TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
JUGEMENT rendu le 27 Novembre 2009
3ème chambre 2ème section
N°RG: 07/08388
DEMANDERESSE
Société MOULAGES PLASTIQUES DU MIDI (MPM)
[...]
31600 MURET
représentée par Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E617
DÉFENDERESSE
Société LEROY MERLIN FRANCE
Rue CHANZY
59260 LEZENNES
représentée par Me Basile ADER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T11, Me
Philippe S, avocat au barreau de LILLE,
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique R, Vice-Président, signataire de la décision
Eric HALPHEN, Vice-Président
Sophie CANAS, Juge
assistés de Jeanine ROSTAL,FF de Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 01 Octobre 2009 tenue en audience publique devant, Véronique R,
Eric HALPHEN juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls
l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au
Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure
Civile.
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire en premier ressort
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société MOULAGES PLASTIQUES DU MIDI, ci-après la société MPM, est
spécialisée dans la création, la fabrication et la commercialisation de pièces ou
dispositifs destinés au montage de luminaires.
La société MPM est titulaire d'un brevet européen déposé le 20 mars 1998 sous
priorité d'un brevet français n° 9704443, délivré l e 28 mai 2003 sous le n° EP 0 871
252 Bl et ayant pour titre "dispositif de connexion pour le raccordement d'au moins
deux câbles électriques".
Elle est par ailleurs titulaire de la marque semi-figurative "MPM" déposée le 1er août
1989, renouvelée en dernier lieu le 27 juillet 1999 et enregistrée sous le n° 1 545725
pour désigner notamment les outils et outillage et le matériel électrique.
Cette société fabrique deux boîtiers de connexion électrique, référencés BMA 2215
et BMA 2315 sur lesquels sont respectivement apposées les mentions : "MPM 31
MURET BMA 2215 breveté VDE" et "MPM 31 MURET BMA 2315 breveté VDE".
Ces boîtiers sont commercialisés à l'étranger et notamment, en Chine et en
Espagne.
Indiquant avoir constaté au mois de juin 2007 que la société LEROY MERLIN
FRANCE offrait à la vente trois modèles de luminaires, soit un plafonnier référencé
"MARCO", un lustre référencé PAIMPOL et une applique murale référencée
COMETE, reproduisant selon elle les caractéristiques des revendications 1 à 7 et 10
de son brevet, la marque MPM et portant en outre les inscriptions figurant sur ses
boîtiers, la société MPM, dûment autorisée par ordonnance présidentielle, a fait
procéder le 8 juin 2007, à une saisie contrefaçon dans le magasin à l'enseigne
LEROY MERLIN situé [...].
Ces opérations ont révélé que les fournisseurs des luminaires "PAIMPOL" et
"COMETE" étaient les sociétés SEYNAVE et BOUDET.
Par acte d'huissier en date des 14 et 15 juin 2007, la société MPM a fait assigner les
sociétés LEROY MERLIN France, SEYNAVE et BOUDET devant le Tribunal de
Grande Instance de Paris sur le fondement des articles L 615-1, L 713-2 et L 716-1
du Code de la Propriété Intellectuelle ainsi que 1382 du Code Civil, en contrefaçon
de brevet et de marque ainsi qu'en concurrence déloyale pour obtenir, outre des
mesures d'interdiction et de publication, la condamnation in solidum des
défenderesses à lui payer des dommages-intérêts destinés à réparer ses préjudices
ainsi qu'une indemnité fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile, le tout
au bénéfice de l'exécution provisoire.
Par ordonnance en date du 25 janvier 2008, le juge de la mise en état a donné acte
à la société MPM de son désistement d'instance et d'action à l'égard de la société
SEYNAVE et de la société BOUDET.
Par ordonnance en date du 21 mars 2008, le juge de la mise en état a donné acte à
la société MPM de son désistement d'instance et d'action à l'égard de la société
LEROY MERLIN France s'agissant des dispositifs de connexion électrique équipant
les appliques "COMETE" et les lustres "PAIMPOL".
