le quartier francais : tübingen-sûd
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le quartier francais : tübingen-sûd
Ci-après un extrait de l’ouvrage : Les Ecoquartiers (Ed.Apogée) en préparation du voyage LE QUARTIER FRANCAIS : TÜBINGEN-SÛD Une ville universitaire novatrice Tübingen est avec Heidelberg et Fribourg, l’une des trois plus anciennes villes universitaires d’Allemagne. L’université catholique y a ouvert ses portes en 1477 ; le collège de théologie luthérienne a ouvert les siennes en 1536. Sur une population totale de 81 000 habitants la ville compte 26 000 étudiants. Tübingen se situe à 50 km au sud de Stuttgart, dans une campagne vallonnée, sur une ligne de collines qui surplombe la rivière du Neckar et donnent vue sur le Jura Souabe au Sud-est de la ville. Les maisons à colombage et les ruelles médiévales du centre historique ont été très bien préservées , notamment grâce à la réhabilitation douce menée à l’initiative de l’urbaniste Andreas Feldkeller . La qualité du site et la richesse patrimoniale de la ville incitent ses habitants au respect de l'environnement. Des cohortes de cyclistes et de piétons animent les ruelles médiévales . Deux des plus anciennes institutions universitaires d'Allemagne ,l’université catholique et l’université protestante, s'y côtoient dans des bâtiments massifs où ont enseigné des hôtes aussi illustres que J. Kepler,Gmf Hegel, Goethe, H. Hesse. Le poète F. Hôlderlin a vécu dans une des superbes maisons qui borde la rivière du Neckar . En parcourant les ruelles pavées du centre ancien le visiteur côtoie le passé et l’avenir : au rez de chaussée des façades moyenâgeuses , des ordinateurs dernier-cri ,un mobilier de design ou des équipements high-tech attirent l’attention des passants. Des groupes d’étudiants discutent à la terrasse des cafés ou sur les marches en pierre incrustées dans la pente de la ville. Toute soirée entre amis commence ou s’achève par un rendez-vous au Neckar-muller . Autour du centre, des villas massives se fondent dans les arbres. La réhabilitation urbaine comme projet social, Andréas Feldkeller nommé urbaniste à Tübingen en 1972 s’est très rapidement opposé au projet de rénovation que proposait le Professeur Albers à la municipalité soucieuse de parer à la dégradation du centre ville vétuste et embouteillé par les automobiles. Pour « moderniser » le centre ancien, ce professeur de l'université de Graz jugeait inévitable de démolir les îlots les plus dégradés et de les remplacer par quelques tours de huit étages dispersées dans le paysage urbain. Il envisageait d'élargir les ruelles se trouvant le long d'un parcours diagonal traversant le centre ancien, simplement pour faire passer les bus. L'université et les étudiants qui pour la plupart logeaient en centre ville où ils bénéficiaient de loyers raisonnables, ont fait prévaloir leur opposition au projet de démolition. Une universitaire géographe, Martine Furstemberg, a élaboré un plan social de réhabilitation au moment où l'Etat Fédéral lançait un plan cadre destiné à subventionner une nouvelle politique de la ville fondée sur le principe du maintien des locataires dans les logements faisant l'objet d'une réhabilitation. A. Feldkeller a profité de ce plan social et du soutien fédéral pour stopper le cours de la rénovation et commencer à répertorier, avec M. Furstemberg, les bâtiments à réhabiliter ainsi que leurs habitants. Tous deux ont diagnostiqué, au cas par cas, l'ampleur des travaux à mener, les moyens et les doléances des occupants directement concernés . Un ensemble de règles du jeu ont été formulées puis soumises à la signature des autorités municipales. La règle du jeu était que les travaux de rénovation ne seraient subventionnés qu'à la condition que les activités et les locataires soient maintenus dans l'immeuble. Le corps des architectes chargés de l'entretien des monuments historiques en Allemagne a soutenu la politique d'A.Feldkeller et de la Municipalité. Le soin avec lequel les anciennes bâtisses médiévales ont toutes été restaurées suscite, aujourd’hui, l'admiration des visiteurs. En 