Les Capitales européennes de la culture
Transcription
Les Capitales européennes de la culture
Les Cahiers de l’Urbanisme N° 69 Septembre 2008 36 36-40 Commission européenne Direction générale de l’Éducation et de la Culture Les Capitales européennes de la culture Au cours de ces 50 dernières années, la coopération entre les États membres, les villes et les régions au sein de l'Union européenne a été très prolifique. Sur le long terme, le succès du projet européen dépend de la façon dont nous portons notre diversité culturelle à son plein épanouissement. Introduction Cette richesse culturelle est l'un des meilleurs atouts de l'Europe ; notre continent est la destination touristique la plus prisée au monde (443.9 millions de visiteurs en 2005). La variété du patrimoine européen, ses excellents programmes de conservation et les investissements réalisés à son profit à travers le Programme Culture 2007-2013 ainsi que la réhabilitation de son patrimoine industriel – via les fonds structurels européens par exemple- ont largement contribué à son attractivité. La Commission européenne soutient de multiples façons le secteur culturel et artistique ; en mettant par exemple en lumière la diversité culturelle via le dialogue interculturel, en stimulant la mobilité des artistes et leur travail au travers notamment du Programme Culture qui promeut la coopération entre opérateurs culturels, ou bien encore en mettant l'accent sur l'excellence des artistes et des professionnels de la culture européens à travers la remise de prix tels que le Prix du patrimoine et de l'architecture. Les Capitales européennes de la culture Le titre «Capitale européenne de la culture» représente une formidable opportunité de valoriser la variété culturelle existante dans l'Union. Cette initiative est particulièrement révélatrice du rôle prédominant que les villes peuvent jouer en tant que catalyseurs de créativité. Elle permet, par ailleurs, de mobiliser les citoyens de ces territoires et de les engager dans la vie culturelle locale. De par le nombre de personnes touchées par ces événements, nous pouvons dire avec assurance que les Capitales européennes de la culture séduisent à plusieurs égards. Une étude01 commandée par la Commission a montré que 80% des personnes impliquées dans l'organisation d'une Capitale entre 1995 et 2004 considèrent que c’est la manifestation culturelle la plus bénéfique aux villes. Elles affirment également que le titre est un moteur important pour le développement culturel et la transformation d’une ville. Une Capitale européenne de la culture n'est pas seulement un événement original et attractif ; par l'inclusion de l'ensemble de la population d'une ville dans l'élaboration du programme, elle mène à plus d'ouverture des mentalités, en promouvant la diversité comme une valeur commune. 89% des citoyens interrogés sont convaincus02 de la valeur de la culture et de l'échange culturel comme facteur d'une meilleure compréhension entre les citoyens des différents États membres. Ses origines La manifestation «Capitale européenne de la culture» a initialement été conçue pour contribuer au rapprochement des peuples européens. C’est en effet sur cette idée qu’elle a été lancée, à l’initiative de Madame Mélina Mercouri (ancienne ministre grecque de la culture), par le Conseil des ministres de l’Union européenne (UE) en juin 1985. Par les nombreux visiteurs qu’il a su attirer, le titre n’a cessé depuis lors de voir son succès croître auprès des Européens. Son incidence culturelle et socio-économique est remarquable. Depuis 1985, plus de trente villes ont été désignées Capitales européennes de la culture, de 37 Luxembourg, Capitale européenne de la culture 2007, avec la Grande Région © Office du Tourisme de Luxembourg Stockholm à Gênes, d’Athènes à Glasgow en passant par Cracovie et Porto. Au fil des années, cette manifestation a évolué, sans perdre pour autant son objectif premier : mettre en valeur la richesse, la diversité des cultures européennes et leurs traits communs, améliorer la connaissance que les citoyens européens ont les uns des autres, favoriser la prise de conscience de l’appartenance à une même communauté «européenne». Les critères de sélection des projets des villes candidates Les vingt-sept États membres de l’UE sont invités à accueillir la manifestation à tour de rôle entre 2005 et 2019. Le titre de Capitale européenne de la Culture est attribué exclusivement par le Conseil des Ministres de l'Union européenne. Une ville n’est pas désignée Capitale uniquement pour ce qu’elle est ou pour ce qu’elle fait. Elle porte avant tout le titre pour le programme d'événements culturels particuliers qu’elle propose d'organiser au cours de l’année, qui se doit d’être hors du commun. Plus qu’un label, le titre couronne une année phare pour la ville sur le plan culturel. La ville est, bien évidemment, invitée à tirer parti de ses particularités mais aussi à faire preuve d'inventivité. Le patrimoine et la vie culturelle permanente de la ville sont autant d’atouts, mais ne peuvent constituer qu’une base pour l’organisation de l’événement. Le porteur de projet peut utilement s'appuyer sur l'existant tout en imaginant des variations, s'en inspirer pour amorcer un renouveau ou même s'en détacher totalement pour repenser sa tradition culturelle. On peut citer, à