L`industrie belge de défense
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L`industrie belge de défense
LES RAPPORTS DU GRIP L’INDUSTRIE BELGE DE LA DEFENSE ______________________________________________________ ADAPTATION, CONSOLIDATION ET MYTHE DE LA RECONVERSION Luc Mampaey GROUPE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION SUR LA PAIX ET LA SECURITE 98/1 2 © Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP) rue Van Hoorde, 33 B-1030 Bruxelles Tél.: (32.2) 241.84.20 Fax: (32.2) 245.19.33 E-mail: [email protected] Website: www.grip.org RAPPORT DU GRIP 2000/1 RAPPORT DU GRIP 98/1 1 Préliminaire Ce Rapport du GRIP est publié dans le cadre de l'Action A10 du programme COST de la Commission européenne (European Cooperation in the Field of Scientific and Technical Research). Il est le résultat d'une recherche mise en œuvre à la demande des Services fédéraux pour les affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.) L'Action A10 du programme COST, pilotée par la Direction générale XII de la Commission européenne (DG XII - Sciences, Recherche et Développement) et inaugurée en décembre 1996, est intitulée "Restructuration et reconversion du secteur de la défense". L'objectif principal de cette action est de tirer le meilleur parti, sur le plan social et économique, de la restructuration et de la reconversion du secteur de la défense par l’amélioration des recherches sur le plan national, et de favoriser les travaux communs et la coopération entre les chercheurs européens en adoptant une approche comparative et internationale. Les pays qui participent actuellement à l'Action A10, à laquelle peuvent se joindre des pays non membres, sont l’Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Hongrie, l’Italie, la Norvège, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Suède. Chaque gouvernement a désigné une délégation pour le représenter; pour la Belgique elle se compose de: • Prof. Wally STRUYS, économiste, Ecole Royale Militaire ([email protected]). • Prof. VANDEVILLE, économiste, Université de Mons-Hainaut ([email protected]) • Luc MAMPAEY, ingénieur commercial, GRIP ([email protected]) Toute information complémentaire relative aux travaux de l'Action A10 du programme COST, et à la participation de la Belgique en particulier, peut être obtenue auprès des membres de cette délégation. Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles de l'auteur et n'engagent pas la Commission européenne ou les autres membres de la délégation belge à l'Action 10 du programme COST. RAPPORT DU GRIP 98/1 2 2ème édition (septembre 1998) Ce Rapport du GRIP est également disponible, sans les annexes, sur le site Internet du GRIP (en format PDF) http://www.grip.org Les annexes sont régulièrement mises à jour et peuvent être consultées ou téléchargées à cette même adresse. RAPPORT DU GRIP 98/1 3 Sommaire Préliminaire 1 Sommaire 3 Cartes, Graphiques et Tableaux 4 1. Justification de l'analyse du "secteur de la défense" en Belgique 5 2. Les dépenses publiques pour la défense de la Belgique 7 2.1. Quelques jalons de la réflexion économique 2.2. Elargir le débat sur la défense, la sécurité et le développement 2.3. Evolution des dépenses de défense 2.4. Répartition fonctionnelle des dépenses de défense 2.5. Crédits budgétaires publics pour la recherche et développement militaire 3. Les entreprises productrices d’équipements de défense en Belgique 3.1. Un secteur virtuel et variable 3.2. Structure régionale et sectorielle du secteur 3.2.1. Flandre: croissance discrète des activités de défense 3.2.2. Bruxelles-Capitale: diversification et stabilité 3.2.3. Wallonie: entre l'espoir et l'enlisement 3.2. La délocalisation des centres de décision 3.3. Dépendance envers les exportations 3.4.1. Evolution du marché mondial 3.4.2. Les exportations belges d'armements 4. Evaluation du secteur de la défense en Belgique 4.1. Choix d'une méthode 4.2. Essai d'évaluation microéconomique 4.2.1. Evaluation du chiffre d'affaires, de l'emploi direct et des résultats du secteur 4.2.2. Le bout du tunnel, mais pas pour tous 5. La reconversion 5.1. L'initiative communautaire KONVER 5.2. Les programmes KONVER régionaux 5.2.1. KONVER en région de Bruxelles-Capitale 5.2.2. KONVER en Flandre 5.2.3. KONVER en Wallonie 5.3. Les actions KONVER en faveur des entreprises du secteur de la défense en Région wallonne 7 7 9 11 14 17 17 17 18 20 20 23 23 23 26 31 31 31 31 33 34 34 35 36 36 36 37 6. Conclusions 41 Annexes 45 A. Evolution des principaux indicateurs macro-économiques de la défense pour la Belgique B. Monographies des 14 principales entreprises belges de l'armement C. Références bibliographiques 45 49 101 RAPPORT DU GRIP 98/1 4 Cartes, Graphiques et Tableaux Carte 1. Répartition régionale des principales entreprises belges productrices d'équipements de défense Graphique 1. La répartition du budget de l'Etat belge, 1998 - hors dette publique, en milliards de BEF courants Dépenses de défense (OTAN) et budget du Ministère belge de la Défense - 19751997, en milliards de BEF à prix constants de 1990 Dépenses de défense (OTAN) et budget du Ministère belge de la Défense - en pourcentage du PIB, 1975-1997, sur base des prix courants Répartition fonctionnelle des dépenses de défense de la Belgique - 1985-1997, en milliards de BEF aux prix constants de 1990 Répartition fonctionnelle des dépenses de défense de la Belgique - 1985-1997, en pourcentage du total Les CBPRD de défense - 1975-1997, en millions de BEF, aux prix constants de 1990 et en % des CBPRD totaux Les CBPRD totaux et de défense dans l'Europe des 15 - 1995, en ECU, aux prix courants, par habitant Exportations d'armements conventionnels, Comparaison des sources - index: 1995=100 Les livraisons d'armements conventionnels dans le monde - en milliards de USD constants 1997 Exportations d'armes et de munitions et licences d'exportations d'armements - 19891996, en milliards de BEF Répartition des exportations belges d'armements en 1996, par régions Répartition des exportations belges d'armements en 1996, par pays importateurs Résultats cumulés des 12 principales entreprises belges de défense - 1990-1996, en millions de BEF, l'emploi en unités Graphique 2. Graphique 3. Graphique 4. Graphique 5. Graphique 6. Graphique 7. Graphique 8. Graphique 9. Graphique 10. Graphique 11. Graphique 12. Graphique 13. Tableau 1. Tableau 2. Tableau 3. Tableau 4. Tableau 5. Tableau 6. Tableau 7. Tableau 8. Le Plan à Moyen Terme (PMT) 1997-1999; Tranche 1998 - en millions de BEF Investissements de R&D militaire dans 5 grandes entreprises belges - en millions de BEF courants Les quinze CEPA (Common European Priority Areas) du programme EUCLID Répartition régionale et sectorielle des entreprises belges de défense Les six principaux exportateurs et importateurs d'armements conventionnels - résultats cumulés, 1992-1996 Répartition du budget KONVER de 1993 à 1997 - en millions d'ECU Répartition régionale belge du budget KONVER 1994-1997 Les actions KONVER en Région wallonne, 1993-1999 RAPPORT DU GRIP 98/1 1. Justification de l'analyse du "secteur de la défense" en Belgique Contrairement aux grands pays européens, la France et le Royaume-Uni en particulier, la production d'armement en Belgique n'est pas, et n'a jamais été, un instrument privilégié d'expression de la souveraineté ou de la puissance de l'Etat dans la communauté internationale. La Belgique n'a pas de politique industrielle spécifique à la défense, ni d'ailleurs d'intérêts géostratégiques qui pourraient la soutenir et la justifier. Pas davantage de position dominante à défendre sur un marché européen de la défense en pleine restructuration, ni même de réels impératifs économiques de reconversion: hormis quelques exceptions (FN HERSTAL, MECAR), la plupart des entreprises du secteur de la défense sont déjà largement diversifiées, si bien que la contraction du marché de la défense n'est plus le paramètre dominant pour expliquer leurs difficultés. Pourquoi, dès lors, accorder une attention particulière à la production d'équipement de défense en Belgique? Statistiquement, le "secteur de la défense" n'existe pas dans les comptes nationaux. Disséminées entre les différentes branches de l'industrie manufacturière, principalement dans le secteur des fabrications métalliques (le Belgian Defense and Security Industry Group - BDIG regroupe quelques firmes au sein de Fabrimétal), les entreprises qui ont une activité de production d'équipement de défense constituent un secteur virtuel, difficile à circonscrire et à évaluer. Mais en dépit de ces constatations, identifier et suivre l'évolution de ces entreprises est toujours un exercice pertinent et indispensable. Tout d'abord, ce sont elles qui répondent à la demande exprimée par le budget du ministère de la Défense nationale (MDN). Offre et demande se rencontrent sur un marché particulier, sensiblement différent des marchés civils plus concurrentiels, et dont les caractéristiques et le fonctionnement sont sources de défaillances qui impliquent l'intervention fréquente des pouvoirs publics. Dans ce contexte, définir et évaluer l'importance de ce secteur, agissant sur un marché aux caractéristiques originales, est un bon point de départ pour l'analyse de l'impact des 5 dépenses de défense dans le processus économique: c'est la base d'une réflexion sur l'économie de la défense. Deuxièmement, conséquence directe de la fin de confrontation Est-Ouest, mais aussi de la crise des finances publiques qui sévit dans la plupart des pays, les entreprises de défense sont confrontées à un marché des armements conventionnels qui s'est réduit de moitié au cours des dix dernières années. Constats de surcapacité, restructurations, fermetures, fusions: les entreprises européennes de l'armement traversent depuis la fin des années 80 une période tourmentée. Les ajustements structurels qui s'opèrent sont lourds à supporter, tant sur le plan économique que social. En Belgique, c'est dès le début des années 80 que les industries de la défense entrent dans la tempête, bien avant leur homologues européennes. Une crise précoce qui s'explique par la forte diminution des achats d'équipements du Ministère de la Défense nationale qui a suivi les grands programmes de rééquipement des années 70 [de Vestel, 1994]. Aujourd'hui, la plupart des entreprises ont achevé ce redimensionnement et connaissent quelque répit, voire un réel redémarrage, mais d'autres s'enlisent. Comme jadis dans la sidérurgie, le textile ou le charbon, l'accompagnement politique de cette mutation industrielle nécessite une vision claire du secteur, des entreprises qui le composent, des sous-traitances et des disparités régionales et sectorielles. Ensuite, on constatera que les entreprises belges du secteur de la défense sont surtout exportatrices: la part de production destinée à répondre à la demande nationale en équipement de défense est marginale. Pour beaucoup d'entre elles, les clients sont essentiellement des pays en voie de développement. Le commerce extérieur d'équipement de défense déborde donc aussi sur le terrain de la politique étrangère et de la coopération au développement, et pose d'emblée le problème de la relation entre l'aide au développement et le niveau des dépenses militaires des pays bénéficiaires de cette aide. Beaucoup de pays pauvres dépensent trois à quatre fois plus pour leur défense que pour la santé et l'éducation. Cette constatation explique les propositions régulièrement réitérées en faveur d'un système liant la poursuite des aides économi- RAPPORT DU GRIP 98/1 ques à une limitation des dépenses militaires1 des pays bénéficiaires. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les pays développés sont les principaux fournisseurs d'armements de ces pays en développement (cfr § 3.4.1.); imposer des critères pour limiter la demande en armements dans les pays bénéficiaires de l'aide au développement n'a donc de sens que si, simultanément, des mesures vigoureuses contribuent à réduire l'offre, donc les capacités de production des entreprises d'armements les plus exportatrices. Or nous savons bien que la plupart des industries de défense occidentales ne pourraient pas, actuellement, atteindre leur taille minimale optimale sans un accès au marché supranational, largement dominé par la demande des pays en voie de développement. Parallèlement au renforcement des limitations et des contrôles des exportations d'armements, les pouvoirs publics doivent donc aussi veiller à ce que les restructurations transnationales soient conformes à l'intérêt collectif, c'est-à-dire: (1) ne pas être une entrave au développement durable des pays pauvres, (2) garantir une cohésion sociale et le maintien de l'emploi malgré les ajustements structurels, et (3) maintenir une base industrielle minimale mais suffisante pour optimiser le coût et l'efficacité de la sécurité européenne. Enfin, on ne peut passer sous silence l'ambiguïté des politiques fédérale et régionales en Belgique. Les ministres du Commerce extérieur et des Affaires étrangères ont dans leurs compétences l'attribution des licences d'exportations de l'armement et des technologies y afférentes; ces mêmes ministres ont par ailleurs pris l'initiative de créer un Comité interministériel chargé de lutter contre le trafic illégal d'armements conventionnels. Or ce sont bien les armements légalement vendus jadis que nous retrouvons dans les trafics actuels; de même, ce sont les ventes régulières d'aujourd'hui qui alimenteront de nouveaux trafics, de nouvelles milices et groupes armés dans dix ou vingt ans. Autre paradoxe de la politique fédérale, le ministre de la Politique scientifique autorise l'organisation du 1 Le FMI et l'OCDE ont déjà fait des propositioins en ce sens, mais la dernière en date est soutenue par le Rapport Martens (COM(96)0570 - C4-0639/36) à propos du Livre Vert sur les relations entre l'Union européenne et les pays ACP à l'aube du 21ème siècle. Ce rapport propose d'imposer une limitation des dépenses militaires des pays africains bénéficiaires de l'aide à 1% de leur PNB, sous peine d'une diminution de l'effort de coopération. 6 Salon de l'armement très contesté de l'AFCEA2 à Bruxelles en octobre 1997, alors que le Secrétaire d'Etat à la Coopération et au Développement s'engage pour la prévention des conflits et une restriction de la production et des exportations d'armements. Au niveau régional aussi, la politique industrielle dans le domaine de la défense peut laisser perplexe. En Wallonie, les entreprises les plus diversifiées et bénéficiaires (TECHSPACE AERO et SONACA) reçoivent des aides à la reconversion, tandis que FN HERSTAL, dont la Région wallonne est redevenue l'unique actionnaire depuis novembre 1997, s'enlise dans le militaire sans aucun recours aux fonds de reconversion disponibles. Souvent sur fond de querelles et d'invectives communautaires 3, intérêts économiques et éthique commerciale sont perpétuellement dos-àdos. Mais au-delà de ces clivages et paradoxes, la diminution des achats nationaux, la contraction du marché mondial, et la nécessité d'assurer un développement durable aux pays en développement, sont autant d'éléments qui plaident pour une restructuration en profondeur du secteur de la défense. Dans ce domaine, la connaissance des entreprises, de la nature des armements produits et des marchés visés sont donc des données indispensables pour qu'émerge une politique coordonnée prenant en compte la dimension éthique ainsi que les implications politiques, économiques et stratégiques à long terme de la problématique du commerce des armes. Cette analyse devrait permettre de mieux connaître les entreprises qui composent le "secteur" de la défense en Belgique, et de mieux comprendre leur environnement national et supranational. Les conclusions donneront quelques indications sur les perspectives à moyen terme, et seront aussi l'occasion d'évoquer quelques pistes pour orienter les initiatives que pourraient adopter les pouvoirs publics à l'avenir. 2 Armed Forces Communications and Electronics Association: les contestations suscitées par cette manifestation ont incité les organisateurs à quitter Bruxelles après 18 ans de présence. Le prochain Salon de l'AFCEA se tiendra en République Tchèque, à Brno, en octobre 1998. 