nouvelles formes de criminalite urbaine, nouvelles formes de justice.

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nouvelles formes de criminalite urbaine, nouvelles formes de justice.
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
NOUVELLES FORMES DE CRIMINALITE URBAINE,
NOUVELLES FORMES DE JUSTICE.
Séminaire organisé par
le ministère de la justice et de l'intérieur espagnol,
la mairie de Barcelone,
avec la collaboration du Forum européen pour la sécurité urbaine.
Au Pabello de Pedralbes, Barcelone
Lundi 8 et mardi 9 mai 1995.
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Pourquoi cette rencontre ?
Et pourquoi en Espagne, à Barcelone ?
Pourquoi une rencontre européenne sur la justice de proximité ?
Le dernier quart de siècle en Europe a vu une nouvelle civilisation urbaine balayer les
réfences héritées d'un ordre social antérieur. Concentration importantes de populations,
éloignement entre le lieu de vie et le lieu de travail, consommation de masse,
migrations, fractures sociales, bouleversement des cohabitations ethniques et
générationnelles ... Un effondrement des régulations traditionnelles et la naissance d'une
petite délinquance de masse affectant la paix publique ont accompagné ces mutations.
Ainsi en Espagne, "les municipalités capitales de province représentent 65 % de la
population, et cette population est à l'origine de 78 % des délits signalés. Autrement dit,
80 % des délits contre les biens sont le fait de 3,5 % des municipalités. Onze villes
concentrent la criminalité" , indiquera le ministre espagnol de la justice et de l'intérieur.
Nous sortons d'un ordre juridique correspondant à une civilisation rurale, puis
industrielle. Un nouvel ordre juridique urbain se construit. Nous avons peu de temps
pour l'établir si nous voulons prendre de vitesse le racisme, l'intolérance, la méfiance vis
à vis du politique. Nous recevons des signaux d'alerte.
Peu de temps en effet. "Ce dernier demi-siècle, un fossé impressionnant s'est
progressivement creusé entre les offres publiques de sécurité et les attentes sociales.
Les politiques publiques se sont assignées des priorités qui négligeaient les demandes
sociales ou qui se méprenaient sur les attentes de sécurité. Elles ont ainsi favorisé la
cristallisation sur la délinquance de toute une série de peurs et de préoccupations"1.
Sur les dix dernières années, les cinq pays européens les plus avancés en gestion
criminelle ont dépensé seize milliards d'écus d'investissement dans la police et
l'administration pénitentiaire. Ces investissements massifs ont bénéficié aux secteurs de
pointe des systèmes de justice criminelle : la police scientifique et la justice spécialisée,
et non la police de rue et la justice des "petites" affaires de la vie quotidienne. Résultat :
un effondrement du taux d'élucidation de la police, un effondrement du taux de
productivité de la justice et cet écart croissant entre demandes sociales et réponses
publiques. Voulons nous pour l'Europe d'une sécurité à laquelle seul l'argent permettrait
d'accéder, d'une liberté d'aller et venir entravée par des citadelles, d'un espace public
forteresse ?
D'ici vingt ans, les tribunaux civils eux mêmes pourraient tourner à vide si on n'y prend
garde. Déjà des groupes sociaux empruntent d'autres circuits pour le règlement de leurs
litiges: transactions administratives pour les uns, création de commissions ad hoc pour
1Rapport présenté à ce séminaire par Philippe ROBERT, directeur de recherche au Centre national de
recherche scientifique, France, directeur du groupe européen de recherches sur les normativités (GERN).
Lire également Sécurité & Démocratie, rapport du Collège analytique de la sécurité urbaine, Forum
européen pour la sécurité urbaine, édition bilingue anglais/français,1994
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
les litiges économiques et commerciaux... D'autres continents ont beaucoup a nous
apprendre où ont été importés des systèmes judiciaires sans prise aucune sur les conflits
les plus quotidiens des gens : le partage de l'eau, l'accès à la terre, les violences dans la
famille, la sécurité de la rue, le logement...
"Il faut dissiper le rideau de fumée qui empèche la révolution culturelle de la justice
criminelle. C'est un appel à l'imagination"2. Tous les systèmes de justice européens
tentent avec plus ou moins de détermination de s'adapter à cette évolution. De l'amont à
l'aval du système, des aménagements ponctuels ont été apportés allant dans le sens d'un
allègement de règles de procédure, et d'un rapprochement de la justice et de la police
des lieux, des personnes ou des situations qui posent problèmes. Allant également dans
le sens d'une meilleure utilisation des ressources de la société civile, des villes, des
dispositifs sociaux. Certains pays cherchent à intégrer ces aménagements au sein de la
justice formelle, d'autres à laisser la place à des régulations hors de la sphère judiciaire .
Nouvelles formes de justice, plus proactives, plus partenariales et plus territorialisées,
elles bousculent certains principes de nos systèmes de justice criminelle traditionnels.
De questions nouvelles se posent, d'autres sont remises à l'ordre du jour qu'on croyait
dépassées. Ainsi, faut-il maintenir des juges professionnels ou les désigner autrement
pour être plus près des demandes sociales ? Quelle place réserver à la victime et à la
défense ? Quelles sanctions imaginer ? Comment garantir au quotidien, dans le
développement d'un contrôle social de proximité, le respect des droits et libertés ? Quel
rôle peut ici jouer la Convention européenne ?
L'écart entre offre et demande appartient-il au passé ? Rien n'est moins sûr. Mais une
conscience de l'urgence à le réduire, rappelée à chaque élection municipale et nationale
en Europe, commence à prendre forme. Une rencontre comme celle de Barcelone en
témoigne sans doute. Organisée par le ministère de la justice et de l'intérieur espagnol,
la mairie de Barcelone, avec la collaboration du Forum européen pour la sécurité
urbaine, elle figure assez bien ces coalitions, éphémères ou permanentes, qui se
cherchent depuis maintenant une dizaine d'années entre certains gouvernements
nationaux, villes et réseaux de villes européens pour penser une nouvelle action
publique de la sécurité.
Pourquoi cette rencontre en Espagne, et à Barcelone ?
• En Espagne parce que la présidence de l'Union européenne, après la France et avant
l'Italie, lui revient en Juillet 1995, et que l'Europe de l'Union doit être celle de la justice
au quotidien, plus proche des gens, avec un contenu social plus dense. Qui prétendra
que le troisième pilier de l'Union puisse se contenter de la lutte contre le grand
banditisme alors que l'insécurité et le sentiment d'insécurité puisent largement dans les
incivilités et une délinquance banales aux yeux des systèmes de justice criminelle mais
si troublantes pour la paix des villes et si difficiles à maîtriser ?
• En Espagne encore parce qu'un chantier s'y est ouvert : un travail sur le contenu et le
modèle d'organisation de sa sécurité publique. Juan Alberto BELLOCH JULBE,
ministre de la justice et de l'intérieur ouvrait la rencontre par ces mots :"Il a fallu à
2Michel
MARCUS, délégué général du Forum européen pour la sécurité urbaine
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
l'Espagne attendre les années 60 et l'expansion du bien être pour rompre définitivement
avec le concept d'ordre public. La notion de sécurité publique conçue comme un
service public est une nouveauté pour nous. Ce ne sont pas des concepts neutres et
professionnels mais idéologiques et politiques.Le citoyen y occupe la position centrale.
La sécurité publique est un élément indispensable de qualité de la vie, un droit de
chacun des citoyens, un droit qui ne dépend pas seulement de l'action policière mais de
la cohésion sociale et de la solidarité. Les deux piliers de la politique de sécurité
publique : la connaissance de la demande des citoyens, en fonction de laquelle fixer les
objectifs, et l'analyse des organisations policières pour connaître leurs ressources et les
organiser efficacement." Le ministre ajoutait : "Nous parlons de "Sécurité citoyenne".
C'est l'une des préoccupations majeures des Espagnols, avec la lutte contre le chômage
et avec la lutte contre les inégalités."
• Et à Barcelone parce que la ville, avec les autres villes fondatrices du Forum Européen
pour la sécurité urbaine, s'est placée depuis 1986 en avant garde d'un mouvement dont
les maires savent l'urgence: réduire précisément l'écart grandissant entre la demande
sociale de sécurité et l'offre publique de sécurité. Barcelone a pris récemment l'initiative
d'une proposition d'avant projet de loi sur l'organisation et le fonctionnement d'une
justice municipale de paix à Barcelone actuellement à l'étude, et qui fait l'objet du projet
national de modification de la loi constitutionnelle sur le pouvoir judiciaire dans les
villes. "Nous voulons créer des Conseils d'arbitre (traduction à vérifier) indiquera Guerau
RUIZ PENA, maire adjoint, Regidor de Presidència. Et nous demandons un transfert de
compétences judiciaires vers les municipalités : c'est le projet de loi des grandes villes
appelé "projet de pacte local". Ce projet donne un pouvoir de sanction au maire et crée
un organe de justice de paix pour résoudre par la conciliation, l'équité ou par le droit
des conflits pénaux ou civils de la vie quotidienne" . D'autres villes, d'autres pays
adoptent une méthode moins radicale, contournant le systèmed justice criminelle ou s'y
appuyant. La démarche espagnole a le mérite de dépasser l'expérimentation à la marge
des pesanteurs institutionnelles et de proposer une veritable alternative.
• A Barcelone enfin par que cette rencontre offrait ainsi l'occasion d'un jumelage avec
l'un des sous-réseaux du réseau de cinquante villes SécuCités Europe animé par le
Forum européen pour la sécurité urbaine avec le soutien de l'Union européenne: le sousréseau "Justice de proximité" dont font partie Barcelone (ville pilote), Catane (Italie),
Charleroi (Belgique), Chivaso (Italie), Edimbourg (Grande Bretagne), Rome (Italie),
Strasbourg (France), avec Nantes (France) en ville observatrice. Cinq autres sous
réseaux SécuCités Europe cherchent également des réponses à la crise des régulations
urbaines, et sur des thèmes difriciles pour les villes : "Immigrés et sentiment
d'insécurité", "Drogue et prostitution", "Violences à l'école", "Prévention
situationnelle", "Parcours de la nuit".
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
INTERVENTION DE M.JUAN ALBERTO BELLOCH JULBE,
MINISTRE ESPAGNOL DE LA JUSTICE ET DE L'INTÉRIEUR
L'Espagne travaille en ce moment le contenu et l'organisation de la sécurité publique.
La notion de sécurité publique est une nouveauté en Espagne et en Catalogne. Il a fallu
attendre les années 60 avec l'expansion du bien-être social pour rompre définitivement
avec le concept d'ordre public. Nous concevons la sécurité publique comme un service
public. Ce ne sont pas des concepts neutres et professionnels mais idéologiques et
politiques. Il ne s'agit pas seulement de la protection élémentaire des citoyens contre
l'insécurité objective, mais de la protection contre les risques et contre le sentiment
d'insécurité.
La sécurité publique revient à créer un climat de confiance de manière à faciliter
l'exercice des droits individuels et le fonctionnement normal des institutions publiques
et privées.
Le citoyen occupe la position centrale de ces politiques. La sécurité publique est un
élément de qualité de la vie, un élément indispensable. La sécurité publique est un droit
de chacun des citoyens : un droit qu'il y ait une politique de sécurité publique; un droit
comme élément d'une politique de bien-être social.
La sécurité publique ne peut être un instrument de pouvoir mais de bien-être social. Elle
doit déployer ses actions en relation avec la politique de bien-être. Elle ne dépend pas
seulement de l'action policière mais de la cohésion sociale et de la solidarité.
Nous parlons de "Sécurité citoyenne". C'est l'une des préoccupations majeures des
Espagnols, avec la lutte contre le chômage et avec la lutte contre les inégalités.
Les deux piliers de notre politique de sécurité publique sont d'une part l'observation et
la connaissance de la demande des citoyens, en fonction de laquelle fixer les objectifs;
d'autre part l'analyse des services de police pour connaître leurs ressources et les
organiser efficacement.
Le taux de criminalité en Espagne est de 24 délits signalés pour 1000 habitants. Le taux
est de 65 pour 1000 en France, de 67 pour 1000 en Grande Bretagne par exemple. Seul
le Portugal a un taux plus bas que le nôtre en Europe. Il faut donc accorder la sécurité
subjective avec cette sécurité objective. Ce n'est pas seulement une question de média,
de communication. Les valeurs changent, la société bougent plus vite que la capacité
d'analyse des experts.
