Jardiner avec son temps N`existe-t-il pas un
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Jardiner avec son temps N`existe-t-il pas un
Jardiner avec son temps N'existe-t-il pas un jardinage biologique particulier pour les personnes qui ne peuvent consacrer plus de quelques heures par semaine au jardin? Un jardinage biologique qui serait facile, rapide, beau et bon? Un jardinage biologique qui pourrait finalement amener plus de personnes à découvrir les bienfaits de cette activité aux nombreuses vertus ? Un jardinage biologique qui serait une porte ouverte pour les personnes « débordées » et qui, au contact des rythmes naturels, leur permettrai éventuellement de prendre conscience de leur rythme de vie effréné ? Par François de Gaultier Oui ! Nous pensons que ce jardinage biologique existe bel et bien ! C'est un jardinage qui requiert peu de temps. En voici quelques clés. Spéciale dédicace aux jeunes parents. Pour un jardinage accessible à tous Le jardin, est un formidable lieu de ressourcement, de prétexte pour ralentir, de rencontre avec les éléments naturels desquels les jeunes, lancés à deux cents à l’heure, sont déconnectés, parfois malgré eux. Proposer un jardin pour ceux qui courent, c’est aussi leur faire prendre conscience qu’ils courent, et leur offrir le peu qu’il faut pour s’arrêter et respirer à nouveau. Le jardinage ne devrait pas être uniquement réservé aux personnes qui disposent de beaucoup de latitude dans le choix de leur emploi du temps. Il doit également être accessible aux personnes qui n'ont pas tant de degrés de liberté. Métro, boulot, maison, enfants, amis, musique, art, loisirs, sport, visites et enfin dodo : à certains moments de la vie, on peut être totalement occupé, au point de rendre impossible la considération de cultiver un jardin biologique selon toutes les règles de l'art, selon les préceptes habituels de Nature & Progrès. On pense en particulier aux jeunes parents. « Personne n'a le temps, le temps il se prend ! » D'accord ! Mais certains peuvent néanmoins en prendre moins que d'autres. Selon une enquête du CRIOC, le groupe des 18-39 ans constitue le groupe qui cultive le moins souvent des fruits ou des légumes. En effet, ils ne sont que 15 % à déclarer le faire. La recette gagnante Alors, on s'est imaginés, à Nature & Progrès, à quoi ressemblerait le type de jardinage de personnes qui souhaitent/peuvent consacrer moins de trente minutes par jour, en moyenne hebdomadaire, dans leur jardin - soit moins de trois heures trente par semaine. Pour trouver la recette qui marche, on vous propose de considérer les facteurs qu'on peut faire varier : travail du sol, variétés, techniques de semis, techniques de culture et soins aux plantes. L'équation de la réussite consiste à combiner ces facteurs : préparation du sol x choix de variétés x technique de semis x technique de culture. Voici ce que cela donne avec des techniques faciles, productives, rapides à mettre en œuvre. - Préparation du sol : le désherbage passif Le désherbage à l'aide de bâches, de cartons, de couvertures ou de tontes permet d'obtenir, en un rien de temps investi et avec juste un peu de patience - plusieurs semaines ! -, la décomposition de l'herbe et, par conséquent, un sol nu déjà légèrement travaillé par la vie du sol. Protégé par cette couche bienfaitrice, il se sentira d'ailleurs très à l'aise, surtout dans ses strates supérieures, normalement soumises au dessèchement et au battage de la pluie. - Travail du sol : couverture permanente sol et grelinette Le maintien d'une couverture de sol, trois cent soixante-cinq jours par an, permet de conserver la structure grumeleuse, meuble du sol, qu'on lui a donnée lorsqu'on a implanté la première culture. Cette couverture permet également à toute la vie du sol de coloniser les couches superficielles, en le travaillant constamment, ce qui contribue fortement à conserver la structure meuble. La couverture de sol agit également comme une véritable peau, protégeant le sol contre