3 Le journal flamand Het Nieuwsblad réaffirmait le 31 octobre 1997, sous la plume de Mom Vanderostyne, le pacifisme et le dégoût des armes du peuple flamand, tandis que des industries wallonnes cherchent leur profit dans la vente d'engins de mort. RAPPORT DU GRIP 98/1 2. Les dépenses publiques pour la défense en Belgique 2.1. Quelques jalons de la réflexion économique Ce n'est que très récemment que la place des dépenses de défense dans le processus économique a fait l'objet d'un véritable débat contradictoire. Au début du 19ème siècle, les dépenses militaires sont si faibles que ni les économistes classiques anglais, ni les marxistes, ne jugent nécessaire de leur accorder une attention particulière. Il faut attendre la montée du militarisme dans les dernières décennies du 19ème siècle pour que la socialiste allemande Rosa Luxembourg présente la première analyse approfondie du rôle des dépenses de défense, et de la ponction fiscale qui leur correspond, dans le mouvement contemporain d'accumulation du capital [Chesnais, 1990]. Pendant la plus grande partie du 20ème siècle, rien ne distinguait les dépenses de défense des autres dépenses publiques et leur justification, sinon leur encouragement, était largement, et sans doute abusivement [Serfati, 1995], inspirée des théories de John Maynard Keynes. Selon Keynes, les dépenses de défense pouvaient jouer, au même titre que n'importe quelle dépense publique, un rôle important dans la relance et le soutien de la demande globale. Cette interprétation excessive des théories de Keynes, donna naissance à l'expression keynésianisme militaire. Elle a conduit à une macroéconomie des dépenses de défense, identifiant un multiplicateur d'investissement et d'emploi d'origine militaire, qui a longtemps polarisé les débats sur les effets économiques des dépenses de défense et servi de fil rouge à toutes les politiques économiques des pays industrialisés. Certains économistes marxistes ont d'ailleurs défendu des positions analogues. Le système capitaliste étant perçu comme générateur d'instabilité économique, voire d'une tendance chronique au sous-emploi, les dépenses de défense auraient été un instrument privilégié de l'Etat pour compenser cette tendance [Baran et Sweezy, 1977]. De hauts niveaux des dépenses de défense étaient donc vus comme un instrument nécessaire au système capitaliste pour 7 absorber les surplus et maintenir la croissance. Encore sous l'ère du Président Ronald Reagan, aux Etats-Unis, l'idée dominante était que la relance des dépenses de défense pouvait constituer la réponse aussi bien au défi stratégique et militaire soviétique qu'au défi technologique et commercial japonais [Chesnais, 1990]. De nombreuses voix se sont élevées depuis pour dénoncer le fardeau économique auquel pouvait conduire les dépenses militaires et la production d'armements. L'impact final des dépenses de défense sur la croissance, l'emploi, l'inflation ou le commerce extérieur reste néanmoins un sujet encore largement controversé: il est indiscutable que cet impact existe, mais il est beaucoup plus difficile d'en déterminer l'ampleur, voire le sens [Aben, 1992]. Par contre, l'effet global, quantitatif et qualitatif, de ponction (ou de préemption) de ressources exercé par les dépenses de défense sur la formation de capital dans le secteur civil concurrentiel, de même que les possibilités très limitées de transferts de technologie et d'entraînement industriel de la recherche et développement militaire semblent aujourd'hui suffisamment démontrés [Chesnais et Serfati, 1990; Serfati, 1995 et 1996]. 2.2. Elargir le débat sur la défense, la sécurité et le développement Ces travaux récents permettent d'examiner avec un regard différent l'évolution des dépenses de défense. La réflexion doit cependant aller plus loin que la seule remise en cause du rôle de moteur technologique et économique longtemps attribué aux dépenses de défense. Il faudrait aussi s'interroger sur la conception étatique traditionnelle de la défense qui persiste à établir une stricte corrélation entre le niveau de sécurité et celui des dépenses de défense. Le 7 mai 1997, M. Cutileiro, Secrétaire général de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), tentait de convaincre les parlementaires belges de la Commission de la Défense nationale que "le monde reste dangereux et qu'il est temps d'augmenter les budgets de la défense"4. Mais l'option militaire est-elle toujours le meilleur rempart contre les "dangers" du monde? 4 Le Soir, 9 mai 1997 RAPPORT DU GRIP 98/1 Graphique 1. 8 La répartition du budget de l'Etat belge, 1998 hors dette publique, en milliards de francs courants 44,282 Financement de l'Union europ. 100,253 Communications et Infrastructure Affaires économiques 12,553 49,213 Classes moyennes et Agriculture 307,766 Affaires soc., Santé pub. et Environ. Emploi et Travail 22,710 227,728 Pensions Fonction publique 19,584 Finances Serv. gén. d'Appui policier et Gend. 55,999 29,979 98,699 Défense nationale Coopération au développement Affaires étrang. et Comm. extér. Intérieur 22,001 10,806 13,219 Premier Ministre Dotations 0,000 Total (hors dette publique) : 1089,366 MdBef Dette publique : 1551,370 MdBef Budget général 1998 : 2640,736 MdBef 40,343 Justice 21,743 12,489 50,000 100,000 150,000 200,000 250,000 300,000 350,000 GRIP DATA 1998 - Source: Budget général des dépenses pour l'année budgétaire 1998, Chambre des Représentants de Belgique, session ordinaire 1997-1998. La Belgique dépense encore quelque 100 milliards de francs belges, par an, pour sa défense. C'est bien plus que pour l'emploi et le travail, la justice et la coopération au développement réunis (Graphique 1). Au même moment, de moins en moins de citoyens connaissent la sécurité dans leur vie quotidienne, la précarité et les disparités socio-économiques sont de plus en plus criantes. L'écart entre pays du Nord et du Sud s'accroît, les conflits régionaux se multiplient, et le monde développé s'écarte chaque année un peu plus des grands objectifs qu'il s'était fixés en 1992 à Rio 5. Il est donc urgent de rappeler que les dépenses de défense ont un coût d'opportunité équivalent aux investissements qui ne pourront être réalisés dans la justice, la santé, l'enseignement, la sécurité urbaine, la coopération au développement, ou d'autres dépenses d'utilité publique. Simulta5 A la Conférence de Rio, en 1992, les pays industrialisés s'étaient engagés à contribuer, à raison de 0,7% de leur PIB, au développement du Sud. En 1995, l’aide de l’Union européenne n’était que de 0,37% de son PIB, alors qu’elle était de 0,45% en 1985. L’aide des Etats-Unis est tombée de 0,24% en 1985 à 0,1% de son PIB en 1995. nément, on ne peut évidemment pas ignorer les obligations de la Belgique vis-à-vis de la Communauté internationale et les nouvelles missions militaires qui en découlent (notamment les missions définies dans la Déclaration du Petersberg de l'UEO, ou les récentes opérations dans le cadre des Nations Unies). La marge de manoeuvre est donc étroite. Elargir le débat sur la notion même de défense n'en est que plus souhaitable pour concilier obligations immédiates et objectifs de sécurité et de développement à long terme. Avant d'aborder l'analyse du secteur industriel proprement dit, les quelques données de base présentées dans les pages suivantes éclaireront l'évolution des dépenses militaires au cours des 20 dernières années en Belgique. Elles montreront, notamment, que la Belgique n'est pas la lanterne rouge des pays de l'OTAN comme le prétendent parfois les partisans d'un accroissement du budget de la Défense nationale. Enfin, quoique marginaux dans notre pays, les investissements de recherche et développement spécifiquement militaires seront également brièvement abordés. RAPPORT DU GRIP 98/1 2.3. Evolution des dépenses de défense de la Belgique Les graphiques 2 et 3 représentent, en valeur et en pourcentage du PIB, l'évolution du budget du ministère belge de la Défense nationale ainsi que celle, parallèle, des dépenses de défense au sens plus large défini par l'OTAN. La définition OTAN des dépenses de défense est légèrement différente de la notion de budget de la défense du ministère de la Défense nationale. Dans la définition OTAN, les dépenses de type civil du Ministère de la Défense ne sont pas incluses tandis que les dépenses de type militaire des autres Ministères le sont, les aides militaires sont inclues dans les dépenses du pays donateur et non du bénéficiaire, les achats d’équipement militaires sont comptabilisés à la naissance de la dette et non au moment du paiement, les dépenses de recherche et développement militaires sont incluses dans les dépenses d’équipement, enfin, les pensions versées aux retraités sont comprises dans les dépenses effectuées pour le personnel. Ces différences, principalement le poids des pensions versées aux militaires à la retraite, expliquent les chiffres du budget du ministère belge de la Défense nettement inférieurs aux estimations de l’OTAN. Ces dernières reflètent donc plus fidèlement l’effort financier global que nécessite la défense du pays. Dans la suite de l'exposé, nous préciserons s'il est fait référence aux dépenses de défense selon l'OTAN dépenses de défense [OTAN] -, ou aux dépenses du budget du Ministère de la Défense nationale - budget de la défense [MDN]. Dès 1992, suite à la décision d'adopter le plan Delcroix, la Belgique s'est engagée dans une opération de restructuration sans précédent de ses forces armées 6. Le plan Delcroix ne fait cependant qu'accentuer les importantes restrictions que la crise des finances publiques avait imposées dès le début des années 80: depuis le sommet atteint en 1981 jusqu’à 1997, le budget de la défense [MDN] a diminué de quelque 38% en termes réels. Parallèlement, l'importance relative de la défense dans le produit intérieur 6 à lire dans les Publications du GRIP: André DUMOULIN - Opération "Bear 97", L'armée belge en mutation - Les Dossiers du GRIP, n° 189-190, Bruxelles, 1994. 9 brut (PIB) a été réduite de moitié: en 1997, le budget de la défense ne représente plus que 1,13% du PIB, contre 2,25% en 1975, avec un sommet à 2,47% en 1981. Quasi parallèle à la courbe du budget de la défense (MDN), les dépenses de défense [OTAN] de la Belgique ont diminué de 39% en termes réels entre le sommet de 1981 et 1997. En pourcentage du PIB, les dépenses de défense [OTAN] de la Belgique sont passées de 3,1% en 1975 à 1,6% du PIB en 1997, avec un sommet de 3,5% en 1981. Cette dégradation de la relation entre dépenses militaires et PIB est souvent l'argument retenu par les partisans d'une indexation du budget de la défense. Selon cette opinion, la Belgique serait parmi les plus mauvais élèves des Etats membres de l'OTAN puisqu'en 1997, l'ensemble des pays de l'OTAN ont dépensé en moyenne 2,8% de leur PIB pour la défense; la moyenne pour les seuls pays européens de l'OTAN a été de 2,2%. Ces moyennes sont cependant exagérément tirées vers le haut par trois pays dont les dépenses militaires restent démesurées, pour des raisons qui leur sont propres et ne peuvent servir de référence pour la Belgique. Les Etats-Unis d'une part (3,4% en 1997), dont la puissance militaire est un des piliers d'une politique étrangère destinée à asseoir son hégémonie dans le monde. La Grèce et la Turquie d'autre part (respectivement 4,6 et 3,3% du PIB en 1997), dont les dépenses militaires très élevées ne sont pas étrangères au contentieux sur Chypre, pour lequel l'option militaire est une menace régulièrement brandie. A côté de ces épiphénomènes, de nombreux pays de l'OTAN ont, exprimées en 1997 par rapport à leur PIB, des dépenses de défense [OTAN] assez comparables aux nôtres (1,6% de notre PIB): le Luxembourg (0,8%), le Canada (1,3%), l'Espagne (1,4%), l'Allemagne (1,6%), le Danemark (1,7%), et l'Italie (1,9%). Cependant, plutôt que les variations des montants absolus, c'est l'évolution de la répartition fonctionnelle de ces dépenses qui doit retenir l'attention. Et en particulier la part consacrée au renouvellement des équipements, déterminante pour l'avenir des entreprises du secteur. RAPPORT DU GRIP 98/1 Graphique 2. 10 Dépenses de défense (OTAN) et budget du ministère belge de la Défense nationale (MDN) 1975-1997, en milliards de BEF à prix constants de 1990 200 180 milliards BEF constants 1990 160 140 120 100 80 60 40 20 0 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 Budget de la défense (MDN) 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 Dépenses de défense (OTAN) GRIP DATA 1998 - Sources: OTAN et MDN Graphique 3. Dépenses de défense (OTAN) et budget du ministère belge de la Défense nationale (MDN), en pourcentage du PIB 1975-1997, sur base des prix courants 4,00% 3,50% 3,00% % du PIB 2,50% 2,00% 1,50% 1,00% 0,50% 0,00% 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 Dépenses de défense de la Belgique (OTAN) en % du PIB Budget de la défense de la Belgique (MDN) en % du PIB GRIP DATA 1998 - Sources: OTAN et MDN 93 94 95 96 97 RAPPORT DU GRIP 98/1 11 ments. Hors budget, le département de la Défense dispose aussi de l'autorisation d'affecter à de nouveaux investissements les recettes provenant de la vente des matériels et domaines excédentaires. Chiffrées à environ 3 milliards de francs pour l'exercice 1997, ces ressources additionnelles ne compensent évidemment pas les restrictions budgétaires pour l'achat d'équipements. 2.4. Répartition fonctionnelle des dépenses de défense Restrictions budgétaires, nouvelles missions et passage vers une armée de métier ont sévèrement influencé la répartition fonctionnelle des dépenses de défense. En 1994, le Livre blanc de la défense traduisait bien cette évolution: "Alors qu'en 1985 la répartition des dépenses approchait encore toujours la clé de répartition traditionnelle réservant 50% du budget au personnel, 25% au fonctionnement et 25% aux investissements, la situation s'est complètement modifiée par la suite, surtout à partir de 1989". L'OTAN réparti les dépenses de défense des pays membres en quatre catégories distinctes: le personnel, l'équipement, l'infrastructure et une rubrique "autres dépenses" pour tout ce qui n'entre pas dans les trois premières. Cette subdivision permet de mieux isoler les achats d'équipements et autorise des comparaisons correctes entre les pays de l'Alliance. Bien que marginales en Belgique, il faut aussi garder à l'esprit que le poste équipements contient également les dépenses publiques de recherche et développement militaire. Les dépenses de défense [OTAN] permettent de constater des mutations dans la répartition des dépenses semblables à celles observées pour le budget [MDN]. La répartition a été relativement stable jusqu'en 1987: environ 62% pour le personnel, 13% pour l'équipement, 5% pour l'infrastructure et 20% pour les autres dépenses. Le budget de la Défense nationale [MDN] est divisé en trois catégories: le personnel, les investissements et le fonctionnement. La demande adressée aux entreprises du secteur de la défense trouve son origine dans le poste investissements (dont il faut soustraire les dépenses liées aux infrastructures) et dans une partie du poste fonctionnement (pour les munitions et certaines pièces de rechange). On constatera que la clé de répartition actuelle est effectivement très éloignée des traditionnels 50-25-25. Pour l'année 1997, les dépenses de personnel représentaient 58,8% du total, le fonctionnement mobilisait 23,7% des moyens, tandis que seuls 17,4% restaient disponibles pour les investisse- Graphique 4. Répartition fonctionnelle des dépenses de défense de la Belgique 1985-1997, en milliards de BEF aux prix constants de 1990 180 160 milliards BEF constants 1990 140 120 100 80 60 40 20 0 85 86 87 88 Personnel GRIP DATA 1998 - Sources: OTAN 89 90 Equipements 91 92 93 Infrastructures 94 95 Autres 96 97 RAPPORT DU GRIP 98/1 Graphique 5. 