1980, le parking qui occupait la place de l’hôtel de ville a été supprimé .Cette place a été entièrement rendue aux piétons et au marché forain des plus animés qu’elle accueille trois fois par semaine. Seules les voitures des résidants du centre ont l'autorisation de circuler dans l'ancienne cité .Dans la vie courante, leurs propriétaires ont plus vite fait de prendre le vélo que de sortir l'auto du garage. A. Feldkeller n’a qu’un seul regret : il est arrivé que la ville subventionne généreusement la rénovation de magasins que la "société Mère" a trop vite décidé de fermer et de vendre , une fois la subvention utilisée, empochant ainsi au passage le bénéfice de la réhabilitation . En 1978, la ville de Tübingen recevait de l’état Fédéral, la médaille d’argent de l’urbanisme et de la sauvegarde du patrimoine pour la qualité de la restauration de son centre ville et de sa zone piétonnière. Le quartier « français » devient le quartier Sud de Tübingen Les casernes Hindenburg (13,3 hectares) et Loretto ( 5,92 hectares), implantées en périphérie sud de la ville de Tübingen ont été libérées par l'armée française en 1990. La ville a décidé d'y réaliser de nouveaux quartiers et de restructurer à cette occasion l’ensemble du secteur sud de son territoire. Là encore sur la recommandation d’Andréas Feldkeller, plutôt que de faire table rase des casernes désertées , la ville a souhaité réhabiliter une bonne moitié des bâtiments existants et construire ,sur les grands espaces libres servant de terrain de manœuvre aux militaires, un ensemble de nouveaux îlots urbains de haute qualité urbaine et environnementale . Les casernes Hindenburg à l’est et Loretto à l’ouest ,qui composent à elles seules 60% de la partie Sud de la ville,ont été achetées par la municipalité à l'Etat Fédéral. Par la densification de son secteur sud, Tübingen a voulu offrir des possibilités d'habiter en ville à ceux qui travaillent à Tübingen. Le coût relativement faible d'acquisition du terrain militaire a permis de construire des programmes en accession à des prix raisonnables pour des familles qui auparavant devaient se contenter d'être locataires dans la banlieue de Stuttgart, à une cinquantaine de kilomètres de Tübingen . Le concours d’urbanisme Après avoir réussi la réhabilitation du centre ancien, la municipalité de Tübingen s’est attaqué à celle des casernes laissées à l’abandon. Les casernes hindenberg et Loretto constituaient le cœur du quartier sud de la ville .Leur reconversion en quartier urbain était l’occasion de restructurer l’ensemble des faubourgs situés au sud de la ville. En 1991 la ville a obtenu l’accord de l’état pour racheter le terrain des casernes et assurer la maîtrise d’œuvre urbaine de l’ensemble du quartier. La ville a donc créé une procédure sans précédent en Allemagne . Le prix d’achat du terrain par la ville variait de 19 à 26 euros le m2 tandis que le prix de revente de la ville aux investisseurs variait de 190 à 270 euros le m2, la différence permettant à la ville de financer la voirie et l’aménagement des espaces publics. La ville a pu ainsi maîtriser la programmation du futur quartier. Elle a pu construire elle même certains équipements tels qu’un jardin d’enfants ou un groupe scolaire. En 1991 la ville lance un concours d’idée pour la restructuration des casernes qui occupent un territoire d’une soixantaine d’hectares. Le programme du concours énonce un certain nombre de principes : - Afin d’éviter le ghetto résidentiel, des locaux d’activité seront associés aux logements dans une proportion d’un peu moins d’un tiers. Pour 7500 habitants attendus en 2011, il est envisagé de créer 2000 emplois. - La ville souhaite densifier le faubourg. Alors que le centre ancien ( la ville haute) a une densité de 127 habitants et de 103 emplois à l’hectare, la ville sud stagnait à 77 habitants et 42 emplois à l’hectare. La densification de la caserne Loretto est fixée à 150 habitants et 37,7 emplois par hectare ; celle de la caserne Hindenburg est fixée à 180 habitants et 84 emplois à l’hectare. La population et le nombre des emplois sont