L`essence de la Morale Catholique

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L`essence de la Morale Catholique
LE CHRISTIANISME CATHOLIQUE
®
LA SÈRIE LUKE E. HART
Comment les catholiques vivent
Section 1:
L’essence de la Morale Catholique
Les Chevaliers de Colomb présentent
La série Luke E. Hart
Éléments de base de la Foi Catholique
L’ ESSENCE DE LA
M ORALE C ATHOLIQUE
PARTIE TROIS• SECTION UN DE LA
CHRÉTIENTÉ CATHOLIQUE
Quelles sont les croyances d’un Catholique?
Comment un Catholique prie-t-il?
Comment un Catholique vit-il?
Selon le
Catéchisme de l’Église Catholique
par
Peter Kreeft
Collection dirigée par
la père Juan-Diego Brunetta, O.P.
Directeur du Service d’information catholique
Conseil Suprême des Chevaliers de Colomb
Nihil obstat
Le père Alfred McBride, O.Praem.
Imprimatur
Le Cardinal Bernard Law
19 décembre 2000
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York : Alba House, 1993) Utilisation autorisée.
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UN MOT SUR CETTE SÉRIE
Ce livret en est un d’une série de 30 livrets qui offrent une
expression familière des principaux éléments du Catéchisme de
l’Église Catholique. Le pape Jean-Paul II, sous l’autorité duquel le
Catéchisme fut d’abord publié en 1992, exprima le désir que de
telles versions soient publiées afin que chaque peuple et chaque
culture puissent s’approprier son contenu comme le leur.
Ces livrets ne remplacent pas le Catéchisme, mais sont
offerts seulement dans l’esprit de rendre son contenu plus
accessible. La série est à certains moments poétique, familière,
enjouée et imaginative; en tout temps, elle s’efforce d’être fidèle
à la foi.
Le Service d’information catholique recommande de lire
chaque mois au moins un livret de la série Hart afin d’obtenir une
compréhension plus profonde, plus mature de la Foi.
T R O I S I È M E PA R T I E : C O M M E N T L E S
C AT H O L I Q U E S V I V E N T ( M O R A L I T É )
SECTION 1:
L’ESSENCE DE LA MORAL CATHOLIQUE
1. Place de la morale dans la foi catholique
Ayant sa source dans la foi, la présente série compte trois
parties :
1) la manière de penser des catholiques (théologie
catholique);
2) la manière de prier des catholiques (culte catholique);
3) la manière de vivre des catholiques (morale catholique).
Toute religion comprend trois éléments : foi, vie spirituelle
et morale; credo, culte (liturgie) et code; paroles, adoration et
œuvres.
Ces éléments correspondent aux trois parties de l’âme
humaine : esprit, cœur, volonté.
Les trois sont également vitales pour être catholique.
Les trois parties ne sont pas séparées, mais jointes. Les
catholiques ne commencent pas par décider quoi croire, pour
passer ensuite à la prière et au culte et se mettre ensuite à vivre
selon la morale. En fait, c’est parfois l’inverse qui se passe, car la
cause la plus courante de la perte de la foi est une vie immorale,
et les sources les plus puissantes d’une vie morale sont la prière et
les sacrements. Plus on prie, plus on est vertueux, et plus on est
vertueux, plus on a une grande foi.
-5-
Les trois parties sont comme les trois pattes d’un trépied.
Les pattes peuvent être faibles ou solides, longues ou courtes,
mais si les trois n’y sont pas, ce n’est pas un trépied. On n’est pas
catholique sans croire que l’essentiel de l’enseignement de
l’Église est la vérité révélée par Dieu, ni sans faire un effort
sincère pour y obéir en admettant que l’Église enseigne les
commandements de Dieu, ni sans rencontrer Dieu dans la prière
comme le fait l’Église. Si on refuse de croire, d’obéir ou de prier,
on n’est pas catholique; si on prie, obéit et prie faiblement, on est
un catholique faible; si on croit, obéit et prie bien, on est un
catholique solide.
Dieu seul est capable de juger si quelqu’un est un
catholique faible ou solide, mais vous pouvez et devez être
capable de juger si vous êtes catholique ou non.
2. Les trois parties appartiennent à la même réalité
Ces trois parties de la religion catholique, foi, œuvres et
culte, sont trois aspects ou dimensions d’une réalité unique,
comme les trois dimensions de l’espace. C’est la même réalité que
nous confessons dans le Credo, à laquelle nous obéissons dans les
commandements et à laquelle nous participons dans les
sacrements. Cette unique réalité, c’est la vie du Christ : pas
seulement l’imitation de sa vie, mais sa vie même; pas seulement
un effort pour copier son essence imaginée, mais la participation
à sa réalité. Finalement, c’est cela être catholique.
