Comédies bibliques, comédies profanes de Marguerite de Navarre

Transcription

Comédies bibliques, comédies profanes de Marguerite de Navarre
Comédies bibliques,
comédies profanes de
Marguerite de Navarre :
deux faces d’un Janus
évangélique
RÉGINE
REYNOLDSCORNELL
Summary: This essay establishes a parallel between Marguerite de
Navarre’s four biblical plays and those four secular plays (labeled as
“comedies”) that were written between 1535 and 1547. It is suggested that
the aim of both tetralogies was to proselytize: not only do their themes
clearly blend together, once they are placed in their historical context, but
they also reflect the chronology of Marguerite’s own life during the years
of religious repression. Moreover, Marguerite’s early commitment to and
sponsorship of the Evangelical cause continued even after the Cercle de
Meaux had been dismantled. After the Affaire des Placards, the Queen of
Navarre knew that self-censorship was the only means by which she might
quietly promote the Evangelical agenda and extend her protection — limited
as it was — to those suspected of blasphemy or heresy who did not enjoy the
relative immunity conferred by her privileged status. Consequently, none of
these comedies appeared in print until 1547, and those of an obviously
satirical nature were cautiously omitted, together with numerous religious
meditations, when Les marguerites de la Marguerite des princesses was
published.
e n’est qu’après avoir étudié l’Heptaméron comme Marguerite de
Navarre voulait qu’il soit lu qu’un plus grand nombre de lecteurs ont
C
vraiment commencé à s’intéresser à ses autres œuvres. L’Heptaméron est
en effet un miroir de sa pensée mais aussi de celle de ses contemporains,
miroir à multiples facettes : la fidélité en amitié, en amour et dans le mariage,
la foi, le clergé, la violence, le conflit entre la conscience et le respect des
traditions, en un mot les joies et les angoisses d’une société en transition.
On a longtemps négligé de suivre dans ce recueil inachevé les nombreuses
pistes qui le reliaient à son œuvre tout entière. Ce n’est certes pas en vain
que les « devisants » représentent trois générations d’hommes et de femmes
qui, ayant été en danger de perdre la vie, sont temporairement condamnés à
Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, XXVI, 4 (2002) /11
12 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
vivre ensemble dans une sorte de huis-clos où ils s’observent et révèlent plus
souvent leurs faiblesses que leurs qualités. Huis-clos, certes, où les femmes
prennent spontanément la parole aussi souvent que les hommes, quels que
soient leur âge ou leur rang social, bien que ce « ici sommes tous égaux »
soit sujet à caution, mais aussi où l’on donne à une femme l’autorité de lire
chaque matin à haute voix [en français] les Saintes-Écritures et de les
commenter pour ses compagnons, bien qu’ils soient alors dans un monastère.
Ce n’est pas non plus un hasard si leurs débats fondés sur des événements
ou des incidents dont ils affirment l’authenticité, ne s’achèvent pratiquement
jamais à la satisfaction de tous. Nous sommes témoins de leurs réactions
lorsque leurs dialogues mettent en lumière l’hédonisme le plus outré de
certains et le platonisme de quelques autres, le désir de toucher les âmes et
la puissance des traditions ou du dogme, une joie de vivre presque irrépressible et l’appel au contrôle des sens, l’espoir d’un monde meilleur et la
résignation sinon la sagesse. En dépit des Marguerites de la Marguerite des
princesses, c’est donc l’Heptaméron, cette infime partie de son œuvre, mal
lue par un public peu préoccupé des questions qu’elle se posait et qu’elle lui
posait, qui a rendu Marguerite d’Angoulême célèbre.
Pour ce qui est de son théâtre profane, on s’y intéressait peu en dépit de
la superbe édition de Verdun-Louis Saulnier1, ceci peut-être parce qu’elle
était reine et que les titres « comédie » et « farce » cachaient l’intention
didactique et prosélytique de leur auteur, sans doute aussi parce que sa
réputation comme auteur d’un livre gaulois n’étant plus à faire, on considérait l’écriture de telles pièces comme un passe-temps de dilettante et que l’on
ne cherchait guère plus loin, même dans le monde des seiziémistes.
« Pourquoi consacrer la majeure partie de votre carrière à un auteur
mineur, une bavarde qui était sans doute frigide ? », a demandé un professeur
quand je lui ai présenté mon projet de thèse. J’y prouvais pourtant que les
conversations des devisants mettaient en scène pour nous, spectateurs/auditeurs tout comme les moines cachés derrière la haie, des tableaux vivants
qui mettaient en lumière les multiples facettes des problèmes politiques,
religieux et tout simplement humains dont Marguerite était témoin. Le
parallèle avec les pièces soi-disant profanes me semblait déjà trop évident
pour être ignoré plus longtemps. Mes recherches exposées dans Les devisants de l’Heptaméron. Dix personnages en quête d’audience2, et « La
rhétorique du silence dans le théâtre profane de Marguerite de Navarre »3,
m’ont ensuite poussée à traduire ce Théâtre profane alors peu connu aux
États-Unis, et publié en avril 19924 pour le 500e anniversaire de la naissance
de son auteur5.
Traduire un texte, surtout en vers, tout en restant fidèle à son contexte
historique, révèle au chercheur des subtilités lexicales, métriques et psycho-
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 13
logiques inattendues et ouvre de nouvelles pistes d’interprétation. Nous
avons profité des travaux de V.-L. Saulnier et de bien d’autres avant de nous
y engager sans que l’effort des chercheurs pour formuler de nouvelles
questions et découvrir de nouvelles filières ait cessé de nous inspirer ; nous
avons encore beaucoup à glaner de leurs travaux en cours.
Ma décision de traduire le théâtre profane était pragmatique : les comédies y révélaient non seulement les pensées politiques, sociales et religieuses
les plus profondes de Marguerite, mais aussi l’acuité de son didactisme. Les
personnages du théâtre populaire touchaient la corde sensible ou comique
d’un public qui comprenait leurs paroles et leurs actions et qui acceptait
aisément l’illusion de leur réalité. Ceux que Marguerite mettait en scène,
aimables ou inquiétants, paysans ou bourgeois, incultes ou érudits, princes
ou papes, sages ou fous, étaient aisément croyables non seulement parce
qu’ils s’exprimaient en français, le français de tous les jours, mais surtout
parce qu’ils révélaient des qualités et des faiblesses humaines que tous
pouvaient reconnaître en eux-mêmes ou chez les autres. Le message, social
ou religieux, cheminait subtilement vers le public séduit par le spectacle qui
en était la source ou la cause.
Il va sans dire que les comédies profanes étaient aussi plus aisées à
traduire que les quatre Comédies bibliques avec lesquelles il était clairement
nécessaire d’en comparer non seulement le message mais aussi la méthode
(infiniment plus complexe) de le communiquer au public.
II
Les Comédies bibliques suivent assez fidèlement la forme traditionnelle des
comédies sacrées, mais l’excellente édition critique publiée par Barbara
Marczuk en 20006 a rendu caduc tout travail de comparaison linguistique ou
stylistique avec les comédies profanes et prouve que nous aurions dû nous
pencher sur les comédies bibliques plus tôt et aussi minutieusement que l’a
fait Marczuk. Son travail de défrichage et d’analyse nous permet de mettre
la prosodie au second plan afin de mieux observer les personnages de
l’Ancien et du Nouveau Testament, tels que Marguerite les met en scène.
Le prosélytisme n’étant jamais absent de ses œuvres, cette tétralogie
biblique de Marguerite offrait au lecteur qui ne parlait pas latin un exemple
vivant et dialogué du Nouveau Testament mais le vœu de retourner aux
sources les plus anciennes de la foi l’a poussée à choisir avec le plus grand
soin dans l’Ancien Testament les événements tragiques qu’elle voulait
mettre en lumière.
