alerte aux loups - Ville de Charleville

Transcription

alerte aux loups - Ville de Charleville
La Chapelle ; la Fontaine-du-Loup
près de Givonne, la Fontaine-auLoup à Doux, la Fontaine-auxLoups à Saint-Loup-Terrier [autrefois, avant 1828, Saint-Loup-auxBois] ; le ruisseau du Loup, un
sous-affluent de la Sormonne, le
Vieux-Lup à Vrigne-Meuse, le
Trou-des-Loups en haut de
Nouvion-sur-Meuse, la Fontaineaux-Loups à Boulzicourt ; la
Chambre-aux-Loups au nord de
Vendresse, à Savigny-sur-Aisne ;
le Trou-du-Loup à Baâlons, à la
Fosse-à-l’Eau ; les Vignes-auxLoups à Mont-de-Jeux, la Haieaux-Loups à Sainte-Vaubourg ; les
Louvières à Roche ; la louvière à
Grandpré, à Villers-le-Tilleul, à la
Neuville-en-Tourne-à-Fuy,
à
Pauvres, à Ville-sur-Retourne, à
Novy, le ruisseau de La Louvière
prenant sa source dans les bois de
Marcq ; la Queue-du-Loup à
Talma...
A
Saint-LoupChampagne, le lieudit la Fossesaint-Loup nous rappelle que les
Calvinistes, lors des guerres de
Religion, vers 1585, jetèrent le
pouce de saint Loup conservé
dans une châsse de l’église au
fond de ladite fosse (Pour en
savoir davantage : Michel Tamine,
Terres Ardennaises, n°20, octobre
1987).
Près du Chesne, Louvergny tire
peut-être son nom de la louvière,
le repaire du loup (pour Dauzat et
Rostaing, Louvergny puise son origine du nom d’homme gaulois
Lovernios). Dans la Marne, trois
lieux-dits s’intitulent : la Louverie,
la Louveterie et la Louvière. Dans
l’Aisne, subsistent le bois des
Leups près de Trosly-Loire et le
petit hameau de la Louvière. Par
contre dans la Meuse, les toponymes faisant référence au loup
sont beaucoup plus nombreux : 4
« La Louvière », et quantité de
« Trou-du-Loup »... En France, 5
communes
se
nomment
Louvière(s) ou Louviers. A Paris, le
célèbre Louvres est un toponyme
construit selon le même procédé,
lors
H
istoire
par Gérald
Dardart
L’héraldique s’inspire parfois du loup. Des patronymes familiaux aussi !
Ainsi, dans les archives, sont mentionnés : Guy Le Loup à WautrincourtSaint-Laurent en 1384, Ancel Leloup en 1456, Jean Le Leu en 1489 à Mézières.
de la période gallo-romaine. Des
noms de cours d’eau rappellent les
hordes de loups : la Loue, affluent
du Doubs, le Loing, affluent de la
Seine et le Loup, petit fleuve des
Alpes maritimes. Et, 34 noms de
localités françaises font référence
à saint Loup et 3 à saint Leu.
La pierre des Houïes
A Saint-Laurent (anciennement Wautrincourt), un monolithe
agrémenté d’une niche votive,
datant probablement du XVIIIe
siècle, se nomme la « pierre des
Houïes ». Mitoyenne d’un magnifique calvaire taillé par le carrier
Honoré Robinet de Saint-Laurent
en 1826, cette pierre indique la
limite à ne pas dépasser pour être
entendu des gens du village.
Passé cette balise, le cri « aux
loups, aux loups » ne parvient plus
dans le bourg, et l’on ne peut plus
être secouru !
Saint Loup
et Saint Leu
Il existe en France pas moins
de 13 saints Loup ! Le plus
connu
est
l’évêque
de
Troyes (383-
478). Saint Loup de Troyes sut
apaiser la violence et l’intempérance d’Attila. Sur les hauteurs de
Butz, à l’entrée des bois d’Enelle,
subsiste une chapelle dédiée à
saint Leu. Saint Leu était invoqué
pour préserver les enfants de la
peur et des convulsions. Afin de se
préserver de la rage et du loup,
l’on pouvait peut-être entreprendre
un pèlerinage à Saint-Loup-enChampagne, à Saint-Loup-Terrier,
à Saint-Hubert-en-Ardenne, ou
invoquer saint Leu à SévignyWaleppe. Dans l’église de
Sévigny-Waleppe, est conservé un
outil de bois, daté de 1687 et dédié
à « Sante Lupe ». Le culte de saint
Hubert est réputé à Prix-lèsMézières (voir ma monographie
sur la localité), Barricourt, Chagny,
Francheval, Issancourt, Nohan, La
Romagne, Sécheval, Tagnon,
Hautes-Rivières, Haybes, Villy,
Challerange...