Le Catéchisme (1692) affirme : « Ce que la foi confesse, les
sacrements le communiquent : par les “sacrements qui les ont fait
renaître” [et tout d’abord le Baptême], les chrétiens sont devenus
“enfants de Dieu” (Jean 1, 12; 1 Jean 3, 1), “participants de la
nature divine” (2 Pierre 1, 4). […] [L]es chrétiens sont appelés à
mener désormais une “vie digne de l’Évangile du Christ”
(Philippiens 1, 27) », c’est-à-dire vivre sur le plan moral la vie
même du Christ que nous recevons sacramentellement et
confessons dans le Credo. C’est une seule réalité, une seule vie.
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3. Place centrale du Christ dans la morale catholique
Dans notre monde affairé et complexe, le Christ nous dit
assurément ce qu’Il a dit à Marthe (Luc 10, 41-42) : « Marthe,
Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une
seule est nécessaire. » Cette seule chose, c’est le Christ Lui-même.
De même que l’Eucharistie n’est pas seulement un rite ou un
symbole, mais le Christ Lui-même, ainsi la vie morale du chrétien
est le Christ Lui-même qui vit sa vie dans son peuple. Nous
sommes son propre Corps! Le Christ est présent dans notre vie
morale d’une autre manière que dans l’Eucharistie, évidemment :
Il est mélangé à nos imperfections humaines de telle sorte que
nous n’adorons pas les hommes bons ni les bonnes actions comme
nous adorons l’Eucharistie. Mais la vie morale du chrétien n’est
pas simplement un effort humain pour imiter le Christ; elle est ce
que saint Paul a appelé « ce mystère : le Christ est au milieu de
vous, lui, l’espérance de la gloire! » (Colossiens 4, 3)
Le Christ n’est pas seulement l’enseignant d’un code moral,
mais Il est Dieu Lui-même, l’Unique qui est à l’origine de tout
bien. Deux biens très grands sont la loi morale et notre obéissance
à cette loi; il s’ensuit qu’Il est à l’origine des deux : Il est le Dieu
qui a donné la loi morale à Moïse (comparer Jean 8, 58 à Exode
3, 14) et le Dieu qui nous donne la grâce de la vivre. Quand nous
obéissons aux commandements, nous obéissons au Christ, car ces
commandements sont de Lui.
La morale chrétienne n’est pas que le moyen vers la fin d’un
monde meilleur, de la paix et de la justice, du bien-être de la
famille ou de l’harmonie sociale (quoique tous ces biens soient
excellents). Ces biens se rapportent au Christ; ce n’est pas le
Christ qui s’y rapporte. Ils sont des moyens d’obéir à sa volonté.
Ils sont bons parce qu’ils viennent de Lui; ce n’est pas Lui qui est
bon parce qu’Il les enseigne.
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Le catéchisme affirme clairement son christocentrisme au
début de chacune de ses grandes sections, y compris celle sur la
morale : « La référence première et ultime de cette catéchèse sera
toujours Jésus-Christ Lui-même qui est “le chemin, la vérité et la
vie” (Jean 14, 6) » (CÉC 1698), puis cite, au même paragraphe, le
meilleur résumé de la morale chrétienne jamais donné, ce simple
mot de saint Paul : « Ma vie, c’est le Christ. » (Philippiens 1, 21)
Saint Paul ajoute ensuite : « mourir est un gain », car si
notre vie est le Christ, la mort est le Christ avec plus de
plénitude, une vie plus grande.
4. Conséquences pratiques du christocentrisme
La conscience de la nature christocentrique de la morale
catholique n’est pas seulement la manière la plus exacte de la
comprendre, mais aussi la manière la plus efficace de la pratiquer
et de surmonter nos péchés et nos faiblesses. Les tout premiers
mots de la section du catéchisme sur la morale expliquent ce lien.
« “Chrétien, reconnais ta dignité. Puisque tu participes
maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la
déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel Chef tu appartiens
et de quel Corps tu es membre.” »1 (CÉC 1691)*
Il n’existe rien de comparable dans la morale profane. Aucun
fondement de la dignité humaine ne peut se comparer à celui-ci :
que Dieu nous a donné part à sa propre nature divine en nous
intégrant au Corps du Christ. Au début de ce cours sur la morale
catholique, au début de chaque jour, avant chaque choix moral,
nous devrions prendre le temps de nous imprégner de ce point
essentiel, d’écouter le battement de ce cœur de la morale
catholique.
*CÉC = Catéchisme de l’Église Catholique
-8-
5. Personnalisme de la morale catholique
Quelle est l’image de la morale catholique répandue par le
monde profane d’aujourd’hui, surtout l’establishment des médias
qui façonne les esprits modernes par la télévision, les films, le
journalisme et les écoles publiques?
C’est un système sans joie, répressif, déshumanisant,
impersonnel et borné, d’un autre monde, inhumain et souvent
carrément stupide.
