DE QUOI L`HOMME A-T-IL BESOIN POUR VIVRE ?

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DE QUOI L`HOMME A-T-IL BESOIN POUR VIVRE ?
DE QUOI L’HOMME A-T-IL BESOIN POUR VIVRE ?
Lorsqu’on se penche sur la question des
besoins de l’homme, c’est inévitablement la
figure d’Abraham Maslow, psychologue
américain, et sa « théorie de la motivation »
qui s’invitent en premier lieu. Au siècle
dernier, il inventa le concept de
« pyramide » à partir duquel notre
existence
s'ordonnerait
selon
une
hiérarchie
des
besoins.
L'homme
chercherait en priorité à satisfaire des
besoins fondamentaux : se nourrir, boire,
respirer…
puis
progressivement
rechercherait la réalisation de besoins plus
spirituels :
psychologie,
sécurité,
appartenance, amour, estime et besoin de
s'épanouir.
Aujourd’hui, il est important de se
demander quelle est la meilleure façon de
réaliser l'accomplissement de soi. Si cette
« pyramide des besoins » reste très
illustrative,
de
nombreux travaux ont
remis
en
cause
l’enchaînement
hiérarchique
et
dynamique des besoins
qu’elle affichait ; et il
est clair que notre vie quotidienne
s’emploie à nous montrer qu'en réalité il
s’agit d’une réelle interconnexion à tous
niveaux de ces différents besoins.
Analysons cela au travers de quelques
exemples :
L'alimentation :
Se nourrir apparaît bien en effet comme un
besoin vital. Cependant, même si pour un
trop grand nombre de familles, ce poste de
consommation est d’abord gouverné par les
ressources disponibles, il apparaît que le
style de vie conditionne la façon de
consommer : chez soi ou dans des cantines
ou restaurants d'entreprises, simple
sandwich, cuisine réalisée au domicile avec
des produits de base, plats cuisinés parfois
livrés à domicile. Les modes de vie, avec un
fort impact générationnel, ont changé nos
habitudes alimentaires : moins de temps
pour préparer les repas, poids croissant de
la restauration rapide, consommation de
sodas… Pourtant une mauvaise nutrition
entraîne souvent des problèmes de santé,
dont l'obésité.
Dans ce domaine, il convient de signaler
l'existence de nombreuses initiatives, par
exemple, celle mise en œuvre par le
mouvement des AMAP (Association pour le
Maintien d'une Agriculture Paysanne). Elles
ont pour but de développer la solidarité
entre producteurs et consommateurs en
vue de pouvoir acheter et cuisiner des
produits sains et peu coûteux. Par ailleurs,
il existe de plus en plus de sites traitant des
« ateliers cuisine » ou de jardinage pour
mieux se nourrir. Au-delà de la satisfaction
du besoin matériel, ce type de
consommation redonne à l’aliment la
possibilité d’être un vecteur de liens et
permettre ainsi la réalisation de besoins
relationnels
de
l’homme avec son
environnement social
et naturel.
Le travail :
C'est à la fois un
besoin : « il faut travailler pour vivre », et
c'est aussi un moyen de se réaliser : « une
partie fondamentale de la dignité de la vie
humaine »1. Il découle bien entendu de la
formation reçue : scolaire et universitaire
ou professionnelle mais aussi, à bien des
égards, familiale. Au terme de ce parcours
de formation et de construction individuelle
se situe la recherche d'un premier emploi
par différents moyens : forum des
entreprises, pôle
emploi, relations,
recherche sur Internet... Avec la crise, la
durée actuelle de cette recherche est
souvent bien longue. Le chômage des
jeunes est en France de 25%, au-dessus de
la moyenne européenne. 7 000 jeunes sont
actuellement sans emploi dans le Loiret.
Pour ceux qui réussissent à trouver un
premier emploi (contrats aidés, CDD, CDI…)
commencent alors la phase d'intégration,
puis la vie dans l'entreprise. Dans un
1
Amoris Laetitia 23, Pape François
contexte marqué par la précarité ou la
fugacité des engagements, certains se
découragent parfois et l'expriment par un
manque de persévérance, qui peut
déconcerter leurs futurs employeurs.