« I gnet bell’ lurett’ qu’on n’wa pu
d’leu ». Disait-on en patois.
Cependant, le loup permettait
un équilibre dans l’écosystème.
Grâce à lui, ne proliféraient pas
les sangliers et cerfs. De plus,
par rapport aux autres espèces,
il était rarement atteint de la
rage. Victime de superstitions, tant païennes que
chrétiennes, l’espèce
s’est
éteinte
en
Ardenne.
Faudrait-il aujourd’hui
réintroduire cette espèce, tout de même “traditionnelle ” ?
Alerte
aux loups !
1884
Pour être entendu la nuit, il ne fallait pas passer la pierre des Houïes
à Saint-Laurent
U
A lire :
de Félix Buffière “La bête du
Gévaudan”, Toulouse, 1994,
224 pages
Supplément au journal
“Charleville-Mézière notre Ville”
N° 61 - juin 2002
n fléau n’arrive jamais seul, lorsque la
peste, le choléra, le froid, la guerre montrent leur sale museau... Le loup suit. Très
souvent assimilé au démon, le loup a hanté les
esprits de nos anciens durant des siècles. Ce fut le
sujet favori des veillées d’antan, de nos contes et
légendes, dans la Valleye, au coeur de nos sarts et
clairières. Jusqu’en 1880 dans les Ardennes, l’on
n’ose s’aventurer seul dans les fourrés de peur de
le rencontrer. Quand on parle du loup...
dessin Olivier Gobé
Les Loups
Cette nuit j’ai traqué les monstres que l’orage
et l’éclair font bondir loin des sentiers secrets.
J’ai tué. J’ai mangé pour en nourrir ma rage
le coeur saignant du plus vieux loup de mes forêts.
Estampes du XVIIIe siècle représentant la Bête
du Gévaudan (1764 - 1767)
Sous les arbres tordus de vagues paysages
j’ai buté sur des troncs pourris que j’ignorais.
J’entendais une voix : celle de l’enfant sage
perdu depuis toujours au milieu des marais.
J’ai foncé à travers des mystères sans nombre
où s’agitent des rats, des anneaux de serpents.
Mais un cri m’a jeté à plat ventre dans l’ombre.
Et quand l’aube a paru j’ai trouvé sur ma face
les empreintes d’un loup venu du fond des ans
pour venger sur l’enfant les derniers de sa race.
Camille Biver
La Grive, n°86, mai 1955.
Carnassier
Grand prédateur, le loup est
un mammifère carnivore sauvage
très voisin du chien. En ancien
français, « loup » - issu du latin
« lupus, lupa » - se dit « leu » ou
« lou ». Le mot ancien « leu » survit dans notre expression contemporaine « à la queue leu leu ».
Le loup gris est une bête puissante : 60 à 80 kg, 1 m à 1,15 m de
long, 0,7 à 1 m au garrot. La bête
infernale a traumatisé les autochtones durant des siècles. Elle a
laissé ses traces dans les
esprits. Ainsi, dans les
ouvrages d’Albert Meyrac, l’on
ne dénombre pas moins de 8
contes et légendes ardennais
mettant en scène le loup et
dans ceux de Duvier de
Fortemps, 4 font appel au
mythe des loups-garous.
La bête infernale
En 1596, à la fin des
Guerres de Religion, les
attaques de loups se multiplient.
Jean Taté dans sa fameuse
Chronique témoigne : « En l’année
1596, il y a eu si grande quantité
de loups en Champagne que l’on
ne pouvoit presque sortir. Ils étrangloient les grands et les petits et
déterroient les morts des cimetières ».
Le 29 février 1729, un loup
s’attaque à la population de Novy.
Le bilan est cataclysmique : 18
blessés et 2 tués. Le 19 octobre
1793, les administrateurs du
département délibèrent au sujet
d’un loup particulièrement destructeur. Le procureur général syndic
déclare : « Citoyens, un loup-cervier (lynx, loup qui s’attaque aux
cerfs, NDLA) ou étranger vient de
faire des ravages considérables
dans les environs de Grandpré, a
blessé grièvement plusieurs personnes et divers bestiaux. Le toc-
sin a sonné. Les citoyens de plusieurs communes se sont réunis et
il a été fait une battue d’après
laquelle il est constant qu’un loup
a été blessé, mais qu’il s’est
échappé ; qu’ensuite, par l’effet de
la courageuse fermeté des
citoyens Thomas Emont et JeanBaptiste Balthazard fils de
Grandpré, le loup-cervier en question a été terrassé et mis à mort ».
Le dénommé Edmond a été mordu
et a souffert ensuite « d’une fièvre
considérable ». Les archives ne
disent pas s’il a pu survivre.
