Ma blibiothèque à l`(air)/(ère) numérique - esad

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Ma blibiothèque à l`(air)/(ère) numérique - esad
Michel Marie-Emilie
mai 2013
Ma blibiothèque à l’(air)/(ère) numérique
C’est un peu une histoire d’amour dans laquelle on s’engage quand on choisit de flâner dans une bibliothèque,
on s’embarque dans une histoire dont on ne sait jamais vraiment quand et comment elle se terminera.
Lorsque je rentre dans une bibliothèque ce que j’aime beaucoup, c’est regarder les présentoirs à la recherche
de la couverture qui me détournera de mon chemin. Je lis les titres pour me donner envie. Si la quatrième
de couverture de l’un d’entre eux me plait, je lis une page au hasard et si le jeu de séduction se poursuit, le livre
termine dans mon sac, le coup de foudre a eu lieu. Les bibliothécaires sont un peu des entremetteurs et souvent
je cède à la tentation... Tout compte fait, c’est plutôt agréable de tomber sur la perle rare qui nous fera frissonner aux premières caresses, pleurer et rêver au fond de notre lit pour au final, claquer la porte au bout
du cinquième rendez-vous... Je crois que j’aime passer du temps dans ce lieu pour être justement hors du temps.
On n’y est jamais seul, on est entouré d’histoires, de personnages, de paysages inconnus, comme dans un tourbillon. C’est comme être en apesanteur, les murmures qui se noient, la moiteur des rayons, la lumière blafarde
et glaçante des néons, l’odeur du papier et du plastique des couvertures. Ce sont ces interactions, ces sensations
qui me sont chères lorsque je vais à la bibliothèque, lorsque je tiens un livre dans mes mains. Tomber sur un titre,
une image qui m’attrape et pouvoir aller plus loin en feuilletant quelques pages avant de le glisser sous mon
bras ou de le reposer sur la table, en attendant que d’autres mains viennent en faire de même. La bibliothèque
c’est un peu une agence de rencontre avec les livres ! À la bibliothèque, l’histoire est d’autant plus brève que l’on
doit rendre le livre au bout de quelques jours, pour le faire voyager encore et encore. Je trouve ça excitant de
savoir qu’il soit passé dans d’autres mains, un autre salon, d’autres ambiances. Est-ce une femme ? Un homme
qui l’a lu ? Quel âge avait ce lecteur ? A-t-il aimé lire ce livre autant que j’ai aimé le faire ? Où se trouvait-il pour
lire ? Dans son jardin, dans le fauteuil en cuir de son salon, dans le train ? Il y a dans l’esprit de la bibliothèque
d’autres histoires qui se racontent, celles que l’on imagine sans en parler et celles qui font se croiser la vie des
gens sans même qu’ils le sachent. C’est comme regarder les passants dans la rue et imaginer ce qu’ils font dans
la vie, où ils vont. C’est à la fois doux et énigmatique. Mais dans une bibliothèque numérique comment ça se
passe ?
La bibliothèque est à l’origine une boîte dans laquelle sont rangés des livres, du grec ancien biblio, l’évocation
du livre et thêkê, le lieu, la boîte. Mais elle est aussi le lieu de la concentration des livres, le lieu de diffusion
du savoir, représenté par les bibliothèques institutionnelles. Aujourd’hui, le terme de bibliothèque numérique
relève de l’association de deux entités distinctes. D’une part, la bibliothèque qui est un lieu, un établissement
public ou privé où une collection de livres, d’imprimés, de manuscrits est conservée, consultée ou prêtée.
Le numérique, lui, est un procédé de transmission de signaux sous forme numérique qui relève des nombres, qui
se fait avec les nombres, qui est représenté par un nombre1.
Le mot bibliothèque numérique possède désormais sa propre définition, celle d’une collection organisée
de documents (textes, images, sons) numériques -numérisés ou nés numériques- associée à une interface
permettant la recherche et la consultation de ces documents à distance. Elle s’inscrit dans un réseau dense
-le Web-, construit autour de différentes pratiques, déterminées par les usagers lors de la navigation. Cette
collection est en réalité une base de données qu’il faut organiser de la même façon que les livres sont classés
-généralement grâce à la classification décimale de Dewey- dans une bibliothèque physique. La matérialité
du livre est transformée, le texte devient hypertexte posant à la lecture de nouveaux défis et au lecteurs
de nouvelles habitudes.
