DOSSIER SPECTACLE Le chevalier inexistant

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DOSSIER SPECTACLE Le chevalier inexistant
DOSSIER SPECTACLE
Le chevalier inexistant
Italo Calvino
Teatro Gioco Vita
Théâtre et théâtre d’ombres
Mercredi 7 octobre à 19h
Jeudi 8 octobre à 14h
Vendredi 9 octobre à 20h30
au Théâtre
Durée (en création) : 1h15
Contact scolaires : Marie-Line Lachassagne
04 74 50 40 06
[email protected]
EPCC Théâtre de Bourg-en-Bresse
11 place de la Grenette BP 146 01004 Bourg-en-Bresse cedex
(entrée du Théâtre : Esplanade de la Comédie)
www.theatre-bourg.com
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L’œuvre
Dernier roman de la trilogie, Le Chevalier inexistant est un conte chevaleresque.
Il met en scène Agilulfe Bertrandinet de Guildivernes, l'un des meilleurs guerriers de
Charlemagne. Mais, "le chevalier à l'armure blanche, n'est pas comme vous et moi : Agilulfe
est tout simplement inexistant! Il est mais il n'existe pas ! Son armure ne couvre qu'un corps
absent, aussi vide à l'intérieur, que rutilante en apparence"...
Comme Sancho Panza accompagnant Don Quichotte, Agilulfe dispose de Gourdoulou pour
le servir. Personnage assez excentrique, qui s’amuse de la vie, Gourdoulou est "fou" au sens
médiéval, il veut vivre une fête permanente, à l'opposé de son maître qui symbolise la
conduite parfaite selon les principes d'ordre, de courage, d'honneur et de loyauté.
Très vite dans le roman, un troisième personnage essentiel fait irruption : Raimbaud, jeune
fougueux qui ne contrôle pas ses sentiments et ses impulsions, qui a rejoint l'armée pour
venger son père. En fait, Raimbaud ne sait pas vraiment quel sens ou quel but donner à sa
vie... Il ne cache pas sa fascination et son respect pour Agilulfe, qui joue en quelque sorte le
rôle de père et d'initiateur.
Le texte
« Le Chevalier inexistant » a été publié en 1959 et forme avec « Le Vicomte pourfendu » et
« Le Baron perché », un recueil dont le titre est significatif : « Nos ancêtres » (1960). Situés
à différentes époques, les trois romans, écrits à la façon des fables, ont un lien étroit avec le
présent et les problèmes d’aujourd’hui.
Dans « Le Chevalier inexistant » les personnages se cherchent tous. Ils se cherchent
mutuellement mais surtout, ils se cherchent eux-mêmes. L’homme se déplace à l’intérieur
d’un monde labyrinthique et ambigu, rempli de lumières et d’ombres, il se plie à la passion,
à l’amour, jusqu’à oublier la guerre. Les hommes se trompent, se perdent, se cherchent, se
retrouvent, les héros ne sont jamais sans taches ni encore moins sans péchés. On trouve tout
cela dans Le Chevalier inexistant, et même plus, quelque chose qui nous parle d’une manière
encore plus proche de notre contemporanéité: l’homme privé d’individualité physique ou
d’individualité de conscience.
Ce qui saute aux yeux dans le personnage d’Agilulfe, le chevalier qui sous son armure,
n’existe pas, mais reste convaincu du contraire. On trouve sa parfaite antithèse dans le
personnage de Gourdoulou, qui, bien que concret et possédant une enveloppe charnelle,
ignore complètement sa propre existence, se change en objets ou en animaux et se
transforme dans les hommes qu’il rencontre de temps en temps. Gourdoulou n’est qu’un
personnage qui existe mais ne le sait pas, exactement le contraire d’Agilulfe qui a conscience
qu’il existe mais en réalité n’existe pas. Deux moitiés qui ne se rendent pas compte de leur
incompétence et semblent exister seulement pour nous rappeler les deux extrêmes du nonêtre.
