INTRODUCTION : POURQUOI UN DROIT PÉNAL SOCIAL ?

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INTRODUCTION : POURQUOI UN DROIT PÉNAL SOCIAL ?
INTRODUCTION :
POURQUOI UN DROIT
PÉNAL SOCIAL ?
Le droit constitue un ordre de contrainte, destiné à gouverner la vie en
société 1.
Le droit du travail est généralement considéré comme un droit « de
protection » créé dans le but de protéger le « plus faible » (le salarié) vis-àvis du « plus fort » (l’employeur). Le droit pénal social est l’accessoire répressif de ce « droit de protection » et tend essentiellement à contraindre
l’employeur à respecter le prescrit de la législation sociale ; il a accompagné
le développement de la réglementation en matière sociale.
C’est avant tout pour assurer un respect maximal des principales lois
sociales que le législateur a renforcé ces dernières par des sanctions pénales
applicables non seulement à l’employeur, mais encore à ses préposés ou à ses
mandataires 2.
Nous proposons au lecteur de suivre l’évolution d’un dossier de droit
pénal social du début (c’est-à-dire lorsqu’une infraction est constatée) jusqu’à
la fin (c’est-à-dire lorsqu’une décision judiciaire définitive a été rendue).
Comme les formes que peut prendre la mise en œuvre de principes et
de règles de droit pénal social diffèrent selon les cas d’espèce, des dossiers
similaires sont susceptibles de connaître des issues différentes.
Le plus souvent, la mise en cause de la responsabilité pénale de
l’employeur commence par un procès-verbal dressé par un agent d’un service d’inspection sociale. La structure de ces services, les pouvoirs dont disposent leurs agents et les conséquences qui peuvent résulter d’un manque de
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Manuel de droit pénal social
coopération du délinquant sont analysés au cours de la première partie du
présent ouvrage.
Les principes généraux du droit pénal, du droit pénal social et, de
façon générale, les règles dont la maîtrise est indispensable au praticien, sont
examinés au cours de la deuxième partie.
Les principales infractions de droit pénal social sont passées en revue
dans la troisième partie du présent manuel.
En raison du caractère lourd et souvent inefficace de la procédure
pénale, le législateur a mis sur pied un mécanisme plus souple de répression
administrative. Dans certains cas, les violations de la loi peuvent donner lieu
soit à des poursuites pénales, soit à des amendes administratives. Ces dernières font l’objet de la quatrième partie de la présente étude.
La procédure de répression administrative a été quasi généralisée par
le Code pénal social constituant l’article 2 de la loi du 6 juin 2010, publié au
Moniteur belge du 1er juillet 2010. En vertu de l’article 111 de la loi du 6 juin
2010, ladite loi entrera en vigueur à une date fixée par le Roi et au plus tard le
1er juillet 2011, à l’exception de l’article 189 du Code qui entrera en vigueur
deux ans après l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2010. L’arrêté royal
d’exécution, daté du 1er juillet 2011 et produisant ses effets à cette date, a été
publié au Moniteur belge du 6 juillet 2011.
Sans être réellement révolutionnaire, ce Code innove quant au niveau
des sanctions susceptibles d’être infligées. Il ne modifie cependant que peu
les dispositions relatives à la recherche et à la répression, et pas du tout les
structures administratives et judiciaires compétentes en matière de droit
pénal social. Il réécrit partiellement, et plus clairement, diverses incriminations de droit pénal social. Son immense mérite est de reprendre en un seul
corpus la quasi-totalité des infractions de droit pénal social.
Il poursuit plusieurs objectifs, les plus importants étant les suivants :
1. codifier les diverses sanctions de droit pénal social sous la forme d’un
ensemble cohérent ;
2. diversifier et renforcer des initiatives préventives à la commission
d’infractions ;
3. organiser un respect plus strict des droits fondamentaux (droits de la
défense, légalité des peines, proportionnalité entre l’infraction et la
sanction), notamment lors de la phase préliminaire du procès pénal ;
4. organiser quatre niveaux de sanctions, en fonction de la gravité de
l’infraction commise, à savoir :
– des sanctions de niveau 1, constituées d’une amende administrative
de 10 à 100 € et concernant les infractions de faible gravité ;
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Introduction : pourquoi un droit pénal social ?