donc appelés à doubler. - La circulation automobile ne sera pas totalement rejetée à l’extérieur du quartier, mais elle y sera réduite à la desserte des activités et des équipements. Pour les programmes résidentiels les parkings seront placés en périphérie, à une distance moyenne de 120 mètres des logements.Les garages en soussol d’immeuble sont, sauf exception, interdits. - Les espaces extérieurs, qu’il s’agisse des intérieurs d’îlot ou des espaces publics, seront libérés de l’automobile de façon à être plus agréables à vivre, mais aussi de façon à éviter l’imperméabilisation des sols par une emprise excessive des voiries. Une jeune équipe lauréate C’est un groupe d’architectes fraîchement sortis de l’école d’architecture de Stuttgart qui a été lauréat du concours en 1992. En Allemagne, les collectivités locales débordées par le nombre impressionnant des candidatures à chaque concours, en sont venues à recourir au tirage au sort. Lors du concours pour le quartier sud , la chance, une fois n’est pas coutume, avait souri à la nouvelle génération. Les jeunes urbanistes avaient, intelligemment tiré le meilleur parti de la trame pré-existante des casernements en proposant un ordonnancement d’îlots haussmanniens de trois à cinq niveaux + Feldkeller qui s’était battu durant la précédente décennie pour préserver le centre ancien deTübingen , ne pouvait accepter une telle destruction systématique. A ses yeux la prise en compte du tracé précédent ne suffisait pas. Il pensait que tout projet , quel qu’il soit, gagne à faire preuve d’une capacité à intégrer le passé.Pour cela il souhaitait que les habitants de l’ancien faubourg retrouvent dans le nouveau quartier des points de repères qui leur soient familiers. La municipalité a fini par imposer que tout ancien bâtiment soit réhabilité dès que cela était techniquement et économiquement possible. Elle a considéré, à l’instar de son urbaniste, que le maintien d’anciens bâtiments pouvait faciliter l’intégration des populations nouvelles et anciennes. L’appel aux futurs habitants En Allemagne comme en France, les promoteurs privés avaient tendance au début des années quatre vingt dix à ne construire que de petits appartements d'une ou deux pièces. Dans ce contexte la population de Tübingen ne trouvait pas ce qu'elle attendait .Andréas Feldkeller et son adjoint, W. Hartmann, ont donc eu l'idée de faire directement appel à des groupes de futurs habitants .Dès 1994, quelque premiers candidats à l'installation sont retenus par la ville qui les engagent à concrétiser rapidement leur projet . Une résidence accueillant 500 étudiants occupera d' anciens bâtiments militaires. D'autres bâtiments sont investis par des entreprises artisanales,des ateliers d'artiste et des professions libérales. Dix huit familles aux revenus modestes se sont regroupées en coopérative pour entreprendre une réhabilitation de type autogérée. Ces habitants auto-constructeurs ont pris en charge les travaux de cloisonnement et de finition pour diminuer le coût de l'opération. Mais en dépit de ces premières initiatives, deux ans passèrent sans qu’aucune urbanisation ne se concrétise . La municipalité avait pourtant ouvert , dès 1995, une permanence sur le site, permettant ainsi aux habitants intéressés de trouver une information générale sur les futurs quartiers et sur les conditions juridico-financières de leur éventuelle installation. C’est aussi en partie grâce à cette permanence que les habitants pouvaient se rencontrer en vue d’ élaborer un projet d'habitat entre futurs voisins. Les candidats au logement venaient régulièrement s’y informer des disponibilités offertes dans les groupements en cours de formation. L’association du Wohnbund et l’Université ont été ,elles aussi,appelées par la municipalité pour renforcer l’action de communication autour du projet. Pourtant en 1996 la quasi totalité des parcelles à bâtir manquaient encore cruellement de candidats . Inquiète la ville se rapproche des investisseurs locaux. Lorsqu'en novembre 1998 en compagnie de Heinrich Thielmann, architecte francoallemand originaire de