Tout effort de prosélytiser se solde par un échec si l’auteur déroute ou
intimide son public ; on ne trouvera donc dans les comédies bibliques ni
14 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
citation latine, ni prière, ni hymne en latin : c’est en français que Dieu, les
anges, Satan et tous les personnages, du plus exalté au plus humble, grondent, prêchent, vocifèrent, prient ou chantent.
Marguerite, nous l’avons déjà noté dans ses comédies profanes, savait
aussi que les spectateurs ne seront pas séduits par une œuvre théâtrale si les
auteurs ne créent pas l’illusion que les personnages sont vrais ou tout au
moins vraisemblables. Certes, ceux de l’Ancien ou du Nouveau Testament
sont vrais pour le fidèle avant que les acteurs n’entrent en scène mais ils
doivent davantage toucher et convaincre le public. Les humbles de ses
comédies bibliques parlent donc un français aussi simple que ceux de son
théâtre profane, et ils disent sans ambages ce qu’ils pensent. Bons ou
mauvais, ils sont croyables parce qu’ils agissent ou réagissent comme le
feraient sans doute les spectateurs dans de telles circonstances. Les propos
et les questions des bergers sont aussi logiques et naturels qu’ils le sont
eux-mêmes alors qu’ils friseraient l’impolitesse ou la malice venant de
personnages plus sophistiqués. Un des bergers, un peu dérouté par l’étrangeté de l’événement de la Nativité, demande à Marie :
Vous plairoit-il par vostre humilité,
Vierge portant nom de maternité,
Noz questions en patience entendre ?
et une bergère n’hésite pas à lui parler sans détour :
Je voudrais bien sçavoir premierement,
Pourquoi au lict ne vous trouvons couchée,
Veu qu’aujourd’huy vous estes acouchée ?
Une autre, pragmatique, lui demande :
Pourquoi n’avez au moins quelque servante,
Pour vous servir d’affection ardente ?
et un berger semble trouver curieux que l’enfant ne soit pas richement vêtu :
Pourquoi n’a-t-il de beaux acoustremens
D’or et d’argent, rubys et diamans7 ?
Marguerite sait néanmoins mettre en valeur l’unique personnalité qu’elle
prête à la Vierge. Marie, calme et sereine, est présentée comme un être
humain et non divin. Épouse de Dieu, séduite de l’esprit divin, ni humble ni
coupable du cuyder, elle est douée d’une autorité inattendue et domine tous
les autres personnages, y compris Joseph.
Si le thème de ces comédies bibliques restait orthodoxe, la leçon l’était
beaucoup moins. Les libraires jurés lyonnais qui ont lu Les marguerites de
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 15
la Marguerite avant l’imprimatur n’ont pas saisi ou ont délibérément ignoré
le souffle évangélique dont elles sont imprégnées. Ils semblent aussi avoir
oublié, et ceci est surprenant, qu’il était interdit à l’époque sinon d’écrire
mais certainement d’imprimer des mystères ou des œuvres religieuses en
français8.
Une grosse erreur dont beaucoup de mes collègues et moi avons été
longtemps coupables, est qu’un mur invisible semblait séparer les recherches
sur les comédies profanes de celles sur les comédies bibliques, œuvres
distinctes mais dans lesquelles le message évangélique est clairement le
même. On parlait des unes, dont les titres annonçaient le thème sacré, ou des
autres, amusantes ou satiriques quoique toujours didactiques, mais on ne les
étudiait pas dans le même contexte socio-historique. On n’a pas assez tenu
compte du fait que la Comédie de la Nativité de Jésus Christ, la Comédie de
l’adoration des trois Roys à Jésus Christ, la Comédie des Innocents et la
Comédie du désert mettant en scène Dieu, Satan, les anges et surtout la
Vierge Marie ont été écrites alors que Marguerite écrivait aussi Le Mallade,
L’Inquisiteur, Trop, Prou, Peu, Moins et la Comédie jouée au Mont de
Marsan, une tétralogie parallèle à l’autre9, mais où Dieu, Satan et les anges
brillent par leur absence, et dans laquelle le nom de la Vierge n’est pas même
prononcé. Il nous faut réconcilier la composition à peu près simultanée de
quatre comédies bibliques dans lesquelles la satire serait incongrue, et de
quatre autres où la métaphore, le jeu de mots, le coq à l’âne, le comique de
situation ou de mots, tout contribue à satiriser ou même ridiculiser l’Église
de Rome, son luxe et ses rites, la répression religieuse, l’ignorance, la
superstition et l’ivresse du pouvoir.
Il est certain que si Marguerite avait commis l’imprudence de soumettre
les huit comédies ensemble à un éditeur, l’imprimatur aurait été refusé et le
volume, contaminé et souillé par la satire, condamné en bloc en tant que
sacrilège sinon hérétique. En effet, même si l’auteur les utilisait subtilement
pour dénoncer un mal et un danger du temps présent, les méchants, les cruels,
les criminels des comédies bibliques n’avaient plus le choix de leurs actions
puisqu’elles étaient déjà décrites et commentées dans la Bible et dans le
Nouveau Testament. Dans le théâtre profane, par contre, ce n’est que
lorsqu’ils parlent et agissent devant un public qui ne connaissait ni l’intrigue
ni les personnages avant de les voir sur scène que les personnages créés par
l’auteur peuvent devenir vrais ou vraisemblables. Le public des comédies
profanes peut aisément placer dans son propre contexte social ou religieux
ce que l’auteur satirise, ridiculise ou dénonce. Ce qu’il voit peut même
l’inviter à réfléchir et à se poser plus tard des questions auxquelles il n’avait
pas pensé auparavant, et c’est sans doute ce qu’espère Marguerite, mais il
16 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
veut d’abord savoir comment la comédie va se terminer, et il aime généralement rire.
En effet, on rit dans les quatre comédies évangéliques « profanes »10
parce que Marguerite ne se limite pas à de simples chiquenaudes dans sa
satire de ce qu’elle appelle des superstitions catholiques. Dès la première
scène de sa toute première comédie, Le Mallade11, elle frise le blasphème
aux yeux de la Faculté de Théologie quand le personnage éponyme dit qu’il
ne sait plus à quel Saint se vouer parce qu’aucun ne lui a jusqu’à présent
apporté le secours qu’il attendait d’eux :
Je ne sçay à quel sainct me rendre :
Mais à tous ensemble me voue.
[...]
Qui est celluy qui peult oster,
Comme vous dictes, tous mes maulx ?
[...]
Qui est ce sainct ? qui peult il estre ?
Je vous prie, nommez le moy12.
Sa bonne épouse offre toutes sortes de remèdes ridicules et diverses amulettes avant de suggérer des patenôtres ou même une messe, mais elle n’est
pas sotte. Le Médecin qui représente l’autorité pontificale traditionnelle n’a
aucune idée de ce qui affecte le Mallade, mais il annonce que le seul remède
est la saignée et c’est métaphoriquement ce que l’Église de Rome et le haut
clergé imposaient aux fidèles.
Le médecin sort de la chambre et la servante conseille à son maître
d’avoir simplement recours, directement, au grand maître qui sanctifie
papes et rois, Dieu seul, sans intermédiaires. Le message est clair : il s’agit
ici tant de minimiser les rites de l’Église que de rappeler au pape et aux rois
qu’ils sont les sujets du Souverain Juge. C’est pour le Mallade la grâce
fulgurante, l’expérience du divin par la foi : il se lève, guéri. À son retour,
le médecin pense immédiatement à un cas de sorcellerie dont la servante
serait évidemment coupable. Il offre néanmoins de revenir si on a besoin de
lui et empoche l’argent de sa visite en partant. Dans le cas où la vénalité du
clergé aurait échappé à l’audience, le Mallade guéri explique à sa femme
que si on lui dore les deux mains le médecin reviendra aussi souvent que
possible, car bien qu’il veuille qu’on croie en lui comme en Dieu, il n’est
qu’un homme, et Dieu seul donne la foi qui l’a guéri.