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– des sanctions de niveau 2, constituées d’une amende pénale de 50 à
500 € ou d’une amende administrative de 25 à 250 € et concernant
les infractions de gravité moyenne ;
– des sanctions de niveau 3, constituées d’une amende pénale de
100 à 1 000 € ou d’une amende administrative de 50 à 500 € et
concernant les infractions graves ;
– des sanctions de niveau 4, destinées à réprimer les infractions les
plus graves, constituées d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et
d’une amende pénale de 600 à 6 000 € ou d’une de ces peines seulement, ou encore d’une amende administrative de 300 à 3 000 €
(il s’agit de la plus grande innovation du Code) ;
5. réduire les sanctions pénales classiques (amende figurant au casier
judiciaire, emprisonnement) aux infractions les plus graves et, pour
les autres infractions, étendre le régime des amendes administratives
(tel qu’initialement organisé par la loi du 30 juin 1971 et transposé
quasi tel quel, sous réserve de quelques adaptations, dans le Code) ;
6. généraliser le système des décimes additionnels à toutes les infractions
et la multiplication des amendes (pénales ou administratives) en fonction du nombre de travailleurs concernés (avec un « plafond » unique) ;
7. adapter les compétences des services d’inspection, notamment en
matière de recherche de données informatiques ;
8. subordonner les visites domiciliaires à l’autorisation non plus du juge
de police, mais du juge d’instruction ;
9. édicter de nouvelles sanctions accessoires, comme la peine de fermeture de l’entreprise, la peine d’interdiction professionnelle et la peine
d’interdiction d’exploiter l’entreprise soi-même ou par personne
interposée édictées par les articles 106 et 107 du Code.
En outre, il étend à six mois le délai de réflexion du Ministère public
s’agissant de l’issue à réserver au cas qui lui est soumis.
Il fixe à 40 % du minimum légal le montant incompressible de l’amende
alors que, sous l’empire de la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d’infraction à certaines lois sociales, ce minimum était de 80 % du minimum légal en cas d’occupation de main-d’œuvre
étrangère ne disposant ni d’un permis de travail, ni d’un titre de séjour valable plus de trois mois et de 40 % du minimum légal pour toutes les autres
infractions.
En outre, certaines dispositions pénales particulièrement floues sont réécrites de manière plus précise pour rencontrer l’exigence de lisibilité de la
norme, telle que soulignée par la Cour d’arbitrage dans son arrêt du 10 mai 2006.
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Manuel de droit pénal social
De plus, certaines amendes administratives prévues par le Code pénal
social peuvent être infligées à des bénéficiaires de prestations de sécurité
sociale.
Enfin, les articles 3 à 109 de la loi du 6 juin 2010 apportent diverses
modifications tant au Code d’instruction criminelle qu’à diverses dispositions de droit pénal social qu’ils abrogent en raison du fait que leur contenu
est transposé dans le Code.
Pour faciliter la tâche du lecteur, les quatre premières parties du présent ouvrage font référence à la législation en vigueur à la date de rédaction
des présentes pages (février 2011) et à celles figurant dans le Code, ceci afin de
permettre au praticien confronté à l’application du Code de se référer à la
doctrine et à la jurisprudence antérieures à son entrée en vigueur, dans la
mesure où elles conservent leur pertinence.
La cinquième partie constitue une synthèse de l’économie générale du
Code et est brève. Elle se doit de l’être, l’évolution des règles de procédure et
de fond ayant été passées en revue dans les quatre premières parties, chaque
fois référence au Code ayant été faite.
Nous avons choisi, plutôt que de nous limiter à l’examen du Code,
d’aborder l’essentiel du droit pénal social, du contrôle effectué par un service
d’inspection à l’issue de la procédure judiciaire, en faisant chaque fois une
comparaison entre la législation antérieure à l’entrée en vigueur du Code et
les dispositions de celui-ci, seules les infractions les plus importantes étant
analysées. De ce fait, nous pensons faciliter la tâche du lecteur en portant à
sa connaissance quelles dispositions légales, quels ouvrages de doctrine et
quelles décisions de jurisprudence conservent leur pertinence après le
1er juillet 2011.
Le présent ouvrage met délibérément l’accent sur le côté pratique de la
matière. Les controverses revêtant un intérêt essentiellement théorique ou historique ne sont, dès lors, évoquées que succinctement. Par ailleurs, afin de ne
pas surcharger notre ouvrage au risque d’embrouiller le lecteur, nous avons
choisi de nous limiter à l’essentiel, quitte à le renvoyer, sur des points précis, à
des publications abordant des aspects très spécialisés du droit pénal social
(qu’il s’agisse de droit du travail ou de droit de la sécurité sociale). Enfin, les
questions relatives à l’organisation interne des services d’inspection et des
cours et tribunaux ne sont abordées que brièvement, vu leur intérêt limité
pour le praticien du droit pénal social qui n’est ni fonctionnaire ni magistrat.
Nous prenons, dès à présent, rendez-vous avec le lecteur en vue de la
mise à jour du présent ouvrage d’ici la fin de la décennie, afin de faire le
point sur l’application qui aura été réservée au Code pénal social par les
cours et tribunaux.
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