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TERRA INCOGNITA
LES INTERPRÉTATIONS ACTUELLES DE L’HISTOIRE DE L’UKRAINE
Valeri VASSILIEV
Les changements dans la conscience historique d’une société sont des sujets
hautement controversés, idéologisés, subjectifs, de sorte que, même lorsque les
historiens cherchent à rester objectifs et à se garder des influences de l’opinion, celleci pèse constamment sur leurs jugements et leurs représentations. Un bon exemple en
est l’Ukraine contemporaine, où se forme actuellement un large spectre d’opinions et
de jugements portés sur l’histoire du pays. Aussi les observations, les réflexions et les
conclusions présentées ici ne sauraient-elles être à l’abri de la critique. Du reste, leur
seule ambition est-elle de donner une certaine idée des tendances en cours. Nous nous
limiterons, dans le cas présent, à la sphère des historiens professionnels de l’Ukraine,
sans toucher par exemple, faute de place, à d’autres aspects intéressants, comme par
exemple l’influence des médias ou de l’enseignement sur les représentations du passé1.
Enfin nous n’aborderons que l’historiographie de l’Ukraine présoviétique, la période
de l’URSS posant des problèmes spécifiques que nous ne saurions aborder ici.
Nous voudrions noter, cependant, un regain d’intérêt de l’opinion pour l’histoire
du pays, qui se produit pour la deuxième fois depuis que l’Ukraine est indépendante.
Les médias débattent du 350e anniversaire de la Rada de Pereïaslavl (1654), du 70e
anniversaire de la famine de 1932-33, de la création d’une commission ukraino-russe
chargée d’étudier le contenu des manuels d’histoire des deux pays. Les dernières
années ont été marquées par une polémique permanente sur l’histoire de l’OUN et de
l’UPA2.
Mais le premier mouvement d’intérêt pour le passé ukrainien se produisit à la fin
des années quatre-vingt, pendant la perestroïka. C’est alors que parurent de nombreuses
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publications dans la presse moscovite, puis ukrainienne, dans lesquelles, sous le titre
général de “restauration de la vérité historique”, furent évoquées des pages peu connues
ou falsifiées du passé ukrainien.
A mesure que la glasnost s’instaurait, beaucoup d’intellectuels ukrainiens
proclamaient la nécessité d’une renaissance nationale ukrainienne, arguant d’une
culture, d’une langue, d’une histoire nationale propres et qui, bien qu’“écrasées” en
URSS, n’avaient jamais selon eux cessé d’exister. Un rôle particulier fut joué par des
écrivains ukrainiens qui sortirent de leur état d’opposants et d’“émigrés intérieurs”, et
qui clamèrent d’une seule voix l’originalité de la culture ukrainienne, le caractère unique
du caractère national ukrainien, la tragédie de l’histoire de ce peuple, le drame de la
langue ukrainienne. Ces idées furent reprises par des cercles intellectuels plus larges,
qui ouvrirent encore davantage l’éventail des problèmes ethnoculturels et linguistiques
évoqués dans l’opinion.
Il s’agissait en fait d’une sorte d’“historicisme ethnique” qui replaçait les phénomènes
culturels, les événements et les actions des hommes dans leurs contextes historiques,
cherchant à les représenter tels qu’ils avaient été dans la réalité. Cet élément historiciste,
qui se fondait sur l’idée d’une évolution progressive des Ukrainiens en tant qu’ethnie
très ancienne, et aussi la foi en un génie national unique ou inimitable qui se serait
révélé à de multiples reprises dans l’histoire tragique de l’Ukraine, devinrent les axes
sur lesquels furent construites les matrices politiques, idéologiques et culturelles du
mouvement national ukrainien, qui visait à créer un Etat ukrainien.
Dans le contexte d’une crise générale du système, cet “historicisme ethnique”
actualisa des moments occultés dans la mémoire historique de l’URSS, tout en proposant
à la société ukrainienne une identité culturelle collective, ce qui permit à beaucoup
d’Ukrainiens de se situer et de se repérer dans des réalités sans cesse changeantes.
L’envers de cette évolution fut un sentiment croissant de la pérennité ininterrompue de
l’“ethnogénèse” ukrainienne, une mémoire historique collective, souvent mythologique,
et des représentations de masse concernant le destin et le caractère national des
Ukrainiens.
Après l’indépendance de l’Ukraine en 1991, l’Etat joua un rôle décisif dans la
consolidation de la nation ukrainienne. L’histoire “ethnique”, autochtone, riche, telle
qu’elle était construite, devenait un substitut à la conception soviétique de l’histoire. Il
faut rappeler à ce propos qu’au début du XXe siècle, plusieurs écoles historiographiques
s’étaient formées en Ukraine : celle de Kiev, avec Hrouchevski, celle de Kharkov, avec
Bagaliï, celle d’Odessa, avec Slabtchenko, et d’autres. Ces écoles étaient le théâtre de
courants différents (néo-populisme, histoire culturelle, histoire de l’Etat national, histoire
économique, sociale, socio-économique…). Mais au cours des années trente, tous ces
travaux d’historiens ukrainiens furent pratiquement interdits, détruits ou dissimulés dans
les enfers des bibliothèques. La plupart des historiens furent victimes de la répression.
En 1936 fut créé l’Institut d’histoire de l’Ukraine (IIU) qui avait pour tâche de “recréer
du point de vue marxiste-léniniste tout le cours de l’histoire multiséculaire du peuple
ukrainien”. Mais les premières tentatives d’histoires générales de l’Ukraine, entreprises
par des historiens ukrainiens entre 1939 et 1944, subirent de violentes critiques après la
guerre, initiées par Staline, Kaganovitch et Khrouchtchev qui les accusèrent de diffuser
les idées “nationalistes bourgeoises” de Hrouchevski.
