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Pas zen, Zenino Écrit par François-René Simon
Un quartette pas tout à fait neuf, mais suffisamment, un programme annoncé alléchant autour de compositions originales et d’une
visitation du patrimoine chansonnesque français (alors là, on se méfie un peu, mais après tout, hein, On connaît la chanson…), donc on y
va, au Baiser salé, au moins il y fera chaud !
Le Baiser salé, Paris , le 14 novembre 2013
Michel Zenino(b), Christophe Monniot (as, sopranino), Emil Spanyi (p), Jeff Boudreaux (dm)
Eh bien, on ne sait pas combien de temps durera ce quartette, mais déclarons-lui d’emblée notre flamme et recommandons-le
immédiatement aux programmateurs : qu’ils nous fassent confiance les yeux fermés ! A condition bien sûr qu’ils souhaitent offrir à leur
public une musique – osera-t-on le mot “jazz” ? Yes sir ! – jazz, donc, d’un haut niveau technique, riche en émotions, tonique, où on sent
que l’improvisation mêle liberté et rigueur, goût de l’extrême et du contrôle, expression personnelle et attention collective, bref une
musique généreuse, chaleureuse jouée de surcroît par des musiciens qui la portent sérieusement sans se prendre au sérieux. D’emblée,
une référence : Malcolm, « écrit sous X » comme le précise son compositeur, Z-le-prolifique (une composition par jour en ce moment !),
peut-être pour atténuer (ou au contraire souligner) le caractère politique de l’intitulé. En tout cas, démarrage sur les chapeaux de roue. Ce
sera le cas aussi en fin de prestation, lors du troisième set joué after hours pour le plaisir des trois lambdas ayant jeté au diable le dernier
métro et celui des musiciens eux-mêmes. La joie de jouer n’est certes pas un critère musical, mais c’est un BMT (bonheur musicalement
transmissible) contagieux. Difficile de départir les éléments de l’ensemble, car chacun y apporte sa cohérence, chacun y est facteur de
cohésion. Jeff Boudreaux, américain pur jus comme son nom ne l’indique pas (mais il est originaire, je crois, de La Nouvelle Orléans), est
infatigable et infaillible quant à la rigueur (ah ! ces breaks dans The Mouse – « drame animalier, Roméo et Juliette entre une souris et un
morceau de gruyère », selon le compositeur –, filant à la vitesse d’une course poursuite texaveryenne, avec feux rouges et crissements de
pneus à chaque croisement…). Emil Spanyi est du genre impassible malgré son goût pour l’avalanche, le haut débit, la puissance
mélodico-rythmique, un genre de perfection (j’aurais peut-être aimé qu’il se lance, se lâche, se fâche encore davantage dans les moments
“free”). Christophe Monniot, lui, n’est pas du genre à se retenir, on le sait depuis longtemps. Sonorité aigre-douce à l’alto, incisive au
sopranino (peu utilisé ce soir-là), mais surtout intensité : restitution des mélodies de référence suivie de dérapages parfaitement contrôlés
et de sorties de route qui ne sont rien d’autre que de nouvelles routes inventées. On connaît aussi sa façon de vivre physiquement la
musique, comme s’il recevait des impulsions électriques qui désarticulent son corps, qu’elles viennent de lui-même ou de l’écoute de ses
partenaires. Quant à Michel Zenino, compositeur accompagnateur soliste, il alterne comme pas deux son triple rôle, et même quadruple
si on y ajoute celui d’arrangeur de patrimoine. Un homme et une femme (chabadabada…, de Francis Lai et Pierre Barouh), Sarah
(Moustaki, chantée par Reggiani), San Francisco (Maxime Leforestier) ou Monsieur, vous oubliez votre cheval (Charles Trenet) ont trouvé
leur place dans un répertoire original qui a mêlé – entre autres – un hommage conjoint à Horace Silver et Sigfried Kessler (Silver Blue
Siggy), un blues pimenté d’extrême (Better Come Too) ou une fausse bossa (Moving on) jonglant avec les modulations et impeccable de
mise en place. Il n’y a plus à chercher, avec cette formation, si l’on est dans le free ou à la porte d’à côté, dans le bop ou le post hard, on
est dans l’esprit du jazz. Que demander de mieux ?
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