Plus audacieuse encore est l’Inquisiteur13, où Marguerite satirise Noël
Béda qui, en 1533, avait mis à l’index son Miroir de l’âme pécheresse. On
reconnaît les protégés de Marguerite dans les Enfant dont les répliques
apparemment innocentes font allusion aux Saintes-Écritures mais que l’In-
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 17
quisiteur ne comprend pas. Ils se moquent de son élégance, veulent savoir
pourquoi il est tonsuré et porte des vêtements si riches, car rien dans les
Saintes-Écritures ne suggère un tel luxe, et ils mentionnent comme par
hasard un papegault qui parle constamment pour ne rien dire ; bien sûr si
c’est un perroquet pour certains c’est aussi, nous le savons, le pape pour
l’Évangélique Rabelais. Quand l’Inquisiteur menace de battre les Enfans
pour les empêcher de parler, ils chantent le troisième psaume « Domine,
quam multiplicati sunt, qui tribulant me » dans la traduction de Marot14
avant de se réfugier dans le silence prudent de sons et non de mots, le doigt
sur la bouche : « Hons ! hons ! », « Hons, hons, hons, hons ! », et enfin
« Cza »15. Finalement, dans une note d’espoir de la part de Marguerite, cet
homme vain, avare, violent et ivre de pouvoir sera converti aussi spontanément que l’avait été le Mallade, mais l’auteur ne peut s’empêcher de nous
faire un clin d’œil en lui faisant chanter en chœur avec les Enfans, lorsqu’ils
quittent la scène, le cantique de Siméon dans la traduction de son protégé
Bonaventure des Périers16.
S’il avait existé un moyen plus simple et pragmatique que le théâtre
populaire et le contrefactum de propager le message évangélique, Marguerite l’aurait sans doute utilisé. Ce qu’on ne souligne pas assez, c’est qu’elle
ose exprimer dans ses comédies une hérésie irrévocable pour l’Église de
Rome. La gratuité absolue du don de la grâce et la justification par la foi,
éléments indispensables du message évangélique, sont clairement exposées
dans toute son œuvre, quel qu’en soit le genre. Simples leçons irréfutables
dans le théâtre biblique puisqu’elles sont inspirées des Saintes-Écritures
(Marie et Joseph n’éprouvent de doutes à aucun moment), c’est souvent dans
un climat hostile qu’elles éclatent de vérité et prosélytisent dans les comédies profanes. Dans les unes comme dans les autres, il n’est pas nécessaire
de les expliquer. Les comédies profanes proclament pour tous que le salut
éternel accordé aux simples et aux enfants est accessible à tout pécheur qui,
s’ouvrant directement à Dieu, éprouve cet instant d’épiphanie, la grâce
foudroyante qui le transforme et lui rend son innocence. Il existe néanmoins
une certaine confusion quant au concept de l’innocence des enfants et des
simples. Peut-on y lire la suggestion que le péché originel peut être effacé
sans le sacrement du baptême ? Cette hypothèse est tentante. Il n’en reste
pas moins que, soit par respect des traditions, soit que Marguerite ait
considéré ce sacrement indispensable, le prince Jean et la princesse Jeanne
de Navarre seront baptisés, comme le seront plus tard les enfants de cette
dernière. La leçon de Marguerite, si leçon il y a, est simple : nous tenons de
nos ancêtres Adam et Eve qui, « tous deux nus n’avaient pas honte l’un
devant l’autre » (Genèse 2 : 25), donc innocents avant de succomber à la
tentation, l’humanité et la vulnérabilité qui nous ont écartés de la familiarité
18 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
avec Dieu mais qui nous rapprochent aussi de lui. Saint Paul a souligné tant
la solidarité de tous en Adam pécheur que la solidarité de tous dans le Christ
sauveur, ajoute Marguerite, et nous devons sincèrement désirer la grâce
souveraine donnée aux élus. Certes, le corps, source de nos tentations, est fait
de boue mais il est l’instrument de l’âme et nous devons le respecter, conscients
qu’il est la cause du péché qui le souille et qui nous sépare de Dieu. Ce n’est
que par le Christ « qui vit en nous » que nous trouverons le salut.
Une certaine ambiguïté persiste néanmoins si le baptême seul nous absout
du péché originel et donne la vie spirituelle, car bien qu’elle ne les mentionne
pas dans ses comédies, Marguerite n’exclut pas des élus les philosophes qui ont
vécu avant l’ère chrétienne, particulièrement Platon et surtout Plotinus grâce à
sa lecture de Ficin dont les idées l’ont profondément influencée.
Le Christ vit en nous, affirme-t-elle, et si nos prières sont sincères et
désintéressées. Il nous entendra car Il reste une présence en ceux qui croient
en lui, Il est de plus indéniable pour elle que si nous avons la foi en Christ
à qui nous confessons nos péchés d’un cœur sincère, confiants dans l’espoir
de rédemption que nous donne la Foi, la souillure du péché n’est pas
irrémédiable. Lavé des péchés qu’il a humblement confessés, le fidèle
désirera ardemment ne pas retomber dans l’erreur, sachant néanmoins que
la grâce souveraine n’est donnée qu’aux élus. Le public le plus simple
pouvait aisément comprendre son message : le Christ qui vit en nous entend
notre confession sincère ; il sait qu’en dépit de notre repentir et de notre
volonté de résister à la tentation, nous resterons pécheurs, mais la foi nous
donne l’espoir de mériter le salut.
Ce que Marguerite ne dit pas mais invite le public à comprendre, est
que la confession du pécheur à un tiers, pécheur lui-même, n’est plus
nécessaire et que la communion eucharistique, sans laquelle le salut était
inconcevable pour l’Église romaine, cesse alors d’être un sacrement pour
devenir un rite.
Marguerite ne se comptera jamais parmi les élus, mais elle en imagine
plusieurs sous diverses formes dans son théâtre. Armés d’une innocence dont
ils ne sont pas conscients, les enfants, la Bergère de la Comédie jouée au
Mont de Marsan et la Vierge Marie des comédies bibliques sont parmi les
élus et n’ont aucune notion du péché. Le pécheur contrit et sincère peut
néanmoins connaître cette épiphanie instantanée et souvent inattendue de la
grâce qui lui rend son innocence perdue. Pourtant, nous trouvons déjà en
1536 un exemple de pré-disposition à la conversion ou un glissement vers
elle avant d’entendre le message évangélique, donc antérieurs à cette soif de
grâce non encore ressentie ou reconnue. Le Varlet avait longtemps toléré ou
même été complice des méfaits de l’Inquisiteur, mais dès que celui-ci
commence à harceler les Enfans, il prend leur défense. Lorsqu’il dit que Dieu
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 19
veille sur les enfants parce qu’ils sont innocents, son maître le bat et il lui
demande pourquoi « puisqu’il n’a rien fait de mal ». Faisant preuve de
compassion et même de courage puisqu’il risque d’être encore battu, il n’en
continue pas moins à protéger les Enfans de la hargne de son maître. Il fera
donc l’expérience de la grâce avant la conversion foudroyante de l’Inquisiteur qu’il encourage à suivre les jeunes innocents. Il est permis de penser
que Marguerite souffrait de cette soif de la grâce qu’elle accordait aux
personnages de son théâtre, et même aux méchants.