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En mai 1947, le Comité central du Parti communiste ukrainien organisa une
conférence d’historiens avec la participation de Kaganovitch et de Khrouchtchev, au
cours de laquelle les dirigeants ukrainiens réclamèrent qu’on “remplaçât” la conception
historiographique de Hrouchevski par les thèses contenues dans le Précis d’histoire du
PCR(b), qui fut rédigé sous la direction de Staline, alors même que personne, depuis
le début des années trente, n’avait osé recourir à Hrouchevski. Entre décembre 1947
et février 1948, on organisa à Moscou des discussions, avec participation d’historiens
ukrainiens, sur les problèmes de périodisation et la préparation d’un manuel d’histoire de
l’Ukraine. Elles étaient conduites par l’académicien Boris Grekov qui, en même temps que
les historiens moscovites Anna Pankratova et Isaak Mints, accusa les savants ukrainiens
de n’avoir su appliquer les principes du marxisme à l’histoire de l’Ukraine.
A la fin de l’année 1948, le manuel intitulé Abrégé d’histoire de l’Ukraine, fut
rédigé et soumis à la discussion d’abord à Moscou, puis à Kiev avec la participation
de certains membres du Bureau politique du parti ukrainien. A la base de ce manuel,
dont les deux volumes furent publiés respectivement en 1953 et en 1956, on trouve
un schéma conceptuel qui est celui du Précis d’histoire du PCR(b) stalinien, arrêté
en 1937-383.
Depuis ce moment et jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, tous les travaux
généraux sur l’Ukraine étaient en gros construits selon le même schéma : la Rous
(Rus’) kiévienne, “berceau” des peuples slaves frères; l’intégration des pays ukrainiens
dans le Grand-Duché de Lituanie puis dans la Rzeczpospolita polono-lituanienne, ce
qui était considéré comme un “malentendu fâcheux” dans le parcours historique de
l’Ukraine; la réunion des pays ukrainiens avec l’Etat russe par suite de la Rada de
Pereïaslavl en 1654; la lutte “antiféodale” en Ukraine au XVIIe et au XVIIIe siècles;
la naissance du mouvement ouvrier et du marxisme en Ukraine à la fin du XIXe et au
début du XXe siècles; la lutte pour l’instauration du pouvoir soviétique en Ukraine;
l’“épanouissement” de l’Ukraine au sein de l’URSS.
Nous l’avons vu, cette conception générale fut radicalement mise en question à la fin
des années quatre-vingt. Mais les historiens travaillaient dans des conditions différentes.
Ils avaient affaire à une masse d’informations nouvelles, la base archivistique de leurs
travaux s’était considérablement étendue (95 à 98% des fonds archivistiques ukrainiens
devinrent accessibles à la recherche), mais en même temps, les recherches cessèrent
pratiquement d’être financées. Néanmoins, beaucoup d’historiens professionnels
voulurent se concentrer sur des événements et des questions qui avaient été mal étudiées
ou carrément falsifiées au cours de la période soviétique. L’étude de nouveaux matériaux
d’archives, le recours aux historiens ukrainiens du passé, le contact avec les historiens
occidentaux actuels, souvent issus de la diaspora ukrainienne, autant de facteurs qui
expliquent le tournant que prit l’historiographie ukrainienne dans sa tentative de créer
une nouvelle conception, nationale, de l’histoire de l’Ukraine.
Au début des années quatre-vingt-dix, particulièrement populaire fut le point de vue
de l’historien américain Omelian Pritsak, selon lequel l’historiographie ukrainienne devait
“étudier le passé de toutes les communautés humaines et de tous les Etats qui ont existé
sur le territoire actuel” de l’Ukraine4. Peu après, l’historien ukrainien Reï Simonenko
déclara qu’il fallait reconstruire l’histoire de l’Ukraine “de l’intérieur”, comme un
phénomène ethnique. Il fallait réhabiliter l’histoire nationale comme passé de l’ethnie
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ukrainienne sur son territoire autochtone. Il s’agissait, selon lui, d’un “processus sui
generis et ininterrompu, dont l’objet principal était le peuple ukrainien, depuis ses tout
premiers fondements jusqu’à l’Etat souverain actuel”. En même temps, l’auteur mettait
en garde contre une dérive qui conduirait un “ethno-centrisme” ukrainien naturel à des
approches “pan-ukrainiennes”, qui ignoreraient, voire mépriseraient le passé d’autres
ethnies qui ont vécu sur les territoires ukrainiens5.
Dans l’ensemble, le choix de l’histoire nationale, qui prit progressivement la
place d’une histoire ukrainienne entièrement intégrée dans celle de la Russie ou de
l’URSS, a conduit les historiens ukrainiens à considérer certains problèmes-clés de cette
histoire. Il s’agit en fait, eu égard à leur importance dans la mémoire historique de la
société ukrainienne, de véritables points “névralgiques” qui ont suscité des explosions
passionnelles, des divergences et des discussions scientifiques.
L’un de ces points est ce qu’on appelle “l’ethnogenèse” des Ukrainiens et la place
de la Rus’ kiévienne dans cette histoire. En effet, l’idée centrale qui prévaut dans
l’histoire de la Russie, telle qu’elle s’est imposée à Moscou depuis le XVIe siècle, est la
continuité lignagère des dynasties régnantes et des hiérarques de l’Eglise. L’“histoire”,
en quelque sorte, s’est déplacée de Kiev à Moscou, en même temps que le lignage des
Rurikides, et c’est pourquoi la principauté de Moscou, puis la Russie souveraine étaient
reconnues comme les héritières de la Rus’.