Par dernières écritures signifiées le 28 janvier 2009, la société MPM demande au
Tribunal de :
- dire et juger que la société LEROY MERLIN FRANCE a contrefait les
revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6y 7 et 10 du brevet européen EP 0 871 252 131,
- dire et juger que la société LEROY MERLIN FRANCE s'est livrée à des
agissements de contrefaçon de la marque semi-figurative "MPM "n°l 545 725,
- constater que les produits contrefaisants commercialisés par la société LEROY
MERLIN FRANCE comportent la référence "MPM 31 MURET BMA 2315 breveté
VDE", et dire et juger en conséquence que la société LEROY MERLIN FRANCE se
livre à son préjudice à des agissements de concurrence déloyale,
En conséquence,
- interdire à la société LEROY MERLIN FRANCE, sous astreinte de 200 euros par
infraction constatée, de fabriquer, faire fabriquer, importer, offrir en vente et/ou
commercialiser lesdits boîtiers de connexion électrique,
- condamner la société LEROY MERLIN FRANCE à lui payer la somme de 100.000
euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la
contrefaçon de brevet,
- condamner la société LEROY MERLIN FRANCE à lui payer la somme de 100.000
euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la
contrefaçon de marque,
- condamner la société LEROY MERLIN FRANCE à lui payer la somme de 80.000
euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des
agissements constitutifs de concurrence déloyale,
- ordonner aux frais de la société LEROY MERLIN FRANCE la publication du
jugement à intervenir dans trois journaux de son choix sans que le coût de chacune
de ces publications ne puisse être inférieur à 5.000euros H.T,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la société LEROY MERLIN FRANCE à lui payer la somme de 15.000
euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers
dépens dont distraction au profit de son conseil.
Par dernières écritures signifiées le 20 novembre 2008, la société LEROY MERLIN
France, faisant valoir en substance qu'un simple examen des produits "MARCO" est
insuffisant à démontrer les actes de contrefaçon, qu'il n'existe pas de fait distinct de
concurrence déloyale, qu'elle est de bonne foi et que le préjudice allégué n'est pas
établi, a conclu au rejet de l'intégralité des demandes ainsi qu'au paiement de la
somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2009.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* Sur la portée du brevet n° EP 0 871 2 52 Bl
Attendu que l'invention qui a pour titre "dispositif de connexion pour le raccordement
d'au moins deux câbles électriques " propose, pour remédier aux inconvénients de
l'art antérieur, un dispositif permettant un raccordement très aisé des câbles
électriques ;
que le brevet comporte douze revendications dont sont opposées les revendications
1 à 7 et 10 dont la teneur suit :
1. Dispositif de connexion pour le raccordement d'au moins deux câbles
comportant :
- un boîtier comportant des moyens de maintien d'au moins un plot métallique de
jonction présentant deux bornes de connexion, et doté d'une surface extérieure
ouverte, d'une paroi de fond et d'une paroi périphérique présentant au moins deux
échancrures aménagées à partir du bord supérieur de ladite paroi, adaptées pour
permettre le passage de câbles électriques à raccorder aux bornes du plot
métallique ou des plots métalliques,
- un couvercle de forme adaptée pour obturer le boîtier,
- et des moyens d'encliquetage du couvercle sur le boîtier, ledit dispositif de
connexion étant caractérisé en ce que les moyens de maintien du plot métallique ou
des plots métalliques comprennent un bloc de jonction de dimensions adaptées pour
venir se loger à l'intérieur du boîtier, relié à la paroi périphérique dudit boîtier par un
système de charnière souple agencé de façon à permettre de faire pivoter ledit bloc
de jonction entre deux positions : une position, dite d'utilisation où le bloc de jonction
se trouve logé à l'intérieur du boîtier et autorise la fermeture du couvercle et une
position, dite de moulage, où ledit bloc de jonction se trouve à l'extérieur du boîtier
2. Dispositif de connexion selon la revendication 1, caractérisé en ce que le bloc de
jonction comporte une base reliée au bord supérieur de la paroi périphérique du
boîtier par le système de charnière.