Tout au long de la vie professionnelle,
jalonnée souvent par des pertes et des
reprises d'emploi, les situations vécues sont
très diverses. Et s’il permet de se réaliser, le
travail crée aussi ou exacerbe des situations
de mal-être : surinvestissement, pressions
subies importantes, travail non gratifiant,
avec un nombre de personnes en stress,
dépressions, « burn-out » important. Le
rapport au travail évolue également :
certaines personnes souhaitent travailler
uniquement pour avoir un salaire et
subvenir à leurs besoins, d’autres
souhaitent ménager du temps et équilibrer
le travail et la vie personnelle et/ou
familiale : temps partiel et télétravail
bénéficient d’une attractivité
accrue depuis quelques années.
Dans le Loiret qui comporte 650
000 habitants le taux de
chômage se situe autour de 10%.
Pour autant, l'entreprise reste
pour ceux qui y travaillent
l'occasion de s'y épanouir de
bien des façons : satisfaction du
travail accompli en équipe,
création d’un lien social ou
encore reconnaissance des compétences...
Le logement :
Alors qu’il constitue le principal poste de
dépense des ménages, il est sans doute
aujourd’hui le besoin majeur et le principal
facteur de disparité sociale et territoriale.
Là également, il y a une forte
interconnexion entre le besoin de se loger
et la recherche d'un environnement
favorisant le plein épanouissement. En
début de carrière, les jeunes sont de plus en
plus souvent hébergés par leurs parents. La
colocation progresse également, pour des
raisons budgétaires mais aussi par choix.
Par la suite, ils s'installent dans un logement
dont la surface évoluera avec les années en
fonction de la taille du foyer et d'un choix
de mode de vie.
La localisation est importante et
conditionne son coût. Pour des personnes à
revenus modestes, les charges liées au
logement peuvent représenter entre le
quart et la moitié du budget familial. Les
centres villes étant onéreux, la périphérie
est préférée, voire les zones rurales où le
coût du logement peut être de 30% moins
élevé qu'en ville et les impôts locaux sont
généralement inférieurs. S'y ajoute la
possibilité d'habiter une maison avec jardin.
Apparaissent alors les contraintes liées aux
distances entre le domicile et le lieu de
travail, l'accès aux écoles, aux commerces,
aux services, aux centres sportifs… De là
découle souvent la nécessité de disposer
d'une deuxième voiture, effaçant ainsi en
partie l’économie réalisée sur le poste
logement.
L’accession à la propriété est ainsi un
arbitrage entre différents postes de
dépenses et contraintes allant
au-delà de la simple question
du logement. Dans le Loiret 60
% du parc de logement est
constitué
par
des
propriétaires occupants, 21%
par des locataires du parc
privé, 16% par des locataires
du parc social le reste étant
hébergé gracieusement chez
un particulier.
La gestion des ressources:
L’équilibre du budget familial est une
préoccupation quotidienne. Pour un couple
avec enfants, le logement peut représenter
30% des dépenses, l'alimentation 15%, les
transports 14%, les loisirs 6% et le reste,
dont les impôts et la santé, 30%. Quand on
ne
peut
satisfaire
ses
besoins
fondamentaux
faute
de
ressources
financières suffisantes, comment penser et
vivre autre chose. Même si l'on sait que
« l’argent ne fait pas le bonheur » (!), le
consumérisme dans lequel s’inscrit notre
société accroît d’autant plus l’impact du
revenu disponible sur l’insertion dans la
société.
Une gestion prévisionnelle est d’autant
plus nécessaire que de nouveaux
« besoins » sont apparus ces dernières
années :
abonnements
téléphonie,
internet… et que les incitations à suivre la
mode ou plus globalement « la société de
consommation » sont perçues comme des
impératifs et des marqueurs sociaux :
vêtements avec des « marques », dernière
version du téléphone portable. La liste est
longue !
La santé
Espéral 45 (numéro 53 d'octobre 2015) a eu
l'occasion de réaliser un dossier sur ce
thème. Il demeure que le manque de
médecins ne cesse de poser problème tout
particulièrement dans certaines zones
rurales, qualifiées maintenant de « déserts
médicaux ». Parfois, certains médecins ou
spécialistes (dentistes, ophtalmologistes ou
dermatologues) n'acceptent plus de
prendre de nouveaux patients. Avec 75
médecins généralistes pour 100 000
habitants, le Loiret est le troisième
département le moins bien
doté en nombre de praticiens
de la Région Centre Loire
derrière l’Eure-et-Loir et le
Cher... La région étant ellemême l’une des régions les
moins dotées de France.
Cette situation laisse donc
actuellement sans véritable
réponse les questions qui se
posent concernant l'accessibilité aux soins,
la prévention, les urgences, ou encore le
besoin d'écoute de son corps pour mieux se
soigner.