Les territoires qui n’étaient pas gouvernés par cette dynastie restaient à peu près
extérieurs à ce schéma; quant à l’expansion territoriale des princes de Moscou, elle
était interprétée comme la restauration d’une unité ancienne sous la notion large et
indifférenciée de “Rus’-Russie”, qui eût été commune à tous les “Russes”. Selon
cette logique historique, les Ukrainiens et les Biélorusses étaient présentés comme
des branches plus tardives (les “petits frères”) de l’ancien peuple russe “trinitaire”,
ou “grand frère”.
A la fin des années trente, l’historiographie soviétique se mit à considérer la Rus’
kiévienne comme un “berceau commun” ou une “période initiale commune” dans
l’histoire des trois peuples slaves orientaux. Cette conception faisait la part belle à
une “égalité” des Ukrainiens, des Biélorusses et des Russes à l’égard de l’héritage
kiévien. Du reste, des idées semblables avaient circulé parmi les Slaves orientaux
depuis le XVIe siècle.
Mais bientôt, une autre théorie se fit jour en URSS, celle de la “nationalité russe
ancienne” (drevnerusskaja narodnost’) qui était vue comme une ethnie transitoire,
distincte des groupes ethniques des Slaves orientaux antérieurs et ultérieurs. Cette ethnie
se serait prétendument formée dans un processus de fusion des tribus slaves orientales,
processus qui aurait été catalysé par la réunion de ces tribus dans un Etat unique. Pour
des raisons à la fois extérieures et (ou) intérieures, cette ethnie se divisa, ou encore
interrompit sa consolidation. Et c’est quelque temps après que surgirent trois nouvelles
nationalités, la russe, l’ukrainienne et la biélorusse. Depuis les années cinquante, cette
théorie devint dominante dans l’école des médiévistes soviétiques6.
A la fin des années quatre-vingt, l’historiographie ukrainienne soumit ces théories à
une violente critique. Des thèses alternatives furent formulées de la façon suivante dans
des publications scientifiques ou parascientifiques : l’Etat ukrainien (ou slave oriental)
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se forma à l’époque du mûrissement des rapports féodaux, du IIe au IXe siècle. Le
royaume des Antes (du IIe au VIIe siècle) en aurait été un exemple éclatant, et il aurait
unifié les tribus des Slaves orientaux. Si cet Etat fut détruit par les invasions avares, ses
bases profondes perdurèrent et c’est à la fin de cette période que surgit un nouvel Etat,
la Rus’ kiévienne, dont le territoire initial fut centré sur le cours du Dniepr moyen. Les
territoires biélorusses et grands-russes furent englobés plus tard dans ce processus7.
Selon ce schéma, la région biélorusse (la principauté de Pinsk) fut formée au cours
de la première moitié du XIe siècle, et la région grand-russe (la principauté de Souzdal)
au XIIe siècle. Au cours des années quatre-vingt-dix, cette thèse donna lieu à plusieurs
hypothèses sur l’ “ethnogenèse” des Ukrainiens.
Selon la première, les Ukrainiens formaient la population autochtone de l’Ukraine
et remontaient à une culture de l’âge du cuivre. L’Etat qui surgit aux VIIe-VIIIe siècles
sur le Dniepr était lié à la population ukrainienne des Polianes qui portaient aussi le
nom de Rus’. Leur langue parlée était le vieil ukrainien (car le slavon d’Eglise ou le
vieux bulgare n’était utilisé que dans les chroniques, les documents officiels et les textes
ecclésiastiques). Avec la formation de l’Etat (la “Rus’”), l’ethnogenèse fut achevée.
La Rus’ aurait donc été une puissance ukrainienne qui englobait des ancêtres des
Biélorusses et des Russes annexés par la force et dont l’ethnogenèse fut achevée, quant à
eux, aux XIe et XIIe siècles. Les Biélorusses offraient un mélange entre les tribus slaves
du Nord-Ouest avec “l’élément ethnique balte”; quant aux Russes, ils furent le fruit
d’un mélange entre les tribus slaves du Nord-Est et les Finno-Ougriens. Au XIIe siècle,
une nouvelle puissance apparut au Nord-Est, la principauté de Vladimir-Souzdal qui,
après l’invasion mongole, se transforma en principauté de Moscou.
Malgré l’éclatement de la Rus’ kiévienne, le peuple ukrainien, toujours selon cette
hypothèse, sut conserver son unité ethnique. La conscience de sa “particularité et de
son originalité”, au regard des autres peuples, l’aurait aidé tout au long de son histoire
à nourrir l’idée d’une restauration d’un Etat national. Bien entendu, bien des historiens
professionnels ukrainiens sont loin de partager ce genre de vues romantiques ou radicales,
qui reposent très souvent sur des bases scientifiques bien incertaines.
La seconde hypothèse reprend en fait les thèses de Hrouchevski en les modifiant :
la formation du peuple ukrainien daterait du milieu du premier millénaire. Depuis
la fin du XIe siècle, la langue ukrainienne eût été déjà formée, et par conséquent les
Ukrainiens existaient déjà en tant qu’ethnie dans la Rus’ kiévienne8.
Hrouchevski écrivait que l’Etat, le droit, la culture kiéviens furent créés par un
peuple, qui était ukraino-russe, tandis que l’Etat de Vladimir-Moscou fut créé par un
autre peuple, qui était grand-russien. Il écrivait par exemple :
“L’Etat de Vladimir-Moscou n’était ni un héritier, ni un continuateur de la Rus’
kiévienne, il s’est développé à partir de ses propres racines; pour définir les rapports
entre ces deux entités, on pourrait les comparer aux rapports entre l’Empire romain et
ses provinces gauloises, et non à une continuité entre deux périodes dans la vie politique
et culturelle française”9 .