3. Dispositif de connexion selon l'une des revendication 1 ou 2 caractérisé en ce que
le système de charnière comporte au moins une lanière souple articulée sur le boîtier
de jonction,
4. Dispositif de connexion selon la revendication 3, caractérisé en ce que chaque
lanière souple est articulée sur la paroi périphérique.
5. Dispositif de connexion selon l'une des revendications 3 ou 4, caractérisé en ce
qu'il comprend deux lanières souples reliées au bloc de jonction et au boîtier de
façon à s'étendre de part et d'autre du dit bloc de jonction.
6. Dispositif de connexion selon la revendication 5, caractérisé en ce que le bloc de
jonction est prolongé longitudinalement, de part et d'autre, par deux appendices
latéraux auxquels sont reliées chacune des lanières souples.
7. Dispositif de connexion selon l'une des revendications 3 à 6, caractérisé en ce que
la paroi périphérique du boîtier comporte, au droit de la liaison de chaque lanière
souple, un renforcement et une échancrure ménagée à partir de son bord supérieur.
10. Dispositif de connexion selon l'une des revendications 3,4, 8 ou 9, caractérisé en
ce que chaque lanière souple ou la bande souple comprend, en vue de son
articulation respective sur le boîtier et sur le bloc de jonction, une zone transversale
de moindre épaisseur.
* Sur la contrefaçon de brevet
Attendu qu'il résulte de la description faite par l'huissier instrumentaire lors des
opérations de saisie contrefaçon du 8 juin 2007 que le dispositif de raccordement
électrique installé sur l'applique "MARCO CL169" se présente sous forme d'un boîtier
sur lequel on peut lire les indications "MPM 31 MURET BMA 23 15 PATENTED VDE
3X1.5 1P 10 A 250 V";
que le couvercle est relié au corps du boîtier par une attache souple reliant les
grands côtés du couvercle et du fond du boîtier de forme rectangulaire, que dans le
corps du boîtier, un bloc de connexion comporte trois plots métalliques sur lesquels
sont raccordés les trois fils électriques, que le bloc de jonction est mobile et sort du
corps de boîtier en pivotant autour de deux attaches souples reliant le bloc de
connexion au bord supérieur de la paroi périphérique du boîtier, que le
décrochement ainsi que les renfoncements permettent la fermeture correcte du
couvercle sur le corps de boîtier, que deux échancrures permettent le passage des
câbles et que quatre plots plastiques saillants sur la paroi périphérique s'emboîtent
dans quatre trous de forme oblongue correspondants ;
Attendu que cette description suffit à démontrer que les boîtiers de connexion
litigieux reproduisent tant les caractéristiques de la revendication 1 du brevet que
celles des revendications dépendantes 2 à 7 et 10 et en constituent la contrefaçon,
la bonne foi invoquée par la société LEROY MERLIN FRANCE, à la supposer
établie, étant inopérante en la matière ;
* Sur la contrefaçon de marque
Attendu qu'il n'est pas contesté que la marque "MPM" n° 1545725 a été reproduite
sur les dispositifs litigieux, dans son graphisme particulier, à l'exception du trait ovale
entourant les lettres remplacé par un rectangle qui constitue une différence
insignifiante passant inaperçue auprès du consommateur normalement attentif, de
sorte qu'en application des dispositions de l'article L.713-2 du Code de la propriété
intellectuelle, les faits de contrefaçon de marque sont caractérisés :
* Sur les actes de concurrence déloyale
Attendu que la société MPM reproche également à la société LEROY MERLIN
FRANCE des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, en reproduisant à
l'identique les éléments d'identification figurant sur ses produits à savoir les mentions
MPM 31 MURET BMA 2315 breveté VDE afin de détourner une partie de sa clientèle
et de s'approprier le bénéfice de ses investissements ;
Attendu en effet que la reprise de la reprise de l'ensemble des éléments
d'identification d'un produit constitue un acte de concurrence déloyale distinct de la
contrefaçon ;
qu'en revanche, il résulte de l'attestation de son expert-comptable, que les
investissements relatifs aux boîtiers de connexion BMA 2315 l'ont été pour