le desséchement, dû à l'insolation, et le durcissement, dû au battage de la pluie. La couverture de sol est soit végétale vivante - les cultures en place -, soit végétale morte - les feuilles mortes, le paillage, les tontes, etc. -, soit autre - des cartons, des bâches, etc. Le choix d'outils performants et faciles d'usage a également toute son importance. Des outils tels que la grelinette, la guérilu ou la dent de cochon permettent, en un rien de temps, d'obtenir une structure très meuble, apte à accueillir vos plants à repiquer. Pour du semis en place, il faudra passer avec un outil plus fin, comme un bon vieux râteau. - Semis : en mottes Une solution très efficace consiste à semer ses graines dans des mottes, en intérieur ou en serre. Cette technique ne demande que le temps de préparer son mélange - compost, sable, terreau -, de réaliser ses mottes directement dans des claies et de déposer les semences. Un arrosage quotidien, et le tour est joué ! Il ne restera plus qu'à transporter les mottes au jardin et à les implanter dans un sol légèrement travaillé, dans un paillage, voire entre des cultures déjà en place - pensez éventuellement aux associations de cultures. Pour réaliser les mottes, il existe des presse-mottes manuels très efficaces et relativement peu onéreux. - Soin aux cultures : paillage et outils performants On peut limiter très fortement l'arrosage en réalisant un paillage au pied des plantes. Ce même paillage freine très fortement le développement de plantes concurrentes, parfois appelées "mauvaises herbes". Attention toutefois au développement de la population de limaces sous le paillage ! Il faudra simplement consacrer cinq minutes, le matin, pour « récolter » les vilaines bêbêtes dans les premières semaines d'implantation. Cette pratique va considérablement réduire la population et laisser le temps aux plantes de devenir inaccessibles/invulnérables car suffisamment grandes. Sans paillage, à l'aide d'un outil tel qu'un sarcloir oscillant, il sera aisé, en trente minutes à peine, de désherber une surface de cinq cents mètres carrés, si le boulot est effectué avec régularité… - Technique : les outils performants La grelinette - ou guérilu - est un outil composé de cinq pointes métalliques montées sur une ossature à deux branches et poignées. Cet outil permet, par un mouvement de va-et-vient, de briser les mottes de terre et d’aérer le sol, sans modifier la structure des différentes couches liées notamment à l’activité microbiologique. La binette - ou rasette - est une lame tranchante montée au bout d’un long manche, qui sert à couper les adventices juste sous le niveau du sol et à briser la croûte de la terre. La fourche à dents plates - ou fourche-bêche - est utilisée pour l’arrachage de certains légumes - pomme de terre, carotte, panais, etc. - et des fraisiers lors du renouvellement, et éventuellement pour remplacer la grelinette dans le travail d’aération du sol sans retournement. Le plantoir est un petit outil à main servant à creuser des trous pour le repiquage des légumes. Le croc est une fourche dont les dents fines sont courbées afin de permettre un travail du sol en profondeur et un bon émiettement. La griffe est un croc à trois dents plus petites, plus rapprochées et à la courbure plus prononcée, pour faciliter un travail superficiel comme le décroûtage. Le cordeau est un fil enroulé sur deux bâtonnets qui, une fois tendu, aide à réaliser des lignes droites. La houe, outil abondamment utilisé en Afrique pour le travail du sol, est un soc légèrement incurvé, monté perpendiculairement sur un manche long, qui peut remplacer avantageusement la binette pour des sarclages plus rudes. La « roulette » est un outil miracle qui permet de réaliser deux opérations en même temps : elle pratique un binage, tout en morcelant la terre grâce aux dents de l’outil. Enfin, le sarcloir oscillant est un sarcloir composé d'une boucle non soudée à son manche et qui permet donc de réaliser des va-et-vient en surface pour