12 Répartition fonctionnelle des dépenses de défense de la Belgique 1985-1997, en pourcentage du total 100% 90% milliards BEF constants 1990 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 85 86 87 88 Personnel 89 90 91 Equipements 92 93 Infrastructures 94 95 96 97 Autres GRIP DATA 1998 - Source: OTAN Dans une enveloppe en constante contraction, cette répartition s'est modifiée au fil des ans. Les dépenses pour le personnel, moins compressibles, dominent maintenant largement. Tout en diminuant de 26,69% en termes réels entre 1985 et 1996, elles ont progressivement grignoté 7% de plus dans le total des dépenses, passant ainsi de 63,0% en 1985 à 68,9% du total en 1996. Inversément, les dépenses d'équipement chutent de 73,36% en termes réels sur la même période, et voient leur part relative dans le total des dépenses considérablement rognée, passant de 12,7% du total en 1985 à 5% du total en 1996. Ces tendances illustrent bien l'ensemble des problèmes que pose le redimensionnement des activités de défense en Belgique: • le coût social élevé engendré par un dégage- ment massif des effectifs; • la difficulté pour les militaires de faire face aux nouvelles missions internationales et de maintenir un niveau d'équipement suffisant et adéquat; • l'impact négatif de la contraction de la demande nationale d’équipements militaires sur des entreprises de défense confrontées à un marché international de plus en plus compétitif. Enfin, il faut reconnaître que l'absence de planification à long terme constitue un handicap supplémentaire pour les entreprises du secteur de la défense. Les griefs régulièrement exprimés par les représentants du secteur 7 sont partiellement fondés sur ce point. L'industrie belge possède incontestablement quelques pôles d'excellence dans le domaine militaire; il est évident qu'elle devrait disposer d'un plan à long terme stable (PLT), c'est-à-dire d'indications claires du gouvernement sur les besoins futurs, les procédures et les calendriers d'acquisition, tant pour définir sa stratégie sur le marché européen de l'armement qui se met progressivement en place, que pour valoriser ses compétences spécifiques dans des programmes de coopération européenne dès la phase de recherche et développement. Cette revendication légitime des industriels ne saurait cependant justifier une relance des dépenses militaires, mais s'inscrit un contexte de réduction globlale des capacités de production militaire. Toutes les forces démocratiques doivent concourir à rendre cette réduction continue et irréversible en repoussant par tous les moyens (prévention, diplomatie, aide au développement) 7 Intervention de Mr J.P. Rasquin, président du Belgian Defence and Security Industry Group, lors du débat au Parlement "Quelle armée demain?", le 13 mai 1997. RAPPORT DU GRIP 98/1 le seuil du recours à l'option militaire dans la résolution des conflits. Dans un environnement appelé à se démilitariser davantage, et nécessitant des moyens nouveaux pour de nouvelles missions des forces armées, la planification à long terme donnerait également des indications claires pour engager une reconversion, ou une diversification durable des activités de défense. Ce PLT fait actuellement défaut en Belgique. Le Conseil des ministres du 17 janvier 1997 a approuvé le Plan à moyen terme (PMT) pour les années 1997 à 1999, un document d'orientation énumérant les investissements pour le rééqui- 13 pement et la modernisation du matériel des forces armées. Ce PMT est défini dans les limites étroites de la marge budgétaire restant après le règlement des coûts en personnel et en fonctionnement. L'objectif du PMT est prioritairement de prolonger la durée de vie des matériels grâce à des programmes de modernisation et de standardisation afin de réduire les coûts d'exploitation. Ce n'est que lorsque cette option n'est plus possible que le remplacement par du matériel neuf est prévu. La tranche 1998 de ce PMT a été approuvée par le Conseil des ministres du 23 janvier 1998 et prévoit des investissements pour un montant de 18 milliards BEF. Tableau 1. Le Plan à moyen terme 1997-1999, Tranche 1998 Programmes PMT 1997-1999 Tranche 1998 en millions de BEF Radios HF Informatique JSI Command and Control Information System (CCIS) (Etat-Major) Command and Control Information System (CCIS - Force Terrestre) Wing Command and Control Inform, System (CCIS - Force Aérienne) BElgian MIlitary SATellite COMmmunications (BEMILSATCOM) Military Message Handling System RITA 2000 Remplacement des shelters RITA Programmes satellitaires d'observation et de télécommunications Système d'arme antichar (ATk) moyenne portée de 3ème génération Remplacement de dépanneuses, transp. chars et remorques 26 t. Remplacement du matériel de génie du CTI (grues, compresseurs,...) Camionnettes 1,9 tonnes Mortiers 120 mm pour l'infanterie et la Brigade Para-commando Remplacement des chars-ponts Remplacement des gyroscopes de l'artillerie Remplacement des drones Remotely Piloted Vehicle (RPV/Drone) Precision Guided Munition (PGM) - Missiles Maverick Mid-Life Update (MLU) F-16 Medium Level Camera's F-16 Renforcement de la flotte SEA KING Future Large Aircraft (FLA), pre-launch activities Remplacement d'un BOEING 727 Remplacement du C-130 détruit aux Pays-Bas le 15 juillet 1996 Dragueurs de mines côtiers Consolidation des frégates Capability Upkeep Program (CUP), modern. chas. mines tripart. (CMT) Remplacement des remorqueurs et Ready Duty Ship (RDS) Programmes médicaux Programmes ITC TOTAL GRIP DATA 1998 - Source: communiqués de presse du MDN 190 590 1000 290 700 280 3000 6200 1100 350 2600 1500 1200 330 2400 580 3500 120 130 495 500 12000 1500 1800 120 1200 35 94 50 680 2684 131 70 6223 60 1422 1255 2394 1320 130 60 220 380 199 142 380 135 18064 RAPPORT DU GRIP 98/1 14 20% des CBPRD totaux consacrés à la défense, certains pays dépassant même les 30% voire 40% (France et Royaume-Uni) [source: EUROSTAT 1997]. A titre de comparaison, les Etats-Unis consacrent toujours à la recherche et développement militaire quelque 54% de leurs CBPRD totaux [source: OCDE 1997]. Une autre comparaison utile est celle portant sur les investissements de R&D réalisés par habitant dans les pays de l'Union européenne. C'est ce que montre le graphique 7: la faiblesse des dépenses publiques de R&D militaire apparaît clairement pour la Belgique, mais on constate que nous sommes aussi dans le peloton de queue en ce qui concerne les dépenses publiques globales de R&D civile. Seuls six pays font moins bien que la Belgique, et c'est là une réalité bien plus inquiétante pour la relance du secteur industriel. 2.5. Les crédits budgétaires publics pour la recherche et développement militaire Les dépenses publiques pour la recherche et développement à but militaire ont toujours été très faibles en Belgique. Presque dérisoires même, si bien qu'il suffit parfois d'un seul nouveau projet ou décision pour que ces dépenses passent du simple au double d'une année à l'autre. Le graphique 6, basé sur les statistiques de EUROSTAT, révèle que les crédits budgétaires publics de recherche et développement (CBPRD) consacrés à la défense sont ainsi passés (à prix constants de 1990) de 75 millions de francs en 1994 à 143 millions en 1995 et 202 millions en 1996. Depuis 1975, les dépenses pour la R&D militaires n'ont jamais dépassé 1,6% du total des crédits bugétaires publics pour la recherche et le développement (CBPRD). Elles représentaient 0,34% du total des CBPRD en 1995 et 0,44% en 1996. Le niveau peu élevé de ces dépenses de R&D militaire ne dispense cependant pas de s'interroger sur les raisons de leur étonnante croissance depuis 1994, et une meilleure information sur le contenu des programmes dans lesquels s'engagent les pouvoirs publics serait souhaitable. La grande inconnue est évidemment le niveau réel des investissements de recherche et développement spécifiquement militaire réalisés par les entreprises. Suite à une enquête réalisée par le GRIP, certaines d'entre elles ont accepté de communiquer des chiffres (Tableau 2). Ces données restent néanmoins parcellaires et, en l'absence de quelques entreprises importantes, ne permettent pas d'extrapoler à l'ensemble du secteur. On observe néanmoins qu'une entreprise comme THOMSON-CSF ELECTRONICS BELGIUM investit souvent à elle seule autant que les pouvoirs publics. La R&D militaire des entreprises concerne surtout des programmes de coopération européenne, par exemple dans le cadre du programme EUCLID. Ces chiffres très bas contrastent avec les situations observées dans les autres pays européens, qui se situent actuellement dans une moyenne de Tableau 2. Investissements de R&D militaire dans 5 entreprises belges (en millions de BEF courants) BATS Forges de Zeebrugge PB Clermont Techspace Aero Thomson CSF Elec. B. 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 : : 10,3 12,9 15,0 46,8 8,2 12,2 51,0 59,0 61,0 46,0 44,0 37,0 16,0 18,0 : : 12,0 8,0 6,4 17,6 12,0 9,6 20,5 15,7 24,2 0,8 3,7 17,7 11,9 20,1 : : : 109,0 113,0 145,0 138,0 90,0 GRIP DATA 1998 - Source: enquête du GRIP auprès des entreprises ( : ) données non communiquées RAPPORT DU GRIP 98/1 15 Rappelons brièvement que l'initiative du programme EUCLID (EUropean Cooperation for the Long Term In Defence), adopté en juin 1989, a été prise dans le cadre du Groupe européen indépendant de Programmes (GEIP), devenu depuis le Groupe Armement de l'Europe occidentale (GAEO). Le programme a officiellement démarré à la signature, le 16 novembre 1990, du Mémorandum d'entente entre les treize membres européens de l'OTAN qui composent le GAEO. EUCLID a pour but, d'une part d'optimiser les ressources européennes consacrées à des études de recherche et de technologie et, d'autre part, de faciliter la coopération dans les programmes d'acquisition de matériel, en vue de préparer un futur marché européen des matériels de défense. Présenté en 1989 comme l'équivalent militaire de EUREKA, le programme EUCLID s'adresse surtout aux entreprises du secteur de l'électronique, comme en témoigne la liste des domaines prioritaires de coopération européenne, les CEPA (Common European Priority Areas), au sein desquels sont organisés des "Projets de Recherche et Technologie" (PRT) en fonction des futurs besoins en armement. Parmi les entreprises belges les plus impli- quées, nous retrouvons notamment (cette listen'étant pas exhaustive): • Alcatel ETCA − Microélectronique: interconnexion et assemblage (CEPA 2: PRT 2.2) − Technologie de la surveillance par satellite: concepts et harmonisations technologiques (CEPA 9: PRT 9.1) • BATS − Traitement avancé de l’information: reconnaissance des formes à grande vitesse (CEPA 6: PRT 6.2) • SONACA − Matériaux et structures avancés: étude de la tolérance aux dommages, techniques interférométriques et procédures de réparation (CEPA 3: PRT 3.1) • Spacebel − Technologie de la surveillance par satellite: technologie des capteurs optiques à haute résolution (CEPA 9: PRT 9.2) • Thomson CSF Electronics Belgium − Technologie de la surveillance par satellite: technologie du traitement des données en temps réel (CEPA 9: PRT 9.4) Tableau 3. Les quinze CEPA (Common European Priority Areas) du programme EUCLID CEPA 1 technologie moderne des radars CEPA 2 micro-électronique du silicium CEPA 3 matériaux et structures avancés CEPA 4 avionique modulaire CEPA 5 canon électrique (abandonné) CEPA 6 traitement avancé de l'information CEPA 7 maîtrise des signatures (abandonné) CEPA 8 opto-électronique CEPA 9 technologie de surveillance par satellite CEPA 10 détection sous-marine et technologies associées CEPA 11 simulation d'entraînement CEPA 12 aérothermodynamique et propulsion aérobie CEPA 13 défense biologique et chimique CEPA 14 matériaux énergétiques CEPA 15 technologie de contrôle et guidage des missiles Source: GRIP DATA 1998 RAPPORT DU GRIP 98/1 Graphique 6. 16 Les crédits budgétaires publics de recherche et développement (CBPRD) de défense de la Belgique 1975-1995, en millions de BEF aux prix constants de 1990 et en % des CBPRD totaux 600 1,8% 1,6% 500 400 1,2% 1,0% 300 0,8% 200 0,6% en % des CBPRD totaux millions BEF constants 1990 1,4% 0,4% 100 0,2% 0 0,0% 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 CBPRD de défense, en valeur 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 CBPRD de défense, en % des CBPRD totaux Source: GRIP DATA 1998 sur base de EUROSTAT Les crédits budgétaires publics de recherche et développement (CBPRD) totaux et de défense dans l'Europe des 15 1995, en ECU, aux prix courants, par habitant 18,7 250 48,4 68,4 300 24,6 231,5 50,2 39,9 0,5 88,3 144,4 A 114,8 149,2 189,7 155,4 7,9 NL 5,8 55,3 24,70,3 50 225,9 100 206,8 186,8 0,4 41,4 150 0,0 5,0 0,9 3,9 200 126,1 CBPRD, en ECU, par habitant, prix et taux de change courants en 1995 Graphique 7. 0 B DK D EL E F IRL I CBPRD civil Source: GRIP DATA 1998 sur base de EUROSTAT CBPRD défense P FIN S UK EUR15 RAPPORT DU GRIP 98/1 3. Les entreprises productrices d’équipements de défense 3.1. Un secteur virtuel et variable La plupart des auteurs utilisent indistinctement les termes "industries de défense" ou "industries d'armement", "secteur militaire" ou "secteur de la défense" pour désigner une même réalité: l'ensemble des entreprises productrices d'équipements de défense. Dans le cadre de cette étude, nous considérons l'équipement de défense, et a fortiori l'armement, au sens le plus large. Une entreprise de confection d'uniformes et de tenues de combat (SEYNTEX) ou une firme spécialisée dans les emballages de missiles et de munitions (INSERCO) sont donc couvertes par cette définition dans la mesure où leur activité est directement fonction de la dimension et de l'équipement des forces armées. De même, la question se pose de savoir à partir de quelle proportion du chiffre d'affaires réalisé dans la défense une entreprise est considérée comme faisant partie du "secteur de la défense". Ce problème de définition est renforcé par l'absence d'agrégat "défense" dans la comptabilité nationale. Comme nous l'avons déjà souligné dès le début de ce dossier, les entreprises que nous voulons étudier sont disséminées dans les diverses branches d'activités de l'industrie manufacturière, essentiellement dans les fabrications métalliques. Cette situation n'est pas particulière à la Belgique, d'autres auteurs ont buté sur le même constat [Chesnais, 1990], mais la taille des complexes militaro-industriels dans les grandes puissances rend les entreprises, du moins les principales, beaucoup plus visibles que chez nous, où la discrétion est la règle. Nous avons donc à définir un secteur virtuel, correspondant à un échantillon non exhaustif d'entreprises impliquées à des degrés divers dans la production d'équipements de défense, en étant bien conscients que le secteur ainsi défini relève partiellement d'un choix qui n'est pas à l'abri des critiques. C'est d'autant plus vrai que la part de la défense dans la production totale d'une entreprise est également fortement variable, d'une entreprise à l'autre, mais aussi d'un exercice à l'autre dans 17 une même entreprise. En effet, à l'exception de quelques entreprises exclusivement ou majoritairement militaire telles que FN HERSTAL, FORGES DE ZEEBRUGGE, MECAR ou THOMSON CSF ELECTRONICS BELGIUM, un grand nombre d'entreprises sont largement diversifiées et de moins en moins dépendantes des commandes militaires. Ces entreprises ont, et entretiennent, un savoir-faire dans le domaine de la défense, l'exploitent lorsque des contrats se présentent, mais peuvent le mettre en veille en période de "vaches maigres militaires" sans que cele n'affecte gravement la bonne marche de l'activité. Les sociétés CMI, WIDNEY ou INSERCO en sont des exemples. Enfin, il existe des entreprises qui préfèrent dissimuler autant que possible leurs activités militaires. Cette attitude est caractéristique des entreprises du secteur de l'électronique situées en Flandre. Dans cette région, tant les dirigeants de sociétés que les pouvoirs publics sont soucieux de ne pas heurter une opinion publique très attachée à conserver une image de peuple pacifiste en contraste avec la caricature d'une Wallonie marchande de canons. Déterminer le poids de l'activité militaire dans des groupes tels que BARCO, SIEMENS ou ALCATEL BELL s'oppose toujours à de fortes réticences, et c'est dès lors de la presse spécialisée (Defense News, Jane's Defence Review, ...) que sont généralement extraits les meilleurs indices de ce genre d'activités. 3.2. Structure régionale et sectorielle La production belge d'équipement de défense s'organise autour de deux grands pôles d'activités. Un premier pôle est celui des armes et munitions et de la construction mécanique, dépendant largement des exportations vers les pays en voie de développement. Le deuxième pôle, regroupant électronique et aéronautique, a longtemps vu son activité militaire dépendre des accords de compensation économique liés aux achats d'équipements du ministère de la Défense nationale. Ces dernières entreprises disposent néanmoins aussi de meilleurs atouts pour réussir leur diversification, d'une part grâce au caractère fortement dual des technologies qu'elles maîtrisent, et d'autre part grâce aux aides publiques qui leur ont permis d'intégrer de grands RAPPORT DU GRIP 98/1 programmes européens ou internationaux (Airbus, Agence spatiale européenne, le réacteur civil CFM-56,...) dès la fin des années 70, lorsque s’achevaient les grands programmes d’équi- pements du ministère de la Défense. La carte de Belgique figurant à la page 21 illustre bien la répartition déséquilibrée des entreprises de défense entre les Régions flamande et wallonne. Elle montre aussi la concentration des entreprises de défense dans les deux vieux bassins industriels wallons: la région carolorégienne et la région liégeoise, déjà rudement malmenées par la crise sidérurgique. Les limites territoriales sont celles des arrondissements, correspondant à des unités administratives de niveau 3 selon la Nomenclature des unités territoriales statistiques (NUTS) de EUROSTAT. 