Rupture brutale de relations commerciales établies

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Rupture brutale de relations commerciales établies
NEWSLETTER
28/09/2009
NEWSLETTER JURIDIQUE
SEPTEMBRE 2009
LA CONFORMITÉ DES SITES D’E-COMMERCE SOUS L’ŒIL DE BRUXELLES
Chaque année, les autorités nationales chargées de la protection des consommateurs (telle que la
DGGCCRF), en coordination avec la Commission Européenne, auditent de nombreux sites de
commerce en ligne implantés en Europe afin de vérifier que « les professionnels respectaient bien la
réglementation européenne relative à l'identification du professionnel sur internet, à l'information
précontractuelle du consommateur, à la garantie légale de conformité et aux pratiques commerciales
trompeuses »1.
Cette année, l’enquête a été réalisée mi-mai 2009 et a porté sur 369 sites. Les chiffres, révélés le 9
septembre 2009, ne sont pas favorables à l’image du commerce en ligne, puisque plus de la moitié
des sites contrôlés présentaient des irrégularités. Celles-ci portent notamment sur l’absence
d’information ou la mauvaise information relative au droit de rétractation, aux prix, et enfin aux
données d’identification permettant d’entrer effectivement en contacte avec l’e-commerçant.
A cette occasion, Mme Meglena Kuneva, membre de la Commission chargé de la protection des
consommateurs, a ainsi déclaré: «(…) Nous avons découvert que plus de la moitié des détaillants de
vente en ligne de produits électroniques abusent leur clientèle. C'est un problème qui existe à
l'échelle européenne et auquel il faut trouver une solution européenne ».
Au niveau national, 14 sites ont été contrôlés par la Direction Générale de la Concurrence, de la
consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et le Centre de surveillance du commerce
électronique (CSCE), dont 3 étaient en manquements. Les mesures prises sont alors un rappel à la
réglementation ou la réalisation d’investigations complémentaires.
La Commission européenne ajoute dans son communiqué de presse que « Les détaillants omettant
de mettre leur site en conformité avec la loi pourront être sanctionnés par une amende ou par la
fermeture du site internet. Les résultats de ces mesures coercitives seront présentés avant la fin du
premier semestre 2010 ».
Actuellement, seuls trois pays – l'Islande, la Lettonie et la Norvège – ont publié les noms des sites
internet contrôlés2
Le commerçant électronique doit donc auditer régulièrement son site afin de le mettre en
conformité avec la législation communautaire et nationale en vigueur, afin d’éviter les sanctions
susvisée, mais également la publicité néfaste que peut avoir ce type d’enquête publique pour le site
« épinglé ».
1
2
http://www.dgccrf.bercy.gouv.fr/presse/communique/2009/prod_electroniques.pdf
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/09/379&format=HTML&aged=0&language=EN
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LA CJCE ET LE MONOPOLE ÉTATIQUE DES JEUX DE HASARD EN LIGNE
La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a rendu le 8 septembre 2009 un arrêt
étonnant dans le contexte actuel de libéralisation des jeux de hasard en ligne3.
L’arrêt de la CJCE fait suite à une demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunal de
Porto, Portugal, suite à un litige opposant la Ligue portugaise de football et la société Bwin, éditrice
de jeux en ligne ayant son siège social à Gibraltar, au Departamentos de Jogos da Santa Casa qui a un
droit exclusif d’exploitation des jeux de hasard et de pari en ligne et hors ligne au Portugal.
Depuis 2005, la Ligue portugaise de football et Bwin étaient liées par un contrat de parrainage aux
termes duquel le site Internet de la Ligue contenait des liens vers celui de Bwin, permettant aux
internautes, notamment portugais, d’utiliser les services de jeux de hasard offert par Bwin.
Dans l’exercice de ses compétences, Santa Casa avait alors prononcé des amendes à l’encontre de
ces deux sociétés qui ont alors introduit un recours devant le Tribunal en invoquant les règles et la
jurisprudence communautaire en la matière.
