Herbie Hancock Lang Lang

Transcription

Herbie Hancock Lang Lang
60 i Le Matin Dimanche. 24 mai 2009
Le
présente le 43e
24 mai 2009. Le Matin Dimanche i
Montreux
Jazz Festival
61
Du 3 au 18 juillet 2009
Deuxstarsdu piano unispourle meilleur
Herbie
Hancock
INTERVIEWS. La légende américaine
du jazz et le prodige chinois du classique
se retrouveront pour une soirée totalement
Propos recueillis
par Karine Vouillamoz
Q
Grammy Awards, en duo de
piano avec Lang Lang. J’étais
terrorisé par cette idée, je
n’avais pas joué de musique
complètement écrite depuis mon
adolescence. Mais je l’ai fait. Et
nous avons développé une belle
amitié.
iVous avez débuté par la
musique classique, pourquoi
avoir bifurqué vers le jazz?
Il y avait un mystère dans l’environnement du jazz dû à l’improvisation. C’est différent tout le
temps. Ça m’intriguait. Je jouais
de la musique classique depuis
l’âge de 7 ans. J’avais été exposé
au jazz mais je n’y avais jamais
prêté attention. Puis à 14 ans, à
l’école, j’ai assisté à une performance en trio. Le pianiste était
un garçon de ma classe. Il devait
avoir mon âge et il improvisait… sur mon instrument! Je
n’ai jamais pensé que quelqu’un
de si jeune pouvait le faire… Je
n’ai pas très bien compris ce
qu’il jouait mais il avait l’air de
savoir ce qu’il faisait. J’ai été
fasciné par cette idée. Je lui ai
parlé et il m’a suggéré d’écouter
certains disques. Ça a commencé comme ça. Petit à petit,
ça m’a capturé. C’était comme
un aimant. Dans le jazz, tu composes et tu joues en même
temps. C’est un procédé fascinant. Ça révèle tellement de toi,
de comment tu es, comment tu te
sens. J’ai commencé à étudier de
plus en plus et ma curiosité est
allée en grandissant. Il y avait
toujours tellement plus à étudier.
uelle carrière
prodigieuse
que celle de Herbie Hancock!
Son éducation musicale classique dès l’âge de 7 ans, épaulé
par le trompettiste Donald Byrd.
Sa longue affaire post-bop avec
Miles Davis, dans les années
1960. «Rock It», son tube planétaire et électro, en 1983. Son
album «River: the Joni Letters»,
en 2007, où il rend hommage à
son amie peintre et musicienne
Joni Mitchell. Son concert en
l’honneur de Barack Obama, le
20 janvier dernier… A 69 ans,
Herbie retomberait presque en
enfance le temps d’une soirée en
compagnie de Lang Lang.
iVous venez souvent au
Montreux Jazz Festival.
Comment vous y sentez-vous?
Très, très bien. Je dois être aujourd’hui l’un des artistes vivants qui s’y est produit le plus
souvent (rires).
iGardez-vous un souvenir
particulier de vos concerts ici?
J’en ai tellement, des bons souvenirs… Le dernier est celui
dont je me souviens le plus clairement car j’étais là pour quelques jours. J’ai participé à une
grande célébration pour Quincy
Jones, j’ai eu mon propre concert. Et j’ai pris part à cet événement avec Carlos Santana. i«L’an prochain,
C’était magnifique, il avait fait je fête mes 70 ans
une célébration des enfants, de mais je ne me sens pas
la paix, de tout ce qu’il soutient
cet âge. Je ne suis pas
depuis longtemps. Et puis l’atmosphère est si détendue à facilement stressé»
Montreux que j’ai l’occasion de Herbie Hancock
manger avec des artistes que je
ne croise que rarement, car on
est toujours en voyage.
iL’an prochain, vous fêterez
vos 70 ans. Ça semble à peine
iVous allez jouer en duo
croyable, qu’est-ce qui vous
avec le pianiste Lang Lang.
maintient en si bonne forme?
Quand l’avez-vous connu?
La première fois que j’ai en- (Il rit…) C’est vrai, l’an protendu parler de lui, c’était dans chain, je fête mes 70 ans mais je
les journaux. Je me suis souvenu ne me sens pas cet âge. Je pense
de lui car c’est le même nom qu’il y a plusieurs raisons à ça.
deux fois (il rit de bon cœur). La première vient des gènes de
Lang Lang… On disait que mes parents, de mon maquillage
c’était un jeune prodige de génétique. Mon père a toujours
Chine. Le nom est resté dans ma fait jeune et ma mère aussi. Il est
tête. Et puis il y a eu un concert à mort à 90 ans. Ils ont été tous les
Los Angeles avec l’orchestre deux en bonne santé. Et je ne
philharmonique qui jouait «Le suis pas facilement stressé. En
sacre du printemps», de Stra- même temps, je pratique le
vinski. C’est mon œuvre classi- bouddhisme depuis trente-sept
que préférée. Et il se trouve que ans. Ça m’aide vraiment à voir
Lang Lang participait à la soi- les situations pour ce qu’elles
rée. J’y suis allé, puis à la fin du sont. On est jamais surpris par
concert, je l’ai rejoint en coulis- des choses qui pourraient nous
ses. C’est un type chouette, dépasser. Cette sorte de liberté
drôle, très détendu. C’était une que l’on acquiert dans cette prarencontre surprenante car les tique m’aide à me sentir bien.
