Le changement dans les organisations publiques et le rôle de

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Le changement dans les organisations publiques et le rôle de
Le changement dans les organisations publiques et le rôle de
la communication
Rencontre professionnelle organisée par l’association
Communication publique
- SYNTHESE Intervenants :
Bernard EMSELLEM, directeur de la communication de la SNCF,
Michel WIENER, directeur de la communication de La Poste,
Hervé LIST, direction de la communication et des affaires publiques, RTE
La rencontre était animée par Jean DUMONTEIL, directeur de la Lettre du secteur public
Les intervenants représentent les services de communication de très grandes entreprises du secteur
public faisant face aux enjeux tant de la mise en concurrence que de mutations structurelles de leur
secteur d’activité, liées notamment aux innovations technologiques.
La communication interne est suffisamment plastique pour permettre à une organisation d’adapter
sa stratégie en fonction de ses propres défis et contraintes.
I - La communication interne peut être le levier d’un changement de culture
(Bernard ENSELLEM).
Le communicant est le garant de l’image de l’entreprise qu’il construit au travers d’une
communication engagée, c’est-à-dire qui tienne ces engagements vis-à-vis des usagers.
Point méthode : il est possible d’opérer une distinction entre communication commerciale (faire
vendre) et non commerciale (corporate communication ou communication institutionnelle). Pour
Bernard EMSELLEM, la différence existe. Une partie des outils de communication sont similaires.
En même temps, les agents vont se sentir concernés si les produits sont bien et si ces produits sont
perçus comme étant faits par des gens bien. Dans les grandes entreprises publiques marquées par le
monopole, il est important de faire comprendre que « le commerce ce n’est pas sale » (Michel
WIENER, directeur de la communication de la direction du courrier).
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Dans un contexte de mutation du secteur d’activité, la concurrence accrue des autres modes de
transport, la fin du monopole ferroviaire en 2010 ou la situation fragile du fret, la communication
de la SNCF est orientée par l’impératif de donner du sens.
Cela vaut tant à l’externe, où la SNCF doit affronter l’argument – traditionnel en ouverture à la
concurrence - de la ringardisation de son offre et de son image soutenue par ses futurs concurrents,
qu’en interne, afin d’inclure chaque agent dans le processus de changement. Le challenge global
étant d’anticiper la concurrence en se positionnant comme une entreprise innovante et réactive.
C’est la raison pour laquelle le credo de la SNCF est de « donner au train des idées d’avance ».
Avec l’objectif de répercuter cette philosophie en interne. C’est notamment l’objet des débat
d’innovation participatifs : un processus de mobilisation de toutes les idées, bonnes ou non, et leur
mise en débat.
Le processus implique, notamment parce que la direction s’est engagée à répondre à toutes les
propositions en même temps que le débat était ouvert à tous, une réelle mobilisation des personnels
autour des enjeux de la SNCF.
Mais une telle réorientation stratégique n’a de fondement que si la SNCF sécurise en premier lieu la
qualité de son offre, notamment en répondant à l’élévation du degré d’exigence des usagers, lequel
n’autorise plus une communication floue.
Dans cette perspective externe, la communication est apparue comme un levier de changement
interne. La circulation des trains en période de grève en donne un exemple concret. La SNCF ne
communique plus sur des fréquences de circulation vagues, mais sur les trains qui circulent
réellement. Il a donc fallu s’assurer de la qualité de la remontée d’information quant à ces
circulations.
Dès lors, la SNCF s’engage dès qu’elle communique et les trains annoncés doivent être là. Il y a
une réelle inversion du processus traditionnel où l’on communique sur ce que l’on produit : là
l’information prime la production. Avec le challenge d’assurer cette qualité d’information dans des
situations imprévues : l’engagement auprès du public est le moteur du changement. Ce que
résument deux adages : « Le dire c’est le faire, sinon c’est de la com’ » et « Communication
oblige ».