Tübingen, je rencontre Andréas Feldkeller, nous sommes d’autant plus stupéfaits d'arriver dans un chantier vrombissant d'où surgissent les premiers immeubles habités sur cinq niveaux. Que s'est-il donc passé de 1996 à 1998 pour que la réalisation de la ville Sud connaisse un succès et une accélération tels que la programmation affiche complet et que la construction des immeubles soient déjà si avancée dans les deux quartiers d’Hindenburg et de Loretto ? De retour à la fin de cette même année , je traversais des coeurs d’îlot animés d’une vie de voisinage manifeste et je parcourais les principaux espaces publics déjà aménagés , plantés, équipés, fréquentés par les riverains, bordés de boutiques et d’ateliers en pleine activité . La place de l'automobile Certes, depuis 1994, la ville et son équipe d'urbanistes installée sur le site multipliaient dans la presse locale les appels à projet, mais l'information mal comprise donnait lieu à des rumeurs dissuasives concernant notamment l'interdiction faite aux automobiles de stationner dans les nouveaux quartiers. De son côté la ville tâtonnait pour trouver une solution viable et claire en matière de moyens de transports. Son intention n’était pas d'interdire la présence de l'automobile mais de favoriser l'usage des autres moyens de déplacements tels que le bus, le vélo et la marche .En interdisant la construction de tout parking voiture en sous sol d'immeuble, la ville préconisait la construction de parkings implantés en périphérie des quartiers, des sortes d’entrepôts où les voitures pourraient être stockées sur plusieurs niveaux par un système de levage automatique sur plateaux. Il s'agit d’un système mécanique permettant de placer trois plateaux de stationnement sur une hauteur de 5 mètres ou deux plateaux de stationnement sur 3,5 mètres de hauteur . Pour débloquer les premières opérations, la ville a permis quelques dérogations , acceptant la présence de parkings au sous sol de deux ou trois immeuble d’habitation. Elle a même envisagé d’assurer elle-même la maîtrise d’ouvrage des parkings disposés en périphérie du quartier mais elle s’est heurtée à des difficultés de financement. L'équipe Feldkeller-Hartmann a suggéré à la municipalité de ne construire que les places demandées et achetées par les habitants propriétaires d'une ou de plusieurs automobiles. La loi fédérale exige la construction d'une place de parking par logement ,chaque Land restant libre d'exiger plus. La ville hésitait à intégrer la construction des parkings aux travaux et aux investissements d'infrastructure. Elle refusait d'exempter les habitants ne possédant pas d'automobile de toute participation au coût de construction des parkings disposés en périphérie. Finalement c'est l'appel au marché privé qui a permis de surmonter une polémique dont les échos ne contribuaient pas à rassurer les éventuels acquéreurs. Une société privée a accepté de construire des parkings mécaniques sur la base réglementaire d'une place par logement, puis de vendre chaque place à la clientèle intéressée pour un prix d'environ 13 720 euros la place. La société gère les parkings et verse aux acheteurs une part des revenus qu'elle recueille en exploitant les places libérées dans la journée par leurs propriétaires .En effet une grande partie des habitants de Tübingen süd utilise sa voiture dans la journée, libérant ainsi une place susceptible d’être louée aux automobilistes qui travaillent dans le quartier pendant la journée. On peut aussi acquérir une place de parking sans chercher à en tirer bénéfice durant la journée. Le système fonctionne d'autant mieux qu'il tire parti de la mixité du quartier . Les activités devaient occuper, en principe, le tiers du volume bâti. La municipalité n'a donc pas eu à investir dans la construction des parkings ni à gérer le stationnement automobile. Les habitants sans automobile ont pu faire l'économie d'une place de parking. Dès que la population a pu bénéficier d'une information claire sur le statut de l’automobile dans le quartier ,elle s’est portée candidate à l’acquisition des parcelles . Une