Re-penser la bibliothèque ce n’est donc pas uniquement transférer un fond documentaire dans une base
de données numérique pour répondre aux nouveaux enjeux du Web. C’est aussi réinventer les usages, les
espaces de circulation, de consultation... Il faut pour cela comprendre les changements du passage du livre
papier au livre numérique (et de la même façon pour le passage de la bibliothèque physique à la bibliothèque
numérique), en noter les évolutions pour mieux appréhender les usages. Au delà, je m’interroge sur ce que
le design peut apporter dans l’organisation d’une base de donnée, à la fois dans sa forme mais aussi dans son
fonctionnement. Il est nécessaire aujourd’hui de trouver de nouveaux architectes de l’information, de nouvelles
compétences -le design graphique- afin de proposer une nouvelle architecture pour la bibliothèque ou chacun
puisse y trouver sa place, son espace de liberté au sein d’un réseau complexe.
1
Larousse
bibliographie
Patrice Cahart, Michel Melot, Propositions pour une grande bibliothèque, Rapport au Premier ministre,
La Documentation française, 1989
Walter Benjamin, Je déballe ma bibliothèque, une pratique de la collection, Rivages, 2000
Annick Lantenois (dir.), Pierre Cubaud, «Flâner, feuilleter dans les bibliothèques numérisées, Lire à
l’écran, contribution du design aux pratiques et aux apprentissages des savoirs dans la culture
numérique, B42, 2011
Robert Darnton, Apologie du livre demain, aujourd’hui, hier, Le Seuil, 2010
Jean-Michel Salaün et Christian Vandendorpe (dir.), Les défis de la publication sur le Web: hypercultures, cybertextes et méta-éditions, Presse de l’Enssib, 2004
Jean-Michel Salaün par Xavier de la Porte, entretien réalisé lors de l’émission Place de la toile sur France
culture, enregistrement le 13 février 2012 au centre Georges Pompidou, France culture papiers, automne 2012
vidéographie
Roger Chartier, Histoire du livre et textualité électronique, Archives Audiovisuelles de la Recherche, Maison de la science et de l’homme, 2002
autres
Christian Fauré, les enjeux d’un bibliothèque sur le Web, Hypomnemata: supports de mémoire, juin 2010
http://www.christian-faure.net/2010/06/08/les-enjeux-dune-bibliotheque-sur-le-web/
Rapports de stage
Überknackig bureau, studio de design graphique et direction artistique, Bruxelles
/ 5 semaines
« Überknackig bureau » est un studio de graphistes français, Orphée Grandhomme et Ismaël Bennani installés
à Bruxelles. Ils sortent tous deux de l’ERG et après plusieurs expériences notamment à l’étranger ont fondé leur
studio en 2010. Ils travaillent essentiellement avec des artistes, éditeurs, architectes et quelques institutions.
Leurs projets se déclinent sous la forme d’éditions, d’identités visuelles, de projets numériques, installations et
performances avec le collectif « mobile institute ». Ils désignent notamment le magazine Year édité par moto
depuis trois ans. Leur pratique du design graphique et conceptuelement orientée vers une pratique artistique
ou chaque production peut prendre la forme d’une installation, d’une performance dans sa réalisation. Lors de
ce stage j’ai réalisé une vidéo pour accompagner la composition musicale d’une pianiste polonaise à partir de
vidéos de burn (voitures qui dérapent et dégagent un nuage de fumée) out trouvées sur internet, j’ai vectorisé
une typographie de titrage pour un magazine d’architecture, composé une partie de la grille et réalisé divers
autres petits travaux, notamment d’illustration. Ce stage m’a permis de découvrir les avantages et les inconvénients du statut d’un petit studio de graphisme et du travail à deux. J’ai été confronté à des outils que je n’avais
encore jamais ou peu utilisé sans trop être épaulée. Je garde de cette expérience un souvenir mitigé car malgré
des échanges quelque fois riches et des travaux intéressants, j’ai assez peu été prise en considération durant
cette période.