II - La communication interne prend aussi la forme d’une bataille de
convictions, question de survie pour évoluer (Michel WIENER)
« Si le service public demeure figé, il est mort. Etre innovant c’est s’adapter au public. »
De même que la SNCF doit faire face à des changements sectoriels, La Poste voit aussi ses
conditions d’intervention modifiées. Or, comme on se plaît à le dire, la Poste est « une vieille
dame » : un chiffre d’affaires de 20 Mds € par an, 190 000 employés, une identité métier
particulièrement forte. Les défis du changement sont importants : le courrier se dématérialise, les
métiers traditionnels de la Poste se transforment et les supports nouveaux comme le courriel
interrogent le cœur de métier de l’entreprise. Enfin, en 2011 la complète libéralisation du courrier,
à l’heure actuelle encore partielle.
Cependant, davantage que des nouveaux entrants, la concurrence est celle induite par les mutations
technologiques. La montée en puissance de l’internet implique un changement radical du processus
de production, qui oblige la Poste à renouveler totalement et à courte échéance, son offre. Avec
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l’objectif d’être présent sur tout les types de courrier. Un défi qui s’est traduit dans un programme
qui engage les 190 000 agents de la Poste.
Ce programme, Cap qualité courrier, outre son volet technique (3,4 Mds € d’investissement pour
renouveler l’appareil industriel), s’attache en premier lieu à donner du sens au changement en
cours, en expliquant ce qui va se passer, en communiquant. Surtout, pour une entreprise de main
d’œuvre comme la Poste, avec l’objectif de faire des agents les acteurs de la transformation à venir
plutôt que ces spectateurs.
Pour cela, la stratégie de la direction de la communication, qui doit tenir jusqu’en 2010, est
d’identifier ses alliés potentiels, tant en interne qu’en externe, qui faciliteront l’adhésion du plus
grand nombre. En premier lieu, le canal des managers, auxquels il est proposé d’« osez l’interne » :
à eux de donner du sens, d’écouter leurs collaborateurs, notamment via des débats participatifs, les
« ateliers du sens », et de relayer vers le haut comme le bas l’information. Ce qui implique
d’ailleurs de passer d’un encadrement de gestionnaires à des professionnels du management.
Il y a plusieurs moyens d’évaluer la qualité de l’information et du retour des agents vers le
management : via des évaluations formelles, annuelles, afin de se donner une photo à un instant
« t » du niveau de satisfaction au travail, de la confiance en l’avenir, ensuite, le sondage de groupes
témoins, afin de se donner une idée de l’ambiance, on est là dans l’informel, dans ce qui se dit à la
cantine, enfin, le présentéisme, qui donne une idée globale de la satisfaction professionnelle.
In fine, c’est dans la com’interne qu’il faut aller chercher la com’ externe : les agents, les postiers,
sont les premiers porte-parole de l’entreprise à l’extérieur : il faut donc être crédible en interne
avant tout.
III - Enfin la communication interne peut être le ciment d’une entreprise
naissante (Hervé LIST)
En 2000, l’entreprise RTE, Réseau de Transports d’Electricité, est créée. Elle acquiert
progressivement son indépendance financière et managériale vis-à-vis de sa maison mère, EDF.
Très rapidement, se pose la question de faire reconnaître l’indépendance de l’entreprise dans son
domaine d’activité et en interne.
En interne, les agents EDF sont devenus salariés de RTE, en ayant l’impression de perdre leurs
repères. Notamment parce que des métiers extrêmement divers ont été réunis au sein de
l’entreprise, avec une indispensable réorganisation métier, d’autre part en changeant drastiquement
de taille : 8000 et non plus 140 000. L’enjeu était alors de donner de l’homogénéité à une équipe de
collaborateurs marquée par le sceau de l’hétérogénéité. Incidemment, c’était l’identité même de
RTE qui était en jeu puisqu’il fallait faire connaître et reconnaître l’entreprise, donner à voir son
identité propre et cela passait inévitablement par une cohésion, une unité des salariés.
En externe, la naissance de l’entreprise se faisait sous des auspices clairement identifiées : assurer
la sécurité de l’alimentation électrique de la France, assurer l’indépendance et la neutralité de
l’entreprise à l’égard des opérateurs, le tout sous le contrôle d’une autorité administrative
indépendante, la CRE (Commission de régulation de l’énergie).
La nécessité d’une mise en cohérence interne / externe est rapidement apparue, afin de donner des
repères aux agents, leur dire : la mission n’a pas changé, seul l’environnement a changé.