Entre 1764 et 1767, la Bête du
Gévaudan gagne une réputation
nationale. Elle tue durant cette
période plus de cent enfants et
femmes, dans des villages et
hameaux isolés au nord de
Mende. Ses méfaits hantent les
assemblées, veillées, prônes, de
tout le Royaume de France et de
Navarre...
Les Macériens
chassent les loups
Entre 1768 et 1773, lors des
hivers rigoureux, un nombre
important d’Ardennais sont attaqués par des loups à Wasigny,
Clavy-Warvy, Evigny, Douzy, Les
Grandes-Armoises,
Raucourt,
Vendresse, Sorel, Damouzy... Le
12 mai 1770, Henry Malaizé, garçon milicien pour la ville de
Mézières capture, vivante, une
jeune louve dans les bois d’Evigny.
Le 1er juillet 1771, Jean-Antoine
Déliars, maître particulier des
Eaux et Forêts en la maîtrise de
Sedan, ordonne une battue dans
la forêt de Francheval, car les
loups s’y sont grandement multipliés (Jacques Lambert, Terres
Ardennaises, n°20, octobre 1987).
En 1771, dans notre contrée, en
tout 94 loups et 32 louveteaux ont
été abattus (Charles Robert,
Nouvelle Revue de Champagne et
de Brie, tome VI, 1928).
Entre 1796 et 1800, 387 loups
dont un seul enragé sont tués
dans
le
département
des
Ardennes. En 1796-97 (An V), le
département des Ardennes est
réputé comme l’un des principaux repaires de loups en
France ! En 1800, plusieurs bat-
tues sont organisées dans les bois
de Thilay. Des primes importantes
sont accordées : 150 F. par loup
enragé, 40 F. par loup, 50 F. par
louve pleine et 20 F. par louveteau.
Le 2 septembre 1800 (15 fructidor
an VIII), un loup enragé mord et
défigure 6 personnes de la commune d’Adon. La forêt des
Pothées est infestée de loups
entre 1812 et 1825. La Grande
Armée, en déroute en 1815, a laissé sur le bord des routes des centaines de cadavres qui attirent de
très loin des loups. Le meilleur
tueur de loups de Sévigny-la-Forêt
est Jacques Lubin dit « RougeFontaine » (1734-An IX). Il peut
s’enorgueillir d’un bon palmarès : 13
loups. Au début de 1841, le Comte
de La Tour du Pin, lieutenant de
louveterie de Bosmont (Aisne)
vient à Renneville tuer 6 loups.
Durant l’occupation prussienne
(1870-1873), les loups restent
nombreux. Trois grands loups ont
été tués vers 1872 dans la forêt du
Franc-lieu à Stonne et La Besace.
Fin mai 1873, à La Horgne, une
louve et ses louveteaux sont aperçus, à la suite d’une tragique
méprise, un chasseur tire et tue un
autre villageois. En 1880, deux
loups sont abattus dans les bois
de Beaumont-en-Argonne. Les
bois de Sy (la Pointe d’Ecogne) et
le bois de Hayes au-dessus de
Chémery ont abrité des loups jusqu’en 1885. Par la loi du 5 avril
1884, le maire peut mobiliser ses
administrés pour débusquer et tuer
les loups. En décembre 1891, un
chasseur de Sedan, Millot, tue un
beau loup de 76 livres dans ses
bois de Blanchampagne, près de
Sailly. Sur la période 1882-1902,
58 loups sont abattus dans les
Ardennes. En 1912, il reste
quelques loups dans le département de la Meuse, ils voyagent
parfois jusque dans la partie
ardennaise de l’Argonne.
Rudes hivers
Les loups attaquent les habitants lorsqu’ils se sentent traqués
ou chassés des forêts par un
manque de subsistances, lors de
trop rudes hivers. C’est le cas
durant les longs et durs hivers
1324, 1338, 1407, 1458, 1464,
1468, 1481, 1489, 1565, 1594,
1608, 1659, le Grand Hyver de
1709, 1741, 1788... Le loup sait
aussi ravager des villages affaiblis
et désolés par la peste : Mézières
est touchée par l’épidémie en
1633, Sedan en 1636 (Cf. Etude
du Dr Beugnies, 1905).
En France, la dernière victime
humaine des loups est Marie
Rampnoux, tuée en Haute-Vienne,
le 13 août 1918.
La louveterie : une
institution, du
moyen âge au XXe
siècle
La louveterie est une institution cynégétique ayant pour fonction d’assurer les battues de destruction des nuisibles tels les
Des notables, lieutenants de louveterie
1870
1890
1932
Le Conseiller général
Hannonet (Mézières)
Georges Corneau
de Charleville
Louis Hubert de Charleville
De Beffroy, maire de
Remilly-lès-Pothées
Paul Regnault
de Monthermé
Jean Pothier de
Sault-lès-Rethel
Le baron de Sibuet,
de Vireux-Wallerand
Eric Béchet de Balan
Paul Martin de Auvillers-lesForges
De Boullenois,
maire de Senuc
Auguste Robert à Sedan
Georges Ancel
de Carignan
Demazy, de Sedan
Gilbert-Lemoigne à Buzancy
Pierrard de Sedan
Chayaux de Sedan
De Pouilly à Cornay
Henri Morel à Rocroi
Félix Pognon à Sommauthe
Emile Beauvalet à Semide
Le Comte Guyot
à Montigny-sur-Meuse
Le Comte Bertrand de
Vallon à Signy-le-Petit
loups, sangliers, renards...
