Le portage salarial est enfin sécurisé - actuEL-RH

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Le portage salarial est enfin sécurisé - actuEL-RH
Le portage salarial est enfin sécurisé
02/04/2015
Présentée en Conseil des ministres hier matin, l'ordonnance sur le portage salarial fixe le nouveau
régime de cette relation de travail triangulaire. Elle comble le vide créé par le Conseil constitutionnel qui
avait censuré la disposition de la loi du 25 juin 2008 car elle laissait une trop grande latitude aux
partenaires sociaux pour en fixer le régime.
L'ordonnance sur le portage salarial est fin prête ! Elle était attendue depuis que le Conseil constitutionnel
avait exigé, en avril dernier, que le législateur se remette au travail, estimant qu'il avait laissé trop de
liberté aux partenaires sociaux. Les Sages avaient fixé comme date butoir le 1er janvier 2015 (lire notre
article). Quelques mois de plus auront été nécessaires pour que l'ordonnance prévue par la loi de
simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014 soit finalisée (lire notre article). Les grandes
lignes de l'accord du 24 juin 2010 sont reprises. "Dans une position commune du 15 avril 2014, les
partenaires sociaux du secteur du portage salarial ont fait part au gouvernement de leur attachement à
cet accord", précise ainsi le rapport annexé à l'ordonnance.
Définition du portage salarial
Le portage salarial est une relation de travail triangulaire. On distingue ainsi :
- la relation entre l'entreprise de portage salarial qui effectue une prestation au profit d'une entreprise
cliente et qui donne lieu à la conclusion d'un contrat commercial de prestation de portage salarial ;
- et le contrat de travail conclu entre l'entreprise de portage salarial et un salarié "porté" qui est rémunéré
par cette entreprise.
Le salarié porté doit justifier d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui lui permet de
rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de
son prix.
Le salarié porté bénéficie d'une rémunération minimale qui doit être définie par un accord de branche
étendu. A défaut, celle-ci est fixée à 75% de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale pour un
temps plein.
L'ordonnance clarifie un point contesté, à savoir l'obligation ou non pour l'entreprise de portage salarial de
fournir du travail au salarié porté. La Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 2015 a confirmé sa
position : l'entreprise de portage doit fournir du travail au salarié porté. L'ordonnance, elle, pose le principe
contraire. Son intégration dans le code du travail devrait clore le débat. Pour Patrick Levy-Waitz, président
d'ITG spécialisé dans le portage salarial, il s'agit de la reconnaissance de la "singularité" de cette activité.
"L'entreprise de portage n'est pas une société d'intérim qui va chercher les missions, et le salarié porté
doit être suffisamment autonome".
Recours au portage salarial
L'entreprise qui a recours au portage salarial ne peut le faire que pour l'exécution d'une tâche
occasionnelle qui ne relève pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle
qui nécessite une expertise dont elle ne dispose pas.
Dans tous les cas, le recours à un salarié porté ne peut servir à :
- remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'une grève ;
- effectuer certains travaux particulièrement dangereux qui figurent sur une liste prévue à l'article L.41541 du code du travail et à l'article D. 4154-1 du code du travail sauf dérogations prévues.
La durée de la prestation ne peut pas excéder 36 mois et peut être réalisée dans le cadre d'un contrat de
travail à durée déterminée ou à indéterminée.
S'il s'agit d'un CDD
Le terme doit être fixé avec précision dès sa conclusion, sauf lorsque le terme de l'objet pour lequel il a été
conclu n'est pas connu. Dans ce cas, il est conclu pour une durée minimale et a alors pour terme la
réalisation de l'objet pour lequel il est signé. Le CDD ne peut excéder 18 mois, avec éventuellement un
renouvellement. Le terme peut être reporté de 3 mois par commun accord afin de permettre au salarié
porté de prospecter de nouveaux clients.
► Comme pour tout CDD, le contrat doit être transmis au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant
sa conclusion.
Les mentions obligatoires du CDD
- La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il
comporte un terme précis ;
- Les modalités de calcul et de versement de la rémunération, de l’indemnité
d’apport d’affaires, des charges sociales et fiscales, des frais de gestion et, le
cas échéant, des frais professionnels (et s’il y a lieu, les modalités de déduction
des frais professionnels) ;
- Le descriptif des compétences, des qualifications et des domaines d’expertise
du salarié porté ;
- La durée de la période d’essai éventuellement prévue ;
- Les modalités d’acquisition, de prise et de paiement des congés payés ;
- Les nom et adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que le cas
échéant ceux de l’organisme de prévoyance dont relève l’entreprise de portage
salarial ;
- La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il
comporte un terme précis ;
- La périodicité de l’établissement par le salarié porté de comptes rendus
d’activité ;
- L’identité du garant financier de l’entreprise de portage ;
- L’identité et l’adresse de l’entreprise cliente ;
- Le descriptif de l’objet de la prestation et ses conditions d’exécution par le
salarié porté ;
- La durée de la prestation ;
- La durée minimale de la prestation et, si le terme est incertain, la nature de
l’évènement déterminant ;
- Le prix de la prestation convenu entre le salarié porté et l’entreprise cliente ;
- La responsabilité de l’entreprise cliente relative aux conditions d’exécution
du travail du salarié porté (santé, sécurité, durée du travail) ;
- S’il y a lieu, la nature des équipements de protection individuelle mis à
disposition par l’entreprise cliente ;
- L’identité de l’assureur et le numéro d’assurance garantissant la
responsabilité civile souscrite pour le compte du salarié.
