Vache folle : retour sur une crise qui a changé l

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Vache folle : retour sur une crise qui a changé l
Vache folle : retour sur une crise qui a changé l'Europe
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Vache folle : retour sur une
crise qui a changé l'Europe
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Date de mise en ligne : mercredi 28 mai 2008
Description :
Remontant à 1985, la crise de la vache folle éclata aux yeux du public dans les années 1996-2000. La crise toucha de plein fouet le niveau européen, contribuant
notamment aux difficultés de la Commission Santer et a son ultime démission. Traumatisée par l'échec flagrant, l'UE a petit à petit développé une véritable de
politique de la sécurité alimentaire et mis en place système de veille et réseau d'expert. En février 2008 pourtant, deux personnes mourraient encore de la maladie
de Creutzfeld Jacob. Retour sur la crise et ses conséquences.
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Vache folle : retour sur une crise qui a changé l'Europe
Le 26 mars 2008, Bruxelles est informée par les autorités italiennes de la présence de dioxine
dans des Mozzarellas. Bien que la dose de dioxine ne se soit pas avérée être excessive, la
Commission presse lItalie pour renforcer les mesures deux jours après lalerte. Cette
réaction rapide visant à la protection du consommateur contraste fortement avec les
balbutiements européens durant la, ou plutôt les crises ESB (encéphalopathie spongiforme
bovine). La saga de la vache folle aura duré quasiment deux décennies, et transformé le rôle
de lUE dans la gestion des crises sanitaires et de santé publique.
L(in)action des autorités
Chronologie d'une crise
Phase 1 : la menace fantome
1985 : permier cas d'ESB au Royaume-Uni
1987 : Recherche : hypothse du rle de la farine animale dans la transmission de l'ESB
1988 : abattages et interdiction de l'utilisation de farines animales au Royaume-Uni
1988-1989 : embargos nationaux sur le boeuf britannique
1989 : Europe : interdiction d'importation de bovins vivants et ns avant 1988
Phase 2 : gestion de la crise sanitaire
1990 : interdiction d'utilisation de la farine animale en France
1990 : Recherche : possibilit de saut d'espce de la maladie ESB
1991 : permier cas de vache folle en France
1992 : Europe : renforcement des mesures d'interdiction d'importation (embryons)
1994 : Europe : interdiction de l'utilisation de farines animales
1995 : premier dcs d la maladie de Creutzfeld Jabod au Royaume-Uni
1996 : Europe : embargo total sur la viande bovine et produits drivs originaires du Royaume-Uni
1996 : plan massif d'radication au Royaume-Uni. Europe : une leve progressive de l'embargo est prvue
Phase 3 : la crise politique
1997 : Royaume-Uni : rapport BSE inquiry sur la gestion de la crise
1997 : Europe : rapport Medina Ortega et commission d'enqute du Parlement europen
1998 : Europe : leve partielle de l'embargo
1999 : Europe : fin de l'embargo (sous certaines conditions)
2000 : adoption d'un programme de dpistage au niveau europen
2000 : tous les pays europens sauf la France ont lev l'embargo
2000 : condamnation de l'embargo de la France par la CJCE
2001 : Allemagne : dmission de deux ministres suite l'enqute d'une commission parlementaire ...
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La crise débute en 1986 avec lapparition de la maladie au Royaume-uni. Quatre ans plus tard, les cas détectés se
multiplient et les travaux de recherche sur les causes de la maladie et ses risques de transmission saccumulent de
manière inquiétante. Pour autant, les dispositions adoptées restent limitées par comparaison avec la menace qui se
profile pour la santé publique.
Dès 1988, certains pays mettent en place un embargo sur le bSuf britannique. Après un lobbying de la part de ces
mêmes pays au niveau communautaire, lembargo est décrété de niveau européen en 1989. Cet embargo porte
alors sur les bovins vivants et nés avant 1988, date à laquelle lutilisation de farine animale fut interdite au
Royaume-Uni. Plusieurs facteurs limitent néanmoins la portée et de décision communautaire.
Premièrement, lembargo ne porte que sur les bovins vivants, nés avant 1988. Tous produits dérivés (viande, farine,
embryons etc.) nentrent pas dans le champ de cette disposition. Parce quelle avait limité au strict minimum létendu
des restrictions aux importations, la Commission fut accusée de privilégier la libre circulation aux risques pour la
santé publique. Le manque deffectivité de lembargo se traduit par lapparition de cas dESB dans les autres pays
européens dès 1991 (le premier cas fut observé en France.). Des dispositions successives élargissent le champ
alors des restrictions aux importations, mais lembargo total (i.e. sur le bovin et lensemble de ses produits dérivés)
nest décidé quen 1996, suite au premier décès humain enregistré au Royaume-Uni.
[JPG - 10 ko] ESB
l'ESB (encéphalopathie spongiforme bovine), également appelée maladie de la vache folle en raison des
dérèglements névrotiques qu'elle provoque, est transmissible à l'homme, sous la forme de maladie de Creutzfeld
Jacob. Cette dernière a notamment fait une cinquantaine de morts au Royaume-Uni.