La morale catholique a un aspect totalement différent de
l’intérieur, du point de vue de ceux qui la vivent,
particulièrement les saints! Quand les médias rencontrent une
personne largement considérée comme sainte, par exemple mère
Teresa, leurs stéréotypes disparaissent et s’effacent.
Rien n’a l’air plus différent de l’intérieur et de l’extérieur
que la morale catholique, sauf peut-être le fait d’être en amour :
rien ne peut sembler plus stupide à ceux qui n’aiment pas, ni plus
sage et plus merveilleux pour les amants.
En effet, la morale catholique est une affaire d’amour avec le
Christ et son peuple, même si ce n’est pas « l’amour romantique ».
Elle a ses lois et ses règles, comme une ville a ses rues. Les rues
sont essentielles dans une ville, mais elles ne sont pas l’essence de
la ville. Elles ne sont pas non plus un lieu où vivre (même si les
malheureux clochards le font). Les rues sont un moyen pour une
fin, qui est d’aller chez soi. C’est à la maison qu’on vit vraiment.
Pareillement, les lois morales sont la carte géographique qui
conduit à une bonne vie et non la réalité elle-même. Cette réalité
est une relation d’amour, comme un mariage.
L’alliance matrimoniale a ses lois, comme l’alliance de Dieu
avec nous. Mais le mari et la femme sont fidèles tout d’abord l’un
à l’autre, et non aux lois. Les lois définissent et prescrivent leur
fidélité mutuelle. Les principes sont pour les personnes, non les
personnes pour les principes. La morale catholique est
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personnaliste, centrée sur la personne, parce qu’elle est
christocentrique et que le Christ est une personne, non un
principe.
Mais bien qu’elles soient seulement un moyen en vue de la
fin supérieure du bien des personnes, les lois sont un moyen
essentiel. De même qu’on ne peut pas être ingénieur sans
connaître et respecter les lois matérielles de la physique, on ne
peut pas être chrétien sans connaître et respecter les lois
spirituelles de la morale.
Le christianisme est essentiellement une relation d’amour
avec des personnes, Dieu et le prochain. Qu’est-ce qu’aimer
Dieu? Voici comment Dieu le définit : « Si vous m’aimez, vous
resterez fidèles à mes commandements. » (Jean 14, 15) Le Christ
ne met pas l’amour et la loi en opposition, mais Il les unit,
comme l’âme et le corps. L’amour sans la loi est comme une âme
sans corps, un fantôme. La loi sans amour est comme un corps
sans âme, un cadavre.
6. Voir le tableau d’ensemble
Pour réévangéliser le monde moderne, rien n’est plus
nécessaire que cette vision de la vie humaine, cette vue d’ensemble
donnée par la morale catholique, où on voit ce que voit l’Église.
L’une des raisons principales pour lesquelles nous pratiquons mal
notre morale est que nous la comprenons mal. Nous ne
comprenons pas qu’elle n’est pas seulement une manière d’agir,
mais une manière d’être; il ne s’agit pas seulement de mener une
bonne vie, mais de devenir « une créature nouvelle » (2
Corinthiens 5, 17), un autre Christ. Quand nous lisons ce que
disent les saints au sujet de la perfection de la charité, ou ce que
dit le Christ Lui-même dans les Béatitudes, nous sommes
stupéfaits de voir combien cette vision diffère de la conception
courante de la morale, combien elle est élevée, sainte, belle et
pleine de joie.
-10-
Si nous oublions cette vue d’ensemble, cette raison ultime de
respecter la morale (entrer dans la vie et l’amour même du
Christ), même si nous nous souvenons de tout le reste de la
morale catholique – son réalisme, sa rationalité, sa justice –, nous
n’en voyons pas la beauté et nous ne connaissons pas la joie de
l’aventure où elle nous conduit.
En effet, la morale catholique consiste à suivre non
seulement des lois, mais le Christ, c’est comme suivre une voiture
qui fait de l’excès de vitesse au lieu de suivre une série
d’indications : c’est ça la vie! Annie Dillard dit que, quand nous
allons à la messe, nous sommes « comme des enfants qui jouent
sur le plancher avec leurs trousses de chimie et mélangent un lot
de TNT pour passer un dimanche matin. C’est de la folie de
porter […] des chapeaux de feutre à l’église; nous devrions tous
porter des casques protecteurs. Les portiers devraient remettre des
gilets de sauvetage et des fusées de signalisation; ils devraient
nous attacher à nos bancs, car le Dieu qui sommeille pourrait se
réveiller un jour et […] nous entraîner à un endroit d’où nous ne
reviendrons jamais. »
Les païens, antiques ou modernes, aiment la bonté dans
l’homme, là où ils peuvent la voir. Les Juifs et les musulmans,
aussi bien que les chrétiens, aiment également, et en premier
lieu, la bonté en Dieu, où ils ne peuvent pas la voir, mais les
chrétiens aiment la bonté surtout là où ils l’ont vue parfaitement
sur la terre, dans le Christ. À quoi la bonté ressemblait-elle alors?
