Un scientifique lillois analyse les restes
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Un scientifique lillois analyse les restes
Après ses brillants travaux sur les reliques d'Agnès Sorel, Philippe Charlier s'engage sur les traces de la pucelle d'Orléans Un scientifique lillois analyse les restes présumés de Jeanne d'Arc C INQ cent soixantequinze ans après le tribunal ecclésiastique qui la condamna au bûcher, Philippe Charlier, docteur en paléopathologie au CHRU de Lille, s'apprête à nouveau à faire parler Jeanne d'Arc. Ou plutôt ses restes présumés. Détaché au service de médecine légale de l'hôpital Poincaré de Garches, en région parisienne, ce jeune scientifique s'est entouré de dix-huit spécialistes pour déterminer si ces reliques proviennent bien du bûcher sur lequel périt la pucelle, à l'âge de 19 ans, brûlée à trois reprises le 30 mai 1431 à Rouen. Les beaux restes de la pucelle Il était 9 h, ce dimanche, à Chinon (Indre-et-Loire), quand Philippe Charlier, dont les travaux sur les reliques d'Agnès Sorel, la favorite em- poisonnée de Charles VII, lui avaient permis de s'illustrer en 2005, s'est vu remettre un bocal. Sur le couvercle, un parchemin. Sur ce parchemin, une phrase : « Restes présumés trouvés sous le bûcher de Jeanne d'Arc, pucelle d'Orléans. » En l'occurrence, 150 grammes de matière. « C'est déjà beaucoup, indique le scientifique qui n'en attendait pas tant. Il y a des fragments de bois, de tissus (NDLR : du lin), mais aussi de vertèbres et de peau. » Une côte humaine aussi, longue d'une quinzaine de centimètres, enrobée d'une substance noirâtre sans doute issue de restes organiques carbonisés. Un petit os d'animal enfin, qui viendrait corroborer la thèse selon laquelle un chat noir vivant était jeté dans le bûcher lorsqu'on brûlait des sorcières, pour conjurer le mauvais sort. Jeanne d'Arc, ellemême, avait été condamnée pour hérésie et... sorcellerie. Intérêt scientifique Philippe Charlier, paleopathologiste au CHRU de Lille, œuvre dans un hôpital parisien pour authentifier une partie des 150 g, peut-être issue du corps brûlé de la pucelle d'Orléans. Principal objectif du chercheur : s'assurer de l'authenticité des restes, « vérifier que ce sont bien ceux d'une jeune femme de 19 ans qui mourut à Rouen, les passer au carbone 14 pour les dater et réaliser un test ADN pour connaître le sexe de la personne à laquelle appartenait la côte. » En dehors de son intérêt historique, une telle démarche permet à la science de valider, par ces tests, des techniques médico-légales « utilisables ensuite pour la justice, par exemple », explique Philippe Charlier. Avant d'ajouter que « c'est aussi toujours plus intéressant de tester nos techniques sur des ossements humains que sur ceux des animaux ». Certes. Mais pourquoi ceux de J e a n n e d'Arc ? On avait bien réalisé des analyses dans les années 1960 - les dernières en date -, mais rien de concluant. Probable authenticité À force d'obstination, le jeune Nordiste a donc réussi à convaincre la paroisse de Chinon de lui confier les fameux restes dont elle est propriétaire. Fabrice Masson, directeur du musée local d'art et d'histoire, abritait dans sa réserve les probables reliques : « L'intérêt pour nous, c'est de pouvoir nous documenter davantage sur nos "objets" surtout quand ils sont d'une telle importance. » Comme il n'existe aucune relique authentique de la pucelle, hormis peut-être celles-ci, le jeu en vaut bien la chandelle. D'autant qu'on possède peu d'informations si ce n'est qu'elles furent trouvées par hasard, au XIXe siècle, dans un meuble à pharmacie datant du XVIIe, perché dans le grenier d'une Parisienne. Si au début du XXe siècle, l'Église avait déjà procédé à des analyses, les religieux sont toujours restés prudents, évoquant inlassablement leur « authenticité probable mais non certaine ». Au terme de six mois de recherches, le docteur Charlier, lui, pourra affirmer ou non que ces restes sont bien ceux d'une femme, âgée de 19 ans, morte à Rouen, brûlée à trois reprises, vers le 30 mai, en 1431. Si tel était le cas, son équipe aurait en sa possession un « faisceau d'arguments tellement fins, tellement rapprochés » qu'on atteindrait la quasi-certitude que les reliques sont bien celles de Jeanne d'Arc. Hier, l'homme entamait déjà des radiographies pour déterminer l'âge de la personne à laquelle avait appartenu la côte. Qui sait, peut-être 19 ans... Romain MUSART Ph. «Le Parisien »