Discours de Jean-Luc Petitihuguenin pour la remise du

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Discours de Jean-Luc Petitihuguenin pour la remise du
Remise du Prix de la Laïcité 2014 - Lundi 27 octobre 2014
Discours de Monsieur Jean-Luc PETITHUGUENIN
Président Fondateur de PAPREC Group
Messieurs les Ministres,
Madame le Maire de Paris,
Cher Alain SEKSIG, cher Pierre BERGE,
Chers collaborateurs, chers amis,
C’est un grand honneur pour moi d’être parmi vous ici ce soir, pour recevoir le Prix de la
Laïcité 2014.
Jusqu’à présent, nous avons pu entendre des universitaires et intellectuels très brillants,
dont je tiens à saluer les travaux. Ils ont été pour moi, chef d’entreprise engagé et même
militant, une grande source d’inspiration pour la déclinaison libre que j’en ai fait au sein de
mon entreprise.
Avant toutes choses, je tiens à replacer la Charte de la Laïcité et de la Diversité de Paprec
dans son contexte.
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J’ai fondé Paprec en 1994. A l’époque, nous étions 40 salariés à La Courneuve ; en vingt ans,
Paprec a vu son chiffre d’affaires et l’emploi multiplié par plus de 100.
Cette croissance a accompagné un principe fondamental pour Paprec : la diversité
Il y a vingt ans, la plupart des entreprises abordait la diversité comme s’il s’agissait de faire
de la charité. Or j’ai toujours été intimement convaincu que la diversité était non seulement
une richesse et une force, mais aussi un atout pour le développement d’une entreprise. Dès
le début, j’ai donc voulu faire de la diversité un pilier de l’aventure Paprec ; j’ai voulu créer
une entreprise où l’on respecte avant tout les gens et leurs diversités : de genre, d’origine ou
de couleur de peau, mais aussi celles auxquelles on pense moins : l’âge, le diplôme…
Je pourrai vous citer quelques exemples emblématiques au sein de Paprec, qui retracent des
parcours étonnants et dont je suis particulièrement fier. Paprec compte un directeur général
qui ne possède pas le moindre diplôme et revendique son « bas moins douze » ; nous
recrutons aussi régulièrement des collaborateurs âgés de plus de 50 ou 55 ans, voire même
de plus de 60 ans.
Nous nous sommes toujours battu très fermement sur ces questions de diversité, a fortiori
pour avoir entendu, lorsque j’ai fait de la diversité un principe fondateur de Paprec, « C’est
bien les idées généreuses mais tu vas juste déposer ton bilan ». Aujourd’hui, vingt ans plus
tard, la croissance de Paprec démontre que la diversité est une véritable force pour le
développement de l’activité d’une entreprise.
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Paprec a été distingué par de très nombreux prix en vingt ans, et notamment pour notre
combat en faveur l’égalité des hommes et des femmes. En 2004 nous avons été
Ambassadeur pour l’Union Européenne dans le cadre du programme européen de lutte
contre les discriminations ; nous avons fait le départ du Tour de France de l’égalité pour le
MEDEF ; plus récemment, nous avons reçu le Prix Défis RSE pour notre politique d’égalité
femmes/hommes, etc…
Ces reconnaissances et ces distinctions, nous ne les recevons pas comme des consécrations
ou des aboutissements, mais au contraire comme des encouragements à continuer le
combat militant que nous menons depuis vingt contre les discriminations.
C’est dans cet esprit-là que nous sommes arrivés à la laïcité.
Avec la diversité pour principe fondateur, Paprec était sur un terrain qui semble légitime à
tous ; or il me semble que la laïcité, en France, n’est rien d’autre que le complément d’objet
direct de la diversité.
Nous avons pu le constater à maintes reprises durant le « Tour de France » de nos usines, au
cours duquel nous avons organisé des débats avec nos collaborateurs sur les questions de
diversité et de laïcité. Et nous avons aussi pu, à cette occasion, faire des constats étonnants :
en particulier, celui d’une demande interne extrêmement forte en matière de laïcité en
entreprise. Cette demande ne visait à combattre personne : elle émanait de collaborateurs
formidablement motivés, issus de toutes origines et cultures, qui vivent et travaillent
ensemble, chaque jour, harmonieusement ; et qui considèrent que la laïcité est un atout
formidable de ce pays et de leur entreprise.
