opera - Opéra de Lyon

Transcription

opera - Opéra de Lyon
F E S T I VA L
OPERA
EN 1ACTE
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
Pour la présente édition
© Opéra national de Lyon, 2007
BÉLA BARTÓK
LE CHÂTEAU
de BARBE-BLEUE
A KÉKSZAKÁLLÚ HERCEG VÁRA
Livret de Béla Balázs
Opéra en un acte
opus 11
1917
OPERA de LYON
Illustration.
Vignettes typographiques
LIVRET
9
12
14
Fiche technique
L’argument
Les personnages
A KÉKSZAKÁLLÚ HERCEG VÁRA
19 LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
7
CAHIER de LECTURES
61
66
67
69
72
78
Béla Bartók
Correspondance
Sur Le Château de Barbe-Bleue
Zoltán Kodály
Le Château de Barbe-Bleue
Claire Delamarche
Béla Balász
Barbe-Bleue en son château
Béla Balász
Béla Bartók
CARNET de NOTES
82
98
99
Béla Bartók
Repères biographiques
Notice bibliographique
Le Château de Barbe-Bleue
Orientations discographiques
9
LIVRET
En 1910, Béla Balász écrit Le Château de Barbe-Bleue, qu’il
appelle « mystère » et qu’il dédie à Kodály et à Bartók avec
l’idée de leur inspirer un opéra. Kodály décline l’offre en
1911. Bartók, très impressionné par la lecture de l’œuvre,
prendra le relais.
PARTITION
Le compositeur se met au travail en février 1911. Le 20 septembre de la même année, la partition est achevée. Entre
cette date et la création en 1918, Béla Bartók y apportera
quelques retouches.
PERSONNAGES
A KÉKSZAKÁLLÚ HERCEG Baryton
JUDIT Soprano
A RÉGI ASSZONYOK Rôles muets
PROLÓGUS Rôle parlé
LE DUC BARBE-BLEUE
JUDITH
LES ANCIENNES ÉPOUSES
LE PROLOGUE
ORCHESTRE
4 flûtes (dont 2 piccolos)
2 hautbois
1 cor anglais
3 clarinettes (dont 1 clarinette basse)
4 bassons (dont 1 contrebasson)
4 cors
4 trompettes
4 trombones
1 tuba basse
10
Timbales
Percussions
2 harpes
Célesta
Orgue
Cordes
Musique de scène
4 trompettes
4 trombones
DURÉE MOYENNE
1 heure
CRÉATION
24 mai 1918. Opéra de Budapest.
Direction musicale. Egisto Tango
Mise en scène.Deszò Zádor
AvecOlga Haselbeck (Judith), Oszkár Kálmán
(Barbe-Bleue)
L’ŒUVRE à LYON
1964.
Direction musicale. Alain Lombard
Mise en scène.Humbert Camerlo
Décors & costumes.P. Monteilhet
AvecBerthe Monmart (Judith), Xavier Depraz
(Barbe-Bleue)
Production couplée avec Le Mandarin merveilleux,
pantomime de Bartók
Reprise en 1967, sous la direction de René Leibowitz.
11
LE PROLOGUE introduit le conte en quelques strophes.
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BARBE-BLEUE vient d’arriver dans son château avec J UDITH.
Elle a tout bravé, elle a tout quitté pour le suivre. La
porte du château se referme. Les époux sont dans le hall
où l’on voit, dans une semi-obscurité, sept grandes portes.
BARBE-BLEUE demande à JUDITH pourquoi elle est venue
chez lui, elle lui répond qu’elle y fera entrer la lumière,
avec lui.
Puis, elle lui demande de lui montrer tout, de lui ouvrir ses
portes. BARBE-BLEUE lui tend des clefs.
Elle ouvre la première porte : la chambre de torture.
Lumière vive et rouge : « Un beau torrent de lumière »
dit JUDITH , « Un torrent rouge, un torrent de sang ! »
répond BARBE-BLEUE.
Elle ouvre la deuxième porte. Lumière rouge et or : c’est la
salle des armes sur lesquelles du sang a séché.
Tout en la mettant en garde, BARBE -BLEUE lui tend trois
autres clefs.
JUDITH ouvre la troisième porte : la salle du trésor – or,
perles, diamants, riches étoffes... Mais les bijoux sont
tachés de sang.
JUDITH ouvre la quatrième porte : des fleurs, un jardin. Mais
le pied des roses blanches et la terre sont ensanglantés.
JUDITH ouvre la cinquième porte : un vaste paysage, un flot de
lumière : c’est le domaine de BARBE-BLEUE. Mais dans le
ciel, un nuage projette une ombre sanglante.
Deux portes sont encore fermées. BARBE-BLEUE ne veut pas
qu’elles soient ouvertes : il est entré assez de lumière
pour que le château resplendisse. J UDITH insiste, il lui
tend encore une clef.
Au premier tour de clef donné à la sixième porte, on entend
un profond gémissement. J UDITH ouvre. C’est un lac
blanc, un lac de larmes. JUDITH, saisie, interroge BARBEBLEUE : « M’aimes-tu fort, Barbe-Bleue ? » « Embrassemoi, embrasse-moi, ne pose aucune question», répond
BARBE-BLEUE.
JUDITH, s’arrachant à ses bras, le presse d’ouvrir la septième
porte.
BARBE-BLEUE lui tend la septième clef. Par la septième porte,
les trois anciennes femmes de BARBE-BLEUE s’avancent,
belles et richement parées. BARBE-BLEUE tombe à genoux
devant elles. Puis il pose sur les épaules de J UDITH un
manteau « semé d’étoiles » et ceint son front d’une couronne de diamants... Elle incline la tête puis, à la suite des
autres femmes, franchit la septième porte qui se referme.
BARBE-BLEUE reste seul dans la nuit, puis disparaît dans
l’obscurité.
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Dès le commencement, le château de BARBE -BLEUE
s’identifie à l’âme masculine, dont J UDITH veut sécher les
larmes de ses lèvres. Selon l’analyse de György Kroó, chacune des sept portes représente l’un de ses aspects : la
cruauté (chambre de torture), la soif de pouvoir (arsenal), la
richesse spirituelle (trésor), la tendresse (jardin secret), la
fierté (domaine), les blessures et les chagrins (lac de larmes),
les amours passées (dernière porte).
En laissant se refermer la petite porte de fer – la seule
issue vers l’extérieur – JUDITH choisit d’assumer le fardeau de cette âme. La tâche lui semble tout d’abord terriblement difficile : elle se rappelle les mises en garde de sa
famille, hostile à son mariage avec cet homme sur lequel
courent des bruits fâcheux. Mais une fois sa décision prise,
elle ne tolère plus aucune discussion : elle s’exprime essentiellement par impératifs laconiques, répétant chacun de
ses ordres pour en souligner la nécessité. C’est au nom de
cet amour qu’elle exige l’ouverture des portes : « Donnemoi la clef parce que je t’aime !»
Pressentant le danger d’être percé à nu par J UDITH,
BARBE-BLEUE ne lui donne qu’à contrecœur les clefs des
deux premières portes. Dans l’espoir vain de dissuader
JUDITH dans sa quête, il découvre son âme par ses côtés les
plus repoussants : la cruauté et la soif de pouvoir. Mais alors
qu’il ne voit dans les rayons rouges qu’un flot de sang, JUDITH
réussit à les sublimer en torrents de lumière radieuse.
Déterminée, elle réclame les clefs suivantes, et Barbe-Bleue
l’invite en vain à l’aimer sans conditions : « Prends garde,
prends garde à mon château, prends garde, prends garde à
nous, Judith ! … Aime-moi, ne pose aucune question !»
Mais, en se libérant peu à peu de ses lourds secrets,
BARBE-BLEUE découvre un plaisir nouveau, qu’il exprime par
l’une des phrases les plus lyriques de l’ouvrage : « Il est frais
et doux le sang qui coule d’une plaie qu’on a ouverte. » Il
encourage JUDITH, soudain hésitante, à ouvrir la troisième
porte. Rassuré par la puissance transfiguratrice de l’amour de
sa femme, il la presse encore davantage pour la porte suivante. Grisé par la lumière de plus en plus resplendissante,
impatient de révéler l’aspect le plus flatteur de sa personnalité, il lui ordonne alors d’ouvrir la cinquième porte. Une
lumière éblouissante s’en échappe. BARBE -BLEUE énumère
les beautés de son empire. A sa fierté croissante, répond une
Judith absente et désabusée. Il fait le coq, réclame des baisers à son épouse médusée. Le sang dont l’ombre plane sur le
domaine illustre le doute qui s’est installé en J UDITH. Un
abîme se creuse entre les deux époux, tous deux parvenus à
un point de non-retour. Soudain saisi de frayeur, BARBE BLEUE refuse de remettre la clef suivante, prétextant que la
lumière des cinq premières portes suffit à éclairer le château.
Il tente de croire encore à la force salvatrice de l’amour ;
mais à ses demandes de baisers, JUDITH ne répond que par
son obstination à lui arracher les deux dernières clefs.
Après avoir révélé ses faiblesses, ses souffrances – le lac
de larmes – il essaie en vain de l’enlacer : elle s’arrache à
ses bras et lance la terrible accusation de meurtre. La vue
des TROIS FEMMES vivantes lui ouvre les yeux : tout ce
sang n’était que le fruit de son imagination nourrie par les
rumeurs accusatrices qui précédèrent son mariage. Pour avoir
ouvert la mémoire de son mari, elle s’est condamnée à y
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entrer. BARBE-BLEUE entame la cérémonie de l’adieu. Alors,
pour la première fois, les voix des deux époux se superposent
dans l’unique duo et le moment le plus lyrique de l’opéra :
JUDITH refuse de laisser échapper, au moment où elle s’apprêtait à l’atteindre, cette fusion parfaite avec l’être aimé, fusion
synonyme pour elle de confidences totales. Le manteau trop
lourd pour ses épaules, c’est évidemment le fardeau écrasant
de la connaissance. En voulant le prendre en charge, par
amour et puis parce qu’un doute insupportable la tenaillait,
JUDITH a mené leur amour à sa perte.
Désormais, la nuit cerne complètement BARBE-BLEUE. Un
être, JUDITH, s’est brisé. L’autre, BARBE-BLEUE , en a grandi,
plus riche d’une expérience. Pourtant, la tragédie est aussi la
sienne. Le cycle de la vie (aube, midi, crépuscule, soir),
représenté par les quatre épouses, se clôt ; avec JUDITH, son
expérience est complète. En ouvrant les portes de son âme,
en lui révélant des aspects de lui-même qu’il avait refoulés,
JUDITH l’a rendu à la nuit et l’a symboliquement tué.
Claire Delamarche
BÉLA BARTÓK
LE CHÂTEAU
de BARBE-BLEUE
A KÉKSZAKÁLLÚ HERCEG VÁRA
HANS WERNER HENZE L’UPUPA...
Regös prologúsa
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Haj regò rejtem
Hová, hová rejtsem...
Hol volt, hol nem:
Kint-e vagy bent?
Régi rege, haj mit jelent,
Urak, asszonyságok?
Ím szólal az ének.
Ti néztek, én nézlek.
Szemünk pillás függönye fent:
Hol a szinpad: kint-e vagy bent,
Urak, asszonyságok?
Keserves és boldog
Nevezetes dolgok,
Az világ kint haddal tele,
De nem abba halunk bele,
Urak, asszonyságok.
Nézzük egymást, nezzük,
Regénket regéljük.
Ki tudhatja honnan hozzuk?
Hallgatjuk és csodálkozunk,
Urak, asszonyságok.
(A függöny szétválik a háta mögött.)
PREMIÈRE PARTIE TABLEAU 1
Prologue du barde
Ah ! mon conte, je le cache,
Où, où dois-je le cacher...
Cela fut-il, ne fut-il pas :
Dehors ou dedans ?
C’est un vieux conte, ah ! que signifie-t-il,
Messieurs, mesdames ?
Voici que le chant s’élève.
Vous me regardez, je vous regarde.
Le rideau de cils de nos yeux est levé :
Où est la scène, dehors ou dedans,
Messieurs, mesdames ?
Des choses remarquables,
Amères et heureuses,
Le monde au dehors est plein d’armées,
Mais ce n’est pas de cela que nous mourrons,
Messieurs, mesdames.
Nous nous regardons l’un l’autre, nous nous regardons,
Nous racontons notre conte.
Qui sait d’où nous le tenons ?
Écoutons et laissons-nous émerveiller,
Messieurs, mesdames.
(Le rideau se lève derrière lui.)
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BÉLA BARTÓK
Zene szól, a láng ég.
Kezdòdjön a játék.
Szemem pillás függönye fent.
Tapsoljatok majd, ha lement,
Urak, asszonyságok.
Régi vár, régi már
Az mese ki róla jár.
Tik is hallgassátok.
(Hatalmas, kerek gótikus csarnok. Balra meredek lépcs
ò
vezet fel egy kis vasajtóhoz. A lépcs
òtòl jobbra hét nagy ajtó
van a falban; négy még szemben, kettò már egész
jobboldalt. Különben sem ablak, se dísz. A csarnok üres,
sötét, rideg, sziklabarlanghoz hasonlatos. Mikor a függöny
szétválik, teljes sötétség van a szinpadon, melyben a regös
eltùnik. Hirtelen kinyílik fent a kis vasajtó és a vakító
fehér négyszögben megjelenit a kékszakállú és Judit
fekete sziluettje.)
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KÉKSZAKÁLLÚ
Megérkeztünk.
Íme lássad:
Ez a kékszakállú vára.
Nem tündököl, mint atyádé.
Judit, jösz-e még utánam?
JUDIT
Megyek, megyek, Kékszakállú.
KÉKSZAKÁLLÚ (lejön néhány lépcsòt)
Nem hallod a vészharangot?
Anyád gyászba öltözködött,
Atyád éles kardot szijjaz,
Testvérbátyád lovat nyergel.
Judit, jössz-e még utánam?
JUDIT
Megyek, megyek, Kékszakállú.
(A kékszakállú lejön egészen és visszafordul Judit felé,
aki a lépcsò közepén megállt. Az ajtón bees
ò fénykéve
megvilágítja a lépcsòt és kettòjük alakját.)
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
La musique résonne, la flamme danse,
Que le spectacle commence.
Le rideau de cils de mes yeux est levé.
