FORUM TUNISO-ALLEMAND DES VILLES SUR LA DEMOCRATIE

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FORUM TUNISO-ALLEMAND DES VILLES SUR LA DEMOCRATIE
FORUM TUNISO-ALLEMAND DES VILLES SUR
LA DEMOCRATIE LOCALE
Cologne - Munster
03 au 05 décembre 2012
Farouk Tebbal
Contexte
Ce forum s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme CoMun et en particulier
son volet pour le partenariat tuniso-allemand sur la transition démocratique et a été organisé
par la GIZ et l’association des villes allemandes (le Deutscher Städtetag - DST), en coopération
avec Engagement Global/SKEW. Il fait suite à une première rencontre qui a eu lieu les 7 et 8
décembre 2011 et qui a permis d’engager un processus d’échange d’expériences entre les villes
tunisiennes et allemandes, soutenues par les différents acteurs concernés par la problématique
tant au niveau central que local (ministères, centres d’appui aux collectivités locales,
associations des villes, etc.). Ce forum fait également suite aux ateliers de travail qui se sont
tenus sur des actions concrètes de réalisation de la démocratie locales en octobre et novembre
2012 en Tunisie.
Les participants
La participation à ce forum a été marquée du côté tunisien par la forte présence des villes
tunisiennes, de celle de représentants de différentes institutions tunisiennes (assemblée
nationale constituante, administration centrale, le CFAD, la fédération nationale des villes
tunisiennes, l’association tunisienne des urbanistes). Du côté allemand la présence de
nombreuses villes allemandes est à souligner, celle de représentants du Deutscher Städtetag
(DST), l’association des villes allemandes. Le Centre de Marseille pour l’Intégration en
Méditerranée était également représenté.
Les entretiens, présentations et visites
Cologne, 3 décembre 2012 :
Les travaux de la journée du 3 décembre ont été consacrés à la question de la démocratie
locale.
Les interventions introductives portant sue le rôle des
municipalités dans la constitution des deux pays ont tracé le
contexte dans lequel se déroule le forum à savoir les démarches et
processus qui ont marqué l’évolution de l’Allemagne dans sa
longue histoire dans la quête de la démocratie locale et celle plus
récente de la Tunisie « berceau du printemps arabe » et pionnière
du changement démocratique qui traverse la région. Les orateurs
ont, en particulier, insisté sur le fait que ces changements
traduisent la nécessité de répondre aux aspirations du peuple, son
désir de représentativité politique, son besoin de sécurisation
quant à l’avenir et son rejet de la marginalisation.
À ce titre, la démocratie locale en Allemagne, prescrite dans la constitution, donne à la
commune la responsabilité sur toute chose qui doit être traitée au niveau local. Le principe de
subsidiarité, au centre de ce concept, donne le pouvoir de décision au niveau le plus bas qui est
compétent pour s’acquitter d’une mission sans devoir la laisser au niveau supérieur.
La partie tunisienne confirme la similitude de vision et notamment que :
- les élus locaux devront être les véritables acteurs de leur politique et non pas sous
tutelle,
- qu’il sera fait appel à la contribution de la société civile, prolongement naturel du
processus démocratique, et que
- sans partage, sans écoute et sans échange, la démocratie serait vaine.
Le texte constitutionnel devrait ancrer ces principes et sera suivi de lois et décrets eux-mêmes
élaborés sur une base participative.
Le premier module de cette journée a été consacré à la discussion des options pour les
initiatives municipales et les limites de la participation politique. Onze principes de
l’autogestion communale ont été évoqués par la partie allemande, notamment le contrôle
auquel sont soumises les communes, la qualification du personnel communal, la latitude offerte
aux communes de faire valoir leur droit auprès des tribunaux, le cadre de la participation
citoyenne, le rôle des jeunes, etc. La partie tunisienne a, quant à elle, un état précis de la
situation actuelle en matière de décentralisation, relevant sa faiblesse à l’heure actuelle et le
peu d’implication citoyenne notamment du fait de la mauvaise préparation des acteurs à cette
pratique qui demande la mise en œuvre de campagnes d’information et de sensibilisation.