En conclusion, je dirais que les citoyens ne demandent pas seulement une action
policière mais exigent que les modèles policiers s'organisent comme un service public,
comme un système d'aide, de prestations immédiates du citoyen et de la victime. Quand
une victime ne reçoit pas d'aide, le sentiment d'insécurité s'aggrave.
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Je dirais également qu'il faut regarder vers l'intérieur des corps de sécurité et d'une part
les moderniser, d'autre part les coordonner à d'autres services et à d'autres polices
européennes. Le modèle policier espagnol veut s'ajuster à la structure des provinces
autonomes, s'ajuster à la structure des municipalités des grandes villes et s'ajuster aux
troisième pilier du traité de Maastricht.
Les objectifs du ministère de la justice et de l'intérieur espagnol sont les suivants :
• Déployer un dispositif policier pour réduire la criminalité (créer un espace de
sécurité).
• Travailler la sécurité subjective par une présence policière plis importante dans la rue,
ce qui s'avère en fin de compte plus efficace que d'autres modèles plus sophistiqués.
• Développer des mécanismes de participation des citoyens et de recensement de la
demande sociale via des commissions ou des conseils de sécurité urbaine. Il est
indispensable que les citoyens puissent discuter avec les responsables policiers et
judiciaires.
• Renforcer la collaboration avec le pouvoir judiciaire. Ce sont les procédures de
jugement rapides, et les tribunaux judiciaires de quartier qu'il faudrait appeler les
tribunaux de paix. Ce serait aussi, sans doute, de limiter les infractions pénales pour
limiter le travail des tribunaux.
Les municipalités capitales de province représentent 65 % de la population, et cette
population est à l'origine de 78 % des délits signalés. Autrement dit, 80 % des délits
contre les biens sont le fait de 3,5 % des municipalités. Onze villes concentrent la
criminalité. Aussi depuis le 1er janvier 1995 un plan opérationnel est mis en place pour
coordonner les politiques et appliquer deux principes clés:
• la police dans la rue, ce qui suppose de la réorganiser;
• une relation plus étroite entre la demande d'aide des victimes et les réponses
policières.
Les résultats sont un succès évident bien que limité:
• Une diminution (par rapport à 1994, ou en 1994 ?) de 6 % de la criminalité au niveau
national; une réduction plus importante dans les grandes villes, soit entre 6 et 11 %
avec une moyenne à 7 %. Mais ces taux ne peuvent se réduire indéfiniment.Il reste donc
à se tourner vers le travail des juges.
• Une diminution du sentiment d'insécurité. On ne parle plus de sécurité citoyenne. Ce
n'est plus le sujet central de la campagne électorale.
Le grand nouveau pas serait l'instauration des tribunaux de quartier, pièce centrale du
dispositif, surtout si est menée concomitamment la réforme des polices urbaines pour en
faire, en limitant leurs compétences, la police naturelle des tribunaux de quartier. La
réforme doit concerner conjointement le modèle de police judiciaire et la police dans
son ensemble. Aux experts d'indiquer les mécanismes les plus appropriés pour
coordonner administration et justice de proximité.
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
1- LE FOSSÉ SE CREUSE EN EUROPE ENTRE LA DEMANDE DE
SÉCURITÉ ET L'OFFRE PUBLIQUE 3
Le fossé se creuse depuis cinquante ans entre l'offre publique de sécurité et les attentes
sociales. Cette évolution cristallise sur la délinquance des peurs qui ont d'autres sources.
Les responsables n'ont pas vu ce qui se passait dans la délinquance ordinaire.
11. A demande accrue de sécurité ....
• Une explosion de la délinquance apparente de prédation
- Vols, cambriolages, vols avec violence envahissent depuis l'après guerre les
statistiques de police. Ce contentieux s'est multiplié par 14 en France depuis 1950,
pendant que la violence contre les personnes ou les infractions sans victimes
connaissaient une progression de 2,5 seulement.
- Cette délinquance a deux caractéristiques. Elle est connue par la plainte de la
victime plus que par l'initiative de la police. Et elle est anonyme, la victime
ignorant l'identité des délinquants le plus souvent
- La victimation de prédation, que confirment pourtant globalement les enquêtes,
mobilise peu la police dont les efforts proactifs se concentrent sur d'autres
délinquances.
• Pourquoi cette explosion de la demande ?
- Les assurances imposent de déclarer le vol si l'on veut être remboursé
- L'évolution de la société de consommation opère une très large diffusion de
biens. Et ces biens gardent une valeur suffisante pour rentabiliser un marché
second du recel.
- La séparation du domicile, du travail et des loisirs, et le développement du
travail des femmes empêchent largement de veiller sur ses biens.
- Le très faible taux d'élucidation de cette petite délinquance et le désintérêt des
pouvoirs publics à son égard contribuent probablement à son développement.
• Derrière la croissance des prédations apparentes, un autre phénomène se profile : les
incivilités. Ce sont à peine des infractions et qui ne donnent pas (ou peu) lieu à des
plaintes. Une abondance d'enquêtes montre que les incivilités peuvent gâcher la vie
dans certains quartiers. Où se commettent les incivilités, et pourquoi ?
- Dans les espaces dont le statut est mal défini tels les espaces communs des
espaces résidentiels, gares, véhicules des transports en commun.
- Dans les poches de sous-emploi chroniques. Lorsque le statut social est défini par
le statut professionnel, le chômage condamne à l'inutilité sociale certaines
populations et zones urbaines. Or adhérer à des normes sociales suppose qu'on
participe à la société.
3Résumé de l'intervention de M. Philippe ROBERT, directeur de recherches au Centre national de recherche
scientifique, directeur du GERN, Groupe d'étude et de recherche sur la normativité, Paris (Contribution écrite en
annexe, en français)
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
- Dans des zones de relégation urbaine de populations qui n'ont pas assez de
ressources pour bouger et changer de logement.
- Dans un contexte où l'insertion des migrants se fait mal. Les portes des
migrations se ferment depuis les annés 70 sans que cesse la pression. Les nations
ont douté de leurs capacités intégrationnistes. Aujourd'hui les fondamentalismes se
développent
12. ...réponse publique affaiblie4.
Pendant longtemps, et malgré la prétention de l'Etat moderne d'assurer la sécurité des
persones et de leurs biens, la régulation a été assurée par la socialité vicinale, une
surveillance et des arbitrages communautaires locaux. Progressivement, la propagation
de styles de vie et de modes de pensée individualistes, surtout le delitement d'une
socialité de proximité ont affaibli les capacités communautraires de régulation. Une
immenses demande de sécurité s'est tournée vers l'autorité publique. Les médiation
étatiques n'ont pu se contenter d'une administration indirecte de type : si tu agis ainsi, tu
risques telle sanction. Il a fallu inventer des modes d'administration directe de la
sécurité. C'est alors qu'on a commencé à parler de prévention à côté de la répression
pénale.
• L'autorité publique a créé alors un système basé sur une présence policière constante
dans l'espace public, l'espace privée étant laissé à la surveillance de son propriétaire. Ce
système a été assez efficace pendant plusieurs décennies. Jusqu'à ce que se développe
une "mass private property", espaces privés accessibles à un public plus ou moins
indifférencié, catégorie intermédiaire sur laquelle prospère un marché de la sécurité.
Tant que l'inscription spatiale est clairement délimitée et que la rentabilité de l'activité
de ces espaces est suffisante pour financer les surcoûts de la mise en sécurité, le marché
offre d'efficaces combinaison de technologies et de prestations de main d'oeuvre: on
parvient à créer des "bulles de sécurité". C'est plutôt le cas des entreprises de
distribution, mais moins évident pour les entreprises de transports en commun ou les
grands ensembles d'habitation. En outre, la situation est compliquée hors de ces "bulles"
où dépérissent la capacité de surveillance des particuliers et où la professionnalisation
de la police l'écarte de la surveillance préventive.
• Les organisations policières ont bientôt éclaté entre le contrôle des grands flux de
personnes, de biens, de moyens de paiement, des moyens d'information d'une part, et
d'autre part une police de la proximité, de présence, de prévention.Ces deux modèles
appellent des formes de police différentes. Les arbitrages entre eux se sont faits dans
l'ensemble en privilégiant les demandes d'ordre public sur les demandes des citoyens.
On se console en se disant que "à force de voter ils se feront prendre"... mais la
répression la plus forte n'a pas de valeur dissuasive. Ou en se disant : "en luttant contre
l'immigration et la drogue on lutte contre le vol"... mais les études ne confirment pas ce
postulat.
13. Les limites d'un passage de main au marché 5
4Idem
5Idem
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
La divergence entre la demande de sécurité et l'offre publique de sécurité s'accentue.
Tout se passe comme si l'Etat-pénal se désimpliquait de la petite délinquance de
prédation et passait la main au marché. Mais le marché ne remplace pas l'autorité
publique.
• La fonction réparatrice du marché est limité. Les enquêtes de victimation montrent
que seule une minorité de victimes (4 victimes sur 10) sont indemnisées par les
assurances, et qu'il subsiste des résidus importants car certains dommages ne sont pas
réparés par l'indemnisation (peur, valeur sentimentale d'un bien...). L'assurance de plus
fait peser sur les victimes le poids de la rentabilité de la branche : la victime est traitée
comme un suspect par son assureur.
• Les prestations de protection quant à elles sont plus développée en direction des
entreprises qu'en direction des particuliers. Leur coût cantonne les particuliers au bas de
gamme peu efficace. D'où la proposition de certains (Van Dijk,Pays Bas) de renoncer à
l'offre publique de sécurité et d'inciter fiscalement les gens à se protéger. Mais cette
proposition de privatisation a des limites.
- Si l'on peut renforcer la sécurité passive de certains biens (voitures par
exemple) cela est moins vrai pour les vols à la roulotte ou pour les logements.
- En dépit d'une incitation fiscale, une monétarisation accrue de la sécurité
renforcera toujours l'inégalité des citoyens et par là même la dualisation de nos
sociétés.
- L'immense majorité des vols et des agressions sont commis dans les espaces
publics. Or les meilleures équipements de sécurité n'y ont (encore?) qu'une portée
limitée et certains, telle la video surveillance, posent des problèmes de respect de
la vie privée.
• Il reste donc indispensable de revoir la réponse publique de scurité, notamment le
couple prévention/répression. Il faut tenir compte alors des caractéristiques de la
situation qui pèsent lourdement. Des exemples :
- Les polices essaient de réinvestir la fonction préventive au travers du
community policing ou îlotage... Mais si cette police était la base de la police du
XIXème siècle elle reste aujourd'hui marginale en raison du poids dela fonction
répressive. Seules peut-être les polices locales, déchargées de toutes fonctions
répressives, pourraient réussir ce réinvestissement ...
- On essaie de reconstruire une formule de peines adaptées à la petite
délinquance. Mais les arbitrages budgétaires se font en faveur de la prison.
- La justice de proximité comme la médiation reste expérimentale et limitative
car elle suppose la présence conjointe de l'auteur et de la victime ce qui s'avère
très rare en cas de prédation.
- L'indemnisation des victimes et l'aide aux victimes sont une goutte d'eau dans
l'océan de la victimation bien que les services soient surchargés de dossiers.
- Les programmes de prévention situationnelle ou sociale dans les pays ont
profondément évolué mais posent des problèmes : d'une part la contradiction entre
prévention et répression (ex. de la lutte contre les stupéfiants sur les zones à
risque) génère des conflits entre la population et la police qui ruinent la
prévention; d'autre part la déconnection de préventions trop vagues, trop peu
ciblées nuisent à le synergie entre les programmes.
9
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
14. L'urgence d'une évaluation des ajustements de la réponse publique 6
Les expériences d'ajustement de la réponse publique appellent des évaluations qui
confrontent les pratiques à la diversité des attentes sociales pour ne pas retrouver ce
ciseau entre l'offre publique de sécurité et les attentes sociales.
2. COUPS DE PROJECTEUR...
21. EN ALLEMAGNE
Un insécurité subjective très élevée 7
On établit en Allemagne, une distinction entre l'insécurité subjective et l'insécurité
objective.
L'insécurité objective n'est pas pire qu'ailleurs et reste bien meilleure qu'en Amérique du
Nord. Mais elle augmente. La plupart des délits sont des vols dont la moitié des vols
représente une valeur de moins de 100 marks chacun. Le tiers des condamnés le sont
pour atteinte à la propriété. Les cambriolages signalés ont augmenté de 22% à 43 %
entre 1980 et 1992 (de 18% à 38 % dans les vieux Länder).
L'insécurité subjective est dramatiquement élevée. La peur de la délinquance est d'abord
une peur des cambriolages.
Des "shérifs illicites" commencent à apparaître.