sorte d’ effet d’entraînement a eu lieu déclenchant la mise en chantier de l’ensemble des quartiers Loretto et Hindenburg . L'automobile ne pénètre dans les quartiers que pour desservir les équipement et les activités ; elle en assure l’ accessibilité aux handicapés. Une association qui gère le co-voiturage bénéficie de quelques emplacements en pied d'immeuble. Pendant toute la période de construction des nouveaux quartiers Hindenburg et Loretto, les voitures stationnaient sur les terrains vagues ou dans les espaces publics non encore aménagés. Le reflux des automobiles en périphérie sera probablement difficile… Au sud-est du quartier d’Hindenburg, un trou de dix mètres de profondeur est creusé en 2001 en vue de construire un ensemble de 166 places auquel se superpose un ensemble d’une vingtaine d’appartements . Ce trou est resté béant deux années en attendant que les financements individuels soient tous collectés et que le projet d’habitation soit étudié dans le détail. L’opération était achevée en décembre 2003. Deux autres parkings d’une centaine de places chacun sont disposés aux trois angles du site d’Hindenburg . Deux lignes de bus supplémentaires ont été créées en l’an 2000 pour relier plus étroitement le centre ville à la ville-Sud. La ville sud change d'image Le quartier français avait la réputation d'être au centre d'un ensemble de faubourgs peu attractifs. On y trouvait une usine à gaz, une vinaigrerie ,un habitat délabré et des casernes. Il a donc fallu attendre que les premières opérations de réhabilitation sortent de terre pour que l'opinion publique commence à modifier sa perception du secteur. La traversée d'une forte circulation le long de la Stuttgart Strasse pesait également sur l'image de cette partie sud de Tübingen occupée en partie par des entrepôts et des friches militaires et industrielles. Une conjoncture qui n'avait pas été prise en considération ni par les urbanistes ni par la ville, a joué en faveur du projet même si elle faussait les intentions initiales. Les nouveaux quartiers devaient accueillir principalement les gens habitant hors de la ville et n'y venant que pour y travailler. Il a fallu se rendre à l'évidence que la proximité de Stuttgart et la présence proche d'une infrastructure autoroutière performante amenait certains habitants à s'installer dans le quartier français pour aller travailler dans la banlieue sud de Stuttgart, à 30 ou 40 km de là. Le projet attirait donc de futurs navetteurs autant qu'il permettait à d'anciens navetteurs de cesser de l'être en venant s’installer à proximité de leur lieu de travail .Par ailleurs la mixité affichée du projet urbain a attiré des professions libérales dont la présence a fortement contribué à valoriser l'image de la nouvelle ville-sud. LES COPROPRIÉTAIRES COPROPRIÉTAIRE S MAÎTRES D’OUVRAGE L'aspect le plus novateur porte sur le mode d'installation des futurs habitants. Certes des groupes d'habitants autogérés ont conçu et réalisé leur habitat ,ici ou là, dans toute l'Europe depuis les années soixante dix, mais jamais une collectivité publique n'avait fondé la création de tout un quartier sur la responsabilisation systématique des habitants. Ceux-ci ont été massivement invités à constituer des groupes de co-propriétaires en vue d'assurer la maîtrise d'ouvrage de leurs immeubles d'habitation avec le soutien logistique de la ville. On peut regretter ,et l'équipe Feldkeller-Hartmann le déplore, l'absence de programmes en location , à l'exception des résidences étudiantes, comme l'absence de logements sociaux. L'explication est simple: le projet a été mis en place sous le gouvernement d'Helmut Kohl dont on sait en Allemagne qu'il a supprimé, à l'instar du gouvernement de Margaret Thatcher en Angleterre, toutes les aides de l'Etat au logement social. Afin de faciliter l’arrivée d’une population jeune et dépourvue de moyens financiers importants dans le quartier français, la municipalité de Tübingen a poussé les candidats au logement à s’organiser pour assurer la maîtrise d’ouvrage de leur projet et leur a vendu les terrains à un prix bien