Certains historiens ukrainiens d’aujourd’hui croient que cette idée de Hrouchevski
fait sens, même s’il ne faut pas prêter à ce sens un caractère trop définitif. Mais sa
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seconde idée, concernant un lien génétique entre la culture de la Rus’ kiévienne et le
peuple ukrainien leur paraît incontestable10. Les partisans de cette hypothèse nient
l’existence d’une entité ethnique slave orientale, puis (dans le contexte de la Rus’
kiévienne) d’un peuple russe ancien unique, d’un arbre ethnique dont seraient sortis les
différents rameaux slaves. Ils croient qu’il y eut des stades chronologiques différents
dans l’évolution ethnique des Slaves, dont les groupes ont, à des époques distinctes et
dans des régions différentes, formé des peuples, puis des nations. C’est pourquoi, chacun
des peuples slaves orientaux peut, selon eux, prétendre à une part de l’héritage11.
Selon la troisième hypothèse, les Ukrainiens, Russes et Biélorusses proviennent
bien du peuple, quel que soit le nom qu’on lui donne (russe ancien, ou ensemble culturel
ou ethnique des Slaves orientaux), qui a habité la Rus’ kiévienne. Le renforcement
des relations commerciales et autres entre les différentes régions de l’Etat de la Rus’
ancienne aurait conduit logiquement à plusieurs entités territoriales au cours de la
seconde moitié du XIIe et au début du début du XIIIe siècles : celles de Kiev, de
Tchernigov-Severa, de Pereïaslavl, de Volhynie, de Galicie, de Podolie, ainsi que la
Bukovine et la Transcarpathie furent la base territoriale sur laquelle s’est formée la
nation ukrainienne. Le cours moyen du Dniepr, ou le pays de Kiev, vit naître la base
de l’ethnie ukrainienne, autour de laquelle se groupa peu à peu la population des autres
pays de la Rus’ méridionale. C’est cette région, avant toutes les autres, qui a porté
le nom d’Ukraine; au XVIIe siècle, ce nom servit à définir le territoire ethnique du
peuple ukrainien. En outre, les historiens qui s’en tiennent à cette hypothèse supposent
l’existence d’un Etat kiévien supra-ethnique depuis le milieu du XIXe siècle. Sa forme
de gouvernement eût été fondée sur la droujina (l’ensemble des serviteurs du prince,
devenus le groupe dirigeant)12.
Les discussions qui entourent ces trois hypothèses ont pris de nouveaux traits :
réexamen des anciens travaux et nouvelles approches; étude des perceptions du passé
kiévien au cours des époques successives; nouvelles méthodes dans l’analyse des
chroniques, croisée avec les découvertes archéologiques. Il faut noter également que
les dialogues entre historiens ukrainiens d’une part, et russes, biélorusses et occidentaux
d’autre part, se sont développés au cours des dernières années13.
Autre point “névralgique” dans l’historiographie ukrainienne des années quatrevingt-dix, la question des guerres de libération nationale du XVIIe siècle. La popularité
de ce domaine s’est traduite dans les statistiques : au cours des dernières décennies, il
a fait l’objet de cinq thèses de doctorat, de plus de vingt thèses de troisième cycle, de
plus de cent monographies et brochures publiées, et de plus de quatre cents articles.
Tous ces travaux s’accordent généralement à considérer que ces guerres marquèrent
le début de la libération nationale du peuple ukrainien et qu’elles avaient pour but de
créer un Etat ukrainien indépendant à l’intérieur de ses frontières ethniques.
Valerï Smoly et Valerï Stepankov, auteurs d’un ouvrage consacré à l’idée d’Etat
ukrainienne aux XVIIe-XVIIIe siècle, écrivent par exemple :
“Dans l’élaboration d’une nouvelle conception de l’histoire de l’Ukraine, on
éprouve un besoin criant non pas seulement de réexaminer l’héritage scientifique des
différentes écoles du passé, mais aussi d’étudier en profondeur (c’est-à-dire dans les
sources) des problèmes qui furent passés sous silence pendant des décennies entières
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dans l’historiographie nationale. Peut-être le plus important d’entre eux est-il la genèse
et le fonctionnement de l’Etat ukrainien au XVIIe et au XVIIIe siècle”14 .
Les travaux de Smoly, de Stepankov, ainsi que ceux de Petr Sas, de Vitaliï
Chtcherbak, de Taras Tchoukhlib, de Valentyna Matiakh et d’autres historiens ont abouti
à la conclusion que l’objectif des guerres menées par Bogdan Khmelnitski n’était pas,
comme l’avait affirmé l’historiographie russe et soviétique, la “réunion”15 de l’Ukraine
et de la Russie, mais bien la création d’un Etat national ukrainien. C’est ainsi qu’on est
venu à proposer comme thème d’étude “la révolution nationale ukrainienne de 1648-76”.
Les points principaux des recherches dans le cadre de cette nouvelle conception sont les
suivants: les causes du conflit antagoniste entre Polonais et Ukrainiens, au cours duquel
les uns comme les autres sont réciproquement apparus comme des ennemis absolument
irréductibles, promis à l’extermination; la formation de la cosaquerie ukrainienne comme
d’un état (soslovie) particulier, avec son code de “droits et franchises cosaques” comme
une forme de droit coutumier paysan; la transformation de la cosaquerie en “peuple
politique” (ou “porteur de l’Etat ukrainien”); la formation de cet Etat, depuis l’autonomie
de l’Ukraine cosaque au sein de la Pologne-Lituanie jusqu’à l’idée d’indépendance de
l’Ukraine, en tant qu’héritière de la Rus’ kiévienne. On analyse les bases idéologiques
de la révolution ukrainienne et le rôle de “la pensée humaniste de la Renaissance
européenne qui se répandait en Ukraine”. Cette “révolution nationale” est considérée
comme une partie des mouvements sociaux et nationaux européens des années 164070 : on la compare en particulier aux révolutions allemande, néerlandaise et anglaise16.