Ce constat nous a interpellé avec mes équipes, et nous avons décidé d’y réfléchir : la laïcité
est un atout de la France, et est vécue par chacun comme une protection. Nous avons donc
mené une réflexion pendant 18 mois, en impliquant le Comité de direction, les syndicats et
les instances représentatives du personnel, pour élaborer cette Charte de la Laïcité et de la
Diversité – alors précisément que nous n’avions pas de problème chez Paprec, grâce à la
politique que nous menons depuis vingt ans. Nous avons ensuite soumis cette Charte à
l’approbation des collaborateurs, en respectant les conditions du dialogue social, et nous
avons obtenu un véritable plébiscite avec ce résultat de vote incroyable : 100% de nos
collaborateurs adoptaient la Charte de la Laïcité et de la Diversité. Nous n’avons pas eu un
seul opposant.
Anna HIDALGO parlait précédemment de Paris comme d’une ville-monde : il faut savoir
qu’avec 4000 collaborateurs, une entreprise ressemble également à une petite entreprisemonde, où toutes les nationalités, toutes les cultures se côtoient quotidiennement, et où
l’on retrouve les mêmes demandes extrêmement fortes pour la laïcité et les valeurs de la
République. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’adopter cette Charte.
***
J’ai entendu plus tôt parler de l’arrêt Babyloup comme d’une victoire. Pour le chef
d’entreprise que je suis, cet arrêt est davantage une victoire à la Pyrrhus.
Nous pouvions nourrir quelques espoirs avant l’arrêt Babyloup. L’espoir d’être une
« entreprise de tendance laïque » - espoir balayé par la Cour de Cassation. Plus encore,
l’espoir qu’un chef d’entreprise avait la responsabilité de la paix sociale au sein de ses
usines, et qu’à ce titre la laïcité pouvait s’appliquer dans l’entreprise – la Cour de Cassation a
également dit « non », très imprégnée par les décisions de la Cour Européenne des Droits de
l’Homme qui considère de façon très claire que la liberté religieuse est quelque chose
d’absolument fondamental.
Nous en sommes tous convaincus ici ; je tiens néanmoins à vous renouveler le message des
salariés Paprec : la laïcité est avant tout la protection des croyants modérés, et la laïcité
combat les fanatiques. C’est un élément fondamental de la liberté religieuse, et c’est pour
cette raison que tous nos salariés se sont prononcés en faveur de l’application de la laïcité
en entreprise.
Avec mes équipes, nous avons mené un acte militant qui constitue, je le crois, un pas en
avant. Nous sommes maintenant dans une période d’incertitude : si l’on vient attaquer notre
Charte de la Laïcité et de la Diversité, je crains qu’elle soit jugée non-conforme à la récente
jurisprudence de la Cour de Cassation. Mais je veux croire que nous sommes dans une
période-charnière : car il y a des combats pour lesquels il est indispensable d’être en avance
sur son temps.
Je tiens ici à féliciter Alain SEKSIG et le Haut Comité à l’Intégration qui ont ouvert des voies
extrêmement intéressantes pour les chefs d’entreprise – bien qu’elles aient été plutôt
refermées par le nouvel Observatoire de la Laïcité.
Et je conclurai en rappelant les deux options qui s’ouvrent devant nous aujourd’hui :
-
La première option est celle de la proposition de loi déposée par Monsieur le
Ministre Jean GLAVANY, et dont Paprec a appliqué la méthode telle que si elle avait
été votée : un chef d’entreprise qui réunit ses collaborateurs, leur propose, et les fait
voter. Avec plus de 80% des Français qui approuvent notre démarche, et qui
approuvent votre proposition de loi : n’hésitez plus ! Les Français, comme nous,
pensent que tout le monde a sa place dans la société française, se reconnaissent
dans les valeurs de la République, et attendent une avancée de votre part.
-
Sans cette avancée de votre part, il nous reste comme seule option de modifier notre
Charte de la Laïcité et de la Diversité pour en faire une Charte de la Neutralité. La
frontière est mince, mais elle existe. Si rien ne change, la laïcité restera réservée la
« sphère publique ». Il ne restera alors aux chefs d’entreprise que le terrain de la
neutralité pour garantir le vivre-ensemble à nos collaborateurs. Le vivre-ensemble
est une condition fondamentale lorsque l’on compte 4 000 collaborateurs et des
dizaines de nationalités, d’origines et de cultures différentes, et dont le chef
d’entreprise que je suis se doit d’être le garant.
C’est pour cette raison qu’avec l’ensemble de mes équipes, s’il peut nous arriver d’avoir tort
juridiquement (et c’est un peu le sentiment que j’ai en montant sur cette estrade), nous
considérons que nous avons parfaitement raison politiquement et humainement.
Je vous remercie.