3.2.1. Flandre: croissance discrète des activités de défense En Région flamande, la dernière entreprise mono-productrice d'armement, les Poudreries réunies de Belgique (PRB réalisait les deux tiers de son activité en Flandre) a disparu en 1990. Il ne subsiste plus dans cette région que quelques entreprises duales impliquées ponctuellement dans des contrats militaires, essentiellement des productions à haute valeur ajoutée dans le domaine de l'électronique et l'optronique de défense. Les responsables industriels et politiques flamands nient volontiers l'existence d'une industrie de la défense en Flandre. Quelques entreprises génèrent cependant un chiffre d'affaires de plus en plus important dans la défense, avec une propension croissante à exporter comme en témoigne l'évolution en valeur des licences d'exportations accordées aux entreprises de la Région (voir annexe A, page 45). BARCO mérite une attention singulière. A l'origine vouée exclusivement à l'électronique grand public, BARCO a été sauvée de la faillite par l'exécutif flamand en 1981. La GIMV 8, société régionale flamande d'investissement, a investi 27 milliards de francs dans cette opération publique de sauvetage et a détenu jusqu'à 74% du capital en 1989. Depuis cet épisode, BARCO est devenue un symbôle, systématiquement rappelé 8 GIMV: Gewestelijke Investerings-maatschappij voor Vlaanderen. 18 par les observateurs et autorités en Wallonie lorsque le Nord du pays fustige l'interventionnisme wallon, comme récemment lors de la décision de rachat du groupe HERSTAL par la Région wallonne 9. En mars 1998, la GIMV détenait encore 33,75% du capital et son Président, qui est par ailleurs également Président du conseil d'administration du groupe BARCO, a rappelé sa ferme intention de maintenir la participation de la GIMV à son niveau actuel 10. Dans les années 80, BARCO a progressivement développé un activité militaire significative grâce à sa maîtrise de la technologie des écrans plats de haute-résolution, et à sa capacité de durcir ses produits civils pour les adapter aux conditions particulières de l'environnement militaire (mil-tailored products). BARCO est ainsi capable de proposer des écrans conformes aux spécifications militaires à un prix 2 à 6 fois inférieur à celui d'un écran conçu spécifiquement pour les militaires. Depuis, malgré les démentis de la direction ou des autorités régionales 11, BARCO n'a cessé de développer ses activités de défense que certaines sources évaluent actuellement à 30% des ventes annuelles 12 . Dès le début des années 90, BARCO équipait les F-16 belges ainsi que les chasseurs Rafale et emportait des marchés outre-atlantique pour l'US Air Force Missile Army Center. Plus récemment, en janvier 1997, BARCO a acquis la société XENIA dans l'Ohio dans le but d'accroître sa part du marché des simulateurs de vol. Mi-1997, le groupe courtraisien emportait un marché de 90 millions de francs pour l'équipement des consoles multi-fonctions de la firme espagnole SAINSEL qui seront installées sur trois nouvelles frégates F-100 de la force navale espagnole. BARCO fait également partie du consortium Flabel (avec notamment SABCA, SONACA et ASCO) pour la participation aux activités préparatoires du lancement de l'avion de transport militaire du futur ATF (en anglais FLA, Future Large Aircraft). En excellente santé, annonçant une croissance de 22% du 9 Voir aussi Luc MAMPAEY - FN Herstal: quel avenir pour la tradition armurière? - Les Rapports du GRIP, 97/2. 10 L'Echo - 26 mars 1998. 11 En octobre 1991, le ministre régional flamand de l'Economie De Batselier, socialiste (SP), affirmait avec insistance que l'objectif de BARCO n'était pas de se positionner sur les marchés militaires (De Morgen, 24 octobre 1991). 12 Defense News, 3 février 1997. RAPPORT DU GRIP 98/1 chiffre d'affaires et de20% du bénéfice courant net pour l'exercice 1997, le groupe BARCO se fixe pour objectif une croissance moyenne annuelle du bénéfice courant net de 15% au cours des prochaines années 13. Une progression que l'activité de défense n'a aucune raison de ne pas suivre vu la démarche dynamique qui a permis son développement en une décennie. SIEMENS N.V., filiale belge du groupe allemand, fêtera en 1998 son centième anniversaire. Le groupe SIEMENS A.G. a décidé, en octobre 1997, de céder ses activités défense aux groupes British Aerospace (BAé) et Daimler-Benz Aerospace (DASA). En Belgique, cette décision affectera directement la division SIEMENS-SI, située à Oostkamp, qui occupe encore directement 323 personnes 14 dans le domaine de l'électronique de défense. SIEMENS-SI restera cependant sous le contrôle belge de SIEMENS N.V. et un contrat signé avec le repreneur DASA prévoit que SIEMENS-SI restera un fournisseur privilégié pour les cinq années à venir. La fermeture de cette division n'est donc pas prévue dans l'immédiat; l'avenir dira si SIEMENS Belgique mettra ce délai à profit pour se retirer progressivement du militaire ou pour consolider une position indépendante du groupe allemand. SIEMENS compte, en Belgique, d'autres sociétés filiales partiellement actives dans la défense, parmi lesquelles ADB à Zaventem, spécialisée dans l'équipement de balisage et de contrôle d'aéroport, et SIEMENS ATEA à Herentals dans le domaine des télécommunications. Autre entreprise significative dans la défense: ALCATEL BELL, filiale anversoise du groupe français ALCATEL. Plus discrète qu'ALCATEL ETCA, sa sœur wallonne de Charleroi, ALCATEL BELL occupe néanmoins quelque 200 personnes dans sa division espace et défense située à Hoboken (Anvers). La firme vient de décrocher un contrat de 1,7 milliards de francs (45 millions USD) du constructeur aéronautique BOEING pour la livraison de systèmes de communication de haute technologie dans le cadre de la modernisation des avions-radars AWACS (Airborne Warning and Control System) 15. OIP (Optronic Instruments and Pro13 L'Echo, 26 mars 1998. 14 L'Echo, 19 décembre 1997. 19 ducts), filiale du holding néerlandais Delft Instruments, est spécialisée dans les systèmes optoélectroniques d'observation et de visée, tandis que l'activité de SEYNTEX dépend à environ 50% de la production de vêtements spécifiquement militaires et d'équipements personnels (tenues NBC, camouflage, etc.). Enfin, notons que le Conseil des ministres du 6 février 1998 a attribué la phase d'engineering pour la construction de quatre dragueurs de mines aux chantiers navals anversois SKB, seuls sur le marché militaire depuis la faillite de Béliard Polyship en 1994 et la liquidation de VSM en 1995. Alors que la diversification prend souvent, en Flandre, le sens d'un développement des activités liées à la défense, nous devons néanmoins citer l'exemple de l'équipementier ASCO qui semble parachever avec succès un retrait presque total du secteur militaire. Fondée en 1954, à Zaventem, pour des productions de mécanique de précision dans le secteur automobile [ADAM, 1989], ASCO a progressivement glissé vers des productions de véhicules blindés pour l'armée. En 1977, ASCO constitue l'éphémère BMF (Belgian Mechanical Fabrication) dont la seule production fut celle, à Aubange (en Wallonie) des 1.039 véhicules blindés de combat pour l'infanterie (VBCI) commandés par l'armée belge entre 1980 et 1988. En 1987, ASCO fut également citée dans une ténébreuse affaire d'acheminement de matériel occidental vers l'Iran via une filiale maltaise. Mais cette époque semble effectivement bien loin. ASCO s'est repositionnée dans le domaine des alliages hautement résistants (traitement du titane, aciers à base de cobalt et de nickel) et détient une participation de 35% dans le consortium BELAIRBUS 16. Airbus remplit actuellement 70% du plan de charge d'ASCO, l'essentiel du solde étant assuré par des programmes d'avions d'affaires (Global Express, Gulstream 5, Falcon 900 et 2000) et des sous-traitances (notamment des pièces de l'Embraer 145 pour SONACA). La Flandre est, il est vrai, totalement absente du secteur des armes et munitions au sens strict, mais son implication dans les armements mettant en oeuvre des technologies plus sophistiquées est aujourd'hui évidente. Or, tandis que la concurrence et les réglementations continueront 15 Financiële Economische Tijd, 9 janvier 1998 et L'Echo, 10 janvier 1998. 16 Le Soir, 13 juin 1997. RAPPORT DU GRIP 98/1 probablement à réduire le marché des armes et munitions conventionnelles, l'évolution des doctrines militaires pousse actuellement au développement de nouveaux systèmes d'armes qui utilisent des technologies très avancées dans le domaine des télécommunications, de l'électronique, de l'optique ou des propriétés électromagnétiques 17. L'incontestable dynamisme entrepreneurial flamand et le pacifisme populaire résisteront-ils longtemps à la fatale attraction de ces nouveaux marchés ? 3.2.2. Bruxelles-Capitale: diversification et stabilité La Région bruxelloise ne compte que deux entreprises significatives dans le domaine de l'électronique de défense ou de l'aéronautique militaire: le site bruxellois de SABCA encore majoritairement dépendant des commandes militaires (voir page 77), et SAIT Electronics, très diversifiée, mais dont certains équipements de télécommunication et de traitement de données ont également des applications militaires. 3.2.3. Wallonie: entre l'espoir et l'enlisement La Région wallonne est le berceau de l'industrie de défense traditionnelle (toutes les entreprises du pôle armes et munitions y sont établies) ainsi que des principaux constructeurs aéronautiques. Dans cette Région, confrontée à un déclin industriel sans fin qui n'épargne aucun secteur, les quelques milliers d'emplois procurés par les productions d'équipements de défense sont naturellement un enjeu important pour les autorités publiques et expliquent une attitude nettement plus interventionniste qu'en Flandre. Les entreprises mentionnées sur la carte sont celles qui réalisent une part significative de leur activité dans la défense, et de façon régulière. INSERCO, petite société située à Neten dans le Brabant wallon, n'est citée qu'à titre documentaire. Spécialisée dans les emballages indus- 20 triels, INSERCO a trouvé un débouché intéressant dans le domaine des emballages adaptés aux rigueurs des spécifications militaires telles que l'étanchéité ou la résistance aux températures extrêmes et aux produits chimiques. INSERCO compte des clients tels que la Royal Air Force ou BOEING, et fournit notamment les emballages des missiles Tomahawk de l'US Navy ainsi que ceux des moteurs des C-130 de LOCKHEED. Il est de même pour SABIEX International, installé à Braine-L'Alleud pour les entretiens, réparations et mises à niveaux de véhicules militaires, notamment les T55, T72, Léopard, M-109, M-113, etc. D'autres entreprises spécialisées travaillent encore pour le secteur de la défense, en sous-traitance ou ponctuellement. Citons SHUR-LOCK INTERNATIONAL à Verviers (fixations pour avions et moteurs), HEXCEL à Welkenraedt (leader dans les structures composites, notamment les "nids d'abeille"), TWIN-DISC à Nivelles et PRECIMETAL à Seneffe (mécanique de précision). Les entreprises wallonnes de défense ont connu leur crise la plus aiguë vers le milieu des années 80. Une précédente étude du GRIP [ADAM et al., 1991] estimait l'emploi direct généré par l'armement en Wallonie à 15.660 emplois en 1983. Selon nos estimations les plus récentes 18 , ce chiffre n'était plus que de 4.622 emplois en 1994 et devrait se situer autour de 3.000 emplois directs à l'heure actuelle, compte tenu du plan social décidé pour la FN HERSTAL. Cette perte de plus de 80% des emplois s'explique en partie par certaines fermetures d'entreprises, mais principalement par les restructurations: dans les entreprises aéronautiques, celles-ci ont généralement permis de renouer avec la croissance; dans le secteur des armes et munitions, par contre, les plans sociaux se succèdent sans aucune perspective réelle de redressement. La situation et les perspectives dans les entreprises wallonnes de défense seront examinées avec davantage de détails dans les fiches documentaires de l'annexe B de ce rapport. 18 17 Parmi lesquelles celles abusivement appelées "Armes non-létales" qui feront l'objet d'un prochain Rapport du GRIP: Les armes non-létales: nouvelles technologies au service d'une nouvelle course aux armements, Luc Mampaey, à paraître en décembre 1998. Estimations réalisées par le GRIP dans Etude de faisabilité et modèles de diversification en Région wallonne, Luc Mampaey et al., Rapport final pour le Ministère de la Région wallonne, Direction générale de l'Economie et de l'Emploi, réalisé dans le cadre de l'initiative communautaire KONVER, 1994. RAPPORT DU GRIP 98/1 21 Carte 1. Répartition régionale des principales entreprises belges productrices d'équipements de défense - par NUTS 3 (Arrondissement) Oudenaarde OIP-Delft Sensor System Bruxelles-Capitale SABCA Bruxelles SAIT Systems Antwerpen ALCATEL BELL SKB Turnhout ATEA Brugge BOMBARDIER-EURORAIL SIEMENS-SI Hasselt SABCA Limburg Liège FN HERSTAL FORGES DE ZEEBRUGGE TECHSPACE AERO CMI BATS BRITTE Ieper BARCO Tielt SEYNTEX Brabant flamand FABRISYS ASCO ADB Brabant wallon INSERCO International SABIEX International THOMSON CSF Elec. B. WIDNEY Europe Huy PB CLERMONT Charleroi Région de Bruxelles-Capitale Région flamande Région wallonne MECAR SABCA Gosselies SONACA ALCATEL ETCA Arlon EMI GRIP DATA 1998 RAPPORT DU GRIP 98/1 22 Tableau 4. Répartition régionale et sectorielle des entreprises belges de défense En italique, participation étrangère majoritaire Région flamande Aéronautique • ASCO • SABCA Limburg Dassault (F) 53% Région bruxelloise • SABCA Dassault (F) 53% Région wallonne • SABCA Dassault (F) 53% • SONACA • Techspace Aero SNECMA (F) 51% Electronique • ADB Siemens (D) • Barco • ATEA Siemens (D) • Alcatel Bell Alcatel (F) 100% • SAIT Systems • Alcatel-ETCA Alcatel (F) 55% • BATS Eltem Holding (NL) 51% • Thomson CSF Electronics Belgium Thomson CSF (F) 100% • Fabrisys • OIP (Optronic Instrument and Products) - Delft Sensor System Delft Instrument (NL) • Siemens-SI Siemens (D) • FN Herstal GIAT Industries (F) 92% jusqu'en novembre 1997, ensuite, rachat par la Région wallonne (100%). Armes et munitions • Forges de Zeebrugge Thomson Brandt Armement (F) 75% • MECAR Allied Research Corporation (USA) 100% • PB Clermont SNPE (F) 100% Construction mécanique • Bombardier Eurorail • CMI • EMI • SABIEX International • WIDNEY Europe Autres • SEYNTEX Source: GRIP DATA 1998 • INSERCO International RAPPORT DU GRIP 98/1 3.3. La délocalisation des centres de décision Une autre caractéristique de la Belgique est liée à l'actionnariat des entreprises. Il n'y a pas, à proprement parler, "d'industrie belge de la défense", la plupart des entreprises sont contrôlées par des groupes étrangers (Tableau 4). Cette main-mise étrangère s'est opérée en deux temps. Dans les années 60, plusieurs entreprises ont été acquises par des groupes étrangers qui cherchaient à s'assurer un accès privilégié au marché militaire belge en forte croissance. C'est l'époque où Dassault acquiert SABCA. C'est aussi le moment choisi par le groupe américain Allied Research Corporation pour implanter MECAR, profitant surtout du laxisme de la législation du moment pour les exportations d'armements. Une seconde vague d'acquisitions étrangères s'est produite au début des années 90 lorsque la Société Générale de Belgique a vendu ses entreprises d'armement au bord de la faillite (FN, PRB, FORGES DE ZEEBRUGGE). C'est alors essentiellement la France qui a saisi l'opportunité d'acquérir à bon prix des entreprises vidées de leur personnel. Le groupe FN cède sa division aéronautique, la future TECHSPACE AERO, au groupe français SNECMA en 1989, tandis que GIAT Industries reprend les autres activités du groupe en 1990. Après la faillite des Poudreries réunies de Belgique (PRB) en 1989, c'est encore un groupe français, la SNPE, qui relancera une partie des activités en constituant PB CLERMONT. Le groupe français THOMSON-CSF contrôle directement sa filiale belge THOMSON-CSF ELECTRONICS BELGIUM, et indirectement via Thomson Brandt Armament, la société herstalienne FORGES DE ZEEBRUGGE. Ce déplacement des centres de décision à l'étranger, essentiellement en France et dans une moindre mesure aux Pays-Bas et aux Etats-Unis, est un réel handicap et n'est généralement pas de nature à faciliter les restructurations. Des conflits peuvent en effet surgir entre les intérêts stratégiques du groupe multinational et les objectifs de développement des entités belges. D'autre part, l'éloignement du centre de décision affaiblit l'inscription socio-territoriale de l'entreprise: la filiale doit répondre aux objectifs globaux du groupe avant de contribuer au développement régional endogène. Cette situation peut contrarier considérablement les initiatives 23 des autorités régionales. Toutefois, l'histoire récente de la FN HERSTAL démontre paradoxalement que le rapatriement du centre de décision n'entraîne pas automatiquement le retour de l'initiative, du dynamisme et de la créativité, loin s'en faut (cfr. page 39). 