Que faire ?8
Plusieurs pistes sont proposées.
• Capter le sentiment de menace éprouvé par la population.
• Développer des réponses humanitaires.
• Informer le public de la menace objective que représente la délinquance. A cet égard,
des relations sont à développer entre police, justice et médias.
• Dépénaliser les délits mineurs ou abandonner sous condition les poursuites pénales, et
concentrer la police et la justice sur la délinquance organisée. Exemples en vigueur en
Allemagne : abandon des poursuites si restitution de la marchandise volée d'une valeur
inférieure à 100 marks; dépénalisation de la consommation de drogues illicites en deçà
de certaines quantités; dépénalisation de certains accidents si l'auteur informe à temps la
police.
• Demander aux citoyens (individus et organismes type grands distributeurs) plus
d'autoprotection pour limiter les opportunités, et mobiliser les partenaires locaux.
6Idem
7Résumé de l'intervention de M. Hartmut SCHNEIDER, président de chambre, Tribunal de Lübeck, Schleswig
Holstein, Allemagne
8Résumé de l'intervention de M. Hartmut SCHNEIDER, président de chambre, Tribunal de Lübeck, Schleswig
Holstein, Allemagne
10
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Exemple : le Conseil de prévention de la délinquance du Schleswig Holstein, premier
en Allemagne, regroupe 146 personnes (police, justice, affaires sociales, partenaires non
gouvernementaux, bénévoles...). Des groupes de travail se sont formés sur des thèmes
jugés prioritaires par le Conseil dont : jeunes, violence contre les personnes âgées,
violences contre les femmes, police, justice, enseignement de la prévention de la
délinquance dans les écoles, vols, drogue.
Est-ce un effet de cette mobilisation ? La délinquance enregistrée a diminué de 4 %
entre 1993 et 1994 au Schleswig Holstein.
22. EN BELGIQUE 9
Les jeunes et le temps libre
Des investigations menées à Anvers sur les jeunes et le temps libre donnent des
informations empiriques sur leur comportement. Et ces informations ont des
implications en terme de prévention et de justice de proximité.
• Le comportement selon la classe sociale, le sexe, l'origine ethnique:
- les jeunes des classes moyennes et supérieures restent plutôt à la maison ou dans
des clubs et consomment plus l'offre organisée de loisirs; les autres consomment
moins l'offre structurée (trop chère...);
- les filles, contrairement aux garçons, restent chez elles ou chez des amis; - les
garçons de souche belge vont au café et plutôt en petits groupes; les garçons
d'origine immigrée sont en plus grands groupes et dans les rues de leur quartier.
• Tous les adolescents cherchent à passer leur temps ensemble, sans but apparent,
libres. La ville n'a pas d'espace spécifique pour cela. Il leur faut donc partager
l'espace avec d'autres,et ce partage est source de conflits et de frictions.
• Dans les quartiers à tissu social déchiré, l'appel à la police est immédiat en cas
de difficulté.
• La ville offre plus "d'occasions" de délinquance : des cibles plus vulnérables et
plus nombreuses, plus de jeunes passant dans la ville, plus de familles vulnérables
socialement.
• Les immigrés ont un accès plus difficile à l'action sociale et à l'aide sociale.
• Les jeunes immigrés sont sur-représentés dans la délinquance enregistrées car on
appelle plus facilement la police en cas de friction, la prévention sociale est plus
faible en leur direction, les quartiers à problèmes ont plus d'immigrés, les jeunes
passent leur temps en plus grands groupes.
Un développement urbain au détriment des habitants
9Résumé de l'intervention de M. Lode WALGRAVE , professeur en criminologie juvénile, Université catholique,
Louvain, Belgique (Contribution écrite en anglais en annexe).
11
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Les recherches conduites sur la délinquance montrent que, toute proportion gardée, les
délits (signalés) sont plus souvent commis dans les grandes villes qu'ailleurs et que les
jeunes sont à l'origine de la plus grande partie de la délinquance urbaine, en particulier
des petits délits de rue.
Mais quand on regarde la ville comme un milieu criminogène, on parle essentiellement
de deux éléments : les groupes sociaux qui posent problèmes, et les opportunités dans la
ville. Et on omet de parler des aspects matériels, urbanistiques, architecturaux d'une
ville; c'est-à-dire de la ville comme environnement matériel avec une profusion d'objets
vulnérables, des espaces difficiles à surveiller, un manque d'espaces libres pour des
rencontres de jeunes non structurées, le délabrement de certains quartiers ou le vide de
certains autres à certaines heures, le rejet des populations en périphérie, dans des
quartiers pas encore intéressants pour les investisseurs. On omet aussi, bien souvent
d'analyser les problèmes et de voir quand, où, à qui ils posent problème.
Police et travailleurs sociaux travaillent sur les ruines des politiques urbaines et
socio-économiques.
• Les problèmes sociaux de certains habitants sont reformulés en problèmes de
criminalité par les consommateurs plus aisés de la ville.
• La perte de références, de traditions, de solidarité, de "communautarime" affaiblit la
tolérance et le contrôle social informel, et renforce le recours immédiat au contrôle
social formel.
• Une délinquance de cols blancs et des incivilités de salons se développent
Comment interpréter les données empiriques en terme de prévention ?
La prévention de la criminalité urbaine doit être offensive et non défensive, et reliée à
une stratégie de développement social plus large et non focalisée sur le court terme, le
spectaculaire et le baromètre électoral. Six projets de prévention ont pu être soutenus
dans ce sens par l'équipe de recherche de l'université catholique de Louvain et a aidés
sur le plan de la méthode pendant quatre ans (préparation, planification, exécution et
évaluation).
L'un de ces projets est un projet de Fan Coaching pour jeunes fréquemment impliqués
dans le hooliganisme. Le projet comprend une coopération entre le secteur social et le
secteur éducatif, l'animation de Comités de soutien spécifique à la jeunesse,
l'organisation d'un travail de rue (streetcornerwork) avec des jeunes socialement
vulnérables dans une ville, l'organisation d'expériences "aventureuses" pour ces jeunes,
le lancement d'un système de surveillance de voisinage (neighbourhood supervision) à
Anvers, et le lancement de projets de prévention intrégrée dans plusieurs villes.
23. EN ESPAGNE
La délinquance à Barcelone vue par la Police10
• Délinquance violente :
10Carlos Rubio FERNANDEZ, chef de la lutte contre la délinquance organisée au ministère de l'intérieur, Madrid,
Espagne
12
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
- vols au domicile sous fausse identité et dont les auteurs viennent plutôt d'Amérique
Latine
- vol avec intimidation et dans la rue, notamment autour des banques. Sont en
diminution.
• Des tribus urbaines.
- Naissance des leaders juvéniles; vols avec violence contre les commerces, et avec
intimidation par arme blanche; vandalimse contre les établissements publics; lutte entre
bandes rivales; skin heads
- Violences autour du sport et des bandes de supporters.
- Attaques xénophobes ou racistes contre les maghrébins notamment.
- Arrivée à Barcelone de délinquants venus de l'Est: jeunes, en bandes, dormant dans les
campings, difficiles à contrôler et qui commettent des vols à domiciles et des délits
mineurs. Arrestation sans document. demandent l'asile politique dès l'arrestation.
- Mouvement de jeunes dans les discothèques et sur les routes nationales en fin de
semaine, avec consomamtion d'alcool, de drogue, d'ectasy, et conduite dangereuse
• Immigrants illégaux du Maghreb et d'Amériques Latine, qui commettent des vols sur
la voies publique, et dans les transports publics.
• Pickpocket, vol sur autoroute contre des touristes
• Terrorisme
• Arrivée de groupes mafieux au nord de l'Italie : blanchiment de l'argent, délinquance
des cols blancs, drogues.
Les mineurs délinquants en Catalogne: 12% filles, 85% vivent à Barcelone, 35 % vont à
l'école et 46% ne sont pas scolarisés, 11% sont en formation professionnelle, 1 % sont
en enseignement secondaire.
Les mineurs victimes en Catalogne : 58 % sont des filles, 77 % sont nés à Barcelone,
81% vivent à Barcelone capitale.
Le défi pour les forces de sécurité :
- connaître la délinquance (notamment nouvelle délinquance venue de l'Est et du
Maghreb)
- adapter leurs structures à la demande sociale en créant un bînome
prévention/répression. Les politiques ont tendance aux mesures préventives plus que
répressives. Les deux doivent se compléter. La prévention signifie planifier, former des
fonctionnaires et avoir les moyens. Des tentatives récentes de modernisation ont été
engagées pour obtenir des réponses de meilleure qualité, notamment la création d'unités
de police spécialisées dans la délinquance juvénile et qui prennent en compte l'intérêt du
mineur, la protection des mineurs en danger, et cherche à établir une relation de
confiance. Dès la présentation du mineur au parquet, une équipe d'urgence, avec un
travailleur social, fait une enquête sur le mineur.
Une enquête annuelle de victimation à Barcelone11
A Barcelone (2 millions d'habitants), un Conseil local de la sécurité urbaine, consultatif,
réunit police locale et police nationale, justice, administration et citoyens pour essayer
d'équilibrer l'approche sociale et l'approche pénale de la sécurité. Depuis 1984, un
programme pour la connaissance des phénomènes d'insécurité a été développé, à partir
11 Résumé de l'intervention de Josep M. LAHOSA CANELAS, directeur de la commission technique de sécurité
urbaine, ville de Barcelone
13
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
des données du système de justice criminelle et d'une enquête annuelle de victimation
qui interroge 2800 personnes.
Le Conseil enregistre ainsi des évolutions de fond.
• Un développement des incivilités qui modifie la sécurité urbaine et la perception qu'en
ont les citoyens.
• Une tendance globale à la diminution des délits, et depuis 1993, le remplacement de la
peur du vol chez les citoyens par la peur de la violence gratuite attribuée surtout aux
jeunes. A Barcelone, le ministère public indique que le niveau d'agressivité des jeunes a
augmenté.: entre 93 et 94, les vols avec violence ont augmenté de plus de 11 %, les vols
sans violence ont augmenté de 41 %, les agressions sexuelles de 25 % et le vandalisme
de 26 %.
• L'entrée en scène des couches moyennes comme auteurs des incivilités. La plupart des
cas traités par le service de mineurs concernent des enfants scolarisés, issus de familles
aisées. Ce constat impose de modifier l'intervention de services sociaux et éducatifs
conçus principalement pour les classes populaires.
• Une installation des transgressions non plus à la marge mais dans le système luimême. Ce que traduit leur diffusion dans les classes moyennes et le développement des
conflits entre générations, en particulier dans le partage de l'espace public.
• Une tolérance de l'entourage envers les conflits générés par ses propres enfants, mais
une intolérance extrème envers les autres. Les citoyens disent que leurs proches n'ont
pas de problème, que "le problème c'est les autres".
Le système pénal et pénitentiaire génère des dysfonctionnements 12
Mécontentement des citoyens qui pensent que "le délinquant entre par une porte et sort
par l'autre" .
Frustration des gardiens de prison devant la contradiction entre la peine fondée sur la
faute et l'exécution qui est fonction des conditions concrètes de mise en oeuvre.
Eloignement croissant entre le déliquant et la société.
Il faut créer une système de justice criminelle plus harmonieux, maintenir la
proportionalité entre la peine et les faits, créer des éléments de paix et de confiance
mutuelles pour que les activités se développent et que, selon l'article 25 de la
Constitution, la peine ait pour fonction de prévenir la récidive.
Les citoyens portent un jugement négatif sur la justice mais veulent l'améliorer13
La moitié des citoyens de Catalogne n'ont pas confiance dans la justice, 52% pensent
qu'elle est inefficace, 45 % que les juges ont trop de pouvoir, 75% qu'il n'existe pas de
traitement égalitaire. Mais ils veulent l'améliorer. Elle est pour eux la première et la
dernière des garanties.Il faut donc introduire la possibilité d'une nouvelle approche,
subordonnée à la justice principale. Ce sera la justice municipale de paix accompagnée
d'une démocratisation de l'élection des juges , d'une augmentation de leurs compétences
au regard de l'histoire des juges de paix d'autrefois, et d'une possibilité pour de
nombreux conflits d'être gérés par conciliation ou médiation.
