Eté 2015 Observation de trois mâles adultes de Pique

Transcription

Eté 2015 Observation de trois mâles adultes de Pique
Eté 2015
Observation de trois mâles adultes de Pique-Prune (Osmoderma eremita) suite au transfert de
terreau d’arbres à cavités abritant des indices de présence de cet insecte protégé.
Les vieilles haies des bocages du quart nord-ouest de la
France sont fréquemment citées comme des exemples de
points sensibles de biodiversité à l’échelle locale. On y trouve
notamment des arbres à cavités qui accueillent des
communautés particulièrement diversifiées d’invertébrés
saprophages, xylophages et saproxylophages. Nombre de ces
espèces sont actuellement menacées d’extinction. L’espèce la
plus menacée aujourd’hui dans ce cortège est probablement
Osmoderma eremita, dit le Pique-Prune. Il s’agit d’un
coléoptère de la famille des Cetoniidae dont la larve est
saproxylophage et qui est strictement inféodé au terreau des
cavités d’arbres. Les populations d’O. eremita fonctionnent
généralement en métapopulation, c’est-à-dire en souspopulations isolées, chacune associée à une cavité. Ses populations sont donc inféodées à un arbre
et ne le quittent que très rarement.
Le Pique-Prune présente une écologie et une biologie assez spécifiques. Il vit et se développe au sein
d’une cavité d’arbre contenant au minimum une dizaine de litres de terreau. Les espèces d’arbres
colonisés, diverses, incluent des espèces des genres Salix sp., Quercus sp., Fraxinus sp., Populus sp.,
Tilia sp., Fagus sp., Prunus sp., Malus sp. Les larves se développent donc dans le terreau contenu
dans les cavités qui leur procure un habitat régulièrement renouvelé par la chute de feuilles et de
bois mort. Ce terreau est tamponné contre les fortes variations saisonnières de température et
d’humidité. Les larves s’alimentent en rongeant le bois tendre du bord intérieur de la cavité. Durant
la belle saison, elles sont actives au sein de la cavité. En revanche, à l’approche de l’hiver, elles se
réfugient au fond du tronc. Ces dernières se nymphosent alors à la fin de l’hiver ou au début du
printemps. Les adultes émergent ainsi entre le
mois de juin et août. Les mâles ont une durée
de vie qui ne dépasse pas les trois semaines
tandis que les femelles peuvent vivre durant
près de trois mois. L’activité des adultes est
crépusculaire à nocturne.
Ce coléoptère saproxylique est l’un des plus
emblématiques
de
la
protection
de
l’entomofaune en Europe. Il est protégé en
France et est inscrit à l’Annexe II de la Directive
Habitats Faune Flore en tant qu’espèce
prioritaire d’intérêt communautaire. La
protection de cette espèce, au-delà du simple
aspect patrimonial, revêt également un caractère stratégique en termes de biologie de la
conservation. Les pratiques conservatoires mises en œuvre pour sa protection bénéficient
automatiquement aux multiples espèces qui partagent ses habitats.
Des indices de présence anciens d’O. eremita ont été décelés sur plusieurs arbres impactés par les
travaux de mise en place de la ligne ferroviaire à grande vitesse.
Afin de sauvegarder les populations de ce coléoptère et dans le cadre du contrat entre l'entreprise
CLERE (EIFFAGE) et l’entreprise Nicolas MOULIN Entomologiste, le terreau contenu dans ces arbres a
été transféré dans des cavités d’arbres proches.
Les arbres d’accueil du terreau transféré sont des arbres vivants comportant une cavité, en partie
fermée ou un houppier de grande dimension avec un volume de terreau important, stade optimal,
où l’on rencontre le plus souvent des indices récents de populations d’O. eremita.
Sur un des sites suivis du tracé de la LGV, l’entreprise Nicolas MOULIN Entomologiste est intervenue
en octobre 2012, pour effectuer le transfert de terreau de deux arbres contenant des indices de
présence actuelle (fèces frais, macro-restes de cuticule) d’O. eremita (Pique-Prune).
Il a été constaté lors du débitage du tronc qu’une population de Pique-Prune était présente dans un
des deux arbres (Lgv1064) et non dans l’autre arbre (Lgv1065).
Ainsi, 34 jeunes larves (génération probable 2012) ;
3 moyennes (génération probable 2011) ;
12 larves âgées (génération probable 2010 et antérieure) ;
12 coques vides.
Soit 49 larves vivantes au total. En revanche, aucun adulte n’avait été observé.
Le terreau a été intégralement récolté, ainsi que les larves observées.
Une fois l’ensemble du terreau ainsi que les larves d’O. eremita récoltées, la démarche a consisté à
transférer dans des arbres identifiés précédemment comme bonne structure d’accueil de l’ensemble
récolté. Une cinquantaine de litres de terreau a ainsi été récoltée ainsi que des débris de système
racinaire d’arbustes et de lierre qui avaient commencé leur développement dans la cavité. Les larves
semblent utiliser ces structures végétales pour maintenir leur coque de
nymphose.
La répartition du terreau ainsi que les larves s’est fait dans les deux arbres
comme suit :
Chêne N°1038 : 17 jeunes, 1 moyenne et 7 larves âgées.
Chêne N°1039 : 17 jeunes, 2 moyennes et 5 larves âgées.
Deux populations ont ainsi été amorcées lors de ce transfert.
Un suivi scientifique a été mis en place pour repérer les éventuels adultes d’O. eremita qui seraient
mis en évidence à la suite de ces transferts de terreau. Ce suivi sera effectué pendant les cinq années
qui suivent les transferts car la durée du développement larvaire est de 2 à 4 ans. Il est prévu aussi
d’observer le cycle biologique complet de l’espèce afin de dresser un bilan de la viabilité des
populations transférées.
Chaque année de 2014 à 2017, une campagne d’observation est organisée
sur six semaines. Des pièges de chute de type Barber ayant le fond drainé
(fonds des pots grillagés) sont mis en place pour les six semaines
d’observation. Ces pièges sont relevés par du personnel d'EIFFAGE et des
personnes de la LPO Sarthe, tous les jours voire tous les deux jours
maximum afin de constater l’émergence et la présence d’adultes dans les
cavités. L'entreprise de Nicolas MOULIN se déplace chaque année trois fois
durant le suivi afin de contrôler le suivi.
Jusqu’en juillet 2015, les observations régulières n’ont révélé que des indices anciens de pique-prune
mais des cavités de terreau contenant des individus pouvaient se dissimuler au cœur de l’arbre.
En juillet et août 2015, après trois ans de suivi systématique, ont été enfin observés sur les deux
arbres transférés trois mâles adultes de Pique-Prune (Osmoderma eremita).
Cette observation permet de valider la démarche engagée et le suivi se poursuit. Nous espérons que
les individus qui émergent depuis l'été 2015 se reproduiront. Il sera important de reprendre les suivis
à partir de 2018-2019 afin d'évaluer si ces individus ont une descendance.