Applaudissez lorsqu’il redescendra,
Messieurs, mesdames.
Un vieux château, et vieux aussi
Est le conte qui le raconte.
Oyez-le vous aussi.
(Un immense hall rond, de style gothique. A gauche,
un escalier raide monte à une petite porte en fer. A la droite
de l’escalier, sept grandes portes se découpent sur le mur ;
quatre en face du public, deux à l’extrême droite. Hors
de cela, il n’y a ni fenêtres, ni ornements. Le hall est vide,
sombre, inhospitalier et ressemble à une grotte creusée dans
la roche. Lorsque le rideau s’ouvre, la scène est plongée dans
une obscurité où disparaît le barde. Soudain, la petite porte
en fer s’ouvre et dans le rectangle blanc aveuglant
apparaissent les silhouettes noires de Barbe-Bleue et Judith.)
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BARBE-BLEUE
Nous sommes arrivés.
Voici, regarde :
C’est le château de la Barbe-Bleue.
Il ne resplendit pas comme celui de ton père.
Judith, me suis-tu encore ?
JUDITH
Je viens, je viens, Barbe-Bleue.
BARBE-BLEUE (descend quelques marches)
N’entends-tu pas le tocsin ?
Ta mère a revêtu le deuil,
Ton père ceint son glaive tranchant,
Ton frère aîné selle son cheval.
Judith, me suis-tu encore ?
JUDITH
Je viens, je viens, Barbe-Bleue.
(La Barbe-Bleue descend jusqu’en bas et se retourne vers
Judith, qui s’est arrêtée à mi-hauteur de l’escalier.
La gerbe de lumière qui entre par la porte éclaire l’escalier
et leurs deux silhouettes.)
BÉLA BARTÓK
KÉKSZAKÁLLÚ
Megállsz Judit?
Mennél vissza?
JUDIT (mellre szorított kézzel)
Nem. A szoknyám akadt csak fel,
Felakadt szép selyem szoknyám.
KÉKSZAKÁLLÚ
Nyitva van még fent az ajtó.
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JUDIT
Kékszakállú!
(Lejön néhány lépcsòt)
Elhagytam az apám, anyám,
Elhagytam szép testvérbátyám...
(Közben lejön egészen.)
... Elhagytam a vòlegényem,
Hogy váradba eljöhessek.
(A kékszakállúhoz simùl.)
Kékszakállú! Ha kiuznél,
Küszöbödnél megállanék,
Küszöbödre lefeküdnék.
(A kékszakállú magához öleli.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Most csukódjon be az ajtó.
(A kis vasajtó fent becsukódik. A csarnok világosabb
marad, de csak épphogy a két alak és a hét nagy fekete
ajtó látható.)
JUDIT (a kékszakállú kezét fogva tapogatódzva elòre jön,
a bal fal mellett)
Ez a kékszakállú vára!
Nincsen ablak?
Nincsen erkély?
KÉKSZAKÁLLÚ
Nincsen.
JUDIT
Hiába is süt kint a nap?
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
BARBE-BLEUE
Tu t’arrêtes, Judith ?
Retournerais-tu sur tes pas ?
JUDITH (les mains pressées sur le cœur)
Non. C’est juste ma jupe qui s’est accrochée,
Ma belle jupe de soie s’est accrochée.
BARBE-BLEUE
En haut, la porte est encore ouverte.
JUDITH
Barbe-Bleue !
(Elle descend quelques marches.)
J’ai quitté mon père, ma mère,
J’ai quitté mon frère si beau...
(Entre-temps, elle descend jusqu’en bas.)
... J’ai quitté mon fiancé
Afin de pouvoir venir dans ton château.
(Elle se blottit contre la Barbe-Bleue.)
Barbe-Bleue ! Si tu me chassais,
Je resterais sur le pas de ta porte,
Je m’étendrais sur le pas de ta porte.
(La Barbe-Bleue la serre dans ses bras.)
BARBE-BLEUE
Que la porte se ferme à présent.
(La petite porte en fer, en haut, se referme.
Le hall reste éclairé, mais juste assez pour que l’on voie
les deux silhouettes et les sept grandes portes noires.)
JUDITH (tenant la main de Barbe-Bleue et avançant à tâtons
le long du mur de gauche)
Voici donc le château de la Barbe-Bleue !
N’y a-t-il point de fenêtre ?
N’y a-t-il point de balcon ?
BARBE-BLEUE
Il n’y en a pas.
JUDITH
Est-ce en vain que le soleil brille au-dehors ?
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BÉLA BARTÓK
KÉKSZAKÁLLÚ
Hiába.
JUDIT
Hideg marad?
Sötét marad?
KÉKSZAKÁLLÚ
Hideg, sötét.
JUDIT (elòbbre jon)
Ki ezt látná, jaj, nem szólna,
Suttogó hír elhalkulna.
KÉKSZAKÁLLÚ
Hírt hallottál?
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JUDIT
Milyen sötét a te várad!
(Elòbbre tapogatódzva. Megrezzen.)
Vizes a fal! Kékszakállú!
Milyen víz hull a kezemre?
Sír a várad!
Sír a várad!
KÉKSZAKÁLLÚ
Ugye, Judit, jobb volna most
Vòlegényed kastélyában:
Fehér falon fut a rózsa,
Cseréptetòn táncol a nap.
JUDIT
Ne bánts, ne bánts Kékszakállú!
Nem kell rózsa, nem kell napfény!
Nem kell rózsa, nem kell napfény!
Nem kell... Nem kell...
Nem kell...
Milyen sötét a te várad!
Milyen sötét a te várad!
Milyen sötét...
Szegény, szegény Kékszakállú!
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
BARBE-BLEUE
C’est en vain.
JUDITH
Il reste froid ?
Il reste sombre ?
BARBE-BLEUE
Froid, sombre.
JUDITH (s’avançant)
Si on le voyait, ah ! on se tairait,
La rumeur qu’on chuchote se tarirait.
BARBE-BLEUE
Quelle rumeur ?
JUDITH
Ton château est si sombre !
(S’avançant à tâtons, elle tressaille.)
Le mur est humide ! Barbe-Bleue !
Quelle est cette eau qui ruisselle sur ma main ?
Il pleure, ton château !
Il pleure, ton château !
BARBE-BLEUE
Tu vois, Judith, tu serais mieux, à présent,
Dans le château de ton fiancé :
Un rosier grimpe sur son mur blanc,
Le soleil danse sur son toit de tuiles.
JUDITH
Pitié, pitié, Barbe-Bleue !
Nul besoin de roses, nul besoin de soleil !
Nul besoin de roses, nul besoin de soleil !
Nul besoin... Nul besoin...
Nul besoin...
Ton château est si sombre !
Ton château est si sombre !
Si sombre...
Pauvre, pauvre Barbe-Bleue !
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BÉLA BARTÓK
(Zokogva leborul a kékszakállú elòtt és csókolja a kezét.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Miért jöttél hozzám, Judit?
JUDIT
Nedves falát felszárítom,
Ajakammal szárítom fél!
Hideg kövét melegítem,
A testemmel melegítem.
Ugye szabad, ugye szabad, Kékszakállú!
Nem lesz sötét a te várad,
Megnyitjuk a falat ketten,
Szél bejárjon,
Nap besüssön,
Nap besüssön.
Tündököljön a te várad!
KÉKSZAKÁLLÚ
Nem tündököl az én váram.
26
JUDIT (jobbra befelé megy)
Gyere vezess, Kékszakállú,
Mindenhová vezess engem.
(Beljebb megy.)
Nagy csukott ajtókat látok,
Hét fekete csukott ajtót!
(A kékszakállú némán, mozdulatlanul néz utána)
Miért vannak az ajtók csukva?
KÉKSZAKÁLLÚ
Hogy ne lásson bele senki.
JUDIT
Nyisd ki, nyisd ki!
Nekem nyisd ki!
Minden ajtó legyen nyitva!
Szél bejárjon,
Nap besüssön!
KÉKSZAKÁLLÚ
Emlékezz rá, milyen hír jár.
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
(Elle s’effondre en sanglotant devant la Barbe-Bleue
et lui embrasse les mains.)
BARBE-BLEUE
Pourquoi es-tu venue chez moi, Judith ?
JUDITH
J’assécherai tes murs humides,
De mes lèvres je les sécherai !
Je réchaufferai cette pierre froide,
De mon corps je la réchaufferai.
Permets-le, permets-le, Barbe-Bleue !
Ton château ne sera pas sombre,
Nous percerons tous deux ces remparts,
Que le vent pénètre,
Que le soleil pénètre,
Que le soleil pénètre,
Que ton château resplendisse !
BARBE-BLEUE
Mon château ne resplendit pas.
JUDITH (allant sur sa droite, vers le milieu de la scène)
Viens, conduis-moi, Barbe-Bleue,
Conduis-moi partout.
(Elle s’approche encore du milieu de la scène.)
Je vois de grandes portes closes,
Sept portes noires et closes !
(La Barbe-Bleue la suit du regard, sans un mot, immobile.)
Pourquoi les portes sont-elles closes ?
BARBE-BLEUE
Afin que personne ne regarde à l’intérieur.
JUDITH
Ouvre-les, ouvre-les !
Ouvre-les pour moi !
Que chaque porte soit ouverte !
Que le vent pénètre,
Que le soleil pénètre !
BARBE-BLEUE
Rappelle-toi quelle rumeur circule.
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BÉLA BARTÓK
JUDIT
A te várad derüljön fel,
A te várad derüljön fel!
Szegény, sötét, hideg várad!
Nyisd ki! Nyisd ki! Nyisd ki!
(Dörömböl az elsò ajtón. A dörömbölésre mély, nehéz
sóhajtás búg fel. Hosszú nyomott folyosókon sír fel így
az éjszakai szél.)
Jaj!
(Visszahátrál a kékszakállúhoz.)
Jaj! Mi volt ez?
Mi sóhajtott?
Ki sóhajtott?
Kékszakállú!
A te várad! A te várad!
A te várad!
KÉKSZAKÁLLÚ
Félsz-e?
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JUDIT (csendesen sírva)
Oh, a várad felsóhajtott!
KÉKSZAKÁLLÚ
Félsz?
JUDIT
Oh, a várad felsóhajtott!
Gyere nyissuk, velem gyere.
Én akarom kinyitni, én!
Szépen, halkan fogom nyitni,
Halkan, puhán, halkan!
Kékszakállú, add a kulcsot,
Add a kulcsot, mert szeretlek!
(A kékszakállú vállára borul.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Áldott a te kezed, Judit.
(A kulcscsomó megcsörren a sötétben.)
JUDIT
Köszönöm, köszönöm!
(Visszamegy az elsò ajtóhoz.)
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
JUDITH
Que ton château s’illumine,
Que ton château s’illumine !
Ton malheureux château sombre et froid !
Ouvre ! Ouvre ! Ouvre !
(Elle tambourine à la première porte. Un soupir lourd et
profond lui répond. Un gémissement s’élève dans les longs
couloirs oppressants, pareil au vent nocturne.)
Ah !
(Elle recule vers la Barbe-Bleue.)
Ah ! Quel était ce bruit ?
Qu’est-ce qui a gémi ?
Qui est-ce qui a gémi ?
Barbe-Bleue !
C’est ton château ! C’est ton château !
C’est ton château !
BARBE-BLEUE
As-tu peur ?
JUDITH (pleurant tout bas)
Oh, c’est ton château qui soupirait !
BARBE-BLEUE
Tu as peur ?
JUDITH
Oh, c’est ton château qui a gémi !
Viens, ouvrons-le, viens avec moi.
C’est moi qui veux l’ouvrir, moi !
J’ouvrirai gentiment, doucement,
Doucement, tendrement, doucement !
Barbe-Bleue, donne-moi la clef,
Donne-moi la clef parce que je t’aime !
(Elle appuie sa tête sur l’épaule de la Barbe-Bleue.)
BARBE-BLEUE
Ta main est bénie, Judith.
(Le trousseau de clefs tinte dans l’obscurité.)
JUDITH
Merci, merci !
(Elle retourne vers la première porte.)
29
BÉLA BARTÓK
Én akarom kinyitni, én.
(Mikor a zár csattan, felbúg a mély földalatti sóhajtás.)
Hallod? Hallod?
(Az ajtó feltárul, vérvörös négyszöget nyitva a falba,
mint egy seb. Az ajtó mögül mélybòl jövò veres izzás
hosszú sugarat vet be a csarnok padlójára.)
Jaj!
KÉKSZAKÁLLÚ
Mit látsz? Mit látsz?
JUDIT (mellre szorított kézzel)
Láncok, kések,
Szöges karók,
Izzó nyársak...
KÉKSZAKÁLLÚ
Ez a kinzókamra, Judit.
30
JUDIT
Szörnyù a te kinzókamrád, Kékszakállú!
Szörnyù, szörnyù!
KÉKSZAKÁLLÚ
Félsz-e?
JUDIT
A te várad fala véres!
A te várad vérzik!
Véres... vérzik.
KÉKSZAKÁLLÚ
Félsz-e?
JUDIT (visszafordul a kékszakállú felé. A piros fény izzó kontúrt
ad az alakjának. Sápadt, csendes elszántsággal)
Nem! Nem félek.
Nézd, derül már.
Ugye derül?
Nézd ezt a fényt.
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
C’est moi qui veux l’ouvrir, moi !
(Au moment où la clef tourne dans la serrure, le profond
soupir s’élève de sous terre.)
Tu entends ? Tu entends ?
(La porte s’ouvre en grand, découpant sur le mur
un rectangle rouge sang, comme une blessure.
Un rougeoiement de sang venu des profondeurs, au-delà
de la porte, projette un long rayon sur le sol du hall.)
Ah !
BARBE-BLEUE
Que vois-tu ? Que vois-tu ?
JUDITH (les mains pressées sur le cœur)
Des chaînes, des couteaux,
Des pals hérissés de clous
Des fourches incandescentes...
BARBE-BLEUE
C’est la chambre de torture, Judith.
31
JUDITH
Ta chambre de torture est horrible, Barbe-Bleue !
Horrible, horrible !
BARBE-BLEUE
As-tu peur ?
JUDITH
Les murs de ton château sont couverts de sang !
Ton château saigne !
Il est plein de sang... il saigne.
BARBE-BLEUE
As-tu peur ?
JUDITH (Elle se tourne vers la Barbe-Bleue. La lueur rouge
dessine un contour incandescent autour de sa silhouette.