À une croix : Dieu qui nous aime jusqu’à la mort, jusqu’à la fin,
peu importe ce que cela Lui coûte et peu importe que nous ne le
méritons pas. Cet amour n’est pas jusqu’à ce que, ou à moins que,
mais un amour sans restriction. Il est la source vivante de la
morale catholique, une source aussi réelle et aussi brûlante que le
buisson ardent où Moïse a vu Dieu. Telle est la vision de la morale
-11-
qui a fait les saints : ils ne l’ont pas seulement imitée, mais ils ont
participé à sa vie comme les sarments à la vigne (voir Jean 15, 5).
7. Relation entre religion et morale : pouvons-nous être bons sans Dieu?
« Si Dieu n’existe pas, alors tout est permis », a écrit
Dostoïevski. En effet, si c’est seulement le vouloir de l’homme et
non celui de Dieu qui établit les lois morales, celles-ci sont aussi
variables et aussi arbitraires que les règles d’un jeu. Si nous
établissons les règles, nous pouvons les changer ou les abolir. Si
on détruit la religion, on détruit la morale.
Pourtant, beaucoup de grands penseurs païens avant le
Christ comme Socrate, Platon, Aristote, Cicéron, Confucius et
Lao Zi ont connu une grande partie du contenu de la loi morale
et ont reconnu sa force contraignante sans connaître grand chose
de Dieu. Saint Paul a d’ailleurs écrit que tous les hommes, tant
païens que chrétiens, connaissent la loi morale de Dieu par la
raison naturelle et leur conscience (Romains 1, 17-21), et il a
utilisé ce principe en prêchant aux philosophes païens d’Athènes
(Actes des Apôtres 16). Il peut donc y avoir une vraie morale sans
vraie religion.
Dostoïevski et saint Paul ont tous deux raison. Dostoïevski
a raison parce que si Dieu, cause première et origine dernière de
la loi morale, n’existait pas, alors une loi morale objectivement
réelle et universellement contraignante n’existerait pas non plus.
Mais saint Paul a raison également, parce que l’homme peut
connaître les effets de Dieu sans connaître explicitement Dieu en
tant que cause, en morale comme en sciences naturelles. Tous les
hommes connaissent la création; tous ne connaissent pas le
Créateur. Tous les hommes connaissent la loi morale; tous ne
connaissent pas le Législateur.
Mais nous ne pouvons pas connaître la loi morale aussi bien
sans connaître le Législateur et son caractère. La révélation
-12-
surnaturelle de Dieu éclaircit la connaissance de la morale que
nous avons par notre raison naturelle, et elle corrige nos erreurs.
En effet, la connaissance morale de l’homme déchu n’est pas
infaillible, mais la Révélation divine l’est.
Une conséquence pratique de l’assertion de saint Paul
voulant que tous les hommes connaissent la morale par la raison
naturelle (ou conscience) est que nous pouvons réfuter des erreurs
comme l’avortement et l’euthanasie à partir des principes
rationnels universels, tout comme nous pouvons réfuter
l’esclavage ou le racisme. Ceux-ci ne sont pas simplement des
« questions religieuses » ou des tentatives d’imposer une morale
religieuse donnée aux incroyants. La prescription « Tu ne tueras
pas » n’est pas suivie d’une clause précisant « pour catholiques
seulement ».
Une conséquence pratique de l’assertion de Dostoïevski
voulant que, sans Dieu, tout soit permis est que nous ne pouvons
pas vraiment être bons sans Dieu, même si nous ne savons pas que
tel est le cas. Quand quelqu’un est bon, c’est la grâce de Dieu qui
est à l’œuvre, que nous le sachions ou non. Le mérite et les
remerciements reviennent à Dieu, car « [t]out don de valeur et
tout cadeau parfait descendent d’en haut » (Jacques 1, 17),
particulièrement notre connaissance morale naturelle et nos bons
choix moraux. Ils sont à nous et ils sont libres, mais ils sont aussi
une grâce de Dieu, car la grâce de Dieu fait naître notre liberté,
elle ne la supprime pas.
8. Pourquoi être catholique si on peut vivre une bonne vie morale sans
l’être?
On peut respecter la morale sans être catholique, sans être
chrétien, sans être religieux du tout. On peut également vivre
longtemps en santé sans suivre de régime alimentaire, sans faire
d’exercices, sans rien connaître à la médecine. Mais ce n’est pas
-13-
facile! Les chances de réussite dans toute entreprise augmentent
toujours si on connaît une plus grande part de vérité. On a donc
de bien meilleures chances de vivre une bonne vie si on a une
meilleure connaissance de ce qu’est vraiment une bonne vie, grâce
à la Révélation divine.