Il est certain que le prosélytisme de Marguerite était mal vu à la Cour
et qu’on en parlait de plus en plus fréquemment, jusqu’à suggérer au
monarque qu’elle était luthérienne. En effet, bien qu’il sache qu’elle s’abstiendra de tout acte qui nuirait au bon ordre, le roi de France entretient
désormais des relations moins cordiales avec sa sœur à ce point que celle-ci
doit faire preuve de prudence. Le Médecin du Mallade avait suggéré la
saignée mais il existe alors une autre forme de saignée, la saignée spirituelle,
l’abjuration à laquelle Briçonnait succombera mais que Lefèvre, choisissant
l’exil, refusera, et à laquelle Marot se soumettra pour revenir en France.
N’oublions pas que Berquin, protégé de Marguerite, avait été brûlé en 1529
pour avoir refusé de renier sa Brève admonition de la manière de prier. Après
s’être prudemment abstenue d’écrire des satires religieuses pendant environ
huit ans, et l’hypothèse que c’est pendant ce hiatus qu’elle a écrit ses
Comédies bibliques est fort tentante, Marguerite en écrira deux.
Dans la Comédie jouée au Mont de Marsan17, la Mondainne ne se
préoccupe pas du salut éternel. Totalement amorale, elle n’est coupable de
rien sinon de négliger son âme. Jeune et belle, elle ne pense qu’à son corps,
au plaisir qu’elle éprouve à le contempler et l’idée de la mort lui fait horreur.
Quant à la Supersticieuse, ce sont les rites et non la foi qu’elle personnifie.
Elle punit son corps afin de mériter ou de gagner le salut éternel, jeûne, récite
des prières par centaines, fait des pèlerinages et ce qu’elle considère de
bonnes œuvres (les uns comme les autres déjà discrédités dans Le miroir de
l’âme pécheresse), et se juge bonne chrétienne. Elle est aussi coupable du
cuyder et manque de compassion envers ses compagnes. La Sage, le personnage le plus proche de Marguerite, donnera à la Mondainne et à la Superstitieuse
la clé de leur salut, une Bible qu’elles s’engagent à lire quotidiennement.
Intelligente et compatissante, elle trouve la source de sa force et de sa foi
dans les Saintes-Écritures, ne néglige ni son corps ni son âme, et tente d’aider
sans les juger celles qui se sont écartées du droit chemin. Elle préconise une
harmonie entre le corps et l’âme, une vie aussi vertueuse que possible, la foi
intériorisée et la lecture des Saintes-Écritures qui rend superflus la plupart
des rites de l’Église. Mais Marguerite fait d’une bergère, la Ravie de l’amour
de Dieu, un écho de chaque phrase utilisée par Calvin pour dénigrer le
20 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
vocabulaire des libertins. L’euphorie rayonnante de la Bergère et son
détachement du monde matériel déroutent d’ailleurs la Sage à un tel point
qu’elle sera un moment tentée de la condamner ou de la penser folle ; cela
n’empêche Marguerite de la placer parmi les élus. Il serait aussi illogique
de donner une Bible à la Ravie, si séduite par l’amant divin que le monde
terrestre ne compte plus pour elle, qu’il eût été incongru d’en donner une à
la Vierge Marie18. Marguerite ne semble hélas pas avoir connu elle-même
cette extase de l’union mystique avec Dieu qu’elle accorde aux élus, mais
nous serons cependant témoins de l’expérience silencieuse de la grâce divine
par la Ravie, indiquée par un espace dramatique entre les vers 1011 et 1012.
Dans Trop, Prou, Peu, Moins19, la satire est plus audacieuse. Il n’était
pas question de publier cette « farce » quand Marguerite l’a écrite, mais si
les libraires-jurés avaient soulevé des objections quand elle l’a placée dans
la Suyte des marguerites de la Marguerite, elle aurait pu répondre que deux
personnages de cette farce sont des sots et des fous puisqu’ils font des
pirouettes, parlent pour ne rien dire, et rient sans raison à en perdre le souffle
alors que les deux autres ne savent s’ils doivent se réjouir ou se lamenter.
Trop et Prou honorent Mammon et, outre leur attachement excessif au luxe
et à la gloire, ils aiment le pouvoir dont ils jouissent. Ils sont aussi, tout
comme l’était l’Inquisiteur, fourbes et cruels. Marguerite ose donc donner à
ces deux personnages dans lesquels on a reconnu, respectivement, le pape
ou l’Église romaine et l’Empereur Charles-Quint20 de longues oreilles d’âne
qui s’échappent des chapeaux, bonnets, couronnes, mitres et autres couvrechefs sous lesquels ils tentent de les cacher. En revanche, les cornes (spirituelles) qui percent le chapeau de Peu et de Moins protègent ceux-ci et leur
donnent la joie et la sérénité qui les distinguent des puissants. Peu est berger,
Moins un travailleur des champs. Ils ne possèdent rien, mais font preuve du
plus grand détachement des biens matériels. Fous et pauvres aux yeux du
monde, ils sont sages et riches parce qu’ils ont la foi. La compassion les
pousse plusieurs fois à tenter d’aider Trop et Prou, mais ceux-ci resteront
sourds au message divin.
Cette comédie complexe est sans doute délibérément obscure. Outre
son obligatoire message évangélique et sa satire pointue des superstitions et
des excès de l’Église de Rome et de ses alliés, elle cache de nombreuses
allusions aux protégés de Marguerite accusés d’hérésie et réduits au silence
de l’exil ou hélas, déjà condamnés à une mort violente. Tout comme les
Enfans dans l’Inquisiteur ou la Ravie dans Mont de Marsan, Peu et Moins
expriment la joie et l’allégresse que leur donne la foi : « Tout nous est bon,
tout nous est beau »21.
C’est à ce point dans cette œuvre qu’un subtil coup de théâtre, écho de
la débâcle du cercle de Meaux et des atrocités de la répression, impensable
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 21
huit ans auparavant quand Marguerite écrivait l’Inquisiteur dont la fin
reflétait son espoir de conciliation, change tout. Les élus et les méchants
convertis ne quittent pas la scène ensemble en chantant un psaume. Peu et
Moins, les purs, les bons, représentants parfaits de l’Évangélisme de Marguerite, dont la Foi est inébranlable, comprennent à ce moment précis de la
comédie que leurs efforts ont échoué. C’est Peu qui, le premier, le dit : « Les
grands oreilles d’Animal »22 resteront fermées au message de leur corne,
que Trop et Prou ont refusé d’écouter dès qu’ils le trouvaient pénible. Alors
que les Enfans et le Varlet de l’Inquisiteur après sa conversion n’éprouvaient
aucune crainte, la situation de Peu et Moins est hélas différente. Ils ont
compris que le silence ou l’exil sont désormais pour eux les seuls choix
possibles car les puissants sont sourds à leur message. Ils ne craignent pas
la mort mais se savent en danger. Moins dit prudemment à son compagnon :
« Allons, à fin de ne fascher / Eux, ne les autres, ne nous mesmes »23. Ils
quittent la scène, pleins de courage, mais conscient du risque qu’ils courent :
Gentes cornes de nostre front,
Allons nous reposer ensemble24.
C’est Peu qui, de nouveau, dans la dernière réplique, avertit son compagnon :
Allons, que le temps ne nous emble25.
Il suggère aussi que le temps presse mais que coûte que coûte, ils vont
poursuivre leur mission évangélique, comme le fait Marguerite.