3.4. Dépendance envers les exportations Bien que petit pays, la Belgique est loin d'être un acteur mineur sur la scène internationale. FN HERSTAL lui a même longtemps assuré une position de leader sur le marché mondial des armes légères. Avant d'examiner la structure particulière du marché à l'exportation de la Belgique, examinons l'évolution et les tendances du marché mondial des armements conventionnels. 3.4.1. Evolution du marché mondial La première difficulté à laquelle se trouve confronté l'observateur est le choix d'une source fiable en matière de statistiques sur les armements conventionnels. Quatre institutions de référence disposent de données fiables permettant une évaluation correcte des tendances du marché; chacune publie un rapport annuel: 1. SIPRI: Sipri Yearbook, Stockholm International Peace Research Institute, Stockholm. 2. CRS : Conventional Arms Transfers to Developing Nations, Richard F. Grimmet, CRS Report for the Congress, Washington. 3. ACDA : World Military Expenditures and Arms Transfers - U.S. Arms Control and Disarmament Agency - Washington. 4. IISS : The Military Balance - International Institute for Strategic Studies, London. Le graphique 8 illustre une comparaison entre les sources, en se référant à un indice 100 correspondant à l'année 1995. Comparées sur de longues périodes, aucune source ne s’écarte franchement des tendances générales, et les divergences ne sont généralement dues qu’à des choix méthodologiques différents et expliqués. RAPPORT DU GRIP 98/1 Graphique 8. 24 Comparaison des sources (index: 1995 = 100) 300 1995 = 100 250 200 150 100 50 1982 1983 1984 CRS 1985 1986 1987 1988 1989 SIPRI 1990 1991 ACDA 1992 1993 1994 1995 1996 1997 IISS Source: calculs GRIP DATA 1998 sur base des données CRS, ACDA, SIPRI, IISS. Les livraisons mondiales d'armements conventionnels - en dollars de 1997, selon le CRS - ont chuté de 52% entre 1986 et 1996, passant d'un montant de 72 milliards de dollars en 1987 à 34,6 milliards de dollars dix années plus tard (Graphique 9). Les livraisons d'armements conventionnels aux pays en voie de développement ont diminué dans une moindre proportion, enregistrant une baisse de 32,3% de 1987 à 1997 (de 42,3 à 28.6 milliards de dollars). Les pays en voie de développement absorbent donc toujours, selon le CRS, la majeure partie des livraisons mondiales d'armements conventionnels: en 1997, ce sont 82,5% des livraisons qui ont été acheminées vers les pays en voie de développement. Pour la période 1990-1997, ces mêmes pays ont acquis, en moyenne, 73% des livraisons internationales. Sur la même période, de 1986 à 1996, le SIPRI calcule une régression des ventes mondiales de 48,77% tandis que l'ACDA note une chute de 55,94% entre 1985 et 1995 et l'IISS une baisse de 53,05% entre 1987 et 1996. Toutes les sources s'accordent donc pour reconnaître que le marché des armements conventionnels s'est réduit de moitié au cours des dix dernières années. Mais toutes décèlent aussi l’amorce d’une reprise, perceptible depuis le creux historique de 1994, mais qui se confirme nettement en 1997. Le CRS note une hausse de 21% de 1996 à 1997 (11,6% selon le SIPRI) et précise que, depuis le creux de 1994, la progression a été de 34% pour le total des livraisons, et de 65% pour les livraisons aux pays en voie de développement. Cette relance, qui contribue donc essentiellement au réarmement des pays les plus pauvres, serait due à une combinaison de facteurs parmi lesquels de nouvelles tensions dans l'Est asiatique et le Moyen-Orient, les prix pétroliers qui ont permis le financement d'un rééquipement important des pays du Golfe après la guerre de 1990-1991 ainsi qu'une demande soutenue pour une modernisation de l'armement dans l'Asie de l'Est et, plus récemment, en Amérique du Sud. Enfin, il s'impose aussi de constater l’extrême concentration du marché des armements conventionnels entre un nombre très restreint d’acteurs. Pour la période 1993-1997 (Tableau 5), les 6 principaux exportateurs se partagent 85% du marché mondial. Les 6 principaux importateurs totalisent plus du tiers des achats. Ce petit noyau de pays est, de plus, très stable dans le temps. Durant la période 1987-1991, l'URSS RAPPORT DU GRIP 98/1 25 dominait le marché mondial avec 35% des ventes d'armements. L'URSS et les Etats-Unis maîtrisaient donc à cette époque quelque 70% du marché. Pour la période plus récente de 1993 à 1997, les Etats-Unis contrôlent 46,9% du marché des armements conventionnels, suivis par la Russie avec 13,5%. Les livraisons d'armements conventionnels dans le monde (en milliards de dollars constants 1997) échelle des aires échelle de la courbe Total des exportations (livraisons) 80 100% 90% 70 80% 60 Parts de marché 70% RUSSIE 50 60% 50% 40 CHINE 40% 30% 30 AUTRES 20 20% QUATRE GRANDS EUROPEENS (FR, UK, DE, IT) 10 10% 0% 1986 Total des exportations (livraisons) ETATS-UNIS 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 (en milliards de dollars, prix et taux de change de 1997) Graphique 9. Cette concentration devrait encore s'intensifier au profit des deux ou trois plus grands exportateurs, compte tenu des objectifs de la Russie qui ambitionne de retrouver la place de leader perdue par l'URSS au début des années 90. Une volonté qui frappera sans aucun doute durement les positions plus fragiles des pays européens. 0 1997 GRIP DATA 1998 - Source: Richard F. Grimmett - Conventional Arms Transfers to Developing Nations CRS Report for Congress, éditions successives. Tableau 5. Les six principaux exportateurs et importateurs Résultats cumulés, 1993-1997, en milliards de dollars constants 1990. Offre mondiale cumulée 1993-97 Etats-Unis Russie Royaume-Uni France Allemagne Chine Part des 6 plus grands exportateurs dans l'offre mondiale 113,20 53,13 15,25 9,42 7,76 7,18 3,53 Demande mondiale cumulée 1993-97 46,9% 13,5% 8,3% 6,9% 6,3% 3,1% Arabie Saoudite Taiwan Turquie Egypte Corée du Sud Chine 85,0% Part des 6 plus grands importateurs dans la demande mondiale Source: GRIP DATA 1998, sur base du SIPRI Yearbook 1998. 113,20 9,83 8,24 7,01 6,69 5,35 5,05 8,7% 7,3% 6,2% 5,9% 4,7% 4,5% 37,3% RAPPORT DU GRIP 98/1 26 3.4.2. Les exportations belges d'armements Au niveau national belge, il n'existe pas de statistiques complètes et fiables pour le commerce des armements conventionnels. Désert statistique ou flou délibéré des autorités, l'estimation des exportations belges d'armements n'est donc pas aisée. Cette situation est extrêmement gênante pour notre analyse, d'autant plus que nous connaissons l'importance des exportations dans le chiffre d'affaires des entreprises belges du secteur de la défense. En Belgique, l'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel à usage militaire et de la technologie s'y rapportant, sont régis par la loi du 5 août 1991. La loi prévoit que le Gouvernement fasse annuellement rapport au Parlement sur la politique de la Belgique en la matière, l'octroi des licences, les types d'armements exportés, leurs quantités ou tout élément entrant dans le champ de la loi de 1991. A ce jour, quatre rapports de ce type ont été transmis au Parlement. Ces rapports sont fort peu convaincants: les données fournies ne concernent que les exportations se rapportant aux armes et munitions au sens strict, seul type d'armement qui fait l'objet d'une identification précise dans les rubriques des statistiques de la production industrielle et du commerce extérieur. Toute une série de produits relevant de la législation sur les transferts d'armes - radars, radio-communication, systèmes optiques et optronique, produits aéronautiques, transferts de know-how - ne sont par conséquent pas inclus. Ces produits ne sont pas différenciés dans les statistiques nationales et sont inscrits sous des rubriques également utilisées pour des produits non militaires dont il est impossible de les extraire avec précision. Autre lacune, qui rendra difficile l'estimation de la demande finale adressée aux entreprises: ces rapports ne soufflent pas un mot des importations d'armements effectuées par la Belgique. Les exportations d'armements de la Belgique sont donc bien plus importantes, en volume et en valeur, que les chiffres officiels communiqués. Cette situation est d’ailleurs explicitement reconnue par le Gouvernement dans chacun de ses rapports. Graphique 10. Exportations d’armes et de munitions et licences d'exportation d'armements 1989-1996, en milliards de francs aux prix constants de 1990 échelle des histogrammes échelle de la courbe 16,0 14,0 25,0 12,0 20,0 10,0 15,0 8,0 6,0 10,0 4,0 5,0 2,0 0,0 0,0 1989 1990 Licences demandées en français 1991 1992 1993 Licences demandées en néerlandais 1994 1995 1996 Exportations d'armes et de munitions GRIP DATA 1998 - Source: Rapports successifs du Gouvernement au Parlement. Exportations d'armes et munitions (en milliards BEF, prix constants de 1990) Licences d'exportation d'armem. (en milliards BEF, prix constants de 1990) 30,0 RAPPORT DU GRIP 98/1 La courbe du graphique 10 (exprimé en francs constants de 1990) indique des écarts très importants d'une année à l'autre, mais néanmoins une forte tendance à la baisse depuis 1991, le palier de 1993 et 1994 étant uniquement dû à des ventes importantes de la FN HERSTAL à l'Arabie Saoudite. Lorsqu'on compare les données de ces rapports, en francs courants cette fois, aux chiffres d'exportations militaires communiqués par FN HERSTAL, principale entreprise du pôle armes et munitions, on remarque que celle-ci représente chaque année entre 50 et 70% du total national (voir le tableau détaillé en Annexe A ainsi que la monographie du groupe FN en Annexe B). Les autres entreprises n'ont pas communiqué d'informations, mais on peut estimer que MECAR, qui exporte plus de 90% de sa production, et FORGES DE ZEEBRUGGE se partagent l'essentiel du reste. Les rapports fournissent aussi, depuis 1993, une information intéressante relative au nombre et à la valeur des licences d'exportation accordées. Le mode d'attribution des licences d'exportation d'armements est complexe en Belgique. Conséquence d'une grave crise communautaire survenue en 1991, l'attribution des licences d'exportation d'armements est décidée par des comités interministériels régionaux composés de ministres fédéraux. En clair, les demandes de licences introduites en français (Région wallonne et demandes introduites en français par des entreprises de la Région de Bruxelles-Capitale) seront traitées par un ministre fédéral francophone, actuellement le Ministre du Commerce extérieur. Les demandes introduites en néerlandais (Région flamande et demandes introduites en néerlandais par des entreprises de la Région de Bruxelles-Capitale) seront examinées par un ministre fédéral néerlandophone, actuellement le Ministre des Affaires étrangères. Vu du coté des licences, les estimations des exportations sont par contre surestimées, puisque certains matériels destinés en principe à un usage civil sont également soumis à l'obtention préalable d'une licence. C'est le cas notamment des avions de transport aérien civils, des systèmes radar, de certains matériels de télécommu- 27 nication, ou des explosifs destinés aux exploitations minières. Les histogrammes du graphique 10 illustrent le nombre et la répartition linguistique des licences d'exportation accordées. Le nombre élevé de licences demandées en français en 1994 est un épiphénomène dû à la vente par la Belgique de 25 Mirages déclassés au Chili. Ces avions ont transité par la SABCA en vue d'y subir les modifications demandées par la Force aérienne chilienne. On notera aussi la croissance en valeur des licences demandées par des entreprises du rôle linguistique néerlandais. Cette tendance, si elle se confirme, privera de quelques arguments une Flandre qui attribue volontiers aux entreprises wallonnes l'image du marchand d'armes. Cependant, bien plus que les montants absolus des exportations d'armements, c'est la part importante de ces exportations dans l'activité de certaines entreprises et la grande dépendance envers un nombre limité de clients qui caractérisent les exportations belges d'armements. Les statistiques de production industrielle disponibles à l'INS (Institut national des statistiques) indiquent ainsi que la part des exportations dans le total de la production belge d'armes et de munitions est en moyenne, stable, de 83% depuis 1955, dont plus de 90% vers les pays en voie de développement. Les entreprises FN HERSTAL et MECAR sont, rappelons-le, deux exemples de firmes qui exportent plus de 90% de leur production. Le Rapport gouvernemental pour l'année 1996, communiqué vers la mi-1997, faisait état d'exportations d'armes et de munitions pour un montant de 8,18 milliards de francs. Ces chiffres confirment une constante depuis de longues années: l'Arabie saoudite est le principal client des industries belges du secteur et représente à elle seule 59% de nos exportations en 1996 (4,7 milliards). Une telle proportion illustre la fragilité d'un marché où la défaillance d'un seul client peut mettre en péril tout un secteur. C'est notamment le cas de FN HERSTAL, et singulièrement de MECAR pour qui l'Arabie Saoudite procure l'essentiel du chiffre d'affaires. L'ensemble des pays européens ne représente que 15,8% du total, soit 1,3 milliards, dont la quasi-totalité concerne les pays de l'Union (14% de transferts intra-communautaire) ou de l'OTAN. On note aussi la timide arrivée (à peine RAPPORT DU GRIP 98/1 28 0,2% du total européen) de pays d'Europe centrale et orientale, mais la part de ces pays va probablement s'accroître dans les prochaines années, traduisant leur volonté de s'éloigner des fournisseurs traditionnels hérités du bloc soviétique tout autant que la nécessité d'une harmonisation avec les matériels de l'OTAN. Les EtatsUnis et le Canada absorbent 7% des exportations belges, et sont immédiatement suivis par les pays asiatiques (6%). L'Asie de l'Est retiendra particulièrement l'attention. Selon l'ACDA (US Arms Control and Disarmament Agency), cette région du monde devient un importateur majeur et a absorbé 20,2% des ventes mondiales en 1995. Cette proportion n'était que de 11,6% dix ans plus tôt, en 1985. Cette "performance" s'explique par les niveaux très élevés des achats de Taïwan, de la Malaisie, de la Corée du Sud, de Singapour et des Philippines dont la valeur totale des importations s'est significativement élevée, en termes réels, au cours de la période 1985-1995. Tous ces pays sont de bons et réguliers clients de la Belgique, qui contribue ainsi activement au surarmement de cette région du monde. Nous devons constater également que 73% des ventes d'armes belges partent vers des pays en développement (nous indiquons dans cette catégorie les pays considérés comme tels dans le Rapport 1997 du PNUD, Programme des Nations Unies pour le Développement), soit près de 6 milliards de francs, une proportion stable au vu des années précédentes. Ce dernier rapport du PNUD nous apprend par ailleurs aussi que la Belgique a versé en 1995 une aide publique au développement nette de 1064 millions de dollars, soit au cours moyen de l'année 1995, environ 30 milliards de francs (0,38% du PNB). On peut donc observer que, globalement, pour 100 francs donnés par la Belgique au monde en développement, 20 francs reviennent en commandes auprès des fabricants belges d'armes et munitions; ceci est aussi une des réalités des relations de la Belgique avec le tiers monde. Enfin, après avoir parcouru la liste des pays importateurs d'armements belges, on ne peut passer sous silence le laxisme avec lequel semble être appliquée la loi belge du 5 août 1991 réglant les transferts d'armements, et en particulier son article 4 fixant les cas où une licence d'exportation doit être refusée. Graphique 11. Répartition des exportations belges d'armement en 1996, par régions Asie 6% Océanie 3% Europe 16% Afrique du Nord 2% Afrique Centrale, de l'Est et du Sud 1% Amérique du Nord 7% Amérique Centrale et du Sud 5% Proche et Moyen-Orient 60% (Afrique de l'Ouest et Institutions internationales : <1%) Source: GRIP DATA 1998 RAPPORT DU GRIP 98/1 29 Graphique 12. Répartition des exportations belges d'armement en 1996, par pays importateur (3): 1 à 10 millions 1% (4): moins de 1 million < à 1% (2): 10 à 100 millions 10% (1): 100 à 200 millions 6% Canada 3% Thaïlande 3% Royaume-Uni 3% Mexique 3% Arabie Saoudite 59% Australie 3% Etats-Unis 4% France 5% Arabie saoudite 4739516 France 389244 Etats-Unis 352761 Australie 282859 Mexique 271977 Royaume-Uni 265095 Thaïlande 244845 Canada 212668 (1): de 100 à 200 millions Turquie 152835 Maroc 150000 Allemagne 118658 Italie 103243 (2) de 10 à 100 millions Portugal 96048 Malaisie 89463 Indonésie 84135 Erythrée 78004 Pays-Bas Brésil Israël Grèce Botswana Philippines Oman Divers Singapour Pérou Tunisie Suisse Liban Em.. Arabes Un. Espagne Suède 72928 66212 45739 33811 31598 30472 29538 23829 23689 22915 21322 18055 18037 16909 16799 10280 (3) de 1 à 10 millions Argentine 8685 Equateur 8255 Quatar Koweït Corée du Sud Norvège Finlande Autriche Brunei Chypre Colombie Maurice Hong-Kong Irlande Rép. tchèque Burkina Faso 7839 6711 6584 4544 3443 2743 2508 1635 1419 1390 1240 1194 1090 1056 (4) moins de 1 millions Russie 893 Chili 743 Nouv. Zélande 626 Barheïn 536 Instit. internat. Panama Zimbabwe Lettonie Jordanie Pologne Kenya Guatemala Andorre Croatie Danemark Hongrie Islande Slovaquie Taïwan Total 1996 8180077 (en milliers de BEF) source: GRIP DATA 1998 Dans son premier rapport au Parlement 19, le 10 mai 1994, le Gouvernement explique que le 19 Rapport du Gouvernement au Parlement sur l'application de la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation et au transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente, 16 avril 1993 - 31 décembre 1993, Ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, Direction générale de la Politique, 10 mai 1994 - p. 12, §4. 