On a aussi un bien plus grand pouvoir d’être bon si on
recourt aux sacrements de l’Église, canaux de la grâce divine
établis précisément à cette fin par le Christ.
Mais on peut honnêtement être catholique seulement si on
croit que cela est vrai. Nous ne pouvons pas croire ce que nous ne
pensons pas être vrai, même si nous pensons que cela nous rendra
bons. Nous ne croyons pas au Père Noël même si cette croyance
nous a probablement rendus très bons à chaque fête de Noël
quand nous étions enfants. Et pourquoi pas? Parce que nous
savons que ce n’est pas vrai.
« Pourquoi être catholique si on peut vivre une bonne vie
morale sans l’être? » Si vous posez cette question pour avoir une
raison d’éviter de devenir catholique, ou de cesser de l’être, vous
dites en réalité que vous ne tenez pas à savoir ce qui est vrai, mais
seulement ce qui est bon. Mais cela n’est pas vraiment honnête,
et donc pas vraiment bon.
La bonté est absolument importante, mais la vérité aussi.
Les deux sont pour nous des exigences absolues. Il n’est jamais
correct de faire un compromis sur l’une ou l’autre.
9. Importance absolue de la morale dans l’Écriture
La morale catholique (les œuvres) s’accorde avec la théologie
catholique (les croyances). Cette théologie enseigne ce que Dieu
a révélé. Les données premières de cette révélation viennent de
l’Écriture. Or, l’Écriture enseigne que la principale source des
bénédictions de Dieu est une morale droite et non seulement une
théologie correcte. Cette simple assertion est répétée
-14-
constamment dans l’Écriture, par Moïse (Deutéronome 30), par
David (Psaumes 1) et par le Christ (Matthieu 25).
La foi correcte (« orthodoxie ») est essentielle, mais une
pratique droite (« orthopraxie ») est également nécessaire.
L’orthodoxie est indispensable, mais elle n’existe pas comme une
fin en soi, mais en vue d’un autre objectif, comme les racines
d’une plante existent pour ses fruits. Les Pharisiens avaient une
théologie correcte, mais ils ont rejeté le Christ parce qu’ils
n’étaient pas moralement honnêtes et humbles, mais hypocrites
et orgueilleux.
Le récit historique de l’Ancien Testament, qui couvre 2 000
ans, prouve un principe incontournable : tant que le peuple de
Dieu obéit à ses lois, il est béni; tant qu’il désobéit, il est puni,
afin d’être amené au repentir et à l’obéissance et d’être béni de
nouveau. Le même principe est clair dans l’histoire de l’Église, le
nouvel Israël. Pendant les premiers siècles, c’était une Église de
saints et de martyrs, et elle a conquis le monde. Elle a converti au
Christ l’Empire romain païen. Quand les catholiques se
démarquaient, quand cela leur coûtait quelque chose (souvent
leur sang!) d’être catholiques, l’Église prospérait, et elle le fait
encore dans les périodes d’adversité. De plus en plus, dans
l’Occident des siècles récents, cela coûte très peu, et les
catholiques vivent de la même façon que le monde profane, qui
leur échappe donc de plus en plus. Les statistiques montrent
qu’aux États-Unis, le pays occidental où la pratique de la religion
est la plus élevée, les catholiques commettent l’adultère,
l’avortement, la fornication, le viol, le meurtre, l’euthanasie et le
suicide à peu près autant que n’importe qui!
10. Rôle de la morale dans la décision de croire
Comment décide-t-on de croire à une religion ou non?
-15-
Consciemment ou non, on se base sur trois qualités qu’on
recherche : la vérité, la bonté et la beauté. Ce sont trois attributs
de Dieu : Dieu est vérité infinie, bonté infinie et beauté infinie.
Et Dieu a créé l’homme à son image (Genèse 1, 27); c’est
pourquoi l’homme cherche naturellement la vérité, la bonté et la
beauté.
Toutes les religions du monde, toute quête de Dieu par
l’homme, aspirent à ces trois idéaux. Le christianisme les réalise
parce qu’il n’est pas la quête de Dieu par l’homme mais la quête
de l’homme par Dieu, il n’est pas la montée de l’homme mais la
descente de Dieu, la Révélation divine. C’est ainsi que nous
trouvons la vérité, la bonté et la beauté suprêmes dans le Christ.
Et l’Église catholique est essentiellement la présence du Christ
qui continue sur la terre. Le christianisme catholique, quand il
est fidèle à sa nature, attire l’esprit de l’homme, quand l’homme
est fidèle à sa nature, par ces trois qualités.
C’est la bonté qui exerce habituellement la plus forte
attraction. Si l’Église ne produisait pas de saints, même ses plus
brillants théologiens et ses artistes les plus créatifs ne
convaincraient pas l’homme de lui confier le soin de son âme. En
commençant par la Vierge Marie, qui est dans une catégorie à
part, jusqu’à mère Teresa, la sainteté a toujours été l’attrait le plus
puissant de l’Église.
