LE COACHING POUR MIEUX CONDUIRE LE CHANGEMENT
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LE COACHING POUR MIEUX CONDUIRE LE CHANGEMENT
Événement 7 UNITAID PARI GAGNÉ Lancée en novembre 2006, la facilité internationale d’achat de médicaments peut d’ores et déjà faire valoir sa réussite tant sur le plan des levées de fonds que sur celui des adhésions. Genèse et avenir d’une « organisation » pas tout à fait comme les autres. Témoignages exclusifs de Jacques Chirac et de Bill Clinton ; interview de son président, Philippe Douste-Blazy ; message de soutien de Bernard Lemoine, vice-président délégué du Leem. —————— DOSSIER : JONATHAN ICART, HERVÉ KARLESKIND ari gagné ? Le préfet Jean Dussourd, conseiller spécial de Philippe Douste-Blazy pour Unitaid, a tout l’air de le penser. Fort des engagements du président Chirac et de Bill Clinton, président de la Clinton Foundation, publiés dans nos colonnes, assuré de la puissante logistique financière de Bill Gates, Unitaid, lancé le 19 septembre 2006, peut dès à présent afficher un bilan flatteur. « Et pourtant personne ou presque n’y croyait », affirme pour sa part Philippe Douste-Blazy, son président, dans l’entretien qu’il nous a accordé. Premier pari gagné, celui de « faire bouger les lignes »,dit Jean Dussourd, « en imprimant une volonté politique susceptible de dégager des moyens innovants pour traiter les grands dossiers sanitaires ». Et pourtant la gestation d’Unitaid 4Le prix des antirétroviraux baissera pour les pays pauvres Partenaire d’Unitaid, la Fondation Clinton a obtenu de fabricants de médicaments une baisse de coût pour des antirétroviraux de dernière génération. Ces molécules encore sous brevet seront ainsi disponibles pour 66 pays en développement à des prix inférieurs de 25 % à 50 % au prix du marché, en fonction des revenus des pays concernés, si ceuxci émettent des licences obligatoires. En réponse à un appel d’offres international ouvert à tous les laboratoires remplissant les exigences de qualité d’Unitaid, le génériqueur indien Matrix vendra l’abacavir et le tenofovir à moitié prix et ses compatriotes Cipla et Ranbaxy fourniront respectivement le tenofovir et la didanosine. Même l’américain Abbott joue le jeu, en procurant une version améliorée de Kaletra® (lopinavir) à bas coût, après avoir baissé le prix de ce médicament en Thaïlande. Des discussions sont en cours pour aboutir à d’autres baisses de prix avant la fin de l’année. DR P Bill Clinton et Philippe Douste-Blazy regardent dans la même direction. ne s’est pas déroulée sans douleur. A l’origine, l’engagement de Jacques Chirac, déjà très sensibilisé en tant que maire de Paris dans la lutte contre le Sida. Elu président de la République en 1995, imprégné d’une grand culture de l’Afrique dispensée par son mentor Félix Houphouët-Boigny, père de l’indépendance ivoirienne, Jacques Chirac se rend au congrès d’Abidjan en 1997, accompagné de Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé. Objectif, selon les mots de son porte-parole, Jérôme Bonnafont qui nous recevait le 25 avril dernier, « pousser un coup de gueule » : à cette époque, Jacques Chirac, est « révolté ». Mais le gouvernement et l’entourage traînent les pieds. Et l’OMS fait valoir que les trithérapies ne sont pas indispensables et que, de surcroît, elles coûtent trop cher. Coup d’envoi donc à Abidjan où le président français dénonce « les maladies qui sont au Sud, et les médicaments au Nord ». À cette occasion, il propose la mise en place d’un fonds de solidarité internationale. Accueil poli mais frais : les laboratoires sont sceptiques, gouvernements et institutions internationales font la moue. Curieusement, l’arrivée de George Bush au pouvoir va jouer un rôle non négligeable dans le registre du « conservatisme compassionnel ». 