517 458 441 417 395 306 254 224 113 88 82 72 36 30 26 critère "violation des droits de l'homme" est le plus difficile à apprécier et que dans l'application de ce critère, le gouvernement s'appuie sur les discussions au sein de la Commission des droits de l'homme à Genève et sur les consultations entre les Douze. D'une manière générale, ce critère "violation des droits de l'homme" n'est utilisé dans le cadre des exportations d'armes que lorsqu'il s'agit de violations graves et prolongées. L'introduction de cette notion de RAPPORT DU GRIP 98/1 30 "violations graves et prolongées" (alors que texte légal de l'article 4 de la loi parle seulement de "violations manifestes") laisse le champ libre aux interprétations les plus diverses. Sans doute les autorités fédérales ont-elles perçu le caractère ambigu et pernicieux de ce paragraphe, toujours est-il qu'il ne figure plus dans les rapports ultérieurs. force au niveau régional. Trois ans plus tard, se référant à la Résolution 50/70B des Nations unies invitant à se pencher sur la problématique des armes de petite taille, le gouvernement belge insistait sur son profond intérêt pour cette problématique ainsi que sur sa contribution, notamment financière, aux séminaires régionaux organisés sur le sujet. Mais quel est l'état d'esprit qui domine dans la pratique? Qu'en serait-il dans l'hypothèse d'une application plus rigoureuse de la loi actuelle, si les critères relatifs à la stabilité régionale et aux droits de l'homme n'étaient plus de vains mots; imaginons enfin que soit adopté, et que la Belgique s'engage à respecter, le Code de conduite de l'Union européenne sur le commerce des armes. Les entreprises pourront-elles encore, dans ce cas de figure, exporter aussi aisément vers l'Arabie saoudite, la Turquie ou l'Indonésie, pour ne citer que trois des clients majeurs? On reconnaîtra qu'il est bien difficile de comprendre le fil conducteur de la politique belge actuelle pour la question des armes légères. Aucun changement de stratégie commerciale ne répond à ses prises de positions politiques, bien au contraire, et la Belgique apparaît plutôt sous les tristes attributs du pompier-pyromane. En 1994 toujours, le gouvernement reconnaissait que le critère relatif au "maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionale" était peu utilisé dans la politique belge, les exportations belges consistant en majeure partie en armes légères et munitions qui ne sont pas de nature à modifier profondément les rapports de Dans la perspective, qui ne relève plus aujourd'hui de l'utopie, d'un cadre juridique plus contraignant, ou, au minimum, d'un consensus européen engageant à une plus grande réserve pour le commerce des armes, le manque d'anticipation des industriels et des autorités publiques, face à une industrie encore dépendante à plus de 80% du marché extra-communautaire pour ses exportations d'armements, laisse augurer de nouvelles restructurations et pertes d'emplois à moyen terme, particulièrement dans le secteur des armes légères et des munitions. RAPPORT DU GRIP 98/1 4. Evaluation du secteur de la défense en Belgique 4.1. Choix d'une méthode Dès le début des années 90, le GRIP a proposé une méthode d'évaluation macroéconomique de l'industrie européenne de l'armement. L'approche, certes empirique, consistait à évaluer le chiffre d'affaires du secteur au départ d'une équation simple et à estimer ensuite l'emploi généré par une méthode input-output basée sur la relation entre valeur ajoutée et emploi constatée dans des secteurs d'activités proches 20. Evaluer le chiffre d'affaires total du secteur revient à déterminer la demande finale en équipements de défense, soit la somme des achats d'équipements militaires et des services associés, adressée aux entreprises productrices d'équipements de défense. Cette demande finale [D] adressée aux entreprises peut être estimée à la somme d'une composante domestique - les achats du ministère de la Défense [A] - et d'une composante exportée - les exportations des entreprises du secteur de la défense [X] - dont il faut déduire la valeur des importations d'équipements de défense [M]. D'où l'équation simple: 31 généré par les entreprises d’équipements de défense. productrices Cette méthode a été appliquée par le GRIP jusqu'en 1994 pour les pays de l'Union européenne, les Etats-Unis et le Japon. Bien que les conventions et les hypothèses posées puissent heurter le statisticien ou l'économiste averti, les résultats ainsi générés se sont avérer concorder avec les résultats observés par d'autres sources. En revanche, l'utilisation de cette méthode, indépendamment de ses imperfections, a toujours été difficilement transposable au cas particulier de la Belgique. Les variables de l'équation de base sont en effet difficiles à déterminer en raison du flou ou du vide statistique, des dissimulations, et des retards dans la publication des données sur la production industrielle. La lacune la plus évidente concerne les flux réels du commerce des armements conventionnels: entre la sousestimation manisfeste traduite par les chiffres des armes et munitions au sens strict, et la surestimation tout aussi nette des chiffres relatifs aux licences, il est impossible de chiffrer avec rigueur les exportations de matériels militaires de la Belgique. De plus, en ce qui concerne les importations belges d'équipements militaires, nous n'avons pas pu obtenir des données satisfaisantes sur une période suffisamment longue. D=A+X-M Prenant comme référence les données statistiques de l'OCDE sur les différentes composantes du secteur des "industries manufacturières", il était ensuite possible de déterminer proportionnellement, par une méthode input-output, une estimation de l'emploi total (direct et indirect) 21 généré par le secteur des industries productrices d'équipement de défense. L'essentiel des entreprises productrices d’équipements de défense faisant partie du sous-secteur des industries de "fabrication d'ouvrages en métaux, de machines et de matériels", c'est donc par comparaison avec ce secteur qu'était estimé l'emploi direct 20 Voir Mémento défense-désarmement 1992, Les Dossiers du GRIP n°168-171, p.247: "L'industrie de défense dans la Communauté européenne, aux Etats-Unis et au Japon de 1980 à 1991", par Pierre de Vestel et Roland Fohn. 21 L'emploi direct se définit comme le nombre de personnes employées par les entreprises productrices d'équipements de défense. L'emploi indirect est le nombre d'emplois générés dans les autres secteurs qui fournissent des biens et services liés à l'exécution des commandes militaires dans les entreprises productrices d'équipements de défense. 4.2. Essai d'évaluation microéconomique 4.2.1. Evaluation du chiffre d'affaires, de l'emploi direct et des résultats du secteur Le GRIP a donc adopté une approche microéconomique consistant à évaluer le chiffre d'affaires et l'emploi dans le secteur des entreprises productrices d'équipements de défense, par addition des données de chaque entreprise du secteur. Il faut admettre dans ce cas que, d'une part, la liste des entreprises retenues n'est jamais exhaustive, et d'autre part, que la différenciation entre activités civiles et militaires est difficile dans de nombreuses entreprises. Néanmoins, à défaut d'exhaustivité, on peut constituer un agrégat des principales entreprises actives dans la défense apte à donner un aperçu satisfaisant de l'évolution du secteur. L'échantillon analysé RAPPORT DU GRIP 98/1 32 est composé des entreprises de défense répondant à au moins un des deux critères suivants: • au moins 50% du chiffre d'affaires réalisé dans la défense, • ou, au moins 200 emplois directs générés pas les activités de défense. Après examen des comptes annuels déposés à la Centrale des bilans (Banque nationale) et d'un questionnaire adressé aux entreprises, douze d'entre elles, dont dix en Wallonie et deux en Flandre, répondent à ces conditions et forment un échantillon suffisamment représentatif: • • • • • • • • • • • • BATS (électronique) CANONS DELCOUR (armes et munitions) FN HERSTAL (armes et munitions) FORGES DE ZEEBRUGGE (armes et munitions) MECAR (armes et munitions) OIP (optronique) PB CLERMONT (munitions et explosifs) SABCA (aéronautique) SEYNTEX (équipement personnel) SONACA (aéronautique) TECHSPACE AERO (aéronautique) THOMSON-CSF ELECTRONICS BELGIUM (électronique) Graphique 13. Résultats cumulés des 12 principales entreprises belges de défense (1990-1996) en millions de francs courants, emploi en unités 100% 35000 90% 30000 80% 25000 70% 60% 20000 50% 15000 40% 30% 10000 Chiffre d'affaires total 5000 0 1990 20% Chiffre d'affaires défense 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1000 0 1990 Proportion du chiffre d'affaires lié à la défense 10% 0% 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 8000 7000 1991 1992 1993 1994 1995 1996 6000 -1000 5000 -2000 4000 -3000 3000 -4000 2000 -5000 Résultats nets après impôts -6000 Emploi total 1000 0 1990 Emploi défense 1991 1992 1993 1994 1995 1996 Composition de l'agrégat: toutes les entreprises productrices d'équipements de défense répondant aux critères de chiffre d'affaires ou d'emploi suivants: CAdéfense > 50% CAtotal, ou, Edir.défense > 200 unités. Soit les 12 entreprises suivantes: BATS, FN Herstal, Canons Delcour, Forges de Zeebrugge, MECAR, OIP, PB Clermont, SABCA, Seyntex, SONACA, Techspace Aero et Thomson CSF Electronics Belgium. Note: L'année 1990 est légèrement sous-estimée. Suite à la faillite de PRB, PB Clermont n'a débuté ses activités qu'en août 1990. Le chiffre d'affaires et le résultat net de PB Clermont portant sur un premier exercice de 16 mois, ceux-ci ont été répartis pour les besoins de l'estimation selon la clé 4/16 pour 1990 et 12/16 pour 1991. Source: compilation GRIP DATA 1998. RAPPORT DU GRIP 98/1 Trois autres entreprises situées en Région flamande devraient encore figurer dans cet échantillon: SIEMENS-SI qui compte actuellement 323 emplois directement liés à l'activité militaire, BARCO dont les récents marchés obtenus dans la défense permettent de supposer qu'au moins 200 emplois en dépendent, et vraisemblablement aussi l'unité d'ALCATEL BELL à Hoboken. Pour des raisons déjà évoquées, nous n'avons pas pu réunir suffisamment d'information pour pouvoir les intégrer dans ce groupe. 4.2.2. Le bout du tunnel, mais pas pour tous... Les quatre séries de courbes tracées selon ces critères suffisent à résumer, au graphique 13, les principaux impacts des stratégies d’ajustement du secteur de la défense en Belgique : • La substitution entre activités civiles et militaires est faible (moins de 10%) : la baisse de la part militaire n’a pas été compensée par un accroissement correspondant de l’activité civile, mais a conduit à une contraction globale de l’activité. Le chiffre d’affaires total du secteur s’est en effet nettement tassé entre 1990 et 1994. Une légère reprise se dessine depuis 1994, due apparemment surtout à l’activité civile, l'activité militaire restant stable. • Le redressement financier est par contre spectaculaire. Fortement déficitaire à la fin des années 80 (près de 6 milliards de perte), le secteur renoue progressivement avec les bénéfices. En 1997, la majorité des entreprises du secteur sont à nouveau bénéficiaires. • Tout aussi spectaculaire est l’effondrement de l’emploi. Pour les 12 entreprises cumulées, l’emploi généré par l’activité civile est resté stable, tandis que l’emploi dû aux activités de défense a été réduit de 38,5% depuis 1990. L'emploi total dans cet échantillon d'entreprises n'a cependant été réduit que de 33 23% au cours de cette période, ce qui s'explique uniquement par la capacité des trois entreprises du secteur aéronautique (SABCA, SONACA et TECHSPACE AERO) de réduire progressivement leur dépendance envers l'activité militaire tout en réussissant la reconversion de certains emplois dans des activités civiles. L'emploi direct dans l'industrie belge de défense était estimé 22 à quelque 27.000 emplois directs en 1980. Toujours selon le GRIP, seuls 13.534 emplois directs subsistaient en 1990. Depuis 1990, ce chiffre a encore été réduit de plus de 50%. En 1997, le Belgian Defense and Security Industry Group estimait le secteur à quelque 7.000 emplois directs, un ordre de grandeur vraisemblable mais à prendre avec réserve. Ce chiffre nous paraît surestimé et, en tout état de cause, ne tient pas encore compte des suppressions d'emplois les plus récentes, en particulier à la FN HERSTAL. Devant de tels chiffres, il est cependant inutile de se quereller pour quelques centaines, qui ne modifieraient en rien l'ampleur du désastre: en 18 ans, 75% des emplois ont été détruits. Sans grande surprise, on note donc que ce sont, une fois encore, les travailleurs qui ont fait les frais des restructurations, alors que les résultats du secteur attestent manifestement que les "dividendes de la paix" n’ont pas été perdus pour tout le monde. Une question se pose donc clairement aujourd’hui: il y a-t-il encore vraiment une crise dans le secteur des entreprises de défense ? Estil encore possible de justifier des aides spécifiques en faveur des industries de ce secteur, ou faudrait-il plutôt accroître les moyens affectés à des programmes généraux de développement régional et d’aides aux PME innovantes afin de recréer, dans de nouvelles activités, les emplois supprimés par les industries de défense ? Ces questions seront abordées au chapitre 5 consacré aux initiatives de reconversion/diversification. 22 Voir les Mémento Défense-Désarmement du GRIP de 1992 à 1995. RAPPORT DU GRIP 98/1 5. La reconversion 5.1. L'initiative communautaire KONVER Le 7 avril 1993, la Commission européenne décidait de lancer, à la demande du Parlement européen, le programme KONVER. Cette initiative communautaire a pour objectif d'accélérer la diversification des activités économiques dans des régions fortement tributaires du secteur militaire (concentrations de troupes ou d'industries d'armement), et fait suite au financement, en 1991 et 1992, de quelques projets pilotes de reconversion par la ligne budgétaire PERIFRA. L'action KONVER a été inscrite au budget 1993 avec un crédit de 130 millions d'ECU, dont 85 à charge du FEDER (Fonds européen de développement régional) et 45 à charge du FSE (Fonds social européen). L'allocation mise à la disposition de chaque Etat membre était fondée sur une étude réalisée pour la DG XVI (Politique régionale) par un groupe d'économistes de l'Université de York 23, et proportionnelle au total des emplois de défense (emplois directs dans les industries de défense et emploi dans les bases militaires) identifiés en 1991 par cette étude, au niveau des régions NUTS II. Le 1er juillet 1994, la Commission des Communautés européennes informait les Etats membres de sa décision de poursuivre l'initiative KONVER jusqu'à la fin de l'année 1997 en lui allouant cette fois un budget de 500 millions d'ECU 24. De plus, le 8 mai 1996 la Commission européenne confirmait l'adoption, suite à l'avis rendu par le Parlement européen le 28 mars 1996, de la décision finale relative à l'allocation financière de la réserve des initiatives communautaires. Les 4 initiatives de restructuration industrielle - KONVER, RECHAR, RESIDER et RETEX - seront reconduites jusqu'en 1999 avec 23 L'impact économique et social de la réduction des dépenses de défense et des forces militaires sur les régions de la Communauté - étude réalisée par Economist Advisory Group, en liaison avec le Centre for Defence Economics, Université de York, 1992. 24 Journal Officiel des Communautés européennes, 94/C 180/18 du 1 juillet 1994. 