Nicole Crème, atelier de sérigraphie, Marseille
/ 2 semaines
L’atelier Nicole crème est un atelier de sérigraphie situé à Marseille. Il est a rattaché à l’association du même
nom constituée d’enseignants, d’artistes, de graphistes et d’un sérigraphie avec qui sont imprimés les ouvrages
des éditions «Grand Luxe ». Ricardo, (le sérigraphie) est donc le seul membre de l’association employé à plein
temps. L’association dispose d’une galerie/boutique (la crémerie) dans le centre de Marseille qui accueille des
exposition et propose des ateliers d’initiation à la sérigraphie. Un atelier plus professionnel au Nord de Marseille
permet d’imprimer les ouvrages réalisés par les membres de l’association et répondre à d’autres commandes
plus institutionnelles notamment pour Marseille-provence 2013 qui cette année a été un client important. Lors
de mon stage j’ai pu observer et affiner de façon précise la technique de la sérigraphie en imprimant sur des
torchons, du plastique, en faisant des tatouages… J’ai pu réaliser de mon côté des petits projets tout au long des
deux semaines, assister à des ateliers d’initiation et participer à la préparation des prochains événements de la
galerie. La dimension associative de l’atelier m’a beaucoup plu, il y avait une bonne entente entre les membres
et l’ambiance était très convivial mais il en convient que le maintien d’une structure de ce type de nos jours
tiens de l’ordre de la survie…
Les 3 ourses, association, Paris
/ 6 semaines
Les 3 ourses est une association ayant pour objet principal l’éducation artistique des enfants en mettant le
livre au centre. L’association est née de l’initiative de trois bibliothécaires en 1988 et aujourd’hui trois salariés
y travaillent autour des différentes activités que propose l’association. Il y a la librairie galerie qui accueille les
expositions d’artistes internationaux et deux numéros plus loin se trouve «la petite école», un lieu de formations
autour des livres et des artistes qui sont aux fondements de la réflexion des trois ourses (Munari, Katsumi Komagata, Enzo Mari…). À la petite école, il y a aussi des ateliers bilingues pour les enfants organisés par l’association
«Peekaboo» qui se sert des ouvrages des trois ourses pour partir à la découverte du monde. Les trois ourses sont
aussi coéditrices des livres de Bruno Munari et Katsumi Komagata en français, elles ont une collection au sein
de la maison d’édition MEMO. Chaque coedition est mise en page par des graphistes extérieurs à l’associaton,
souvent de renom (Paul Cox, Jean Videmer…). La structure de l’association est assez complexe à saisir, d’autant
plus que l’histoire de celle-ci pèse beaucoup sur son fonctionnement. J’ai pendant le stage réalisé une brochure
explicitant les différentes formations proposées par l’association, un exercice plutôt simple en soi qui s’est
avéré être un casse-tête car tous les membres de l’association on un regard sur ce qui est fait, il faut sans cesse
attendre les relectures, l’avis de untel… En dehors, de ça, j’ai pu profiter de l’exceptionnelle collection de livres
d’artiste ou livres pour enfant qui remplit la bibliothèque de la réserve. Des livres russes en passant par les livres
japonais, coréens, les livres de Bruno Munari, etc.
synthèse
Ces trois stages ont été trois expériences très différentes tant au niveau du travail que des personnalités que
j’ai pu rencontrer. Moins qu’une pratique technique des outils du design graphique, ce sont des philosophies de
travail qui se sont révélés à moi au cours de ces trois stages. J’ai découvert dans les structures associatives une
certaine liberté et un engagement plus fort dans tous les projets menés que j’aimerai retrouver plus tard même
si économiquement il est difficile de s’en sortir dans des petites associations de ce type. En tant que graphiste,
je ressent le besoin de dialoguer avec d’autres univers, d’autres corps de métier pour nourrir mon travail et le
faire évoluer au quotidien et en cela, le studio de design graphique ne correspond pas à mes attentes si l’on
veut se projeter dans l’avenir. Ces trois stages m’ont surtout aidé à savoir ce que je n’ai pas envie de faire par la
suite sans définir précisément ce que j’aimerai faire.

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