosmonautes soviétiques
totalisent 102 059 heures dans l’espace,
soit une durée moyenne de séjour approchant 71 jours par individu, contre
40 336 heures pour les 121 astronautes
américains, représentant, en moyenne,
14 jours seulement par sujet. Selon les
responsables soviétiques eux-mêmes,
l’URSS devrait disposer, à la fin de 1991,
d’un complexe orbital Mir d’environ
100 t, équipé de 4 modules spécialisés et
capable d’accueillir en permanence 5 ou
6 cosmonautes.
Chimie
Des réactions sur mesure
Au cours d’une réaction chimique, les
molécules réagissantes sont extrêmement nombreuses (100 milliards de milliards dans un cm 3 de gaz) et la fugacité de
certains composés intermédiaires instables
en interdit l’observation directe.
L’étude statistique d’une réaction, qui se traduit par l’écriture d’une équation nécessairement schématique, s’est complétée, depuis
une vingtaine d’années, par une étude plus
fine. Le prix Nobel de chimie 1986 vient
d’être attribué à l’un des pionniers de ce
nouveau domaine de la chimie, C.R. Herschbach, et à deux de ses disciples. Y.T. Lee
et J.C. Polanyi. Dès 1961, Herschbach eut
l’idée de séparer les réactifs afin de mieux
observer leur interaction. Le premier travail consista à fabriquer deux faisceaux
homogènes se propageant dans le vide,
contenant chacun l’un des réactifs. Il fallut
ensuite concevoir des détecteurs capables
d’observer l’interaction de deux molécules,
d’enregistrer leurs variations de vitesse et de
direction, et de caractériser les produits de
la réaction. Les premières études, portant
sur des molécules diatomiques simples, se
sont révélées très fructueuses, mais avec de
« grosses » molécules, tout se complique.
Un grand nombre de phénomènes différents se produit en un temps très court,
et l’analyse de la situation doit être faite
sur une durée de l’ordre de 1011- 12 seconde.
Seuls les lasers à impulsions permettent des
clins d’oeil aussi rapides ; ils offrent en outre
l’avantage d’induire la fluorescence des espèces chimiques réagissantes, ce qui rend
possible leur étude par spectroscopie.
downloadModeText.vue.download 363 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
362
Les faisceaux moléculaires font aujourd’hui
partie de la panoplie du chimiste. Car la
connaissance précise du mécanisme d’une
réaction permet d’en améliorer la vitesse,
le rendement et d’influer sur son déroulement, ce qui mènera sans doute à de nouvelles synthèses chimiques.
NICOLAS WITKOWSKI
Pour ne pas être en reste, le président
Reagan a lancé un ambitieux projet de
station spatiale américaine, destiné à
confirmer la suprématie technologique
des États-Unis, comme naguère le programme Apollo de débarquement humain
sur la Lune, engagé par John Kennedy
en 1961. Dans son discours sur l’état de
l’Union, le 25 janvier 1984, Ronald Reagan a demandé à la NASA de construire
et de mettre en orbite dans un délai de
dix ans une station habitée en permanence. Des partenaires étrangers (Europe, Japon, Canada...) ont été conviés à
participer à ce projet grandiose, mais fort
coûteux (8 milliards de dollars selon les
estimations initiales).
Au terme d’un an d’études préparatoires, la NASA a arrêté, en mai 1986, la
configuration de référence de la future
station. Celle-ci, dite « à double poutre »
(dual keel), comportera une ossature en
treillis, rectangulaire, de 110 m de long
et 44,5 m de large, avec, disposée parallèlement aux petits côtés du rectangle, une
traverse centrale de 153,3 m d’envergure,
portant en son milieu les modules pressurisés habitables et à ses extrémités les
systèmes d’alimentation en énergie. Disposés en carrés, ces modules seront reliés
les uns aux autres par leurs extrémités à
l’aide de tunnels sas de passage.
Toutefois, ce n’est vraisemblablement
pas avant 1997 que la station spatiale
américaine pourra être utilisée selon cette
configuration. Pour tenir l’enveloppe initiale de 8 milliards de dollars qu’elle s’est
fixée, la NASA a dû réviser à la baisse son
projet : dans une première phase, la station, dont la mise en place débutera, en
principe, en 1993, se réduira à une simple
poutre supportant deux modules pressurisés. Sa capacité initiale sera donc loin
d’atteindre celle qui avait été envisagée
primitivement.
Les ambitions de l’Europe
Les modalités de la contribution européenne à la station spatiale de la NASA
faisaient encore l’objet de négociations à
la fin de 1986. Les divers éléments que
l’Agence spatiale européenne envisage
de réaliser comprennent un module
pressurisé destiné à être associé en permanence à la station, pour la réalisation
d’expériences intéressant les sciences des
matériaux, la physique des fluides et les
sciences de la vie ; une plate-forme autonome comprenant un module pressurisé
et un module de ressources, également
destinée à des recherches en sciences
des matériaux, physique des fluides et
sciences de la vie ; une plate-forme méridienne destinée essentiellement à l’observation de la Terre ; enfin, une plate-forme
non habitée, coorbitale avec la station,
destinée à un vaste éventail de missions.
La contribution européenne s’exercera
dans le cadre du programme Columbus,
d’abord envisagé par l’Italie et l’Allemagne fédérale, puis adopté au niveau
européen en 1985. En participant à la
construction et à l’utilisation de la station
downloadModeText.vue.download 364 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
363
de la NASA, les Européens entendent acquérir l’expérience qui leur permettra de
mettre en place et d’exploiter leur propre
station. Ce souci des Européens d’accéder
à l’autonomie pour les missions d’intervention humaine en orbite explique aussi
la mise en oeuvre de deux autres grands
programmes : Ariane 5 et Hermès.
Productique
Les robots-lasers arrivent...
Issus du « mariage » du robot programmable et de l’outil laser, les robots-lasers
entrent en service dans les ateliers de mécanique. Ils utilisent la puissance thermique
du laser – en moyenne 1,5 kW pour le CO2
– pour réaliser des opérations de découpe,
perçage, soudage, traitements thermiques,
marquage par gravure.
Aujourd’hui, associé à des robots de type
portique, le laser peut travailler dans l’espace et accéder en tout point d’une pièce :
on réalise ainsi des centres d’usinage laser.
Le faisceau est réfléchi par une série de miroirs à travers des tubes télescopiques avant
d’être focalisé sur la pièce.
À l’exposition Productique 86, les machines
à laser étaient en vedette. Cilas-Alcatel et
Renault Automation ont présenté en fonctionnement un grand centre d’usinage à
cinq axes du type portique. Destiné à l’usine
Creusot-Loire Industrie de Saint-Chamond,
où il découpera notamment des pièces de
blindage de chars, il est équipé d’un laser à
CO2 de 2 kW et de la nouvelle commande
numérique Robonum 800 étudiée par Num
pour le pilotage des robots.
A l’exposition Robotex de Bruxelles, en
octobre, Renault Automation a présenté en
fonctionnement son robot-laser RL5, équipé d’une source CO2 de 1,5 kW de Laser
Systèmes. Cette machine spéciale présente
une originalité : son faisceau est guidé à
l’intérieur même de la structure du robot.
Enfin, la puissance des lasers progresse :
Cilas-Alcatel a dévoilé son laser CO2, dont
la technologie à flux turbulent axial est issue de recherches militaires. Il atteint 7 kW,
mais dans sa version industrielle CI 8000,
il est prévu pour 8 à 10 kW. Ces recherches
s’inscrivent dans le cadre du projet Rolf (robot outil laser français) lancé en 1985 par le
ministère de la Recherche et de la Technologie et qui associe Cilas et SGN.
L’avenir de cette alliance du robot et du
laser passe toutefois par la maîtrise des
moyens de transport du faisceau. Pour accéder en bout de bras des robots classiques
à cinq ou six axes, Spectra Physics propose,
sous le nom de Laserflex, un tube articulé
avec de nombreux miroirs, ce qui pose des
problèmes de précision, d’étanchéité et de
nettoyage optique. Le recours à la fibre
optique apparaît très séduisant. Mais cette
technique ne peut pour l’instant s’appliquer aux lasers CO2 : la fibre transmet mal
la longueur d’onde de ce type de laser et
s’échauffe.
Pour les lasers solides du type Yag utilisés dans l’industrie, notamment pour le
perçage, la gravure et les traitements thermiques, de spectaculaires résultats ont
été annoncés. Laser Application, PME de
Besançon, utilise la fibre optique associée
à un laser Yag impulsionnel de puissance
moyenne 300 W, avec des pics allant jusqu’à
6 kW. Elle a construit ainsi deux robotslasers de soudage pour le CEA, tandis que
Peugeot en expérimente un de 400 W pour
le traitement thermique.
De son côté, la firme canadienne Lumonics,
troisième constructeur mondial de lasers et
spécialiste du Yag impulsionnel, propose un
système multifibre optique, de quatre à huit
fibres, appelé Multiflex. Grâce à l’alimentation programmable du laser, il permet,
downloadModeText.vue.download 365 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
364
par multiplexage et division du faisceau,
d’effectuer sur une même pièce, ou sur des
pièces différentes, plusieurs types de travaux. Avec trois fibres, on peu ainsi réaliser
simultanément trois soudures sur une pièce
annulaire pour en limiter les déformations
thermiques. Les applications s’annoncent
donc prometteuses.
La fibre optique ouvre ainsi des possibilités
nouvelles à l’utilisation du laser. Un « outil » bientôt aussi facile à transporter que
le jet d’eau haute pression (4 000 bars), ce
« laser liquide » qui équipe déjà de nombreux robots pour la découpe de matériaux
divers. Grâce à l’injection de particules
abrasives dans le jet fluide, on peut désormais couper le métal. Une machine de ce
type, construite par Rouchaud, en collaboration avec Flow Systems, est en cours d’installation chez Alsthom à Belfort.
CLAUDE GELÉ
Lanceur lourd, associant deux gros
propulseurs d’appoint à propergol solide
à un corps central équipé d’un puissant
moteur à oxygène et hydrogène liquides,
Ariane 5 offrira une capacité de lancement d’environ 4,5 t en orbite géostationnaire et de 15 t en orbite basse. Mis en
service vers 1995, il permettra à l’Europe
de maintenir sa compétitivité face aux
lanceurs étrangers, notamment pour le
lancement de vaisseaux habités.
Quant au programme Hermès, de
conception française, il prévoit la
construction de deux modèles de vol
d’un avion spatial à ailes delta, de 18 m
de longueur, 10 m d’envergure et 12 t de
masse à vide, capable d’abriter de 4 à 6 astronautes et d’emporter 4,5 t de charge
utile, qui sera satellisé sur orbite basse
par Ariane 5 et reviendra se poser sur une
piste d’atterrissage.
Les progrès accomplis depuis 25 ans
dans la conquête de l’espace montrent
que le défi lancé par les Soviétiques en
1961 a entraîné un mouvement irréversible, dont personne, à l’époque, n’aurait
osé imaginer l’ampleur. De Gagarine
à la navette spatiale, en passant par les
grandes heures de l’exploration de la
Lune, nous avons vécu les premiers pas
de cette fabuleuse aventure. Mais l’épopée
ne fait que commencer : l’avènement des
stations habitées en permanence autour
de la Terre et, après l’an 2000, le premier
vol humain vers la planète Mars en seront
les prochaines étapes majeures. S’il ne
symbolise plus l’inaccessible, l’espace n’a
rien perdu de son pouvoir de fascination
et nourrira longtemps encore les rêves de
l’humanité.
PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE
Écrivain et journaliste scientifique, vice-président de la
Société astronomique de France, Philippe de La Cotardière a publié plusieurs ouvrages sur l’astronomie (l’Astronomie, Larousse, 1981 ; le Ciel et l’Univers, Nathan, 1983)
et sur l’astronautique (la Conquête de l’espace, Larousse,
1983).
downloadModeText.vue.download 366 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
365
Tchernobyl
et la sûreté
des centrales
nucléaires
Le 26 avril 1986, à Tchernobyl, en URSS, s’est produit
le plus grave accident de l’histoire de l’énergie nucléaire.
Quelles seront ses conséquences ? Quels sont les moyens prévus
pour éviter de telles catastrophes ?