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Le premier directeur RTE, André MERLIN, a définit un projet autour d’un texte diffusé auprès des
agents, visant à fédérer et à donner du sens, montrer où l’on va. Enfin un changement de
philosophie a été opéré : mettre l’externe au service de l’interne. On va se préoccuper par exemple
des bénéficiaires, en détectant les points faibles d’un projet le plus en amont en possible, et
conduire les agents de RTE à agir d’un seul tenant, par exemple en assurant le meilleur croisement
des informations.
A travers toutes ces démarches, c’est la recherche d’une plus grande cohérence de l’action interne
et externe d’une entreprise donnée qui s’affirme. La communication est cruciale et se doit d’être
une forme fondée pour garder sa force de frappe.
Pour faire aboutir leur démarche, ces entreprises ont développé des outils de
communication qui présentent des similarités autour du support web et de la
diffusion d’une lettre d’actualité.
La SNCF s’appuie sur :
-
des démarches internes d’innovation participative pour faire coïncider message externe et
réalité interne. L’idée est de recueillir dans un premier temps les suggestions qui viennent
du terrain, et d’apporter systématiquement une réponse à ces propositions : d’abord en les
retravaillant (notamment celles qui n’avaient pas été déjà intégrées dans la réflexion), puis
en expliquant pourquoi elles peuvent être retenues ou non.
-
un espace intranet dédié, où les cadres s’emparent des idées et les traitent. Les idées non
traitées sont identifiées et envoyées vers les services qui auraient dû les prendre en compte.
-
la SNCF a développé un support de communication, Temps réel, une lettre d’une page
diffusée par intranet à laquelle les agents ont accès par des postes informatique mis à leur
disposition (ligne horizontale). L’ensemble des établissements SNCF est doté d’un
responsable communication - qui n’est pas forcément le chef de service : la circulation se
fait aussi via la ligne hiérarchique.
La Poste développe un programme de communication interne formalisé et systématique. Cela passe
par le plus grand accès possible à l’information : outre les produits d’appel que constituent les
bornes internet en accès libre, ou des sites internet externe avec des contenus neutres, des infos qui
intéressent directement les agents :
-
la campagne « Oser l’interne » (depuis 2003 jusqu’en 2010) dont les canaux sont
l’intranet, la publication d’un magazine en direction des cadres. L’objectif est jouer
sur les supports de l’écrit, de l’écran et de l’oral ;
-
les échanges participatifs des « ateliers du sens ». Soit un groupe de 25 personnes, un
animateur. On réfléchit sur une problématique avec un objectif et une dizaine de
propositions préalables, ce qui permet une totale appropriation du thème par les
participants. Les ateliers, d’abord limités aux grands projets, se sont désormais
généralisés. Serait-ce une pratique à diffuser dans les collectivités territoriales ?
-
La Poste a également développé un intranet sur lequel transitent des informations
relatives à l’emploi (bourse des offres) et aux questions sociales.
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RTE diffuse des « dépêches d’information » via l’intranet (un poste par équipe) et par voie
d’affichage.
Au même titre que les agents de ces différentes entreprises du secteur public, Pierre ZEMOR
(président de l’association Communication publique) fait remarquer que les agents des collectivités
territoriales sont habitués au changement, la décentralisation y étant pour beaucoup. Avec des défis
comme l’insertion sociale ou le développement durable, ce sont des changements de mentalités
colossaux qui doivent désormais être intégrés dans la stratégie de communication du service public.
Le travail de communication ne se limite pas à la production de messages. Une communication qui
ne se mesure pas perd en efficacité. C’est la raison pour laquelle des instruments comme les
groupes témoins, les réseaux informels, le présentéisme, le socioscope qui mesure le niveau de
mobilisation, de satisfaction, etc. au travail, sont déterminants. Les collectivités territoriales ne sont
pas en reste. Par exemple, la communauté urbaine de Lyon organise depuis 2004 des petits
déjeuners entre cadres récemment arrivés, entre anciens et nouveaux cadres. Une déconcentration
de la fonction RH est à l’œuvre.
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Synthèse rédigée par les élèves administrateurs territoriaux de la promotion Lucie AUBRAC
(2007-2008)
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