12Résumé de l'intervention M. David BELTRAN, directeur général des institutions pénitentiaires, Madrid, Espagne
13M. Angel Garcia FONTANET, magistrat, Cour supérieure de justice de Catalogne, rapporteur du comité de
rédation de la proposition d'avant projet de loi sur la justice municipale de paix
14
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
24. EN GRANDE BRETAGNE
Une très forte inégalité de la victimation 14
Le BCS (British Crime Survey, observatoire statistique du Home Office) enregistre sept
fois plus de victimation dans certaines zones. Dans certains certains quartiers on risque
d'être victime quatre fois par an contre une fois par an ailleurs. En Angleterre, la
concentration de la victimation et des désordres publics (vandalismes, graffitis...)
augmente. L'inégalité de la victimation est supérieure à l'inégalité des richesses, non
sans risque d'une explosion du crime hors des ghettos .
Où le sentiment d'insécurité est-il le plus élevé ?
• Dans les zones pauvres qui combinent incivilités et désavantages sociaux. Même si on
y observe une diminution de la délinquance ordinaire, les incivilités peuvent maintenir
un sentiment d'insécurité.
• Et dans les zones où manque une organisation interne, un capital social des résidents
(relations informelles, relations avec la police...).
Une justice de proximité peut-elle corriger ces inégalités ?15
Il revient à l'Etat de faire de la sécurité un bien public, c'est-à-dire de garantir une
égalité des niveaux de justice d'une communauté à l'autre, d'un quartier à l'autre. On
oppose souvent à l'idée de justice de proximité ou communautaire le principe de
l'égalité de tous dans l'accès au droit et à la justice. Mais le système de justice criminelle
classique n'a pa su garantir cette égalité.
Le problème est bien aujourd'hui d'offrir à chacun la possibilité de régler les conflits
autrement que par la force, d'apporter une réponse plus rapide aux abus, de mieux
garantir les droits et libertés, de mieux défendre un espace commun. Le développement
d'une justice de proximité, plus communautaire, est une piste réaliste, qui suppose un
positionnement de l'Etat comme garant de l'égalité du niveau de justice entre les
communautés.Trois conditions semblent requises:
• tout d'abord orienter l'action sur les individus pour créer un collectif au sein des
communautés de voisinage ou d'affiliation et favoriser l'intégration dans la communauté
naturelle (cf en Australie). Il s'agit de former des associations d'habitants, des groupes
de voisinage, de développer l'approche communautaire;
• ensuite considérer la justice sociale comme une pré-condition de la justice pénale;
• enfin développer une justice distributive.
25. EN ITALIE 16
14Résumé de l'intervention de Tim HOPE, Director of Economic and Social Reasearch Centre, Professor,
Department of Criminology, Keele University, Royaume Uni.
15Résumé de l'intervention de Tim HOPE, Director of Economic and Social Reasearch Centre, Professor,
Department of Criminology, Keele University, Royaume Uni.
16 Résumé de l'intervention de Duccio SCATOLERO, magistrat, président de l'Association nacionale des magistrats
de la jeunesse,Italie
15
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
L'Italie connaît, comme les autres pays en Europe, cette distance trop grande entre la
demande de sécurité des citoyens et la réponse des institutions. Mais elle entre avec
retard dans ce débat. Et quand elle y entre c'est pour parler d'ordre public. A défaut
d'autres solutions elle se tourne vers le pénal.
Une crise de la justice...
La lecture de la situation italienne est complexe :
• 50 % de jeunes au chômage dans le sud et un sur-emploi dans le nord;
• une criminalité des jeunes contrôlée par les organisations criminelles avec une forte
exploitation des jeunes par la mafia au sud, et des jeunes immigrés liés au marché de la
drogue au nord;
• une radicalisation du débat politique, avec la crainte d'une dérive sécuritaire, qui ne
favorise pas une approche en profondeur du problème de la sécurité publique.
Ces caractéristiques se greffent sur une crise plus générale de la justice, avec ce ciseau
qu'on retrouve partout dans les pays développés entre la demande sociale de sécurité et
l'offre publique :
• les citoyens demandent plus de pénalité (plus de droit pénal et plus de sanctions
solides), alors que les juges demandent une dépénalisation et des sanctions "plus
liquides";
• les citoyens demandent une prise en charge des territoires non sûrs alors que l'action
sociale a une culture de prise en charge des individus qui entrave une politique de
sécurité territoriale;
• les citoyens expriment une forte victimation, mais aucun service d'aide aux victimes
n'est organisé, bien que une loi ait été votée à ce sujet. Les citoyens trouvent donc
d'autres solutions: il existe environ 300 associations de victimes ou de familles de
victimes en Italie (à Turin une étude est en cours pour recenser le nombre de ces
associations). Ces associations refusent le rapport aux institutions sauf pour les
instrumentaliser. Elles représentent une potentialité d'action mais hors institution.
... liée à une crise plus profonde de l'administration publique
L'Italie traverse une crise plus profonde encore de l'administration publique, de sa
légitimité. L'incivilité la plus grave est la pollution des politiciens. Elle a deux effets
conjoints
• la perte de confiance dans la politique;
• la fuite vers le système pénal, puisque ce sont les juges qui ont mis à jour la
criminalité des politiques et qu'on n'a pas confiance dans d'autres solutions. On ne tient
pas compte du droit civil dont les règles existent mais qui ne marchent plus depuis
longtemps. A Milan la justice se penche sur la petite corruption, et la police municipale
commence à être analysée.
Des éléments trop partiels de réforme
Deux projets sont actuellement à l'étude, mais qui ne font pas un projet global.
• Un projet du ministère de l'intérieur sur la réorganisation de la police dans les
grandes villes. La province de Bologne, en avance dans beaucoup de domaines,
ayant une pensée plus ouverte que les autres sur la question.
16
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
• Un projet sur la réorganisation de la police municipale. On parle de police ou de
justice "de quartier".
De plus, se développent des initiatives particulières autour du thème de la sécurité mais
qui ne s'inscrivent pas dans le cadre du droit : ce sont à Milan par exemple les
organisations, de toutes appartenances politiques, qui proposent des systèmes
d'autodéfense, ou les associations de victimes.
Inventer des stratégies civiles pour récupérer les territoires perdus
Résultat de tout cela : une crise de la participation des citoyens, et des territoires perdus
pour le droit.
• Le territoire institutionnel tout d'abord (hôpital, école, tribunal...) devient source
d'insécurité. On s'y sent plus faible. Il faut sortir de la faiblesse comme situation stable,
et pouvoir passer de force à faiblesse en changeant de territoire.
• Certains territoires urbains, parfois très vastes, sont hors du droit. Y domine la règle
du plus fort, y fonctionne un droit alternatif à celui de l'Etat. Celui qui y vit reconnaît ce
droit alternatif comme légitime, et comme illégitime celui de l'Etat. Comment récupérer
au profit du droit ces territoires ? Faut-il utiliser l'armée comme on le fait contre
l'immigration en provenance d'Albanie ? Ce n'est bien sûr pas une solution.
• Autre territoire perdu : la gestion des conflits. Le juge pénal résoud des conflits mais
sans les gérer. Gérer signifierait de mettre ou remettre en relation, de travailler sur la
médiation. En Italie on discute tous les jours sur le maintien du principe de l'obligation
de la poursuite pénale qui entrave toute procédure alternative au procès pénal. Est née
en mars-avril 1995 la première association italienne pour la prévention par la
médiation. Et à Turin se mène une bataille en faveur des victimes comme en témoigne
le séminaire international de juin 95.
Il faut inventer des stratégies sociales, civiles, pour récupérer les territoires perdus. Il
nous faut changer de culture. La protection civile à des choses à nous dire.
26. AUX PAYS BAS
Aux Pays Bas, comme sans doute ailleurs, moins de 1 % des évènements dits
"sérieux"au sens pénal ne sont pas criminalisés et les gens se débrouillent autrement.
Mais il faut s'intéresser au chiffre noir de la non dénonciation (et non pas de la non
poursuite) pour le savoir17. Peut-on continuer à dire, dans ces conditions, que c'est l'Etat
surtout qui a un rôle de sécurité publique et d'ordre public ? Quelles conséquences tirer
d'un tel constat ?
17Information donnée par M. Louk HULSMAN, professeur émérite de droit pénal et de criminologie à l'Université
Erasme de Rotterdam, ancien président du Comité européen pour les problèmes criminels (Conseil de l'Europe),
membre de l'ICOPA
17
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
La demande de la victime : être respectée... 18
Depuis les années 60, les recherches sur l'opinion publique sont devenu un instrument
important pour les politiques aux Pays Bas. La délinquance y est , comme ailleurs, la
première préoccupation sociale, avant l'environnement, le chômage et d'autres
problèmes sociaux majeurs.
Une enquête conduite fin 1994 montre que 87 % de la population pense que la
délinquance est un problème social sérieux et s'attend à ce qu'elle augmente dans l'année
à venir. C'est dire la confiance des citoyens dans les capacités du système de justice
criminelle...
Le Gouvernement, conscient du problème, a lancé une politique ciblée sur la
restauration de la confiance envers le ssytème de justice criminelle. Rapidité, effectivité
et efficacité de la réaction judiciaire à la délinquance sont la base de cette politique. Le
nombre et la durée des peines de prison ont augmenté fortement ces dernières années.
De 1980 à 1993 le nombre de détenu chaque année a augmenté de 45 % (plus de 37
000) et le nombre de détenu par jour de 130 % (la durée moyenne des peines ayant
doublé). Bien que le nombre de places de prison ait augmenté fortement, il reste
insuffisant et de nouvelles prisons continuent de se construire.
Dans le même temps, cette politique défend l'idée que la confiance envers le système de
justice criminelle dépend principalement de sa capacité à santionner les délinquant. La
recherche de son côté suggère que la confiance des victimes envers le système de justice
criminelle est davantage déterminée par le traitement que leur réservent la police et le
procureur, par l'intérêt et la considération que ceux-ci leur manifestent, que par la
capacité de la police d'attraper les délinquants. Certains sociologues attribuent même à
l'attitude d'indifférence à l'égard des personnes (notamment des victimes) qui domine le
comportement des organismes publics la responsabilité de l'augmentation récent de la
délinquance. " Si le gouvernement de fait rien pour moi, je ne ferai rien pour lui".
Or, les victimes font non seulement l'expérience d'un système incapable d'apporter une
réponse à la délinquance (en 1992, le taux d'élucidation des délits rapportés à la police
était inférieur à 20 %) mais l'expérience d'un système qui néglige largement leur
position et leurs intérêts et leur apporte peu de considération. Peu de victimes sont
informées par exemple du développement de l'affaire, alors même qu'elles devraient
l'être.
La recherche suggère de plus que les victimes ne sont pas aussi punitives que les
responsables politiques et les tribunaux le prétendent souvent et que leur demande de
peines plus lourdes est le fait d'une information insuffisante sur les pratiques et les
décisions judiciaires. Une meilleure information permettrait de faire tomber la pression
en faveur de la prison, alors même que des sentences plus lourdes sans bonne
information ne réduirait pas le désaccord apparent entre justice criminelle et opinion
publique.
Comparé aux coûts des nouvelles prisons et d'un accroissement des forces de police, le
coût d'une réorientation du système de justice criminelle en faveur de la victime serait
18 Résumé de l'intervention de Jo-Anne M. WEMMERS, Centre de recherche et de documentation,
ministère de la justice, Pays Bas (Contribution écrite en anglais en annexe)
18
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
dérisoire, alors que l'impact en serait important. De plus, une telle réorientation peut être
mise en oeuvre immédiatement contrairement aux programmes d'investissement lourd.
... sans co-gérer nécessairement la décision judiciaire19
La recherche montre que les victimes désirent être davantage partie prenant du procès
pénal. Le contact personnel avec les autorités, la qualité de ce contact, serait un élément
capital pour réduire l'écart entre la demande sociale de sécurité et l'offre publique. Les
enquêtes montrent que lorsque ce contact a été établi, et dans de bonnes conditions
(possibilité pour la victime de s'exprimer, notification et restitution des étapes du
procès), la réponse judiciaire est jugée plus juste.
Est-ce à dire que la victime doive ou veuille cogérer la décision judiciaire?
Plusieurs pays anglo-saxons, à la suite des Etats Unis, ont établi une procédure écrite ou
orale de "rapport de la victime" (Victime Impact Statement, VIS), adressée par la
victime au juge, sur le préjudice qu'elle a subi, sur son agresseur et sur la sentence
potentielle. Les détracteurs du VIS lui reprochent d'affecter la décision et d'introduire de
ce fait dans le procès pénal un facteur d'inéquité, un déséquilibre entre victime et
délinquant qui justifie que les avocats de la défense puissent le contester. D'autres y
voient le risque d'exacerber la souffrance de la victime et de créer un frustration
supplémentaire dans le cas où le VIS n'aurait pas d'effet sur la décision.
