Pour mieux comparer LES GESTIONNAIRES

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Pour mieux comparer LES GESTIONNAIRES
Pour mieux comparer
LES GESTIONNAIRES
Jean-Martin Aussant
Bien que le choix d’un gestionnaire doive aussi reposer sur certains critères
non quantifiables, il existe plusieurs outils objectifs qui peuvent améliorer le
processus de sélection. Parmi les outils les mieux connus, on retrouve l’erreur
de calquage et le ratio d’information.
OBJECTIF CONSEILLER
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L’erreur de calquage (tracking error) est une mesure de risque
qui, de par sa nature relative, est couramment appliquée
dans le monde de la gestion indicielle. Dans un tel contexte,
elle peut illustrer la capacité d’un gestionnaire à reproduire
fidèlement le comportement de son indice de référence. En
d’autres mots, l’erreur de calquage représente la variabilité
de la valeur ajoutée1. En posant certaines hypothèses distributionnelles, une erreur d’une valeur x indique qu’il y a
une probabilité de 68 % (c.-à.-d. environ deux fois sur
trois) que le portefeuille affiche une valeur ajoutée de plus
ou moins x par rapport à sa moyenne de valeur ajoutée. De
même, la valeur ajoutée se situera à plus ou moins 2x de sa
moyenne avec une probabilité de 95 %.
Par le fait que l’indice de référence soit lui-même sélectionné d’après les objectifs de l’investisseur et les caractéristiques préétablies quant au portefeuille (politique de placement), l’erreur de calquage donne une mesure de risque
relatif des plus pertinentes dans un contexte indiciel.
Mais, que l’on ait à comparer des gestionnaires indiciels
ou actifs, l’erreur de calquage combinée à d’autres mesures
peut être révélatrice. Comme le démontre bien l’exemple
qui suit, il faut toutefois éviter d’utiliser isolément cette
mesure puisqu’elle ne considère qu’un seul côté de la
médaille rendement/risque. L’erreur de calquage doit donc
surtout servir à comparer des gestionnaires dont les styles
de gestion se ressemblent et dont les rendements sont du
même ordre.
Afin d’illustrer à la fois l’utilité et la faiblesse de cette mesure,
qui demeure trop souvent mal interprétée, prenons fictivement
trois gestionnaires actifs (A, B et C), un gestionnaire indiciel
bonifié (D) et un gestionnaire indiciel pur (E), dont les valeurs
ajoutées annuelles sont affichées au tableau ci-dessous.
Une interprétation erronée veut que l’erreur de calquage
indique les bornes à l’intérieur desquelles la valeur ajoutée se situera. Selon cette mauvaise définition, une erreur
de 21 points centésimaux, par exemple, signifierait que
la valeur ajoutée se trouverait entre -21 et +21 deux années
sur trois. Cette explication passe outre que l’erreur de calquage, telle que définie ici, se veut une mesure de dispersion autour de sa moyenne. À titre d’exemple, la valeur
ajoutée du gestionnaire indiciel bonifié D, qui affiche une
erreur de calquage de 21, devrait se situer en moyenne une
fois sur trois à l’extérieur des bornes [-21, 21]. En réalité,
elle se situe à l’extérieur de ces bornes dans 60 % des cas.
C’est que, puisque l’erreur de calquage nous donne une
dispersion autour de la moyenne qui est de 34 points centésimaux, les véritables bornes sont plutôt [34-21,
34+21] = [13, 55]. Ceci semble beaucoup plus cohérent
avec les données indiquées. Le point important à retenir
est que l’erreur de calquage n’est pas une indication directe
du risque de sous-performance. Il faut donc connaître la
valeur ajoutée espérée avant de poser un jugement valable
en ce sens.
Ainsi, les gestionnaires actifs B et C, qui affichent une
erreur de calquage identique de 133, ont produit des rendements fort différents au cours des dix années présentées. En effet, le gestionnaire B a produit une valeur ajoutée substantiellement supérieure par rapport au
gestionnaire C, soit 161 points centésimaux contre 34.
C’est lorsque deux gestionnaires actifs affichent des rendements moyens identiques que l’erreur de calquage peut
servir de façon plus décisive, comme c’est le cas des gestionnaires A et B. Tous deux affichent une valeur ajoutée
annualisée de 161 durant la période 1991-2000. Cepen-
Valeur ajoutée, gestionnaires fictifs (points centésimaux)
A
Gestionnaires actifs
B
C
Gestionnaires indiciels
D
E
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
500
290
680
-780
490
490
530
580
-980
340
200
160
160
-20
470
210
250
60
0
200
49
36
36
-144
346
86
126
-64
-124
76
20
20
80
40
40
50
30
0
20
40
-3
-6
-2
-2
-4
-3
-2
-6
-2
-1
Valeur ajoutée annualisée
Erreur de calquage
Ratio d’information
161
559
0,29
161
133
1,21
34
133
0,26
34
21
1,64
-3
2
-1,88
JANVIER 2001
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dant, le gestionnaire A a fourni des rendements annuels beaucoup plus volatils pour le même rendement moyen, et son
erreur de calquage reflète bien cette lacune en regard du gestionnaire B (erreur de calquage considérable de 559 points
centésimaux par rapport à 133 pour le gestionnaire B).