Pâle, mais d’une voix calme et résolue)
Non ! Je n’ai pas peur.
Vois, tout s’éclaire déjà.
N’est-ce pas que ça s’éclaire ?
Regarde cette lumière.
BÉLA BARTÓK
(Óvatosan a fénysáv partján visszamegy a kékszakállúhoz.)
Látod? Szép fénypatak.
(Letérdepel és a fénybe tartja két homorú tenyerét.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Piros patak, véres patak!
JUDIT (feláll)
Nézd csak, nézd csak!
Hogy dereng már!
Nézd csak, nézd csak!
Minden ajtók ki kell nyitni!
Szél bejárjon,
Nap besüssön,
Minden ajtók ki kell nyitni!
KÉKSZAKÁLLÚ
Nem tudod mi van mögöttük.
32
JUDIT
Add ide a többi kulcsot!
Add ide a többi kulcsot!
Minden ajtót ki kell nyitni!
Minden ajtót!
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit, Judit mért akarod?
JUDIT
Mert szeretlek!
KÉKSZAKÁLLÚ
Váram sötét töve reszket,
Nyithatsz, csukhatsz minden ajtót.
(Átnyújtja Juditnak a második kulcsot. Kézeik a vörös
fénykévében találkoznak.)
Vigyázz, vigyázz a váramra,
Vigyázz, vigyázz miránk, Judit!
JUDIT (a második ajtóhoz megy)
Szépen, halkan fogom nyitni.
Szépen, halkan.
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
(Elle retourne vers la Barbe-Bleue en suivant
avec prudence le faisceau de lumière.)
Tu vois ? Un beau torrent de lumière.
(Elle s’agenouille et plonge ses paumes réunies en forme
de coupe dans la lumière.)
BARBE-BLEUE
Un torrent rouge, un torrent de sang !
JUDITH (se relevant)
Regarde donc, regarde donc !
Le jour point déjà !
Regarde donc, regarde donc !
Il faut ouvrir toutes les portes !
Que le vent pénètre,
Que le soleil pénètre !
Il faut ouvrir toutes les portes !
BARBE-BLEUE
Tu ignores ce qui se trouve derrière.
33
JUDITH
Donne-moi les autres clefs !
Donne-moi les autres clefs !
Il faut ouvrir toutes les portes !
Toutes les portes !
BARBE-BLEUE
Judith, Judith, pourquoi veux-tu ?
JUDITH
Parce que je t’aime !
BARBE-BLEUE
Les sombres fondations de mon château tremblent,
Tu peux ouvrir, fermer toutes les portes.
(Il tend à Judith la seconde clef. Leurs mains
se rencontrent dans la gerbe de lumière.)
Prends garde, prends garde à mon château,
Prends garde, prends garde à nous, Judith !
JUDITH (allant à la seconde porte)
J’ouvrirai gentiment, doucement,
Gentiment, doucement.
BÉLA BARTÓK
(Csattan a zár és feltárul a második ajtó. Nyílása sárgás
vörös, de szintén sötét és félelmes. A második sugár az
elsò mellé fekszik a padlóra.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Mit látsz?
JUDIT
Száz kegyetlen szörnyù fegyver,
Sok rettentò hadi szerszám.
KÉKSZAKÁLLÚ
Ez a fegyveresház, Judit.
JUDIT
Milyen nagyon eròs vagy te,
Milyen nagy kegyetlen vagy te!
KÉKSZAKÁLLÚ
Félsz-e?
34
JUDIT
Vér szárad a fegyvereken,
Véres a sok hadi szerszám!
KÉKSZAKÁLLÚ
Félsz-e?
JUDIT (visszafordul a kékszakállú felé)
Add ide a többi kulcsot!
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit, Judit!
JUDIT (lassan visszajön a második fénysáv partján)
Itt a másik patak,
Szép fénypatak.
Látod? Látod?
Add ide a többi kulcsot!
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
(La serrure fait un bruit sec et la seconde porte s’ouvre
en grand. Le cadre est rouge doré, mais en même temps
sombre et effrayant. Le second rayon se dessine sur le sol,
à côté du premier.)
BARBE-BLEUE
Que vois-tu ?
JUDITH
Cent armes horribles, cruelles,
Maints engins de guerre effroyables.
BARBE-BLEUE
C’est l’arsenal, Judith.
JUDITH
Quelle puissance est la tienne,
Quelle cruauté est la tienne !
BARBE-BLEUE
As-tu peur ?
JUDITH
Du sang sèche sur les armes,
Tous ces engins de guerre sont ensanglantés !
BARBE-BLEUE
As-tu peur ?
JUDITH (reculant vers la Barbe-Bleue)
Donne-moi les autres clefs !
BARBE-BLEUE
Judith, Judith !
JUDITH (revenant lentement le long du second faisceau
de lumière)
Voici le second torrent,
Le beau torrent de lumière.
Tu vois ? Tu vois ?
Donne-moi les autres clefs !
35
BÉLA BARTÓK
KÉKSZAKÁLLÚ
Vigyázz, vigyázz miránk, Judit!
JUDIT
Add ide a többi kulcsot!
KÉKSZAKÁLLÚ
Nem tudod, mit rejt az ajtó.
JUDIT
Idejöttem, mert szeretlek.
Itt vagyok, a tied vagyok.
Most már vezess mindenhová,
Most már nyiss ki minden ajtót!
KÉKSZAKÁLLÚ
Váram sötét töve reszket,
Bús sziklából gyönyör borzong.
Judit, Judit! Hùs és édes,
Nyitott sebböl vér ha ömlik.
36
JUDIT
Idejöttem mert szeretlek,
Most már nyiss ki minden ajtót!
KÉKSZAKÁLLÚ
Adok neked három kulcsot.
Látni fogsz, de sohse kérdezz.
Akármit látsz, sohse kérdezz !
JUDIT
Add ide a három kulcsot!
(Kékszakállú átnyújtja. Judit türelmetlenül elveszi és
a harmadik ajtóhoz siet, de elòtte habozva megáll.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Mért álltál meg?
Mért nem nyitod?
JUDIT
Kezem a zárt nem találja.
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
BARBE-BLEUE
Prends garde, prends garde à nous, Judith !
JUDITH
Donne-moi les autres clefs !
BARBE-BLEUE
Tu ignores ce que cache la porte.
JUDITH
Je suis venue parce que je t’aime.
Je suis ici, je suis tienne.
A présent, conduis-moi partout,
A présent, ouvre toutes les portes !
BARBE-BLEUE
Les sombres fondations de mon château tremblent,
Les pierres affligées frémissent de volupté.
Judith, Judith ! Il est frais et doux
Le sang qui coule d’une plaie qu’on a ouverte.
37
JUDITH
Je suis venue parce que je t’aime.
A présent, ouvre toutes les portes !
BARBE-BLEUE
Je te donne trois clefs.
Tu verras, mais ne pose aucune question.
Quoi que tu voies, ne pose aucune question.
JUDITH
Donne-moi les trois clefs !
(Barbe-Bleue les lui remet. Judith les saisit
avec impatience et se hâte vers la troisième porte,
mais s’arrête devant elle, hésitante.)
BARBE-BLEUE
Pourquoi t’arrêtes-tu ?
Pourquoi n’ouvres-tu pas ?
JUDITH
Ma main ne trouve pas la serrure.
BÉLA BARTÓK
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit, ne félj,
Most már mindegy.
(Judit megfordítja a kulcsot. Meleg, mély érchanggal
nyílik az ajtó. A kiömlò aranyfénysáv a többi mellé
fekszik a padlóra.)
JUDIT
Oh, be sok kincs!
Oh, be sok kincs!
(Letérdepel és vájkál benne, ékszereket, koronát,
palástot kirakva a küszöbre.)
Aranypénz és drága gyémánt,
Bélagyönggyel fényes ékszer,
Koronák és dús palástok!
KÉKSZAKÁLLÚ
Ez a váram kincsesháza.
38
JUDIT
Mily gazdag vagy Kékszakállú!
KÉKSZAKÁLLÚ
Tiéd most már mind ez a kincs,
Tiéd arany, gyöngy és gyémánt.
JUDIT (hirtelen feláll)
Vérfolt van az ékszereken!
(A kékszakállú felé fordul csodálkozva.)
Legszebbik koronád véres!
(Judit egyre nyugtalanabb és türelmetlenebb.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Nyisd ki a negyedik ajtót!
Legyen napfény,
Nyissad, nyissad...
(Judit hirtelen a negyedik ajtót felé fordul és gyorsan
kinyitja. Az ajtóból virágos ágak csapódnak ki és a falban
kékes-zöld négyszög nyílik. A bees
ò új fénysáv a többi
mellé fekszik a padlóra.)
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
BARBE-BLEUE
Judith, n’aie pas peur,
Peu importe à présent.
(Judith tourne la clef. La porte s’ouvre avec un bruit
métallique, chaud et profond. Le faisceau lumineux
qui s’échappe se dessine à côté des autres sur le sol.)
JUDITH
Oh, quel trésor !
Oh, quel trésor !
(Elle s’agenouille et fouille dans le trésor, en retirant des
bijoux, une couronne et un manteau qu’elle porte sur le seuil.)
Des pièces d’or et des diamants coûteux,
Des bijoux éclatants parés de perles,
Des couronnes et de riches manteaux !
BARBE-BLEUE
C’est la salle au trésor de mon château.
JUDITH
Que tu es riche, Barbe-Bleue !
BARBE-BLEUE
Tout ce trésor est tien, à présent,
Or, perles et diamants sont tiens.
JUDITH (se redressant brusquement)
Les bijoux sont tachés de sang !
(Elle se tourne, étonnée, vers la Barbe-Bleue.)
Ta plus belle couronne est couverte de sang !
(Judith est de plus en plus inquiète et impatiente.)
BARBE-BLEUE
Ouvre la quatrième porte !
Qu’entre la lumière du jour,
Ouvre, ouvre...
(Judith se dirige soudain vers la quatrième porte et l’ouvre.
Des rameaux fleuris surgissent par la porte et un rectangle
vert bleuté s’ouvre sur le mur. Le nouveau faisceau de
lumière vient se dessiner à côté des autres sur le sol.)
39
BÉLA BARTÓK
JUDIT
Oh! Virágok!
Oh! Illatos kert!
Kemény sziklák alatt rejtve.
KÉKSZAKÁLLÚ
Ez a váram rejtett kertje.
JUDIT
Oh! Virágok!
Embernyi nagy liljomok,
Hùs-fehér patyolat rózsák,
Piros szekfùk szórják a fényt.
Sose láttam ilyen kertet.
40
KÉKSZAKÁLLÚ
Minden virág neked bókol,
Minden virág neked bókol,
Te fakasztod,
Te hervasztod,
Szebben újra te sarjasztod.
JUDIT (hirtelen lehajol, ijedten)
Fehér rózsád töve véres,
Virágaid földje véres!
KÉKSZAKÁLLÚ
Szemed nyitja kelyheiket,
S neked csengetyùznek reggel.
(Judit feláll és a kékszakállú felé fordul.)
JUDIT
Ki öntözte kerted földjét?
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit, szeress, sohse kérdezz.
Nézd hogy derül már a váram.
Nyisd ki az ötödik ajtót!
JUDIT (Judit hirtelen mozdulattal az ötödik ajtóhoz fut és
felrántja. Az ötödik ajtó feltárul. Magas erkély látszik és
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
JUDITH
Oh ! Des fleurs !
Oh ! Un jardin parfumé,
Caché sous ces solides rochers !
BARBE-BLEUE
C’est le jardin secret de mon château.
JUDITH
Oh ! Des fleurs !
Des lilas grands comme des hommes,
Des roses blanches comme la neige,
Des œillets rouges répandent la lumière.
Je n’ai jamais vu de tel jardin.
BARBE-BLEUE
Chaque fleur s’incline devant toi,
Chaque fleur s’incline devant toi,
C’est toi qui les fais croître,
C’est toi qui les fais faner,
C’est toi qui les fais renaître plus belles encore.
JUDITH (se penchant soudain, effrayée)
Le pied de tes roses blanches est ensanglanté,
La terre de tes fleurs est ensanglantée !
BARBE-BLEUE
Tes yeux ouvriront les corolles,
Et pour toi elles tinteront le matin.
(Judith s’arrête et se tourne vers la Barbe-Bleue.)
JUDITH
Qui a arrosé la terre de ton jardin ?
BARBE-BLEUE
Judith, aime-moi, ne pose aucune question.
Vois comme le château s’illumine déjà.
Ouvre la cinquième porte !
JUDITH (Judith se précipite à la cinquième porte et l’ouvre
brusquement. La cinquième porte s’ouvre en grand.
41
BÉLA BARTÓK
messzi távlat, és tündöklò özönben ömlik be a fény.
Elvakulva a szeme elé tartja a kezét.)
Ah!
KÉKSZAKÁLLÚ
Lásd ez az én birodalmam,
Messze nézò szép könyöklõm.
Ugye, hogy szép nagy, nagy ország?
JUDIT (mereven néz ki, szórakozottan)
Szép és nagy a te országod.
KÉKSZAKÁLLÚ
Selyemrétek, bársonyerdòk,
Hosszú ezüst folyók folynak,
És kék hegyek nagy messze.
JUDIT
Szép és nagy a te országod.
42
KÉKSZAKÁLLÚ
Most már Judit mind a tied.
Itt lakik a hajnal, alkony,
Itt lakik nap, hold és csillag,
S leszen neked játszótársad.
JUDIT
Véres árnyat vet a felhò!
Milyen felhòk szállnak ottan?
KÉKSZAKÁLLÚ
Nézd, tündököl az én váram,
Áldott kezed ezt mùvelte,
Áldott a te kezed, áldott.
(Kitárja a karját.)
Gyere, gyere tedd szívemre.
(Judit nem mozdul.)
JUDIT
De két ajtó csukva van még.
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
On découvre un haut balcon et un vaste panorama.
Un flot de lumière éclatante se déverse à l’intérieur
du château. Éblouie, Judith se cache les yeux de la main.)
Ah !
BARBE-BLEUE
Vois, c’est mon domaine,
Ma belle balustrade d’où l’on voit au loin.
C’est un bel et vaste, vaste pays, n’est-ce pas ?
JUDITH (regardant au dehors fixement, avec distraction)
Il est beau et vaste, ton pays.
