Histoire des AA de Belfort... Ma cure de sevrage se déroule à l

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Histoire des AA de Belfort... Ma cure de sevrage se déroule à l
Histoire des AA de Belfort...
Ma cure de sevrage se déroule à l'hôpital de Lure en juillet 1986 dans le service du
Dr LARERE, médecin alcoologue et alcoolique.
Je suis à la dérive….Coincé entre le désir d’arrêter de boire et
parvenir….
l‘impossibilité d’y
En juillet 1986, pour une fois, j’écoute mon médecin traitant et surtout j’accepte de
me faire soigner comme il me le suggère depuis si longtemps…..
En entrant à l’hôpital je suis affecté dans une chambre mais je ne suis pas
seul…Première mauvaise impression…Il y a une autre personne…Ca ne me plaît
pas….J’aurais voulu être seul pour mieux me cacher …sans doute.
Nous restons un long moment sans nous regarder…Par peur, par timidité….Je n’ai
jamais su…Puis je me dis qu’il faudrait que je réussisse à voir la tête de ce type !
Ca m’inquiète : il va tout de même dormir à mes côtés.
Lui doit avoir les mêmes états d’âmes puisque finalement nos regards se croisent
et j’ai comme un choc !!!…
Je vois un homme avec un regard très doux, nullement agressif, comme j’avais
imaginé…Un type qui a une mine de ‘’chien battu et abattu’’…
Je ne sais ce qu’il voit chez moi toujours est-il que nous parlons et que cela dure
très très longtemps….Nous avons tellement de choses à dire ! Les vannes viennent
de s’ouvrir et une véritable communication commence sur une misère commune !
Le lendemain je rencontre le fameux médecin alcoologue….Je le connais.
Deuxième mauvaise impression….Il était le généraliste de ma famille et un jour il
m’avait prescrit une prise de sang que je n’ai jamais osé faire….Déjà ! Qu’importe,
ma motivation est intacte…Je veux me soigner, peu importe le prix à payer…
La cure se déroule de façon extraordinaire… Je parle de moi et ceux qui sont
hospitalisés avec moi parlent également de moi !!…C’est génial ils sont comme
moi….même si je n’ai pas tout à fait compris que je suis aussi comme eux !
Déjà lié par des liens privilégiés avec moi, le Dr LARERE m’interpelle à la
sortie…Son message est clair et précis : si je veux faire partie du faible
pourcentage de ceux qui s'en sortent, je dois adhérer à un groupe d'anciens
buveurs !!!!??.
8 août 1986 : Je sors de l'hôpital. Heureux mais terriblement angoissé.
Heureux de me retrouver à l'air libre, mais terrorisé à l’idée de retrouver mon
quotidien que j'ai complètement oublié pendant mon séjour.
Réticent au possible à fréquenter les groupes d'anciens buveurs, la lecture, lors de
la cure, du livre de Joseph KESSEL m'a laissé entrevoir une solution acceptable
avec les AA.
Manifestement ceux là ne sont pas comme les autres associations…ils ne mènent
pas de lutte antialcoolique et ça me plait bien…
D'août à décembre 1986, Christian, Pierrot et moi-même, nous nous réunissons
chez Christian à Belfort, perpétuant ainsi le concept des réunions du Dr LARERE
Certains principes AA entrevus dans le livre de J.KESSEL nous servent de thème
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et de guide. C’était génial jusque là..
Bien vite cette solution devient invivable car chaque fois la famille de Christian est
obligée de quitter l'appartement pour nous laisser tranquilles.
Si nous commençons bien à l'heure (20h30), nous avons beaucoup de mal à
terminer la réunion qui parfois nous conduit aux alentours de 2 ou 3 heures du
matin !!! Nous commençons à réfléchir à notre avenir en termes de groupe AA
officiel.
Pierrot souhaite que l'on se dirige vers la franc-maçonnerie et devant notre refus
catégorique, il nous quitte et nous ne le reverrons jamais.
Christian a un ami de sa famille qui fréquente les AA de Mulhouse. C'est donc tout
naturellement que ceux-ci nous accueillent un vendredi soir pour notre première
réunion rapidement suivie d'une 2e puis d'une 3e...
Je suis enchanté par ce que je viens de découvrir. Seulement Mulhouse, il faut y
aller, d'autant que moi, je viens déjà d'un petit village de la Haute-Saône et je fais
des km pour rejoindre Belfort soit 75 km aller et autant retour.