Le chemin le plus courant vers Dieu est celui de la bonté;
l’argument le plus courant pour Dieu est celui qui va de la bonté
à la vérité, de la fiabilité des saints à la fiabilité de leur foi, du bon
fruit au bon arbre (Matthieu 7, 16), car la vérité et la bonté ne
peuvent pas être fondamentalement contraires l’une à l’autre.
11. Importance de la morale dans l’histoire : notre héritage moral juif
L’instinct moral de l’homme (sa conscience) et l’instinct
religieux qui le porte à adorer lui sont tous deux innés et naturels,
-16-
et on les retrouve donc dans tous les lieux et à toutes les époques
de l’histoire de l’humanité. Mais ces deux yeux de l’âme n’ont pas
toujours eu une vision unifiée. Leur parfaite unité a été réalisée
par un seul peuple de l’Antiquité, celui que Dieu a choisi pour
être collectivement son prophète pour le monde, pour révéler son
vrai caractère, qui est moral, bon et saint et qui nous demande
d’être saints. Aujourd’hui, près de la moitié de l’humanité
connaît ce Dieu, car les deux plus grandes religions du monde, le
christianisme et l’Islam, ont appris des Juifs à Le connaître. Mais
avant le Christ, seuls Abraham et le peuple formé par Dieu à
partir de lui ont connu le vrai Dieu. La morale n’était pas
essentielle aux religions païennes comme elle l’était au judaïsme;
les dieux des païens étaient aussi immoraux que les hommes qui
les ont fabriqués à leur propre image.
Alors que l’erreur courante de l’Antiquité consistait à séparer
la religion de la morale, l’erreur courante des temps modernes
consiste à réduire la religion à la morale et à rejeter ou à délaisser
les éléments surnaturels de la religion. Les deux principaux motifs
de ce « modernisme » sont l’embarras injustifié face au surnaturel,
qu’on croit contraire à la science, et l’embarras justifié face à
l’histoire des guerres, des persécutions et des haines religieuses,
qui proviennent, selon les modernistes, des contradictions entre
les théologies différentes et de la croyance que l’orthodoxie
théologique est importante et que la vérité est objective. (En fait,
les guerres, les haines et les persécutions viennent du péché, pas de
la croyance en une vérité objective!) Les modernistes soutiennent
que, si nous oublions les dogmes théologiques et si nous réduisons
la religion à la morale, nous atteindrons l’unité et la paix entre les
diverses religions du monde.
Mais cette fin bonne ne justifie pas des moyens peu
honnêtes. Nous ne pouvons écarter la vérité. Nous ne pouvons
-17-
négocier aucune partie du don de la Révélation divine, car celleci est la vérité immuable de Dieu.
La vérité est immuable, mais la connaissance que nous en
avons n’est pas immuable pour autant. L’Église est un être vivant.
Comme un arbre qui produit de nouvelles branches de l’intérieur,
son enseignement s’accroît en théologie comme en morale tandis
qu’elle explore la « profondeur de la richesse, de la sagesse et de
la science de Dieu » (Romains 11, 33) que Dieu lui a révélée dans
le « dépôt de la foi » qu’elle a reçu du Christ, et tandis qu’elle
applique ces principes inchangés à des situations sans cesse
changeantes.
12. Importance de la morale aujourd’hui : la crise morale de notre époque
L’évolution du Moyen Âge aux temps modernes a été à la
fois un progrès et un recul, si on la juge selon les normes de la
morale chrétienne.
D’une part, il y a eu des progrès importants non seulement
dans les connaissances scientifiques mais aussi dans les
connaissances morales : par exemple, le souci des droits de la
personne, le traitement compatissant des handicapés et le
consensus quasi universel contre la torture, la cruauté, l’esclavage
et le racisme.
D’autre part, surtout depuis le soi-disant « siècle des
Lumières », la civilisation occidentale est de plus en plus
sécularisée et déchristianisée, sur le plan moral aussi bien que
théologique et ecclésiastique. La tentative de préserver la morale
chrétienne sans la doctrine, l’autorité et les sacrements
catholiques n’a pas fonctionné. Aujourd’hui, les médias profanes,
qui dirigent la façon de penser de notre civilisation, sont de plus
en plus méfiants envers la morale traditionnelle, particulièrement
la morale sexuelle; ils rejettent l’idée de toute certitude ou
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d’absolus en morale et l’idée d’une morale fondée sur les
commandements de Dieu plutôt que sur les idéaux de l’homme.
L’histoire du XXe siècle a été beaucoup plus sanglante que
celle de tout autre siècle. Pour la première fois de l’histoire, la
civilisation la plus influente de la planète a cessé de croire en une
loi morale objectivement fondée et universellement
contraignante.