444 MAI 2007 _ PHARMACEUTIQUES 8 é v é n e m e n t UNITAID 444 Inverser la croissance des grandes pandémies. La ré- union du G8 à Gênes donne ainsi le coup d’envoi, sous le magistère de Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU, de la lutte contre les trois principales pandémies, le sida, la tuberculose et le paludisme. L’Elysée force la marche, fort de l’appui de Jean-François Dehecq (pdg de Sanofi-Aventis), qui partage avec Jacques Chirac la volonté de diviser la grande pauvreté par deux à l’horizon 2015 et d’inverser la croissance des grandes pandémies. Mais les financements restent à trouver et les besoins se chiffrent à quelque… 100 milliards de dollars. La taxe dite « taxe Tobin » fait des émules, au point, un temps, de faire figure de financement « possible ». Une fois réélu, Jacques Chirac réunit un « think tank » composé de politiques, d’hommes d’affaires et de représentants d’ONG, pour inventer « la bonne taxe ». Trente propositions sont faites, mais une seule émerge, celle de prélever une dime indolore sur… les billets d’avion. Avec un taux de croissance de 8 % par an, le trafic aérien représente en effet une belle ressource et ne grève en rien les flux financiers visés par la défunte taxe Tobin. Avantage : cette contribution de solidarité ne dépend pas du budget des Etats. Retour à Paris : le préfet Jean Dussourd et le porte-parole de l’Elysée, Jérome Bonnafont, parlent d’une seule voix pour souligner la contribution personnelle de Philippe DousteBlazy, le mieux placé et le plus à même pour être le promoteur de l’idée Unitaid, à savoir l’acquisition de médicaments par une centrale d’achat sur le modèle de l’assurance maladie. Unitaid est alors pratiquement né. Avec de bonnes fées penchées sur son berceau : la plupart des labos et les deux Bill, Clinton et Gates. Une taxe de solidarité. Lancée comme on l’a vu le 19 septembre 2006, Unitaid voit officiellement le jour lors des deux premiers conseils d’administration en octobre et novembre 2006. Quelque six mois plus tard, qu’en est-il à l’heure d’un premier bilan ? Unitaid, si l’on peut dire, a d’ores et déjà brûlé les étapes en se plaçant très vite dans la dispense de soins, l’indispensable corollaire de l’achat de médicaments. « Stocker, cela n’aurait pas de sens », confirme Jean Dussourd. Avec l’aide du FMI, de la Banque mondiale, de la Fondation Clinton et des quelque 15 mil- PHARMACEUTIQUES _ MAI 2007 lions de dollars qu’elle a déjà levé, Unitaid peut dès à présent veiller à une mise en œuvre efficace de son programme, à savoir les baisses de prix des médicaments pour lutter contre les trois grandes pandémies. « Et les résultats sont tangibles », affirme Jean Dussourd. « Il faut travailler avec les grands labos et les génériqueurs pour obtenir la qualité des traitements, comme par exemple dans le cas du traitement pédiatrique du Sida », explique le conseiller de Philippe Douste-Blazy, insiste sur la nécessité d’obtenir et de dispenser des traitements thermostables à prix réduits. Huit mois plus tard, Unitaid ne cesse de s’étoffer. « Nous étions cinq pays au départ », souligne Jean Dussourd, qui commente la possible arrivée de la Chine, soucieuse de renforcer sa présence internationale, mais aussi d’assurer la prise en charge de ses propres pathologies comme le VIH ou la tuberculose. Même scénario au Maroc où le roi Mohammed VI a accepté le principe de la taxe de solidarité : Sanofi Aventis n’a d’ailleurs pas tardé à réagir en préUnitaid : voyant l’implantation d’une l'héritière de la usine au Maroc. Evidemment, la question qui vient à taxe Tobin ? l’esprit est celle des rapports entre Unitaid et les organisations internationales existantes. « Nous ne voulons rien compliquer, seulement apporter des réponses urgentes », relève le conseiller de Philippe Douste-Blazy. Symboliquement, Unitaid est d’ailleurs logée au siège de l’OMS à Genève. Et, leçon bien apprise, donc bien comprise, l’argent prélevé n’est pas censé alimenter une structure budgétaire trop lourde : pas plus de quinze personnes. A cela s’ajoute une politique de partenariats très active avec : l’OMS, l’UNICEF, le Fonds mondial contre le Sida, la Fondation Clinton et la Fondation Gates. Ces dernières étant particulièrement mises à contribution pour leurs expertises et leurs savoir-faire en matière de levée de fonds. Quel avenir pour Unitaid ? La vocation de devenir « un petit chef d’orchestre » selon les mots de Jean Dussourd… ■ 9 ACTEURS DE LA SANTÉ MONDIALE, UNISSONS – NOUS ! —————— PAR BERNARD LEMOINE, VICE-PRÉSIDENT DÉLÉGUÉ DU LEEM SUR UNITAID a question de l’accès aux médicaments des personnes malades, non solvables et à l’écart des systèmes de soins, est un défi de santé mondiale qui nous concerne tous. On ne peut accepter que 90 % de la population mondiale ne consomme que 10 % de l’offre de santé. A travers la mobilisation contre les grandes