L'idée d'ouvrir un groupe à Belfort s'impose naturellement d'elle-même. Premières
démarches auprès de la mairie.
Christian m’a raconté la surprise de l'employée de mairie qui, nous annonçant
qu'elle nous a trouvé une salle gratuite, s'entend répondre que nous voulons, à tout
prix, payer un loyer ! !
Alors que nous tentons d’expliquer notre 7e tradition elle crie à ses collègues ‘’Au
fou : alors que toutes les associations se battent pour obtenir la totale gratuité,
ceux-là veulent payer à tout prix !! ‘’
A l'époque, une personne de ma famille a en charge les Foyers des jeunes
travailleuses de Belfort.
Elle nous propose une salle moyennant un loyer qui satisfait nos états d'âmes et
l'état de nos finances.
La première réunion AA de Belfort a lieu le 14 janvier 1987.
Le jour des réunions est le vendredi de chaque semaine à 20h30 et la réunion
ouverte est le dernier vendredi du mois.
Des amis de Mulhouse assistent au démarrage du groupe.
Encore très imprégné par notre séjour à l'hôpital de Lure, Christian et moi-même
retournons régulièrement nous ressourcer aux réunions du Dr LARERE le samedi
matin.
Il va sans dire que nous sommes dithyrambiques dans nos témoignages concernant
notre récent passage dans le service ainsi qu’au sujet de notre nouvelle
appartenance aux AA de Belfort.
Très vite, les premiers venus arrivent.
Je suis persuadé que les services généraux des AA dont on me rabat les oreilles
ressemblent au Gault et Millau..
Ils doivent visiter tous les groupes de France et de Navarre, incognito, pour
s’assurer que les traditions sont bien appliquées ! Je ne veux pas que le groupe soit
pris en flagrant délit de mauvais fonctionnement…Vous avez dit rigueur ??
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Coté naïveté, c’est pas mal non plus. Nous prêtons de l'argent et de la littérature à
certains membres, persuadés que si nous ne le faisons pas ils vont reboire !!!
Nous ne reverrons jamais ceux-là, pas plus que notre argent et pas plus que notre
littérature d’ailleurs.
Arrivent, dans le désordre, Catherine, Jean-Paul, Josiane, Madeleine, Odette, JeanPierre J.
Des péripéties, il y en a….Reprendre la caisse à un trésorier qui s’est enfui avec, a
été un des premiers exercices que le groupe dut faire afin de préserver l’unité de
ses membres….
Pour raisons professionnelles Christian L. quitte Belfort pour Besançon. Le coup est
rude pour moi, car je perds mon double, mon jumeau. Tout seul je ne vais pas
savoir faire….
De plus, le foyer des jeunes filles nous annonce sa fermeture et nous devons nous
mettre en quête d'une autre salle pour nos réunions. A nouveau la galère.
Josiane, Jean-Paul et moi-même commençons les premières investigations et c’est
à la Maison du Peuple que nous nous installons.
Nous n'y restons que très peu de temps. Cette maison est très fréquentée, surtout
le vendredi soir et nous avons des doutes quant au respect de l'anonymat.
De plus, la salle est au sous-sol avec peu d'aération ce qui rend l'atmosphère
irrespirable avec les fumeurs. Alors, à la pratique, nous décidons de changer, une
fois de plus, de domicile.
La F.O.L. (Fédération des Œuvres Laïques) est notre troisième domicile. Le groupe
se met à grandir avec une rapidité impressionnante. Il nous arrive d’être 30 voir 35
personnes en réunion fermée et, plus d'une fois, il n'y a pas assez de chaises.
En parallèle, à l'étage supérieur, se tiennent les réunions du groupe Al-Anon tout
récemment ouvert par Richard.
Dans les conversations, l'éventualité d’ouvrir un 2e groupe commence à circuler.
Le groupe de Belfort-Vendredi est bien structuré avec un comité dont tous les
postes sont pourvus. Je demande à rester comme simple membre de ce comité,
mais les responsables de l’époque me signifient que je dois respecter le principe
des rotations. Je dois avouer que cela m'affecte plus que je ne veux le montrer et
mon cœur saigne un peu mais sans ressentiment !
C'est à ce moment que Suzanne L. qui a ouvert le groupe de Montbéliard avec
Claudine m'appelle pour l'aider car Claudine la quitte pour rejoindre les USA, son
pays d'origine.
Arrivé dans ce groupe, je retrouve les sensations ressenties à l'ouverture de Belfort.
