Mise en page 1 - Références en santé au travail
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Mise en page 1 - Références en santé au travail
QR 50 Question © S. Boulet Quel est l’intérêt de la luminothérapie pour des salariés travaillant en horaires postés ou de nuit dans des locaux bénéficiant peu de la lumière naturelle en hiver ? Réponse Le travail posté ou de nuit peut être à l’origine de différentes manifestations somatiques parmi lesquels troubles du sommeil, asthénie, troubles de l’attention. Ce déficit de sommeil chronique peut causer des accidents du travail [1]. Par ailleurs, le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a classé le travail posté impliquant des perturbations des rythmes circadiens comme agent probablement cancérogène (groupe 2A). Le travail posté ou de nuit est à l’origine d’un trouble extrinsèque du rythme veille-sommeil car la lumière est le principal facteur régulateur du rythme circadien. Ces rythmes de travail sont la cause d’un conflit entre l’alternance jour/nuit et le rythme veille/sommeil artificiellement imposé. L’adaptation à ces rythmes de travail est très difficile voire impossible dans l’environnement habituel en raison des stimuli lumineux auxquels les salariés sont exposés lors de la prise de poste et de leur retour à domicile [2]. Le traitement des troubles du sommeil liés au travail posté fait appel à plusieurs méthodes dont la luminothérapie. En milieu de travail, la luminothérapie est une méthode thérapeutique qui consiste à exposer le sujet à une lumière de longueur d’onde spécifique et suffisante en durée et intensité (> 4 000 lux) dans le but de synchroniser rythme circadien et rythme de travail. Il n’existe pas de protocole faisant consensus concernant l’utilisation de la luminothérapie pour synchroniser ces rythmes. Les intensités lumineuses proposées par les auteurs varient de 5 000 à 12 000 lux [3, 4]. Elles sont déterminées de façon empirique car l’étude du décalage horaire en fonction de l’intensité lumineuse présente une asymptote à 600 lux. Cependant, ce chiffre ne tient pas compte d’un facteur confondant essentiel qui est l’intensité lumineuse environnante. Celle-ci est par définition variable et d’une autre qualité que celle fournie par l’éclairage artificiel [5]. Certains auteurs ont démontré qu’une exposition unique de 4 heures à une lumière de 6 000 lux pendant les 4 premières heures de travail suffit à synchroniser les rythmes [6]. D’autres auteurs préconisent d’aller jusqu’à 6 heures d’exposition [7]. Trois jours de traitement seraient né- cessaires pour obtenir la synchronisation rythme circadien et rythme de travail [3]. Dans tous les cas, pendant les périodes de repos, les salariés doivent bénéficier de bonnes conditions de récupération : atmosphère calme et sans lumière [8]. L’impact de l’utilisation de la luminothérapie sur l’état de santé des salariés en travail posté ou de nuit reste à démontrer, d’autant que l’efficacité de ce traitement est fonction de l’âge. Les sujets âgés auraient moins de capacité d’adaptation au travail posté ou de nuit malgré l’usage de la luminothérapie comparés aux sujets jeunes [9]. D’autres facteurs interviennent aussi comme l’usage d’excitants (tabac, café, alcool), l’activité physique et les interactions sociales en fin de poste. Concernant l’éclairage de locaux ne bénéficiant pas d’un éclairage naturel suffisant, celui-ci peut être compensé par un éclairage artificiel. La Fiche pratique de sécurité ED 85 de l’INRS [10] concernant l’éclairage artificiel au poste de travail permet de conseiller au mieux l’entreprise en fonction des caractéristiques des postes de travail en question. Yaël Ganem, département Études et assistance médicales, INRS et Zakia Médiouni, interne en santé au travail, INRS. Éléments bibliographiques [1] MARQUES K - Sommeil et rythme de travail.Tours, 29 janvier 2010. Notes de congrès TD 168. Doc Méd Trav. 2010 ; 122 : 199-208. [2] HOROWITZ TS,TANIGAWA T - Circadian-based new technologies for night workers. Ind Health. 2002 ; 40 (3) : 223-36. [3] CZEISLER CA, JOHNSON MP, DUFFY JF, BROWN EN ET AL. - Exposure to bright light and darkness to treat physiologic maladaptation to night work. N Engl J Med. 1990 ; 322 (18) : 1253-59. Comment in: • N Engl J Med. 1990 ; 323 (13) : 918-19. • N Engl J Med. 1990 ; 322 (18) : 1306-08. [4] EASTMAN CI - High-intensity light for circadian adaptation to a 12-h shift of the sleep schedule. Am J Physiol. 1992 ; 263 (2 Pt 2) : R428-36. [5] EASTMAN CI, STEWART KT, MAHONEY MP, LIU L ET AL. - Dark goggles and bright light improve circadian rhythm adaptation to nightshift work. Sleep. 1994 ; 17 (6) : 535-43. [6] DAWSON D, CAMPBELL SS - Timed exposure to bright light improves sleep and alertness during simulated night shifts. Sleep. 1991 ; 14 (6) : 511-16. [7] EASTMAN CI, MARTIN SK - How to use light and dark to produce circadian adaptation to night shift work. Ann Med. 1999 ; 31 (2) : 87-98. [8] HOROWITZ TS, CADE BE,WOLFE JM, CZEISLER CA - Efficacy of bright light and sleep/darkness scheduling in alleviating circadian maladaptation to night work. Am J Physiol Endocrinol Metab. 2001 ; 281 (2) : E384-91. [9] DUFFY JF, DIJK DJ, HALL EF, CZEISLER CA - Relationship of endogenous circadian melatonin and temperature rhythms to self-reported preference for morning or evening activity in young and older people. J Investig Med. 1999 ; 47 (3) : 141-50. [10] VANDEVYVER B - Éclairage artificiel au poste de travail. Fiche pratique de sécurité ED 85. Paris : INRS ; 1999 : 4 p. Documents pour le Médecin du Travail N° 125 1er trimestre 2011 143