Certes, celle-ci n’a jamais vacillé dans son prosélytisme, mais il est
difficile de ne pas voir dans Trop, Prou, Peu, Moins, la Comédie des
Innocents26 et la Comédie du désert27 une grande similitude de pensée et
d’émotions et une certaine résignation fort troublantes. Le départ vers l’exil,
le danger dont les personnages sont conscients, leur choix de persévérer dans
le chemin qu’ils ont choisi, enfin, le massacre des Innocents reflètent une
étape dans l’itinéraire religieux et politique de Marguerite qui ne peut être
une coïncidence. Dieu prononce les derniers vers après le massacre des
Innocents, mais le chœur chante que ce n’est pas leur sang qui les purifie :
Si n’est ce nostre sang
Qui nous rend chacun blanc,
Nettoyant noz estolles.
C’est le sang de l’Agneau
Qui rend l’homme nouveau
S’il croit en ses paroles.
Mais nous ne croyans rien
Avons receu ce bien
Par liberale grace28.
22 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
et s’achève ainsi :
Qu’un chacun le recorde
Qu’a nous Innocents fait
Le Seigneur tout parfait
Par sa misericorde29.
Aux vers 1455 à 1463 de la Comédie du désert, la Vierge Marie se fait l’écho
des paroles prudentes de Peu et de Moins lors de leur départ. Prête comme
ils l’étaient au sacrifice ultime mais néanmoins consciente du rôle qu’elle
doit jouer, elle se doit, comme ils l’étaient, de se reposer en lieu sûr et de se
placer sous la protection divine :
Fussent les Roys à mille millions,
Celuy qui clost la bouche aux fiers Lions,
Leur ostera en un moment leur force,
Mais s’il luy plaist que pour luy nous souffrons,
Cœur et racine à ce grand Dieu offrons,
Sans espargner fleur, fruit, branche, ou escorce ;
Mais au danger ne se fault exposer,
Parquoy vault mieux en ce lieu reposer,
Car Dieu pour nous sçaura tresbien veiller.
La conclusion s’impose qu’en dépit des robes différentes dont Marguerite
les a vêtues, les comédies (bibliques ou profanes) de Marguerite de Navarre
reflètent ses préoccupations et ses angoisses bien légitimes au moment où
elle les a écrites. Il convient donc à ce point d’étudier l’auteur elle-même et
le contexte socio-historique dans lequel elle vivait, et le rôle qu’elle y a joué
alors qu’elle composait ses comédies d’inspiration religieuse.
III
Après l’Affaire des Placards de 1534, Marguerite ne jouissait que sporadiquement du pouvoir qu’elle avait eu à la Cour, mais il nous faut insister sur le
point que jusqu’à la fin de sa vie elle n’a jamais abandonné la mission
évangélique qui lui incombait. Érasme, Luther, Briçonnet et Lefèvre d’Étaples avaient posé dès 1520 les jalons du chemin sur lequel elle allait
s’engager, qui était de propager les Saintes-Écritures, intérioriser la foi,
minimiser les rites de l’Église, et poursuivre une réforme à la tête de l’Église.
Il lui fallait jouer deux rôles ou donner deux images d’elle-même, d’où le
titre de cette étude, Marguerite, Janus évangélique. Si elle était ondoyante,
c’est qu’il lui fallait l’être, et je n’en citerai que quelques exemples. Marguerite, Reine de Navarre, refuse d’assister à un banquet en l’honneur
d’Anne Boleyn alors maîtresse d’Henri VIII, mais c’est à celle-ci qu’elle
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 23
envoie son protégé Nicolas de Bourbon, disciple de Luther, lorsque la vie
de ce dernier est en danger30, et qu’elle nommera tuteur de Jeanne d’Albret
dès son retour d’exil.
En 1539, l’année où son aumônier Jean Michel est brûlé au bucher,
Marguerite (qui renie le culte des saints) se rend à Lyon sur l’ordre de son
frère afin d’être vue à une cérémonie en l’honneur de Saint Martin. Lors de
cette démonstration publique d’orthodoxie, elle est accompagnée par le fort
suspect Bonaventure des Périers. De plus, en dépit de l’ordre de détruire
toute œuvre mise à l’index, elle gardera dans sa bibliothèque toutes les
œuvres de ce dernier après son suicide ou son assassinat, et nous penchons
(sans preuves, hélas), vers cette seconde hypothèse.
C’est pendant qu’elle écrit Trop, Prou, Peu, Moins, où elle donne au
pape des oreilles d’âne, qu’elle écrit à Paul III pour lui rappeler sa fidèle
amitié et l’affection de la Maison de Navarre pour lui, et qu’elle lui recommande son protégé M. de Rodez (Georges d’Armagnac, Ambassadeur de
France à Rome de 1540 à 1545) pour le cardinalat. Paul III acquiescera à sa
demande.
En dépit de ses efforts en leur faveur, elle n’a pu sauver Berquin en
1529 ou Dolet en 1546, et si elle semble avoir cessé de protéger Marot,
persona non grata à Genève ou en France, elle en a sauvé beaucoup d’autres
sous le manteau ou lorsqu’elle pouvait le faire en toute impunité. En 1547,
alors qu’elle siège au chœur de la cathédrale de la ville d’Auch en qualité
de chanoine, elle obtient qu’on libère le neveu de Melanchthon, soupçonné
de calvinisme, qui part immédiatement pour Genève.
De 1535 à 1547 elle défie l’interdiction du Parlement non seulement
d’imprimer, mais aussi d’écrire des mystères et des œuvres religieuses en
français et elle en compose huit, dont plusieurs seront jouées, on le sait, devant
un public restreint. Pendant qu’elle écrit ses comédies, ses Chansons spirituelles et bien d’autres œuvres qui auraient été immédiatement mises à l’index,
elle ne cesse d’aider par tous les moyens possibles la cause évangélique. Pour
ce faire, il lui faut cacher son jeu, et c’est en ne publiant aucune de ses propres
œuvres évangéliques qu’elle y réussira. Son protégé Rabelais s’était longtemps
dissimulé derrière Alcofribas Nasier, mais tout contact de Marguerite avec les
imprimeurs français ou tout pseudonyme aurait été découvert par les espions
du Parlement. Jonathan Reid, un jeune collègue brillant, dont la thèse de
doctorat, King’s Sister, Queen of Dissent: Marguerite de Navarre and Her
Evangelical Network31, devrait paraître prochainement, m’a généreusement
fourni les données suivantes que je cite avec sa permission.
24 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
IV
À partir de 1520, la censure et la persécution rendaient extrêmement difficile, et à partir de 1535 presque impossible pour les Évangéliques de publier
leurs œuvres. Les imprimeries craignaient tant les mécanismes de censure
et de répression, sans mentionner le bûcher, que seulement trois manuscrits
sur les 40 cités dans l’énorme correspondance des Évangéliques furent
publiés en 1525–26. Les solides recherches de Reid l’ont mené à affirmer
que c’est sous l’égide de Marguerite que le cercle de Meaux32 et ceux qui
s’y étaient associés ont établi les premières presses évangéliques en France.
En janvier 1524, Lefèvre répond à une lettre de Farel (alors à Bâle) et lui
apprend qu’après son départ, ils ont distribué l’édition complète en français
du Nouveau Testament à un public séculier « qui avait grand soif de lire et
d’entendre la parole divine »33.
Après 1525, 25 des 29 livres évangéliques imprimés en France sont
sortis de presses subventionnées ou protégées par Marguerite et son cercle.
Parmi ces œuvres, presque toutes publiées sans nom d’auteur, on trouve des
traductions de textes de Luther et de Melanchthon. Parmi les imprimeurs,
citons Augereau et Du Bois en France, Lempereur à Anvers, Colines (clandestin, sans doute) à Lyon34. Un vaste réseau de plus de deux cents membres
de la Cour, diplomates, prélats, humanistes, poètes et auteurs, a organisé en
1520 et soutenu jusqu’en 1550 les multiples branches d’un mouvement de
promotion de l’Évangélisme en France. En dépit des risques courus, 450
éditions de 200 œuvres évangéliques sont sorties de presses françaises dans
la sphère d’influence de Marguerite.