À la lumière de ces exemples, il est préférable d’utiliser
conjointement une autre mesure appelée «ratio d’information» afin de rehausser la qualité de l’analyse. On définit ici
le ratio d’information comme étant la valeur ajoutée annualisée divisée par l’erreur de calquage2. Cette mesure est utile
afin d’évaluer les aptitudes d’un gestionnaire à ajouter de la
valeur lorsqu’il prend des positions de risque. Autrement
dit, cette mesure ajuste la valeur ajoutée d’un gestionnaire
pour le risque qu’il a encouru afin de la produire. Bien sûr,
à valeur ajoutée moyenne égale, on préférera celui des deux
gestionnaires qui a su atteindre l’objectif avec davantage de
stabilité et de constance.
On peut illustrer ce concept avec les gestionnaires actifs
A, B et C. On a vu précédemment que B était préférable
à A du point de vue de l’erreur de calquage, celle-ci étant
inférieure pour la même valeur ajoutée. On a également vu
que B était préférable à C avec une valeur ajoutée largement supérieure pour des erreurs de calquage identiques.
Le ratio d’information confirme ces préférences avec une
valeur de 1,21 pour le gestionnaire B contre des ratios de
0,29 et 0,26 pour les gestionnaires A et C respectivement3.
Les ratios similaires des gestionnaires A et C, bien qu’ils
affichent des rendements et des erreurs de calquage très
différents, impliquent que d’autres critères devront être
pris en compte afin de les départir. Des éléments tels que
le niveau d’aversion au risque, la préférence pour le rendement absolu et d’autres objectifs généraux du client
pourront éventuellement faciliter la sélection.
En ce qui concerne les gestionnaires D et E, de type plus
indiciel, l’erreur de calquage prise séparément nous commanderait de choisir le gestionnaire E. Pour les clients qui,
pour une raison quelconque, désirent un rendement pure-
ment indiciel, ce choix s’avère valable puisque le gestionnaire E a étroitement calqué le comportement de l’indice
au cours de la période4. Par contre, le gestionnaire indiciel
bonifié D, qui a réussi à ajouter de la valeur de façon continue, affiche un ratio d’information supérieur de 1,64 et
représente une alternative attrayante pour les clients qui
visent à ajouter de la valeur sans pour autant prendre trop
de risques. Encore ici, les politiques de placement et les
paramètres du client en matière de rendement et de risque
dicteront les options permises.
On peut conclure de cette brève analyse que l’erreur de
calquage doit être utilisée prudemment quand les gestionnaires comparés n’ont pas le même style de gestion. Le
ratio d’information, quant à lui, tient compte des deux
dimensions toujours présentes dans le monde de l’investissement, à savoir le rendement et le risque. Évidemment,
plus on a d’années de données, plus les résultats seront statistiquement valides.
Loin d’être des outils miracles qui sélectionneront à
coup sûr le meilleur gestionnaire, ces deux mesures sont
néanmoins éclairantes et simples à appliquer. Par conséquent, elles devraient normalement faire partie de tout processus rigoureux de sélection de gestionnaires.
1
Il existe différentes définitions de cette mesure. Nous utilisons ici l’écarttype de la valeur ajoutée.
2
Une autre méthode de calcul du ratio d’information tient compte du bêta
du portefeuille. Au lieu de faire les calculs de moyenne et de dispersion
avec la valeur ajoutée conventionnelle qui correspond à [rendement du
portefeuille] – [rendement de l’indice de référence], on utilise [rendement
additionnel du portefeuille] - bêta*[rendement additionnel de l’indice].
Le rendement additionnel est le rendement total moins le rendement de
l’actif considéré sans risque (généralement un bon du Trésor).
3
Un ratio d’information supérieur à 1,00 est considéré comme excellent.
4
C’est d’ailleurs quand la valeur ajoutée est presque nulle que le terme
«erreur de calquage» prend tout son sens. En effet, on imagine que «calquer» l’indice signifie tenter d’en reproduire le rendement, ce que visent
les fonds purement indiciels. Un gestionnaire actif, dont le but est de battre
l’indice et non de l’imiter, pourrait néanmoins afficher une erreur de calquage de zéro, par exemple, en ajoutant exactement 100 points centésimaux de valeur, année après année. Ceci résulterait en une variabilité nulle
sur le plan de la valeur ajoutée.
OBJECTIF CONSEILLER
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