À1 30 kilomètres au nord de Kiev, à
4 kilomètres de la ville nouvelle de
Pripiat, sont implantées les quatre unités
de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Le
26 avril 1986, vers une heure du matin,
les unités 1, 2 et 3 fonctionnent normalement. L’équipe de conduite de la 4e unité prépare un essai avant de la mettre à
l’arrêt, conformément au programme
d’exploitation.
À 1 h 24, deux violentes explosions détruisent le bâtiment du réacteur no 4. Des
flammes de plus de 30 mètres de haut
illuminent les alentours. Des matières
incandescentes sont projetées dans l’atmosphère. En retombant, elles allument
d’autres incendies, notamment dans la
salle des machines. Les autres unités de
la centrale sont mises à l’arrêt, le personnel est évacué. Les pompiers de l’installation, auxquels se joignent ceux de Pripiat,
puis ceux de Kiev, luttent contre l’incendie. Mais celui-ci n’est maîtrisé qu’après
12 jours d’efforts, alors que 5 000 tonnes
de sable et de matériaux divers ont été
déversés sur le réacteur par hélicoptères. L’évacuation des populations des
cités voisines commence 36 heures après
l’accident.
Pendant plus d’une semaine, des produits radioactifs provenant du coeur du
réacteur sont portés à haute altitude par
la colonne de gaz chauds, puis entraînés
par les courants aériens au-dessus de la
Russie et d’une grande partie de l’Europe,
qui ignore tout de l’accident jusqu’au
28 avril ; c’est la centrale de Formark, en
Suède, qui donne l’alerte. La Suède et les
autres pays occidentaux assaillent alors
les autorités soviétiques de pressantes
demandes d’information.
downloadModeText.vue.download 367 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
366
Le 28 avril, à 20 heures, l’agence Tass
déclare laconiquement qu’une avarie s’est
produite dans une centrale russe. Puis,
le 29 avril, la mort de deux techniciens
et l’évacuation de quatre localités sont
annoncées.
La rareté et l’imprécision des informations laissent le champ libre aux rumeurs
les plus alarmantes. La télévision américaine parle de 2 000 morts. Le monde
entier s’émeut. Les autorités chargées de
la protection des populations s’efforcent
d’acquérir une vue objective de la situation, mais la coopération internationale
est rendue difficile par la disparité des
méthodes.
Un nuage d’inquiétude
Le 29 avril, l’est et le sud-est de la France
sont atteints par le nuage de particules
radioactives et, le 1er mai, c’est la région
parisienne qui est touchée.
Un peu partout, les autorités gouvernementales prennent des mesures pour
écarter du marché les denrées alimentaires contaminées par les retombées
radioactives directement (légumes) ou
indirectement (lait, viande) ; le 8 mai, la
Communauté économique européenne
met l’embargo sur les importations de
viande en provenance de l’Europe de
l’Est. Cependant, il apparaît que les
normes de protection appliquées dans les
différents pays manquent de cohérence.
Témoin des polémiques entre experts, le
public qui note les réticences et les hésitations des autorités est inquiet. Beaucoup
de gens mettent en doute l’exactitude des
déclarations officielles sur la gravité des
risques et l’efficacité des mesures de protection. L’inquiétude des populations est
exploitée par les groupes antinucléaires.
Ils organisent des manifestations et leur
influence grandit.
Dans ce climat d’incertitude et de
contestation, un certain nombre de
gouvernements sont amenés à prendre
des décisions défavorables à l’énergie
nucléaire. Dès le 7 mai, les Pays-Bas
annoncent qu’ils abandonnent leur projet de construction de quatre centrales
et la Yougoslavie déclare renoncer à sa
seconde installation nucléaire. Le 22 mai,
c’est au tour de l’Égypte de faire connaître
qu’elle va réexaminer son programme
nucléaire. Le 1er août, le président de la
Confédération helvétique déclare que la
Suisse doit envisager l’abandon du nu-
cléaire et, le 12 août, le parti social-démocrate allemand diffuse un plan de dix
ans pour éliminer tout recours à l’énergie
nucléaire. Entre-temps, le 3 juillet, les
autorités soviétiques avaient enfin reconnu que l’accident avait fait 27 morts et
187 blessés et qu’il avait rendu nécessaire
l’évacuation de 100 000 personnes dans
un rayon de 30 km.
Pour les chercheurs et les techniciens, l’accident de Tchernobyl est ressenti comme un choc brutal. Depuis
plus de trente ans, ils travaillaient à faire
de l’énergie nucléaire la source d’énergie
la plus fiable, la plus sûre, la moins polluante. Et ils pouvaient estimer être tout
près du but. L’accident de Three Miles
Island (Pennsylvanie), du 28 mars 1979
– catastrophe financière pour la société
propriétaire –, avait démontré l’efficacité
des moyens de protection du personnel
de la centrale et de la population. Au
moment de l’accident de Tchernobyl, il
y avait en exploitation près de 400 unités
électronucléaires réparties dans 26 pays,
downloadModeText.vue.download 368 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
367
représentant au total une expérience de
plus de 4 000 années de fonctionnement
de réacteurs.
Depuis le 26 avril 1986, de nombreuses
discussions ont eu lieu dans le cadre de
la presse, de la radio et de la télévision,
comme à l’occasion de réunions de spécialistes, sur l’étendue et les conséquences
réelles de l’accident de Tchernobyl dont
l’ampleur est progressivement dévoilée, ainsi que sur les enseignements qui
doivent en être tirés pour l’avenir.
Mais le sujet est complexe. Pour
suivre ces débats, il faut disposer d’un
fil conducteur. Ce fil conducteur, c’est la
réponse à deux questions essentielles :
– quels sont les risques présentés par le
fonctionnement d’une centrale nucléaire ?
downloadModeText.vue.download 369 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
368
– quelles sont les mesures mises en
oeuvre pour se protéger de ces risques ?
En d’autres termes, quels sont les objectifs et les moyens de ce que l’on appelle la
sûreté nucléaire appliquée aux centrales ?
Réacteurs nucléaires et
rayonnements ionisants
Les risques spécifiques de l’utilisation de
l’énergie nucléaire sont liés aux dommages
que les rayonnements ionisants peuvent
provoquer dans la matière vivante. Être
protégé de ces risques, c’est le fait de la
sûreté nucléaire. Selon la définition officielle, la sûreté nucléaire est la protection
des personnes et de l’environnement naturel contre les risques présentés, du fait des
rayonnements ionisants, par les installations où sont produites, transformées,
mises en oeuvre ou stockées des substances
radioactives. C’est aussi l’ensemble des
dispositions prises à cet effet.
En cas d’irradiation externe, le rayonnement α est arrêté par la peau, le rayonnement β ne va pas au-delà du derme,
le rayonnement γ pénètre dans tout le
corps.
Les limites annuelles admissibles pour
l’organisme entier sont les suivantes :
– personnels d’une installation nucléaire en zone contrôlée : 5 rems ;
en zone non contrôlée : 1,5 rem ;
– personnes du public : 0,5 rem. Ces
limites sont différentes parce que tout le
personnel professionnel bénéficie d’une
surveillance médicale systématique et que
le personnel travaillant en zone contrôlée
est suivi techniquement et médicalement ;
– pour les femmes enceintes ainsi que
pour les jeunes enfants, les limites sont
plus basses, car les cellules des embryons
et des enfants sont particulièrement sensibles à l’irradiation. À titre de comparaison, dans le cas d’une irradiation brutale
et totale du corps, des troubles organiques se manifestent à partir d’une dose
d’environ 50 rems. Il y a danger de mort
quand la dose atteint 500 rems.
Dans le cas de contamination interne
les corps radioactifs s’accumulent dans
des organes différents, l’iode 131 dans
la glande thyroïde, le strontium 90 dans
la moelle osseuse, le césium 137 dans
les muscles et le foie. Une contamina-
tion importante peut se traduire par
l’apparition d’un cancer à plus ou moins
longue échéance. La réglementation
précise quelles sont les activités limites
admissibles de l’air, de l’eau, du lait et des
produits de consommation en les exprimant, selon les cas, en curies ou en becquerels par mètre cube, par litre ou par
kilogramme.
Les activités maximales admissibles
des effluents gazeux et liquides rejetés annuellement par les installations nucléaires
sont également fixées de façon à respecter, en tout état de cause, les normes de
radioprotection bien définies applicables
à la population et à l’environnement.
Les normes de
radioprotection
Les rayonnements produits dans les réacteurs sont directement ionisants car
ils libèrent des charges électriques dans la
matière qu’ils irradient et peuvent entraîner des lésions des éléments constitutifs
des cellules. Il en résulte, pour celles-ci,
des dommages que l’organisme est plus ou
moins capable de réparer.
downloadModeText.vue.download 370 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
369
On sait évaluer, pour différents rayonnements ionisants et en fonction de leur nature et de leur énergie, les dommages qu’ils
causent aux organismes
Ces évaluations sont fondées sur la quantité d’énergie absorbée par un milieu irradié
ou dose absorbée. L’unité de dose absorbée
est le gray (Gy), qui vaut un joule par kilogramme. En pratique on continue d’utiliser
une unité définie depuis plusieurs décennies, le rad, qui vaut 1/100 de gray.
L’effet biologique d’une dose absorbée varie
suivant la nature du rayonnement et son
énergie. Ainsi les neutrons ont une efficacité biologique plus grande que le rayonnement γ. Aussi caractérise-t-on l’effet biologique d’une irradiation par une grandeur
particulière, l’équivalent de dose. L’unité
d’équivalent de dose est le sievert (Sv) mais,
ici encore, on continue d’utiliser l’ancienne
unité, le rem, qui vaut 1/100 de sievert.
L’irradiation des tissus vivants peut être
le résultat, soit de l’exposition d’une portion plus ou moins étendue du corps à une
source de rayonnement extérieur, soit de
l’inhalation de nucléides radioactifs présents, par exemple, dans l’atmosphère. L’irradiation peut donc être externe ou interne.
On parle de contamination externe lorsque
les corps radioactifs sont déposés sur la
peau et de contamination interne lorsqu’ils
ont pénétré dans l’organisme.
Les effets des rayonnements ionisants ont
fait l’objet d’études qui ont permis de définir les normes générales de radioprotection et d’en déduire celles qui s’appliquent
en particulier à l’exploitation des centrales
électronucléaires.
La doctrine et les normes de radioprotection sont élaborées dans un contexte international. A cet égard, il faut mentionner le
rôle capital de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) qui
regroupe des spécialistes dont la compétence est mondialement reconnue.
La CIPR a posé en principe que les limites des
doses acceptables doivent être déterminées
de façon que les risques entraînés par l’exposition aux rayonnements ne dépassent pas :
– pour les travailleurs de l’énergie nucléaire,
ceux qui sont acceptés dans la plupart des
activités industrielles ou scientifiques
présentant un niveau de sécurité élevé,
– pour les personnes du public, ceux qui
sont habituellement acceptés dans la vie
courante (Il faut savoir que l’homme vit
dans une ambiance de rayonnements
ionisants naturels ou liés aux activités
humaines. Au total, l’Européen reçoit en
moyenne une dose comprise entre 100 et
600 millirems par an.).
On ne joue pas
avec un réacteur
À l’époque de l’accident, la centrale de
Tchernobyl comprenait quatre unités – ou
tranches – de 1 000 mégawatts chacune,
en exploitation respectivement depuis
1977, 1978, 1981 et 1983, et deux unités
de même puissance en construction. Ces
unités étaient toutes du type RBMK, sigle
formé avec les initiales des mots russes
signifiant réacteur, grande puissance, canal. Les centrales de ce type sont équipées
de réacteurs à eau bouillante, ce qui veut
dire que le fluide de refroidissement est
de l’eau ordinaire qui, portée à l’ébullition
dans le coeur, produit ainsi de la vapeur
envoyée directement aux turbines. Dans
ces réacteurs, le graphite joue le rôle de
modérateur, l’eau servant de caloporteur.
Les informations communiquées par
les autorités soviétiques, et notamment
le volumineux rapport adressé en août
à l’Agence internationale de l’énergie
atomique de Vienne, complétées par
le compte rendu des réunions tenues à
downloadModeText.vue.download 371 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
370
Vienne du 25 au 29 août, ont permis de
reconstituer la suite des événements qui
ont précédé l’accident.