BARBE-BLEUE
Des prés soyeux, des forêts veloutées,
De longues rivières d’argent qui coulent,
Et des montagnes bleues tout au loin.
JUDITH
Il est bel et vaste, ton pays.
43
BARBE-BLEUE
A présent, Judith, tout cela est tien.
C’est là que vivent l’aube et le crépuscule,
C’est là que vivent le soleil, la lune et les étoiles,
Qui seront tes compagnons de jeux.
JUDITH
Le nuage projette une ombre sanglante !
Quels sont ces nuages qui passent là-bas ?
BARBE-BLEUE
Vois, mon château resplendit,
C’est l’œuvre de ta main bénie,
Bénie est ta main, bénie.
(Il ouvre les bras.)
Viens, viens, pose-la sur mon cœur.
(Judith ne bouge pas.)
JUDITH
Deux portes sont closes encore.
BÉLA BARTÓK
KÉKSZAKÁLLÚ
Legyen csukva a két ajtó.
Téljen dallal az én váram.
Gyere, gyere, csókra várlak!
JUDIT
Nyissad ki még a két ajtót.
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit, Judit, csókra várlak.
Gyere, várlak. Judit várlak!
JUDIT
Nyissad ki még a két ajtót.
(A kékszakállú karja lelankad.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Azt akartad, felderüljön;
Nézd, tündököl már a váram.
44
JUDIT
Nem akarom, hogy elòttem
Csukott ajtóid legyenek!
KÉKSZAKÁLLÚ
Vigyázz, vigyázz a váramra,
Vigyázz, nem lesz fényesebb már!
JUDIT
Életemet, halálomat, Kékszakállú!
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit, Judit!
JUDIT
Nyissad ki még a két ajtót,
Kékszakállú, Kékszakállú!
KÉKSZAKÁLLÚ
Mért akarod, mért akarod?
Judit! Judit!
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
BARBE-BLEUE
Que ces deux portes restent closes.
Que mon château s’emplisse de chants.
Viens, viens, je t’attends pour un baiser !
JUDITH
Ouvre encore ces deux portes.
BARBE-BLEUE
Judith, Judith, je t’attends pour un baiser !
Viens, je t’attends, Judith, je t’attends !
JUDITH
Ouvre encore ces deux portes.
(Les bras de la Barbe-Bleue retombent.)
BARBE-BLEUE
Tu as voulu qu’entre la lumière ;
Vois comme mon château resplendit déjà.
JUDITH
Je ne veux pas que, devant moi,
Des portes restent closes !
BARBE-BLEUE
Prends garde, prends garde à mon château !
Prends garde, il ne s’éclairera pas davantage !
JUDITH
Sur ma vie, sur ma mort, Barbe-Bleue !
BARBE-BLEUE
Judith, Judith !
JUDITH
Ouvre encore ces deux portes.
Barbe-Bleue, Barbe-Bleue !
BARBE-BLEUE
Pourquoi veux-tu, pourquoi veux-tu ?
Judith ! Judith !
45
BÉLA BARTÓK
JUDIT
Nyissad, nyissad!
KÉKSZAKÁLLÚ
Adok neked még egy kulcsot.
(Judit némán követelòen nyújtja érte a kezét. A kékszakállú
átadja a kulcsot. Judit a hatodik ajtóhoz megy.
Mikor a kulcs elsòt fordul, zokogó mély sóhajtás búg fel.
Judit meghátrál.)
Judit, Judit ne nyissad ki!
(Judit hirtelen mozdulattal az ajtóhoz lép és kinyitja.
A csarnokon mintha árny futna keresztùl:
valamivel sötétebb lesz.)
JUDIT
Csendes fehér tavat látok,
Mozdulatlan fehér tavat.
Milyen víz ez Kékszakállú?
46
KÉKSZAKÁLLÚ
Könnyek, Judit, könnyek, könnyek.
JUDIT (megborzongva)
Milyen néma, mozdulatlan.
KÉKSZAKÁLLÚ
Könnyek, Judit, könnyek, könnyek.
JUDIT (lehajol és fùrkészve nézi a tavat)
Sima feher, tiszta fehér.
KÉKSZAKÁLLÚ
Könnyek, Judit, könnyek, könnyek.
(Judit lassan megfordul és némán szembenéz
a kékszakállúval. Kékszakállú lassan kitárja karját.)
Gyere, Judit, gyere Judit,
Csókra várlak.
(Judit nem mozdul.)
Gyere várlak, Judit várlak.
(Judit nem mozdul.)
Az utolsót nem nyitom ki.
Nem nyitom ki.
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
JUDITH
Ouvre, ouvre !
BARBE-BLEUE
Je te donne encore une clef.
(Judith lui tend la main sans rien dire. La Barbe-Bleue lui
tend la clef. Judith va à la sixième porte. Au premier tour
de clef, un profond gémissement s’élève. Judith recule.)
Judith, Judith, n’ouvre pas !
(Judith se précipite à la cinquième porte et l’ouvre.
On dirait qu’une ombre traverse le hall :
il s’obscurcit légèrement.)
JUDITH
Je vois un lac paisible et blanc,
Un lac blanc et inerte.
Quelle est cette eau, Barbe-Bleue ?
BARBE-BLEUE
Des larmes, Judith, des larmes, des larmes.
47
JUDITH (saisie de frissons)
Comme elles sont muettes, inertes.
BARBE-BLEUE
Des larmes, Judith, des larmes, des larmes.
JUDITH (se penche et scrute le lac)
D’un blanc lisse, d’un blanc pur.
BARBE-BLEUE
Des larmes, Judith, des larmes, des larmes.
(Judith se retourne et affronte en silence le regard
de la Barbe-Bleue. Barbe-Bleue ouvre lentement les bras.)
Viens, Judith, viens, Judith,
Je t’attends pour un baiser !
(Judith reste immobile.)
Viens, Judith, je t’attends, Judith,
(Judith reste immobile.)
Je n’ouvrirai pas la dernière.
Je ne l’ouvrirai pas.
BÉLA BARTÓK
(Judit lehajtott fejjel, lassan a kékszakállúhoz megy.
Kérve, szinte szomoruán hozzásimul.)
JUDIT
Kékszakállú... Szeress engem.
(A kékszakállú magához öleli; hosszú csók.
A kékszakállú vállán a feje.)
Nagyon szeretsz, Kékszakállú?
KÉKSZAKÁLLÚ
Te vagy váram fényessége,
Csókolj, csókolj, sohse kérdezz.
(Hosszan csókolja.)
JUDIT (a kékszakállú vállán a feje)
Mondd meg nekem Kékszakállú,
Kit szerettél én elöttem?
48
KÉKSZAKÁLLÚ
Te vagy váram fényessége,
Csókolj, csókolj, sohse kérdezz.
JUDIT
Mondd meg nekem, hogy szeretted?
Szebb volt mint én?
Más volt mint én?
Mondd el nekem Kékszakállú.
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit szeress, sohse kérdezz.
JUDIT
Mondd el nekem Kékszakállú.
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit szeress, sohse kérdezz.
JUDIT (kibontakozik az ölelésbòl)
Nyisd ki a hetedik ajtót!
(A kékszakállú nem felel.)
Tudom, tudom, Kékszakállú.
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
(Judith s’avance lentement vers la Barbe-Bleue, la tête
baissée. Elle se blottit contre lui, suppliante, presque triste.)
JUDITH
Barbe-Bleue... Aime-moi.
(La Barbe-Bleue l’enlace ; long baiser.
Elle pose la tête sur l’épaule de la Barbe-Bleue.)
M’aimes-tu fort, Barbe-Bleue ?
BARBE-BLEUE
Tu es l’éclat de mon château,
Embrasse-moi, embrasse-moi, ne pose aucune question.
(Il l’embrasse longuement.)
JUDITH (la tête sur l’épaule de la Barbe-Bleue)
Dis-moi, Barbe-Bleue,
Qui as-tu aimé avant moi ?
BARBE-BLEUE
Tu es l’éclat de mon château,
Embrasse-moi, embrasse-moi, ne pose aucune question.
JUDITH
Dis-moi comment tu l’as aimée ?
Était-elle plus belle que moi ?
Était-elle différente de moi ?
Dis-moi, Barbe-Bleue.
BARBE-BLEUE
Judith, aime-moi, ne pose aucune question.
JUDITH
Dis-moi, Barbe-Bleue.
BARBE-BLEUE
Judith, aime-moi, ne pose aucune question.
JUDITH (s’arrachant à l’étreinte)
Ouvre la septième porte !
(La Barbe-Bleue ne répond pas.)
Je sais, je sais, Barbe-Bleue.
49
BÉLA BARTÓK
Mit rejt a hetedik ajtó.
Vér szárad a fegyvereken,
Legszebbik koronád véres,
Virágaid földje véres,
Véres árnyat vet felhò!
Tudom, tudom, Kékszakállú,
Fehér könnytó kinek könnye.
Ott van mind a régi asszony
Legyilkolva, vérbefagyva.
Jaj, igaz hír, suttogó hír.
KÉKSZAKÁLLÚ
Judit!
JUDIT
Igaz, igaz!
Most én tudni akarom már.
Nyisd ki a hetedik ajtót!
50
KÉKSZAKÁLLÚ
Fogjad... Fogjad... Itt a hetedik kulcs.
Ott van mind a régi asszony.
(Judit mereven nézi, nem nyúl érte.)
Nyisd ki, Judit. Lássad òket.
(Judit még egy ideig mozdulatlan. Aztán lassan,
bizonytalan kézzel átveszi a kulcsot és lassan, ingó lépéssel
a hetedik ajtóhoz megy és kinyitja. Mikor a kulcs csattan,
halk sóhajtással becsukódik a hatodik és az ötödik ajtó.
Jóval sötétebb lesz. Csak a négy szemközti ajtónyílás
világítja színes sugaraival a csarnokot. És akkor kinyílik
a hetedik ajtó és holdezüst fény vet
òdik be rajta hosszú
sugárban, megvilágítva Judit arcát és a kékszakállúét.)
Lásd a régi asszonyokat.
Lásd akiket én szerettem.
JUDIT (megdöbbenve hátrál)
Élnek, élnek, itten élnek!
(A hetedik ajtóból elòjönnek a régi asszonyok.
Hárman koronásan, kinccsel rakottan, glóriásan.
Sápadt arccal, büszke járással jönnek egymás mögött
és megállnak szemben a kékszakállúval,
aki térdre ereszkedik.)
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
Ce que cache la septième porte.
Du sang sèche sur tes armes,
La plus belle de tes couronnes est en sang,
Le pied de tes fleurs est en sang,
Le nuage jette une ombre de sang !
Je sais, je sais, Barbe-Bleue
A qui sont les larmes du blanc lac de larmes.
Là se trouvent toutes les anciennes épouses
Assassinées, baignant dans leur sang.
Hélas ! elle est vraie la rumeur, la rumeur que l’on chuchote.
BARBE-BLEUE
Judith !
JUDITH
Vraie, vraie !
A présent je veux savoir par moi-même.
Ouvre la septième porte !
BARBE-BLEUE
Tiens... tiens... Voici la septième clef.
Là se trouvent toutes les anciennes épouses.
(Judith le regarde fixement, sans tendre la main.)
Ouvre, Judith. Regarde-les.
(Judith reste un instant sans bouger. Puis elle prend la clef
lentement, d’une main peu assurée, se dirige d’un pas lent
et incertain vers la septième porte et l’ouvre. Au bruit sec
de la clef, les cinquième et sixième portes se referment dans
un gémissement étouffé. Le hall s’obscurcit sensiblement.
Seules les quatre ouvertures de portes qui font face
continuent de l’éclairer, de leurs rayons multicolores.
La septième porte s’ouvre alors, et une lumière argentée
de lune projette un long rayon qui illumine le visage de
Judith et celui de la Barbe-Bleue.)
Vois les anciennes épouses.
Vois celles que j’ai aimées.
JUDITH (reculant, interdite)
Elles vivent, elles vivent, elles vivent ici !
(Les anciennes épouses s’avancent par la septième porte,
toutes trois portant couronne, parées de bijoux, auréolées
de gloire. Le visage pâle, le pas fier, elles marchent l’une
derrière l’autre et s’arrêtent face à la Barbe-Bleue,
qui tombe à genoux.)
51
BÉLA BARTÓK
KÉKSZAKÁLLÚ (kitárt karokkal, mintha álmodna)
Szépek, szépek, százszor szépek.
Mindig voltak, mindig éltek.
Sok kincsemet òk gyùjtötték,
Virágaim òk öntözték,
Birodalmam növesztették,
Övék minden, minden, minden.
JUDIT (a régi asszonyok mellett áll negyediknek,
meggörnyedve, félve)
Milyen szépek,
Milyen dúsak,
Én, jaj, koldus, kopott vagyok.
52
KÉKSZAKÁLLÚ (feláll; suttogó hangon)
Hajnalban az elsòt leltem,
Piros szagos szép hajnalban.
Övé most már minden hajnal,
Övé piros, hùs palástja,
Övé ezüst koronája,
Övé most már minden hajnal.
JUDIT
Jaj, szebb nálam,
Dúsabb nálam.
(Az elsò asszony lassan visszamegy.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Másodikat délben leltem,
Néma égò arany délben.
Minden dél az övé most már,
Övé nehéz tùzpalástja,
Övé arany koronája,
Minden dél az övé most már.
JUDIT
Jaj, szebb nálam,
Dúsabb nálam.
(A második asszony visszamegy.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Harmadikat este leltem,
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
BARBE-BLEUE (leur tendant les bras, comme hypnotisé)
Elles sont belles, belles, cent fois belles.
Elles ont toujours existé, toujours vécu.
Ce sont elles qui ont amassé tous mes trésors,
Elles qui ont arrosé mes fleurs,
Elles qui ont fait grandir mon domaine.
Tout leur appartient, tout, tout.
JUDITH (courbée, apeurée, se place au côté des anciennes
épouses, en tant que quatrième)
Comme elles sont belles,
Comme elles sont richement parées,
Et moi, hélas ! je suis en guenilles et défraîchie.
BARBE-BLEUE (se lève et murmure)
Je trouvai la première à l’aurore,
Dans le beau rougeoiement de l’aurore parfumée.
Chaque aurore est sienne désormais,
Sien est son manteau rougeoyant et frais,
Sienne sa couronne d’argent,
Chaque aurore est sienne désormais.