développer, industrialiser et protéger le produit, ce qui ne permet pas au tribunal
d'évaluer le détournement de clientèle incriminé, d'autant que la société
défenderesse ne commercialise que des produits finis ;
*Sur les mesures réparatrices
Attendu qu'il sera fait droit à mesure d'interdiction sollicitée dans les termes précisés
au dispositif de la présente décision ;
Attendu qu'il résulte du procès verbal de saisie-contrefaçon et des pièces annexées
que la société LEROY MERLIN FRANCE a commercialisé 3840 plafonnier "MARCO"
du 1er janvier au 31 mai 2007 et que l'état des stocks au 8 juin 2007 était de 840 ;
qu'en considération de ces éléments il sera alloué à la société demanderesse :
- la somme de 10.000 euros au titre de l'atteinte portée au brevet n° EP 0 871 252
Bl,
- la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice commercial subi du fait des
actes de contrefaçon dudit brevet,
- la somme de 10.000 euros au titre de l'atteinte portée à la marque n°1545725,
- la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice commercial subi du fait des
actes de contrefaçon de marque,
- et la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de
concurrence déloyale ;
* Sur les autres demandes
Attendu que la nature de l'affaire et l'ancienneté du litige justifient l'exécution
provisoire de la présente décision ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société LEROY MERLIN partie perdante, aux
dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code
de Procédure Civile ;
qu'elle doit en outre être condamnée à verser à la société MPM, qui a dû exposer
des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700
du Code de Procédure Civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 5.000 euros ;
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement
contradictoire et en premier ressort,
- Dit qu'en offrant à la vente le modèle de luminaires référencé "MARCO" objet du
procès verbal de saisie-contrefaçon du 8 juin 2007, la société LEROY MERLIN
FRANCE a commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et
10 du brevet européen EP 0 871 252 131 dont est propriétaire la société
MOULAGES PLASTIQUES DU MIDI (MPM).
- Dit que la société LEROY MERLIN FRANCE a en outre commis des actes de
contrefaçon de la marque semi-figurative "MPM " n° 1 545 725 dont est titulaire la
société MOULAGES PLASTIQUES DU MIDI (MPM) ainsi que des actes de
concurrence déloyale de par la reprise des éléments d'identification des produits
authentiques.
- En conséquence,
- Interdit à la société LEROY MERLIN FRANCE la poursuite de ces agissements
sous astreinte de 200 euros par infraction constatée à compter de la signification de
la présente décision.
- Condamne la société LEROY MERLIN FRANCE à payer à la société MOULAGES
PLASTIQUES DU MIDI (MPM) la somme totale de 50.000 euros à titre de
dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de
brevet.
- Condamne la société LEROY MERLIN FRANCE à payer à la société MOULAGES
PLASTIQUES DU MIDI (MPM) la somme totale de 25.000 euros à titre de
dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de
marque.
- Condamne la société LEROY MERLIN FRANCE à payer à la société MOULAGES
PLASTIQUES DU MIDI (MPM) la somme totale de 5.000 euros à titre de dommages
et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale.
- Autorise la société MOULAGES PLASTIQUES DU MIDI (MPM) à faire publier le
dispositif de la présente décision dans trois revues, journaux ou périodiques de son
choix et aux frais de la société LEROY MERLIN FRANCE, sans que le coût total de
chacune de ces insertions n'excède, à la charge de celle-ci, la somme de 3.500
euros HT.
- Ordonne l'exécution provisoire.
- Condamne la société LEROY MERLIN FRANCE à payer à la société MOULAGES
PLASTIQUES DU MIDI (MPM) la somme de 5.000 euros en application de l'article
700 du Code de Procédure Civile.
- Condamne la société LEROY MERLIN FRANCE aux dépens qui seront recouvrés
conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

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