La crise se fait sentir dans l’Église également. Dans la
plupart des pays d’Europe et en Amérique du Nord, beaucoup de
catholiques, ou même la plupart, disent croire que la morale est
subjective et relative. C’est nouveau. Il y a toujours eu des crises
dans l’Église, mais dans le passé, elles étaient généralement
théologiques plutôt que morales. L’Église des six premiers siècles
a fait face à beaucoup d’hérésies et a formulé les doctrines de la
Trinité et de l’Incarnation; le christianisme médiéval en a fait
autant pour les sacrements, et de même la Contre-Réforme pour
les doctrines du salut et de l’autorité de l’Église. Mais
aujourd’hui, les controverses portent presque toujours sur la
morale. Les enseignements les plus essentiels de l’Église
d’aujourd’hui sont donc ses enseignements moraux, sa réponse à
la crise morale qui sévit dans l’Église et dans le monde.
13. Caractère surnaturel de la morale catholique
La crise actuelle de la foi découle de la perte du sens du
surnaturel : en théologie (notamment, on « démythologise » les
miracles et la résurrection du Christ), en liturgie (notamment, la
communauté humaine horizontale remplace l’adoration divine
verticale) et en morale (notamment, on remplace les
commandements absolus de Dieu par les valeurs relatives de
l’homme).
-19-
Mais la morale chrétienne est surnaturelle par son essence
(paragraphe 13), son origine (paragraphe 14) et sa fin (paragraphe
15).
L’essence de la morale chrétienne est une relation avec Dieu
et avec sa volonté; la morale n’est pas seulement
l’accomplissement de soi ou de la société, ni des valeurs ou des
idéaux abstraits, si importants que puissent être ces aspects de la
morale. La quête du bonheur personnel, de la justice sociale, de la
paix et de valeurs humaines plus élevées et plus profondes est
encore fort populaire dans la civilisation moderne séculière,
heureusement. Mais l’idée de la soumission à l’autorité de Dieu
et de l’obéissance à ses lois n’est certainement pas populaire.
(Quelle est la réaction spontanée provoquée par des mots comme
soumission, autorité, obéissance et loi?)
14. Origine surnaturelle de la morale catholique
La morale a une origine surnaturelle : la vérité de Dieu, qui
fait partie de sa nature ou de son caractère immuable.
La vérité de Dieu nous est connue de deux façons : de façon
naturelle par la raison et la conscience, et de façon surnaturelle
par la révélation spéciale faite par Dieu à Abraham, à Moïse, aux
prophètes juifs et, de façon complète, dans le Christ et dans
l’Église qu’Il a instituée avec « pour fondations les Apôtres » afin
d’enseigner en son Nom et avec son autorité (Luc 10, 16;
Éphésiens 2, 20).
15. Fin surnaturelle de la morale catholique
La fin surnaturelle de la morale est le bonheur éternel du
ciel. Tout d’abord, c’est pour cela que nous existons, c’est pour
cela que Dieu nous a créés, c’est le sens ultime et le but de la vie
humaine : « Dieu nous a mis au monde pour Le connaître, Le
servir et L’aimer et ainsi parvenir en Paradis. » (CÉC 1721) Cela
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est présenté ainsi dans le début, très bien connu et aimé, du vieux
catéchisme de Baltimore :
1) Q. Qui vous a créé?
R. C’est Dieu qui m’a créé.
2) Q. Pourquoi Dieu vous a-t-il créé?
R. Dieu m’a créé pour Le connaître, L’aimer et Le
servir en ce monde et pour être heureux pour toujours
avec Lui dans le ciel.
Le « désir naturel du bonheur […] est d’origine divine; Dieu
l’a mis dans le cœur de l’homme afin de l’attirer à Lui qui seul
peut le combler » (CÉC 1718). Comme l’a dit saint Augustin dans
la phrase chrétienne la plus célèbre hors de l’Écriture : « Tu nous
as faits pour Toi, Seigneur, et [c’est pourquoi] notre cœur est
inquiet tant qu’il ne repose pas en Toi » (Confessions I, 1).