Le résultat de toutes ces constructions, c’est la thèse d’un Etat ukrainien républicain et
unitaire. Depuis Khmelnitski et jusqu’au XXe siècle, la recherche d’un Etat ukrainien
serait devenue déterminante dans les mouvements nationaux en Ukraine17 .
Cette orientation historiographique conduisit naturellement à un réexamen de la
question des relations ukraino-russes au XVIIe siècle, et en premier lieu du traité de
Pereïaslavl de 1654. Tel qu’il apparaît aujourd’hui dans l’historiographie ukrainienne,
ce traité fit naître une sorte de confédération sous la couronne des Romanov, puisque
deux Etats, l’Ukraine et la Russie y coexistèrent. Cependant, par sa forme juridique,
ce traité relevait plutôt d’un accord de vassalité ou de protectorat, qui entérinait la
séparation de l’Ukraine d’avec la Pologne et instaurait une forme républicaine de
gouvernement, le pouvoir perpétuel du hetman, unique chef d’Etat de plein droit de
l’Ukraine, ainsi que l’unification des institutions politiques ukrainiennes. Les limites
de la souveraineté ukrainienne apparaissaient dans l’obligation de verser annuellement
une certaine somme d’argent au Trésor russe, ainsi que dans l’impossibilité d’une
politique étrangère indépendante dans les relations avec la Res publica polonaise et
la Porte ottomane.
Les changements qui s’ensuivirent, notamment les pourparlers de Wilno/Vilnius,
la mort de Khmelnitski en 1657, le conflit armé de 1658, la réforme du hetmanat sous
Pierre le Grand, témoignèrent de l’influence croissante de la Russie dans l’espace de
l’Europe centrale et orientale, ainsi que du durcissement de sa politique à l’égard de
l’Ukraine, un des principaux facteurs qui causèrent la disparition de l’Etat ukrainien.
Mais la politique ukrainienne de Pierre le Grand ne fut pas seulement le fruit de
l’annexion de l’Ukraine par la Russie, qui l’avait précédée; elle marquait aussi le début
d’une politique impériale d’assimilation et de russification18.
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Selon les historiens Smoly et Stepankov, “la révolution nationale ukrainienne se
termina par une défaite : elle ne réussit ni à créer un Etat dans les frontières ethniques
de l’Ukraine, ni à défendre l’indépendance de l’Ukraine cosaque”. Cependant, toujours
selon ces historiens, l’existence éphémère de cet Etat contribua à l’évolution des nations
ukrainienne et biélorusse et servit de puissant stimulant à la formation d’une identité
nationale, en particulier d’une idéologie nationaliste dans les élites ukrainiennes19.
Selon nous, cette vision de l’histoire ukrainienne du XVIIe siècle a été le résultat de
plusieurs facteurs. Indéniablement, elle témoigne d’un certain progrès des connaissances
historiques. En même temps, comme l’a écrit très justement l’historien Gueorguï
Kasianov, l’usage des notions de “révolution nationale”, de “guerre de libération
nationale”, d’“idée nationale” relèvent de l’histoire “rétrospective”, car elles sont des
projections d’idées actuelles sur le passé. On peut en dire autant du terme de “nation”,
qui existait, certes, à cette époque, mais désignait des élites politiques et culturelles, ce
qui le différenciait de l’usage qu’on en fait aujourd’hui20. Du reste, les discussions des
historiens sur des problèmes terminologiques vont actuellement bon train21.
Le troisième point “névralgique”, apparu dans l’historiographie ukrainienne des
années quatre-vingt-dix, était aussi celui qui était le moins exploré sur le plan scientifique;
c’est ce qu’on a appelé “la révolution ukrainienne de 1917-20”. Evidemment, cette
formulation n’était pas fortuite : il s’agissait, pour les historiens ukrainiens, de valoriser
la renaissance nationale ukrainienne au XXe siècle. De ce point de vue, seule l’époque
de Bogdan Khmelnitski pouvait rivaliser avec elle.
“Nous organiserons notre vie nous-mêmes”, proclamait le premier universal de
la Rada (parlement) centrale d’Ukraine du 10 mai 1917. La Rada devint en un temps
très court l’organisateur politique et le leader du mouvement de libération nationale
ukrainien. Dans l’historiographie soviétique, la Rada, de même que les gouvernements
et les institutions ukrainiens ultérieurs, furent invariablement présentés comme des
“forces nationalistes bourgeoises et contre-révolutionnaires” qui s’opposaient au Parti
communiste et au pouvoir des soviets.
Depuis les années quatre-vingt-dix, les historiens ukrainiens affirmèrent que l’histoire
contemporaine de l’Ukraine se caractérisait notamment par le passage d’une société
d’ordres à un modèle plus dynamique, celui de la nation. Pour les Ukrainiens qui ne
disposaient pas d’Etat propre, ce passage fut particulièrement difficile. C’est pourquoi
la transformation de l’ethnie en entité politique et culturelle fut le problème majeur qui
se posa en Ukraine au tournant du siècle. On notera à ce propos que nombre d’historiens
occidentaux (Bohdan Krawchenko, George Liber, James Mace, Jaroslaw Bilocerkowycz)
ont déjà abordé cette problématique au cours des années quatre-vingt22.