La Cour a considéré que l’article 49 du Traité, relatif suppression de toute restriction à la libre
prestation des services, « ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle
en cause au principal, qui interdit à des opérateurs, comme Bwin International Ltd, établis dans
d’autres États membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux
de hasard par l’Internet sur le territoire dudit État membre. »
La CJCE s’est notamment fondée sur les mesures dérogatoires expressément prévues par le Traité,
ou, conformément à la jurisprudence de la Cour, justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt
général, et après avoir observé que la réglementation des jeux de hasard fait partie des domaines
dans lesquels des divergences considérables d’ordre moral, religieux et culturel existent entre les
États membres, la Cour a indiqué que « les États membres sont par conséquent libres de fixer les
objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le
niveau de protection recherché », à condition de respecter le principe de proportionnalité.
Cette nouvelle décision va peut-être venir modifier Projet de loi4 relatif à l'ouverture à la concurrence
et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne déposé le 25 mars 2009, et qui
doit être discuté au début du mois d’octobre.
ADOPTION DU PROJET DE LOI DIT HADOPI II
Le premier volet de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi
Hadopi du nom de la « Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur
internet » qu’elle instaure, avait été adoptée le 12 juin 2009 dans sa version censurée par le Conseil
constitutionnel5, quant à la « riposte graduée » en cas de téléchargement illégal d’œuvres protégées
par le droit d’auteur6.
Un nouveau texte complémentaire, à savoir le projet de loi dit « Hadopi II » relatif à la protection
pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, vient d’être adopté définitivement par le
Sénat 21 septembre 2009 puis par l’Assemblée Nationale le 227.
3
http://www.droit-technologie.org/upload/jurisprudence/doc/282-1.pdf
http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl1549.asp
5
http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision.42666.html.
6
V. newsletter de 07/09 « Adoption de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet »
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http://ameli.senat.fr/publication_pl/2008-2009/623.html
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Ce projet crée notamment, au sein du Code de la propriété intellectuelle, un article L.336-7
introduisant la peine complémentaire de suspension de l’accès à internet pouvant être prononcée
par le juge.
La Haute Autorité ne peut donc pas prononcer cette sanction complémentaire, mais est néanmoins
investie des pouvoirs de police judiciaire, ses agents peuvent ainsi constater les atteintes au droit
d’auteur ou aux droits voisins et recueillir les observations des personnes concernées.
Désormais, le tribunal correctionnel, saisi par HADOPI ou par une autre voie, des infractions prévues
aux articles L.335-2, L.335-3 et L.335-4 du Code de la propriété intellectuelle8, lorsque celles-ci ont
été commises au moyen d'un service de communication au public en ligne, pourra prononcer, outre
les peines principales allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende, une
peine complémentaire de suspension de l’accès à internet, d’une durée maximale d'un an, assortie
de l'interdiction de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur un service de
même nature auprès de tout opérateur.
Le texte précise que « lorsque ce service est acheté selon des offres commerciales composites
incluant d'autres types de services, tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de
suspension ne s'appliquent pas à ces services », et que cette suspension ne dispense par l’abonné de
payer son abonnement.
Enfin, parmi les dispositions de ce texte, il est à noter que le nouvel article L335-7-1 du Code de la
propriété intellectuelle introduit une contravention de cinquième classe constitué en cas de
« négligence caractérisée » du titulaire d’un abonnement à internet qui a laissé se commettre des
téléchargements illégaux par le biais de sa connexion à internet après avoir reçu une
recommandation adressé par HADOPI (les « fameux » avertissements de la Haute Autorité), invitant
l’intéressé à mettre en œuvre un moyen de sécurisation de son accès à internet.
Si cette contravention est constituée, outre la peine d’amende prévue pour les contraventions de
cinquième classe, la peine complémentaire de suspension de l’accès à internet pourra ici aussi être
prononcée, pour une durée maximale d’un mois.
En tout état de cause, la juridiction devra, pour prononcer une peine de suspension de l’accès à
internet dans l’une ou l’autre des hypothèses ci-dessus exposées, prendre en compte les
circonstances et la gravité de l'infraction ainsi que la personnalité de son auteur, et notamment
l'activité professionnelle ou sociale de celui-ci, ainsi que sa situation socio-économique.
Le texte ajoute « La durée de la peine prononcée doit concilier la protection des droits de la
propriété intellectuelle et le respect du droit de s'exprimer et de communiquer librement,
notamment depuis son domicile ».