Heureusement, ce ne sont pas eux qui font l’histoire mais tous les autres personnages qui,
entre ces deux extrêmes, luttent continuellement dans l’incertitude, entre une condition
d’existence et une condition d’inexistence. Rambaldo, le jeune combattant qui veut venger
la mort de son père, et “cherche la preuve qu’il existe” dans l’action, il représente par
conséquent “la morale pratique”, et Torrismondo, l’autre jeune guerrier qui représente “la
morale absolue”, parce qu’il recherche l’existence “autre chose que soi-même, ce qui était
avant lui, ce tout dont il s’est détaché”. Bradamante, la guerrière amoureuse d’Agilulfe, la
narratrice dissimulée dans l’histoire en temps que Sœur Théodora, qui cherche les preuves
de son existence dans l’amour et dans la guerre.
Dans « Le Chevalier inexistant », l’époque de Charlemagne et le carrousel d’aventures, de
poursuites et de batailles qui en découlent, ne sont qu’un prétexte pour nous parler de nous
et de notre difficile rapport avec la réalité. Le thème de l’identité de l’homme contemporain
y est affronté avec légèreté et ironie ; identité qui apparait désormais séparée, ou même,
dans certains cas, inexistante, et propose différentes façons d’exister, d’être au monde
comme individus.
Fabrizio Montecchi
Distribution
D’après le récit d’Italo Calvino
Avec Valeria Barreca et Tiziano Ferrari
Voix enregistrée et aide en langue française Anne Rauturier
Dramaturgie Cristina Grazioli et Fabrizio Montecchi
Mise en scène et Décor Fabrizio Montecchi
Dessins et Silhouettes Nicoletta Garioni
Musiques Alessandro Nidi
Costumes Tania Fedeli
Lumières Davide Rigodanza
Assistante à la mise en scène Lucia Menegazzo
Réalisation silhouettes Federica Ferrari et Nicoletta Garioni
Réalisation décor Sergio Bernasani
Le spectacle
Note de mise en scène
Dans notre théâtre d’ombres, la présence immatérielle et incorporelle de l’ombre se mêle à
la présence matérielle et corporelle de l’acteur. Je crois que ces deux présences scéniques
peuvent rendre parfaitement, dans de nombreuses combinaisons, les différents niveaux du
fait d’ « exister » présents dans Le chevalier inexistant. Je suis aussi convaincu qu’un tel
potentiel représentatif, qui peut nous faire voyager facilement dans le temps et dans
l’espace, il se prête à la traduction du riche imaginaire historico - fantastique de ce classique
de la littérature du XX° siècle. L’écriture de Calvino se donne pour archétype, les
illustrations, les images suggèrent immédiatement des visions et renvoient continuellement
à autre chose, dans un brillant jeu de reflets entre la fantaisie et la vérité, comme l’ombre.
C’est la raison pour laquelle je retiens que le choix de mettre en scène le Chevalier inexistant
avec le théâtre d’ombres est approprié, parce que techniquement et linguistiquement ce
choix est fondé sur les caractéristiques intrinsèques de cette forme théâtrale.
Quelques idées :
… en scène un acteur et une actrice qui interpréteront tous les personnages du récit, soit en
en incarnant certains soit en manipulant leurs silhouettes d’ombres.
… le personnage de Sœur Théodora, l’écrivaine- narratrice est le personnage central de la
dramaturgie parce qu’il crée le texte lui-même. L’actrice interprétera ce rôle, et les ombres
qui envahiront la scène naitront toutes, pour ainsi dire, de sa plume.
… la scène représentera la cellule de la nonne, elle se transformera avec dynamisme tout au
long du spectacle, s’adaptant aux différents cadres de l’histoire. Les murs seront des écrans
qui accueilleront les ombres.
… le rôle principal de l’acteur est un rôle de manipulateur, il interprétera tous les
personnages masculins, y compris Agilulfe. Sa présence d’acteur sera d’incarner Rambaldo,
toutefois à certains moments du spectacle seulement.
… les ombres seront actionnées devant et derrière les écrans pour créer de multiples plans
de représentation. Parmi les objets, des parties d’armures, elles-aussi fonctionnelles au récit
en ombre, seront présents sur la scène.