En 1524, Marguerite inquiète conseille soudain à Lefèvre de ne pas
publier le commentaire sur les Épîtres qu’il avait dédié au Chancelier Du
Prat dans un but de conciliation. Il ne le publiera donc qu’en 1527, et non
pas à Paris mais à Bâle. Après 1530, le nombre de publications évangéliques
en France continue à baisser et plus encore avec la mort de Simon Du Bois,
Martin Lempereur et Antoine Augereau. Roussel, aumônier de Marguerite, était
l’un des auteurs les plus prolifiques de l’époque, mais ses textes fort connus et
cités de mémoire dans des lettres ne circulaient que sous forme manuscrite, et
si quelques-uns ont réussi à être imprimés, aucun n’a survécu35.
N’oublions pas que Marguerite n’a publié pendant la vie de sa mère
aucune des œuvres spirituelles qu’elle a sans doute commencé à écrire avant
1524. Louise meurt en 1530 et quelques mois plus tard Simon Du Bois publie
à Alençon Le miroir de l’âme pécheresse36.
Si les auteurs évangéliques n’étaient pas imprimés, les poètes de l’entourage de Marguerite l’étaient, et les presses de Lyon, plus libérales que
celles de Paris, publiaient leurs œuvres profanes bien que des thèmes
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 25
religieux y soient suggérés sinon exprimés. Berquin, Des Périers, Dolet,
Rabelais, Marot et Nicolas de Bourbon parmi tant d’autres, furent bientôt
accusés de sédition ou même d’être luthériens. En 1542, juste avant de partir
en exil pour la seconde fois, Marot recommande la dissimulation et le
silence, et il ajoute qu’il prend le bonnet à oreilles, c’est-à-dire qu’il jouera
désormais le sot ou le fou37. Dans cette Épître du Coq à l’Asne à Lyon
(Jamet) il fait une allusion directe à Marguerite, réduite au silence : « Que
fera l’âme pécheresse ? / Je croy qu’elle est en grand distresse / Que son
Miroir est deffendu »38.
C’est néanmoins la prédication qui, dès 1521, reste l’instrument majeur
du programme de réforme du cercle de Meaux. En 1524, Briçonnet prend
un peu de recul lorsque Marguerite invite Michel d’Arande à prêcher à
Bourges pendant le carême, tandis que Gérard Roussel, Pierre de Sébiville
et Aimé Meigret continuent à le faire. Les lettres qu’ils échangent louent
Marguerite pour la protection qu’elle leur accorde alors qu’on les menace.
Dès avril mais surtout en août 1524, quand Louise de Savoie est régente, la
Faculté de Théologie demande copie de tous leurs sermons et le Parlement
s’en saisit. En décembre, alors que Marguerite réside à Lyon avec la Cour,
la plupart des prédicateurs évangéliques sont arrêtés puis relâchés grâce à
« quelque personne amie », peut-être Antoine Papillon, membre du Grand
Conseil du Roi, qui est leur allié, mais on interdit à Sébiville de prêcher à
Lyon et à Meigret de prêcher à Grenoble. Une lettre de Sébiville du 28
décembre 1524 à Anémond de Coct à Zurich lui apprend que ceux qui restent
du groupe évangélique persécuté se sont réunis à Lyon autour de la Duchesse
d’Alençon sous la direction de trois d’entre eux outre lui-même : Michel
d’Arande, Jacques Groslot, bailli d’Orléans, et Pierre Amy39. Bien qu’accusé d’hérésie, Meigret est invité (peut-être par Marguerite) à prêcher pour
l’Avant à Lyon, et bien que l’interdiction de prêcher n’ait été que pour la
ville de Grenoble, Louise de Savoie le fait immédiatement arrêter. À la fin
décembre 1524, le Pape écrira à Louise et la félicitera « d’avoir donné ce
prêcheur luthérien en exemple pour ses corréligionnaires hérétiques ». Le
cas Meigret est alors transféré du tribunal de l’archevêché de Lyon à une
Commission spéciale créée à Paris et composée de deux membres de la
Faculté de Théologie et de deux membres du Parlement. En avril 1525, avec
l’accord enthousiaste du Parlement, Louise et le Chancelier Du Prat demanderont au Pape d’élever cette commission au rang de Tribunal inquisitoire
permanent. Le Pape accèdera à leur requête le 20 mai 152540, et pendant les
deux années suivantes, ce tribunal initié par Louise de Savoie poursuivra
l’hérésie avec vigueur. À Meaux, Briçonnet, alarmé sinon effrayé, tente de
brider l’enthousiasme évangélique du peuple. Lorsqu’on trouve à Meaux des
pamphlets déclarant que le Pape n’a aucun pouvoir sur les fidèles, Briçonnet
26 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
coopère avec le Parlement de Paris. Sous peine d’excommunication il force
la dénonciation de neuf artisans qui seront battus, marqués au front au fer
rouge et bannis. En octobre 1525, le Parlement de Paris fait transférer une
dizaine de bourgeois évangéliques accusés d’hérésie de la prison épiscopale
de Meaux à Paris, et intente un acte d’accusation pour hérésie de Caroli,
Mazurier, Roussel, Prévost, Mangin et Lefèvre d’Étaples. Briçonnet est cité
à comparaître devant la Cour, et Louise de Savoie y fait amener Michel
d’Arande, aumônier de sa fille, pour interrogatoire41.
Il nous est maintenant plus facile de comprendre pourquoi Marguerite
doit faire preuve de prudence. Il lui faut dissimuler le rôle qu’elle a joué et
continue à jouer pour la diffusion d’un Évangélisme qui suit dans ses grandes
lignes l’organisation luthérienne : Farel est le lien avec Luther, Melanchthon, Oecolampade, Pelikan et Hugewald entre autres. Elle s’abstient de
publier des œuvres d’inspiration évangélique qui forceraient sa mère à sévir,
et se garde d’exprimer ouvertement sa foi peu orthodoxe. Bien qu’elle ne
puisse ouvertement abandonner la religion catholique romaine et n’ait
peut-être pas l’intention de le faire, beaucoup à la Cour et ailleurs sont au
courant de ses contacts épistolaires non seulement avec les Français exilés
mais aussi avec des prédicateurs et des auteurs français et étrangers dont les
œuvres ont déjà été mises à l’index.
Ce n’est que grâce au silence de l’auto-censure que Marguerite peut
servir la cause évangélique, et elle n’est donc ni oisive ni perdue dans le
mysticisme où on insiste à la voir. Un simple coup d’œil à la liste de ses
œuvres confirme qu’elle écrit quotidiennement et plus que jamais. Quand le
mouvement évangélique est effectivement démantelé en France, Nérac et
Pau restent d’ailleurs un asile bien connu pour les anciens du cercle de
Meaux, les bannis, les exilés volontaires.
La Coche42, œuvre inoffensive dédiée à Mme d’Étampes et livrée aux
copistes le ler décembre 1541, révèle le découragement de Marguerite, mais
on y perçoit une certaine ironie et un refus d’inaction. En 1542, sa Comédie
des quatre femmes, où elle avertit les maris infidèles ou jaloux que les
femmes peuvent se venger, est jouée à la Cour devant François Ier et le
cardinal de Tournon. Elle ne peut résister à y inclure une réplique passée
jusqu’à présent inaperçue : après le salut au roi à la fin de la comédie, la
Vieille, qui vient de donner aux dames mal mariées des conseils moralement
inacceptables, dit au vieillard « Ce que je leur ai dit est vrai comme la
messe » et ajoute qu’à sa grande surprise elles ont refusé de la croire43.
