Le mariage de Crystelle - Lafond Humour Éditions

ROMAN DE SANDRINE
Chapitre seize
Le mariage de Crystelle
La
mariée attendit sur la chaise en se dandinant d’impatience.
Une manche s’était décousue. La mère – affairée à la machine à coudre
– répara les dégâts de sa fille qui avait enfilé sa robe de paillette noire
d’un geste malencontreux. Le son typique des coutures qui cèdent sous
la pression avait alerté la dyade qui se savait déjà en retard pour la
cérémonie religieuse.
— Tout le monde doit être arrivé à l’église, s’énerva Crystelle en
jetant un coup d’œil désespéré à sa montre.
La voix rauque et hésitante trahissait les émotions fortes de dernière
minute. Les larmes prêtes à couler se frayèrent un chemin sur les deux
joues. Le noir des yeux – vite décapé – laissa ses empreintes sombres
sur le visage à moitié démaquillé. La jeune femme se prit un papiermouchoir et l’étampa sur ses joues défraîchies. Elle osa se regarder dans
le miroir et constata avec effroi qu’elle faisait peur à mourir :
— Ah non ! Il faut que je refasse mon maquillage, maman ! Je ne
peux pas rester comme ça ! Regarde-moi !
— Ouais… Pourquoi pleures-tu ? J’ai réparé ta manche.
La mariée maquillée comme pour une journée d’Halloween enfila la
robe noire et le voile orange moustaché de fleurs noires. Elle posa les
pieds dans les escarpins à talons hauts – nécessaires à son équilibre
mental. Consternée, elle regarda à nouveau sa montre et lança à
l’auteure de ses jours :
— Il faut partir tout de suite ! Je me maquillerai dans l’auto. Le
prêtre a peut-être un autre mariage après nous. Je ne veux pas qu’il
reporte la cérémonie.
— Oui, oui, grommela la mère qui dévalisait l’escalier au risque de
perdre un soulier ou de sauter une marche.
Le trajet en auto fut pénible. Les nids de poule accentuaient les traits
noirs en zigzag. Le maquillage raté, la mariée hocha la tête de désespoir.
La maman inquiète reposa sa question d’une voix insistante :
— Tu es sûre que tu veux marier ce gars-là ? Tu sais, tu peux
changer d’idée à la dernière minute. Ça arrive dans les meilleures
familles. Tu ne serais pas…
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