JUDITH
Hélas ! elle est plus belle que moi,
Plus richement parée que moi.
(La première épouse se retire lentement.)
BARBE-BLEUE
La deuxième, je la trouvai à midi,
Dans l’or silencieux et brûlant du midi.
Chaque midi est sien désormais,
Sien est son lourd manteau de feu,
Sienne sa couronne d’or,
Chaque midi est sien désormais.
JUDITH
Hélas ! elle est plus belle que moi,
Plus richement parée que moi.
(La deuxième épouse se retire.)
BARBE-BLEUE
La troisième, je la trouvai le soir,
53
BÉLA BARTÓK
Békés bágyadt barna este.
Övé most már minden este,
Övé barna búpalástja,
Övé most már minden este.
JUDIT
Jaj, szebb nálam,
Dúsabb nálam.
(Az harmadik asszony visszamegy. A kékszakállú
megáll Judit elòtt. Hosszan szembenéznek.
A negyedik ajtó becsukódik.)
KÉKSZAKÁLLÚ
Negyediket éjjel leltem.
JUDIT
Kékszakállú, megállj, megállj!
KÉKSZAKÁLLÚ
Csillagos, fekete éjjel.
54
JUDIT
Hallgass, hallgass,
Itt vagyok még!
KÉKSZAKÁLLÚ
Fehér arcod süttött fénnyel
Barna hajad felhòt hajtott,
Tied lesz már minden éjjel.
(A harmadik ajtóhoz megy és a koronát, palástot, ékszert,
amit Judit a küszöbre rakott, elhozza. A harmadik
ajtó becsukódik. Judit vállára teszi a palástot.)
Tied csillagos palástja...
JUDIT
Kékszakállú nem kell, nem kell!
(Judit fejére teszi a koronát.)
KÉKSZAKÁLLÚ
... Tied gyémánt koronája.
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
Dans la paix brune et alanguie du soir.
Chaque soir est sien désormais.
Sien son manteau brun de chagrin,
Chaque soir est sien désormais.
JUDITH
Hélas ! elle est plus belle que moi,
Plus richement parée que moi.
(La troisième épouse se retire. La Barbe-Bleue s’arrête
devant Judith. Ils se fixent longuement du regard.
La quatrième porte se referme.)
BARBE-BLEUE
La quatrième, je la trouvai la nuit.
JUDITH
Barbe-Bleue, arrête, arrête !
BARBE-BLEUE
Dans la nuit noire et étoilée.
55
JUDITH
Tais-toi, tais-toi,
Je suis encore là !
BARBE-BLEUE
La blancheur de ton visage me brûlait de lumière,
Ta brune chevelure chassait les nuages,
Tienne sera chaque nuit à présent.
(Il se dirige vers la troisième porte et en rapporte
la couronne, le manteau, les bijoux que Judith avait mis
de côté sur le seuil. La troisième porte se referme.
Il met le manteau sur les épaules de Judith.)
Tien est son manteau semé d’étoiles...
JUDITH
Barbe-Bleue non, non !
(Il pose la couronne sur la tête de Judith.)
BARBE-BLEUE
... Tienne est sa couronne de diamants.
BÉLA BARTÓK
JUDIT
Jaj, jaj Kékszakállú, vedd le.
KÉKSZAKÁLLÚ
... Tied a legdrágább kincsem.
JUDIT
Jaj, jaj Kékszakállú, vedd le.
KÉKSZAKÁLLÚ
Szép vagy, szép vagy,
Százszor szép vagy,
Te voltál a legszebb asszony,
A legszebb asszony!
(Hosszan szembenéznek. Judit lassan meggörnyed a palást
súlya alatt és gyémántkoronás fejét lehorgasztva, az ezùst
fénysáv menténbemegy a többi asszony után a hetedik
ajtón. Az is becsukódik.)
56
És mindég is éjjel lesz már...
Éjjel... éjjel...
(Teljes sötetség, melyben a kékszakállú eltunik.)
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
JUDITH
Hélas, hélas ! Barbe-Bleue, retire-la.
BARBE-BLEUE
... Tien est mon trésor le plus précieux.
JUDITH
Hélas, hélas ! Barbe-Bleue, retire-le.
BARBE-BLEUE
Tu es belle, tu es belle,
Tu es cent fois belle !
Tu étais la plus belle femme,
La plus belle femme !
(Ils se fixent longuement du regard. Judith ploie lentement
sous le poids du manteau. Inclinant sa tête couronnée
de diamants, elle longe, à la suite des autres femmes,
le faisceau de lumière argentée et franchit la septième porte.
Celle-ci se referme à son tour.)
Et maintenant, la nuit régnera pour toujours...
La nuit... la nuit...
(Obscurité totale, dans laquelle la Barbe-Bleue disparaît.)
Traduction de Claire Delamarche, 2007
57
CAHIER de LECTURES
Béla Bartók
Correspondance
Zoltán Kodály
Le Château de Barbe-Bleue
—
Claire Delamarche
Béla Balász
Barbe-Bleue en son château
Béla Balász
Béla Bartók
BÉLA BARTÓK
CORRESPONDANCE
Lettre à sa mère, Paula Bartók, à Pozsony (Bratislava)
Paris, 18, rue etc., 10 septembre 1905
Chère Maman
[...] Si Elza1 me ressemblait davantage, je me ficherais
bien de la « solitude » et cela ne t’éviterait du chagrin. En
dépit du fait que je partage mes repas de midi avec vingt
Cubains – Américains du Sud et du Nord – Hollandais –
Espagnols – Anglais, et bien que je fasse des excursions avec
des Allemands et des Turcs, je suis solitaire ! C’est en vain
que Dietl2 et Mandl3 s’occupent de moi à Vienne, en vain que
Thomán4 et Mme Gruber5 sont mes amis à Budapest, je prends
1. Sœur de Bartók, de quatre ans sa cadette.
2. Lajos Dietl (1873-1945), pianiste et pédagogue, professeur de piano au
Conservatoire de Vienne, fondateur de la section conservatoire du Mozarteum
de Salzbourg en 1908 et membre du jury du prix Rubinstein, auquel Bartók
concourut sans succès lors de ce séjour parisien en 1905.
3. Richard Mandl (1859-1918), compositeur autrichien ; une lettre de
Bartók à sa mère, datée du 8 août 1905, indique qu’il cherchait des élèves
au jeune musicien.
4. István Thomán (1862-1940), professeur de piano de Bartók à l’Académie
de musique de Budapest de 1899 à 1903.
5. Emma Gruber, née Emma Sándor (Schlesinger), élève de Bartók, puis de
Kodály, future épouse de Kodály (1910).
61
BÉLA BARTÓK
conscience d’un seul coup que je suis tout à fait seul. Et je
prophétise, je sais par avance que cette solitude morale sera
mon lot. Je cherche, je traque la personne qui puisse idéalement m’accompagner, mais je sais bien que c’est en pure
perte. Et si par hasard j’avais l’impression d’avoir trouvé
quelqu’un, la désillusion ne tarderait pas.
Bien que la résignation tranquille soit aux antipodes de
cette quête, je suis en passe de m’habituer tout à fait à
l’idée que cela ne peut être autrement, que cela doit être
ainsi ! Et, pour consolation, je conseille à tout le monde
ceci : s’élever à une hauteur d’âme détachée et, de là, examiner la situation avec une indifférence totale, un calme
impassible. Bien sûr, il est difficile, extrêmement difficile
même de parvenir à cette attitude ; mais y réussir est la
plus grande victoire de l’homme : au-dessus des autres, audessus de soi-même, au-dessus de tout. Pour ma part, il
arrive quelquefois que je me sente presque au sommet, puis
je fais une chute vertigineuse, je lutte alors de nouveau,
j’aspire à prendre de la hauteur ; et cela se répète sans fin.
Un jour ou l’autre, je réussirai bien à rester tout en haut.
Lettre à sa première épouse, née Márta Ziegler
19156
Encore quelque chose que je n’ai pas réussi à t’écrire
samedi : je suis tellement écœuré par ces mois passés à triturer du papier que, pour l’instant, je ne peux même plus
regarder une feuille de papier, un livre ou un phonographe !
C’est arrivé brutalement, mais ces derniers temps, au plus
profond d’une activité extrêmement intense, a couvé ce sentiment que tout cela ne servait à rien. Et alors la force et la
persévérance m’ont manqué. Et maintenant je gis comme un
poisson rejeté sur la grève, et je ne sais pas de quelle manière m’en sortir. A vrai dire, les collectes sur le terrain
étaient déjà un succédané de quelque chose à quoi il m’était
impossible de prendre part : une vie musicale intense.
Depuis la guerre, le brassage de papier est devenu le succé6. Lettre sans date, située par Béla Bartók junior dans les premiers mois de
l’année 1915.
62
CORRESPONDANCE
dané des collectes sur le terrain. Je ne pourrai pas continuer
longtemps comme cela. Finalement, de quoi ai-je envie ?
Uniquement de l’impossible ! J’ai envie d’aller faire des collectes auprès de mes chers Valaques ; j’ai envie de voyager,
mais loin ; j’ai envie d’entendre de la musique magnifique,
mais pas à Budapest ; j’ai envie d’assister à des représentations de Barbe-Bleue ! Maintenant, je sais que je ne l’entendrai pas de mon vivant. – Je t’ai demandé de te le jouer [---]
j’ai peur de ne pas supporter de le jouer jusqu’au bout. C’est
pourquoi, justement, j’essaierai une fois encore : au moins
nous pourrons pleurer ensemble.
Depuis Barbe-Bleue, mon succédané no 1 m’a donné du
courage, c’est de là que vient cette détermination farouche
avec laquelle je me suis jeté dans le travail. Et puis le ciel
s’est assombri, et ce n’est pas pour un ou deux ans, mais pour
cinq ou dix, que sais-je, voire pour toujours. Plus cette situation dure et plus mon espoir faiblit. Les hordes sauvages
écrabouillent les contrées où je pourrais faire mes collectes,
la haine réciproque grandit, les destructions matérielles augmentent de jour en jour, la possibilité d’une quelconque édition ne fait que s’éloigner. Nous sommes enfermés dans une
prison, au sens strict du terme ! Jamais je n’aurais pu prévoir
que moi – homme en perpétuel mouvement – je mériterais un
tel sort, que je passerais les plus belles années de ma vie
emprisonné dans l’endroit le plus horrible au monde. Et
qu’irait dire quiconque lirait cette lettre ? Il prononcerait
cette phrase hautement originale, hautement spirituelle et
qu’on n’entend jamais : « Allez donc dans les tranchées ! » Il
va de soi que mon discours ne s’adresse pas à ces gens-là.
Le verre rempli jusqu’à ras bord continue de paraître
normal ; mais la broutille la plus infime, qui n’a parfois rien
à voir avec lui, peut le faire se renverser. Voilà ce qui m’est
arrivé.
A présent, il faut que j’essaie de faire une longue pause.
Peut-être réussirai-je même à écrire quelque chose. Et peutêtre, au bout d’un mois ou deux, pourrai-je m’atteler à
quelque tâche dont mes chers semblables n’empêcheront pas
l’achèvement par les armes et par la haine !
63
BÉLA BARTÓK
Lettre à Ernst Latzko, à Weimar
Budapest, 4, place Szilágyi, 16 décembre 1924
Très honoré Maître de chapelle,
J’apprends avec un plaisir que mon Barbe-Bleue va être
représenté à Weimar ; Univ[ersal] Ed[ition] ne m’avais parlé
que du Prince de bois.
Je vous suggérerais de ne pas faire jouer les parties de
saxophones par deux clarinettes, mais par un cor ang[lais] et
une clar[inette] basse. Jusqu’ici, j’ai fait partout l’expérience
que, dans Barbe-Bleue, les chanteurs veulent interpréter les
passages parlando (la majeure partie des parties chantées se
compose de tels passages parlando) dans un rythme fixe
(tempo giusto). C’est pourquoi j’attire votre attention sur le
fait qu’une telle conception serait complètement erronée, une
sorte de chant parlé doit régner sans exception.
J’ai fait à Francfort des expériences bien amères : l’orchestre se rebiffait, le chanteur qui incarnait Barbe-Bleue
était si incertain qu’il a improvisé des mesures entières ; la
chorégraphie du Prince a été préparée par une danseuse qui
ne savait pas lire la musique, etc. J’aimerais que vous me fassiez savoir si les conditions sont meilleures à Weimar de ce
point de vue. Pour ce qui est de l’exécution, je vous prierai :
1) de ne pas faire ressortir exagérément le caractère folklorique de ma musique :
2) d’insister sur le fait que, dans ces œuvres scéniques
comme dans toute autre de mes œuvres originales, je n’utilise
jamais de mélodies populaires ;
3) que ma musique est rigoureusement tonale et
4) qu’elle n’a rien de commun avec la manière
« objective » et « impersonnelle » (c’est-à-dire qu’en vérité
elle n’est pas « moderne » !).
Dans l’attente de nouvelles informations de votre part, je
vous prie d’agréer mes salutations distinguées,
Bien à vous,
Béla Bartók
64
CORRESPONDANCE
Lettre à Ernst Latzko, à Weimar
Budapest, 4, place Szilágyi, 15 mai 1925
Très honoré Maître de chapelle,
Ce que vous m’avez raconté de la représentation m’a
beaucoup réjoui. A savoir que vous, comme le public, placez
plus haut Barbe-Bleue que Le Prince de bois. Pour parler
franchement, je n’ai pas une grande affection pour cette dernière œuvre ; que ce soit par la musique ou par le texte, je
considère que Barbe-Bleue est incomparablement meilleur.
Bien sûr, je suis persuadé qu’en dépit de tout cela BarbeBleue ne peut prétendre à un succès durable auprès du
public.
Entre-temps, j’ai lu dans Die Oper von heute7quelques
critiques de la représentation qui sont vraiment favorables.