Dans la nuit du 25 au 26 avril 1986,
l’équipe de conduite de la tranche no 4
de la centrale avait pour tâche de réaliser un essai destiné à préciser certaines
caractéristiques de fonctionnement de
l’installation immédiatement après un
arrêt du réacteur. On peut résumer la
façon dont, en fait, l’expérimentation a
été menée en disant que le programme
de l’essai n’a pas été suivi et que les procédures réglementaires d’exploitation n’ont
pas été respectées. Bien plus, comme le
personnel chargé de l’essai était gêné par
l’existence de certains systèmes de sécurité automatiques, il les a purement et simplement mis hors d’état de fonctionner.
En particulier, il a rendu inopérant le système automatique d’arrêt d’urgence. En
outre, pour tenter d’amener le réacteur à
la puissance prévue pour l’essai, il a fait
remonter – c’est-à-dire qu’il a extrait du
coeur – un nombre de barres beaucoup
plus grand que ce qui était autorisé. Dans
ces conditions, des causes d’instabilité de
la puissance sont apparues. Alors que le
réacteur fonctionnait à 200 mégawatts,
une petite augmentation de puissance a
provoqué en quelques secondes (et malgré une tentative de commande manuelle
de l’arrêt d’urgence) une montée rapide et
considérable de celle-ci. Selon les experts
soviétiques, la puissance du réacteur a
atteint 100 fois sa valeur en fonctionnement normal, ce qui a provoqué la fusion
du combustible, la vaporisation explosive de l’eau et la dislocation du coeur. En
outre, la température très élevée a amorcé
la combustion des blocs de graphite et
allumé l’incendie.
Automobile
Alors que les superordinateurs, du
type Cray I et les grandes souffleries
« échelle 1 » se banalisent chez tous les
constructeurs d’automobiles, est-il encore
possible de découvrir des innovations originales dans leurs produits ? L’année 1986
répond « oui » sans hésitation. Autour de
grands thèmes, allégement – Citroën AX,
640 kg –, bas coefficients aérodynamiques
– AX, 0,31, Audi 80, 0,29, Opel Omega,
0,28 –, moteurs dépollués, versions à 4
roues motrices, les variations audacieuses
se multiplient.
C’est d’abord le moteur 6 cylindres en V
PRV (Peugeot Renault Volvo) qui rajeunit :
Renault avait refait le vilebrequin pour sa
R 25 Turbo, cette fois, c’est Peugeot qui lui
offre un nouveau bloc plus résistant, directement issu de celui mis au point pour les
WM des 24 heures du Mans.
Ça bouge aussi dans le diesel avec le moteur
Prima du britannique Perkins. En première
mondiale, il est le premier petit diesel à
injection directe revendiquant des consommations inférieures de 10 à 12 p. 100 aux
diesels classiques à injection indirecte. Il
faudra cependant attendre un an, le temps
qu’il soit monté sur une voiture particulière, pour vérifier cette affirmation osée
qui fait sourire ses rivaux.
Alors que les moteurs turbo 1 500 cm 3 de
Formule 1 ont atteint, en qualifications, les
sommets de la technologie et les 800 chevaux au litre, Lancia propose une solution
baptisée Triflux, avec 4 soupapes par cylindre, disposées en X, les soupapes d’échappement placées de chaque côté de la culasse.
La recherche du confort a conduit l’Allemand Luk à concevoir pour BMW un embrayage absorbant les vibrations avec un
volant moteur « bimasse », en deux parties.
Valeo et Sachs y viennent eux aussi et vont
en amplifier la diffusion. Les transmissions
downloadModeText.vue.download 372 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
371
évoluent aussi puisque le nombre des modèles à « transmission intégrale » a doublé
dans l’année. Pour elles, les nouveaux différentiels visqueux (brevet Ferguson) et Torsen (100 p. 100 mécanique) donnent enfin
aux nouvelles VW, Lancia, Audi un confort
de conduite comparable aux deux roues
motrices.
Cette généralisation des 4 × 4 (sauf en
France !) s’accompagne d’une adaptation
spécifique des systèmes antiblocages de
freins (ABS) à traction intégrale, qui sont
produits par d’autres firmes que Bosch (Teves, Bendix) et souvent intégrés au système
de freinage. Moins chers, leur électronique
leur permet d’informer des systèmes antipatinage (Mercedes, BMW). Dès que les
roues motrices patinent, le moteur perd
automatiquement de la puissance jusqu’à ce
que la motricité soit égale à l’adhérence : on
ne peut plus déraper.
Ford a même démocratisé l’ABS avec un...
SAB, antiblocage mécanique simplifié
monté sur Fiesta. Moins performant que les
systèmes électroniques, il est toutefois efficace sur route enneigée.
En disposant habilement les triangles, en
calculant avec précision la déformation des
« Silentblocs » caoutchouc dans les virages,
Mazda (RX 7) et Opel (Omega) arrivent à
légèrement faire braquer les roues arrière
motrices, jusqu’à 1°. La tenue de route
en est transformée, mais Honda est allé
beaucoup plus loin que ces « suspensions
actives » en dotant sa nouvelle Prélude de
4 roues directrices. Ce système purement
mécanique, à deux boîtiers reliés par un
petit arbre, améliore tenue de route à haute
vitesse et maniabilité en ville, le tout pour
un prix modique...
L’Europe a battu le Japon dans ses spécialités : sécurité et équipement. Audi a conçu
un fantastique système baptisé ProconTen : en cas de choc, c’est le recul du moteur
qui sert à retendre les ceintures de sécurité
et abaisser le volant, évitant toute blessure
à la face. Pour sa série 7, BMW a réalisé
un merveilleux essuie-glace asservi à la
vitesse : plus on va vite, plus il essuie. Sur
la même voiture, Hella a installé des phares
ellipsoïdes qui, en dépit d’un tout petit diamètre, éclairent 30 p. 100 plus fort que les
gros. Valeo réplique avec un phare « multifocal », aussi efficace, qui peut être, comme
celui déjà produit pour Volvo USA, entièrement en plastique, y compris la vitre ! On
n’arrête pas le progrès...
JEAN-PIERRE GOSSELIN
L’énorme responsabilité de l’équipe de
conduite du réacteur a été reconnue et
soulignée par les autorités soviétiques.
À Vienne, A.M. Petrossiants, président
du Comité d’État pour les utilisations
pacifiques de l’énergie nucléaire, a déclaré
officiellement que l’accident avait eu lieu
à la suite de toute une série de violations
grossières des règles de la conduite par le
personnel.
Les matériaux déversés par les hélicoptères de l’armée soviétique sur les ruines
du réacteur ont eu un triple but : empêcher une nouvelle réaction nucléaire
explosive (d’où, dans ces matériaux, la
présence du bore, élément capturant fortement les neutrons), éteindre l’incendie
du graphite et surtout faire cesser l’émission de produits radioactifs.
Renforcement de la radioprotection
Le bilan de l’accident, établi à la fin de
septembre, est très lourd et fera date
dans l’histoire :
– 31 morts, dont 28 du fait de l’accident
lui-même ;
– 365 personnes hospitalisées, dont 200
gravement irradiées ;
downloadModeText.vue.download 373 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
372
– 135 000 personnes évacuées dans
un rayon de 30 km autour de la centrale et mises en observation médicale ;
– plus de 1 000 km 2 d’une des régions
les plus riches de la Russie rendus improductifs du fait de la contamination ;
– possibilité d’extension de la zone dangereuse en cas de contamination de l’eau
des cours d’eau et de la nappe phréatique.
C’est sur la limitation du danger radioactif que l’action des autorités soviétiques s’est portée en priorité. Très vite,
des mesures ont été prises pour isoler la
tranche no 4 de l’eau de surface et de la
nappe phréatique. Il fallait surtout éviter que le Dniepr, qui alimente en eau la
moitié de la ville de Kiev, soit contaminé.
Des travaux ont été également lancés pour réaliser un confinement des
superstructures de la tranche accidentée,
afin d’arrêter la dispersion des matières
radioactives et de remettre rapidement
en service les tranches 1, 2 et 3. Ils comprennent la construction de murs de béton et, dans la salle des machines qui est
commune aux tranches 3 et 4, d’une cloison métallique étanche. La décontamination du sol a été entreprise et les autorités
avaient annoncé qu’elle serait achevée à
la fin de 1986, mais les problèmes à résoudre sont très difficiles.
Les autorités soviétiques ont déclaré
que l’accident était entièrement imputable aux fautes commises par le personnel et que la confiance mise dans les centrales du type RBMK n’était pas entamée ;
elles ont cependant annoncé des mesures
techniques destinées à accroître la sûreté
de ces centrales et notamment à éviter
que le coefficient de puissance des réacteurs puisse, dans certaines conditions,
devenir positif.
Aéronautique
Pour le consortium européen Airbus
Industries, le défi lancé voici plusieurs
années au monopole de fait détenu par les
constructeurs américains d’avions commerciaux – Boeing, McDonnell-Douglas, Lockheed – est couronné de succès. Avant le
premier vol du prototype, prévu pour mars
1987, 379 Airbus A 320 sont déjà vendus :
236 commandes fermes, 143 options. S’y
ajoutent 20 intentions d’achat, soit, pratiquement, 400 appareils commandés par
14 compagnies, dont 100 par la seule compagnie américaine Northwest Airlines – le
plus gros marché jamais passé pour un appareil en cours d’assemblage – et 20 par la
compagnie japonaise All Nippon Airways.
Avec plus de 30 p. 100 du marché des gros
porteurs en 1986, Airbus Industries est
à présent le seul véritable concurrent de
Boeing, avec qui le groupe s’apprête en
outre à entrer en compétition sur le marché des long-courriers avec les futurs A 330
biréacteurs et A 340 quadriréacteurs, avec
introduction de nombreuses innovations
techniques : matériaux composites, commandes électriques, avionique de pointe,
économies de carburant, confort et sécurité accrus pour les passagers. Les autres
membres de la « famille Airbus » continuent
à connaître le succès et, paradoxalement,
l’incident survenu à l’automne 1986 à bord
d’un appareil tout neuf de Thai Airways
a fait beaucoup pour la promotion de la
gamme : malgré l’explosion à haute altitude
d’une grenade introduite à bord, l’avion
a pu se poser en urgence sur l’aéroport le
plus proche. Quant au court-courrier biturbopropulseur ATR 42, construit en coopération avec la firme transalpine Aeritalia,
son succès a conduit au lancement d’un
appareil plus grand, l’ATR 72, dont la voilure sera entièrement réalisée en matériaux
composites. Certes, en ce qui concerne la
division hélicoptères civils et militaires, le
downloadModeText.vue.download 374 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
373
marché s’est un peu resserré, mais sur le
plan de l’aviation générale, l’Aérospatiale/
Socata a fait en 1986 une remarquable
percée aux États-Unis dans le domaine de
l’avion de tourisme, avec sa gamme TB 10
Tobago, TB 20 Trinidad et TB 21 Trinidad
turbocompressé, Avions Marcel Dassault/
Breguet Aviation poursuivant la leur avec
la gamme des Falcon, dont les triréacteurs
Falcon 50 et Falcon 900, appareil dont les
premiers exemplaires seront bientôt livrés à
leurs acheteurs.
La disparition, le 17 avril 1986, de M. Marcel Dassault (dont le fils, Serge, a été porté
à la présidence du groupe), entre la présentation en statique et le premier vol du
Rafale A, n’a en rien compromis ce programme. Le Rafale A est un avion de chasse
expérimental biréacteur dont le développement, le Rafale B, devrait assurer le moment
venu la succession de l’actuel Mirage 2000.
D’une masse prévue de 8,5 tonnes (contre
9,5 tonnes pour le prototype), le Rafale B
devrait entrer en unités en 1996, équipé
de réacteurs SNECMA M 88. Prévu pour
Mach 2, cet appareil a une structure faisant
très largement appel aux matériaux composites. Il est équipé de commandes électriques numériques, de commandes vocales
et de systèmes de visualisation de pointe.
Sa « signature » (radar, infrarouges) sera
extrêmement limitée. Ce sera un avion de
combat tactique multimission (défense aérienne, missions air-sol). Il pourra emporter jusqu’à 12 bombes ou missiles.