34 des moyens accrus par une allocation globale de la réserve de 385 millions d'ECU 25, dont 245 pour KONVER. Les critères d'éligibilité de cette deuxième phase sont plus rigoureux dans la mesure où la répartition des fonds ne sera plus basée sur l'état de l'emploi de défense à un moment précis, mais tient compte de l'évolution de cet emploi entre 1990 et 1994 et de son évolution prévisible entre 1994 et la fin de l'année 1997. Pour être éligible, une zone doit être d'une taille inférieure au niveau NUTS III, par exemple un bassin d'emploi, et satisfaire à l'un des critères suivants: • perte d'au moins 1.000 emplois dans des activités de défense depuis le 1er janvier 1990; • perte totale d'emplois dans des activités de défense depuis le 1er janvier 1990 et perte future annoncée publiquement égale ou supérieure à 1.000 unités; • perte totale d'emplois dans des activités de défense depuis le 1er janvier 1990 et nombre d'emplois de ce type menacés égal ou supérieur à 1.000 unités. Malgré cette plus grande sélectivité, les Etats membres ont toutefois la possiblité de proposer un nombre limité d'autres régions, ne répondant pas aux critères ci-dessus, mais dont la dépendance à l'égard des activités de défense est aggravée par un taux élevé de chômage, les mauvaises conditions de l'environnement, la situation d'isolement ou de périphéricité. De plus, jusqu'à 50% de la contribution communautaire totale mise à la disposition de KONVER peuvent être dépensés dans des zones qui ne sont pas éligibles pour des financements au titre des objectifs 1, 2 et 5b des Fonds structurels. Les programmes opérationnels sont cofinancés conjointement par les Etats membres et la Communauté européenne et ne peuvent concerner que des projets à vocation exclusivement civile; les activités pouvant avoir une double application, civile et militaire, ou une application uniquement militaire ne peuvent bénéficier d'une assistance dans le cadre de KONVER. 25 Décision finale de la Commission sur l'allocation de la réserve des initiatives communautaires, Information à la Presse IP/96/391, Bruxelles le 8 mai 1996. RAPPORT DU GRIP 98/1 35 L'éventail des mesures éligibles est néanmoins des plus larges puisqu'il couvre, notamment, le financement de conseils externes et d'équipements pour l'amélioration des savoir-faire, les actions de formation professionnelle, la contribution temporaire aux salaires du personnel embauché pour la réalisation des plans de reconversion, la rénovation et la modernisation des infrastructures sociales et économiques, Tableau 6. l'aide à la constitution de groupements locaux d'entreprises et autres actions de coopération ou encore la promotion d'activités touristiques. De plus, dans les régions déjà éligibles au titre des objectifs 1, 2 et 5b, les actions soutenues par KONVER complètent les actions prévues dans le Cadre communautaire d'appui (CCA) et peuvent donc comprendre l'aide aux investissements en matière d'équipements de production. Répartition du budget KONVER de 1993 à 1997 KONVER 1993 Part du total Allocation en % en millions d'ECU KONVER 1994-1997 Part du total Allocation en % en millions d'ECU Allemagne 29,39% 38,21 43,88% 219,35 Belgique 1,79% 2,33 2,29% 11,45 Danemark 0,64% 0,83 0,47% 2,35 Espagne 5,80% 7,54 4,68% 23,30 France 25,10% 32,63 14,03% 70,20 Grèce 3,66% 4,76 2,55% 12,75 Irlande 0,19% 0,25 - - Italie 13,78% 17,92 9,06% 45,30 Luxembourg 0,02% 0,03 0,07% 0,35 Pays-Bas 2,76% 3,59 2,29% 11,45 Portugal 1,39% 1,81 1,56% 7,80 Royaume-Uni 15,47% 20,12 19,14% 95,70 EUR-12 100,0% 130,00 100,0% 500,00 GRIP DATA 1997 - Source: DG XVI 5.2. Les programmes KONVER régionaux en Belgique 26 La part obtenue par la Belgique à l’occasion des deux phases successives de l’initiative communautaire KONVER s’élève respectivement à 2,33 millions d'ECU (1,79% du total) pour le programme 1993 et à 11,45 millions 26 Une description des actions de reconversion/diversification inscrites dans les Programmes opérationnels KONVER des régions de Belgique est également disponible sur le site Internet du GRIP à l'adresse: http ://www.ib.be./grip/. d'ECU (2,29% du total) pour la phase couvrant sur la période 1994-1997 des fonds structurels. Les tableaux 6 et 7 n’intégrent pas encore les montants complémentaires provenant de l’allocation de la réserve des initiatives communautaires (environ 245 au niveau européen pour KONVER) qui devrait permettre de prolonger certaines actions jusqu’en 1999. Notons qu'il n'existe en Belgique aucune initiative, nationale ou régionale, destinée à accompagner les processus d'ajustement du secteur de la défense. La seule intervention publique s'effectue dans le cadre du programme KONVER RAPPORT DU GRIP 98/1 de la Commission européenne, contrairement à d'autres pays, la France et surtout l'Allemagne par exemple, où KONVER vient compléter d'importants programmes d'initiatives locales. En Belgique, l'Initiative communautaire KONVER est régionalisée. Chaque Région a donc la possibilité de proposer directement son programme opérationnel à la Commission européenne. 5.2.1. KONVER en région de BruxellesCapitale La Commission européenne a approuvé un Programme opérationnel KONVER 1994-1997 pour la région de Bruxelles-Capitale, destiné à la rénovation et à la reconversion du site militaire de la Place Dailly (caserne Prince Baudouin). La totalité de l'action porte sur l'accroissement de l'attractivité et la dynamisation sociale du quartier de cette ancienne caserne. Les principales actions prévues sont les suivantes: • Sauvegarde du patrimoine architectural (notamment la restauration de la façade du bâtiment). • Création d'équipements collectifs. • Développement de pôles culturels et d'équipements associatifs. • Promotion d'activités artisanales et de petits commerces. • Développement d'infrastructures socioéconomiques. Le cofinancement de la Communauté européenne s'élève à 30% de l'investissement total, soit 1,727 millions d'ECU entièrement à charge 36 du Fonds européen de développement régional (Feder). Le solde, 70% soit 5,750 millions d'ECU est pris en charge par les autorités régionales. 5.2.2. KONVER en Flandre Le programme opérationnel KONVER 19941997 de la région flamande approuvé par la Commission européenne concerne les zones éligibles des Flandres dans les arrondissements de Bruges, Louvain, Turnhout, Tongres et Hasselt, et porte sur deux types d'actions: • Promotion des activités économiques par la conversion d'anciens sites et zones militaires et la création d'emplois supplémentaires. • Amélioration de l'environnement dans les zones touchées par l'activité militaire. La Communauté cofinancera 41% (4,8 millions d'ECU) du montant total de l'investissement, entièrement à charge du Fonds européen de développement régional (FEDER). Le solde, 11,8 millions d'ECU, provient d'autres fonds publics. 5.2.3. KONVER en Wallonie Le programme opérationnel wallon, approuvé par la Commission européenne dans le cadre de l'Initiative communautaire KONVER 19941997, est destiné à soutenir la reconversion économique et sociale de cinq zones de Wallonie particulièrement dépendantes des activités militaires. Tableau 7. Répartition régionale du budget KONVER 1994-1997 pour la Belgique KONVER 1994-1997 Contribution CE millions d'ECU en % du total Région wallonne 4,92 42,98% Région flamande 4,80 41,93% Région de Bruxelles-Capitale 1,73 15,09% 11,45 100,00% Total GRIP DATA 1997 - Source: Commission européenne, DGXVI RAPPORT DU GRIP 98/1 Ces zones wallonnes couvrent, en tout ou en partie, 8 arrondissements: • zone 1: arrondissement de Liège, et communes de Huy et Engis dans l'arrondissement de Huy; • zone 2: arrondissements de Charleroi, Philippeville et Nivelles; • zone 3: commune de Namur (arrondissement de Namur) • zone 4: communes de Aubange, Messancy et Arlon dans l'arrondissement de Arlon; • zone 5: communes de Vielsalm et Gouvy dans l'arrondissement de Bastogne. Les principales mesures de ce programme concernent trois axes principaux: • La dynamisation du tissu des PME via le lancement de trois actions-pilotes: création d'un groupe de travail qui réunira les différentes compétences nécessaires pour répondre aux changements en matière de produit ou de marché; projet d'essaimage interne ou externe de cadres d'organisations existantes; étude sur le potentiel européen de coopération à destination des acteurs de la reconversion des industries de défense. • La restauration des zones gravement affectées par l'activité militaire et la promotion d'activités touristiques à partir des sites militaires désaffectés. • La valorisation des ressources humaines: formation et reconversion du personnel d'entreprises, requalification et réinsertion professionnelle de personnes sans emplois. Le cofinancement de la Communauté s'élève à 38% de l'investissement total, soit 4,92 millions d'ECU, dont 67,6% à charge du Fonds européen de développement régional (FEDER) et 32,4% à charge du Fonds social européen (FSE). Le solde (12,88 millions d'ECU) est pris en charge par les autorités régionales, les opérateurs publics et le secteur privé. 5.3. Les actions KONVER en faveur des entreprises en Région wallonne Bien que la quasi-totalité des entreprises de défense soient situées en Région wallonne, la 37 Flandre et la Wallonie se voient dotées d'un budget pratiquement identique (tableau 7). Cette situation donne sans conteste à la Flandre, peu préoccupée par la reconversion d'industries obsolètes ou en surcapacité, un avantage significatif en lui permettant de concentrer l'aide sur un petit nombre de projets solides pour le développement de nouvelles activités économiques ou l'assainissement de l'environnement dans des bases militaires désaffectées. Inversément, dotée d'un budget semblable, la Région wallonne s'exposait naturellement au danger de saupoudrer les fonds sur un très grand nombre de petits projets afin de satisfaire un maximum de zones affectées. Le Programme opérationnel 1993-1995 de la Région wallonne avait mis essentiellement l'accent sur les actions de formation dans les entreprises et sur des études de faisabilité en matière de reconversion/diversification et de réaffectation d'anciens sites militaires (tableau 8). Le Programme opérationnel de la période 19951997 confirme cet intérêt certain pour les actions visant à réaffecter d'anciens terrains et installations militaires, ou à en promouvoir l'attrait touristique. Les programmes de formation et de requalification du personnel dans les entreprises TECHSPACE AERO et CMI ont également été maintenus, et absorbent encore quelque 10% du budget total du programme. Cette décision est hautement discutable. Aucune des entreprises de défense ayant bénéficié du programme KONVER depuis son lancement n'a l'intention de se retirer définitivement du marché de la défense. Bien au contraire, dans le cas de TECHSPACE AERO, bénéficiaire depuis 1993, le chiffre d'affaires lié aux activités de défense a repris, depuis 1994, une courbe ascendante pour atteindre à nouveau 39% du chiffre d'affaires total en 1996. En revanche, depuis 1993, année du lancement du programme KONVER, l'emploi lié à la défense a chuté de 163 unités dans cette entreprise, tandis que l'emploi civil n'augmentait que de 66 unités, soit une perte nette de 97 emplois entre 1993 et 1996. Est-ce bien la vocation de KONVER que de participer à de telles tendances ? Sans hésitation, la réponse est non: KONVER s'applique à des initiatives civiles et exclut explicitement les RAPPORT DU GRIP 98/1 38 Tableau 8. Les actions KONVER en Région wallonne, 1993-1999 (en milliers d'ECU) Financement communautaire en milliers d'écus Opérateur Coût total FEDER FSE Total Financement national Région FOREM wallonne Autre Total KONVER 1993 - (Programme Opérationnel 1993-1995, décision de la Commission du 9/12/1993) Sous-programme n°1 - Etudes de reconversion liées au réaménagement des sites militaires désaffectés Etude technique en vue de la reconversion du site de l'aérodrome militaire de Liège-Bierset à des normes civiles Affectation urbanistique des anciens sites militaires Etudes de reconversion de l'aérodrome militaire de Bertrix (Jéhonville) SAB 648,4 324,2 324,2 SPI 224,4 112,2 112,2 IDELUX 249,4 124,7 124,7 324,2 112,2 324,2 112,2 124,7 124,7 Sous-programme n°2 - Reconversion et formation du personnel de l'industrie de l'armement militaire Formation professionnelle accélérée du personnel de la SONACA Formation et perfectionnement du personnel de TECHSPACE AERO Formation du personnel de MECAR au nouveau métier Formation du personnel de CMI SONACA 421,4 189,5 189,5 231,9 231,9 TECHSPACE AERO 187,0 84,8 84,8 102,2 102,2 MECAR 122,2 54,9 54,9 67,3 67,3 CMI 114,7 49,9 49,9 64,8 64,8 Sous-programme n°3 - Potentiel endogène Etudes de faisabilité et modèles de diversification en Région wallonne Réorientation de la sous-traitance GRIP 99,8 SPI - AREBS 224,4 112,2 2291,8 673,3 TOTAL KONVER 1993 379,1 49,9 49,9 49,9 112,2 112,2 112,2 1102,2 274,3 466,3 448,9 1189,5 37,5 213,7 75,0 KONVER 1994-1999 - (Programme Opérationnel 1994-1999, décision de la Commission du 19/7/1995) Axe n°1 - Modernisation du tissu économique Mesure 1.1 - Actions pilotes visant à dynamiser le tissu PME Groupe de travail de sous-traitance Projet d'essaimage (stimulation des spin-offs) Développement de banques de données sur les ressources et les expériences de reconversion/diversification des industries de défense et des bases militaires Mise à disposition d'adjoints de direction AREBS CTGA 427,4 150,0 213,7 75,0 213,7 75,0 176,2 75,0 GRIP 75,0 37,5 37,5 37,5 CTGA 1159,0 579,5 579,5 37,5 579,5 579,5 Mesure 1.2 - Diffusion technologique Veille technologique et diffusion de technologie en faveur des PME, audits stratégiques et de validation 721,0 360,5 360,5 360,5 360,5 Axe n°2 - Attractivité de la zone Mesure 2.1 - Restauration de zones gravement affectées par l'activité militaire Reconversion du site militaire d'Alleur (infrastructures d'accueil pour PME) SPI 1249,5 499,8 499,8 499,8 249,9 749,7 Réfection d'une voirie communale gravement affectée par l'activité militaire (rue Campagne à Amay) Commune d'Amay 275,0 137,5 137,5 110,0 27,5 137,5 Commune de Sprimont 1245,7 455,9 455,9 473,9 315,9 789,8 IDELUX IDELUX 824,8 824,8 412,4 412,4 412,4 412,4 225,0 225,0 187,5 187,5 412,4 412,4 Désenclavement des carrières de et à ChanxheSprimont Réaffectation de la caserne "Ratz" à Vielsalm Réaffectation de la caserne "Callemeyn" à Arlon Mesure 2.2 - Promotion d'activités touristiques à partir de sites d'activités militaires désaffectés Fort de Lantin - Aménagements touristiques Mise en valeur d'abris d'observation, de glacis et de forts des deux dernières guerres mondiales Restauration et revitalisation de la Citadelle de Namur en site touristique et sa promotion: STRATEPOLE Les Amis du Fort de Lantin asbl 499,8 SPI 162,4 Ville de Namur 1499,6 249,9 249,9 249,9 249,9 81,2 81,2 81,2 81,2 749,8 749,8 749,8 749,8 Axe n°3 - Ressources humaines Actions de formation proposées par les entreprises Accompagnement d'entreprises PME en reconversion et en croissance Actions de formation à la rénovation en faveur du patrimoine culturel de la ville de Namur Actions de formation et de "outplacement" C.M.I. - E.M.I. TECHSPACE AERO J.E.F. Jeunes Emploi Formation 1249,6 624,8 624,8 624,8 624,8 1599,6 799,8 799,8 799,8 799,8 Ville de Namur 240,0 120,0 120,0 120,0 120,0 FOREM 100,0 50,0 50,0 50,0 TOTAL KONVER 1994-1999 TOTAL 1993-1999 (en milliers d'écus) 50,0 12303,1 4265,0 1594,6 5859,6 4858,3 0,0 26898,0 9203,3 3568,3 12821,4 9990,9 466,3 Source: GRIP DATA 1997, sur base des Programmes opérationnels de la Région wallonne. 