Je vous remercie une fois encore de tout le mal que vous
vous êtes donné et vous adresse mes salutations cordiales,
Bien à vous,
Béla Bartók
7. L’Opéra d’aujourd’hui.
BÉLA BARTÓK
SUR LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
J’ai composé mon mystère Le Château de Barbe-Bleue de
mars à septembre 1911. C’est ma première œuvre scénique
et, en même temps, ma première œuvre vocale. Les circonstances de l’époque n’ont pas permis que je fasse représenter
mon ouvrage, si bien que j’ai dû attendre la création scénique
du Prince de boispour pouvoir le présenter au comte Miklós
Bánffy et au chef d’orchestre [Egisto] Tango. Je leur voue une
grande reconnaissance car ils n’ont pas ménagé leur peine
pour obtenir cette production de toute première qualité. Olga
Haselbeck et Oszkár Kálmán chantent leurs rôles respectifs
avec une telle perfection que l’exécution arrive tout à fait à la
hauteur de ce que je m’imaginais.
Première édition : “A Kékszakállú herceg vára. Az Operaház újdonsága.
I. Szerzòk a darabjukról” [“Le Château de Barbe-Bleue. Nouvelles de l’Opéra.
I. Les compositeurs parlent de leurs œuvres”].
In revue Magyar Színpad [La Scène hongroise], XXI, 143 (24 mai 1918)
Traduction : Claire Delamarche
66
ZOLTÁN KODÁLY
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
Bartók voulut affranchir la langue et rendre plus musicale
l’inflexion naturelle de la voix ; il imprima ainsi au style réci tatif hongrois un essor considérable. Pour la première fois,
sur la scène de l’opéra hongrois, le chant s’exprime d’un bout
à l’autre dans un langage hongrois homogène et pur.
Une telle mise en musique, où chaque mot et chaque
phrase ont leur place nettement déterminée, dévoile les plus
petites inégalités du texte. Le fait que de telles imperfections
existent dans le texte de Balázs aurait pu susciter de
sérieuses objections : cependant, les critiques les plus
sévères n’y font aucune allusion. La condamnation presque
unanime du livret – condamnation non motivée, il est vrai –
donne l’impression que le public hongrois est très exigeant
en ce qui concerne les textes d’opéras. Cependant, nos écrivains ne voient pas dans le livret un genre sérieux. Ils
oublient qu’aux époques florissantes de l’opéra, les textes ont
toujours été écrits par des auteurs avertis, et s’étonnent
quand, aujourd’hui, tel livret est l’œuvre d’un véritable écrivain, voire d’un véritable dramaturge. C’est le mérite particulier de Béla Balázs de n’avoir pas hésité à sacrifier pour
l’opéra l’une de ses idées les plus belles et les plus
poétiques : il a contribué ainsi à la création d’une œuvre
admirable. Certes, ce récit « sans événements » ne contient
aucun des poncifs habituels de l’opéra, mais la manière dont
il développe les thèmes de la vieille légende, sa façon de présenter le problème à tout jamais insoluble des rapports entre
homme et femme, saisissent et fascinent l’auditoire du pre-
67
ZOLTÁN KODÁLY
mier au dernier mot. Sa méthode, qui consiste à composer
une ébauche et à confier à la musique le soin d’en préciser
les contours, de la rendre plus vivante, permet au texte de se
fondre avec la musique. Sans être contraints à nier leur existence propre, le drame et la musique s’affirment néanmoins
dans une union plus parfaite. Cette union, loin d’être troublée
par la structure symphonique de la musique, en est au
contraire resserrée : la courbe dramatique et la courbe musicale se développent en parallèles et se renforcent mutuellement, tel un double arc-en-ciel grandiose.
La puissance constructive de la musique de Bartók apparaît mieux encore après l’audition du Prince de bois. Ce ballet
équilibre l’adagio désespéré de l’opéra grâce au contraste de
son allegro enjoué et plein de verve. Ces deux morceaux
s’épousent comme deux mouvements d’une vaste symphonie.
Et que ceux qui considèrent l’atonalité comme un élément
essentiel de la musique de Bartók constatent enfin que les
deux œuvres ont chacune leur tonalité fondamentale, tout
comme un opéra de Mozart.
La représentation du Château de Barbe-Bleue a été l’une
des plus belles de l’année. Le chef d’orchestre Tango avait
déjà démontré l’année dernière que, pour comprendre la nouvelle musique hongroise, il n’est pas indispensable d’avoir
vingt ans et d’être hongrois. Le talent, la capacité d’adaptation et la véritable maîtrise technique donnent la clé de tout
art nouveau. Pour la première fois peut-être, l’année dernière,
lors de la représentation du ballet, un artiste honnête nous a
présenté une œuvre honnête, sans montrer l’habituelle
condescendance des chefs d’orchestre. Ce fut aussi la première fois peut-être que la musique de Bartók a été jouée
selon la conception de l’auteur. Aujourd’hui, ce « miracle »
s’est reproduit ; très certainement, à chaque nouvelle occasion, de plus en plus nombreux seront ceux qui découvriront
que cette musique n’est pas du tout incompréhensible.
Extrait de « Un opéra de Béla Bartók »,
in Bence Szabolcsi : Bartók, sa vie et son œuvre.Ed. Boosey & Hawkes, 1968
Titre original : “Bartók Béla elsò opérája – A kékszakállú herceg vára
bemutató eladása alkalmából” [“Le Premier Opéra de Béla Bartók –
à l’occasion de la création du Château de Barbe-Bleue”]
Première publication : revue Nyugat [Occident], 1918
CLAIRE DELAMARCHE
BÉLA BALÁZS
Assurément, le besoin de connaître les faits est le souhait d’une conscience
politique libre, à savoir s’orienter par soi-même. Mais la même objectivité
devient une idéologie réactionnaire, elle élimine l’homme et son expérience vécue.
..
Le seul reportage des choses « tangibles » est insuffisant pour les organiser.
Car il faudra parfois la sensibilité et la force des images du poète pour recréer
l’atmosphère insaisissable de la réalité. La création poétique est un organe
naturel de l’humanité pour percevoir ce qui n’est pas directement palpable
et qui n’en a pas moins une existence réelle.
BÉLA BALÁZS. L’Esprit du cinéma, 1930
Béla Balázs, de son vrai nom Herbert Bauer, naquit à
Szeged, dans le sud de la Hongrie, le 4 août 1884. Poète,
écrivain, théoricien du cinéma, cinéaste, il fut une figure
majeure de la culture hongroise de la première moitié du XXe
siècle, aux côtés d’amis comme le poète Endre Ady, le philosophe György Lukács, les musiciens Béla Bartók et Zoltán
Kodály (avec qui il partagea sa chambre d’étudiant au collège
Eötvös, l’équivalent hongrois de l’École normale supérieure).
Dès 1908, Balázs étudie le rôle de la conscience dans
l’art dans son essai Halálesztétika [L’Esthétique de la mort].
Mais la pratique de la littérature l’intéresse autant que la
théorie : il publie des recueils de poésies et des pièces de
théâtre, et écrit pour Bartók le livret du Château de BarbeBleue (1910) et l’argument du ballet Le Prince de bois
(1917).
69
CLAIRE DELAMARCHE
Proche des communistes qui gouvernent dans l’éphémère
République des Conseils, en 1919, Balázs est contraint à
l’exil au retour de la royauté. Il s’installe à Vienne, comme de
nombreux autres intellectuels hongrois tels Lukács, les réalisateurs Sándor Korda (Sir Alexander Korda) et Mihály
Kertész (Michael Curtiz), l’acteur Béla Lugosi ou le peintre
Lajos Kassák. Une vie culturelle hongroise se recrée dans la
capitale autrichienne, autour du Bécsi Magyar Újság [Journal
hongrois de Vienne]. Il commence alors à écrire des chroniques sur le septième art dans le journal Der Tag [Le Jour].
En 1924, il publie le premier livre d’esthétique de l’histoire
du cinéma, Der Sichtbare Mensch [L’Homme visible]. Ce
recueil d’articles fait grand bruit, traduit en onze langues*.
C’est dans cet ouvrage que Balázs, par une formule devenue
célèbre, définit l’expressionnisme dans les arts de représentation comme la volonté de souligner et de rendre visible « la
physionomie latente des choses ». Selon lui, le cinéma est
l’art appelé, entre tous, à révéler la nature profonde et mystérieuse des choses, de révéler leur « physionomie expressive »
au-delà de leur physionomie apparente.
Le succès de ce livre vaut à Balázs une invitation à
Berlin, où il réside de 1926 à 1931. Dès son arrivée, il rédige
le scénario de Die Abenteuer eines Zehmarkscheines[Les
Aventures d’un billet de dix marks, 1926], œuvre pionnière de
la Neue Sachlichkeit [Nouvelle Objectivité]. Il participe également, aux côtés d’Erwin Piscator et de Max Reinhardt, au
théâtre d’agit-prop, et écrit des scénarios, notamment pour
Georg Wilhelm Pabst (L’Opéra de quat’sous) et Leni
Riefenstahl (Lumière bleue). En 1930, il publie une esthétique du cinéma parlant, sous le titre Der Geist des Films
[L’Esprit du film, 1925]**.
A l’arrivée des nazis au pouvoir, Balázs (qui prend en
1931 sa carte du Parti communiste allemand) quitte Berlin
pour l’Union soviétique. Pendant douze ans, de 1933 à 1945,
il enseignera l’esthétique du cinéma à l’Institut d’État du
Film, à Moscou. Ces années seront particulièrement pénibles.
Il est en butte aux attaques des idéologues de Staline, et
* En édition française : Le cinéma, nature & évolution d’un art nouveau,
Payot, 1979.
** En édition française : L’Esprit du cinéma, Payot, 1977.
70
BÉLA BALÁSZ
même son ami de toujours, Lukács, lui tourna le dos.
Certaines de ses œuvres sont saisies et détruites par les
zélotes du régime. En Hongrie, son sort n’aurait pas été plus
enviable. Bartók doit bagarrer pour imposer que le nom de ce
juif figure sur les affiches de leurs œuvres communes, et pour
que leur éditeur consente à lui verser les droits d’auteurs qui
lui sont dus. En 1939, Balázs écrit un poème pour Staline,
mais sa situation ne s’améliore pas pour autant. Pendant la
guerre, il part au Kazakhstan recueillir des poésies populaires publiées plus tard au sein de Das Goldene Zelt [La
Tente d’or, 1956].
Après guerre, Balázs rentre dans son pays natal, où il participe activement à recréer une école de cinéma nationale. Il
enseigne à l’Académie des Arts du théâtre et du cinéma et
continue d’écrire des scénarios – le plus souvent interdits par
le nouveau régime communiste car trop « bourgeois ». En
1946, il écrit une autobiographie sous le titre de Álmodó
ifjúság [Jeunesse rêveuse
]. Sa dernière œuvre marquante est,
en 1947, le scénario de Valahol Európában [Quelque part en
Europe], film de Géza Radványi. Il est réhabilité quelques
semaines avant sa mort, survenue à Budapest le 17 mai
1949. Dix ans plus tard, son nom sera donné à un célèbre
studio de cinéma d’avant-garde qui s’ouvrira à Budapest.
CLAIRE DELAMARCHE
BARBE-BLEUE EN SON CHÂTEAU
De Perrault à Bartok
Le conte de Perrault
C’est en 1697 que la légende de Barbe-Bleue s’introduit en
littérature, sous la plume de Charles Perrault. Trois ans après
la parution de contes en vers (Grisélidis, Les Souhaits ridicules
et Peau d’âne), il en fait publier huit nouveaux en prose (La
Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, La BarbeBleue, Le Maître Chat ou Le Chat botté, Cendrillon, Le Petit
Poucet, Les Fées, Riquet à la houppe) sous le titre d’Histoires,
ou Contes du temps passé avec des moralitez
. A en croire
Perrault, ces histoires ont été recueillies par son fils Pierre
auprès de conteuses. Le titre original du manuscrit, placé en
frontispice de la version imprimée, rappelle cette prétendue
origine orale et populaire : Contes de ma mère l’Oye.
Barbe-Bleue est un mari aussi riche que brutal, et sa
femme, sorte d’Ève transportée au XVIIe siècle, succombe à la
curiosité. Comme Ève peut goûter à tous les fruits sauf à ceux
du fameux pommier, l’épouse peut visiter chaque recoin de la
demeure, pourvu qu’elle laisse close la porte interdite.
Désobéissant, elle découvre les corps égorgés des six épouses
précédentes ; elle est sauvée in extremis par ses deux frères.
La faute originelle – la découverte de la sexualité – prend
l’apparence d’une tache de sang indélébile sur la clef.
72
BARBE-BLEUE EN SON CHÂTEAU
Naissance d’un opéra
La légende prend corps sous diverses plumes, notamment
celle de Maurice Maeterlinck. En 1901, il achève une pièce
en trois actes, Ariane et Barbe-Bleue, ou La Délivrance
inutile, qu’il destine d’emblée à l’opéra – et à son épouse, la
cantatrice Georgette Leblanc, sœur du père d’Arsène Lupin.
C’est finalement Paul Dukas qui se charge d’écrire la partition. Ariane et Barbe-Bleue est créé le 10 mai 1907 à
l’Opéra-Comique.
Deux jeunes Hongrois assistent à l’événement : le poète
Béla Balázs et le compositeur Zoltán Kodály, qui séjournent
pour quatre mois à Paris. L’œuvre ne les transporte pas :
« Livret du plus haut intérêt, mais mauvaise musique »,
commente le compositeur. Mais, au printemps 1910, Balázs
écrit à son tour Le Château de Barbe-Bleue, qu’il baptise
« mystère » et dont il souligne la parenté avec les ballades
séculaires de Transylvanie, à commencer par la célèbre
Anna Mónár.
La pièce est lue au printemps 1910 lors d’une matinée
organisée par la revue d’avant-garde Nyugat [Occident], fondée en 1908, vitrine éblouissante et francophile de la littérature et de la poésie hongroises pendant près d’un demisiècle. Balázs dédie ce livret à Kodály et à Bartók. Il espère
secrètement que le premier va le mettre en musique et lui fait
une lecture de la pièce. Mais c’est Bartók, également présent,
qui est captivé par le poème.
La composition débute en février 1911. Le 20 septembre
suivant, une première version de l’opéra est prête. Bartók la
présente à un concours de la Commission des Beaux-Arts,
organisé au casino de Lipótváros, un quartier de Budapest.
Amère déception : le jury, présidé par le chef d’orchestre
István Kerner, décrète que l’œuvre est impossible à monter.
On lui reproche l’absence d’éléments dramatiques, le statisme de l’argument, le manque de caractérisation des personnages. Le jeune musicien ne se laisse pas démonter. Il
envisage de faire créer l’ouvrage à l’étranger, et l’épouse de
Kodály, Emma Sándor, se charge en 1912 d’établir une traduction allemande que Zoltán recopie en grande partie luimême dans la partition autographe de son ami.