L’AVIS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL À LA CJCE SUR LA RESPONSABILITÉ GOOGLE POUR SON SERVICE
GOOGLE ADWORD (Problème des « liens commerciaux »)
Par trois arrêts du 20 mai 2008, la Cour de cassation avait sursis à statuer et saisi la Cour de justice
des Communautés européennes (CJCE) de plusieurs questions préjudicielles relatives au régime
juridique applicable au service AdWords proposé par Google, afin que « cette question, qui se pose
en termes similaires dans tous les Etats membres, [ne reçoive pas] des réponses divergentes ».
8
Atteintes au droit d’auteur ou aux droits voisins constituant un délit de contrefaçon.
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Ce service permet à tout site internet, qui souhaite apparaitre dans les liens commerciaux situés à
droite des résultats d’une recherche sur Google, de réserver des mots clés ou des expressions,
lesquels vont par la suite générer l’affichage de la publicité dans les liens commerciaux dès lors qu’ils
sont entrés dans le moteur de recherche de Google. En outre, Google offre un service annexe de
générateur automatique de mots clés à partir d’un premier mot saisi par l’annonceur. Or, comme
Google l’indique sur son site, ce générateur est susceptible de proposer des mots qui « portent
atteinte aux droits de tiers, notamment au regard du droit des marques et de la concurrence
déloyale ».
La question de la responsabilité de Google au titre de ce service est donc pendante devant la CJCE,
qui vient de publier un communiqué de presse relatif aux conclusions de l’Avocat Général dans ces
affaires9.
Aux termes de ce communiqué, l’Avocat Général « est d’avis que Google n’a pas porté atteinte aux
marques en permettant aux annonceurs de sélectionner, dans AdWords, des mots clefs
correspondant à des marques. Il souligne que l’utilisation des marques se limite à la sélection de
mots clefs, qui est interne à AdWords et ne concerne que Google et les annonceurs. Lors de la
sélection de mots clefs, il n’y a donc aucun produit ou service vendu au public. Un tel usage ne peut
dès lors pas être considéré comme un usage fait pour des produits ou services identiques ou
similaires à ceux que couvrent les marques. De même, les annonceurs eux-mêmes ne se rendent pas
coupables de contrefaçon de marque en sélectionnant dans AdWords des mots clefs correspondant à
des marques (…)
En effet, le simple fait d’afficher des sites pertinents en réponse à des mots clefs ne suffit pas à créer
un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs quant à l’origine des produits ou services.
Les utilisateurs d’Internet sont conscients du fait que le site du titulaire de la marque ne sera pas le
seul à apparaître en réponse à une recherche effectuée sur le moteur de recherche de Google et ils
peuvent même parfois ne pas être à la recherche de ce site. Ces utilisateurs évalueront simplement
l’origine des produits ou services objets de la publicité au vu du contenu de l’annonce et en se
rendant sur les sites objets de la publicité ; ils ne porteront aucune appréciation sur la seule base de
l’affichage des annonces à la suite de la saisie de mots clefs correspondant à des marques. »10
Reste à attendre la décision de la CJCE, laquelle n’est en tout état de cause pas liée par l'opinion de
l'avocat général.
PRÉCISIONS SUR LE RÉGIME DE RESPONSABILITÉ DE L’AFNIC ET DES BUREAUX D’ENREGISTREMENT
Par un arrêt du 26 aout 2009, le Tribunal de grande instance de Paris vient de préciser le régime de
responsabilité applicable à l’Afnic et aux bureaux d’enregistrement des noms de domaine.
De nombreuses sociétés à forte notoriété victimes de typosquatting11 avaient assigné l’Afnic, et le
bureau d’enregistrement EuroDNS, en responsabilité pour exploitation injustifiée de leurs marques
notoires, et pour faute ou négligence fautive pour avoir permis l’enregistrement des noms de
domaine identiques ou similaires à leurs marques notoires, suite à l’enregistrement par EuroDNS de
127 noms de domaine qui d’après ces sociétés portaient atteinte à leur marque.