musiciens classiques sont plutôt (Dans sa chambre, le téléphone
«coincés». Quelques mois plus sonne, de plus en plus insistard, on m’a demandé d’inter- tant…) On parlait de stress? Là,
préter «Rapsody in Blue» aux je fais presque mon âge! Y
inédite, le 5 juillet. Pour «Le Matin
Dimanche», ils évoquent leur carrière,
leurs rêves et leur admiration mutuelle
L
ang Lang est un
phénomène. Ce jeune Chinois de
pas encore 27 ans, superstar dans
son pays, figure dans la liste des
cent personnes les influentes au
monde en 2009 dressée par Time
Magazine. Une consécration
pour ce prodige qui commença
le piano à 3 ans et donna son
premier concert à 5, avant d’être
couronné de nombreux prix.
Mais c’est en 2001, lors d’un
concert au Carnegie Hall, à New
York, qu’il prit son envol international. Depuis, il se produit sur
les scènes du monde entier, seul
ou sous la baguette des plus
grands chefs d’orchestre, de Daniel Barenboïm à Lorin Maazel.
iQui est Herbie Hancock
pour vous?
Une légende du piano, mon jazzman préféré.
iEn tant que musicien
classique, comment
appréciez-vous le jazz?
Ce sont deux styles très similaires, les deux exigent des connaissances. Ce sont des musiques très complexes.
iAvez-vous une idée
du concert que vous allez
donner avec Herbie Hancock?
On va commencer avec «Rhapsody in Blue», de Gershwin,
puis nous serons accompagnés
par l’orchestre national de Lyon.
On jouera des pièces à quatre
mains, puis Herbie fera trente
minutes de solo jazz, moi trente
minutes de classique. Ensuite, on
jouera à nouveau ensemble.
iComment réagissez-vous
à votre nomination dans
la liste de «Time Magazine»?
C’est un grand honneur, d’autant
plus que l’année dernière Herbie
Hancock y figurait. Si j’y suis,
c’est que les jeunes me voient
comme un héros en musique. Je
pense que je les influence.
iOn connaît les difficultés
du marché du disque –
le classique n’y échappe pas.
Comment faites-vous
pour vous en sortir si bien?
Je suis content que l’on vienne
me voir en concert, mais je crois
en la qualité. Si tu es un pianiste
médiocre, ta carrière ne sera pas
longue. Pour les musiciens classiques, le plus important, c’est
de bien jouer. Chaque nouveau
concert est un challenge.
iVous êtes une superstar
en Chine, aux Etats-Unis,
mais en France ou en Suisse,
vous êtes moins plébiscité
et les critiques ne sont pas
très tendres. Voulez-vous
les convaincre de votre talent?
Non, il n’y a pas besoin de tenter
de les convaincre car le temps le
prouvera. Je respecte les critiques, on ne peut rien y faire. On
ne peut pas plaire à tout le
monde. L’important, c’est d’être
sincère avec soi-même. Et je ne
pense pas être moins populaire
en Suisse. Chaque fois que j’y
joue, les concerts sont complets.
Et si vous regardez mes ventes
de disques, la Suisse, dans les
dernières cinq années, c’était
mon «top-market»!
iVous suivez vos ventes
de disques de près?
Oui, c’est ma carrière, je dois
savoir exactement quoi faire,
dans quel endroit jouer le plus ou
le moins. Tu dois avoir un plan
vraiment très précis de ta carrière
sinon, tu es fini.
i«Je travaillais entre
6 et 8 heures par jour à
8 ans. Pour devenir un
pianiste professionnel,
on doit se sacrifier»
Lang Lang
iVous avez commencé
le piano à 3 ans; quel genre
d’enfance avez-vous eu?
Je travaillais entre 6 et 8 heures
par jour lorsque j’avais 8 ans.
Malheureusement, si tu dois devenir un pianiste professionnel, tu
dois te sacrifier. Tu ne peux pas
être un grand pianiste si tu ne joues
pas. J’ai beaucoup pratiqué et,
quand les autres enfants jouaient,
sortaient, pour moi, c’était toujours la pratique du piano. Mais
j’ai aimé jouer du piano.
iPas de regrets?
Un peu de regrets. Mon père
était très strict avec moi. Mais
aujourd’hui, mes parents sont
très proches de moi. En fait, je
suis fier de mon père.
iVous êtes en Chine, vous
vivez en grande partie à New
York. Etes-vous tenté par la
nationalité américaine?
Non, pas du tout. Je vis à New
York, c’est chouette. Je passe
six mois par an en Europe, quatre aux Etats-Unis, un en Chine
et le dernier mois ailleurs. Je suis
un citoyen chinois, j’ai toujours
mon passeport chinois. Je dirais
plutôt que je suis citoyen du
monde. Mais je n’ai pas l’intention d’avoir le passeport américain. J’aime bien les Etats-Unis
mais je veux garder mon passeport original; je suis très fier
d’être chinois.
iVous semblez avoir atteint
déjà le meilleur, quel est votre
prochain rêve à réaliser?
Etre plus solide en tant
qu’homme et que musicien. Et
amener la musique classique aux
jeunes. C’est mon but. Y
iÀ VOIR
Concert de Herbie Hancock
et Lang Lang, accompagnés
par l’Orchestre national de Lyon
conduit par John Axelrod.
Le 5 juillet à l’Auditorium
Stravinski
Lang
Lang

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