pandémies, sida, tuberculose, paludisme, une nouvelle dynamique de la gouvernance mondiale est en train de s’organiser. Les accords ADPIC permettent aux pays subissant une urgence sanitaire de bénéficier des médica- DR L ments dont ils ont besoin. Les fonds mondiaux (Gavi, Access) et des initiatives privées s’investissent dans la recherche et la distribution de soins à des niveaux jamais atteints. Unitaid, à l’initiative de la France, fondé sur une idée de péréquation richespauvres très pertinente, est une impulsion nouvelle bienvenue pour que la société civile mondiale fasse de la santé une de ses priorités. chées à ce que soient respectée une neutralité économique nécessaire entre les différents intervenants, dont l'industrie de recherche, tout particulièrement dans les politiques d’achat, dans le cadre d’une démarche de mise à disposition des médicaments de qualité au meilleur prix avec des règles de marché transparentes. L’enjeu pour UNITAID sera de s’inscrire dans des règles de foncL’investissement des entreprises, tionnement et de santé publique qui qui nécessite la protection par les garantiront la qualité des traitements brevets – seule garantie du dévelopet de leur mise à disposition effecpement de la recherche – reste de tive pour des populations démunies loin le premier finanà tout point de vue. Auceur du progrès théradelà du montage reDes peutique. Conscientes marquable et de son médicaments de leur rôle, les Entreuniversalité nécessaire, de qualité au prises du médicament, le fonds devra garanont développé en partir la transparence et meilleur prix tenariat avec l’OMS et l’efficacité de sa chaîne les pays concernés des de responsabilité ainsi offres à prix différenciés ; elles accorque la représentativité de sa gouverdent de plus si besoin aujourd’hui à nance. C’est aujourd’hui un défi des pays des licences volontaires sur propre à toutes les organisations inles antirétroviraux, par exemple. Au ternationales, publiques et privées, total, le secteur investit 6 milliards tant cette chaîne est complexe. Les dollars par an, soit 1 % de son chiffre Entreprises du médicament redisent d’affaires, dans des actions de partequ’elles sont prêtes à y tenir une nariats. Certains laboratoires déveplace qui permettra de faire le lien loppent des concepts innovants « no entre leurs recherches et les besoins, loss, no profit » qui participent à les capacités et les offres. Ainsi pourra l’adaptation des modèles de reêtre amplifiée une dynamique en facherche et de production aux exiveur de « la santé publique mondiale gences des populations du sud. » dont acteurs publics et privés, citoyens et décideurs, sont dépositaires Dès sa création, les Entreprises du et redevables à la fois. Les Entreprises médicament ont manifesté leur intédu Médicament, en France et dans le rêt et leur volonté d’être partenaires monde, en font une composante à et associés d’Unitaid. Elles sont attapart entière de leur mission. ■ MAI 2007 _ PHARMACEUTIQUES 10 é v é n e m e n t UNITAID JACQUES CHIRAC : Fait exceptionnel pour être souligné, en date du 25 avril, l’ancien président de la République a adressé à Pharmaceutiques une lettre témoignant de son soutien à Unitaid. Une lettre que nous publions à l’heure où Jacques Chirac s’apprête à créer sa propre fondation, sur le modèle de la Clinton Foundation. On connaît l’engagement très vif du président dans la lutte contre le sida, engagement à titre personnel et précoce à une époque où cette pathologie suscitait encore l’opprobre : élu en 1995, Jacques Chirac n’a jamais renoncé à ce combat. Bien au contraire. Le poursuivra-t-il après son départ de l’Elysée ? Ce serait mal le connaître que d’en douter. Pour l’heure, l’ancien président de la République travaille à son projet de fondation et notamment à la levée de fonds – qui ne pourront être versés que par des entreprises privées – à concurrence d’un montant de 15 millions d’euros. Objectifs de cette fondation : l’aide au développement, la défense de l’environnement et la diversité culturelle. —————— PHARMACEUTIQUES _ MAI 2007 © SIPA « LES GROUPES PHARMACEUTIQUES DOIVENT JOUER TOUT LEUR RÔLE DANS CE COMBAT » 11 MAI 2007 _ PHARMACEUTIQUES UNITAID é v é n e m e n t 13 UNITAID : BILL CLINTON Y CROIT DUR COMME FER Dans un texte qu’il nous a fait parvenir en exclusivité, Bill Clinton nous