La situation est également bonne chez les
motoristes. La SNECMA, qui produit la
gamme des réacteurs CF-56, en association
avec General Electric, voit se garnir son
carnet de commandes. Dernier marché en
date (décembre 1986) : la commande par la
CAAC (Administration de l’aviation civile
de la Chine populaire) de réacteurs CF680C2 destinés à 5 Boeing qui viennent d’être
commandés par la Chine. La SNECMA travaille aussi à la mise au point du réacteur
M 88 destiné à équiper le Rafale en remplacement des Garrett actuellement utilisés.
Enfin, le futur avion spatial Hermès, confié
à Aérospatiale et AMD/BA, est entré dans
la phase de réalisation, en coopération avec
d’autres firmes françaises et européennes.
PHILIPPE DELAUNES
La plupart des experts en radioprotection s’accordent pour estimer qu’audelà des frontières de la Russie, les conséquences de l’accident sur la santé des
populations – et notamment en ce qui
concerne le cancer – seront très réduites
et pratiquement impossibles à identifier
parmi les cas, beaucoup plus nombreux,
de maladies et de décès provoqués par
d’autres causes. Exploité et amplifié par
les mouvements antinucléaires, l’accident
a provoqué des réactions défavorables à
l’énergie nucléaire dans l’opinion publique
des pays occidentaux, réactions qui, ellesmêmes, ont eu des répercussions au niveau des décisions gouvernementales.
Bien que les responsables du développement de l’énergie nucléaire dans les
différents pays aient tenu à réaffirmer la
nécessité du recours à cette source d’énergie pour satisfaire aux besoins globaux en
énergie des pays développés ou en voie
de développement, il est indéniable que
Tchernobyl a donné un coup de frein
plus ou moins brutal à de nombreux programmes nucléaires.
L’URSS, suivie des pays de l’Est, reste
à l’écart de ces répercussions. Elle a établi
le programme nucléaire le plus ambitieux
et elle estime n’avoir aucune raison de le
remettre en cause.
downloadModeText.vue.download 375 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
374
L’expérimentation au vrai
Pour la première fois depuis le début du
développement de l’énergie nucléaire, les
spécialistes de l’étude des effets des radiations sur l’homme vont disposer d’une
masse de données établies à partir des
observations faites sur un grand nombre
de personnes ayant été irradiées et suivies médicalement depuis cet accident.
Ainsi, l’ampleur du drame de Tchernobyl permettra d’acquérir une meilleure
connaissance des effets biologiques des
radiations et d’améliorer les normes de
radioprotection ainsi que les moyens de
traitement. Mais il faudra attendre plusieurs dizaines d’années pour parvenir
à des conclusions sûres, car l’exemple
d’Hiroshima montre que l’effet d’une
irradiation peut se manifester trente ou
quarante ans plus tard.
En ce qui concerne l’évaluation des
risques à la suite d’un accident nucléaire
et les décisions relatives à la protection de
la population, les événements qui ont suivi l’accident de Tchernobyl ont démontré,
sans doute possible, qu’un progrès reste
à accomplir quant à l’uniformisation des
normes, la cohérence des méthodes et
la coordination des décisions. Ce travail
est amorcé sous l’égide de l’Agence de
Vienne, mais il appartient aux différents
pays de le mener à bien.
Les principes et les méthodes de la
sûreté des réacteurs n’ont pas été remis
en cause par l’accident du 26 avril. Mais
l’importance du facteur humain, déjà
mise en évidence lors de l’accident survenu aux États-Unis en 1979, a été une
nouvelle fois soulignée.
Le type de réacteur RBMK étant particulier à l’URSS, les enseignements de
downloadModeText.vue.download 376 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
375
l’accident dans le domaine de la conception et de la technologie des centrales
n’ont qu’un intérêt limité pour les autres
types de réacteurs. Ainsi, le principe de
la défense en profondeur est appliqué
différemment dans les réacteurs RBMK.
Les deux premières barrières sont bien,
comme dans les autres types de réacteurs,
la gaine du combustible et les tuyauteries
et appareils du circuit de refroidissement,
mais la troisième barrière est constituée
de zones de confinement séparées les
unes des autres et non pas d’un bâtiment
abritant l’ensemble du réacteur et du circuit. De sorte que le réacteur de Tchernobyl se trouvait placé dans un volume
de confinement environ cent fois plus
réduit que celui d’un réacteur de même
puissance du type adopté en France. Une
comparaison directe de l’efficacité des
deux types de confinement n’est donc pas
possible.
Géologie
Le programme Géologie profonde de la
France prévoit onze forages d’un millier de mètres de profondeur avec quatre
objectifs principaux : l’exploration scientifique du sous-sol français, la compréhension des processus physico-chimiques
qui se déroulent dans la croûte terrestre,
l’établissement de modèles de référence et
une utilisation des résultats dans une perspective de retombées économiques. Deux
forages ont déjà été effectués.
Le premier forage, réalisé à Échassières,
dans l’Allier, concernait une anomalie
géochimique géante, un gîte métallogène
pratiquement unique au monde dans lequel avoisinent étain, tantale, tungstène,
lithium et fluor. L’étude de la composition des granités qui l’avoisinent pourrait
permettre de mettre en valeur des indices
pour la prospection de sites à métaux. Le
second forage de plus de 1 000 mètres,
toujours situé en Auvergne, dans le massif
du Cézallier, avait pour objet l’étude de la
circulation des eaux chaudes dans les granités et les gneiss. Il a permis de découvrir
au fur et à mesure que l’on descendait, et
contrairement à toute attente, une superposition de nappes d’eau ou de cellules
de convection séparées par des couches
totalement imperméables, un peu comme
les plats d’un couscoussier. Les échanges
d’une chambre à l’autre s’effectuant vraisemblablement par l’intermédiaire de
fractures. Cette recherche aboutit à la première étude systématique qui ait été réalisée dans le monde sur l’eau souterraine des
socles anciens. Elle rappelle que les zones
volcaniques endormies sont favorables au
géothermalisme.
Un troisième carottage a été réalisé à Couy,
près de Sancerre, pour étudier l’anomalie
magnétique du Bassin parisien, et devrait
aboutir au début de 1987. Ce sera ensuite
le tour des Pyrénées ou des Alpes. À terme,
ce sont bien tous les secrets ou presque de
la France profonde que les géologues espèrent ainsi mettre au jour.
ISABELLE TROCHERIS
Au-delà de ces enseignements qui
sont parmi les plus évidents, il en est
deux autres, qui apparaissent peut-être
moins nettement, mais dont la portée et
l’urgence sont sans doute plus grandes.
Il s’agit d’abord de la prise de conscience
de la solidarité de fait de tous les pays en
face d’une catastrophe nucléaire. Tout
habitant de la planète sait maintenant
qu’il peut être atteint. Désormais, aucun
pays ne peut se satisfaire des efforts qu’il
fait pour rendre plus sûres ses centrales
downloadModeText.vue.download 377 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
376
nucléaires. Il est nécessairement concerné par la sûreté des centrales de tous les
pays. Et le style de coopération qui a été
pratiqué jusqu’ici ne peut plus suffire. Il
s’agit maintenant d’acquérir un nouvel
état d’esprit, celui d’un partage nécessaire des connaissances et d’une mise en
commun des efforts. L’Agence de Vienne
travaille dans ce sens quand elle met au
point deux accords internationaux, l’un
sur la notification rapide et générale d’un
accident nucléaire, l’autre sur l’assistance
mutuelle en cas d’accident, et quand elle
établit une liste de sujets de coopération
dans le domaine de la sûreté. Mais son
action devra être soutenue et complétée
par l’engagement sans réticence de tous
les pays.
Nucléaire et
opinion publique
Un autre enseignement important doit
être tiré des événements consécutifs à
l’accident de Tchernobyl. Il s’agit des
rapports entre l’opinion publique et les
autorités responsables des décisions qui
concernent la sécurité des personnes et
des biens. On peut dire que, dans les jours
qui ont suivi l’accident, toutes les erreurs
possibles ont été commises : hésitations,
contradictions entre les déclarations
successives, manque de cohérence des
mesures prises en France et à l’étranger,
recours au système de la conférence de
presse qui introduisait un élément subjectif de plus entre les autorités et le public.
Tout a contribué à susciter l’inquiétude et
la méfiance de l’opinion.
Catastrophes
Le bilan de l’année est presque un hommage à la technique, moins défaillante
que les hommes. L’explosion de la navette
Challenger et Tchernobyl ont également
montré combien négligences ou bévues
humaines ont joué dans ces désastres.
L’Airbus des Thaï Airways qui atterrit après
une explosion au Japon a été la victime
d’un gangster ivre et maladroit. L’accident
d’un Tupolev qui coûta la vie au président
du Mozambique, Samora Machel, paraît
être attribué à une erreur de pilotage. Dans
un autre élément, l’engloutissement d’un
sous-marin nucléaire soviétique au large
des Bermudes, dans le fameux triangle,
est la conséquence d’un incendie mal maîtrisé. Le bâtiment a noyé avec lui sa batterie de missiles nucléaires dans une coque
probablement écrasée par la pression des
profondeurs. L’incendie d’un entrepôt des
laboratoires Sandoz, à Muttenz, en Suisse,
a pollué l’air (gaz mercaptan) et les eaux du
Rhin (pesticides et insecticides).
À Kinross, en Afrique du Sud, l’incendie
souterrain d’une mine d’or a provoqué
près de 200 morts, sous l’effet des fumées
toxiques. À Singapour, un grand hôtel récent s’est effondré en ensevelissant 33 personnes. Les divers naufrages résultent
souvent de négligences, comme l’embarquement de passagers en surnombre sur
des caboteurs ou des ferries en mauvais
état à Haïti, en Chine, sur le fleuve Jaune,
et au Bangladesh, sur la Meghna.
Le bilan des catastrophes naturelles est
plus lourd encore : inondations dans la
région de Buenos Aires, et en Chine, dans
le Guangdong, cyclones aux îles Salomon,
à Hanoi, aux Philippines et à Shanghai,
effondrements de collines à Taiwan et en
Colombie, avalanches exceptionnelles
au col de Zoji La, au Cachemire, séismes
dramatiques à Kalamáta, en Grèce et au
downloadModeText.vue.download 378 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
377
Salvador, explosion volcanique du mont
Mihara, au Japon, asphyxie mortelle de
2 000 personnes environ provoquée par
les gaz issus du lac volcanique de Nyos, au
Cameroun.
RENÉ HAROT
On dit souvent que le problème de la
communication entre les autorités et le
public est un problème très difficile dans
le domaine nucléaire, car le sujet suppose
des connaissances que la plupart des gens
ne possèdent pas. L’argument est très
mauvais. La confiance du public dépend
avant tout de la conviction des personnes
qui l’informent. S’il fallait avoir fait des
études médicales, peu de gens confieraient leur vie à un médecin. Cependant,
la confiance ne s’accorde pas d’emblée,
elle a besoin d’un peu de recul pour reconnaître la compétence et le sérieux des
propos, car les faits doivent confirmer les
affirmations.
Améliorer la confiance entre les autorités et les citoyens, c’est une tâche dont
l’intérêt ne peut être nié par personne.
Il est infiniment souhaitable que le choc
provoqué par la catastrophe de Tchernobyl encourage à l’entreprendre, comme à
tenir compte également de tous les autres
enseignements qui peuvent être tirés de
cet événement tragique.
GEORGES JUILLET
Ancien élève de l’École polytechnique, ingénieur spécialisé dans le domaine de l’énergie nucléaire, Georges Juillet
s’est particulièrement consacré à l’étude des systèmes de
protection.
downloadModeText.vue.download 379 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
378
Les
biotechnologies
Biotechnologie, génie génétique, manipulation génétique,
ces nouvelles technologies, créées il y a juste dix ans, sont désormais
présentes
dans les laboratoires et 1986 a vu l’apparition, sur le marché industriel,
de plusieurs produits issus de ces techniques.