1585,2 6443,5 3619,3 14076,5 RAPPORT DU GRIP 98/1 projets dont l'application peut être militaire ou duale. On peut bien sûr se réjouir de voir une entreprise comme TECHSPACE AERO, un des fleurons de l'aérospatiale wallonne, renouer avec les bénéfices. L'emploi subit malheureusement une contraction continue depuis 1990. Il est donc bien évident que les programmes de formation dû personnel cofinancés par KONVER dans les grandes entreprises d'armement, en soulageant l'entreprise d'une charge qu'elle aurait de toute façon du supporter, contribue bien davantage à l'ancrage dans le militaire et au redressement financier qu'à une réelle reconversion/diversification durable et garante de l'emploi. Le paradoxe des aides aux entreprises en Région wallonne est encore plus frappant lorqu'on s'aperçoit que ce sont principalement des entreprises déjà très diversifiées qui ont profité du programme KONVER. Des projets de diversification intéressants existaient pourtant aussi chez THOMSON-CSF ELECTRONICS BELGIUM, BATS ou encore PB CLERMONT. Quant à FN HERSTAL, sans doute dans l'euphorie des bons résultats de 1993 et 1994, il semble qu'elle n'aurait manifesté aucun intérêt pour ce type d'action. En serait-il autrement aujourd'hui, depuis que, débarrassée de la tutelle de la française GIAT INDUSTRIES, la Région wallonne a repris seule le contrôle de l'entreprise ? Rien n'est moins sûr. Lorsque, le 22 octobre 1997, sous la pression sociale et pour faire barrage à l'offre de l'américain COLT, le Gouvernement wallon a opté pour la solution onéreuse et délicate de reprendre lui-même la totalité de la participation de GIAT dans le groupe FN, nous pouvions espérer qu'un véritable projet industriel pourrait suivre afin de dégager progressivement FN HERSTAL du marché militaire. D'autres entreprises en difficulté, moins symboliques de la grandeur passée de l'industrie wallonne, n'ont pas eu autant de chance; le Gouvernement wallon se devait donc de prouver que cette décision pouvait être l'étincelle qui réveillerait les capacités endogènes de redéploiement régional. Certainement pas pour assurer la pérennité d'une activité de production d'armement, contestable tant d'un point de vue économique qu'éthique. Mais pour provoquer, sur le capital de compétences légué par la FN HERSTAL, par exemple par des actions d'essaimage et d'aides aux PME, une dynamique de 39 transition réfléchie vers de nouvelles activités, civiles, performantes et créatrices d'emplois. Et pourtant, dans une interview au journal Le Soir en décembre 1997 27, alors qu'on lui demandait quelles étaient ses priorités industrielles, Philippe TENNESSON, président et administrateur du groupe HERSTAL, n'hésitait pas à affirmer: "Une chose est claire: nous devons investir full-time dans notre métier, c'est-à-dire la conception, la production et la commercialisation d'armes civiles et militaires. Ni plus, ni moins. Celui qui me parle de diversification, je le mets à la porte! GIAT a perdu un milliard (de francs français) dans l'aventure, il est temps de ne plus tergiverser." Rappelons tout de même qu'en vingt ans, FN HERSTAL a aussi perdu plusieurs milliards de francs belges, et quelque 8.000 emplois, en s'obstinant dans une production exclusivement militaire. L'actionnaire unique et public, la Région wallonne, n'a cependant pas jugé utile de réagir à ces déclarations. Nous terminerons cependant ce chapitre sur une note plus positive. Le gouvernement régional wallon semble en effet décidé à faire un geste spécifique en direction des petites et moyennes entreprises (PME). Il est intéressant de constater que 21% du budget 1994-1997 ont cette fois été alloués à des actions visant à favoriser la réorientation des PME engagées, même très indirectement, dans des activités de défense. Ces actions consistent en la mise en place d'un groupe de travail pour la réorientation de la sous-traitance (AREBS), la stimulation des projets d'essaimage (CTGA), ou encore l'accompagnement de PME en reconversion et en croissance (JEF - Jeunes, Emploi, Formation). Cette attention particulière en faveur des PME est confirmée par l'allocation de la réserve financière pour les années 1997 à 1999. L'entièreté des moyens additionnels est affectée à deux nouvelles actions qui bénéficieront aux PME d'une région qui a particulièrement souffert ces derniers mois: la région de Tubize dans l'ouest du Brabant wallon. La première est destinée à favoriser la diffusion des nouvelles technologies dans les PME. La seconde propose la mise à disposition d'adjoints de direction chargés de favoriser le développement des PME en leur 27 Le Soir, samedi 6 et dimanche 7 décembre 1997. RAPPORT DU GRIP 98/1 apportant une aide spécifique dans le domaine des nouvelles techniques de marketing, de financement, de gestion ou d'exportation. Tout doit être mis en œuvre afin de retirer un profit maximum de ces actions en faveur des PME. La Commission européenne rappelait récemment que pas moins de 99,8% des entreprises européennes sont des PME 28. Ceci porte à environ 17 millions le nombre de PME dans une Europe qui compte autour de 17 millions de sans-emplois. Constat purement théorique, mais qui interpelle néanmoins: un nouvel emploi par PME suffirait donc à résorber l'essentiel du 28 Ces quelques chiffres sont issus de CORDIS Focus, supplément 11 du 29 octobre 1996. 40 chômage. Les PME représentent 66% de l'emploi et sont à l'origine de 80% des créations d'emplois. Elles génèrent 65% du chiffre d'affaires des entreprises européennes. De plus, les PME de hautes technologies produisent deux fois plus d'innovations par employé et 3,5 fois plus de nouveaux produits par ECU investi dans la recherche que les grandes entreprises. C'est dire leur rôle fondamental. Le développement d'un tissu PME dynamique, générateur d'emplois et d'innovation technologique, est sans aucun doute un élément déterminant pour une politique de reconversion/diversification réussie en Région wallonne. RAPPORT DU GRIP 98/1 6. Conclusions De la crise à l'adaptation permanente... Il n'y a plus de crise dans le secteur des industries belges de défense. Du moins plus au sens premier du terme exprimant un changement brusque des conditions, une rupture soudaine et violente. Cette phase critique, bien réelle du milieu des années 80 au tout début des années 90, est dépassée dans la majorité des entreprises, mais a cédé le pas à une nécessité d'adaptation permanente aux évolutions du marché. En octobre 1997, Fabrimétal notait 29 que "la conjoncture est particulièrement favorable dans les secteurs de la construction mécanique et de l'aéronautique". Comme toutes les entreprises de ces secteurs, la plupart des entreprises de défense profitent de ce climat porteur. La production est en hausse, les résultats reprennent des valeurs positives et l'emploi, donc les charges salariales, régresse. De plus, tous les observateurs s'accordent à constater une certaine reprise du marché mondial des armements conventionnels. Que peut espérer de mieux un dirigeant d'entreprise ? L'emploi est le grand perdant ... Ce redressement se paie cependant au prix de pertes massives d'emplois. Depuis 1990, quelque 2.000 emplois directement liés aux activités de défense ont été perdus dans les 12 principales entreprises belges productrices d'équipements de défense. Environ 20.000 emplois directs avaient déjà été perdus par l'ensemble du secteur des entreprises de défense au cours de la période 1980-1990. Cette hémorragie semble aujourd'hui proche d'être jugulée (bien que l'avenir de FN HERSTAL reste une inconnue), mais le défi reste entier: ces emplois perdus sont loin d'avoir été recréés dans d'autres activités. Si les entreprises des secteurs de l'électronique et de l'aérospatiale disposent vraisemblablement d'atouts pour bénéficier durablement de ces conditions favorables, l'avenir des entreprises du secteur des armes et munitions (FN HERSTAL, FORGES DE ZEEBRUGGE, MECAR, PB CLERMONT), reste, en revanche, problémati29 Le Soir, 16 octobre 1997 41 que. Hormis les difficultés actuelles de FN HERSTAL, les résultats de ce pôle d'activités exclusivement wallon, malgré des fluctuations importantes depuis le début des années 90, marquent bien une tendance récente au redressement, mais l'embellie risque d'être de courte durée. Les exportations sur la sellette ... Ces entreprises du secteur des armes et munitions sont actuellement les otages d'un petit nombre de clients étrangers non européens, au premier rang desquels nous retrouvons notamment l'Arabie saoudite, la Turquie, ou l'Indonésie. Le sursaut d'éthique auquel devrait mener, espérons-le, le Code de conduite européen sur le commerce des armes, ou une application plus stricte de la législation belge actuelle, risque de mettre sur la sellette plusieurs clients traditionnels des entreprises belges. Dans cette perspective, souhaitable pour des raisons morales mais dont il faut envisager les conséquences économiques et sociales pour les entreprises wallonnes, l'immobilisme des autorités est inquiétant, et même choquant dans le cas de la FN HERSTAL où la Région wallonne a opté pour la solution onéreuse de reprendre seule les commandes. L'actualité, dans un tout autre secteur, tombe bien à propos pour illustrer les conséquences d'une absence d'anticipation. Alors que planait, depuis des années, l'épée de Damoclès annonçant une interdiction de toute publicité pour le tabac, il a fallu qu'elle tombe pour que s'agitent les autorités wallonnes afin de tenter de différer la décision et chercher des solutions alternatives pour le financement du sport automobile. L'histoire se répétera-t-elle pour la production et le commerce des armes? Le chemin sera encore long et parsemé d'obstacles, car des intérêts économiques importants sont en jeu. Mais on perçoit actuellement des avancées encourageantes de la communauté internationale vers la recherche de solutions repoussant progressivement le seuil du recours à l'option militaire dans la résolution des conflits. Le travail incessant des organisations non gouvernementales et des instituts de recherche convainc aujourd'hui un nombre toujours plus grand RAPPORT DU GRIP 98/1 de parlementaires et de relais politiques que la première étape de cette réflexion consiste à juguler les flux d'armement, les trafics comme les transferts "réguliers", vers les régions instables ou déjà surarmées du monde. La problématique des armements légers et des munitions, principales ressources de l'industrie wallonne de défense, est particulièrement mise en exergue. Il y a plus de dix ans, avant sa fermeture en 1990, les Poudreries réunies de Belgique donnaient à la Belgique le triste privilège de figurer parmi les grands producteurs de mines antipersonnels. La Belgique vient pourtant de démontrer sa capacité de jouer un rôle déterminant dans la campagne pour l'interdiction de ces armes meurtrières. Faut-il nécessairement attendre la fermeture de MECAR et de FN HERSTAL, leader mondial pour la production d'armes de petit calibre 30, pour que la Belgique prenne une nouvelle fois ses responsablités ? Le mythe de la reconversion ... Nul n'ignore plus qu'aucune entreprise d'armement ne peut actuellement atteindre son seuil de rentabilité sans un accès aux marchés de ces régions à risque. Les entreprises dépendant exclusivement du secteur des armes et munitions n'ont donc pas d'autre alternative qu'une reconversion de leurs activités. L'idée d'une reconversion n'a cependant jamais convaincu personne dans les milieux industriels et, dans son acception étroite héritée du pacifisme des années 70, elle ne restera jamais qu'un mythe. Aucune entreprise belge du secteur de la défense n'a reconverti durablement ses activités, fût-ce partiellement. Au gré des conjonctures, l'activité de défense a toujours été à géométrie variable. Dominante une année, en veille la suivante, aucune entreprise n'y a jamais définitivement renoncé. Si reconversion il peut y avoir dans la défense, elle sera vécue comme un redéveloppement territorial économique et social appuyé sur une pluralité d'entreprises opérant dans des branches 30 Selon un classement basé sur les déclarations des entreprises, le groupe HERSTAL est toujours leader du marché en 1997, devant COLT (Etats-Unis), DIEMECO (Canada), GIAT (France), HECKLER & KOCH (Allemagne), SIG (Suisse), STEYR (Autriche) et TAAS (Israël) - The Wall Street Journal, 8 octobre 1997. 42 diversifiées [Grosdidier, 1996]. Le débat ne peut plus être limité par le diktat du maintien de l'emploi à tout prix dans une entreprise déterminée. La question est de savoir comment assurer la pérennité d'un système productif local tout en se dégageant progressivement d'une activité déclinante, la défense. Comment réinvestir, dans de nouvelles activités, l'accumulation de qualifications et de maîtrise technologique du secteur de la défense ? Comment recréer et développer un nouveau tissu industriel, prioritairement de PME-PMI, sur les bases technologiques de la défense ? Dans des régions en retard de développement et en déclin industriel, là où les restructurations dans la défense constituent un facteur aggravant, KONVER fut un incontestable ballon d'oxygène. Mais le programme KONVER a souvent manqué l'objectif sur la base duquel il avait été fondé: une reconversion réelle, donc une réallocation des ressources affectées aux activités de défense vers des activités civiles. La Région wallonne donne même l'exemple paradoxal d'une entreprise, TECHSPACE AERO, ayant bénéficié de l'initiative KONVER, mais dont la dépendance envers la défense s'est accrue durant la mise en œuvre du programme, alors que l'emploi correspondant diminuait. KONVER ne sera pas reconduit au-delà de 1999; en l'absence de critères spécifiques pour les aides européennes aux mutations industrielles dans le secteur de la défense, les effets "Techspace Aero" ne risquent-ils pas de se multiplier? L'éligibilité aux fonds structurels pour les mutations industrielles devrait dans tous les cas être assortie de conditions strictes afin de garantir leur affectation à des projets civils durables et créateurs d'emplois. Priorité aux PME innovantes ... L'accent devrait être porté davantage sur des aides à la création et au développement de nouvelles activités industrielles de pointe, ainsi qu'à la création d'emplois nouveaux, dans des PME/PMI innovantes. A cet égard, la mise en œuvre du programme KONVER en région d'Ilede-France mérite certainement d'être citée en exemple. Pour atteindre cet objectif, les autorités régionales, et singulièrement wallonnes car c'est en Wallonie que domine ce problème, doi- RAPPORT DU GRIP 98/1 vent donner l'impulsion, créer les conditions, pour que se mobilise à nouveau du capital à risque. Une politique volontariste d'essaimage depuis les entreprises de défense vers des PME/PMI serait un premier outil efficace de reconversion: un essaimage externe d'activités avec, au départ, un soutien technologique; un essaimage des compétences de cadres et techniciens de la défense qui seraient autorisés à effectuer des prestations externes et temporaires dans des PME/PMI qui manquent de compétences précises pour le développement d'un projet technologique créateur d'emplois; un essaimage individuel enfin, où Région et opérateurs pourraient apporter leur soutien aux travailleurs désireux de développer leur propre activité, notamment par des études préalables de faisabilité, la recherche de financements, la mise à disposition de locaux, ou la recherche de partenaires. Ajoutons qu'il ne faudrait pas non plus négliger l'énorme marché potentiel que représente le recyclage des stocks d'armements et de munitions obsolètes et en surnombre qui s'accumulent dans de nombreux pays. La fédération des entreprises du secteur des fabrications métalliques, Fabrimétal, a récemment chargé un bureau de consultants liégeois d'évaluer cette activité. Marché porteur, les pouvoirs publics devraient aider l'industrie à s'y positionner avec succès. Vers un dialogue plus constructif ... En ultime conclusion, la nécessité d'un dialogue constructif et permanent entre tous les acteurs concernés par la restructuration de la défense doit être soulignée plus que jamais, et particulièrement dans le cadre du projet COSTA10 qui se veut un réseau paneuropéen et fédérateur. La majorité des entreprises belges de défense contactées par le GRIP depuis 1994 ont accepté d'entrouvir leur porte, voire leurs livres. Quel- 43 ques irréductibles persistent cependant à nous opposer une fin de non-recevoir. La dissimulation et la culture du secret est l'héritage empoisonné d'une logique de guerre-froide aujourd'hui révolue. A l'aube du 21ème siècle, les organisations et instituts de recherche ne considèrent pas les industriels de la défense comme des va-t-enguerre, et n'ignorent pas que les contraintes de la compétitivité et les pressions du marché pèsent lourdement dans les choix stratégiques d'une entreprise. Par contre, nous répéterons inlassablement que la paix et la sécurité sont les premières conditions pour un développement durable des pays les plus pauvres. Nous ne cesserons de rappeler que la stabilité de plusieurs régions du monde est sans cesse menacée par les flux excessifs d'armements fournis essentiellement par le monde développé. Nous soulignerons que la Belgique porte une lourde responsabilité dans le cas spécifique des livraisons d'armes légères et de munitions, qui tôt ou tard échapperont aux règles qui ont conditionné leur exportation. Mais nous savons aussi que la structure actuelle de l'industrie européenne de la défense ne lui permet pas de se priver de ces marchés exotiques du jour au lendemain, pas plus qu'elle ne la rend apte à assurer une défense commune européenne optimale, et à un coût que la bonne gestion publique impose de minimiser. En tout état de cause, la restructuration en profondeur du secteur de la défense est incontournable. Mais elle doit s'opérer dans l'intérêt collectif: de l'enfant africain comme du contribuable européen, de l'ouvrier comme de l'actionnaire. Pour relever le défi de cette apparente quadrature du cercle, chacun se doit de jouer cartes sur table. Sans dissimulation et sans manipulation, la transparence doit devenir la règle pour toute information liée aux flux des armements. ____________________