De nos jours, beaucoup d’historiens ukrainiens considèrent que la nation ukrainienne
avait achevé sa formation au cours des années de la Révolution, tandis que l’action de
la Rada touchait à des questions aussi globales que la consolidation de la nation, “la
renaissance de la vocation étatique dans la conscience populaire”, la renaissance de
l’Etat national, l’adoption par cet Etat de principes démocratiques et humanistes.
La Rada fit de l’ukrainien la langue officielle, inventa un hymne national, un drapeau,
des armoiries, une monnaie, le serment des fonctionnaires. Grâce à la Rada, écrivent les
historiens, “les valeurs sociales et politiques universelles, en particulier européennes,
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Terra incognita : les interprétations actuelles de l'histoire de l'Ukraine
furent implantées sur le sol national et réunies aux réalités ukrainiennes.” Les résultats
de ce croisement ne pouvaient être immédiats, mais il marqua en profondeur l’histoire
ukrainienne du XXe siècle.
La création d’une République socialiste soviétique d’Ukraine fut en 1922-23 une
sérieuse concession des bolcheviks aux Ukrainiens et elle s’explique non pas par une
démarche délibérée, mais par la pression des forces politiques qui défendaient l’existence
d’un Etat ukrainien. L’idée même d’un tel Etat indépendant fut constamment soutenue
par l’émigration politique ukrainienne qui la proposait, comme une des alternatives
possibles, face au régime totalitaire23.
Cette période et cette problématique de l’histoire de l’Ukraine ont inspiré la
publication d’un certain nombre de recueils de documents, de nombreuses thèses, des
centaines de monographies et d’articles, ainsi que des colloques et des tables rondes24.
Parmi les principales questions historiographiques, extrêmement complexes, qui restent
ouvertes et qui suscitent un intérêt croissant chez les historiens, on peut citer : la formation
d’une identité ukrainienne spécifique à l’époque contemporaine; le développement du
mouvement national ukrainien et ses bases paysannes; l’influence des facteurs sociaux
sur ce mouvement; son interaction avec différentes formes de socialismes nationaux,
ukrainiens et russes, en particulier avec le bolchevisme, etc. L’intérêt pour toutes ces
questions est d’autant plus grand qu’elles peuvent contribuer à éclairer les évolutions
en cours en Europe centrale et orientale, et aussi à démythifier l’arrière-plan historique
des relations ukraino-russes, comme le montrent les travaux des historiens (italien et
américain) Andrea Graziosi et Mark von Hagen, traduits et publiés en Ukraine au cours
des dernières années25.
Il faudrait ajouter à tout ceci des questions historiques touchant à la période
soviétique et qui sont particulièrement actuelles aujourd’hui : les famines de 1921-22,
de 1932-33, de 1946-47; la répression politique jusqu’au début des années cinquante,
qui frappa des millions de victimes innocentes; la seconde guerre mondiale qui se solda
par de très lourdes pertes en Ukraine. Ces questions, nous l’avons dit, constituent un
domaine spécifique, que nous n’abordons pas ici faute de place. L’essentiel, pour nous,
a été de montrer les grandes lignes du réexamen, ou de la reconstruction de l'histoire
nationale qui est en cours aujourd'hui.
ABRÉVIATIONS UTILISÉES
NAN
Académie nationale des sciences d’Ukraine (Nacional’na akademiïa nauk
Ukraïny)
IIU
Institut d’histoire de l’Ukraïne (Instytut istoriï Ukraïny)
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Valeri VASSILIEV
NOTES
1
Sur ces enjeux, voir les contributions au volume d’actes Ukraine, renaissance d’un
mythe national, Georges Nivat et al. (éds), Genève, Institut européen de l’Université de
Genève, 2000. (NdE)
2
OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens, Organizacija ukraïn’skih nacionalistiv): parti fondé à Vienne en 1929, l’OUN devient la branche politique d’un réseau
de résistance actif en Galicie dès 1920. Bénéficiant de nombreux appuis au sein de la
jeunesse, elle préconise la lutte armée contre les autorités polonaises et soviétiques à la
fois. Dès 1941-42, elle éclate en donnant naissance à l’UPA (Armée ukrainienne insurgée,
Ukraïnska povstans’ka armija), mouvement de résistance antinazie, fondé par opposition
aux éléments pronazis de l’OUN. Malgré les pertes subies, l’UPA demeure active après
la libération, en renouvelant son engagement antipolonais et antisoviétique; la répression
de cette résistance armée se solde par des milliers de morts et par des transferts forcés de
populations ukrainiennes. Cf. “Personnalités et lieux de mémoire d’Ukraine : glossaire”,
dans Ukraine, renaissance d’un mythe national, pp. 229-51. (NdE)
3
Ce passage s’appuie sur des documents conservés aux Archives d’Etat russes de l’histoire sociale et politique à Moscou (RGASPI : f. 81, op. 3, d. 122, ll. 17-19; cf. www.
rusarchives.ru/federal/rgaspi) et aux Archives centrales d’Etat des organisations
politiques et sociales à Kiev (TsGAOB : f. 1, op. 16, d . 32, l. 48; op. 23, d. 4051, l. 26);
voir également Istorija Ukraïny, Kiev, 1998.
4
Omelian PRICAK, “Ščo take istorija Ukraïny”, Slovo i čas, 1991, n° 1, p. 56.
5
Rej G. SIMONENKO, Do koncepciï bagatotomnoï “Istoriï ukraïns’kogo narodu
(mižnacional’nij ta mižnarodnij aspekty), Kiev, Akademiïa nauk Ukraïny/IIU, 1993,
p. 7.