Pourquoi un tel engouement pour
une technologie connue depuis
6 000 ans ? Pourquoi parle-t-on de « révolution », alors que la fermentation du
pain, de la choucroute ou du vin sont
déjà des biotechnologies ? Ce terme récent provient de l’anglais Biotechnology
et devrait plutôt se traduire par génie
biologique. Le mot anglais a été breveté
en 1980 par un agent de change nordaméricain, M. Hutton, qui en a déposé la
marque aux États-Unis.
L’OCDE, dans un rapport consacré à
cette question, avait recensé onze définitions relativement semblables. Celle
de la France, du moins celle du rapport
« Science de la vie et société » du ministère de la Recherche et de la Technologie,
était présentée ainsi : « La biotechnologie consiste en l’exploitation industrielle
des potentialités des microorganismes,
des cellules animales et végétales ainsi
que des fractions subcellulaires qui en
dérivent. »
La biotechnologie a commencé à faire
parler d’elle en 1975, lors de l’apparition
des techniques de recombinaisons génétiques. En 1986, dix ans après la réunion
d’Asilomar, au cours de laquelle un arrêt
des recherches avait été demandé pour
étudier les dangers de ce type d’expérience, plusieurs réalisations industrielles
ont fait leur apparition : « médicaments »
(hormones, enzymes, etc.) produits par
des micro-organismes ou des cellules,
plantes améliorées et résistantes à certains produits chimiques, tests de grossesse et diagnostic chez soi, etc. Ce n’est
ni la révolution promise par les enthousiastes, ni le « bruit pour rien » annoncé
par les sceptiques.
Alimentation :
le premier bioréacteur
On vend déjà des croissants chauds partout, mais comme pour le pain de mie
sans conservateur, Gérard Joulin, président du groupe Jacquet, a voulu maîtriser
la biotechnologie de la congélation, de
la décongélation, et de la fermentation
du pain ordinaire. Avec des membres
de l’Université technologique de Compiègne, les ingénieurs de chez Jacquet
downloadModeText.vue.download 380 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
379
ont étudié les ferments responsables de
la levée du pain et ont mis au point des
« ferments biologiques adaptés (FBA) »
supportant la congélation sans dommage
pour le goût. Un microprocesseur, qui
comporte un programme établi par les
laboratoires Jacquet, conduit les différentes opérations : décongélation, fermentation (levée du pain), contrôlée de
façon à amener la pâte « à point », et cuisson adaptée à la demande.
Cette première « armoire à pains et
croissants chauds », qui constitue le premier petit « bioréacteur » automatisé,
peut être installée n’importe où. Elle a été
présentée en octobre 1985 au FIT (Festival Industrie/Technologie) et doit être
exportée vers 40 points de vente nordaméricains sous le nom de Little French
Bakery (La Petite boulangerie française).
Environnement
La communauté internationale,
consciente des effets directs ou indirects, réels ou supposés, des activités humaines sur l’atmosphère, la biosphère et
l’hydrosphère, tente de s’organiser pour
restaurer des écosystèmes gravement dégradés et appauvris et pour enrayer la raréfaction progressive des espèces végétales et
animales.
La protection de la nature et de l’environnement, qui s’impose d’ores et déjà comme
une priorité, implique non seulement une
meilleure gestion des ressources naturelles,
la poursuite des recherches sur les arbres
clones bio-et chimio-résistants l’intensification des recherches sur les énergies
renouvelables et sur le traitement des déchets industriels..., mais aussi et surtout
l’adaptation et l’harmonisation, à l’échelle
mondiale, de politiques institutionnelles et
législatives adéquates. Ces dernières, indispensables à l’élaboration d’accords internationaux visant à réduire les pollutions
les plus néfastes pour l’environnement terrestre et j’atmosphère, sont freinées par les
États les plus développés qui ont, chacun,
des impératifs industriels et économiques
particuliers.
Il reste qu’en cette fin de siècle l’atmosphère,
siège des climats, est malade d’une pollution anthropique croissante, qui est actuellement du même ordre de grandeur que
celle d’origine naturelle. L’augmentation du
taux de gaz carbonique risque d’entraîner
à terme celle de la température globale de
l’atmosphère (effet de serre), la fonte progressive des glaces polaires et le relèvement
du niveau moyen des mers et des océans.
La couche d’ozone, qui joue le rôle de filtre
contre les UV, est, quant à elle, menacée
par la production de gaz CFC (chlorofluorocarbones) utilisés dans la fabrication des
mécanismes d’aérosols. L’acidité accrue des
précipitations dans les régions industrielles
d’Europe, d’Amérique du Nord, de Chine
ou du Brésil, est une des causes du dépérissement des forêts et de l’appauvrissement
de la faune et de la flore des rivières et des
lacs.
Aux effets transfrontières des pollutions
atmosphériques, y compris celle d’origine
nucléaire du type Tchernobyl, il faut ajouter
ceux, tout aussi catastrophiques, des pollutions, accidentelles ou non et de plus en plus
fréquentes qui affectent les sols, les eaux
souterraines et de surface. L’année 1986
aura été ainsi marquée par la gravissime
pollution du Rhin consécutive à l’incendie
d’une des usines du groupe Sandoz, près de
Bâle, le 30 octobre ; le déversement de 10
à 30 tonnes de produits chimiques (insecticides et fongicides à base de mercure) a
eu et aura des conséquences biologiques et
écologiques inestimables.
downloadModeText.vue.download 381 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
380
En France, les fuites de pyralène intervenues
après l’incendie de deux transformateurs (à
Villeurbanne le 30 juin et à Beaucamps-Ligny le 3 juillet) n’ont pas eu de suites graves.
Le pyralène, doué de capacités isolantes
remarquables, est utilisé notamment dans
les transformateurs et les condensateurs (il
y a plus de 100 000 transformateurs à pyralène en France). Ce produit extrêmement
toxique, à base de PCB (polychlorobiphényles), se décompose quand il est soumis à
une chaleur intense, en présence d’oxygène
et libère du gaz chlorhydrique, du dioxyde
de carbone, des dibenzofuranes et de nom-
breuses dioxines. La nécessaire élaboration
d’un produit de substitution au pyralène
fait actuellement l’objet de recherches.
La dégradation des formations végétales, l’appauvrissement de la faune et de
la flore (en France, sur les 523 espèces de
vertébrés supérieurs répertoriés au début
du XXe siècle, 22 ont disparu et 248 sont
menacées et près de 50 p. 100 des espèces
végétales n’existent plus) ne peuvent être
imputés aux seules pollutions. L’exploitation forestière (11 millions d’hectares de
forêt tropicale disparaissent chaque année),
les feux de forêts, les ennemis biologiques
des arbres (insectes, parasites et virus), la
conquête de nouvelles terres de culture,
l’érosion des sols sont autant d’atteintes à
notre environnement et à la qualité de la vie
sur la planète Terre.
PHILIPPE C. CHAMARD
Combats pour la santé
Les anticorps monoclonaux : soldats
à tout faire. En 1984, Cesar Milstein et
Georges Köhler recevaient le prix Nobel
de médecine pour avoir réussi, en 1975,
à faire fusionner une cellule productrice
d’anticorps (lymphocytes B) et une cellule « immortelle » (c’est-à-dire se multipliant indéfiniment). Cet « hybride »
globule blanc-cellule immortelle se divisait en tube à essais et produisait des anticorps issus d’un seul lymphocyte (donc
d’un clone), qui étaient par conséquent
monoclonaux.
L’utilisation d’un anticorps monoclonal, agissant directement sur une cible,
vient d’être autorisée aux États-Unis, en
France et en Grande-Bretagne. Cet anticorps bloque spécifiquement le fonctionnement de certains globules blancs, les
lymphocytes T, et permet ainsi d’empêcher « biologiquement » le corps de rejeter une greffe du rein, même après un
traitement cortisonique. Cet anticorps,
appelé OK T3 ou « Orthoclone », est
commercialisé par l’entreprise américaine Ortho.
Un anticorps est une protéine fabriquée par des lymphocytes en réaction
contre un intrus (antigène). C’est le principe même de la vaccination, qui implique
l’injection d’une très petite quantité de
« microbes » tués ou atténués. L’orga-
nisme « reconnaît l’étranger » et fabrique
des anticorps spécifiques à l’envahisseur.
Si ce dernier revient, la réponse immunitaire se déclenche et les lymphocytes
produisent très vite et en grande quantité
l’anticorps adéquat.
Le premier vaccin humain, obtenu par
génie génétique, contre l’hépatite virale
B, vient d’être autorisé aux États-Unis par
la FDA (Food and Drug Administration) ;
la société Merck Sharp and Dohme, qui
s’était associée à Chiron pour mettre au
point ce vaccin le commercialise. Une entreprise française, Virbac, a, pour sa part,
mis au point un vaccin contre la leucémie
virale du chat ; elle attend l’autorisation
de commercialisation. Ce sera le premier
downloadModeText.vue.download 382 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
381
vaccin pour ce type de virus, qui s’apparente à celui du Sida.
Chaque antigène provoque la synthèse
d’un anticorps spécifique. Cette propriété
est utilisée dans les tests immunologiques. Le principe est de faire produire
à un lapin, par exemple, des anticorps
contre une « substance » que l’on veut
analyser. Le lapin se « vaccine » contre
l’intrus et fabrique des anticorps « antisubstance ». On prélève du sang de l’animal, on extrait et on purifie les anticorps
choisis. Ces anticorps sont ensuite fixés à
une enzyme ou à une molécule radioactive. En présence de la « substance », l’anticorps s’accroche à celle-ci et l’on peut
alors doser la réaction colorée produite
(immunofluorescence) ou la radioactivité (dosage radio-immunologique).
Mais les anticorps du lapin étaient difficilement purifiables, car les immunoglobulines sont toujours des protéines,
certes différentes pour l’intrus, mais bien
semblables pour les biochimistes. L’idée
fut donc d’isoler un globule blanc producteur d’un anticorps donné et d’obtenir sa multiplication, à l’exemple de ce
que font les bactéries. C’est ce qu’avaient
réussi Milstein et Köhler.
Les anticorps reconnaissent donc la
substance « étrangère » qui les a fait réa-
gir. Produits désormais industriellement
dans des « bioréacteurs », ils ont des utilisations multiples : détection des maladies
infectieuses, des troubles du fonctionnement de l’organisme (trouble hormonal
et, surtout, cancers), des maladies génétiques, mais aussi reconnaissance de divers produits dans les substances alimentaires, dans l’eau, dans les plantes, etc. ; de
nombreux laboratoires étudient aussi la
possibilité d’accrocher à un anticorps un
médicament spécifique, le « missile biologique » qui doit se diriger directement
vers l’endroit de l’organisme à soigner.
L’hormone de croissance humaine.
En septembre 1985, Genentech, l’une
des premières sociétés américaines de
biotechnologie, a reçu l’autorisation de
commercialiser son hormone de croissance humaine obtenue par génie génétique, qui sera utilisée en premier contre
le nanisme hormono-dépendant, mais
aussi pour la cicatrisation des plaies, ou
la consolidation des os.
downloadModeText.vue.download 383 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
382
Contrairement à l’insuline, qui est extraite du pancréas du porc, puis modifiée
enzymatiquement, il faut utiliser uniquement l’hormone de croissance humaine
extraite de cerveaux de cadavres pour traiter les enfants. La société suédoise KabiVitrum, leader mondial de production
d’hormone extraite, s’était associée à Genentech et avait financé les recherches sur
les techniques de génie génétique. Genentech lui transmit son savoir-faire : KabiVitrum produira donc sa propre hormone
de croissance, qui sera vendue en Europe.
À cette course à l’hormone de croissance humaine participent Eli Lilly, qui
s’était associé à l’Université de Californie,
la société britannique Celltech et la société française Sanofi, qui produit une « hormone » encore plus proche de l’hormone
humaine naturelle (elle a un acide aminé
supplémentaire, la méthionine).
La lutte contre l’infarctus. Un futur
médicament pour éviter l’infarctus du
myocarde sans provoquer d’effets secondaires, c’est ce que l’on attend du tPA, le
tissue Plasminogen Activator. Ce facteur
est produit par de nombreuses cellules de
l’organisme et, en particulier, par les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins. L’infarctus du myocarde,
les embolies pulmonaires après une phlébite, les artères des membres inférieurs
bloqués par une artérite, sont dus à la
formation de petits caillots dans les vaisseaux ou les capillaires. Normalement,
le tPA, alors produit par les cellules,
active le plasminogène, pro-enzyme qui
se transforme en enzyme active, la plasmine ; cette enzyme dégrade à son tour
la fibrine et permet ainsi la dissolution du
caillot. Ce facteur a été isolé par de nombreuses équipes en 1983, clone et introduit dans différents types de cellules en
culture et dans des bactéries.