inférieur à celui du marché local. L’effet cumulé de ces deux paramètres s’est traduit par une diminution du coût de l’accession à la co-propriété de 25%, ce qui est considérable. Le prix moyen du logement , tous éléments confondus , est passé de 2285 euros/ m2 à 1825 euros/ m2. Mais l’intérêt n’est pas seulement économique. L'originalité de la méthode de travail est de construire de façon concommittante un tissu social et un tissu urbain. Andréas Feldkeller préfère parler d'humanotope plutôt que d'écotope. L'être humain a deux modes d' existence : il a une vie intime et une vie publique. La ville doit lui permettre de vivre ces deux registres:" Le citadin, même chez lui, a les yeux dans la rue". Des parcelles à la carte Pour chaque îlot l'emplacement des projets portés par les futurs groupes de voisinage a fait l'objet d'une négociation approfondie avec l'équipe d’urbanistes implantée sur le site. La taille des regroupements est très variable ,pouvant aller de deux foyers d'une même famille à quarante foyers et sociétés. En pied d'immeuble une bande de quatre mètres de terrain en profondeur est attribuée aux propriétaires riverains. Une allée piétonne de deux mètres de large traverse l'ilôt en contournant une aire de jeux pour les enfants. Les co-propiétaires pourraient fermer l'espace intérieur à l'îlot comme le font les habitants d'un ilôt munichois. Ils ne le font pas car contrairement à la dangerosité des avenues munichoises où le trafic est très important, la voirie proche est relativement peu fréquentée et le trafic suffisamment lent pour ne pas présenter de danger pour les enfants du voisinage. En rez de chaussée des îlots urbains on trouve un centre multi-média, une salle des ventes, un ébéniste spécialisé dans la restauration, une boulangerie , un bureau d'études , un cabinet d'avocat ,un restaurant ,un salon de coiffure …Tous les rez de chaussée sont en principe attribués à des locaux d’activités. Pour ne pas exclure les habitants moins entreprenants ou moins disponibles, la ville comptait faire aussi appel aux investisseurs traditionnels pour une proportion d'un tiers des programmes. Ce pourcentage s’est réduit au fur et à mesure que les groupes d’habitants se sont manifestés. Au moment du lancement du nouveau quartier, la municipalité avait demandé à l'architecte d' un important promoteur qui avait acquis un îlot entier, de concevoir l' architecture la plus diversifiée possible pour casser le traitement unitaire de l'ensemble. Le résultat n'a satisfait personne. L'architecte a fait semblant d’être plusieurs en diversifiant les façades, sans y parvenir… A la suite de cette expérience malheureuse, la ville a demandé aux autres promoteurs de fractionner leur programme en plusieurs petits ensembles confiés à des architectes locaux différents . Dans un îlot composé de plusieurs groupes de co-propriétaires, on compte une moyenne de 6 à 7 architectes différents travaillant pour autant de groupes spécifiques. Cette diversification devient d'autant plus évidente que les groupes d'habitants se constituent souvent avec l'aide ou même à l'initiative d'un architecte local. La moyenne des parcelles étant de 10 appartements et le coût de construction tournant autour de 0,76 million d’euros ,les architectes travaillent en toute sérénité avec des honoraires de 10%. La saga du Bloc 14 Au début des années 90, Andréas Stahl, architecte débutant , recherchait , sans le trouver, un logement à Tübingen où il souhaitait ouvrir sa propre agence. La restructuration de la ville sud allait répondre à ses attentes. En 1995 il réunit un petit groupe de six familles dont quelques amis et une avocate. Il leur propose ses services d’architecte en vue de concevoir un projet d’habitat à Hindenburg. Le groupe s’étoffe jusqu’à réunir une trentaine de candidats au logement et une dizaine de personnes à la recherche d’un local d’activité. Le chantier s’ouvre en février 1997 et s’achève fin 1998. L’immeuble principal aligne des boutiques en rez de chaussée de sa façade nord, le long d’une avenue. On y trouve une boulangerie, un marchand et réparateur