S'il s'agit d'un CDI
Dans ce cas, le contrat est conclu entre l'entreprise de portage salarial et le salarié porté pour la
réalisation de prestations dans une ou plusieurs entreprises clientes. Les mentions obligatoires du contrat
sont les mêmes que pour le CDD, à l'exception bien sûr de celle portant sur le terme du contrat.
► Attention, les périodes sans prestation à une entreprise cliente ne sont pas rémunérées.
Dispositions communes au CDD et CDI
La seule rupture du contrat commercial de prestation de portage salarial n'entraîne pas la rupture du
contrat de travail du salarié. L'entreprise de portage salarial est donc redevable de la rémunération due au
salarié porté correspondant à la prestation réalisée.
Une indemnité d'apport d'affaires, versée au salarié porté, doit être prévue d'un montant de 5% de la
rémunération due, à défaut d'accord de branche qui fixerait un autre montant.
Le contrat commercial de prestation de portage salarial.
S'ajoute au contrat de travail un contrat commercial de prestation de portage salarial entre l'entreprise de
portage salarial et l'entreprise cliente du salarié porté qui doit être conclu au plus tard dans les deux jours
qui suivent le début de la prestation. Il doit mentionner les éléments essentiels de la négociation de la
prestation entre le salarié porté et l'entreprise cliente. Le salarié doit en avoir une copie.
Les clauses obligatoires du contrat commercial
- L'identité du salarié porté ;
- Le descriptif des compétences, des qualifications et des domaines
d'expertise du salarié porté ;
- Le descriptif de la prestation et ses conditions d'exécution par le
salarié porté ;
- La date du terme (et la durée minimale le cas échéant) ;
- Le prix de la prestation ;
- La responsabilité de l'entreprise cliente (santé, sécurité,...) ;
- La nature des équipements de protection individuelles le cas
échéant ;
- L'identité du garant financier de l'entreprise de portage salarial ;
- L'identité de l'assureur et le numéro d'assurance.
L'entreprise de portage salarial
Elle doit exercer cette activité à titre exclusif, et seule une entreprise dédiée au portage salarial peut le
faire. Elle doit gérer un compte d'activité pour chaque salarié porté et l'informer une fois par mois :
- De tout versement effectué par l'entreprise cliente à l'entreprise de portage au titre de la réalisation de
la prestation ;
- Du détail des frais de gestion ;
- Des frais professionnels ;
- Des prélèvements sociaux et fiscaux ;
- De la rémunération nette ;
- Du montant de l'indemnité d'apport d'affaires.
Relations collectives de travail
L'ordonnance précise également les règles collectives applicables au portage salarial et explique comment
se calcule l'effectif de l'entreprise de portage salarial : il faut tenir compte des salariés permanents, et des
salariés portés dont la relation avec elle a excédé 3 mois au cours de la dernière année civile.
Pour être électeur, une ancienneté de 3 mois est nécessaire et 6 mois pour être éligible.
Pour la mise en place d'un système de participation, le seuil de 50 salariés est apprécié en tenant compte
des salariés permanents et des salariés portés en retenant le nombre moyen par jour ouvrable des salariés
qui ont effectué des prestations de portage au cours de l'exercice. Le salarié porté en bénéficie dès lors
qu'il a réalisé une prestation dans une entreprise cliente pendant une durée totale d'au moins 60 jours au
cours du dernier exercice.
► A noter : l'alerte par le CE de l'inspection du travail en cas d'abus de recours aux contrats de travail
précaires s'étend aux contrats de portage salarial.
D'autres mesures à venir
Pour entrer en vigueur, l'ordonnance doit désormais être publiée au Journal officiel. Ses dispositions ne
prendront valeur législative qu'une fois l'ordonnance ratifiée par le Parlement.
Par ailleurs, des mesures complémentaires vont être prises. D'une part, les partenaires sociaux vont
ouvrir des négociations pour conclure une convention collective qui complétera le dispositif légal et
réglementaire. Selon Patrick Levy-Waitz, la négociation portera sur l'ensemble des sujets et devrait être
enclenchée une fois la loi de ratification publiée. D'autre part, une loi doit compléter le dispositif par
un régime de sanctions civiles et pénales.
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