Bockelée et al

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Bockelée et al
NOUVELLES CONTRAINTES SUR L’ORIGINE DE HNC DANS LES COMETES. D. BockeléeMorvan 1, N. Biver1, J. Boissier 1, J. Crovisier1, M. Gunnarsson1, 2 , D.C. Lis3, S. Charnley4, S. Rodgers 4, 1LESIA,
Observatoire de Paris (5 place Jules Janssen, F-92195, Meudon, [email protected]), 2Uppsala
Observatoriet, 3Caltech, 4 NASA Ames.
Introduction : L’origine de l’isocyanure
d’hydrogène (HNC) dans les atmosphères cométaires
est sujet à controverse. HNC a été identifié pour la
première fois dans la comète C/1996 B2 (Hyakutake)
dans le submillimétrique avec une abondance de 6%
par rapport à HCN [1]. Une augmentation du rapport
HNC/HCN a été observé dans la comète C/1995 O1
(Hale-Bopp) quand elle s’est approchée du Soleil, de
3% à 3 UA jusqu’à 20% à 1 UA [2]. Cette évolution
a tout d’abord été interprétée comme le résultat de
l’isomérisation de HCN faisant intervenir des réactions ion-molécule ou des collisions avec des atomes
d’hydrogène rapides, dont l’efficacité augmente avec
l’activité cométaire [3,4]. Ce mécanisme ne permet
pas d’expliquer les rapports HNC/HCN mesurés
dans Hyakutake et d’autres comètes moins actives
que Hale-Bopp. HNC pourrait être produit par la
dégradation de matériaux organiques. La dégradation
thermique de polymères de H2CO permet ainsi
d’expliquer la distribution spatiale de H2CO mesurée
dans la comète de Halley par Giotto et l’évolution
héliocentrique de l’abondance de H2CO observée
dans la comète Hale-Bopp [5].
Afin de contraindre l’origine de HNC dans les
comètes, nous avons mesuré le rapport HNC/HCN
dans une dizaine de comètes situées à des distances
héliocentriques de 3 à 0,11 UA [6]. La distribution
spatiale de HNC dans la comète Hale-Bopp a été
étudiée par des observations à l’interféromètre du
Plateau de Bure [7].
Mesures du rapport HNC/HCN : Les mesures
ont été effectuées au télescope de 30-m de l’IRAM et
au Caltech Submillimeter Observatory (CSO) par
l’observations des raies J(1–0), J(3–2) et J(4–3) de
HCN et HNC [6]. En 2003 et 2004, nous avons eu
l’opportunité des comètes C/2002 X5 (KudoFujikawa) et C/2002 V1 (NEAT) qui sont passées à
0,2 et 0,11 UA du Soleil. En 2006, le passage de la
comète 73P/Schwassmann-Wachmann 3 (SW3) à
0,08 UA de la Terre offrait la possibilité de mesurer
le rapport HNC/HCN dans une comète de la famille
de Jupiter, et ce dans la coma interne. Le rapport
HNC/HCN présente une forte augmentation avec la
distance au Soleil entre 1 et 0,5 UA, et plafonne à
environ 20% en deçà de 0,5 UA (Fig. 1). Le rapport
HNC/HCN moyen est de 7% à 1 UA pour les comètes à longue période (dont la production gazeuse était
proche de 1029 s-1), mais inférieur à 1% pour
73P/SW3. Cette évolution héliocentrique, plus marquée que la dépendance avec l’activité gazeuse,
suggère que la production de HNC est liée à un processus thermique. Des mesures de laboratoire sont en
cours pour investiguer la dégradation de composés
organiques riches en azote qui pourraient produire du
HNC [8].
Figure 1 : Mesures du rapport HNC/HCN [6].
Observations interférométriques de HNC : La
raie J(1–0) de HNC à 91 GHz a été observée dans la
comète Hale-Bopp les 13 et 16 mars 1997 à
l’interféromètre du plateau de Bure en mode interférométrique et en mode antenne unique.