Douze sociétés de biotechnologie se
sont précipitées sur ce fabuleux médicament « naturel », ne provoquant pas d’effets secondaires, mais, une fois de plus,
Genentech a deux ans d’avance sur son
plus proche concurrent, le tandem Sandoz/Collaborative Research ; les essais
cliniques ont commencé en 1984 et le
produit vient d’être autorisé en GrandeBretagne sous le nom d’Activase.
Le diagnostic génétique. En 1983, aux
États-Unis l’Office of Technology AssessdownloadModeText.vue.download 384 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
383
ment (OTA) publiait un rapport, The role
of genetic testing in the prevention of occupational disease, où il apparaissait que 18
sociétés américaines utilisaient des tests
de diagnostic de maladies héréditaires
pour leurs employés ; trois ans après, il
est certain que le nombre d’entreprises
pratiquant ces tests a considérablement
augmenté. Les compagnies d’assurances
veulent aussi savoir ! Il existe déjà plusieurs diagnostics par sonde à ADN
comme ceux concernant la chorée
d’Huntington, l’hémophilie, les rétinoblastomes, les infections aux légionelles,
les mycoplasmes.
Une nouvelle sonde à
point par le Dr Alec
ment de génétique de
ceister, a permis de
ADN, mise au
Jeffrey, du départel’Université de Leprouver les origines
britanniques d’un jeune Ghanéen né en
Grande-Bretagne et reparti au Ghana. Le
service d’immigration ne voulait plus le
laisser rentrer. Par la nouvelle technique
d’« empreinte génétique » (DNA Fingerprint), Alec Jeffrey a prouvé le lien de
parenté certain entre ce jeune homme,
sa mère et ses soeurs. Ces empreintes
génétiques sont de minisatellites d’ADN,
très différents d’un individu à l’autre. La
probabilité de rencontrer, au hasard, la
même empreinte génétique chez deux individus sans lien de parenté est extrêmement faible (1 sur 1011, ou même moins si
l’on a plusieurs sondes).
Vers l’industrie
du végétal
La régénération d’un être vivant à partir d’une cellule est un phénomène biologique fascinant et observable pour les
plantes et les vers de terre. Un roman
de science-fiction de Richard Cowper,
Clone (Lattes, 1980), laissait croire que
cette biotechnologie était valable pour
l’homme ; mais, jusqu’à présent, même
les animaux régénèrent fort difficilement.
Depuis toujours, les agriculteurs ont
su utiliser la multiplication végétative,
lorsque le passage par la graine faisait
perdre les caractères acquis par la sélection végétale, ou lorsque cette multiplication était facile : le stolon du fraisier, le tubercule de pomme de terre, le
bulbe d’oignon, la bouture de géranium
présentaient souvent l’avantage de ne
pas encore être atteints par les virus qui
contaminaient déjà le reste de la plante.
Il est ainsi possible de sauver certaines
espèces. C’est ce qui fut réalisé en 1954
avec la pomme de terre Belle de Fontenay,
grâce aux recherches de Morel et Martin,
à l’INRA, et c’est ce qui permit à Ducreux
et Rossignol, du laboratoire UniversitéCNRS d’Orsay, de repeupler la Bretagne
de pommes de terre saines en 1976.
Les cultures de cellules et la régénération des plantes sont utilisées dans tous les
secteurs de l’horticulture. Un bourgeon
d’oeillet donne théoriquement 60 millions de plants en six mois ; celui du framboisier livre jusqu’à 50 000 plants en un
an, et le fameux bourgeon de rose est, en
principe, apte à produire 400 000 plants
en un an. Utilisées industriellement pour
les plantes qui « acceptent » de régénérer,
ces techniques sont délicates et nécessitent des conditions très précises de
culture.
D’autres plantes, comme les céréales,
régénèrent très difficilement. Le riz japonais constitue le premier cas où un protoplaste de céréale a engendré une plante
entière. Cette reconstitution a été récemdownloadModeText.vue.download 385 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
384
ment réalisée en France à l’université
d’Orsay par l’équipe du professeur Y. Demarly, au Japon dans plusieurs universités, et en particulier par le professeur Yamada, de Tokyo, par plusieurs entreprises
comme Mitsui Toatsu Chemicals et aux
États-Unis par le professeur Kaufman,
dans le Michigan.
Biologie
Taureaux ou vaches à la demande, les éleveurs de bovins pourront bientôt choisir le sexe de l’animal à naître en utilisant
une technique mise au point cette année
grâce à la collaboration de plusieurs laboratoires français. Après dix-huit mois d’efforts
conjugués, en effet, des généticiens, des embryologistes et des biologistes de l’INRA,
de l’Institut Pasteur et du Commissariat à
l’énergie atomique ont réalisé une sonde
d’ADN. Un petit morceau de chromosome
permet de différencier des embryons à un
stade très précoce de développement, en
fonction de leur sexe. La sonde est capable
de reconnaître de manière spécifique le
chromosome Y que seuls possèdent les individus mâles.
Cette découverte devrait améliorer considérablement les performances de la sélection bovine. À l’heure actuelle, le schéma
de reproduction auquel on recourt le plus
fréquemment passe par une série d’étapes.
C’est d’abord l’insémination artificielle
par un bon reproducteur de vaches donneuses sélectionnées, la reproduction hors
des voies génitales étant très difficile chez
les bovins. Ensuite, le prélèvement. Puis,
les embryons sont congelés et conservés
avant une réimplantation dans une vache
porteuse, lorsque les éleveurs le souhaitent
ou que le marché l’impose. Désormais, il
devient possible de choisir l’embryon à
réimplanter, non seulement en fonction des
caractéristiques génétiques de ses parents
mais aussi en fonction de son sexe. L’opération est avantageuse sur le plan économique
si l’on n’est intéressé que par les vaches laitières ou, au contraire, si l’on cherche à
obtenir un reproducteur. Les scientifiques
songent désormais à adapter cette technique à la sélection ovine et chevaline.
Il est évident dès aujourd’hui qu’elle sera
aussi applicable un jour à l’embryon humain. Ce constat pose de graves problèmes
éthiques (la Bioéthique : maîtriser des pouvoirs neufs, éd. 1986).
ISABELLE TROCHERIS
Métabolite en fermenteurs. La culture
de cellules de plantes difficiles à cultiver dans nos pays tempérés peut pallier
les aléas de la cueillette dans des pays
lointains ou la disparition de certaines
plantes.
Au Japon, les racines d’une plante,
la shikonine, étaient utilisées en pharmacologie, en dermatologie et comme
colorant (un superbe rouge). La plante
avait presque disparu et il fallait importer les racines de Chine ou de Corée. La
société Mitsui Petrochemicals a réussi à
cultiver ces cellules de racines colorées
en fermenteurs et produit à présent la
shikonine, qu’elle vend en poudre ou en
bâtonnets, en crème pour les blessures,
les brûlures et les hémorroïdes, comme
cosmétique ou comme teinture végétale
pour les tissus.
Théoriquement, il y a beaucoup de
candidats à la production de métabolite en fermenteurs, mais les coûts d’une
production biotechnologique, comparés à ceux d’une extraction à partir de
plantes cultivées ou à ceux d’une synthèse
chimique, ralentissent les ardeurs.
Le potentiel industriel des cellules
downloadModeText.vue.download 386 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
385
végétales concerne l’industrie pharmaceutique (alcaloïdes, cardiotoniques...),
l’industrie cosmétique, l’industrie des
parfums, l’industrie alimentaire et même
celle du tabac !
Le génie génétique végétal. Lorsque les
cellules végétales sont dans des tubes à
essais, sans paroi rigide (protoplastes), on
peut les transformer par génie génétique.
C’est ce qu’a réussi l’école de biologie moléculaire du professeur Van Montagu, à
Gand, en Belgique, et le laboratoire dirigé
par l’un de ses brillants élèves, J. Schell, à
Cologne. Ils furent les premiers à obtenir en 1983 des plants de tabac entiers
transformés, résistant à la kanamycine,
un antibiotique très connu, dont le mécanisme d’action sur les plantes est assez
semblable à celui des herbicides.
En 1984, Monsanto, qui travaille avec
l’équipe de Gand, a réussi à produire
quinze variétés de tomates résistantes à la
kanamycine et a même obtenu des pétunias fabriquant une hormone humaine, la
Gonadotropine chorionique. De son côté,
la société Plant Genetic System a produit
des plants de tabac résistant à des larves
d’insectes. Un gène de la bactérie Bacillus thuringiensis, codant pour la fabrication d’une protéine, a été introduit dans
le chromosome du tabac, et les feuilles
fabriquent ainsi un peu de cette protéine,
qui est toxique pour les insectes, mais pas
pour la plante.
Calgene, société américaine de biotechnologie végétale, a déposé en 1985
un brevet pour son gène de tolérance au
glyphosate, aro A. Il a été enregistré sous
le nom de Glyphotaltm.
Le glyphosate est un herbicide très utilisé, qui agit sur la croissance des plantes
en inhibant une enzyme. La société Calgene a isolé et établi la séquence du gène
(fragment de chromosome) qui code
pour une enzyme insensible à cet herbicide. Ce gène, placé dans un végétal,
devrait lui conférer sa propriété de résistance au produit. Ainsi, seules les mauvaises herbes seraient atteintes. Ce gène
a été introduit par génie génétique dans
différentes espèces : soja, tomate, coton,
tabac, peuplier... Des accords de développement et de commercialisation ont été
passés avec Delkab-Pfizer Genetics pour
le maïs, Phytogen pour le coton, Coker’s
Seeds pour le tabac. A côté de ces techniques semblables à celles utilisées pour
les bactéries ou pour les cellules animales,
les cellules végétales (protoplastes, grains
de pollen) ont la faculté exceptionnelle de
pouvoir « absorber » un petit fragment de
gène.
L’équipe allemande de J. Schell a tout
récemment réussi à faire pénétrer un
gène (un petit « morceau » de chromosome) dans des inflorescences immatures
de seigle. Certaines des graines obtenues
ont acquis le caractère ajouté. Si cette
technique pouvait se développer, elle permettrait d’éviter de passer par le stade des
cellules végétales, pour les plantes difficiles à régénérer comme le maïs ou le blé.
Les biotechnologies
de l’espace
Des microbilles de latex de 5 à 10 micromètres de diamètre, fabriquées dans
l’espace et vendues 400 dollars le flacon,
des cellules pancréatiques bêta pour des
greffes destinées à des diabétiques, de
l’alpha-1-antitripsine « extrapure » pour
traiter les emphysèmes, de nouvelles
downloadModeText.vue.download 387 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
386
méthodes d’analyse du sang, un appareil
pour mesurer les mouvements des yeux,
un kinésigraphe : après la physiologie humaine spatiale, la biotechnologie spatiale
commence à intéresser les industriels. La
première entreprise qui en a compris l’intérêt, McDonnell Douglas, a installé, dès
1972, des équipements d’électrophorèse
sur les vols Apollo et même sur les vols
soviétiques (Bio Spoutnik).
Les Allemands ont aussi joué la même
carte : en 1983, le premier satellite réutilisable, SPAS (Space Shuttle Pallet Satellite), a été mis au point par MBB-ERNO
(le groupe spatial de la société allemande
Messerschmitt).
Le programme « Palettes spatiales »
a été utilisé au cours des missions de la
navette Challenger en 1983-84, et, en octobre 1985, un mini-laboratoire, le Biorack, mis au point par l’Agence spatiale
européenne, a pris en charge 14 expériences de biologie proposées par diffé-
rentes équipes européennes et coordonnées par l’Allemagne fédérale. L’Europe
prépare aussi pour 1988 une plateforme
à trajectoire libre, EURECA (European
Retrievable Carrier), pour des missions
de longue durée.