En réalité, si toutes s'accordent à reconnaître que les victimes demandent à être traitées
avec respect, plusieurs enquêtes montrent qu'elles ne sont pas disposées à jouer un rôle
actif dans le processus de décision.
3. DES NOUVELLES FORMES DE JUSTICE ?
31. RAPPROCHER ET DÉMOCRATISER LA JUSTICE EN ESPAGNE20
Quand nous sortons de chez nous, nous savons qu'il y a un seuil. La sécurité se traduit
dans cette certitude "qu'il y a un seuil". La sécurité est un patrimoine qui donne la
certitude de pouvoir accéder à d'autres biens, tels que la dignité, la santé.
Des comportements sans gravité attaquent ces biens juridiques ou produisent un effet
multiplicateur de gravité. Le problème pour la justice criminelle est
• de détecter ces comportements antisociaux
• de faire des propositions qui ne brisent pas le cadre précédent. Toutes modification
brutale est mal reçue par les professionnels. Les systèmes nationaux sont à analyser
avec modestie, en comprenant l'utilité des modèles alternatifs avec générosité, sans être
être ni trop corporatistes ni trop bureaucrates. Il convient d'intégrer les expériences
étrangères utiles et d'adapter les systèmes en conséquence.
19
Idem
20 Résumé de l'intervention de M. José Ma. MENA, procureur général du tribunal supérieur de justice de Catalogne,
Espagne
19
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Il nous faut chercher des instruments démocratiques de réponses, chercher la
démocratisation fonctionnelle et quotidienne d'institutions qui sont éloignées de la rue,
de la société civile. Il nous faut rapprocher la justice de la victime, que la victime soit
une personne ou une entité collective. Comment rapprocher la justice de la victime ?
Plusieurs voies sont empruntées à Barcelone.
Aller, modestement, à la rencontre des citoyens
L'intervention judiciaire n'est pas prioritaire dans la recherche de démocratisation, mais
elle a un rôle à jouer en rencontrant les citoyens, en se rapprochant d'eux. Notamment
au sein d'instances intra et extra institutionnelles, telles ces activités civiques plus ou
moins proches des institutions et où sont impliqués des magistrats. Nous devons faire
un effort modeste, concret qui manifeste cette volonté d'aller à la rencontre. Je ne peux
offrir que cet effort du ministère public de rapprochement.
La réponse judiciaire occupe une place modeste par rapport à d'autres réponses
prioritaires, qu'elles soient institutionnelles ou civiques. Elle doit s'articuler à ces autres
réponses. A une réponse thérapeutique par exemple, ou à une réponse sociale ou à un
comportement civique qui peut être le complément de l'action des institutions. Ces
autres réponses peuvent s'inscrire dans un cadre judiciaire ou, dans certains cas, offrir
des alternatives.
Création d'une unité de police attachée à la victime
Une unité de police attachée à la victime a été créée à Barcelone. Cette unité va au
devant de la victime, l'aide dans son dépôt de plainte, manifeste de la compréhension à
son égard.
Une justice accélérée, instaurée en 1992.
De nombreux comportements anti sociaux exigent une législation qui simplifie
l'obligation de poursuite et permette d'engager rapidement des actions de prévention. On
appelle "faute" ces infractions pénales sans gravité mais qui demandent beaucoup de
temps de travail aux institutions (en 1994, 12 694 fautes ont été commises). La "justice
accélérée" laisse écouler moins de 15 jours entre les faits et le procès oral. A Barcelone
où un juge pénal est de garde 24h sur 24h et où quatre organes dont un spécialisé
traitent les infractions pénales, les tribunaux peuvent réagir dès la transmission de la
plainte. La procédure de justice rapide espagnole allège le système de justice pour 40 %
des litiges21 et concerne des faits absolument clairs, établis par la police (petit trafic,
alcool au volant, vol de sac en flagrant délit...). Les 60 % autres ne peuvent pas y
prétendre car les faits sont complexes et demandent des investigations et des
précautions particulières pour respecter les droits de la défense.
Bientôt en Espagne des juges de paix élus, urbains et de quartier
L'Espagne cherche à restructurer le système de régulation des conflits dans le sens d'un
rapprochement de la justice et des citoyens, d'une plus grande responsabilité des
communautés locales. Un vaste projet de création d'une justice municipale, dite "justice
21 Résumé del'intervention de M.Miguel CARMONA. Président de la Cour provinciale de Séville, Espagne
20
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
de paix", est actuellement à l'étude. Les juges municipaux de paix seraient désignés par
l'élection populaire directe, avec une compétence civile et pénale.
Une loi, abolie en 1985, prévoyait que dans le monde rural, en raison de la distance
géographique des tribunaux, les citoyens puissent élire parmi eux des juges de paix. Ce
principe initial sera appliqué aux quartiers de la ville. Des juges de quartier auront
compétences dans les affaires pénales sans gravité, les affaires civiles, les affaires de
droit du travail.
Résumé du projet de justice municipale de paix de Barcelone22.
La justice municipale n'est pas une juridiction spéciale. C'est un organe judiciaire
au sein du pouvoir judiciaire de l'Etat dont l'organisation et le fonctionnement
incombent à la mairie, dans le cadre d'une convention financière entre le ministère
de la justice, la Généralité de Catalogne et la Mairie. La justice de paix municipale
est exercée par le tribunal de la Ville de Barcelone, ayant un pouvoir de mise en
garde, et les tribunaux d'instance municipaux selon un critère de proximité,
d'équité et de rapidité. Elle recherche la conciliation. Elle a compétence en matière
civile (dont l'intérêt ne dépasse pas une certaine somme), de conflits du travail
volontairement soumis à leur décision, et en certaines matières pénales
L'action est conduite selon des critères juridiques, avec une indépendance totale,
une gratuité complète. Les voies de recours s'exercent auprès du tribunal de la
Ville.
Un Conseil de la justice municipale de paix est présidé par le président supérieur
de la justice de Catalogne et par le maire. Il est composé notamment par : les
autorités judiciaires, les représentants de différents niveaux de gouvernement, les
représentants des syndicats et des associations les plus représentatifs, un
représentant des organismes de défense des usagers.
Les juges de paix sont élus à la majorité des trois cinquièmes du Conseil
municipal parmi les personnes proposées par les groupes municipaux et après avis
du Conseil de Justice.
Un modèle de sécurité qui soit un modèle de ville23
Parler de sécurité publique à Barcelone c'est parler de l'usage de la liberté, c'est établir
une relation complexe entre droit, usage de la liberté, sécurité.
Un modèle de sécurité doit donner une réponse à la perception sociale de l'insécurité. La
perception qu'ont les citoyens de l'insécurité est influencée par la confiance qu'ils ont
dans les institutions. Le modèle doit rapprocher justice et police des citoyens. Il s'agit de
rétablir le développement social des territoires, de rapprocher gestion des conflits et
société, une société est co-responsable de la solution. Le citoyen doit reconnaître qu'il
est responsable de la sécurité.
22 En annexe, en espagnol, anglais et français, la proposition d'avant projet de loi. Lors du séminaire, le projet a été
présenté dans sa dimension historique par le président du comité de rédaction, M. Cesareo RODRIGUEZAGUILERA, et par M.Angel Garcia FONTANET, magistrat à la Cour supérieurs de justice de Catalogne, rapporteur
de la proposition d 'avant projet de loi sur la justice municipale de paix.
23M. Joan.TORRES i CAROL, Consejal del Ambito dela Via Publica, Mairie de Barcelone , Espagne
21
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Les maires sont bien situés en ce sens. Les villes pour être cohérentes doivent s'engager
dans ces politiques, faire l'apprentissage culturel d'un modèle de sécurité qui soit un
modèle de villes et plus seulement un modèle de professionnels.
32. APPROCHE COMMUNAUTAIRE ET APPROCHE
PARTENARIALE EN GRANDE-BRETAGNE
Une juridiction de la "communauté" : les 30 000 Magistrates 24
La majeure partie du contentieux pénal (96 %, soit 2 000 000 affaires par ans) et un
contentieux civil plus limité (famille, mineurs) sont confiée à des juges citoyens,
bénévoles, sans formation juridique, siégeant en collégalité et qui exercent leur fonction
à temps partiel. Juridiction locale et rapide, cette "Magistrates Court" est ressentie
comme une juridiction de la communauté (dont la réglementation remonte à 1361).
• Recrutement des Magistrates. Ils sont nommés par le Lord Chancellor à partir d'une
liste de candidatures établie par des commissions réparties sur tout le territoires du pays
et composées Magistrates en activité ou retraités. Prééminence des professions libérales
et des classes aisées. Parlementaires et fonctionnaires de police sont inéligibles.
• Formation initiale et continue très structurée. Une fois nommé, le Magistrate reçoit
une formation juridique élémentaire et assiste régulièrement à des audiences. Mais
l'objectif principal de la formation est de conférer une compétence d'écoute et
d'appréciation. Le président de la formation collégiale esr élu par les autres magistrates
et reçoit une formation par des Magistrates confirmés qui l'assistent à l'audience et
l'évaluent.
• Le rôle du Magistrate : écouter, évaluer, décider.
Il est assisté pour l'administration de la juridiction et la prise de décision juridictionnelle
d'un Clerk, juriste professionel, pivot de la juridiction. Le Clerk est nommé par les
comités des Magistrates.
Les fautes professionnelles sont réprimées disciplinairement, le cas échéant à l'initative
d'un Clerk;
• Toutes les affaires pénales sont soumises aux Magistrates. Le niveau de la peine
d'emprisonnement susceptible d'être prononcée fait le partage entre les affaires qui
seront renvoyées, après instruction, devant la juridiction supérieure et celles qui seront
jugées par les Magistrates. La procédure est rapide et menée avec efficacité. Des renvois
sont parfois ordonnés mais toujours à des dates très proches. En cas d'appel des
décisions devant la juridiction supérieure, les magistrates dont la décision est l'objet de
l'appel siègent avec les juges de cette juridiction. Le taux d'appel est inférieur à 1 %.
• Financement des Magistrates Courts : 80 % par crédits d'Etat, 20 % par crédits des
collectivités locales (dépense obligatoire).
24Résumé d'une note de la Commission française sur la justice de proximité dont une délégation s'est
rendue en Grande Bretagne
22
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Le service de Diversion à Northamptonshire25
Le service Diversion s'inscrit dans une approche partenariale et communautaire du
County Council dont les éléments clés sont le Groupe de coordination des chefs de
service et plus récemment la définition d'une stratégie de sécurité communautaire et
d'une politique pour la jeunesse.
La population demande une réponse judiciaire rapide et effective.
Le service de Diversion fonctionne selon trois principes :
• il n'est pas nécessaire de mobiliser tout le poids du système de justice criminelle pour
traiter la question des jeunes délinquants;
• la plupart des délinquants ont en eux un potentiel de changement;
• les agences peuvent mieux aboutir si elles travaillent ensemble que si elles restent
seules dans leur coin;
• il faut chercher à maintenir et aider les gens à l'intérieur de leur communauté.
Le service vise les délinquants persistants et durs, leurs victimes et leur communauté. Il
intervient dans les quartiers pauvres.
Il contacte chaque délinquant qui lui est signalé et, lorsqu'elle est connue, chaque
victime. Il utilise les forces de chaque partie pour trouver, sans procès pénal, une
réponse aux infractions individuelles. Il s'occupe également du comportement général
des délinquants afin de prévenir d'autres délits.
Lorsqu'un cas lui est signalé, il évalue la situation : quel est le dommage causé, quels
sont les possibilités de changements pour prévenir la récidive ? Un plan d'action est
établi après discussion en conseil multi-agences et avec la participation et l'accord de la
victime, du délinquant et des services de la communauté locale (professeurs, travaillers
sociaux, agents de probation, police, psychiatres, infirmiers). Le plan cherche à résoudre
les infractions à l'intérieur de la communauté locale et à utiliser les ressources de la
communauté locale. Un bilan mesure de l'efficacité du plan, contrôle sa mise en oeuvre,
définit les pratiques et les politiques à développer…
Activités du service Diversion en 1993-94:
• Adultes délinquants transmis au service : 623 adultes délinquants; 96,6 blancs; 33 %
de 21 à 30 ans; 46,4 % pour vol; le cas échéant, négociation du paiement d'une
compensation à la victime; 30 % des victimes satisfaites.
• Jeunes transmis au service : 472 jeunes soit 15,6 % des jeunes signalés à la police et
2,7 % de leur classe d'âge (% à peu près constant); 79,1 % de ces jeunes avaient entre
14 et 17 ans; la plupart était convaincus de vols (les délits "auto", les cambriolages et
les coups et blessures étant en diminution) .