déloger sans effort les jeunes adventices. - Variétés : faciles et productives Certaines variétés sont toutes indiquées pour un jardinage biologique peu intensif en temps. Ce sont des variétés robustes - peu de risque de maladies ! -, faciles à implanter, à fort rendement et productives sur de longues durées, ou même vivaces. On favorisera également des légumes qui peuvent être récoltés plusieurs fois dans l'année et les variétés pérennes. Après avoir intégré toutes ces exigences, nous avons identifié une liste de plantes à cultiver disons « en premier lieu », lorsqu'on se lance dans un jardin peu intensif en temps. 1. Aromatiques : ache des montagnes/livèche (« céleri » vivace), aneth (éloigne la mouche de la carotte, les pucerons, les araignées rouges et la teigne du poireau), basilic (cueillette au fur et à mesure des besoins), bourrache (jeunes feuilles et fleurs bleues décorent les plats de façon originale, plante très mellifère, a sa place dans tous les potagers bio), cerfeuil (à semer en petites quantité tout au long de la bonne saison), ciboule et ciboulette (vivace que l’on multiplie par division de la touffe), coriandre (feuilles et graines sont utilisées pour agrémenter de nombreux plats), estragon (vivace, multiplication par division de touffe), mélisse/citronnelle (envahissant, c'est bon ça ?), menthe (très envahissant, à contenir), oseille (plante tapissante qui s’utilise soit comme l’épinard, soit comme condiment pour agrémenter soupes et salades), persil à feuilles plates (indispensable dans tous les potagers pour sa saveur et les oligo-éléments qu'il contient), sarriette commune (se sème dans les lignes de haricots), sarriette vivace, sauge, thym (se multiplie par division de touffe et par semis, le remplacer tous les deux ou trois ans), valériane (vivace tapissante, s’utilise au potager pour son effet favorable sur la croissance des légumes)… 2. Légumes : arroche (remplace l’épinard qui est difficile à cultiver en été), betterave rouge (étaler le semis pour en disposer toute la bonne saison), carotte (semer les hâtives dès la fin de l’hiver ; pour la conservation, le semis se fait en mai), céleri à côtes (on sectionne, à la base, les branches au fur et à mesure des besoins), chicorée frisée et scarole (à semer en pépinière et repiquer lorsque les légumes d’été ont libéré la place), chou-fleur et brocolis (semer en motte et transplanter), concombre (à faire grimper sur un treillis, limite l'encombrement), courgettes et potimarrons (variétés buissonnantes peu encombrantes), cresson (se sème en petites quantités régulièrement), épinard (une variété d’hiver, semée vers le 15 août se récolte tout l’automne et l’hiver), haricots nains (à faire grimper sur un treillis ou sur des rames), haricot à rames (production abondante sur une petite surface de sol), laitue (se sème en pépinière, à repiquer dès que les plants sont pourvus de deux vraies feuilles), laitue à couper et mesclun (semer en petites quantité régulièrement pour assurer l’approvisionnement toute la saison), mâche (se sème fin juillet début août, se récolte tout l’hiver), oignons et échalotes (repiquer les bulbilles dans les lignes de fraisiers pour gagner de la place), poireau (à semer en tout début de saison et repiquer en juin ; récolte tout l’hiver), radis (semez le en association avec la laitue, en petites mais régulières quantités), tomate (se procurer des plants à repiquer dans un environnement ensoleillé et protégé de la pluie)… Bingo ! En combinant l'ensemble de ces solutions on obtient un système productif, peu intensif en temps, très gratifiant et en principe accessible à tous! (1) Les Belges et le jardinage, enquête de mars 2010 du Centre de Recherche et d'Information des Organisation de Consommateurs (CRIOC). ---Témoignage : notre petit potager bio, et facile "J'ai le projet d'écrire une brochure sur le démarrage d'un potager bio et je cherche un jeune novice qui souhaiterai en réaliser un chez lui"… "OK, Tonton, ton jeune c'est moi !" Voilà comment à commencé notre aventure potagère. Nous possédons un petit jardin d'un are en ville. Peu emballés par notre vilaine pelouse, nous souhaitions mieux rentabiliser cet espace. L’opportunité d’y réaliser un potager bio a très vite résonné. Voilà le projet dynamique, esthétique et diététique qu’il nous fallait ! La première étape a consisté, au cours de l’hiver dernier, à couvrir la pelouse de cartons propres - sans colle ni autocollants - et à étaler une épaisse couche de mulch par-dessus. Le but était de préparer la terre pour le printemps. Le temps et les vers devaient produire leurs effets : étouffer la pelouse et aérer la terre. Notre mulch étant un peu tardif, une bonne dose d’huile de coude s’est avérée nécessaire pour éliminer les dernières touffes d’herbes et les nombreuses racines de chicorées et autres mauvaises herbes persistantes. Reconnaissons-le : nous avions un peu trop laissé notre jardin à l’abandon ! Néanmoins, foi de jardinier averti, "grâce au mulch, notre terre était nettement plus facile à travailler !" Nous avons profité de l’hiver pour concevoir le plan du potager. Pour qu’il soit rentable et beau - les deux critères d’un potager réussi ! - et qu’on soit motivé à y travailler, un potager doit être pensé dans sa globalité. Comment aménager des zones de cultures, des zones de circulation, quel en est l’ensoleillement et surtout, que veut-on y faire pousser ?... Autant de questions partagées avec notre coach et soutenues par quelques lectures avisées. Le choix de nos cultures est motivé principalement par un critère : la facilité. Mère active de deux enfants avec une maison en construction, le temps que je peux consacrer à mon potager est limité. D’emblée, pommes de terre, petits pois et groseilles se sont vu refuser l’accès de notre terre ! Courgettes, tomates, haricots, radis, nombreuses herbes aromatiques poussent tout seuls et répondent mieux aux besoins de notre cuisine. Même les laitues ont cédé la place au mesclun, plus facile à semer, à récolter et… à laver ! Ce qui fait peur à de nombreux jeunes, c’est l’investissement en temps que représente un potager. Nous sommes incapables de déterminer ce qu’il nous en a coûté. Nous savions que la première année était la plus gourmande. Nous devons reconnaître y avoir passé des journées complètes pour préparer la terre. Une fois les principaux semis et plantations réalisés, nos visites se sont écourtées et espacées. La régularité, « passer tous les jours trente minutes dans son potager », nous est impossible à mettre en œuvre. Pour ma part, j’aime m’y promener tous les jours, observer cette nature qui évolue sans cesse, cueillir la courgette et les trois tomates mûres. Mais, pour l’entretien, je préfère bloquer une demi-journée de temps à autre. A chacun son organisation… De nombreux livres décrivent la rigueur et les techniques complexes qu’utilisent des jardiniers passionnés - et souvent pensionnés ! Nous nous sommes dégagés de cela, cette année, par faute de temps. Néanmoins, notre terre est généreuse et nous profitons de ses saveurs au quotidien. Qui sait ? L’an prochain, nous tenterons peut-être le purin d’orties et le compost de pros ?... Une chose est sûre : nous équiperons le potager d’un point d’eau extérieur fonctionnel et introduirons plus de variétés de fruits. Nous encourageons les jeunes qui hésitent à se lancer dans cette belle aventure. Une saine détente, de délicieuses saveurs, le partage ou l’échange des légumes de qualité, la fierté devant le regard épaté des proches sont autant de plaisirs qui nous motivent à poursuivre ce projet. Et parce que sans lui, nous n’y serions pas arrivés… Merci Tonton ! Stéphanie Biston ---Quelques lectures, néanmoins, pour aider les plus audacieux : - Jean-Paul Thorez, Guide du jardinage biologique, éditions Terre Vivante - Guy et Marisa Pirlet, Les cultures associées, éditions Nature & Progrès - Mémento du jardinier bio, éditions Nature & Progrès - Magda Haase, Cultures associées, éditions Ulmer