Deuxièmement, si linterdiction dutilisation de farine animale date de 1988 au Royaume-Uni, cette mesure nest
adoptée au niveau européen quen 1994. Cette inaction limite fortement la portée de lembargo. En effet, lembargo
doit permettre de limiter loccurrence de cas de vache folle en interdisant larrivée sur le continent déléments
britanniques contaminés. Or, en permettant lutilisation des farines dans dautres pays européens, lémergence
dautres cas dESB nest pas empêchée. Troisièmement, lembargo reposait (jusquen 1994-1996) sur la bonne
application de linterdiction britannique dutilisation des farines animales, sans prévoir pour autant de mécanisme de
contrôle que ce soit au niveau européen ou national. Daprès le rapport Medina Ortega, aucun test vétérinaire ESB
na été systématiquement effectué au Royaume-Uni entre 1990 et 1994. Labsence de contrôles rigoureux en aval
ou en amont, ont gravement nui à la bonne application des dispositions.
Le manque de dispositions et de contrôles ont été gravement mis en cause par plusieurs rapports : le ESB Inquiry au
Royaume-Uni, un rapport de commission denquête parlementaire en Allemagne, le rapport du parlementaire
européen Medina Ortega. Si lon ne sattarde quaux dysfonctionnements du système au niveau européen, la crise
ESB a démontré labsence (et le besoin urgent) dun schéma européen pour la gestion de ce type de crise. Un
deuxième rapport du Parlement (rapport Böge) ainsi que deux rapports daudit de la Cour européenne des Comptes
ont mis en évidence les problèmes du système de gouvernance européen en termes de prise de décision mais aussi
de mises en Suvre et de contrôle.
Gestion de risque au niveau européen et refonte
institutionnelle
« There is shit in the meat ». Cette phrase lance lintrigue de ladaptation cinématographique du livre dEric
Schlosser Fast Food Nation où une enseigne de fast-food fait face à un très grave problème de qualité dans une de
ses chaînes de production. Comment réagir face à un cas de risque pour la santé publique ? Cest là un des
problèmes fondamentaux que révèle la crise de lESB pour une Europe qui a longtemps pêché par labsence de
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système de prévision, danalyse, de gestion ou de communication du risque au niveau européen. Sans un tel
système, les mesures sont rares, contradictoires, inefficaces et lentes, comme dans le cas de la crise ESB.
[JPG - 6 ko] Androulla Vassiliou, commissaire européenne à la santé
Depuis la démission de Markos Kyprianou, Andoulla Vassiliou est en charge du portefeuille de la santé au sein de la
Commission Barroso. Ce portefeuille couvre notamment les questions de santé alimentaire.
Dès 1997, le paysage administratif et les procédures relatifs à la sécurité alimentaire ont été révisées. LUE a avancé
à tâtons, par révisions successives, pour aboutir finalement en 2002 à la mise en place dune agence indépendante :
lEFSA (European Food Safety Authority). Le Livret Blanc conduisant à la création de lEFSA jette aussi les principes
fondamentaux dune régulation européenne de la sécurité alimentaire.
Certes, EFSA tout comme la trentaine des autres agences de lUnion européenne ne détient pas de pouvoirs
législatifs ou réglementaires propres (la doctrine de la Cour européenne de justice linterdit). Le rôle principal dEFSA
est de délivrer des opinions scientifiques et techniques qui servent ensuite de base à la rédaction des mesures
communautaires dans le domaine de lalimentaire. Cependant, un certain nombre de caractéristiques de ce nouveau
paysage administratif font de lEFSA une agence particulièrement influente dans le paysage européen.
Premièrement, afin de garantir lindépendance dEFSA, non seulement la Commission, mais également le Parlement
européen et les Etats membres peuvent demander à EFSA de délivrer une opinion sur un problème particulier, et
EFSA peut publier des opinions de sa propre initiative. Deuxièmement, EFSA ne travaille pas de manière isolée mais
se trouve au centre du nouveau régime réglementaire de sécurité alimentaire que nous venons de décrire, de telle
sorte que ses opinions déterminent largement le contenu de la législation alimentaire de lUnion. Cette situation nest
pas celle de la plupart des autres agences européennes et constitue lune des clés de lefficacité du nouveau
système. Troisièmement, la jurisprudence de la Cour de justice indique que la Commission ne peut dévier des
recommandations dEFSA que lorsquelle a la preuve de divergences de points de vue parmi les scientifiques. Dans
un tel cas, la Commission est sensée appliquer le principe de précaution.
En guise de bilan
[PNG - 11,6 ko] Agence européenne de sécurité alimentaire
EFSA (European Food Safety Authority) a été créée en 2002 et occupe aujourd'hui une position clée dans la
politique de sécurité alimentaire de l'UE
Après six années de fonctionnement, EFSA semble victime de son propre succès, et rencontre de réelles difficultés à
répondre au nombre toujours croissant de requêtes qui lui sont soumises, notamment en raison de ressources
humaines insuffisantes. Ce phénomène démontre cependant quEFSA est jugé par les autres institutions de lUnion
apte à contribuer à une prise de décision rapide, rationnelle et efficace. On pourrait ainsi parler de modèle
administratif pour la gouvernance européenne, qui pourrait être élargi à dautres domaines.
Malheureusement, on note encore une flagrante infériorité numérique dagences dotées de telles prérogatives en
Europe par comparaison (par exemple) aux Etats- Unis. Or, il semblerait que dans une Europe de la libre circulation,
beaucoup de matières légitimeraient une telle structure pour pallier aux nombreuses menaces à la santé publique et
aux externalités fortement négatives pour les vingt-sept : bioterrorisme, grippe aviaire etc. Eviter une deuxième crise
type ESB nécessite un engagement politique et beaucoup de pro activité. De ce point de vue, on ne peut que saluer
linitiative de la Commission avec le Livret Vert sur la Préparation à la menace biologique, tout en soulignant que
beaucoup defforts restent à faire.
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