l`anti-machiavel - Commerce International
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l`anti-machiavel - Commerce International
PAR BY ALEXANDRE T. ANALIS VINEET NAYAR L’ANTI-MACHIAVEL ? Faire passer ses employés avant ses clients et le revendiquer haut et fort, c’est une stratégie osée. Elle semble pourtant payer. Et HCL Technologies, géant du secteur informatique indien, peut en témoigner : en cinq années, la société a vu son chiffre d’affaires, ses revenus nets et ses parts de marché s’accroître malgré une conjoncture économique internationale défavorable. L’homme à l’origine de la mise en place de ce mode de management atypique s’appelle Vineet Nayar, PDG d’HCL Technologies, homme d’affaires avisé, père de famille plutôt libéral et danseur à ses heures. armi les très nombreuses interprétations qu’a suscitées la publication du Prince, l’une des plus audacieuses conduit à cette conclusion : Nicolas Machiavel était au fond un humaniste, un philanthrope qui a volontairement livré au peuple les clefs de la manipulation et de la propagande politique afin qu’il puisse se défendre et, in fine, renverser le Prince. L’hypothèse est certes osée, mais pas irrationnelle pour autant : Dieu a toujours eu besoin du Diable. Le philosophe français JeanJacques Rousseau l’avait d’ailleurs noté dans son Contrat social : « (…) En feignant de donner des leçons aux Rois, il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince est le livre des républicains. » Si ce genre de remarque a très longtemps prêté – et prête encore de nos jours ! – à polémique, une grande majorité des lecteurs de Machiavel à travers les siècles lui reconnaît une immense intelligence et une faculté hors normes à non seulement analyser des systèmes politiques jusque dans leurs moindres détails, mais aussi à proposer des solutions concrètes de gouvernance qui semblent résister au temps, gage incontestable de leur qualité. Pro- ou anti-Machiavel, nombreux sont ceux qui, depuis ce temps, y sont allés de leur essai sur la manière de gouverner, suscitant là encore des interprétations extrêmement diverses… Pour s’en convaincre, un petit voyage dans le temps s’impose : il faut quitter la Renaissance florentine pour se retrouver de nos jours dans la salle de conférence de l’hôtel Leela Kempinski à Gurgaon, dans la grande banlieue de New Delhi, en Inde. En ce 25 octobre, la capitale administrative de l’Inde se remet à peine de l’organisation des XIXe Jeux du Commonwealth et s’apprête à recevoir, quelques jours plus tard, le président américain Barack Obama pour une visite qui fait couler beaucoup d’encre. Troisième société de services et d’ingénierie informatique (SSII) indienne, HCL Technologies organise dans ce cadre prestigieux « Directions 2011 », sa conférence annuelle sur les perspectives d’avenir de l’entreprise. Jusqu’ici, rien de bien original. Jusqu’à ce que la lumière s’éteigne et que l’on assiste, au milieu de quelque 1 200 employés réunis pour l’occasion, à une scène surréaliste. Imaginez un patron en bras de chemise, moustache forte, nez proéminent et ventre rebondi, qui traverse la salle balayée de lumières dignes d’une discothèque au rythme d’une musique techno assourdissante, et arrive finalement sur scène où il se met à danser – avec plus ou moins de grâce… – en compagnie de dizaines d’employés venus le rejoindre. Cet homme, ce n’est ni plus ni moins que Vineet Nayar, 48 ans, le président-directeur général de la société HCL Technologies… P COMMERCE INTERNATIONAL 59 N°69 - DÉCEMBRE 2010