25 Intervention de M. Adrian BELL, directeur du service de Diversion, Northamptonshire, Royaume Uni (En
annexe, en anglais, : "A guide ot the Diversion Unit's work". Et le document "The Diversion Unit, annual report
1993-1994")
23
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
33. POLITIQUE CONTRACTUELLE, ET NOUVEAUX
INSTRUMENTS LÉGAUX , EN BELGIQUE
La culture juridico-sécuritaire évolue vers des politiques plus intégrées, une meilleure
coordination entre intérieur et justice, une meilleure articulation entre prévention et
répression.
Une politique contractuelle pour des villes plus sûres26
Dans les villes d'Europe, de plus en plus de marginalité, de vieux, de migrants. De
moins en moins de taxes, de plus en plus de problèmes.
Le gouvernement belge réagit. Il investit dans des procédures contractuelles pour des
villes plus sûres:
• 60 contrats passés entre le ministère de l'intérieur et les plus grandes villes, 30 contrats
avec les plus petites villes.
• 100 millions de dollars par an, 2000 personnes recrutées.
• lancement d'une consultation sur le crime et la sécurité avec les procureurs, les maires,
les policiers. Ce qui n'avait jamais été fait.
• lancement de consultations locales au sein de Conseils locaux de prévention animés
par un coordonnateur local.
• création d'un conseil national de prévention de la délinquance.
Les contrats prévoient
• une police de meilleure qualité : meilleure assistance au public et aux victimes, plus de
policiers dans les quartiers, meilleur niveau d'étude, meilleure formation. Premier effet
de cet effort qualitatif: de moins en moins de candidats policiers ...
• une modernisation des moyens de prévention: équipements, informatique, radio;
création dans chaque ville d'un service de prévention;
• une action ciblée sur l'intégration des groupes les plus difficiles, notamment : bandes
de jeunes urbains, groupes violents, enfants fugueurs des écoles
• une action des îlotiers ciblée sur la prévention du vol de voiture (moins 10 % en un
an), la réduction des délits liés à la drogue, la diminution de la consommation de
drogue, la réduction des cambriolages
• une action de prévention de la violence contre les taxi et les vols dans les hôpitaux
Les pratiques prometteuses.
• Cambriolage : incitation à la techno prévention pour les personnes à risque ou déjà
cambriolées ou qui ont peur d'être cambriolées. Le principe : pour 1 franc investit par
les particulier, le gouvernement investit 5 francs.
• Immigration : limiter les bagarres dans les villes grâce à la présence d'assistants de
concertation qui font le lien entre la police et les immigrants. Il s'agit de combattre les
stéréotypes mutuels. Effets : très bonne acceptation par la police, diminution de la peur.
26Résumé de l'intervention de M. Kris VAN LIMBERGEN, coordinateur du secrétariat permanent à la politique de
prévention, ministère de l'intérieur, Bruxelles, Belgique.
24
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
• Violences autour du football: CCTV, video; limitation de la violence entre les bandes;
travail proposé aux jeunes... A noter le rôle des "fan coaching", travailleurs sociaux qui
accompagnent les clubs dans leur déplacement lors des matchs.
• Drogue : neuf centres de transit en cours de création; carte de bilan médico social; lien
entre la police et les de santé; assistance sociale rapide; évitement de la prison.
• Vol de voitures (66 % des vols de voitures sont le fait d'un manque de précaution) :
recrutement de jeunes cyclistes qui repèrent les voitures vulnérables sur les parking ou
dans les rue et, par la distribution de notices, sensibilisent leur propriétaire contre le vol.
Médiation pénale et procédure accélérée: nouveaux intruments légaux pour lutter
contre la criminalité urbaine en Belgique27
Deux lois récentes offrent deux modèles complémentaires de réponse sociale à la
criminalité urbaine en Belgique : la loi du 10 février 1994 organise une procédure de
médiation pénale, la loi du 11 juillet 1994 porte des dispositions relatives à
l'accélération de la justice pénale.
•La médiation pénale.
Dans des cas déterminés par la loi et en fonction de certains critères, le ministère public
propose à lauteur de l'infraction la possibilité de réparer le trouble social. Le magistrat
organise une rencontre entre la victime et le délinquant et invite celui-ci à indeminer ou
à réparer le dommage. Si les conditions, librement acceptées, sont respectées, l'action
publique est éteinte. La médiation donne la possibilité au délinquant, selon les cas, de
réparer le dommage, de suivre un traitement médical, d'effectuer un travail d'intérêt
général, de suivre une formation, de bénéficier d'une enquête sociale.
La médiation pénale est une réponse à la petite délinquance, peu grave au cas par cas
mais socialement intolérable par sa répétition. Le législateur ne précise pas les
infractions susceptibles d'une médiation pénale, laissant au procureur le soin d'apprécier
cas par cas selon des critères que la circulaire du procureur du Roi tente de définir :
relation entre l'auteur et la victime, récidive, personnalité du délinquant, nature du
dommage...
Il est à noter que les travaux préparatoires de la loi semblent faire de la médiation une
alternative au classement plutôt qu'une alternative aux poursuites.
• La procédure accélérée
Pour certains comportements délictueux justifiant de poursuites pénales mais ne
nécessitant ni détention préventive ni enquête complémentaires, une comparution rapide
devant le tribunal peut être ordonnée. L'auteur est convoqué par le ministère public par
simple procès verbal, libéré et convoqué à une audience de jugement rapprochée. Cette
procédure accélérée peut être décidée d'emblée ou en cas d'échec de la médiation.
27 Résumé de l'intervention de M. Benoît DEJEMEPPE, procureur du Roi, Bruxelles, Belgique
(documenttion en français en annexe : extrait du code de procédure pénale; circulaire du Procureur du Roi
destinée aux magistrats du parquet sur la mise en oeuvre de la médiation pénale et de la procédure
accélérée)
25
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
34. LA POLICE , FORCE MOTRICE DE LA PREVENTION EN SUEDE
28
Norrköping, ville de 8 millions d'habitants. Stockholm, 1 million d'habitants
Le nombre de délits signalé a augmenté de 20 % depuis les années 80. Les délits contre
les biens ont diminué mais les violences contre les personnes ont augmenté.La plupart
des vols sont motivés par l'achat de drogue.
Les citoyens se préoccupent davantage de leur sécurité.
Il faut rapprocher la police du peuple. Il faut prendre en compte les victimes.
Une police plus proche
La police suédoise est nationale, rattachée au ministère de la justice. Sur les 10 000
policiers suédois, 700 sont affectés au comté (24 comtés en Suède) et 300 à la ville
même de Norrköping.
La police a dans sa mission d'empécher la délinquance. Elle est donc la force motrice de
la prévention. Elle essaie d'orienter l'action vers les problèmes et pas seulement vers les
symptômes. Elle La police élucide 60 % des délits avec violences et 11 % des vols.
Une aide aux victimes
Un fonds a été créé avec l'argent des condamnés pour faire des recherches économiques,
sociales ou criminologiques au niveau national, et pour, au niveau local (ville et comté
seront fusionnés à partir du 4 janvier 1996), financer l'aide juridique et un bureau des
victimes de délits. But: que chaque district de police ait ces trois possibilités à sa
disposition.
L'implication de la communauté
La police communautaire s'est développée surtout en direction des enfants et des jeunes,
avec la participation des écoles et des parents. Si un mineur de 18 ans fait un délit on
prévient les parents. Parents et travailleurs sociaux cherchent alors une solution avec la
police et le tribunal.
Des travaux pour la communauté peuvent remplacer une peine de prison. Le délinquant
peut également demander l'arrêt domiciliaire : il porte une alarme électronique au pied
qui se déclanche lorsqu'il sort de chez lui.
35. LA MEDIATION COMMUNAUTAIRE EN FINLANDE29
28Résumé de l'intervention de M. Mats LÖFVING, Chief Superintendant, Norrköping police, Suède.
29 La médiation en Finlande n'a pas été présentée lors du séminaire de Barcelone. On se reportera en
annexe à un article de Tapio LAPPI-SEPPÄLÄ, Doctor of Laws, Counsellor of Legislation, Helsinki,
Finlande, qui répsente et compare la médiation novégienne et la médiation finlandaise. Pour publication
in Walter S & Esser A (ed): Wiedergutmachung im Strafrecht. Max Planck Institut, 1995.
26
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Le premier projet de médiation entre victime et délinquant a été lancé dans la ville de
Vantaa en 1983-1984 sous la forme d'une action-recherche financée par l'Académie
finnoise. Depuis 1986, ce projet a été intégré aux services municipaux.
En 1993, 110 communs (sur 460) avaient leur projet de médiation, et 5000 conflits y
étaient examinés et on comptait plus de 1300 médiateurs.
Un modèle communautaire sans statut légal mais lié au système pénal
Le modèle finlandais de médiation est communautaire avec des médiateurs bénévoles et
issus de la communauté. La médiation n'a pas de statut légal, contrairement à la
Norvège où la médiation est initiée par le procureur ou la police principalement dans les
cas qui auraient fait sinon l'objet de mesure de protection de la jeunesse, de classement
ou d'une peine légère ou conditionnelle; où chaque commune a un conseil des conflits
et un médiateur communal, financé par l'Etat; où le médiateur, volontaire, est élu pour
quatre an par le bureau communal; où la médiation, orale, fait l'objet d'un contrat écrit.
Indépendante du système de justice criminelle, la médiation est cependant en lien étroit
avec la procédure pénale. Et les demandes de légalisation et d'institutionnalisation de la
médiation, notmment pour des raisons d'égalité des citoyens, se font de plus en plus
pressantes, malgré les oppositions de fond de quelques-uns des pionniers pour qui le
caractère informel de la médiation est essentiel si l'on veut obtenir des effets sur la
qualité du lien social. Les agences formelles, il est vrai, ne donnent pas leur aide pour
rien. La question clé pour la Finlande est celle-ci : comment organiser une coopération
entre les deux systèmes pour le meilleur profit de chacun d'eux ?
Comment fonctionne la médiation ?
• Organisation. A défaut d'une organisation officielle, une Union nationale des
médiateurs a été créée en 1990 pour promouvoir la médiation à base communautaire.
Au nivea local, la médiation fait partie des activités communales (la Finlande a un
système "d'autonomie communale"), rattachée généralement aux services d'action
sociale. Elle est financée sur le budger communal.
• Formation. Les médiateurs reçoivent un formation initiale de 30 à 40 heures organisée
aux niveaux national et local .
• Procédure. Bien qu'indépendante de la justice pénale, la médiation peut intervenir à
tous les stades de la procédure entre la commission du délit et l'exécution de la peine et
les autorités pénales occupent une place centrale dans la saisine.
- Trois modes de saisine du médiateur : par la victime (5 %) , le délinquant (11%) ou
ses parents (3%) avant ou après le dépôt de plainte à la police; par la police (17 %) qui
peut orienter vers la médiation ou conseiller aux parties de le faire; par le procureur
(plus de la moitié des cas).
- La médiation proprement dite suit le modèle classique : premiers contacts, première
rencontre victime délinquants, procédure orale, contrat final écrit.
- L'issue pénale d'une médiation. Dans le cas d'un dépôt de plainte, une médiation
réussit éteint les poursuites. L'absence de dépôt de plainte pose plus de problème au
regard du système légal, mais le procureur garde la possibilité d'abandonner les charges.
Lorsque l'affaire est amenée jusqu'au tribunal, celui-ci peut tenir compte de la médiation
et, par exemple, confirmer l'accord. En 1993, la moitié des délits soumis à médiation
27
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
sans dépôt de plainte ont fait l'objet de poursuites pénales dont les quatre cinquième
aboutirent à une peine.
• Les parties (données 93) . L'âge du délinquant est un critère majeur d'orientation vers
la médiation: la moyenne d'âge est de 17 ans (responsabilité pénale à 15 ans); et 90 %
sont de sexe masculin (comme dans l'ensemble du contentieux pénal). Près dela moitié
des victimes ne sont pas des particuliers, mais des organismes privées pour un petit tiers
(commerçants par exemple) ou publics (un peu plus de 10 %).
• Les conflits (données 93). La médiation se cantonne essentiellement aux affaires
pénale sans gravité pénale. La moitié des cas sont des petites atteintes aux biens, le
quart sont des agressions et bagarres. Contrairement à ce qu'on pouvait penser, la
plupart des cas n'ont pas fait l'objet d'un dépôt de plainte (plus de 70 %). Les
conflits civils sont quasi inexistants, indiquant que les gens préfèrent règler eux-mêmes
leurs problèmes ou les soumettre au tribunal.