Il n'y a pas de comité et il faut tout mettre en place avec le petit nombre d'amis
présents. Ma participation à ce groupe dure environ 4 ans et, déjà, je dois penser à
ma rotation. Les serviteurs sont nombreux et cela ne pose aucun problème..
Entre temps, le groupe de Belfort-Vendredi a encore changé de domicile puisque la
F.O.L. a fermé ses portes. C’est le Centre Culturel des Barres et du Mont qui
accueille ce groupe.
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Jean-Pierre J. m’appelle pour me dire qu'il souhaite ouvrir un deuxième groupe à
Belfort. Des problèmes de personnalités sont survenus dans le groupe…Auxquels
s’ajoutent ceux causés par l'effectif trop important.
Jean-Pierre J. trouve une salle à ESSERT dans la proche banlieue de Belfort.
C'est ainsi que nait le groupe AA ESSERT-Partage en 1993. Les réunions ont lieu
le mercredi. A la pratique nous voyons rapidement que l’'endroit n'est pas idéal.
Située à l'étage, la salle est vitrée et de l'étage inférieur, il est possible de voir qui
est en réunion. Toujours nos pudeurs avec l'anonymat !
Le groupe périclite et rapidement nous ne sommes plus que 4 ou 5 en réunions.
Notre analyse de la situation met en cause le lieu et la décision de changer d'air est
rapidement prise par Michèle, Jean-Pierre et Gilles.
Le Centre Culturel des BARRES et du MONT, où se réunit le groupe de Belfort
Vendredi, nous accepte et le deuxième groupe est rebaptisé BELFORT- Espoir.
Désormais il y a 2 réunions AA au même endroit : le mercredi et le vendredi.
Puis arrivent les lois sur les interdictions de fumer dans les endroits dits publics. La
direction du Centre du MONT interdit toute consommation tabagique dans les
salles de réunions.
Le groupe du Vendredi accepte l'interdiction et reste donc dans les murs de cet
établissement. Quand au groupe du mercredi, il veut continuer à pouvoir dire que la
seule condition pour en être Membre est bien un désir d'arrêter de boire.
Aussi, les responsables de ce groupe cherchent une nouvelle salle.
C’est ainsi que la Maison de Quartier de la rue de Strasbourg abritera les réunions
de Belfort Espoir.
En mai 2003, le groupe de Belfort-Vendredi est fermé par ses responsables pour
des raisons qu’il ne m’appartient pas d’évoquer dans cette historique…
Je dois tant de choses à ce groupe que j’en éprouve un profond chagrin. De
réflexions en réflexions, je comprends que je dois ré ouvrir ce groupe…
Notre regretté Jean-Pierre J. est partant avec moi…Son état de santé en décidera
autrement. Là encore un immense chagrin me submerge…Pourtant la ré ouverture
de ce groupe m’obsède….
C’est en 2004 que la décision est prise…Laurent G. est le 2e alcoolique qui permet
au groupe du vendredi de fonctionner à nouveau ; tout d’abord du 2 avril au 11 juin
à la salle paroissiale d’ESSERT, sous le nom d’ESSERT Partage, puis à partir du
18 juin au centre culturel des Barres et du Mont, sous le nom actuel de BELFORT
Partage.
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Ni exhibitionnisme, ni étalage de services, simplement, à travers mon témoignage
une merveilleuse histoire, celle des Alcooliques Anonymes de Belfort.
Merveilleuse, car je lui dois mon abstinence d’alcool…Ce n’est pas rien et je suis
toujours enthousiasmé par cette abstinence là.
Merveilleuse, car je sais que je ne suis qu’un maillon de la fameuse chaine de
solidarité que vous connaissez au sein de notre fraternité….
Merveilleuse, car elle m’a permis de rendre ce que j’ai reçu pratiquant ainsi, à ma
façon, le principe du donner recevoir.
Merveilleuse, car j’ai une profonde gratitude envers mes anciens qui m’ont transmis
le double message de l’abstinence d’alcool et du respect de mes engagements
dans les services.
Merveilleuse, car je crois qu’une puissance supérieure à moi-même m’a guidée dès
le moment où j’ai accepté de me faire soigner pour me permettre ensuite de vivre
une abstinence durable malgré les difficultés rencontrées.
Merci à toutes et à tous….L’aventure continue et, très égoïstement :
j’ai toujours et encore besoin de vous..
Gilles M.
(Approuvé par Christian L. de Besançon)
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