ce propos, le festival «A voyage through Europe» organisé par Gênes 2004 : cette année-là, le festival annuel de théâtre de Gênes a pris pour thème le théâtre européen. Dans ce cadre, trois compagnies théâtrales européennes étaient invitées à jouer une pièce d’un auteur de leur pays d’origine, dans leur langue d’origine. Le programme de l’année Capitale européenne de la culture doit revêtir un caractère exceptionnel. Il sera donc spécialement créé pour le titre, et devra prendre en compte les critères établis par la législation européenne en la matière, qui sont regroupés en deux thèmes : «la dimension européenne» et «la ville et les citoyens». Ainsi, le projet présenté doit, dans sa dimension européenne, permettre de renforcer la coopération entre les opérateurs culturels, les artistes et les villes des États membres concernés et d’autres États membres dans tout secteur culturel, de faire ressortir la richesse de la diversité culturelle en Europe, et de mettre en évidence les aspects communs des cultures européennes. Par ailleurs, le programme doit assurer la valorisation de la localité dans son ensemble ; il doit s'inscrire dans un territoire et doit s'ancrer à sa population. Les citoyens doivent pouvoir participer le plus largement possible et les initiatives envisagées doivent prévoir une certaine pérennité de la manifestation, notamment dans ses retombées en termes de coopération, d'image de la ville, d'intensité de la vie culturelle, voire de bénéfice économique. Au-delà des bénéfices socio-économiques et culturels, que peut générer la manifestation Capitale, il faut garder à l'esprit les défis, à la fois financiers et dans une certaine mesure politiques que doit relever une ville qui se lance dans la préparation d'une telle manifestation. 01 Étude Palmer : étude sur les capitales et villes européennes de la culture (1995-2004) réalisée par Palmer / RAE Associates. 02 Étude Eurobaromètre sur les valeurs culturelles européennes 2007. 38 En haut : Stavanger 2008. Projet de la caravane des femmes © Herbjørn Tjeltveit En bas : Spectacle inaugural à Stavanger (Norvège), Capitale européenne de la culture 2008 © Kjetil Alsvik Préparer une candidature au titre de Capitale est un processus long qui nécessite la mobilisation d'informations, d’énergie, d’idées, de temps et d’argent, dans la mesure où le programme d'une Capitale doit satisfaire à une forte exigence de qualité artistique et culturelle. La désignation des villes Capitales européennes de la culture La procédure prévoit une compétition entre les villes candidates au sein de l’État membre concerné pour une année donnée. Il revient à l’État membre d’organiser cette compétition, qui débute 6 ans avant l'année de l'événement, et aboutit à une désignation prononcée par le Conseil des Ministres de l’Union. Un jury international de 13 membres, tous experts dans le domaine culturel – 7 désignés par les Institutions européennes, 6 par l'État membre concerné – est mis en place pour évaluer les candidatures au vu des critères établis par la législation européenne. La sélection des Capitales repose ainsi sur l'indépendance et la compétence des membres du jury et la solidité des critères, afin de garantir le succès de la manifestation dans l'intérêt des villes, des États membres et de l'Union, qui tient à maintenir le prestige du titre. Une fois désignée, la ville bénéficie d'une phase de suivi organisée par la Commission européenne, sous l'égide d'experts du secteur culturel qui aident la ville à développer son projet et s'assurent que ses engagements sont bien tenus. Ce processus aboutit à la remise d'un Prix «en l'honneur de Mélina Mercouri», doté de 1,5 million d'euros. En 2015, la Belgique ainsi que la République tchèque accueilleront chacune une Capitale européenne de la culture. Le processus de sélection commencera en 2009 indépendamment dans ces deux États membres. La complémentarité du titre avec les Années européennes La Commission européenne s'attache à fédérer les citoyens de l'Union autour de problématiques qu'elle considère comme porteuses des valeurs et des projets européens, notamment par le biais des «Années européennes». Elle choisit, 39 en concertation avec les États membres et le Parlement européen, les thèmes qui seront développés au travers de projets nationaux et transcontinentaux durant une année entière. Pour 2008, le thème de l'Année européenne est celui du dialogue interculturel, elle complète donc parfaitement la finalité poursuivie par les Capitales européennes de la culture ; cette initiative conçue par la Commission européenne a pour but d'aider tous les habitants de l'Union à se familiariser davantage à vivre dans un environnement plus ouvert et diversifié en promouvant comme valeurs de base le respect mutuel et la citoyenneté européenne participative. L'année européenne vise donc à sensibiliser tous ceux qui vivent dans l'Union, notamment les jeunes, au respect de la diversité culturelle. Les Capitales européennes de la culture atteignent pleinement leurs objectifs quand elles permettent de favoriser la créativité et que les projets initiés amènent à tisser des relations durables entre les artistes. L'Année européenne 2009 de la créativité et de l'innovation sera, assurément, un excellent moyen de créer de nouvelles synergies. La prise en compte de la