Le débat qui a suivi a mis en relief la spécificité de la situation que connaît actuellement la
Tunisie, une situation de transition qui recommande une
approche mesurée au regard des limites du processus en
cours (la commune tunisienne n’a pas encore la main
haute sur les décisions, la commune est encore vue
comme une extension de l’Etat central, faiblesse de
l’expertise et du savoir faire, l’euphorie actuelle a pu
conduire à des conflits décisionnels entre les autorités
actuelles « nommées » et la société civile). Cette
spécificité rend difficile toute transposition des
expériences étrangères sans interdire l’examen et la
pratique des autres pour en retenir ce qui est jugé utile. Les participants ont toutefois souligné
des exemples de succès de la participation en Tunisie (SDV de Sfax, Sousse, autres) qui peuvent
se multiplier avec un accompagnement adéquat.
Le second module a été consacré au rôle de l’autogestion municipal pour la démocratie
locale. Il a permis une description détaillée de l’organisation du Land de Rhénanie du NordWestphalie, ses dimensions physiques et démographiques, le cadre législatif qui fixe le droit de
la commune ainsi que les tâches qui restent du ressort de l’Etat (police, fisc, justice), les
différents niveaux de tâches qui incombent à la commune (tâches libres, tâches obligatoires,
tâches commissionnées) et les ressources financières y afférentes ainsi que les conditions et
formes de contrôle de l’Etat pour s’assurer de la bonne application des tâches dévolues aux
communes.
Pour la partie tunisienne, le président de la commission des collectivités
locales de l’Assemblée Nationale Constituante a rappelé les éléments et
la démarche adoptés par la future constitution en vue de prendre en
charge la question locale au travers du chapitre « pouvoir local » dont
l’intitulé démontre l’importance au concept d’autorité conféré au niveau
local. Douze articles traitent des questions relatives à la décentralisation,
aux élections directes, à la subsidiarité, l’autonomie des collectivités
locales, la démocratie participative, etc. La relation entre
décentralisation et démocratie est étroite comme le démontre l’accent
mis sur le pouvoir de décision au niveau local. La date du 20 mars 2013
est l’objectif arrêté pour la finalisation de la constitution.
La discussion qui a suivi les présentations a porté sur les différents aspects de la gestion
communale et des moyens existants ou à mettre en place, notamment en Tunisie qui engage
une réforme radicale des modes d’administration du pays. Il a été reconnu que ce pays est
confronté à des problèmes et des difficultés très importants et qu’il sera appelé à réfléchir à
une mise en œuvre planifiée des réformes. Des solutions intermédiaires seront à envisager de
sorte à ne pas mettre à la charge des communes plus qu’elles ne peuvent gérer aujourd’hui au
regard du niveau des finances disponibles et des capacités et ressources humaines en place. Il a
été en particulier recommandé que les maires tunisiens se concertent pour étudier les tâches et
la chronologie de leur prise en charge, une certaine forme de centralisation provisoire pouvant
être nécessaire pour la gestion de dossiers lourds tels que la santé et l’éducation.
En ce qui concerne les procédures proches du citoyen dans les municipalités allemandes, cellesci ont fait état de l’existence de bureaux de citoyens décentralisés à guichet unique, la
participation de citoyens au titre de conseillers à l’écoute des populations ainsi que le rôle de
citoyens experts qui apportent leur assistance aux élus. Cela a permis de considérer le citoyen
comme un client et non plus comme un simple « demandeur ». Des campagnes d’information
permettent de garder ce contact entre l’administration locale et le citoyen.
