L`utopie d`un "super Intercités"

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L`utopie d`un "super Intercités"
MOBILICITES, 08/04/2016
L'utopie d'un "super Intercités" circulant à 200 km/h
Par Florence GUERNALEC
© C. Recoura
L'expertise commandée par la Fnaut montre que le réseau classique ne permet pas de faire circuler des trains
à 200 km/h de bout en bout comme semble notamment le croire Alain Vidalies. Et le rélèvement de la vitesse
des lignes coûterait beaucoup trop cher, surtout au regard du faible gain de temps attendu. Ainsi, pour la
Fnaut, il serait utopique d'imaginer que l'avenir du train passe par des Intercités circulant à 200 km/h, et de
laisser tomber tout projet de LGV.
A la fin annoncée de nouvelles LGV, il est désormais question de faire circuler les trains à 200 km/h sur le
réseau classique, c'est du moins la thèse notamment avancée par la Cour des comptes, la commission Mobilité
21 et celle sur les TET d'avenir présidées par Philippe Duron. D'ailleurs, le secrétaire d'État aux Transports Alain
Vidalies a lancé un appel d'offres pour un matériel roulant pouvant circuler à 200 km/h sur les lignes
structurantes Intercités. Mais sans en évaluer les possibilités techniques.
C'est pourquoi la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a commandé une
expertise technique à Gérard Mathieu, consultant spécialisé dans le ferroviaire. "Les résultats sont très loin
des slogans à la mode", a déclaré Jean Sivardière, vice-président de la Fnaut lors de la conférence de presse du
8 avril 2016. Ou pour être plus être plus clair, ce serait carrément "une utopie".
Des sections à 200 km/h très dispersées
En effet, Gérard Mathieu a étudié 15 000 kilomètres de lignes principales du réseau classique (hors lignes TER
et fret). Il apparaît que cette vitesse est pratiquée sur un peu plus de 1000 kilomètres seulement (6,7%) qui se
décomposent en 34 sections de 30 kilomètres en moyenne, et qui concernent donc rarement la majorité d'une
même ligne à l'exception de Paris-Bordeaux (70%), Le Mans-Nantes et Strasbourg-Mulhouse.
Néanmoins, il est "théoriquement" possible d'y ajouter 2000 kilomètres supplémentaires pour passer d'une
vitesse actuelle de 160 à 200 km/h. Seulement, cela concernerait 110 sections sur des distances encore plus
courtes (18 km en moyenne). Surtout, cette augmentation de la vitesse se ferait au prix d'une adaptation de
l'infrastructure à des coûts très élevés pour des gains de temps minimes (1mn par section de 15 km ou 5% de
temps en moins sur le trajet habituel).
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Des adaptations trop dispendieuses et contraignantes
En effet, les travaux impliqueraient notamment :
- une dénivellation des passages à niveau ;
- un ripage des voies et des renforcements (plateforme, alimentation électrique, signalisation, voies) ;
- des reprises des installations (entraxe, dévers, traversées de gares, caténaires, télécommunication).
Des travaux qui seraient, en outre, réalisés en milieu contraint et avec l'obligation de maintenir la circulation
des trains. "D'où des coûts à la minute gagnée plus élevés que ceux des LGV", a insisté Jean Sivardière.
Au final, si on enlève les lignes proches des LGV, les sections trop courtes et isolées, les lignes qui ont un trafic
potentiel insuffisant au regard des coûts des travaux, il ne reste guère que 500-600 sur les 2000 kilomètres
supplémentaires qui sont réellement adaptables, selon l'expertise de Gérard Mathieu.
En revanche, d'autres relèvements de vitesse sont "possibles techniquement et pertinents économiquement
sur environ 2000 kilomètres dont 1200 à 160 km/h et 300 kilomètres à 140-150 km/h" : les opérations
d'adaptation seraient moins coûteuses et les gains de temps plus importants (deux fois plus de 100 à 150 km/h
que de 160 à 200 km/h).
De l'utopie des politiques
Ainsi, Gérard Mathieu réfute l'idée qu'il existerait une offre intermédiaire entre Intercités et TGV au prix de
courbes rectifiées, de la mise en place de la technique pendulaire ou encore de la construction de shunts
(raccordement court) pour éviter les sections très sinueuses.
De même, le train à haut niveau de service (THNS) proposé par EELV, panachage d'une ligne classique
modernisée et d'une LGV tel qu'il est envisagé pour un doublement de la ligne Paris-Lyon apparaît comme
"une fausse bonne idée" : "pas de gains de temps décisifs", gains de clientèle insuffisants, des "investissements
nécessaires, très coûteux".
Bref, l'idée à la mode qui consiste à croire qu'il suffira de remplacer les LGV par des trains qui circuleront à 200
km/h sur des lignes classiques apparaît purement et simplement comme "une utopie".
Contre un abandon des LGV
En conclusion, la Fnaut plaide pour une augmentation de la vitesse des Intercités sur les lignes structurantes
comme Paris-Clermont et Paris-Limoges. L'association d'usagers est également favorable aux relèvements de
vitesse moindres (100 à 160 km/h), plus efficaces et moins coûteux. Ceux-ci "sont particulièrement
intéressants sur les lignes desservant des villes moyennes situées à l'écart des LGV, radiales et transversales
où les vitesses actuelles sont faibles" à l'exemple de Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon.
En outre, la Fnaut considère que la modernisation du réseau ferré doit reposer sur une double démarche :
"une modernisation ambitieuse et prioritaire du réseau classique pour conforter la rénovation de l'offre
Intercités" (cela implique au moins 1 milliard d'euros par an d'investissements supplémentaires) et la poursuite
de l'extension de LGV comme Montpellier-Perpignan et Bordeaux-Toulouse. Cette dernière permettrait de
relier Paris à la ville rose en 3h10 et de capter une partie des 3 millions de passagers annuels de l'avion.
Un financement tout trouvé
"Ce n'est pas l'argent public qui manque, mais la volonté politique", a déploré Jean Sivardière. En effet, la Fnaut
considère que ces investissements pourraient très bien être financés par l'État, et non par la SNCF. Il suffirait
de profiter de la baisse des prix du pétrole pour mettre en place une fiscalité écologique sur l'essence, le gazole
et le kérosène. Un centime de TIPP supplémentaire rapporterait, selon l'association d'usagers, 600 millions
d'euros par an, soit 6 milliards sur dix ans. Pour Jean Sivardière, "cela pourrait se faire sans douleur"...
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