La morale catholique est la carte géographique qui trace
notre route à travers ce monde jusqu’au ciel. Le plus important de
tous ses enseignements est sa réponse à la question la plus
importante de la vie : quel est le plus grand bien, le but ultime,
le sens de la vie? Bien sûr, la réponse est « le bonheur », car
« “[t]ous certainement nous voulons vivre heureux, et dans le
genre humain il n’est personne qui ne donne son assentiment à
cette proposition” »1 (CÉC 1718). Mais où trouve-t-on le
bonheur? Voilà la question cruciale. L’Église nous enseigne le vrai
sens du bonheur : « le vrai bonheur ne réside ni dans la richesse
ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le pouvoir, ni dans
aucune œuvre humaine, si utile soit-elle, comme les sciences, les
techniques et les arts, ni dans aucune créature, mais en Dieu seul,
source de tout bien et de tout amour » (CÉC 1723). Ou encore,
en trois mots : « “Dieu seul rassasie.” »3 (CÉC 1718)
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16. Les deux voies
Il y a bien des façons de vivre, beaucoup de chemins à travers
le monde, mais en dernière analyse, il n’y en a que deux. « La voie
du Christ “mène à la vie” (Matthieu 7, 14), une voie contraire
“mène à la perdition” (Matthieu 7, 13)13. La parabole évangélique
des deux voies […] signifie l’importance des décisions morales pour
notre salut. “Il y a deux voies, l’une de la vie, l’autre de la mort;
mais entre les deux, une grande différence.”14 » (CÉC 1696)
Cette antithèse, ce dualisme, cette vision dichotomique de
la vie ou de la mort est loin d’être courante dans les esprits
profanes modernes, mais elle est bien connue dans toutes les
autres cultures. L’image la plus courante de la vie dans la
littérature du monde entier est le « chemin » de la vie. Les
chemins ont des croisées, et à chaque croisée, le voyageur doit
faire un choix; d’où le besoin de cartes géographiques morales : il
y a une bonne voie et une mauvaise voie.
Le Christ, l’Église et l’Écriture nous l’enseignent, de même
que la raison naturelle, la conscience et l’expérience. C’est du
réalisme moral. Dans le monde réel, les choix ont des
conséquences réelles : on ne peut pas aller de Chicago à la côte du
Pacifique en marchant vers l’est, même avec la plus grande
sincérité. La sincérité subjective ne suffit pas. Nous ne devons pas
seulement choisir dans un bon esprit, mais aussi faire le bon
choix.
Moïse résume toutes les exigences morales de Dieu en deux
mots : « Choisis la vie » (Deutéronome 30), car le choix moral est
finalement une question de vie ou de mort, pour chaque personne
et chaque civilisation. Si notre civilisation devient ce que le pape
Jean-Paul II a osé appeler une « culture de la mort », nous devons
l’appeler à reprendre le chemin de la vie, tant humaine que
divine. Mais nous devons d’abord trouver nous-mêmes ce chemin
et y marcher.
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17. Béatitude
Sur ce chemin de la vie, les Dix Commandements (Exode
20, 1-17) résument une sorte de minimum (ce qui est nécessaire),
et les Béatitudes (Matthieu 5, 1-8) résument une sorte de
maximum (ce qui est suffisant).
Les « Béatitudes » décrivent la béatitude (la perfection de la
charité et du bonheur). La béatitude est surnaturelle; elle dépasse
la nature humaine, la compréhension humaine, la puissance
humaine. « La béatitude nous fait participer à la nature divine (2
Pierre 1, 4) et à la Vie éternelle.5 Avec elle, l’homme entre dans
la gloire du Christ6 et dans la jouissance de la vie trinitaire. »
(CÉC 1721) « Une telle béatitude dépasse l’intelligence et les
seules forces humaines. Elle résulte d’un don gratuit de Dieu.
C’est pourquoi on la dit surnaturelle » (CÉC 1722).
Mais cela commence sur la terre; cela commence au
Baptême. Par après, tout bon choix moral que nous faisons n’est
pas seulement un choix pour ou contre quelque idéal distant,
mais un choix pour ou contre ce que nous sommes déjà par la
grâce de Dieu, pour ou contre la vie du Christ en nous.
C’est pourquoi la morale est si pratique : nos choix entre le
bien et le mal sont finalement des choix entre notre béatitude et
notre misère. Du fait que cette béatitude nous est donnée
librement par Dieu, elle doit être choisie librement par nous, car
un don doit être donné librement et reçu librement. C’est
pourquoi « [l]a béatitude promise nous place devant les choix
moraux décisifs » (CÉC 1723). Puisque ces choix concernent
notre éternité, puisque la morale a une fin surnaturelle, la morale
est infiniment dramatique.
Cette fin surnaturelle donne aussi à la morale catholique une
espérance et une joie supérieures à toute autre. En effet, sa fin est
le ciel, et « tout le chemin vers le ciel est déjà le ciel », comme
l’a dit une grande sainte. Une joie profonde accompagne souvent
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la sainteté qui distingue les saints remarquables de l’Église. C’est
la morale profane sans Dieu qui est sans joie et morne; la morale
catholique est plus remplie de joie que La joie du sexe. On pourrait
l’appeler à bon droit « la joie de l’amour ».
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Notes dans les citations du catéchisme
1
S. Léon le Grand, serm. 21, 3.
1
S. Augustin, mor. eccl. 1, 3, 4.
3
S. Thomas d’A., symb. 15.
13
Cf. Dt 30, 15-20.
14
Didaché 1, 1.
5
Cf. Jn 17, 3.
6
Cf. Rm 8, 18.
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