Le troisième module de la journée a permis à deux villes (Munich et Monastir) de présenter des
situations contrastées. La ville de Munich a ancré la participation du citoyen sous différentes
formes (information, référendums locaux d’initiative populaire, participation dans le domaine
de la planification urbaine, etc.) afin d’améliorer la qualité du processus décisionnel, à l’instar
du concept « Perspective Munich » utilisant notamment l’outil internet (http://muenchenmitdenken.de/ ). Toutefois il a été souligné que la participation ne remplace pas la démocratie
représentative mais la complète, les élus ne devant pas se laisser déposséder de la
responsabilité globale.
La ville de Monastir, à l’instar des autres villes tunisiennes a connu une longue période avant la
révolution où l’accès à la vie politique était conditionné par l’appartenance au parti au pouvoir.
Aujourd’hui la participation de la société civile est restaurée, le citoyen étant en mesure
d’apporter son point de vue sur des questions relatives au futur de la ville à l’instar des
consultations qui s’engagent à la faveur, par exemples, des projets de mise en place de
stratégies de développement de la ville. Un échange avec les villes allemandes sera de nature à
faire bénéficier la partie tunisienne de la longue expérience de celles-ci.
La discussion a porté en premier lieu sur la signification, la faisabilité et les modalités des
référendums locaux d’initiative populaire et
notamment leur coût, la possibilité d’utiliser l’outil
informatique, et le taux de participation. La partie
tunisienne a fait état des difficultés liées à l’incivisme
encore existant (vol de câbles d’éclairage publique,
décharges sauvages) mais également d’initiatives
populaires encourageantes (achats de câbles par les
populations de quartiers pour restaurer l’éclairage).
Les jeunes sont également de plus en plus
demandeurs de participation et de formation.
La séquence de conclusion a mis en exergue l’engagement irréversible de la Tunisie en faveur
de la démocratie locale et l’importance des liens qui seront établis entre les deux parties sur un
large éventail de sujets et leur caractère réciproquement bénéfique.
En fin de journée une réception a été offerte par le Maire de Cologne et qui a permis aux
participants d’avoir une illustration vivante des questions débattues dans la journée à la faveur
d’une présentation impromptue du cas de la ville de Cologne par le maire lui-même.
Cologne 4 décembre 2012 :
Le thème de la première partie de la deuxième journée « la municipalité transparente, la
relation entre le conseil municipal et l’administration » a été illustré par une présentation
extrêmement riche et détaillée sur le fonctionnement municipal de la ville de Cologne et la
collaboration entre le conseil municipal élu et les citoyens.
La présentation a abordé de nombreuses questions, notamment :
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les principes essentiels qui gouvernent le fonctionnement municipal à savoir la
constitution qui garantit l’existence de la commune et le fait que la commune allemande
est une collectivité de droit public dotée du droit d’administration et autorisée à porter
plainte si son autonomie administrative est violée,
les règlements qui régissent la commune (loi sur la commune, son règlement intérieur,
le règlement des compétences, etc.),
les différentes compétences et tâches de la commune (obligatoires déléguées,
obligatoires résultant de l‘autonomie administrative, celles résultant de l‘exécution des
lois de l’état, les missions volontaires),
le contrôle de la commune par l’Etat et la singularité de la constitution communale
allemande.
les différentes fonctions communales (le maire, les adjoints, le conseil municipal, les
commissions, les comités consultatifs, le conseil d’arrondissement) et la description des
tâches qui leur incombent,
les formes de coopération possible entre les différents groupes parlementaires,
la participation du citoyen aux décisions de la commune par le biais des élections, des
référendums, demandes directes et les comités de consultation, soutenues par une
forte action d’information du citoyen,
le mode de financement de l’activité de la commune (impôts directs, participation au
revenu de l’État, péréquation financière, subventions de l’État, etc.)
La présentation a également signalé un certain nombre de problèmes auxquels sont
confrontées les communes allemandes (répartition inégale des impôts, désintérêt de la part des
citoyens à la vie politique) ainsi qu’une description du service juridique dans les villes
allemandes et son rôle.