6
Pour plus de détails, cf. Natalja JUSOVA, “Pogljady istorykiv URSR 30-h – počatku
40-x rr. na etnični procesy v istoriï shidnyh slov’jan doby Kyïvs’koï Rusi”, Problemy
istoriï Ukraïny : fakty, sudžennja, pošuky, Kiev, 2002, vypusk 6, pp. 101-20.
7
Parmi les publications de ces dernières années consacrées à cette problématique, cf. en
particulier : I. M. KOLOMIEC’, “Do pytannja pro etnogenez ukraïns’kogo narodu”,
Istorija Ukraïny, 1997, n° 45.
8
Cf. en particulier Hryhoriï PYVTORAK, “Pohodžennja ukraïns’kogo narodu ta ukraïns’koï
movy”, Visnyk NAN Ukraïny, 1996, n° 9-10.
9
M[yhaïlo] HRUŠEVS’KIJ, “Zvyčajna shema ‘russkoï’ istoriï j sprava ukladu istoriï
shidnogo slov’janstva”, Vyvid prav Ukraïny, Lviv, 1991, pp. 13-14.
10
Raïsa P. IVANČENKO, Kyïvs’ka Rus’ : počatki ukraïns’koï deržavnosti, Kiev, Prosvita,
1995, p. 9; Vladimir PETRUK, “Velykaja Skyfyja – Ukraina kak evropejskaja strana”,
Zerkalo nedeli (hebdomadaire, en russe, Kiev) du 14 septembre 2002 (www.zerkalonedeli.com).
11
Volodymyr D. BARAN, Davni slov’jany, Kiev, Al’ternatyvy, 1998, pp. 68, 80, 87, 112113, 119, 133, 137, 140-141, 159, 162-163, 245 (Ukraïna kriz’ viky : t. 3).
12
Mikola KOTLJAR, “Kyïvs’ka deržava časiv Askol’da j Olega”, Kyïvs’ka starovyna,
1993, n° 3, pp. 74-75; Petro TOLOČKO, “Rus’ – Mala Rus’ – Rus’kyj narod u drugyj
polovini XIII-XVII st.”, Kyïvs’ka starovyna, 1993, n° 3, p. 13; Istorija Ukraïny : nove
bačennja, Valeriï A. Smolij (éd.), Kiev, Vyd. Ukraïna, 1996, t. 1, p. 514 (2e éd. en un seul
vol., Kiev, Al’ternatyvy, 2000); Oleksiï P. TOLOČKO, Petro P. TOLOČKO, Kyïvs’ka
Rus’, Kiev, Al’ternatyvy, 1998 (Ukraïna kriz’ viky : t. 4).
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Terra incognita : les interprétations actuelles de l'histoire de l'Ukraine
13
Pour plus de détails, cf. “Etnični procesy u seredn’ovičnomu slov’jans’komu sviti
(Materialy ‘kruglogo stolu’)”, Ukraïns’kyj istoryčnyj žurnal, 2001, n° 3, pp. 3-47; V.
M. RIČKA, “Kyïvs’ka Rus’ : problemy, pošuki, interpretaciï”, ibid., 2001, n° 2, pp. 2335.
14
Valeriï A. SMOLIJ, Valeriï S. STEPANKOV, Ukraïn’ska deržavna ideja XVII-XVIII
stolit’ : problemy formuvannja, evoljuciï, realizaciï, Kiev, Al’ternatyvy, 1997, p. 6.
15
Le terme russe (vossoedinenie), qu’on ne peut traduire que par “réunion”, signifie en fait
la réunion de parties qui avaient été autrefois unies. (NdT)
16
Cf. Valeriï A. SMOLIJ, Valeriï S. STEPANKOV, U pošukah novoï koncepciï Vyzvol’noï
vijny ukraïns’kogo narodu XVII st., Kiev, Akademiïa nauk Ukraïny/IIU-IUA, 1992; Valeriï S. STEPANKOV, “Ukraïns’ka revoljucija 1648-1676 rr. u konteksti evropejs’kogo
revoljucijnogo ruhu XVI-XVII st. : sproba porivnjal’nogo analizu”, Ukraïns’kyj istoryčnyj
žurnal, 1997, n° 1; Valeriï A. SMOLIJ, Valeriï S. STEPANKOV, “Ukraïns’ka nacional’na
revoljucija 1648-1676 rr kriz’ prizmu stolit’”, ibid., 1998, n° 1-3; Vitaliï O. ŠČERBAK,
Formuvannja kozac’kogo stanu v Ukraïny (druga polovyna XV-seredyna XVIII st.), Kiev,
NAN Ukraïny/IIU, 1997; Nataliïa M. JAKOVENKO, Narys istoriï Ukraïny z najdavnišyh
časiv do kincja XVIII st., Kiev, Heneza, 1997.
17
Valeriï SMOLIJ, “Nacional’no-vyzvol’na vijna v konteksti ukraïns’kogo
deržavotvorennja”, dans Nacional’no-vyzvol’na vijna ukraïns’kogo narodu seredyny XVII
stolittja : polityka, ideologija, vijs’kove mistectvo, Valeriï A. Smolij (éd.), Kiev, Heneza,
1998; Valeriï STEPANKOV, “Ukraïns’ka nacional’na revoljucija XVII st. : pryčyny,
typologija, hronologični meži (dyskusijni notatky)”, dans ibid.; Valerij SMOLIJ, Valeriï
STEPANKOV, Ukraïns’ka nacional’na revoljucija seredyny XVII st. : problemy, pošuky,
rišennja, Kiev, NAN Ukraïny/IIU, 1999; Valeriï A. SMOLIJ, Valeriï S. STEPANKOV,
Ukraïns’ka nacional’na revoljucija XVII st. (1648-1676), Kiev, Al’ternatyvy, 1999
(Ukraïna kriz’ viky : t. 7).