Les notes marginales de jeux de scène confirment que la Comédie jouée
au Mont de Marsan et plusieurs de ses comédies ont été représentées devant
un public, tout restreint ou complice qu’il ait été. Dans ses comédies
bibliques, en revanche, on ne trouve aucun jeu de scène et les personnages
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 27
annoncent eux-mêmes leur arrivée, leur départ, ou ce qu’ils vont faire, ce
qui suggère que Marguerite n’avait pas l’intention de les faire représenter
sur scène. Son théâtre est donc longtemps resté ignoré du grand public, mais
grâce à ses contrefacta44 et aux lettres de ses protégés, son message se faisait
entendre en France, à Genève, à Anvers, à Londres et ailleurs bien avant
d’être imprimé. Il n’était certes pas question qu’elle publie une œuvre dont
la majeure partie sentait le fagot. Les auteurs de textes évangéliques qui
résidaient en France ont donc, comme elle, délibérément censuré leurs
œuvres pour éviter l’accusation d’hérésie, et leur voix, « de l’autre côté du
silence », leur permettait de continuer à promouvoir le réformisme. Calvin
lui-même, dans sa lettre à Marguerite d’avril 154545, loue son courage et son
service du Christ dans le passé comme au temps présent.
J’oserai cependant suggérer que les œuvres incluses dans Les marguerites de la Marguerite seraient peut-être longtemps restées manuscrites si
Rabelais, le protégé de Marguerite, ne l’avait affectueusement mise au défi.
C’est grâce à elle qu’il avait obtenu l’imprimatur pour son Tiers livre, et
dans le dizain dédicatoire de 1546, il s’adresse non au corps mais à l’esprit
évangélique et au prosélytisme de Marguerite quand il l’exhorte à sortir de
son silence : « Voudrais-tu poinct faire quelque sortie de ton manoir divin,
perpétuel ? (et ça bas voir une tierce partie des faicts joyeux du bon Pantagruel) »46. Marguerite relèvera le gant. Bien qu’il lui soit prudent d’élaguer
une grande partie de son œuvre énorme, Marguerite soumettra en 1547 Les
marguerites de la Marguerite des princesses, puis la suyte des marguerites
à ses éditeurs lyonnais. Parmi des épîtres anodines charmantes, elle y
insèrera la Complainte d’un détenu prisonnier, des oraisons et des méditations qu’il serait impossible de lire sans y trouver l’incorruptible message
du cercle de Meaux. Si les libraires-jurés lyonnais ont lu entre autres Trop,
Prou, Peu, Moins, la Comédie jouée au Mont de Marsan et les quatre
comédies bibliques, ils semblent n’y avoir rien trouvé de répréhensible.
Étaient-ils plus ouverts d’esprit que leurs collègues parisiens ou ont-ils vu
en ce recueil, eux aussi, un passe-temps royal de peu d’importance ? Certes,
l’ambiguïté du titre Les marguerites de la Marguerite des princesses surprend. Il manque d’humilité si nous y lisons Les perles de la perle des
princesses, et il est trop modeste s’il s’agit de fleurettes. Compare-t-elle son
œuvre aux fleurs sauvages qui ne jouissent pas du prestige de la rose ou du
lys ? Selon Littré, des « marguerites » sont un recueil de compliments en
vers d’un style fleuri et recherché, une collection de fleurettes sans grande
importance sinon un désir de plaire au lecteur. Que ce soit au XVIe siècle
ou en 2004, tout auteur qui édite une anthologie de ses œuvres choisit celles
qu’il pense être les meilleures ou les plus importantes, et n’a aucune raison
d’y mettre celles qu’il considère négligeables. La Marguerite des princesses,
28 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
tresillustre Royne de Navarre a soigneusement placé dans ce florilège ce
qu’elle voulait ou tout au moins pouvait laisser à la postérité. Elle y joue sur
le nom de l’auteur, qui est non pas une simple femme écrivain, une simple
fleur sauvage, mais la Perle des Princesses qui est aussi royne de Navarre.
C’est donc de nouveau Marguerite/Janus qui, avec une fausse humilité, nous
rappelle qui elle est alors qu’elle offre les perles qu’elle juge digne d’elle,
et ceci n’est pas sans risques. Elle rappelle donc à la Faculté de Théologie
et au Parlement qu’elle est de sang royal, car les comédies incluses dans ce
testament littéraire et religieux affirment la foi évangélique qui l’avait inspirée
pendant la plus grande partie de sa vie et dont elle ne s’éloignera pas.
Agnes Scott College
Notes
1. Marguerite de Navarre, Théâtre profane, éd. Verdun-Louis Saulnier, Paris, Droz, 1946 ;
2e éd. Genève, Droz/Paris, Minard, 1963 ; rééd. Genève, Droz, 1978.
2. Régine Reynolds, Washington, DC, University Press of America, 1977.
3 The Sixteenth Century Journal, t. 17, n° 1, 1986, p. 17–31.
4. Marguerite of Angoulême, Duchess of Alençon and of Berri, Queen of Navarre, Théâtre
profane, translated with an introduction and notes by Régine Reynolds-Cornell, Coll.
« Carleton Renaissance Plays in Translation », 25, Ottawa, Dovehouse Editions, 1992.
5. Pour les actes de ce Colloque organisé les 13 et 14 avril 1992 sur le campus de Agnes Scott
College à Decatur, Géorgie, aux États-Unis, voir International Colloquium Celebrating the
500th Anniversary of the Birth of Marguerite de Navarre, Birmingham, AL, Summa, 1995.
6. Marguerite de Navarre, Les comédies bibliques, éd. Barbara Marczuk avec la collaboration
de Beata Skrzeszewska et Piotr Tylus, Genève, Droz, 2000.
7. Comédie de la Nativité de Jésus Christ, Comédies bibliques, éd. cit., p. 75–148, v. 840–42,
845–47, 874–75, 862–63.
8. L’édit du Parlement du 1er juillet 1542 plaçait les imprimeurs et les libraires sous la
surveillance de la Faculté de Théologie de Paris. Les registres de la Faculté attestent que le
Parlement lui envoyait des livres à étudier mais François Ier continuait à protéger Robert
Estienne qui avait publié diverses éditions de la Bible condamnées par les théologiens de
Louvain en 1545. À la mort du roi, un édit de Henri II « ordonne, inhibe et défend [...]
aucuns imprimeurs ny libraires n’ayent sous peine de confiscation de corps et de biens à
imprimer ou faire imprimer, ne vendre et publier, ou faire vendre et publier aucuns livres
concernans la saincte Escriture [...] que premièrement ils n’ayent esté veux, visitez et
examinez de la Faculté de Théologie de Paris. Et d’avantage, qu’aucunes personnes, de
quelque qualité et condition qu’ils soient, n’ayent à tenir en leur possession aucuns livres
mentionnés au catalogue des livres réprouvez par ladite faculté de Théologie » (Index de
l’Université de Paris [de 1544 à 1556], éd. J. M. de Bujanda, Sherbrook, Qué., Centre
d’Études de la Renaissance, Genève, Droz, 1985, p. 70–72).
9. Barbara Marczuk suggère les dates de 1530 à 1540 pour la composition des quatre Comédies
bibliques. Nous doutons cependant que Marguerite ait écrit pour le théâtre avant 1535 et
les dates 1535 ou 1536 à 1546 nous semblent plus convaincantes. La Comédie jouée au
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 29
Mont de Marsan, quatrième dans notre tétralogie de comédies profanes d’inspiration
religieuse n’a été achevée qu’au début de 1548.