Le Conseil Régional, l’Agence Régionale de
Santé du Centre-Val-de-Loire et les
collectivités cherchent à développer des
maisons de santé pluridisciplinaires
regroupant des médecins mais aussi des
infirmiers et d’autres professions paramédicales. Dans le Loiret, six maisons de
santé pluridisciplinaires labellisées ont ainsi
ouvert depuis 2008 (Bonny-sur-Loire, Brayen-Val, Meung-sur-Loire, Beaugency-Tavers,
Orléans-Argonne et Bellegarde), suivies
progressivement depuis l'an dernier par six
autres à Lorris, Chatillon-sur-Loire, BeauneLa-Rollande, Cuiry (Gien), Orléans-La Source
et Chatillon Coligny. Ces maisons
regroupent dans un cadre d'exercice libéral
des
professionnels
médicaux
et
paramédicaux, assurent des activités de
soins ambulatoires et participent à des
actions de prévention. Elles peuvent
fonctionner sur une plage horaire plus
étendue que pour les autres formes
d'exercice libéral.
Le sentiment de sécurité
Globalement, la sécurité s’inscrit dans
notre capacité à nous situer dans le moyen
terme, à nous projeter dans un avenir pour
construire un projet ; sans cette vision
confiante du futur, la société ne peut
croître en harmonie et en bien-être. C'est
un besoin important pour la sérénité
quotidienne. Il se décline selon plusieurs
aspects : emploi, protection contre les
catastrophes naturelles et accidentelles, le
cambriolage, les accidents, les incivilités...
Une approche préventive est de rigueur
dans toutes ces dimensions : formation
professionnelle
continue,
qualité
des
assurances,
prudence sur la route et dans
les moyens de transport
collectifs, fermeture des portes
à domicile, concept de
« voisins vigilants », etc.
L'information
De nos jours, la question de
l'information n’est plus affaire de quantité,
tant nous sommes surinformés (Internet,
télévision, radio, ou encore réseaux
sociaux). Cette profusion qui tend à inonder
les esprits, voire les anesthésier en leur
faisant ainsi perdre leur sens critique,
débouche sur la confusion et l’absence de
hiérarchisation. L'homme éprouve un grand
besoin d'information pour s'ouvrir aux
autres. Mais ce qui manque aujourd’hui
c'est une capacité à apprécier la qualité de
l'information, tant du côté de ceux qui
l’émettent que de ceux qui la reçoivent.
Aussi, être bien informé suppose un réel
effort de discernement : savoir multiplier
ses sources, être prudent vis à vis des
informations obtenues par Internet, des
messages à connotation publicitaire ou
encore vis-à-vis d’informations proches de
la rumeur… L'idéal est de rechercher dans
sa proximité des personnes compétentes
pour être mieux éclairé sur les sujets qui
nous préoccupent : informations locales,
questions de société ou environnementales
dépassant les options partisanes.
Comme exemple de média qui positivent,
parmi d'autres, on peut citer dans notre
département RCF qui diffuse à 8h des
nouvelles locales et nationales et à partir de
8h15 des nouvelles du monde avec Radio
Vatican.
La relation aux autres.
La famille est le lieu privilégié au sein
duquel chaque membre peut s'épanouir.
Bien sûr, les situations sont bien diverses :
dans le Loiret s'il existe 70% des familles
vivant de manière traditionnelle, il y a 18%
de foyers monoparentaux et 11% de foyers
recomposés. Le développement des
moyens de communication, tout en
favorisant
de
nouvelles
relations, a de plus en plus
tendance, si on n'y prend pas
garde,
à
favoriser
l'individualisme au détriment
de la communication au sein
de la famille,
tant la
« dictature
des
écrans »
s’impose dans le temps
familial.
À un autre niveau, l'individu, les jeunes, les
familles
s'enracinent
dans
leur
environnement de proximité, ce qui permet
de créer des liens. Les occasions sont
nombreuses :
¤ environnement scolaire par le biais des
parents d'élèves, des accompagnements de
sorties pédagogiques ou encore de
covoiturage.
¤ environnement sportif.
¤ multiplicités des associations
Dans ces domaines, les besoins en
bénévoles sont importants et l’ensemble de
ces cercles relationnels constituent in fine le
ciment de notre société. Ces différentes
activités sont l'occasion pour chacun : de se
dire et de ne pas se refermer dans la
solitude ; d’être entendu ; d’être reconnu
(tel qu’il est dans ses compétences et sa
singularité) ; d’être valorisé tout en
soutenant et réconfortant ceux qui
connaissent des difficultés ; de développer
son aptitude à rêver (pour reprendre les
besoins relationnels identifiés par le
psychosociologue Jacques Salomé).