18
Cf. Ukraïns’ko-rosijs’kyj dohovir 1654 r. : novi pidhodi do istoriï mižderžavnih stosunkiv.
Materialy naukovo-teoretyčnogo seminaru, Valeriï A. Smolij (éd.), Kiev, NAN Ukraïny/
IIU, 1995; Viktor M. HOROBEC’, Vid sojuzu do inkorporaciï : ukraïns’ko-rosijs’ki
vidnosyny drugoï polovyny XVII-peršoj čverti XVIII st., Kiev, NAN Ukraïny/IIU, 1995;
idem, Elita kozac’koï Ukraïny v pošukah polityčnoï legitymaciï : stosunky z Moskvoju ta
Varšavoju, 1654-1665, Kiev, IIU, 2001; Oleksiï K. STRUKEVIČ, Ukraïna – Get’manščyna
ta Rosijs’ka imperija protjagom 50-80 rr. XVIII stolittja (polityko-administrativnyj aspekt
problemy), Kiev, NAN Ukraïny/IIU, 1995.
19
Valeriï A. SMOLIJ, Valeriï S. STEPANKOV, “Ukraïns’ka nacional’na revoljucija 16481676 rr. kriz’ prizmu stolit’”, Ukraïns’kyj istoryčnyj žurnal, 1998, n° 3, p. 10.
20
Georgïi V. KAS’JANOV, “Ukraïns’kyj nacionalizm : problema naukovogo pereosmyslennja”, Ukraïns’kyj istoryčnyj žurnal, 1998, n° 2, p. 48; id., Teoriï naciï ta nacionalizmu,
Kiev, Lybid’, 1999.
21
Voir, par exemple, les articles d’Oleksiï S. STRUKEVIČ, qui propose d’employer le terme
de “nation pré-moderne” lorsqu’il s’agit du XVIIe siècle : “Formuvannja ukraïns’koï naciï :
na meži miž ‘istoryčnistju’ ta ‘neistoryčnistju’, dans Ukraïna v Central’no-Shidnij Evropi :
studiï z istoriï XI-XVIII stolit’, Valeriï A. Smolij (éd.), Kiev, NAN Ukraïny/IIU, 2000;
idem, “Ukraïns’ka rann’omoderna nacija : istoryko-etnologični aspekty doslidžennja”,
Ukraïns’kyj istoryčnyj žurnal, 2001, n° 5, pp. 3-22.
22
Bohdan KRAWCHENKO, Social change and national consciousness in twentieth-century
Ukraine, Londres, Macmillan, 1985; George O. LIBER, Soviet nationality policy, urban
growth, and identity change in the Ukrainian SSR, 1923-1934, Cambridge, Cambridge
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Valeri VASSILIEV
University Press, 1983; James E. MACE, Communism and the Dilemmas of National
Liberation : National Communism in Soviet Ukraine, 1918-1933, Cambridge MA, Harvard University Press, 1983; Jaroslaw BILOCERKOWYCZ, Soviet Ukrainian Dissent :
A Study of Political Alienation. Boulder CO, Westview Press, 1988.
23
Parmi les nombreux travaux consacrés aux années 1917-20, on peut signaler Vladimir
F. VERSTJUK, “Rol’ i misce Central’noj Rady v modernij istoriï Ukraïny”, Ukraïns’kyj
istoryčnyj žurnal, 1997, n° 5; A. p. HRYCENKO, Polityčni syly u borot’bi za vladu v
Ukraïini (kinec’ 1917 r.-počatok 1919 r.), Kiev, IIU ANU, 1993; idem, Politični sili
v borot’bi za vladu v Ukraïini : rik 1919, Kiev, NAN/IIU, 1996; idem, Politični sili
v borot’bi za vladu v Ukraïny : rik 1920, Kiev, NAN/IIU, 1997; Istorija Ukraïny : nove
bačennja, Kiev, Vyd. Ukraïna, 1996, t. 2; Istorija Ukraïny, Vladimir F. Verstjuk (éd.),
Kiev, Al’ternatyvy, 1997; Oleksandr P. REIENT, Bil’šovizm i ukraïns’ka revoljucija :
sproba vyznačennja harakteru i dynamyky social’nyh procesiv, Kiev, NAN IIU, 1994;
idem, Rej G. SIMONENKO, Ukraïns’ko-rosijs’ky peregovory v Moskvi (sičen’-ljutij
1919) : zbirnyk dokumentiv, Kiev, NAN, 1996; Valeriï F. SOLDATENKO, “Problema
klasovo- i nacional’no-polityčnyh syl u koncepciï ukraïns’koï revoljuciï”, Ukraïns’kyj
istoryčnyj žurnal, 1997, n° 5-6; Oleksandr S. RUBL’OV, Oleksandr P. REIENT, Ukraïns’ki
vyzvol’ni zmagannja 1917-1921 rr., Kiev, Al’ternatyvy, 1999 (Ukraïna kriz’ viky : t.
10).
24
Pour un aperçu de la littérature scientifique abondante consacrée à cette problématique,
cf. l’édition bibliographico-scientifique Ukraïns’ka revoljucija i deržavnist’ (1917-1920
rr.), Kiev, 2001.
25
Andrea GRAZIOSI, Bol’ševiki i krest’jane na Ukraine, 1918-1919 gody, Moscou, AiroXX, 1997; Mark von HAGEN, “Deržava, nacija ta nacional’na svidomist’ : rosijs’koukraïns’ki vidnosyny v peršij polovyni XX. st.”, Ukraïns’kyj istoryčnyj žurnal, 1998,
n° 1.
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