dimension transversale de la culture Les manifestations des Capitales européennes de la culture sont destinées à provoquer des dynamiques durables. De nombreux effets positifs peuvent être enregistrés. L'ensemble de ces projets contribue, par exemple, au développement de liens entre l'enseignement et le secteur culturel. Dans un monde en constante évolution, les développements culturels, politiques, économiques et sociaux à l'échelle mondiale viennent parfois remettre en question les schémas traditionnels qui fondent les repères des citoyens. Il apparaît donc essentiel de renforcer ces passerelles pour préparer les individus à faire face à ces changements. Par ailleurs, en incluant davantage la culture dans l'enseignement formel et informel, nous permettons aux habitants de l'Union de renforcer leurs compétences interculturelles et donc d'accroître leur employabilité. En cela, nous nous donnons les moyens d'atteindre les objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi. Il est important de souligner que le secteur des industries culturelles et créatives génère une activité économique non négligeable : plus de 654 milliards d'euros en 2003 et a contribué à 2.6% du PIB de l'Union (à titre de comparaison, ce chiffre était de 2,1 % pour le secteur immobilier, de 1,9 % pour celui du secteur des boissons, produits alimentaires et tabac et de 2,3 % pour celui des produits chimiques). L'emploi dans le secteur culturel a augmenté de 1,8 % entre 2000 et 2004. L'art et la culture sont à la fois des valeurs essentielles pour l'Europe mais ils sont également des vecteurs importants pour favoriser notre croissance économique. Les événements qui sont organisés lors d'une année «Capitale européenne de la Culture» permettent de prendre en compte ces deux dimensions. Spectacle inaugural à Stavanger (Norvège), Capitale européenne de la culture 2008 © Philipp Wente 40 L'Union européenne joue un rôle unique dans la promotion de notre richesse et de notre diversité culturelle, et ce, aussi bien sur l'ensemble de son territoire qu'à l'extérieur de ses frontières. Les Capitales européennes de la culture ne sont qu'un élément parmi une stratégie d'ensemble mise en place par la Commission européenne. L'étude sur les villes et les Capitales européennes de la culture a estimé que les dépenses totales pour chaque Capitale européenne de la culture s'élevaient à 2 milliards d'euros (dépenses de fonctionnement de 737 millions d'euros et dépenses en capital de 1,4 milliard d'euros). Et cette somme ne comprend pas les dépenses supplémentaires (par exemple, sur le tourisme de commercialisation, ou les projets directement financés par les municipalités et les régions), qui porteraient le montant total des fonds investis pour les Capitales européennes de la culture dans la période 1995-2004 à environ 3,5 millions d'euros. Ainsi, on peut facilement conclure que le financement communautaire relativement modeste permet néanmoins de dégager des sommes substantielles pour la culture aussi bien au niveau national, régional et local mais encore a réussi à attirer la participation des sociétés privées (le parrainage a représenté un total de 13,2% du revenu produit). S'il est difficile de mesurer précisément l'impact de la tenue d'une telle manifestation, il est évident que les Capitales européennes de la culture réussissent à atteindre de nombreuses personnes : les événements de Graz (2003) ont attiré 2,3 millions de visiteurs et sa page web a enregistré plus de 23 millions de visiteurs, tandis que Lille (2004) a accueilli plus de 9 millions de visiteurs. Conclusion L'Union européenne joue un rôle unique dans la promotion de notre richesse et de notre diversité culturelle, et ce, aussi bien sur l'ensemble de son territoire qu'à l'extérieur de ses frontières. Les Capitales européennes de la culture ne sont qu'un élément parmi une stratégie d'ensemble mise en place par la Commission européenne. En 2007, elle a, en effet, jeté les bases d'une politique culturelle plus globale en publiant une Communication relative à un Agenda européen de la culture à l'ère de la mondialisation. Celui-ci a rencontré l'adhésion des États membres au plus haut niveau politique, puisque c'est le Conseil européen lui-même, dans ses conclusions de décembre, qui a souligné l'importance des industries créatives pour l'Europe d'aujourd'hui et de demain. Cet agenda propose pour la première fois, à l'échelon européen, trois grands objectifs pour un travail en commun de toutes les parties concernées. Il s'agit tout d'abord de promouvoir la diversité culturelle et le dialogue interculturel, de promouvoir, ensuite, la culture en tant que catalyseur de créativité et, pour finir, d'inclure la culture dans nos relations avec les pays partenaires. Les Capitales européennes de la culture contribuent concrètement à ce projet global. En effet, elles participent à la mise en œuvre de ces objectifs sur leur territoire pendant une année entière, mais elles assurent aussi la pérennité du rayonnement qu'elles produisent au-delà de ce cadre géographique et temporel. En ce sens, les Capitales européennes de la culture constituent des projets phares pour toute la politique culturelle de l'Union. Spectacle inaugural à Liverpool (GrandeBretagne), Capitale européenne de la culture 2008 – Les Trois Grâces © Liverpool 2008