Pour mémoire, l’article R20-44-45 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE),
créé par le décret n°2007-162 du 6 février 2007, prévoit qu’ un « nom identique ou susceptible d'être
9
http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2009-09/cp090075fr.pdf
http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2009-09/cp090075fr.pdf
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Achat de noms de domaine avec une orthographe proche de celle de nom de domaine existants très
fréquentés.
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confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle par les règles
nationales ou communautaires ou par le présent code ne peut être choisi pour nom de domaine,
sauf si le demandeur a un droit ou un intérêt légitime à faire valoir sur ce nom et agit de bonne foi ».
L’article R20-44-49 du CPCE précise encore que les offices d’enregistrement sont tenus de bloquer,
supprimer ou transférer des noms de domaine 1/lorsqu'ils constatent qu'un enregistrement a été
effectué en violation des règles fixées par la présente section du code des postes et des
communications électroniques, 2/en application d'une décision rendue à l'issue d'une procédure
judiciaire ou extrajudiciaire de résolution des litiges.
C’est notamment à la lumière de ces textes que le Tribunal de grande instance de Paris a examiné la
responsabilité d’EuroDNS et de l’Afnic dans l’enregistrement des noms de domaine litigieux. Après
analyse, le Tribunal conclut que :
-
La société EuroDNS ne fait pas un usage injustifié desdites marques notoires au sens de l’article
L.713-512 du Code de Propriété Intellectuelle et n’a donc pas engagée sa responsabilité sur ce
fondement dès lors que celle-ci ne fait pas usage de ces noms de domaine dans la vie des
affaires, mais se contente de les manipuler techniquement à la demande de ses clients qui
souhaitent les enregistrer.
-
De plus, la société EuroDNS ne saurait voir sa responsabilité civile engagée sur le fondement du
droit commun « en sa qualité d’opérateur économique [pour] ne pas avoir pris toutes les
précautions pour empêcher la réservation de tout nom de domaine portant atteinte à des droits
de propriété intellectuelle qui plus est notoires » dans le mesure où les sociétés demanderesses
ne prouvent aucune négligence qui lui serait imputable.
De même, il ne peut être reproché à la société EuroDNS ne pas avoir respecté les obligations
imposées par le CPCE dans la mesure où les bureaux d’enregistrement n’ont qu’une obligation
de moyens s’agissant du respect des droits de propriété intellectuelle lors de la procédure
d’enregistrement d’un nom de domaine. A ce titre, le tribunal ajoute que la mise en place d’une
obligation de résultat « conduirait à mettre en œuvre des moyens disproportionnés qui
pénaliseraient le commerce électronique en enchérissant le coût d’acquisition et de gestion des
noms de domaine ».
-
-
Enfin, la responsabilité de l’Afnic ne saurait d’avantage être retenue en l’espèce, dans la mesure
où celle-ci n’a reçu antérieurement à l’assignation « aucune demande de gel ou de blocage des
demanderesses », et où l’assignation elle-même « ne permettait pas à l’Afnic de mettre en
œuvre une telle mesure puisque les demanderesses laissaient le choix à l’Afnic de procéder soit
au gel soit au blocage, alors que ces deux mesures ont des effets différents ».
Cependant, même en l’absence de responsabilité de ces organismes, le Tribunal a fait droit aux
demandes de transfert des noms de domaine litigieux au profit des titulaires de marques dès lors que
le risque de confusion avec celles-ci était certain.
Ainsi, la responsabilité des bureaux d’enregistrement et/ou de l’Afnic pourrait donc être engagée en
cas de preuve de négligence des premiers, ou de non respect de la « charte de nommage du .fr » de
la seconde.
12
« La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non
similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de
nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une
exploitation injustifiée de cette dernière. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à la
reproduction ou l'imitation d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de
Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée ».
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Enfin, il est intéressant de noter que le Tribunal de grande instance de Paris s’est reconnu
territorialement compétent, considérant que le public français était visé par les sites internet
accessibles aux adresses litigieuses du fait :
-
de leur extension en « .fr »,
de leur contenu rédigé en langue française,
y compris pour les sites vers lesquels pointent les publicités accessibles sur les sites litigieux.
Alice COLLIN
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Françoise COLLIN
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Avocats
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TEL : 01 44 29 26 60
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