• Taux de démarrage de la médiation (relation établie entre délinquant et victime). Sur
l'ensemble des cas proposés à médiation, 70 % ont démarré. Un élément intéressant : le
taux de démarrage est plus élevé lorsqu'il n'y a pas de dépôt de plainte. Ce qui semble
indiqué que le désir d'éviter de payer les conséquences pénales d'une faute n'est pas la
motivation principale des délinquants qui acceptent la médiation. Et plus les délinquants
sont jeunes plus ils acceptent la médiation.
• Taux d'aboutissement. Les deux tiers des médiations proposées et 80 % des
médiations commencées aboutissent à un accord.
• Les accords. Neuf accords sur dix ont été respectés. La plupart des accords sont des
compensations financières, principalement dsans les cas de dommages à la propriété.
Mais il faut dire que dans un cinquième des cas la victime n'a pas de revendications
financières. Un travail est demandé plutôt pour conpenser un vol et des compensations
symboliques (excuses...) plutôt pour les violences contre les personnes.
Eléments d'évaluation
• La médiation fait-elle diversion au système pénal ? Il est probable, selon les études,
que la plupart des cas proposés à médiation n'auraient pas fait l'objet de poursuites en
tout état de cause et que la médiation a pour effet d'élargir le champ du contrôle social.
En terme d'économie des ressources (sans parler de la dimension plus sociétale), le
bénéfice peut être contestable. Mais un autre calacul peut donner à réfléchir : un
médiateur peut s'occuper de 30 cas par an environ et il existe environ 1 500 médiateurs
formés; si un tiers de ces médiateurs s'occupe de 20 cas par an chacun, le nombre
théorique de médiations atteindrait 10 000 environ c'est à dire le nombre des peines de
prison ferme prononcée chaque année. Il faut tenir compte évidemment du fait que la
médiation s'occupe de délits mineurs qui ne demandent pas beaucoup d'investissement,
y compris dans le système formel.
• La médiation comme travail social. La médiation agit sur la crise. Elle peut être perçue
à ce titre comme un moyen spécifique de réhabilitation individuelle, de transformation
potentielle des comportements ultérieurs. Mais on manque ici d'éléments suffisants pour
apprécier et l'efficacité relative des techniques de réhabilitation dans d'autres secteurs
28
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
n'invite pas à l'optimisme. Il serait plus convaincant d'attendre du mouvement de la
médiation une transforamtion des attitudes sociales en général que des effets sur les
comportements individuels.
• La médiation comme procédure de restitution. Des études de suivi conduites en
Finlande semblent montré que la médiation, en tant que compensation possible des
préjudice matériels mais plus encore sans doute compensation des préjudice
psychologiques et émotionnels, permet de réduire la peur et la violence qui suivent
l'agression.
• La médiation et la communauté. La médiation consolide-t-elle le lien social et la
régulation des conflits ? Difficile à dire à un niveau global. Mais au niveau de leur
communauté, les médiateurs forment sans doute un sous groupe active et positif.
36. DES EXPERIENCES DE RAPPROCHEMENT DE LA JUSTICE ET
DU DROIT, EN FRANCE
Depuis maintenant une dizaine d'années, une évolution s'opère lentement dans les
relations entre la justice et le justiciable sous la forme
• d'une aide aux victimes d'infractions pénales,
• d'une tentative d'élucidation des affaires en temps réel,
• d'expériences de raprochement de la justice et du droit dans des quartiers difficiles. Au
total entre 30 et 40 initiatives se sont créées : décentralisation de la justice pour les
petits litiges (Maisons de justice et du droit ou Antennes de justice, en région
parisienne, dans le Val d'Oise et à Lyon); médiation non professionnelle (région de
Lyon par exemple); antennes juridiques dans les quartiers comme réponse
professionnelle associée à celle des habitants et des associations (Marseille ou Valence).
Une aide compensatoire aux victimes30
La France comme la plupart des autres pays européens est confrontée à une
augmentation considérable de la délinquance urbaine. Si bien que le ministère public,
qui décide de l'opportunité des poursuites, classe des infractions sans auteurs connus
faute de pouvoir les faire juger dans un délai raisonnable. Or ces infraction représentent
85 % des petites et moyennes infractions signalées. Parmi les 15 % restant, des
classements seront également nécessaires, par exemple pour certains vols dans les
grands magazins au-dessous d'un seuil de valeur fixé localement par le parquet.
Un Fonds d'inndemnisation des victimes a été créé pour compenser cette absence de
réponse judiciaire. Et la création d'associations d'aide aux victimes d'infractions pénales
a été encouragée par les pouvoirs publics. Des magistrats ont été à l'initiative de telles
associations. Dans le département des Hauts de Seine (1 400 000 habitants) où se trouve
Nanterre une très grosse association a été créée, présidée alternativement par le
procureur, le président du tribunal et le bâtonnier.
Des affaires élucidées jugées en temps réel 31
30Résumé de l'intervention de M. Pierre LYON CAEN, avocat général à la cour de cassation, Paris, France. M. P.
LYON CAEN était procureur général à la cour d'appel de Nanterre lorsqu'il a implanté les Maisons de justice
(Contribution écrite en annexe, en français)
29
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Si le pourcentage d'affaires élucidées est très faible, qu'elles soient au moins jugées en
temps réel. Il existait des procédures rapides appelées "flagrants délits" puis
"comparution immédiate". Elles présentaient l'inconvénients d'augmenter les risques de
décisions prises en l'absence du prévenus, et le risque de précipitation préjudiciables
aux droits de la défense.
La procédure en temps réel est la suivante :
- les services de police judiciaire rendent compte par téléphone de toutes les procédures
si l'affaire est élucidée;
- le magistrat de permanence décide de la suite à donner. S'il poursuit il fixe la date de
l'audience, et la convocation est remise immédiatement par l'agent de police au prévenu
encore présent dans les locaux de la police.
Avantage de cette procédure :
- elle évite la précipation des comparutions immédiates,
- elle permet le contradictoire,
- elle apporte une réponse immédiate à l'auteur et à la victime,
- elle permet de traiter l'ensemble du contentieux élucidés de la petite et moyenne
délinquance.
La médiation/réparation ou le classement sous condition32
La médiation/réparation peut être choisie pour certaines infractions ou le classement
sous condition d'indemnisation de la victime.
Lors de l'entretien téléphonique entre la police judiciaire et le magistrat du parquet, ce
dernier peut décider de classer, de poursuivre ou de proposer une médiation. La
médiation peut se faire devant le magistrat (c'est le classement sous condition ), ou par
l'intermédiaire d'un médiateur habilité par le tribunal. Dans ce cas, une rencontre est
organisée avec le médiateur. La médiation offre une possibilité de réparation au lieu
d'une sanction de principe souvent mal comprise. La réparation peut être symbolique, en
argent ou en nature. L'entreprise qui gère le métro et les bus à Paris (la RATP) intègre
par exemple à une équipe technique, par demi journées, des jeunes qui ont dégradé du
matériel.
Une décentralisation de la justice dans les quartiers : les antennes de justice des
Hauts de Seine33
Le tribunal de Nanterre a créé deux antennes de justice. Une antenne permet d'exercer
certaines fonctions de la justice dans dans des quartiers difficiles d'où la justice est
largement absente et où les jeunes vivent dans un arbitraire complet, ignorants de leurs
droits et de leurs devoirs : quartiers avec forte densité de population et de jeunes de
moins de 20 ans, un chômage important, retards scolaires, familles immigrées non
intégrées. Chaque quartier représente 68 000 et 96 000 habitants.
Les antennes sont implantées dans un ancien logement social de quatre pièces, au rez de
chaussée d'immeuble collectif. Elles sont clairement signalées. Leur accès est facile. Les
gens y sont reçus à la première demande par le travailleur social puis très vite par le
magistrat si nécessaire.
31Idem
32Idem
33Idem
30
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Pour éviter une confusion des rôles, et afin de préserver l'autonomie de la justice, les
autorités judiciaires locales ont préféré que la justice recrute elle-même (et non les
collectivités locales) les personnels nécessaires au fonctionnement des antennes. Elles
ont également refusé d'intégrer l'antenne à un équipement social.
L'antenne de justice est animée par les magistrats du parquet. Elle exerce une fonction
d'autorité et si nécessaire de répression, ainsi qu'une fonction de dialogue et de recours.
• Une fonction d'autorité et de répression
Aucune fonction juridictionnelle ne siège dans les antennes. La justice n'y est pas, à
proprement parlé, rendue. Mais un magistrat du parquet, présent trois jours par semaine,
y dirige l'action publique. La proximité lui donne une connaissance plus fine de la
délinquance, des interlocuteurs policiers ou gendarmes, du contexte local. De plus, ce
magistrat est mieux identifié par ses partenaires et par les justiciables, et son rôle mieux
compris. Au rôle du magistrat s'ajoute celui d'un agent de probation qui suit les
condamnés en milieu libre et qui assure une permanence par semaine, et celui des
éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse.
• Une fonction de dialogue et de recours.
Des permanences sont effectuées par un travailleur social, par le magistrat, par un
avocat désigné par le bâtonnier, ou par un représentant de l'asociation d'aide aux
victimes d'infractions pénales. Un conciliateur tentera d'arbitrer les petits conflits civils.
Le magistrat jouera le rôle de médiateur de la République dans les cas de
dysfonctionnements de la justice (greffes, juridictions, maison d'arrêt, police judiciaire
...)
Pour les petites et moyennes infractions reconnues, le magistrat décidera de médiations
pénales confiées à l'association d'aide aux victimes, ou de classement sous condition
d'indemnisation. La proximité permet au magistrat de réagir en tenant compte de la
conséquence de sa décision, de dialoguer et d'expliquer mieux, de faire mieux
comprendre et accepter la décision.
Résultats
• Ouverture d'un dialogue individuel avec des habitants qui, la plupart du temps,
viennent à l'antenne spontanément. Dès la première année (1993) plus de 2000
personnes avaient été reçues par l'une des antennes, près de 1500 dans l'autre en moins
d'un an.
• Possibilité de dialogue collectif avec d'autres intervenants et avec des groupes
d'habitants du quartier (groupes de jeunes notamment)
• Expérimentation de solutions nouvelles, plus négociées : classement sous condition
pour outrage à agents des transports publics par exemple, qui assainit les relations entre
les jeunes et ces agents.
• Confrontation du magistrat au réel, perception des problèmes dans leur globalité en
tenant compte de l'aval et de l'amont des conflits.Il ne s'agit pas simplement d'une
déconcentration du ministère public mais d'une transformation de l'action judiciaire vers
un droit qui protège et pas seulement qui interdit.
• Egalité d'accès des usagers à la justice mieux garantie.
• Un défaut : l'absence pour le moment des juges (juge d'instance, juge aux affaires
familiales, juge de l'exécution...). Seul un juge des enfants a accepté d'être présent deux
fois par mois dans l'un des antennes.
31
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
En conclusion. Il faut donner à ces antennes un statut et des moyens et ne pas laisser à
l'appréciation individuelle du procureur de les fermer ou de les ouvrir.
La proximité présente-t--elle des risques ? Une trop grande dépendance avec les acteurs
sociaux ? Il dépend des acteurs de l'éviter. Un contrôle social excessif et une répression
accrue qui se substitueraient à la volonté actuelle de promouvoir une certaine
"pédagogie de la loi"?
Les antennes juridiques à Marseille34
Marseille, 850 000 habitants. Une ville qui se dépleuple. 120 000 habitants en dessous du seuil de
pauvreté. 18 % de chômage et, dans certains quartiers, 50 %. Fort taux d'immigration. Mais un frein
subjectif à l'insécurité: le sentiment d'appartenance à la ville, une forte identité collective .
Il existe onze antennes juridiques à Marseille (la première créée en 1992). Elles sont
installées dans 11 quartiers à problèmes qui correspondent aux quartiers où le Conseil
communal de prévention de la délinquance s'était décentralisé.
Ces antennes juridiques sont indépendantes de la justice mais associées à elle. Leurs
objectifs: introduire le droit dans des quartiers en difficulté qui se trouvent souvent, de
fait, placés hors droit, et lutter contre le sentiment d'abandon que peuvent éprouver leurs
habitants.
La justice de proximité s'est développée à Marseille à partir d'une double mouvement :
un mouvement local pour une justice plus proche, et le mouvement de la médiation.