73
CLAIRE DELAMARCHE
Kodály raconte comment, l’été suivant, Bartók retouche
l’orchestration près de Zurich, prenant des bains de soleil
chaussé de lunettes noires et allongé dans l’herbe. Deux
autres séries de remaniements interviendront, l’une avant la
création en 1918, l’autre pour l’édition de la réduction pour
piano, en 1921, chez Universal Edition à Vienne.
La création de l’opéra n’a lieu ni en allemand, ni en hongrois. Il faut le succès en 1917 du premier ballet de Bartók,
Le Prince de bois (dont l’auteur de l’argument n’est autre que
Balázs), pour que l’intendant de l’Opéra royal de Hongrie,
Miklós Bánffy, accepte enfin de monter Le Château de BarbeBleue. La première, le 24 mai 1918, reçoit un accueil mitigé.
Rapidement, on demande que soit rayé des affiches le nom
du poète, dont les idées heurtent le pouvoir en ces temps
troublés où l’empire austro-hongrois s’effrite ; Bartók s’y
oppose et retire son œuvre.
Un prologue
L’Ariane de Maeterlinck et Dukas n’aime pas BarbeBleue ; elle ne s’est introduite dans son intimité que pour
libérer ses cinq sœurs, les anciennes épouses qu’il retient prisonnières et qui refuseront finalement de l’abandonner. S’il
s’inspire du poète belge, Balázs traite le sujet de manière fondamentalement différente. De trois actes, il réduit la pièce à
un seul. Si l’on excepte les rôles muets des trois femmes, il ne
conserve que deux personnages : le duc et son ultime épouse,
qu’il prénomme Judith. Chez Perrault comme chez Maeterlinck, la femme désobéit et ouvre les portes en cachette ;
Judith, au contraire, persuade Barbe-Bleue de lui donner les
clefs pour les ouvrir en sa présence.
Inspiré des poèmes magiques des regösök, les bardes de la
Hongrie primitive, le prologue récité s’ouvre par leur formule
traditionnelle et mystérieuse : « Haj, regò rejtem... » [« Ah !
mon conte, je le cache... »*] et se poursuit par la phrase qui,
traditionnellement, introduit les contes : « Hol volt, hol
nem... » [« Il était une fois... », littéralement : « Cela fut-il, ou
ne fut-il pas... »]. Ce texte, essentiel à la compréhension de
* Traduction de l’auteur. La traduction française officielle, établie par Michel
Calvocoressi à la première édition de l’œuvre, ne rend compte qu’imparfaitement de l’original hongrois.
74
BARBE-BLEUE EN SON CHÂTEAU
l’opéra et pourtant souvent supprimé, enjoint l’auditeur à ne
pas s’arrêter à l’apparence des choses et place le conte sur un
plan symbolique, dans l’âme humaine : « Le rideau de cils de
nos yeux est levé : Où est la scène, dehors ou dedans... »
Alors que le barde parle encore, les premières notes
s’élèvent : une mélodie surgie du plus lointain de la mémoire
magyare, qui sort définitivement l’œuvre du temps et de la
réalité. Si la palette orchestrale reste dans le sillage de celles
offertes par Wagner ou Strauss, la musique se nourrit largement des recherches ethnomusicologiques entreprises par
Bartók et Kodály depuis 1905. Le langage harmonique, profondément tonal, s’enrichit du pentatonisme et de la modalité
caractéristiques des anciens chants populaires hongrois.
Quant à la ligne vocale, c’est une adaptation stylisée du par lando rubato (chant au rythme libre calqué sur la déclamation) typique des complaintes et ballades populaires : elle est
rivée aux quantités et à l’accentuation particulières de la
langue magyare, ce qui rend presque impossible toute traduction dans une langue indo-européenne.
Par son ambiguïté et son symbolisme, le prologue préfigure
le style très particulier du livret. Kodály en a souligné le
caractère d’ébauche : Balázs parle volontairement par
ellipses, par sous-entendus, laissant à la musique le soin d’expliquer, de relier, de préciser ce que le texte laisse ouvert.
Les murs lugubres du château suintent, la nuit et le froid
règnent dans le hall gothique, sur lequel donnent sept portes
closes. Judith, mue par un amour et une confiance inébranlables, est décidée à dépasser cette impression, à découvrir
les richesses que masque tant de sévérité. La porte qui la
relie au monde extérieur se referme, et désormais sa préoccupation est d’ouvrir les sept portes pour laisser la lumière
envahir le hall.
Les six premières portes
Judith se précipite vers la première porte et commence à
y tambouriner. Elle s’arrête en plein élan : le château a gémi.
A l’ouverture de la porte, un trémolo s’empare des violons :
Judith a remarqué la blessure du mur, un rectangle rouge
dont elle ne comprend pas encore la signification, pas plus
qu’elle n’explique la provenance du rayon rouge qui se projette sur le sol. Elle découvre la salle de torture et en énu-
75
CLAIRE DELAMARCHE
mère les instruments. Puis soudain, un accord strident aux
trompettes et cors : Judith comprend que le château saigne.
Un instant ébranlé par sa terreur, son amour transfigure cette
vision effrayante.
Essentiel chez Perrault, le sang envahit aussi le poème de
Balázs. L’ouverture de chaque porte se déroule en trois
temps : la première impression de Judith, traduite par une
page orchestrale, puis le sang qui surgit, et la réaction de
Judith à cette vision.
Une fanfare de trompettes et de cors, symbole de la puissance du duc, accueille les deux époux dans la salle suivante,
l’arsenal. Un rai rouge vient de nouveau teinter les armes.
Sur un radieux accord parfait, les ruissellements du
célesta et le timbre délicat de deux violons solos peignent
l’extase de Judith à la vue du trésor, dans la troisième salle.
Mais cette magie sonore est brutalement rompue : or et bijoux
se teintent de sang.
Un prélude orchestral décrit le jardin idyllique que
dévoile la quatrième porte ; le cor solo et les cordes jettent
sur lui une lumière merveilleuse. Mais les fleurs et la terre
rougeoient à leur tour, sous l’assaut du motif du sang joué par
les trompettes avec sourdine et les flûtes.
La cinquième porte révèle l’immense domaine de BarbeBleue. Son ouverture est saluée par de majestueux accords de
tout l’orchestre, que renforce l’orgue. Le sang ne teinte que
fugitivement les nuages.
Cédant à l’insistance de Judith, le duc lui donne la clef
de la sixième porte qui dévoile un lac de larmes.
La dernière porte
Prenant Judith dans ses bras, Barbe-Bleue la supplie de
ne pas ouvrir la dernière porte. Amoureusement blottie
contre lui, elle lui demande s’il a aimé d’autres femmes.
Devant son silence, elle se défait de son étreinte et, croyant
avoir compris la signification de tout ce sang, l’accuse du
meurtre de ses anciennes épouses. Le ton sur lequel elle
réclame la clef ultime ne souffre aucun refus. Barbe-Bleue
s’exécute tristement, et Judith découvre stupéfaite trois
femmes vivantes, et richement parées. Barbe-Bleue a rencontré sa première épouse à l’aurore, la seconde dans un
midi éclatant, la troisième dans le calme du crépuscule.
76
BARBE-BLEUE EN SON CHÂTEAU
Quant à Judith, elle lui vint lors d’une nuit parsemée
d’étoiles. Tandis que les portes se referment et que la nuit
envahit à nouveau le château, il coiffe sa dernière épouse
d’une couronne somptueuse et la revêt d’un manteau
d’étoiles : « Tu es belle, tu es belle, Tu es cent fois belle !
Tu étais la plus belle femme, La plus belle femme ! »
Ployant sous le poids de sa parure, Judith disparaît résignée
derrière la septième porte, qui se referme sur elle. BarbeBleue, resté seul, chante : « Et maintenant, la nuit régnera
pour toujours... »
BÉLA BALÁZS
BÉLA BARTÓK
Un visage d’archange-enfant inexorable.
Son profil prégnant et offensif a l’air
D’être retranché du vivant douloureux.
Sa bouche close ne rit jamais.
Qu’est-ce qui te hante ?
Chétif, menu géant.
Ton corps, cette écharde menaçante
Entre dans l’espace,
Provoquant une inflammation cuisante tout autour.
Tu te portes comme un sabre au clair. A qui en veut-il ?
Certes, ta musique n’incite point à la rêverie.
Elle est une structure d’acier,
Une révolte grondant de sous du triste sol,
Une douleur violente, un cri d’alarme.
Qui t’a offensé ?
Tes violons taillent, tes cornets frappent.
C’est avec des serres d’épervier que tu tapes le piano
Et les sons déchirés s’enfuient
Pareils à une troupe d’oiseaux souillés de sang.
Que chantes-tu ?
Tu souffres de ta douleur non comprise ?
Et du fait qu’on ne veut rien savoir de tes peines ?
78
BÉLA BARTÓK
L’on te frappe puisque tu bats.
Qu’attendais-tu de mieux ?
Tu es ni agréable, ni amusant.
Que t’est-il donc arrivé ?
Je le sais, moi qui t’ai vu à la recherche
De la chanson, des airs populaires magyars
Dans les rudes fermes gueuses et silencieuses de Csongrád,
Comme on cherche des racines vivantes sous la glace.
Et tu n’en trouvais pas.
Mais tu as découvert la peine étouffée du chagrin
Rustique qui t’a rencontré au bord de la Tisza
Ou aux sommets neigeux de Transylvanie,
Sans plus te lâcher et le sourire
S’est glacé dans ton cœur.
Leur souffrance rebelle, réduite au silence, c’est elle qui
Hurle maintenant de toi, mais ils ne la reconnaissent pas.
Ils ne l’entendent même plus. A qui fais-tu donc
Cette musique de faux ébréchés se dressant vers le ciel
Dans notre solitude magyare ?
Adaptation de Bernard Saint-Denis
in : Bartók et les mots, Ed. Arion 13, Corvina, 1982
79
CARNET de NOTES
Béla Bartók
Repères biographiques
Notice bibliographique
—
Le Château de Barbe-Bleue
Orientations discographiques
BÉLA BARTÓKREPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BARTÓK
1881-1882.
Triple alliance : Allemagne,
Autriche-Hongrie, Italie.
1881.
25 mars : Naissance à
Nagyszentmiklós (aujourd’hui
Sânnicolau Mare, Roumanie).
1883.
Mort de Karl Marx.
1886.
La mère de Bartók, Paula Voit,
lui donne ses premières leçons
de piano.
1888.
Mort de l’empereur Guillaume Ier.
Création du parti
social-démocrate autrichien
de Victor Adler.
1888.
Mort du père de Bartók.
Paula Voit, institutrice, sera
contrainte à plusieurs
déménagements pour subvenir
aux besoins de Béla et de sa
jeune sœur Erzsébet (Elza).
1890.
Premières pièces pour piano.
1893.
La famille s’installe à Pozsony
(aujourd’hui Bratislava, en
Slovaquie). Bartók y fait ses
études secondaires. Il y est
l’élève en musique de László
Erkel, le fils de Ferenc Erkel.
82
BARTÓK & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCE & ARTS
1881.
Naissance d’Enesco.
Mort de Moussorgski.
1881.
Naissance de Stefan Zweig.
1882.
Naissance de Kodály,
Szymanowski et Stravinsky.
1883.
Naissance de Webern et Varèse.
Mort de Wagner.
1884.
Inauguration de l’Opéra royal
de Hongrie, fondé et dirigé par
Ferenc Erkel.
1885.
Naissance de Berg.
1886.
Mort de Liszt.
1883.
Nietzsche, Ainsi parlait
Zarathoustra.
1885.
Naissance de l’écrivain Deszö
Kostolanyi.et du philosophe
György Lukács.
Mort de Victor Hugo.
Pasteur : vaccin contre la rage.
1888.
Symphonie en ré mineur
de Franck.
Naissance de Fritz Reiner.
1889.
Première Symphoniede Mahler.
1891.
Naissance de Prokofiev.
1890.
Naissance du peintre
Egon Schiele.
1893.
Falstaff, dernier opéra de Verdi.
Symphonie “Du Nouveau
Monde” de Dvorák.
1894.
Prélude à “L’Après-Midi d’un
faune” de Debussy.
83
BÉLA BARTÓKREPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BARTÓK
1896.
Millénaire de la Hongrie
célébré en grande pompe.
1899.
Admis à l’Académie de
musique de Budapest.
Il y étudie le piano auprès d’un
élève de Liszt, István Thomán,
et la composition auprès d’un
admirateur de Brahms,
János Koessler.
1902.
Assiste à la création hongroise
d’Ainsi parlait Zarathoustra
de Richard Strauss, choc
artistique qui donne
une impulsion décisive à sa
carrière de compositeur.
1904.
Création du poème
symphonique Kossuthà
Manchester. Commence à se
faire connaître comme pianiste
dans l’Europe entière. Réalise
ses premières transcriptions de
chants populaires hongrois.
1905.
En Hongrie, pour la première
fois depuis le compromis de
1867, le Parti libéral perd la
majorité absolue et passe au
second rang, derrière
les indépendantistes.
84
1905.
Fait la connaissance du compositeur Zoltán Kodály, qui
devient son meilleur ami.
Premières collectes de chants
populaires réalisées
en commun.
BARTÓK & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCE & ARTS
1895.
Invention du cinéma par les
frères Lumière.
1896.
Mort de Ferenc Erkel.
Ainsi parlait Zarathoustra de
Richard Strauss.
1896.
Henri Becquerel : découverte
de la radioactivité.
Alfred Jarry, Ubu Roi.
1897.
Mort de Brahms.
1897.
Sécession de Vienne avec
notamment Gustav Klimt.
André Gide, Les Nourritures
terrestres.
1900.
Tosca de Puccini.
1900.
Mort de Nietzsche.
Freud, L’Interprétation des rêves.
1902.
Pelléas et Mélisandede
Debussy.
1905.
Naissance d’Arthur Koestler à
Budapest.
Einstein : la relativité restreinte.
85
BÉLA BARTÓKREPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BARTÓK
Jusqu’en 1918, Bartók
recueillera quelque 2700
chants hongrois, 3500 roumains
et 3000 slovaques.
1906.