10. V.-L. Saulnier a arbitrairement choisi le titre de « Théâtre profane » lorsqu’il a publié les sept
comédies de ce recueil dont cinq (Le Mallade, L’Inquisiteur, la Comédie sur le trépas du
Roy, la Comédie jouée au Mont de Marsan et la Comédie du parfait amant) étaient inédites
et reproduites des manuscrits 12485, 24298 et 883 de la Bibliothèque Nationale. Les quatre
comédies bibliques, la Comédie des quatre femmes et Trop, Prou, Peu, Moins avaient été
publiées dans l’édition de 1547 des Marguerites de la Marguerite des princesses.
11. Le Mallade, Théâtre profane, éd. cit., p. 3–33.
12. Ibid., v. 61–62, 65–66, 73–74.
13. L’Inquisiteur, Théâtre profane, éd. cit., p. 35–81.
14. Ibid., v. 283–88, 294–96, 298–300, 303–5, 308–10, 315–17, 320–22, 330–32, 335–37,
340–42, 345–47, 350–52, 354–56, 359–61, 363–65.
15. Ibid., v. 388, 390, 433. « Cza » est un geste encore commun en France, et peut-être dans
d’autres pays. Ce son est produit lorsque l’ongle du pouce, placé derrière les incisives
supérieures, est dirigé vers les lèvres. Il signifie « rien » « aucun résultat », « zéro »,
« aucun profit », etc.
16. L'Inquisiteur, Théâtre profane, éd. cit., v. 624–50.
17. Comédie jouée au Mont de Marsan, Théâtre profane, éd. cit., p. 241–324.
18. Le livre divin symboliquement donné à la Vierge Marie est représenté comme un véritable
livre dans de nombreuses miniatures et illustrations où elle tient en mains et lit un livre. Cet
anachronisme était sans doute nécessaire pour un public qui comprendrait difficilement une
telle abstraction.
19. Trop, Prou, Peu, Moins, Théâtre profane, éd. cit., p. 127–201.
20. Le texte offre une pléthore d’exemples. La Maison d’Autriche et d’Espagne est évoquée
par un jeu de mots facile sur « les gros œufs d’Autruche » (v. 490). « Ma Seigneurie et mon
office, / Mon estat, et mon exercice, / Est plus grand, que toute la Terre » et « Je suis Trop,
vostre pere grand » (v. 21–23, 116) suggèrent que le pape ou l’Église romaine se présentent
ainsi pour impressionner Prou. Trop suggère qu’il dépenserait volontier son trésor pour
couvrir ses oreilles (v. 815–32 et passim) et parmi les couvre-chefs des deux hommes qui
tentent de cacher leurs oreilles, nous trouvons de multiples chapeaux, bonnets, toiles,
toques, tourets de nez, cornettes, chaperons, voiles, petits bonnets, et chappes, dont certains
sont associés au clergé.
21. Trop, Prou, Peu, Moins, v. 845.
22. Ibid., v. 877.
23. Ibid., v. 881–82.
24. Ibid., v. 923–24.
25. Ibid., v. 925 ( « Nous n’avons pas de temps à perdre »).
26. Comédie des Innocents, Comédies bibliques, éd. cit., p. 215–59.
27. Comédie du désert, Comédies bibliques, éd. cit., p. 261–329.
28. Comédie des Innocents, v. 1036, 1044.
29. Ibid., v. 1074–77.
30 / Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
30. Tout comme Marot, Bourbon avait formellement nié être luthérien, mais il sera arrêté
immédiatement après l’Affaire des Placards, et mis en liberté grâce à l’intervention de
Marguerite. Alors que Marot et son fils réussissent à rejoindre la Cour de Navarre, Marguerite
arrange le passage de Bourbon à la Cour d’Angleterre où Holbein, grand admirateur de Luther,
peindra son portrait avant son retour d’exil en France. Ceci explique peut-être la popularité des
œuvres de Marguerite et leur présence dans la bibliothèque royale britannique.
31. Jonathan Andrew Reid, King’s Sister, Queen of Dissent: Marguerite de Navarre and Her
Evangelical Network, thèse de doctorat protégée par copyright, 2001, Faculté d’Histoire
de l’Université de l’Arizona.
32. Meaux était le siège en France d’un réseau réformiste qui incorporait Alençon, Paris,
Bourges, Poitiers, Macon, Lyon et Grenoble et qui s’est ensuite mis en contact d’abord
avec Luther et les humanistes réformateurs allemands du réseau européen à Strasbourg,
Bâle, Zurich, Wittenberg, solidement établi en outre-Rhin en 1521 (voir Reid, op. cit).
33. Berthoud, Librarium 26, 216, p. 216–17. Cet article contient une traduction française et
une reproduction photographique de la lettre originale (voir Reid, op. cit.).
34. Simon de Colines avait épousé la mère de Robert Estienne.
35. Roussel continuait néanmoins à correspondre avec les « Hérétiques » du cercle de Meaux
réduits au silence (Correspondance des réformateurs dans les pays de la langue Française,
recueillie ou publiée avec d’autres lettres relatives à la réforme et des notes historiques et
biographiques, éd. A.-L. Herminjard, 9 vol., Paris, H. Georg, 1866–97, v. 1, p. 162 ; voir
Reid, op. cit.).
36. Cette œuvre sera ensuite publiée trois fois à Paris en 1533 (Simon Du Bois, puis Antoine
Augereau) avant d’être incluse dans Les marguerites de la Marguerite des princesses.
37. Clément Marot, Œuvres complètes. Recueil des œuvres les plus nouvelles et récentes,
augmentées d’inédits et de compositions par cy devant non enore imprimées, éd. Gérard
Defaux, Paris, Bordas, 1993, p. 165–71.
38. Ibid., p. 167, v. 91–93.
39. Correspondance, éd. Herminjard, vol. 1, p. 132, 313–16 (voir Reid, op. cit.).
40. Ibid.
41. Toussaints du Plessis, Histoire de l’Église de Meaux, 2, Vol. 597, Extraits des Registres du
Parlement, p. 280–81 (voir Reid, op. cit.).
42. Ce texte a sans doute circulé sous forme manuscrite (dont cinq exemplaires ont survécu)
et a été imprimé pour la première fois dans la Suyte des marguerites de la Marguerite, en
1547.
43. La comédie des quatre femmes, Théâtre profane (sous le titre de Comédie à dix
personnages), éd. cit., v. 722–23.
44. Les chansons spirituelles de Marguerite basées sur des chansons grivoises ou même
égrillardes bien connues dont elle utilisait le timbre circulaient déjà de main en main ou de
bouche à oreille bien avant la publication de celles incluses dans Les marguerites de la
Marguerite. Calvin lui-même en appréciait la méthode didactique et le contrefactum
deviendra suspect dès que les Calvinistes en approuveront l’usage. Voir Marguerite
d’Angoulême, Chansons spirituelles, éd. Georges Dottin, Genève, Droz/Paris, Minard,
1971.
Régine Reynolds-Cornell / Comédies bibliques, comédies profanes / 31
45. Jean Calvin, Opera quae supersunt omnia, éd. Guillaume Baum, Edouard Cunitz et
Edouard Reuss, vol. 12, Corpus Reformatorum, vol. 40, Brunswig, Schwetschke, 1874, p.
634.
46. Le Tiers Livre des faicts et dicts heroiques du bon Pantagruel, composé par M. François
Rabelais, Docteur en Medicine, avec privilège du 6 août 1545, publié à Paris en 1546 par
Chrestien Wechel. C’est le premier de ses livres que Rabelais signe de son nom.

Documents pareils