de vélos, une épicerie, un bureau d’avocat, un salon de coiffure, un café d’angle. La principale difficulté a été de trouver assez de candidats à l’acquisition des locaux d’activité. Les commerçants hésitent de plus en plus à investir dans l’achat de leur boutique. Le tenancier du café s’est retiré du projet au dernier moment ! « Comme nous avions fait des économies sur le coût de construction, un groupe de huit co-propriétaires s’est porté acquéreur du café avec l’intention de le louer à un gérant par la suite ». Ce qui fut fait au grand soulagement du groupe qui a ainsi pu signer les contrats des entreprises et réaliser le projet. L’ensemble des trois immeubles qui constituent un îlot ouvert au sud, totalise une surface habitable de 4000 m2 dont 3200 m2 de logements, le reste étant attribué aux dix locaux commerciaux intégrés au projet. La façade nord de l’immeuble principal se compose d’un rez de chaussée de 3,65 mètres sous plafond destiné aux boutiques et de deux rangées superposées de duplex, l’une étant desservie par une coursive basse, l’autre par une coursive haute. Dans le premier cas les chambres sont placées au dessus du séjour. Dans le deuxième cas le séjour est placé au dessus des chambres. Le dernier niveau ( R+4) dispose d’une terrasse tandis qu’au deuxième niveau depuis la rue, le séjour est de plain pied avec le jardin intérieur à l’îlot. A chaque niveau , le linéaire de cet immeuble aligne sept logements auxquels s’ajoute une huitième logement en retour d’angle , là où l’immeuble devient plus vertical (R+5). Sur le côté est de l’îlot , un immeuble moins haut (R+3) regroupe deux rangées de quatre duplex superposés. En vis à vis quatre maisons de ville referment la cour intérieure sur son côté ouest. Au sud se trouve un local commun de 60m2. Trois autres locaux communs sont intégrés au projet : un appentis abritant les vélos, un sauna et un atelier de menuiserie. La distribution intérieure des logements ne brille ni par sa diversité ni par son originalité. Les futurs habitants se sont contentés de quelques variations à partir d’une trame commune issue de la volonté générale qui était favorable aux petits logements… dotés d’un maximum de pièces , une contradiction intéressante à analyser. Les matériaux utilisés sont la brique porosée de 37 cm d’épaisseur pour les murs et des hourdis en brique pour les planchers. Le dernier étage est construit en ossature bois . L’isolation est en cellulose.Le dernier plancher est réalisé en bois lamellé-collé. La cour intérieure à l’îlot descend doucement vers le sud, là où se trouve le local commun. Les jardins privatifs en pied d’immeuble sont ouverts sur la cour. Les massifs arbustifs fleuris et les pergolas qui les délimitent respectent l’intimité familiale tout en favorisant une vie de voisinage libre. En pied d’immeuble , du côté cour intérieure, quelques adultes s’invitent autour d’une bière tout en veillant au jeux des enfants aux abords d’une fontaine ,d’un toboggan et d’un bac à sable . L’eau en provenance de la fontaine se faufile entre les galets vers une roselière. Son écoulement est assuré par une citerne enterrée de 12 m3 d’eau pluviale. Trois quarts des parents travaillent à Tübingen , ce qui leur laisse le temps de vivre chez eux et avec leurs enfants. La pente et l’échelle de la cour intérieure avec ses discrets jeux d’eau , les couleurs chaudes et les hauteurs différenciées des façades sont autant d’éléments d’ambiances qui donnent au visiteur assis sur un des emmarchements qui animent le sol de la cour bruissante de l’agitation enfantine, un rare sentiment de bonheur domestique. L’architecture vernaculaire n’est pas celle des magazines. Elle gagne en qualité d’usage ce qu’elle perd en effet d’image. « Dans un grand groupe d’habitants , les décisions se prennent plus vite que dans un petit groupe où les relations interpersonnelles deviennent souvent plus conflictuelles » conclut l’architecte qui a récidivé . C’est en toute sérénité qu’Andréas Stahl a entrepris la réalisation de l’ immeuble coopératif voisin dont la partie basse abrite un parking .