Une deuxième présentation a porté sur le budget participatif de la ville et a détaillé la nature
des parties prenantes, les objectifs du budget, les principales affectations budgétaires, en
signalant que la ville a connu un déficit en 2012 de 250 millions d’euros. Afin d’assurer la
crédibilité des actions et des décisions prises, celles-ci font l’objet de publications ouvertes au
public et accessibles sur internet.
La session s’est achevée par un débat qui a permis aux participants
d’approfondir les questions relatives au « coût » de la
participation citoyenne, la nature des budgets faisant l’objet d’une
participation citoyenne (budget d’investissement et non le budget
de fonctionnement), les raisons de la baisse d’intérêt des citoyens
enregistrée récemment et les canaux de participation ainsi que la
gestion du site web permettant l’interaction avec les citoyens.
Les participants ont été invités, en fin de matinée, à la visite du
guichet du citoyen du centre-ville traduisant le concept de
l’administration municipale au service de ses citoyens. De
nombreuses questions ont été posées lors de la visite notamment
sur les actes administratifs délivrés par le guichet, la rapidité de
réponse, l’accessibilité du guichet aux citoyens ne résidant pas au
centre-ville, etc.
Munster 5 décembre 2012 :
La troisième journée du forum s’est déroulée dans la ville de Munster et a permis aux
participants d’approfondir les discussions sur l’auto-administration municipale sur l’exemple
d’une autre ville allemande et de s’informer du travail du conseil municipal des jeunes.
Une présentation très précise a décrit, après avoir rappelé les tâches municipales (libres,
obligatoires et commissionnées), les principes de l’auto-administration municipale, à savoir :
- la subsidiarité,
- l’autonomie financière et budgétaire,
- l’autonomie en matière de planification, de gestion du personnel, d’organisation,
d’élaborations de chartes internes et de statuts et en matière de fiscalité.
La notion d’élection directe et indirecte des membres du conseil a été décrite, de même que les
structures du conseil (le maire principal et les maires adjoints), les différentes commissions
techniques, les arrondissements et leurs conseils. Les participants ont été particulièrement
intéressés par la possibilité offerte à toute personne de faire des propositions au conseil.
La discussion qui a suivi la présentation a porté également sur la question des zones rurales
périurbaines, l’intercommunalité, le rôle des experts techniques et leur désignation, le mode de
financement des investissements municipaux, la nature et la pertinence des propositions
publiques. Les réponses ont permis de clarifier les sujets abordés et d’alerter sur le risque des
attentes que peut susciter la participation des citoyens et de la nécessité de bien la gérer.
La présentation du travail du conseil municipal des jeunes dans la ville de Munster, mis en
œuvre depuis 2006, a permis de comprendre l’intérêt de cette démarche, véritable école de
préparation à la vie démocratique pour des jeunes de 12 à 18 ans. Leur conseil de 30 membres
réfléchi et propose de idées sur des questions aussi importante que la tolérance, l’inclusion
sociale, le sport ou les handicapés.
Le débat et les questions qui ont suivi la présentation ont clarifié les questions de taux de
participation au conseil, les formes de vote, et la motivation des jeunes.
Cette présentation a clôturé les trois journées du forum qui aura permis aux participants
d’approfondir leur connaissance des réalités et pratiques dans les deux pays, d’échanger des
vues sur des questions centrales concernant la démocratie locale, la décentralisation,
l’autonomie communale, la participation des citoyens et la proximité entre élus, administration
et populations. Un consensus a été fait sur l’importance de ces types de rencontres qui, en
permettant de mieux se connaître, facilitent les échanges de savoir et de savoir-faire et
permettent également de mieux cibler ce qui peut être retiré des expériences d’autrui. Le
programme CoMun, au travers de son volet démocratie locale, contribue ainsi à jeter ces
passerelles entre les villes des deux pays.