… alors que Sœur Théodora sera exclusivement représentée en chair et en os parce qu’en
dehors du récit, Bradamante sera son double en ombre. Agilulfe, le chevalier inexistant,
apparaitra seulement comme ombre ainsi que Gourdoulou et Torrismondo.
… les ombres seront par conséquent obtenues par des corps, par des objets et par des
silhouettes. Les différents degrés de présence et d’importance des différents personnages
seront donc déterminés par un choix attentif des techniques de représentation.
Je voudrais partir de ces premières idées succinctes pour développer l’entière élaboration du
texte ; idées qui, comme j’ai déjà dit, naissent de la profonde conviction que la forme
théâtrale que nous pratiquons se prête particulièrement bien à porter sur la scène, la richesse
narrative et le sens profond de le chevalier inexistant.
Fabrizio Montecchi
Italo Calvino
Intellectuel engagé politiquement, socialement et culturellement, Italo Calvino a été un des
narrateurs italiens les plus importants de la seconde moitié du xxème siècle.
Né le 15 octobre 1923 à Santiago de Las Vegas, à la Havane : ce qui n’est pour lui qu’« un
état civil » dans la mesure où il se considère ligurien, et plus précisément « sanremasco ». A
l’âge de 16 ans, il commence à écrire de courts récits, poésies, apologies et œuvres théâtrales
tout en rêvant de devenir un dramaturge connu. Après avoir obtenu son bac, il s’inscrit à la
faculté d’Agronomie de Turin. Diplôme universitaire en main, il commence à travailler chez
Einaudi de Torino où il s’occupe du Bureau de Presse et de la publicité. En 1947, il fait son
apparition avec “Le sentier des nids d’araignées” auquel suivront des romans d’inspiration
partisane. Entre 1952 et 1959, il écrit une trilogie qui compose le cycle de “Nos ancêtres”:
“Le vicomte pourfendu”, “Le Baron perché” et “Le Chevalier inexistant”. Suit un de ses
plus grands succès “La journée d’un scrutateur” et deux volumes d’inspiration scientifique,
“Cosmicomics”, “Temps zéro” et “La memoria del mondo e le altre storie cosmicomiche”. Il
publie ensuite “Les villes invisibles”, “Le château des destins croisés”, “Aventures”, “Si par
une nuit d’hiver un voyageur ”, et “Palomar”. Il faut aussi rappeler deux volumes d’essais
“La machine littérature” et “Collection de sable”; et “Roland furieux de Ludovico Ariosto
raconté par Italo Calvino”.
Frappé d’un ictus, il meurt le 6 septembre 1985 suite à une hémorragie cérébrale dans la
nuit du 18 de ce même mois. Posthumes sortiront “Sous le soleil jaguar”, “Sulla fiaba” et
“Leçons américaines”.
Teatro Gioco Vita, Fabrizio Montecchi
compagnon de saison du Théâtre de Bourg
Après « Femme de Porto Pim » et « Le Ciel des ours », nous poursuivons l’aventure avec
Fabrizio Montecchi. Pour lui, « le théâtre d’ombres, avec son potentiel représentatif qui
nous fait voyager facilement dans le temps et dans l’espace, convient parfaitement pour
mettre en scène le riche imaginaire historico-fantastique de ce classique de la littérature du
20ème siècle. »
Extrait
Sous les murs rouges de Paris, s'était déployée l'armée de France : Charlemagne devait passer les
paladins en revue. Ils attendaient depuis trois grandes heures, dans la touffeur d'un après-midi
de début d'été. Un peu couvert, nuageux ; on mitonnait dans les cuirasses, comme dans des
marmites mises à cuire à feu doux. Peut-être bien que, dans cet alignement imperturbable de
chevaliers, quelqu'un déjà s'était évanoui, ou simplement assoupi : de toute façon, l'armure les
maintenait bien cambrés sur leur selle, tous pareils. Et soudain, trois sonneries de trompette ;
dans l'air immobile, les plumails des cimiers tressaillirent comme au passage d'un vent coulis.