La charge de louvetier du roi
est créée en 1308. L’édit de janvier
1583 fonde et organise la charge
des louvetiers et l’ordonnance de
1597 détermine les fonctions des
sergents louvetiers. La louveterie
s’est développée sous l’Ancien
Régime avant d’être supprimée en
1793, puis réorganisée par l’ordonnance du 20 août 1814. Elle est
alors placée sous l’autorité du
grand veneur, et en 1830 sous
celle de l’Administration des Eaux
et Forêts. A partir de 1830, les lieutenants de louveterie, bénévoles
désignés et agréés par la Direction
Générale des Forêts, sont tenus
La Croix Serin en forêt d’Elan, souvenir d’un drame de la chasse au
XVIIIe siècle ?
d’entretenir à leurs frais un équipage de chasse comprenant au
moins un piqueur, deux valets de
limiers, un valet de chiens, dix
chiens courant et quatre limiers, et
de se procurer en outre les pièges
nécessaires pour la destruction
des loups, renards et autres nuisibles... Le règlement de 1813 a
déterminé l’uniforme des lieutenants de louveterie, qui ne sont ni
agents de l’Etat, ni dépositaires
d’aucune partie de la puissance
publique. Les lieutenants de louveterie sont tenus de faire connaître
journellement les loups tués dans
leur arrondissement et tous les
ans d’adresser un état général des
prises... A la fin du XVIe siècle,
Charles de Joyeuse, issu des
Comtes de Grandpré, seigneur de
Sy, profite de la charge de grand
louvetier de France. Dans la
seconde moitié du XVIIIe siècle,
Jules-Ange de Pavant, seigneur
de Belleville-sur-Bar, assume la
lieutenance
de
la
Grande
Louveterie de France. Le grand
louvetier nomme des lieutenants
de louveterie dans chaque bailliage. En 1781, le dénommé Petitfils
est désigné comme lieutenant de
Louveterie au bailliage de
Mézières. Dans les Ardennes, le
nombre des louvetiers a tendance
à augmenter jusqu’en 1922. Il y a
5 lieutenants de louveterie et un
lieutenant adjoint en 1870, 8 lieutenants en 1880, 9 en 1890, 15 en
1910, 15 en 1914, 16 en 1921, 18
en 1922, 17 en 1926, 7 en 1932 et
7 en 1936.
Le loup dans l’héraldique ardennaise
Au coeur du Palais des
Tournelles - ou de la Tournelle -,
résidence secondaire des ducs de
Bourgogne à Mézières, une grande salle du Leu, ornée d’une
monumentale cheminée est mentionnée en 1409 dans les Chartes
des Comtes de Rethel. Un blason
symbolisant un loup, décorait-il la
cheminée ?
Le loup intervient dans l’héraldique ardennaise : en effet, les
armes de Wasigny et Fumay sont
agrémentées de loups. Les armes
de Wasigny sont, en fait, celles de
la famille de Villelongue :
« Ecartelé : au 1 et 4, d’argent au
loup passant de sable ; au 2 et 3,
d’azur, à la gerbe d’or, liée de
même ». L’ordonnance royale du
20 mars 1824 fixe les armoiries de
Fumay : « D’azur à trois têtes de
loup au naturel, posées deux en
chef, affrontées, et une en pointe ».
Le loup dans la
toponymie locale :
la Louvetière, le
Trou-du-Loup, la
Fontaine-du-Loup...
La toponymie ardennaise conserve le souvenir de l’incessante présence des loups. A Rethel, la
Crête-des-Loups, non loin du
Chemin du Loup, rappelle qu’en
1667 des paysans furent dévorés
par des loups. Toujours à Rethel, à
la Croix d’Ardalu (le dard à leu =
la lance pour occire le loup), qui
existait en 1496, détruite en 1793,
un loup fut brûlé. D’autres lieux
indiquent des repaires de loups,
des lieux de carnages, ou d’anciennes fosses pour enterrer les
loups tués lors des battues : Le
Fond-du-Loup à Floing, le champ
Leloup à Chémery, la Noue-auxLoups à Landres-Saint-Georges,
la ruelle aux Loups à Asfeld, le Col
du Loup (383 m) près de Joigny, le
Dos-de-Loup au nord de Sedan, à
1894
1900
1912

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