Besoin de spiritualité
Espéral 45 a évoqué ce sujet (N° 54 de Mars
2016). Au-delà de ces huit exemples, il
existe aussi un besoin de se situer dans le
monde qui nous entoure, de percevoir en
quoi notre existence est conforme à l'idéal
de vie que chacun se fixe, de chercher à
comprendre les sujets qui nous dépassent.
Personne n'a décidé de naître et nous
savons tous que nous mourrons : c'est la
seule certitude absolue que nous avons et
c'est la grande inconnue. Par une quête
spirituelle ou religieuse, quelle que soit
d'ailleurs la religion, les hommes ont ainsi
toujours cherché à trouver un sens à leur
vie.
La
spiritualité
(ou
plus
globalement le besoin de
transcendance) est fondée sur
la
notion
d'expérience
intérieure. Elle répond à un
besoin de recherche de sens,
un besoin de vivre seul et avec
d'autres en communauté.
Si ce besoin d'une certaine
spiritualité commence par une recherche
d'harmonie
intérieure
(ou
comme
l’exprimait initialement Maslow un besoin
de réalisation de soi), il s'élargit ensuite par
un besoin de partage communautaire avec
d'autres, par exemple, en partageant la
même foi en Dieu. Le mot "Dieu" est
porteur de bien des ambiguïtés. Pour les
chrétiens, nul ne l'a jamais vu, si ce n'est
par Jésus de Nazareth qui propose un
chemin de vie et de bonheur. Il invite
chacun à le suivre, pour marcher vers
l'absolu. La religion chrétienne et
notamment catholique inscrit cette relation
à Dieu particulièrement dans l’expérience
de la relation à l’autre.
S'agissant des jeunes chrétiens, les
rassemblements communautaires tels que
les JMJ connaissent un grand succès.
L’enjeu est sans doute de donner suite à ces
rassemblements en particulier dans le cadre
des paroisses auxquelles ils appartiennent
afin qu’ils y prennent leur place et y soient
accueillis.
Ces communautés renforcent leurs liens
lorsqu'elles se rassemblent pour des offices
religieux, des marches suivies d'un repas
partagé, des cérémonies rituelles. Toutes
ces occasions offrent la possibilité de
connaître mieux les autres dans leurs
différences et de s'en enrichir.
De nos jours, certains, au nom d'une laïcité
mal comprise, voudraient reléguer la
religion dans le strict domaine de la sphère
intérieure. C'est nier que les religions
peuvent
contribuer
fortement au ciment
social de notre société.
Les limites sont claires et
les religions ne peuvent
interférer dans les lois et
règlements définis par
l’État. Cela dit, nos jours
fériés sont bien marqués
par les fêtes religieuses
catholiques, et tout ce
qui touche aux valeurs
concernant la solidarité ou encore la
fraternité, les actions conduites par les
religions sont de nature à consolider le «
vivre ensemble » dans nos sociétés.
pyramide cher à Abraham Maslow dans sa
« théorie de la motivation » demeure
encore assez pertinent. Toutefois, à
l'analyse de ces exemples il apparaît bien
difficile de les hiérarchiser, et même de les
différencier tant ils sont interconnectés.
Il est un point qui les réunit : au-delà de la
satisfaction
prioritaire
des
besoins
essentiels – avant tout matériels- de la vie,
on se doit de constater que l'homme ne vit
pas et ne peut vivre seul (exception faite
des ermites !) Il s'enracine dans une famille,
un environnement, un milieu culturel qu’il
fait siens et toute sa vie est marquée par la
recherche de ce qui lui donne un sens.
Au-delà
de
ce
qui
l'identifie comme une
personne unique, sa vie ne
s'épanouira
pleinement
que dans l’altérité, l'intérêt
qu'il portera aux plus
faibles et la volonté de
croire en des valeurs qui le
dépassent mais auxquels il
sera fidèle.
On ne dira jamais assez
toute
l'importance
qu'apportent dans la vie quotidienne un
sourire, un geste d'entraide, une réelle
compassion manifestée à l'égard de ceux
qui sont seuls et démunis.
Conclusion
Au terme de l'analyse de ces différents
besoins, il est clair que le concept de
L'observatoire Diocésain

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