Enseigner l`écriture personnelle

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Enseigner l`écriture personnelle
Classiques & Cie BTS • Infos méthode
Enseigner l’écriture personnelle
Avatar de l’ancienne « conclusion personnelle » de la synthèse, l’exercice dit d’écriture
personnelle est justifié par l’importance accordée actuellement, non seulement dans les études
littéraires, mais dans tous les types de formation, à la maîtrise de l’argumentation.
L’écriture personnelle cumule diverses démarches pour une évaluation de divers savoir faire :
– exploitation des idées découvertes dans le corpus de l’examen, dans une perspective de
rapprochement/confrontation avec les idées du thème étudié,
– capacité de construire et d’exprimer un point de vue personnel,
– rédaction, éventuellement à la première personne, de ce qui n’est pas, cependant, la simple
expression non justifiée d’une opinion.
L’exercice, pourtant, est difficile : outre les difficultés habituelles de rédaction lorsqu’il s’agit
d’exprimer des idées et de raisonner par écrit, on peut parler d’une ambiguïté dans l’intitulé.
■ Une ambiguïté dans l’intitulé
Les étudiants peuvent être en effet facilement tentés d’opposer à l’objectivité absolue de la
synthèse, qui refuse tout élément ressemblant à un jugement ou à une prise de position, une
subjectivité donnant soudain le droit de tout dire, voire de « vider son sac » sur le thème
abordé par le sujet. C’est ce à quoi semble inviter l’adjectif « personnelle ». La synthèse est
frustrante sur le plan de l’expression subjective : l’écriture personnelle peut à l’inverse être
perçue comme la porte ouverte au « moi, personnellement, je… ».
En réalité, qu’est-ce qui est attendu ?
Malgré une absence, dans le B.O., de définition précise de l’exercice, on peut lire entre les
lignes de ce qui est dit. Il s’agit bien d’exprimer par écrit ce que l’on pense
personnellement, posture qui autorise la première personne. Mais il est sous-entendu (et cet
implicite est très sensible) que l’avis exprimé doit être nourri de connaissances et de
réflexions, celles qui ont été envisagées, vues et débattues en cours. On voit apparaître, à
partir de cette ébauche de définition, plusieurs questions dont les étudiants, dans un souci bien
légitime de cadrer les choses, ne manqueront pas de percevoir le côté en apparence
contradictoire, et qu’il faut de ce fait aborder avec eux.
■ Les questions clés
Les deux points soulignés sont liés à l’existence d’un programme officiel. La récente réforme
qui a imposé un programme dans l’enseignement de culture générale en STS a pour objectif et
effet de limiter le champ de réflexion et de connaissances sur lequel portera le sujet d’examen.
Les étudiants n’arrivent pas devant l’épreuve les mains vides, mais « armés » de lectures, de
problématiques, de questions et de réponses diverses abordées au cours de l’année. C’est une
innovation utile et qui est favorable aux candidats.
Se pose alors la question de la reprise, dans le travail d’écriture personnelle, de ces savoirs
acquis. On peut facilement prévoir une objection élémentaire : comment parler
d’argumentation personnelle lorsque l’on doit puiser dans les documents étudiés et donc dans
les idées des autres ? D’un autre côté se trouve le risque – c’est la tentation immédiate, celle
du par cœur, de la sécurité et d’une certaine facilité, – de la récitation d’une « problématique
de cours », c’est-à-dire la récupération mal adaptée de morceaux de cours.
L’étudiant se trouve ainsi confronté aux interrogations suivantes :
– quelles sont les limites imposées à l’expression de la subjectivité ?
– comment faire du « personnel » à partir des idées des autres ?
– comment utiliser au mieux le cours sans faire du « par cœur » ?
© Éditions Hatier, 2011
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■ Des idées personnelles forgées grâce à celles des autres
Le professeur sait bien, lui, que le sujet d’écriture personnelle doit trouver un équilibre,
visible dans l’écriture, entre différentes démarches, mais il ne peut pas évacuer la question en
considérant que c’est un faux problème. Il lui faudra certainement faire preuve, là encore, de
force de conviction pour expliquer ce qui n’est pas nécessairement acquis à l’issue des études
secondaires : on forge ses propres idées en les confrontant à celles des autres.
Il existe des penseurs qui ont apporté des réponses utiles et intéressantes à diverses questions
sociales, économiques, philosophiques, humaines. Et c’est le débat d’idées qui fait surgir les
controverses, les contradictions, et, souvent, une forme de vérité. Le message à faire passer (et
à faire admettre) directement ou indirectement est celui de l’importance des échanges d’idées
– d’où l’importance des controverses, discussions, exposés, jeux de rôles dans la formation en
culture générale. En d’autres termes, il faudra faire accepter l’idée que l’écriture personnelle
exige un choix parmi les prises de position rencontrées,– et analysées avec tolérance – puis
une appropriation justifiée par des arguments recevables dans le cadre d’une doxa historique.
En ce sens, la synthèse et l’écriture personnelle sont les deux versants d’un même
apprentissage, avec une variation fondamentale dans la posture de l’énonciateur.
Naviguer entre ce que l’on peut prendre, parfois à tort, pour LA vérité, sous prétexte que c’est
écrit et que cela a été publié, et ce que l’on a envie d’exprimer sans oser le faire, ou encore en
le faisant de manière brutale, relève d’un apprentissage qui exige bien les deux années de
préparation à l’examen !
■ Une écriture qui s’apprend
Reste encore à régler la question de la rédaction. Adapter à sa propre manière d’écrire des
idées que l’on a repérées dans des documents n’est pas chose facile, mais cela s’apprend.
Formuler des idées personnelles sans rester dans le « moi je pense que… et c’est la vérité… »
est un exercice difficile, surtout si ce que l’on pense n’est pas très clair ni, pour reprendre
Boileau, « bien conçu ». Clarifier la pensée est indispensable à une formulation claire : c’est
l’enjeu des deux années d’étude, qui supposent que la lecture et l’analyse de documents divers
doivent aider à la construction d’une pensée personnelle claire, en premier lieu sur les
sujets au programme.
Il ressort de cette analyse du travail en STS que ses différentes orientations s’articulent et se
complètent dans un objectif d’ouverture au monde, de découvertes et de réflexions à
construire sur des sujets divers mais toujours socialement et humainement importants.
© Éditions Hatier, 2011