expose sa propre vision d’Unitaid. —————— u cours des 25 dernières années, le sida a tué 25 millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Grâce aux innovations pharmaceutiques, il existe désormais des médicaments qui permettent aux personnes inféctés par le VIH de vivre longtemps et en bon état de santé. Au cours des cinq dernières années, l’accès à ces médicaments a été multiplié par dix dans les pays en développement et il concerne aujourd’hui deux millions de personnes. Une fois le traitement initié, le patient doit le prendre toute sa vie et cinq millions d’individus n’y ont toujours pas accès. Il reste donc encore un travail considérable à accomplir. «A Il y a quatre ans, lorsque la Fondation Clinton a entrepris de réduire les prix élevés des médicaments anti sida, notre but n’a pas été d’appauvrir ou de stigmatiser les fabricants, mais plutôt de les aider à être davantage en phase avec les besoins du marché, à la fois dans leur propre intérêt et dans celui des patients. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les fabricants et les gouvernements afin de surmonter certains obstacles, tels que des commandes de dernière minute et des retards de paiements qui ont fait grimper les coûts de production et donc les prix. Nos prix négociés ont inclu les coûts de production et du capital, plus une marge acceptable. Ces prix ont incité les pays à être plus offensifs dans l’accès à ces médicaments, de manière à augmenter la demande et à sauver un plus grand nombre de vies. Au même moment, davantage de sociétés ont pénétré le marché et la baisse des prix a pu se poursuivre. Pour maintenir les traitements à un niveau de prix abordable, nous devons appliquer cette même approche dans d’autres domaines essentiels. Jusqu’à une date récente, le prix des médicaments pédiatriques a été prohibitif et seulement un enfant sur dix en attente de traitement en a bénéficié. Les médicaments dits de « deuxième ligne », réservés aux patients ne répondant plus au programme initial de traitement, ont été dix fois plus coûteux que les associations classiques de première ligne. Sur ces deux marchés, les volumes ont été faibles et incertains ; les patients en ont donc subi les conséquences. Pour faire face à ces défis et à d’autres, la France, le Brésil, le Chili, la Norvège et le Royaume-Uni, ont décidé de consacrer les fonds générés par la taxe sur les transports aériens à l’amélioration des conditions d’accès au marché pour les médicaments qui sauvent des vies. Unitaid est le résultat de cette vision. Parmi les nombreuses organisations dignes de ce nom combattant le SIDA et d’autres maladies, Unitaid est unique dans son orientation et ses réalisations. Depuis sa création et en seulement huit mois, Unitaid a permis à la Fondation Clinton de réduire de 45 % en moyenne le tarif de 19 formulations pédiatriques de médicaments anti SIDA. Tout récemment, nous avons également diminué les prix des médicaments de « seconde ligne », de 25 % en Afrique et de 50 % dans de nombreux pays d’Amérique Latine et d’Asie. Grâce aux fonds d’Unitaid, la Fondation Clinton permettra de prendre en charge plus de 100 000 hommes, femmes et enfants supplémentaires d’ici la fin de l’année. Cela représente un progrès rapide et colossal. Unitaid rend possibles les baisses de prix en globalisant les volumes et en rendant plus prévisible une demande à plus grande échelle. Ceci réduit le risque supporté par les industriels. De plus, Unitaid fournit une incitation financière aux industriels travaillant avec la Fondation Clinton et d’autres, afin de fixer de façon transparente des prix assis sur des coûts réels de production. Cela nous permet de concentrer nos efforts sur la réduction des coûts et non pas de chipoter sur les prix des médicaments. Dans ce cadre du « meilleur coût », nous abordons de réels défis scientifiques, nous trouvons des sources de matières premières plus compétitives et nous quantifions les effets induits par des augmentations de volumes. Des millions de vies sont en jeu. Unitaid ne se contente pas d’amener de nouveaux fonds, mais génère également de nouvelles approches. La Fondation Clinton est fière de s’unir à Unitaid dans cette démarche visant à faire des industriels des partenaires vitaux dans la lutte contre le virus VIH ». ■ BILL CLINTON MAI 2007 _ PHARMACEUTIQUES