L’observation de HCN J(1–0) le 9 mars permet de
comparer les distributions spatiales de HCN et HNC.
L’interféromètre était en configuration compacte
fournissant des résolutions angulaires de 3-4’’ (3000
km au niveau de la comète).
Figure 2 : Image de HNC J(1–0) dans la comète
Hale-Bopp le 13 mars 1997.
La figure 2 montre la carte obtenue pour HNC le 13
mars. Elle présente des asymétries spatiales. Pour
étudier la distribution radiale de HNC, nous avons
HNC DANS LES COMETES: D. Bockelée-Morvan et al.
analysé les visibilités en fonction de la longueur de
la ligne de base (la sortie directe de l’interféromètre
à partir desquelles les images sont obtenues après
transformée de Fourier et déconvolution, cf. [9]), et
comparé les flux obtenus aux centres des cartes interférométriques (Fint) à ceux mesurés en mode antenne
unique (Fsd) dans un champ de vue de 54’’.
La distribution radiale de HNC est proche de
celle de HCN à la résolution angulaire de
l’interféromètre (Fig. 3). Les rapports Fsd /Fint pour
HNC sont légèrement supérieurs à ceux de HCN, ce
qui pourrait suggérer que HNC est produit par une
source étendue de faible extension radiale (<< 2000
km).
interférométriques excluent la production en quantité
significative de HNC par réactions d’isomérisation
de HCN, mais n’excluent pas qu’une partie du HNC
provient du noyau.
Figure 4 : Rapport des densités de HNC et HCN dans
la comète Hale-Bopp prédit par le modèle photochimique de [4].
Figure 3 : Rapport entre les visibilités de HNC (les
différents symboles correspondent au 13 et 16 mars)
et de HCN en fonction de la ligne de base.
Comme discuté dans l’introduction, il a été proposé
que, dans la comète Hale-Bopp, HNC était produit
par des réactions chimiques faisant intervenir HCN
et des ions ou des hydrogènes rapides créés par
photo-ionisation ou photodissociation [3,4]. La figure 4 présente le rapport des densités locales de
HNC et de HCN prédit par ces deux mécanismes.
On observe que la production de HCN devient significative dans la coma externe (> 105 km), en contradiction avec les observations interférométriques. La
figure 5 présente le rapport des visibilités HNC/HCN
attendu dans le cas où HNC serait uniquement produit par la réaction HCN+HgHNC+H (mécanisme
plus efficace que par réactions ion-molécule, [4], cf
Fig. 4). Le modèle prédit une chute très rapide du
rapport des visibilités, et ne reproduit pas les observations (Fig. 3).
Conclusion : L’évolution héliocentrique du rapport
HNC/HCN dans les comètes suggère que HNC est
produit par un processus fortement dépendant de la
température, comme la dégradation thermique de
composés organiques. La distribution spatiale de
HNC dans la comète Hale-Bopp indique que si ce
mécanisme était opérant dans la comète Hale-Bopp à
son périhélie, il est intervenu dès les premières centaines de kilomètres du noyau. Les observations
Figure 5 : Rapport des visibilités de HNC et de HCN
prédit par le modèle photochimique de [4].
Références : [1] Irvine W. et al. (1996) Nature,
382, 418–420. [2] Biver N. et al. (2002) Earth Moon,
& Planets., 90, 5–14. [3] Irvine W. et al. (1998)
Nature, 393, 547–550. [4] Rodgers S. et Charnley S.
(1998) ApJ 501, L227–230. [5] Fray N. et al. (2006)
Icarus, sous presse. [6] Biver N. et al. (2006) A&A,
449, 1255–1270. [7] Bockelée-Morvan et al. (2005)
Asteroids, Comets, Meteors, Buzios August 7–12,
2005. [8] Fray N. et al. (2006) Meteoritics & Planetary
Science, 39, 581–587. [9] Boissier et al. (2006) Colloque du Programme National de Planétologie, Nançy.

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