Dissolution du Parlement et
formation d’un gouvernement
de coalition nationaliste et
conservateur.
1906.
Publie en collaboration avec
Kodály un recueil de vingt
arrangements de chants
populaires hongrois.
1907.
Loi Apponyi introduisant
la gratuité de l’enseignement
primaire qui, en même temps,
impose une magyarisation forcée
aux autres ethnies du royaume.
1907.
Professeur de piano à
l’Académie de musique de
Budapest. Grâce à Kodály,
découvre la musique
de Debussy.
1908.
Annexion de la BosnieHerzégovine, qui mettra le feu
aux poudres des guerres
balkaniques de 1912-1913.
1908.
Premier Quatuor, Bagatelles
pour piano.
1910.
Les anciens libéraux, devenus
socialistes, remportent la majorité absolue sous la houlette
d’István Tisza. Les gouvernements se succèdent rapidement
dans cette période, agitée de
conflits sociaux et nationaux.
1910.
Premier concert consacré à ses
œuvres, à Budapest, avec
notamment la création du
Premier Quatuor.
1912.
Grève générale et grande
manifestation contre Tisza.
1909.
Épouse Márta Ziegler.
1911.
Allegro barbaro pour piano.
Naissance de son fils Béla.
Participe à la fondation
de la Nouvelle Société de
musique hongroise.
1913.
Recueille des chants populaires
arabes à Biskra (Algérie).
86
BARTÓK & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCE & ARTS
1906.
Naissance de Chostakovitch.
Naissance d’Antal Doráti.
1907.
Pour la première fois, de la
musique est transmise par TSF.
1907.
Picasso, Les Demoiselles
d’Avignon.
1909.
Création de la revue d’avantgarde Nyugat [Occident], à
laquelle participent les poètes
et écrivains hongrois
les plus éminents.
1911.
Hofmannsthal, Jedermann.
1912.
Pierrot lunaire de Schoenberg.
Naissance de Georg Solti.
1913.
Le Sacre du Printempsde
Stravinsky.
1913.
Naissance du poète hongrois
Sandor Weöres.
Proust, Du côté de chez Swann.
87
BÉLA BARTÓKREPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BARTÓK
1914.
Assassinat à Sarajevo de l’héritier du trône austro-hongrois,
François-Ferdinand, qui
déclenche la Première Guerre
mondiale.
1916.
Mort de l’empereur d’Autriche
et roi de Hongrie, FrançoisJoseph Ier. Son successeur sera
Charles Ier comme empereur
d’Autriche, Charles IV comme
roi de Hongrie.
1917.
Premier grand succès de
compositeur avec la création à
l’Opéra de Budapest du Prince
de bois. Deuxième Quatuor.
1918.
La défaite de l’empire austrohongrois entraîne sa dissolution. Charles IV abdique, et le
comte Mihály Károlyi proclame
la République, à la tête d’un
gouvernement de coalition.
1918.
Création à l’Opéra de Budapest
du Château de Barbe-Bleue,
composé en 1911.
1919.
Éphémère République des
Conseils (133 jours), conduite
par le bolchevique Béla Kun et
renversée par une offensive de
l’armée roumaine.
1919.
Prend part au gouvernement
éphémère de la République des
Conseils, comme membre du
directoire de la Musique.
1920.
La Hongrie redevient un royaume, dont Charles IV est banni.
L’amiral Miklós Horthy, un
conservateur, est élu régent. Par
le traité de Trianon, la Hongrie
se sépare de l’Autriche mais
perd les deux tiers de son territoire et un tiers des locuteurs
hongrois. La Slovaquie et la
Transcarpathie passent à la
88
1916.
Ballet Le Prince de bois.
Deuxième Quatuor.
BARTÓK & SON TEMPS
MUSIQUE
1914.
Naissance de Ferenc Fricsay.
LITTÉRATURE
SCIENCE & ARTS
1915.
Kafka, La Métamorphose.
1916.
Freud, Introduction
à la psychanalyse.
1917.
Alexander von Zemlinsky,
Une Tragédie florentine.
1918.
Mort de Debussy.
1918.
Manifeste dada.
1919.
Fondation du Bauhaus
à Weimar.
1920.
Spengler, Le Déclin de
l’Occident.
89
BÉLA BARTÓKREPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BARTÓK
nouvelle Tchécoslovaquie ;
la Croatie à la Yougoslavie ;
le Banat à la Roumanie et à la
Yougoslavie ; la Transylvanie
à la Roumanie. 3,5 millions de
Magyars vivent désormais hors
des frontières nationales.
1921.
Échec d’une restauration de
Charles IV.
1921.
Écrit sa monographie Le Chant
populaire hongrois.
1921-1922.
Sous l’influence de Stravinsky
et de Schoenberg, compose ses
deux œuvres les plus
complexes, les sonates pour
violon et piano.
1923.
Premier grand succès populaire
et international avec la Suite de
danses pour orchestre, créée à
l’occasion du cinquantenaire de
l’unification de Budapest.
A l’occasion d’une tournée de
concerts à Paris, fait la connaissance d’Igor Stravinsky,
Maurice Ravel et Karol
Szymanowski. Divorce éclair et
remariage avec une jeune
élève, Edith (Ditta) Pásztory.
1924.
Naissance de son fils Péter.
1926.
« Année du piano « : nombreux
concerts, création de la Sonate
pour piano, de la suite En plein
air, du Premier Concerto pour
piano sous la direction
90
BARTÓK & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCE & ARTS
1921.
Einstein prix Nobel.
Chaplin, Le Kid.
1922.
1922.
Schoenberg finit d’élaborer sa
Joyce, Ulysse.
Méthode de composition avec 12 Murnau, Nosferatu.
sons, traité de composition
posant les bases du dodécaphonisme.
1923.
Psalmus hungaricus de Kodály.
Hyperprismde Varèse.
Naissance de Ligeti.
1926.
Wozzeckde Berg.
Naissance de Pierre Boulez.
1924.
Thomas Mann, La Montagne
magique.
Mort de Kafka.
91
BÉLA BARTÓKREPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BARTÓK
de Furtwängler. Après de nombreux déboires, la pantomime
Le Mandarin merveilleuxest
créée à Cologne.
1927 -1928.
Troisième Quatuor et
Quatrième Quatuor.
1931.
Démission du chef du
gouvernement, István Bethlen.
Son successeur, Gyula Gömbös,
opère un net tournant à droite.
1931.
Deuxième Concerto pour piano.
1932.
Participe au congrès sur la
musique arabe du Caire.
1934.
Cinquième Quatuor.
Démissionne de son poste
de professeur de piano à
l’Académie de musique de
Budapest : l’Académie hongroise
des sciences lui confie enfin la
publication du corpus de
chants populaires hongrois.
Jusqu’en 1940, il classera, révisera, annotera une collection de
près de 13000 chants hongrois.
Il révisera également une collection de 2500 chants roumains et préparera plusieurs
autres collections étrangères
pour de futures analyses.
92
BARTÓK & SON TEMPS
MUSIQUE
1928.
Weill et Brecht, L’Opéra
de quat’ sous.
LITTÉRATURE
SCIENCE & ARTS
1927.
1er film parlant, Le Chanteur
de jazz.
1929.
Naissance d’Imre Kertesz,
Prix nobel de littérature 2002.
Claudel, Le Soulier de satin.
1930.
Von Sternberg, Marlène
Dietrich, L’Ange bleu.
Musil, L’homme sans qualités.
1931.
Fritz Lang, M le Maudit.
1933.
Schoenberg et Kurt Weill
s’exilent aux États-Unis.
1932
Céline, Voyage au bout de la
nuit.
1934.
Fritz Lang, Liliom, d’après la
pièce de Ferenc Molnár.
93
BÉLA BARTÓKREPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BARTÓK
1935.
Cantata profana. Devient
membre de l’Académie des
sciences. Il multiplie les
publications et les conférences
en Hongrie et à l’étranger,
ne composant plus guère que
sur commande.
1936.
Musique pour cordes, percussions et célesta. Voyage d’étude
en Turquie. Recueille des
chants en Anatolie.
1937.
Sonate pour deux pianos
et percussions.
1938.
Première d’une série de lois
antisémites. Alliance avec
l’Allemagne nazie. Hitler et
Mussolini rendent à la Hongrie
une partie de la Slovaquie.
1938.
Concerto pour violon. Contrastes
pour violon, clarinette et piano.
Après l’Anschluss, Bartók
quitte l’éditeur viennois
Universal. Il commence
à nourrir des projets d’exil.
1939.
Profitant du démantèlement
de la Tchécoslovaquie,
la Hongrie occupe la Ruthénie
subcarpatique.
1939.
Divertimento pour cordes.
Sixième Quatuor. Achève la
composition des Mikrokosmos,
entreprise en 1932.
Mort de la mère de Bartók.
1940.
La Hongrie récupère le nord de
la Transylvanie et du Banat.
Elle entre en guerre aux côtés
de l’Allemagne, de l’Italie
et du Japon.
1940.
Après une tournée de concerts
aux États-Unis, décide d’y émigrer. L’université Columbia le
nomme docteur honoris causa.
1941.
Entreprend l’étude d’un fonds
de musique yougoslave à
94
BARTÓK & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCE & ARTS
1936.
Jeux olympiques de Berlin.
Charlie Chaplin, Les Temps
modernes.
1937.
Mort de Ravel.
1938.
Le gouvernement allemand,
sous l’égide de Joseph
Goebbels, stigmatise dans
l’exposition “Entartete Musik”
[“Musique dégénérée”],
à Düsseldorf, la musique
moderne, les compositeurs juifs
et le jazz, dénoncé comme une
musique à la fois « juive,
bolchevique et nègre ». De
nombreux compositeurs (passés
et présents) sont mis à l’index
et nombre de musiciens choisissent l’exil.
1937.
Walt Disney, Blanche-Neige et
les Sept Nains.
1939.
Steinbeck, Les Raisins
de la colère.
1940.
Koestler, Le Zéro et l’infini.
Charlie Chaplin, Le Dictateur.
1941.
Quatuor pour la fin du temps
de Messiaen.
95
BÉLA BARTÓKREPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BARTÓK
l’université Columbia. Première
atteinte de leucémie.
1943.
Après trois ans sans composer,
écrit le Concerto pour orchestre
pour Serge Koussevitzky et
l’Orchestre de Boston.
1944.
Budapest est envahie par
l’armée allemande. Alarmé par
la défection de la Roumanie,
qui a rejoint le camp allié,
Hitler remplace Horthy par
Ferenc Szálasi, chef du parti
fasciste, antisémite et pro-nazi
des Croix fléchées. Le génocide
des Juifs hongrois, que Horthy
avait tenté d’endiguer, n’a plus
de limites. De nombreux
Tziganes sont également
déportés. Le siège laisse
Budapest en ruines et
exsangue.
1944.
Ecrit la Sonate pour violon seul
pour Yehudi Menuhin.
1945.
L’armée soviétique chasse de
Hongrie les forces allemandes
et un régime communiste
s’installe progressivement dans
le pays. Après une courte
période de démocratie en 19461947, la Hongrie deviendra un
état communiste.
1945.
26 septembre : meurt à
New York, laissant inachevés
le Concerto pour alto et le
Troisième Concerto pour piano.
1988.
Transfert des cendres de Bartók
au cimetière de Farkasrét, à
Budapest.
96
BARTÓK & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCE & ARTS
1942.
Suicide de Stefan Zweig.
Lubitsch, To be or not to be.
1943.
Saint-Exupéry, Le Petit Prince.
1944.
Naissance de Peter Eötvös
1945.
Mort de Webern.
1945.
1re bombe atomique.
97
BÉLA BARTÓKNOTICE BIBLIOGRAPHIQUE
Du compositeur
BÉLA BARTÓK. Musique de la vie,édité & traduit par
Philippe A. Autexier, Stock Musique, 1981.
BÉLA BARTÓK. Écrits, édités et traduits par Philippe Albéra
& Peter Szendy, éditions Contrechamps, 2006.
Sur le compositeur
PIERRE CITRON. Bartók, Seuil, collection Solfèges, 1994.
Sur Le Château de Barbe-Bleue
Le Château de Barbe-Bleue
(couplé avec Ariane et Barbe-Bleuede Dukas),
L’Avant-Scène / Opéra, nos 149-150, 1992.
Un traduction française du texte de BÉLA BALÁZS :
Le Château de Barbe-Bleue, aux éditions Argraphie, 1990.
98
LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUEORIENTATIONS DISCOGRAPHIQUES
ISTVÁN KERTÉSZ
Orchestre symphonique de Londres
Christa Ludwig (Judith), Walter Berry (Barbe-Bleue)
Decca – 1966
PIERRE BOULEZ
Orchestre symphonique de la BBC
Tatiana Troyanos (Judith), Siegmund Nimsgern (Barbe-Bleue)
Sony Classical – 1976
WOLFGANG SAWALLISCH
Orchestre d’Etat de Bavière
Julia Varady (Judith), Dietrich Fischer-Dieskau (Barbe-Bleue)
DG – 1979
BERNARD HAITINK
Orchestre philharmonique de Berlin
Anne Sophie von Otter (Judith), John Tomlinson (Barbe-Bleue)
EMI – 1996
PETER EÖTVÖS
Orchestre symphonique de la SWR – Radio de Stuttgart
Cornelia Kallisch (Judith), Peter Fried (Barbe-Bleue)
Hänssler – 2004
99
Chargés d’édition
Claire Delamarche
Jean Spenlehauer
Conception & Réalisation
Brigitte Rax / Clémence Hiver
Impression
Imprimerie Lussaud
Opéra national de Lyon
Saison 2006/07
Directeur général
Serge Dorny
OPÉRA NATIONAL DE LYON
Place de la Comédie
69001 Lyon
Renseignements & Réservation
0.826.305.325 (0,15 e/mn)
www.opera-lyon.com
L’Opéra national de Lyon est conventionné par le ministère de la Culture et
de la Communication, la Ville de Lyon, le conseil régional Rhône-Alpes
et le conseil général du Rhône.
Imprimerie Lussaud
8 rue sainte-Catherine-des-Loges
85204 Fontenay-le-Comte
No d’imprimeur :
ACHEVÉ d’IMPRIMER
au printemps 2007
pour les représentations du
CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE
à l’Opéra national de Lyon
Mise en scène
Laurent Pelly
Direction musicale
Juraj Valcuha

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