D'un coup s'éteignit cette sorte de rumeur marine qu'on avait perçue jusque-là : ce n'était, bien
sûr, que le ronflement des guerriers, assourdi par l'embouchure métallique des heaumes. Enfin !
Là-bas au fond, c'était lui, Charlemagne ! Il s'avançait sur un cheval qui semblait plus grand
que nature, sa barbe étalée sur sa poitrine, ses mains posées sur le pommeau de la selle. Régner et
guerroyer, guerroyer et régner, pas de trêve, pas de repos : il avait quelque peu vieilli, depuis la
dernière fois où ses soldats l'avaient vu.
Devant chaque officier, il arrêtait son cheval et se tournait pour examiner l'homme des pieds à la
tête.
- Or çà, qui êtes-vous, paladin de France ?
- Salomon de Bretagne, Sire ! » répondait l'autre à pleine voix, et la visière du heaume se relevait
sur une figure congestionnée. Suivaient des indications pratiques, du genre : « Cinq mille
cavaliers, trois mille cinq cents fantassins, mille huit cents hommes pour les services, cinq année
de campagne.
- Hardi les Bretons, paladin de France ?
- Olivier de Vienne, Sire ! » articulaient les lèvres, aussitôt soulevé le mézail du heaume. Et cette
fois : « Trois mille cavaliers d'élite, sept mille hommes de troupe, vingt machines de siège.
Vainqueur du païen Fiérabras, par la grâce de Dieu, et pour la gloire de Charles, roi des Francs
!
- Bien travaillé, bravo les Viennois », commentait Charlemagne ; puis, aux officiers qui
l'escortaient : Un peu maigrichons, ces chevaux, faites doubler le picotin.
Et en avant : « Or çà, qui êtes-vous, paladin de France ? » Toujours les mêmes mots, la même
cadence : Tatàratatattà-ratatà-tatà…
- Bernard de Montpellier, Majesté ! Vainqueur de Nègremont et de Galiferne.
- Ah ! Montpellier ! Belle cité ! Cité des belles femmes ! » et, aux gens de sa suite : « Voyez un
peu sa promotion.
Des choses pareilles, dans la bouche de l'empereur, ça fait plaisir ; mais voilà depuis des années,
c'était toujours la même ritournelle.
Pistes pédagogiques
Au collège,
Vous pouvez travailler sur le récit, conte à la frontière du fantastique et du loufoque, en
parallèle par exemple avec l'étude de « Candide » et/ ou des « chevaliers de la Table ronde »
(pensons à Perceval).
Faîtes référence aux autres ouvrages de Calvino (une écriture très particulière : « Le
Chevalier pourfendu » par exemple).
En troisième possibilité également : travailler sur l'ironie et/ ou sur les éléments qui
rapprochent Calvino de Queneau par exemple (cf « Les Fleurs bleues » de Queneau), pistes
possibles avec le travail des membres de l'Oulipo.
Au lycée,
En seconde, pour l'humour mais également le mélange avec d'autres registres comme
l'épique, et le pathétique (réflexion quasi philosophique sur la non existence qui se veut
existante, pleine de raison et de courage).
En première, pour le personnage romanesque et l'intertextualite (les chevaliers de la quête
du Graal parodié, le roman initiatique qui semble échouer, la figure du Don Quichotte en
filigrane .../ également conte philosophique portant la question suivante : comment se
réaliser ?
En parallèle encore avec d'autres contes philosophiques de Voltaire (critique de la guerre...
etc)
L’'écriture : éléments qui rapprochent Calvino de Queneau par exemple ( cf « Les Fleurs
bleues » de Queneau), donc pistes possibles avec le travail des membres de l'Oulipo (pensons
également à « Si par une nuit d'hiver un voyageur », dans lequel l'auteur s'amuse à ne
proposer que des incipits, jeu avec le lecteur et place du lecteur !)
La forme du spectacle : arts plastiques - arts visuels et le théâtre d'ombres (les différentes
formes théâtrales : marionnettes, d'objets, d'ombres, d'acteurs...)
Notes d’Anne Veyret, professeur-relais Théâtre
Images
(dessins de travail, Nicoletta Garioni)