Trois types de biotechnologies sont
en expérimentation et parfois même en
production industrielle dans l’espace, la
downloadModeText.vue.download 388 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
387
chromatographie, l’électrophorèse et la
cristallisation. La première, la chromatographie en microgravité, permet des
purifications exceptionnelles. McDonnell Douglas commença les recherches
dès 1972 ; en 1983, les expériences effectuées avec Ortho Pharmaceuticals Corporation, filiale de Johnson and Johnson, donnèrent des résultats significatifs.
Ensemble, les deux sociétés auraient pu
obtenir dès 1987 des molécules d’intérêt
médical dont on ignore encore la nature,
mais Ortho a rompu le contrat et s’est
tourné vers le génie génétique avec une
petite société qui doit lui fournir des bactéries faisant le même travail plus rapidement. Il sera intéressant de suivre les
résultats promis et l’on verra qui gagnera,
de l’électrophorèse spatiale ou du génie
génétique.
Le principe de l’électrophorèse, c’està-dire du déplacement de molécules ou
de cellules dans un champ électrique, est
connu depuis longtemps ; il est utilisé fréquemment pour séparer des molécules
ou des cellules qui ont des charges électriques différentes. L’électrophorèse à flux
continu, mise au point par l’Allemand
K. Hannig, de l’Institut Max-Planck de
Munich, a été considérablement améliorée par l’électrophorèse en microgravité, c’est-à-dire en pesanteur très faible,
mais non nulle, de 10– 3 à 10– 5 g : il n’y a
plus d’effet de sédimentation ni d’échauffement. En revanche, on ne connaît pas
encore le rôle que peuvent jouer les radiations ionisantes sur les molécules ou sur
les cellules. C’est d’ailleurs l’une des expériences proposées par l’Allemand H. Bücker lors du vol Spacelab D1.
Le dispositif actuel de McDonnell
Douglas permet d’injecter en permanence le milieu à épurer en bas de l’appareil, qui mesure 1,50 m de haut et 15 cm
de profondeur, et de recueillir en haut
les cellules ou les molécules « purifiées ».
Un prototype industriel EOS-1 sera placé
sous la soute de la navette qui doit partir
en juillet 1987. Il mesurera 5 m de longueur et 1 m de largeur ; son rendement
sera 24 fois supérieur à celui de l’appareil
utilisé actuellement.
Étant donné le coût de l’expérimentation, il faut trier des molécules ou des cellules à très haute valeur ajoutée. C’est le
cas, par exemple, des cellules du pancréas
bêta produisant de l’insuline, de l’alpha
1-antitrypsine, des cellules rénales productrices d’urokinase ou de l’interféron.
La cristallisation des protéines d’intérêt médical permettrait d’étudier la structure de ces molécules et donc d’obtenir la
synthèse rapide de médicaments. Cependant, les protéines, qui sont de grosses
molécules, cristallisent très difficilement ;
d’où le grand intérêt des premières expériences effectuées en 1983 par Spacelab
1 d’après un programme dirigé par le
professeur Littke de Fribourg ; cet essai
a permis d’aboutir à la cristallisation de
trois protéines, lors du vol de Spacelab 2.
La NASA a créé un club d’industriels autour de l’Université d’Alabama :
.Upjohn, SKF, Merck, Schering Plough,
Burrough, Wellcome Upjohn. En France,
trois industriels de la pharmacie, RhônePoulenc, Roussel-Uclaf et Sanofi, s’intéressent aussi à ce domaine de recherches
qui fait partie de l’accord conclu avec
le CNES et l’Aérospatiale. Ils espèrent
mettre au point une technologie différente de cristallisation des protéines.
downloadModeText.vue.download 389 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
388
Médecine
Prix Nobel 1986
Le prix Nobel de médecine et de physiologie a été attribué au professeur
Rita Levi-Montalcini de l’Institut de biologie cellulaire de Rome et au professeur
Stanley Cohen de l’Université Vanderbilt
de Nashville (États-Unis). Il couronne la
découverte par ces deux chercheurs des
facteurs de croissance indispensables au
développement des cellules, et plus spécialement des cellules nerveuses et des cellules
épidermiques.
Madame Rita Levi-Montalcini, a isolé, en
collaboration avec Stanley Cohen, le NGF
(Nervous Growth Factor) facteur de croissance nerveux. Stanley Cohen a isolé l’EGF
(Epidermal Growth Factor), facteur de
croissance épidermique. Ont été isolés ultérieurement d’autres facteurs de croissance
tissulaires : le FGF (Fibroblaste Growth Factor) et le PDGF (Plaquet Derivated Growth
Factor).
Les facteurs de croissance sont des protéines de poids moléculaire élevé (13 000
pour le NGF), formées par l’enchaînement
d’une soixantaine d’acides aminés qui
agissent comme messagers chimiques dans
la croissance, la survie, la division et la différenciation des cellules.
Le NGF, dont la localisation génique est
identifiée sur le chromosome no 1, a été
purifié à partir des tissus nerveux de la souris. Sa responsabilité a été envisagée en particulier pour la maladie de Parkinson et la
maladie d’Alzheimer (démence présénile).
Il possède une puissante action cicatrisante
sur de nombreux tissus, en particulier sur la
peau, la cornée et la muqueuse de l’estomac.
C’est dans le domaine de la cancérologie que le rôle des facteurs de croissance
semble être le plus prometteur. L’EGF pourrait être impliqué dans le développement
des tumeurs cancéreuses. On a constaté que
chez des souris de laboratoire atteintes de
cancers mammaires, le nombre des cancers
augmente si l’on ajoute de l’EGF. Il diminue
lorsqu’on réduit la production d’EGF.
Les facteurs de croissance ouvrent ainsi une
nouvelle voie de la biologie moléculaire
pour le traitement des cancers. L’EGF étant
indispensable pour la prolifération des cellules cancéreuses, il s’agit de lui substituer
une protéine semblable qui se fixerait sur le
récepteur EGF de la membrane de la cellule
maligne. On empêcherait ainsi le facteur de
croissance de s’exprimer et on inhiberait le
processus de la division et de la prolifération anarchiques cellulaires.
Mort subite du nourrisson
La mort subite du nourrisson est un des
problèmes les plus dramatiques et les plus
mystérieux de la médecine. Il n’est pas exceptionnel qu’un nourrisson en parfaite
santé soit retrouvé mort le lendemain matin dans son berceau, la mort l’ayant frappé
pendant son sommeil.
Les causes de ces décès sont obscures. On a
incriminé l’asphyxie due à une obstruction
des voies respiratoires à la suite d’une régurgitation massive de lait ou d’un oedème
du larynx ou de la trachée, une pneumopathie suraiguë foudroyante, des troubles
immunologiques, etc.
Des chercheurs britanniques affirment
avoir trouvé pour la première fois une
cause précise de cette « mort au berceau »
(cot death en anglais). Les docteurs Alec
Howat et Michael Bennet ont effectué des
analyses de foies de 200 nourrissons décédés de mort subite et inexpliquée. Dans
7,5 p. 100 des cas, ils ont trouvé une même
anomalie concernant les glucides. Selon
ces chercheurs, les bébés décédés présenteraient une anomalie génétique héréditaire
caractérisée par le défaut de synthèse d’une
downloadModeText.vue.download 390 sur 502
SCIENCES ET TECHNIQUES
389
enzyme, la MCAD (Medium Chain AcylCoenzyme A Dehydrogenase). Cette enzyme
est indispensable pour dissoudre et assimiler normalement les lipides. Son absence
oblige le nourrisson à faire une très large
utilisation de son glucose, ce qui provoque
une forte baisse du sucre dans le sang, puis
un coma hypoglycémique mortel.
Cette anomalie génétique toucherait 5 à
8 p. 100 des nourrissons décédés dans ces
conditions. Elle pourrait être détectée, et
des mesures préventives pourraient être
prises pour sauver les nouveau-nés à risque.
Maladies sexuellement
transmissibles et cancers génitaux
Le 2e congrès mondial sur les maladies
sexuellement transmissibles, qui s’est tenu
à Paris en juin 1986, a mis en évidence le
nombre croissant d’infections génitales
dues aux papillomavirus. Les papillomavi-
rus sont des virus à ADN appartenant au
groupe des papovavirus (Papillome Polyome
Vacualisant). Chez l’animal d’expérience,
les papovavirus comprennent des virus
oncogènes utilisés comme modèles d’étude
des tumeurs induites par les virus (virus du
polyome de la souris, virus SV 40 et SV5 du
singe, virus du papillome de Shope chez le
lapin).
Il existe une quarantaine de papillomavirus humains ou HPV (Human Papilloma
Virus) dont certains (HPV 6, 11, 16, 18 et
33) sont responsables de maladies sexuellement transmissibles et sont à l’origine de
lésions génitales tant chez la femme que
chez l’homme. Les progrès de la biologie
moléculaire ont montré que, comme les
virus animaux, certains de ces virus ont
un pouvoir oncogène et que l’infection
qu’ils provoquent peut se traduire par des
atteintes cancéreuses. L’infection par le virus HPV 16, et, à un degré moindre, par les
virus HPV 18, 31 et 33, constitue un facteur de risque important du cancer du col
de l’utérus.
Un grand nombre de femmes jeunes infectées par ces virus présentent des lésions à
type de condylomes (les banales « crêtes de
coq ») ou ont des frottis vaginaux de dépistage anormaux. L’expérience montre que ces
lésions peuvent subir une transformation
maligne. Même sur des frottis normaux, on
constate la présence d’HPV dans 5 p. 100
des cas. Cette notion d’infection inapparente a conduit à pratiquer le dépistage systématique chez les partenaires masculins
et a permis de visualiser le HPV dans des
lésions asymptomatiques. La destruction
de ces lésions doit donc être envisagée aussi
bien chez la femme que chez l’homme, pour
prévenir l’apparition de cancers génitaux.
DR GEORGES DE CORGANOFF
Les problèmes économiques
On a parfois oublié, dans le feu de l’enthousiasme, que les biotechnologies sont
utilisées pour produire quelque chose qui
doit être économiquement intéressant.
Ensuite, et en particulier en France,
on a un peu négligé la « bio-ingénierie ».
La mise au point, en vraie grandeur, d’un
procédé de laboratoire, peut en effet être
longue et délicate.
Enfin, la chimie et le génie chimique
continuent parallèlement de faire des
progrès et, dans bien des cas, le procédé
chimique est plus intéressant.
Les « manipulations génétiques »
craintes naguère, sont désormais un outil
parmi d’autres, utilisé dans les laboratoires de biologie. Alors qu’elle était systématiquement opposée au génie enzymatique, elle est à présent à son service, soit
pour obtenir de nouvelles enzymes utilisées comme « médicaments » (alpha 1
downloadModeText.vue.download 391 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
390
antitrypsine, urokinase, etc.), soit pour
transformer (bio-convertir) un produit
donné, soit pour utiliser cette enzyme
dans un « appareil » d’analyse.
Lorsque, en 1979, François Gros,
François Jacob et Pierre Royer avaient
rédigé leur rapport Sciences de la vie et
société, ils pensaient, comme la plupart
des décideurs français et étrangers, que
les grandes découvertes et réalisations
contemporaines concerneraient principalement le domaine de la santé. En effet,
le niveau de la recherche, tant universitaire qu’industrielle, et la marge considérable entre le coût de la matière première
et le prix de vente d’un médicament,
permettent de financer la recherche
industrielle, et donnent les moyens d’effectuer des investissements coûteux. En
revanche, en agriculture, en agroalimentaire ou en chimie, les marges sont souvent beaucoup plus réduites et il est ainsi
difficile pour les entreprises de financer
une recherche presque fondamentale.
Fragile superbactérie
Tout comme les superplantes de la révolution verte ou les supervaches du
Charolais, la superbactérie est fragile. Elle
a besoin d’un environnement très précis et
résiste mal dans la nature sauvage. Dans
une éprouvette, même dans un grand fermenteur, il est possible de faire travailler
une bactérie « recombinée », mais dans la
nature, dans la mer sur une nappe de pétrole, dans le sol d’un champ de plusieurs
hectares, ou dans un amas de détritus que
l’on veut transformer en bon compost pour
les fraisiers, la superbactérie est en compétition écologique avec les bactéries sauvages présentes sur les lieux. Elle ne survit
pas et les recherches s’orientent vers la mise
au point d’« aliments sélectifs » permettant
aux bactéries sauvages, mangeuses de pétrole, fixatrices d’azote, ou fermentant bien
le compost, de se multiplier rapidement et
d’agir plus vite. Il y a toujours de fervents
défenseurs de la superbactérie mangeuse de
pétrole, et nous verrons qui gagnera dans
les années à venir.
FRANCE NORMAND-PLESSIER
Biochimiste, collaboratrice de l’Institut Pasteur, France
Normand-Plessier a été responsable de rubrique à la revue la Recherche et a contribué à la création de Biofutur.
Rapporteur du programme mobilisateur Biotechnologie
au ministère de la Recherche, elle s’est consacrée aux relations entre les laboratoires publics et l’industrie. Elle participe désormais aux travaux de la société Sanofi.
downloadModeText.vue.download 392 sur 502
POINT DE L’ACTUALITÉ
391
Les incendies
de forêts
Une série d’impressionnants incendies a marqué l’été 1986 dans plusieurs départements méditerranéens.
Nombre d’entre eux se sont déclarés dans
des sites connus et peuplés, où tout événement catastrophique est chargé d’une
forte portée médiatique. Dans la lutte
contre le feu, dix sauveteurs, pompiers et
gendarmes, ont trouvé la mort, dont cinq
dans un accident de bombardier d’eau à la
frontière franco-espagnole.
Un bilan au 5 novembre 1986 pour
la « zone Prométhée », c’est-à-dire
l’ensemble constitué par les régions
Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, Corse, ainsi que par le
département de l’Ardèche, faisait état de
3 293 sinistres et de 45 697 ha de forêts,
landes, maquis et garrigues parcourus
par le feu. La moyenne annuelle calculée
sur 1980-1985 s’établit à 32 215 ha. 1986
apparaît comme une année de forte présence des feux, bien que les ravages n’aient
pas été aussi étendus qu’en 1985, année
exceptionnelle en raison d’une sécheresse
prolongée jusqu’au 1er novembre.
Les départements les plus touchés en
1986 sont les Alpes-Maritimes (10 423 ha
au 5 novembre), le Var (9 037 ha) et les
Pyrénées-Orientales (5 868 ha), dans
lesquels la proportion des superficies
parcourues par le feu par rapport aux
superficies totales a été nettement plus
élevée qu’en 1985. Le phénomène inverse s’est produit en Corse qui a vu brûler 22 219 ha en 1985, mais seulement
6 197 ha en 1986. La carte présentée cicontre, où est indiquée la valeur de cette
proportion, selon les départements (elle
varie de 0,04 p. 100 dans les Hautes-Alpes
à 3,71 p. 100 dans les Alpes-Maritimes),
montre cette concentration des incendies
sur la bordure méditerranéenne.
Comme à l’accoutumée, un très petit
nombre d’incendies a été la cause de la
grande majorité des dégâts. C’est ce qu’on
peut observer pour les trois départements côtiers de Provence et de la Côte
d’Azur. La chronologie et la localisation
des grands feux des mois de juillet et août
(carte et tableau ci-dessous) au cours
desquels se sont concentrés les sinistres
montrent le phénomène : dix feux dans
les Alpes-Maritimes ont dévasté 9 332 ha
(89,5 p. 100 du total), cinq feux dans le
Var ont brûlé 7 785 ha (86 p. 100), deux
feux dans les Bouches-du-Rhône ont
détruit 2 953 ha (93 p. 100). Les incendies qui ont causé de graves préjudices
aux sites touristiques et habités (Tanneron, Èze, Montagne Sainte-Victoire) sont
situés dans ces trois départements.
Ainsi que cela se produit lorsque les
incendies atteignent de grandes proportions et menacent des vies humaines, les
problèmes de la prévention et de la maîtrise des feux ont été à nouveau posés.
L’occasion a ainsi été donnée une fois de
downloadModeText.vue.download 393 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
392
plus de rappeler la nécessité d’améliorer
l’entretien de la forêt méditerranéenne et
de disposer des moyens d’intervenir dans
les premiers instants suivant les éclosions
d’incendies, condition indispensable pour
éviter qu’ils ne dégénèrent en catastrophe.
BERNARD ROUX
downloadModeText.vue.download 394 sur 502
393
Culture
Introduction
Malgré l’irruption de nouvelles
images télévisuelles et un
changement de majorité politique, la culture aura, en 1986, continué son irrésistible ascension. Nouvelles images télévisuelles : les débuts
d’émission de la « 5 » (le 20 février) et
de TV6 (le 1er mars), la décision de privatiser TF1, entérinée au mois d’août,
n’ont nullement affaibli les vertus d’un
mot de plus en plus magique. Bien au
contraire. Ainsi, l’attribution de TF1 en
1987 se fera-t-elle, notamment, selon le
critère inédit du « mieux-disant culturel ». De plus, tout au long de l’année, les
structures et compétences de la « 7 », la
Société d’éditions de programmes de télévision, que préside l’historien Georges
Duby, se seront affinées : sa vocation est
de devenir une super-chaîne de production culturelle, destinée notamment au
satellite européen TDF1. Changement
politique : l’arrivée de François Léotard et
de son secrétaire d’État Philippe de Villiers, dans ce qui est devenu le ministère
de la Culture et de la Communication,
le réexamen général des grands projets
architecturaux du septennat de François
Mitterrand n’ont guère bouleversé l’édifice culturel mis en place par cinq années
de gestion socialiste. Le doublement du
budget, c’est-à-dire de l’activité, du ministère de la rue de Valois, a été pour l’essentiel confirmé, les « grands chantiers du
président » conservés, à la seule exception du Carrefour de la Communication.
Même le plus controversé, l’Opéra de la
Bastille, sera finalement construit, afin
d’abriter « une grande salle de théâtre à
vocation musicale, chorégraphique et lyrique », le palais Garnier conservant, lui,
sa « vocation lyrique ». Voilà l’héritage de
Jack Lang endossé, mais avec deux légers
et significatifs infléchissements : une
attention plus marquée envers le patrimoine, avec la nouvelle école qui lui est
consacrée, des crédits en hausse pour la
Bibliothèque nationale ou l’Institut français d’histoire de l’art ; et la promotion de
l’« entreprise culturelle », dans la lignée
du Puy-du-Fou, l’étonnant festival son et
lumière créé en Vendée par Philippe de
Villiers, mariant brillamment mémoire
locale, grand spectacle, succès populaire
et... financier.
Cette année de changement aura vu, en
définitive, la conclusion de deux grandes
opérations entamées sous la présidence
de Valéry Giscard d’Estaing et poursuivies par la gauche au pouvoir : ouverture,
le 14 mars, de la Cité des sciences et de
downloadModeText.vue.download 395 sur 502
JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987
394
l’industrie de la Villette, le plus grand
musée technique du monde, et le 9 décembre, du musée d’Orsay, consacré au
XIXe siècle, musée à l’inauguration duquel
le président en exercice, accompagné de
son prédécesseur, pouvait évoquer un
« bel exemple de continuité esthétique ».
Car la culture fait aujourd’hui
l’unanimité. Dressant un bilan impressionnant de l’explosion du phénomène,
l’Express parlait même au mois de mai
de « nouvelle communion des Français ».
Fût-ce quand ceux-ci s’en disputent les
reliques, comme ces plans-reliefs des
Invalides, trop hâtivement déménagés à
Lille et revendiqués à la fois par la capitale et par la grande métropole du Nord.
Ou quand, de façon inattendue, resurgit une nouvelle version de l’éternelle
querelle des anciens et des modernes, à
propos des fameuses colonnes de Daniel
Buren, dans la cour du Palais-Royal,
décidées avant mars 1986 et finalement
autorisées par François Léotard : droit
moral de l’artiste et continuité de l’État
obligent ! Une bataille du style dont notre
pays est coutumier, et qui témoigne d’un
tiraillement très national, entre l’obligation de modernité et l’attachement à un
patrimoine prestigieux.
L’arbre contesté ne devrait pas cacher
la forêt. Partout la culture est en hausse,
portée notamment par une remarquable
mobilisation financière des municipalités, devançant, dès les années 70, l’État.
En 1962, la part des budgets communaux
qui lui était consacrée oscillait autour
de 2,4 p. 100. Elle bondit, entre 1967 et
1981, de 4,2 à 8,7 p. 100, pour atteindre
aujourd’hui 11 p. 100. Et ce, quelle que
soit la couleur politique des maires. Ailleurs, le décor culturel est à la mode : la
direction du plus prestigieux fabricant
de hamburgers a, par exemple, tapissé
ses établissements des Halles et du boulevard Saint-Michel de bibliothèques
en trompe-l’oeil ! Le mécénat culturel
a, lui, le vent en poupe, les entreprises
françaises commençant à combler, en la
matière, le retard pris, depuis plus d’un
siècle, sur les États-Unis, comme en faisait foi Creacom, le premier Salon international du sponsoring et du mécénat,
qui s’est tenu en novembre au palais cannois des festivals.
Trois aspects marquent, au fond, cette
vague multiforme : la recherche de racines, soit un puissant désir de « loisirpatrimoine » ; la médiatisation de plus en
plus poussée du fait culturel, avec la mise
sur pied d’innombrables « événements » ;
la tendance à tout annexer – rock, bande
dessinée ou mode – à la culture, le tout
assorti d’un souci marqué pour les apparences, le style, qu’il soit emballage ou
contenu. Besoin irrépressible d’identité
historique d’abord. Les fouilles du Grand
Louvre, au pied de ce qui sera un jour
le plus grand musée du monde, sont ici
symptomatiques d’une plongée générale dans les tréfonds du passé national :
romans, biographies, émissions radiophoniques (Ève Ruggieri). À ce titre,
trois regards en arrière éditoriaux auront
marqué l’année, l’Identité de la France, de
Fernand Braudel, le maître de la « nouvelle histoire » s’attachant, à la veille de
sa disparition, à dégager les permanences
du destin national ; les Lieux de mémoire,
dirigés par Pierre Nora, inventoriant
tous les lieux – cérémonies, symboles,
monuments, musées... – où se cristallise
celui-ci et le De Gaulle de Jean Lacouture,
cernant la carrière de celui qui fut, après
downloadModeText.vue.download 396 sur 502
CULTURE
395
tout, le dernier « héros » de l’Histoire de
France.
Les deux grandes écoles d’histoire
nationale apparaissent, en filigrane, dans
les recherches archéologiques menées
au Louvre ces deux dernières années
(Un laboratoire d’archéologie urbaine, par
Brigitte Gandiol-Coppin). Classiques
et monumentales pour celles de la cour
Carrée, dirigées par Michel Fleury ; plus
attachées aux détails de la vie quotidienne pour celles de la cour Napoléon.
Humbles témoins d’une vie parisienne
vieille d’un millénaire, les ossements, tessons et menus objets qui furent retrouvés
complétaient, après tout, les prestigieuses
fortifications exhumées dans la première.
Pressés par le temps, les archéologues ont
dû interrompre définitivement leur travail à la mi-novembre. D’où l’inévitable
question : le public pourra-t-il accéder à
cette tranche inédite du passé de la capitale ? Intégrée à l’ensemble des aménagements du Grand Louvre, une crypte
archéologique est prévue à cet effet pour
la cour Carrée. Ce n’est pas le cas, semblet-il, pour la cour Napoléon, là même où
doit se dresser la pyramide de verre symbole du futur musée. À l’ère où toute production culturelle ne saurait se concevoir
sans diffusion vers un vaste auditoire, il
y a là un oubli surprenant, un essai non
transformé.
Car l’année aura consacré, au centre
Pompidou, le temple par excellence de
la consommation culturelle, un de ces
événements qui font date, l’exposition
Vienne 1880-1938 : Naissance d’un
siècle. Assortie d’une belle série de suppléments indispensables : catalogue de
820 pages (un record !), débats, concerts,
reconstitution d’une pâtisserie viennoise,
objets dessinés par les grands créateurs
viennois et proposés au public. Celui-ci
était au rendez-vous : près de 450 000 entrées, l’une des plus grosses affluences de
Beaubourg depuis Dali ou Bonnard.
L’engouement pour l’ancienne 

Documents pareils