• Un mouvement local pour une justice plus proche. L'idée est née dans le Conseil
communal de prévention de la délinquance et a été portée par le procureur de la
République, le président du tribunal, le bâtonnier, avec l'aide d'avocats motivés, de la
Ville, de l'Etat, des institutions spécialisées.
• La médiation comme régulation sociale, à côté de la justice qui tranche, s'est
développée en France dans les conflits familiaux, de la consommation, dans les
quartiers, à l'école, avec l'administration.
Comment fonctionnent les antennes juridiques ?
• Une convention initiale est signée par une association support (à but non lucratif) et
les services de justice.
• Chacune des 11 antennes est située dans un quartier en difficulté ou à sa périphérie
immédiate. Avanrage de la périphérie immédiate : permettre, dans la salle d'attente, un
contact entre des populations qui n'ont pas facilement de relation entre elles.
• Les locaux sont communs à d'autres équipements et services de quartier regroupés
dans une Maison du citoyen. On y trouve entre autre un service pour la recherche
d'emploi, des activités de formation, l'aide aux devoirs scolaires, des lieux d'écoute et de
parole...
• Qui saisit l'antenne ? Le procureur lorsqu'il s'agit d'affaire pénale. Les habitants, les
travailleurs sociaux ou la police dans les cas de conflit civils.
• Composition collégiale de l'antenne: un médiateur parfois (qui dans ce cas anime
l'ensemble), un avocat, une assistante sociale pour l'aide aux victimes, le responsable de
l'équipement de quartier. Un secrétariat est assuré.
34Intervention de M. Paul PICCITRILLO, directeur de la Maison des familles et des associations de la Vallée de
l'Huveaune, Marseille, France.
32
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
• Qui finance ? L'association support est subventionnée par des fonds publics et
soutient l'antenne.
Que fait l'antenne juridique ?
• Consultations juridiques, sans cloisonnement entre le pénal et le civil, ni entre
juridique et judiciaire. Les affaires concernent le droit de la famille le plus souvent mais
également les conflits entre locataires et propriétaires, l'agression et le vol, le contrat de
travail, le surendettement, les relations de voisinage.
• Médiations civiles, ou médiations pénales (pour l'essentielaffaires de coups
réciproques, et petits vols). Chaque médiation laisse une grande place à l'écoute, à la
diversité des approches. Chaque séance est longue. On y affirme une présence un peu
solennelle, mais proche, du droit. La solution est négociée et un procès verbal est signé
par les parties et les membres de l'antenne en fin de séance.
• Aide aux victimes
Résultats ?
• Depuis la création en 1992, triplement du nombre de saisines. 800 consultations
juridiques effectuées. Une justice plus souple, plus accessible, plus rapide s'est mise en
place.
• Avoir le crédit de la population est indispensable. Deux évènements ont aidé à
l'obtenir: une journée de réflexion avec les habitants, au pied des immeubles, à laquelle
ont participé le procureur, le président, le bâtonnier et une rencontre de citoyenneté où
les médiateurs et le procureur ont fait face à des jeunes en énorme difficulté.
• La perception de la justice a changé profondément chez les utilisateurs des antennes.
La justice retrouve un crédit et cela malgré des attentes très longues dans la salle
d'attente. La perception de la justice par les non utilisateurs de la justice par contre n'a
pas changé.
• Mais des difficultés :
- démarrage lent des médiations pénales et une difficulté de parvenir à une accord dans
un contexte pénal
- réticence des magistrats qu'ils justifient pas la crainte d'une privatisation de la justice,
la crainte au regard des droits des personnes, la crainte d'une justice plus soumise à la
population.
37. UNE PROCÉDURE CIVILE POUR DES CONFLITS PÉNAUX
AUX PAYS BAS 35
Nous avons fait en Hollande une étude empirique sur la manière dont les femmes,
victimes de violences sexuelles, utilisaient la procédure civile au lieu de la procédure
pénale. Nous avons trouvé que l'injonction civile était bien mieux adaptée aux besoins
des femmes que le système criminel. Trois éléments faisaient de l'injonction civile une
stratégie très utile aux avocats féministes et à leurs clientes pour aborder les cas de
violences sexuelles.
35Louk HULSMAN, professeur émérit, université Erasme de Rotterdam, Pays Bas (Contribution écrite en anglais en
annexe)
33
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
• Tout d'abord, la procédure civile simplifiée semble très attractive et accessible à ceux
qui n'ont pas de moyens non légaux de régler leurs problèmes : elle est peu coûteuse,
facile à comprendre, rapide et flexible, avec un taux relativement élevé de succès. Par
ailleurs, elle correspond à la définition que les victimes donnent de la menace dans leur
vie quotidienne. De plus, la victime contrôle la procédure du début à la fin. A tout
moment elle peut décider d'éviter le procès, de faire une accord avec l'autre partie,
d'exécuter ou non la décision du juge. Elle ne dépend d'aucune autre institution
contairement à ce qui ce passe par exemple dans une affaire de justice criminelle.
• La plaignante a simplement besoin d'un procureur et les procureurs spécialisés dans ce
type de procédures sont hautement motivés et aident leur clientes. Ceci m'amène à la
seconde raison qui fait de cette procédure simplifiée une procédure si bien adaptée aux
cas de violences sexuelles. D'une victime de violence sexuelle, humiliée, dépendante, la
femme devient une partie active, une plaignante dans un procès civil. Elle montre ce
faisant non seulement à celui qui la menace mais aussi à elle-même et au monde
extérieur qu'elle tient en main sa propre vie et sa propre identité, et qu'elle est capable
de tracer sa propre ligne. Et ceci accroît sa capacité à se défendre. Etre plaignante dans
une procédure civile peut contribuer à l'épanouissement personnel et à l'émancipation.
• Le troisième élément est la publicité. Les victimes mais également les journalistes
considèrent que la procédure civile simplifiée et notamment l'injonction civile, est un
accès facile au procès. Ce qui signifie la possibilité d'une publicité importante. Les
avocats féministes font un usage délibéré de cette publicité pour attirer l'attention sur la
question des violences sexuelles, et pour montrer au monde et aux autres femmes qu'il
est possible d'y mettre un terme. Nous pouvons appeler cela l'effet structurellement
émancipateur, alors que la combinaison du premier et du second éléments avait un effet
d'émancipation individuelle.
Nous avons d'autres exemples intéressants, pour d'autres types de problèmes,
d'utilisation d'une procédure civile comme manière de résoudre un évènement
pénalisable. Cette procédure permet d'intégrer l'activité de communautés et de
mouvements sociaux, et combine prévention et remède.
34
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
4. ENJEUX DEMOCRATIQUES DES NOUVELLES FORMES DE
JUSTICE
41. LA CONVENTION EUROPÉENNE ET DE LA JURISRUDENCE
EUROPÉENNE FONT-ELLE UNE PLACE AUX NOUVELLES FORMES DE
JUSTICE ?36
Article 6 de la Convention européenne " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendu
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial,
établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit
du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ..."
Y a-t-il un espace possible dans le droit européen pour de nouvelles formes de justice ?
La réponse est oui à certaines conditions et moyennant certaines garanties. Oui à
l'intérieur de l'article 6 de la Convention européenne. Oui également en dehors de lui, en
amont ou éventuellement à la place de ce modèle. Mais il semble clair que l'objectif
poursuivi par la Cour européenne est de faire bénéficier les litiges et les procédures des
garanties et du contrôle européen que permet l'article 6.
• L'article 6 de la Convention européenne ouvre un espace à de nouvelles formes de
justice. La définition européenne de la notion de tribunal permet de s'éloigner du
modèle classique intégré aux structures judiciaires du pays, à condition que le tribunal
présente les garanties d'indépendance, d'impartialité et de légalité. A condition
également que le déroulement du procès garantisse au civil comme au pénal le respect
de certaines règles classiques (égalité des armes, contradictoire, motivation des
jugements, publicité, droit de comparaître en personne, droit d'être représenté par un
avocat, de citer et d'interroger des témoins, de recevoir l'assistance gratuite d'un
interprète).
Mais les formes nouvelles de justice, en particulier les formes non juridictionnelles,
doivent se limiter au statut de justice complémentaire, avec la possibilité de recours à un
tribunal classique. Elles ne peuvent accéder au statut de véritable justice alternative
dans la mesure où un tribunal, dans sa définition européenne, doit toujours posséder la
compétence de pendre des décisions contraignantes.
• La Convention européenne n'interdit pas que en marge de l'article 6 se développent
d'autres formes de justice. Le justiciable peut en effet renoncer au procès équitable selon
l'article 6 à condition que cette renonciation soit libre, et cette liberté soit contrôlée par
la Cour.
• Le contenu de la Convention et la jurisprudence européenne renvoient à des principes
méta-juridiques susceptibles de régir y compris ce qui n'entre pas directement dans le
champ d'application de la Convention. Il peut paraître acquis qu'aucune forme de justice
ne peut conduire à l'abandon de droits.
36Résumé de l'intervention de Mme Emmanuelle CASENOVE, maître de conférence, université de Picardie Jules
Verne, Amiens, France
35
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
• Les nouvelles formes de justice doivent être compatibles avec l'égalité entre les
justiciables (principe de non-discrimination garanti par l'article 14).
• A travers la jurisrudence de la Cour, les systèmes punitifs nationaux s'harmonisent sur
la base d'un paramètre européen qui est insensible aux qualifications nationales. Les
garanties prévues par la Convention peuvent être écartées uniquement lorsque, par
exemple, la dépénalisation formelle se traduit par une atténuation effective des
sanctions et de leurs effets.
42. NAISSANCE D’UN NOUVEL ORDRE OU NOUVEAU DISCOURS SUR
L’ORDRE ? 37
La reconnaissance voire le développement d'une pluralité de justices est peut-être une
voie pour nos démocraties. Peut-on continuer à dire, en effet, que le rôle de sécurité
publique et d’ordre public revient principalement à l’Etat lorsqu'on constate l'écart
entre la demande de sécurité et l'offre publique ? Presque tous les évènements
pénalisables sont déjà traités en dehors de la justice criminelle. Ils apparaissent alors
sous un autre jour parce qu'ils sont construits dans une logique différente et un contexte
différent du contexte pénal. La justice africaine ou indienne par exemple ont toujours
existé dans nos villes, mais pour le savoir il nous faudrait entrer dans le chiffre noir de
la non dénonciation (et non pas de la non poursuite). Beaucoup de choses
criminalisables ne sont pas criminalisées par les citoyens.Le dévelopement de nouvelles
formes de justice devraient s'inspirer de ces pratiques démocratiques qui prennent leur
racine dans le "chiffre noir".
Soyons vigilants. Les nouvelles formes de règlement des conflits évoquées dans ce
séminaire sont-elles le prélude à la naissance d'un nouvel ordre, ou à la naissance d'un
nouveau discours sur l'ordre ?
Quelques remarques pour préciser le propos.
La notion de gravité
La critique de la distance entre la demande sociale et la réponse publique de sécurité
telle que nous l’avons abordée ici reprend quelque chose de l'organisation de la justice
pénale: c'est la reconstruction des évènements-problèmes dans une échelle de gravité
qui est celle du pénal. On parle alors de petite délinquance, ou de délinquance grave. Or
nous ne pouvons pas mettre les évènements-problèmes sur une même échelle et
respecter la diversité de la société. Le terme "gravité" a différents sens qu'il peut être
gênant d'utiliser sans discernement. En terme médical, grave signifie : "tu vas mourir si
tu ne suis pas une thérapie". Mais la thérapie elle-même peut être simple. En terme
scholastique, la gravité a un tout autre sens. Il est risqué d'employer les termes "petite
délinquance", "délinquance grave", "incivilités" car un évènement "petit" peut créer
plus de problèmes qu'un évènement "grave" au sens pénal.
37 Louk HULSMAN, professeur émérit, université Erasme de Rotterdam, Pays Bas (Contribution écrite en anglais
en annexe)
36
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Faire une distinction entre agences de régulation et cadres de référence de ces
agences
La justice criminelle est un ensemble d'agences (police, tribunaux, services de
probation...) travaillant dans un cadre spécifique de référence. Mais ces agences
travaillent aussi dans d'autres cadres de référence qui n'appartiennent pas à la justice
criminelle. Le cadre de référence de la justice criminelle est fondée sur le modèle punitif
de la théologie scholastique (jugement dernier et purgatoire). Dans cette logique, la
gravité est l'outil principal qui oriente l'activité des agences.
Soumettre les justices au test de la démocratie
Nous avons besoin de normes pour évaluer si la manière de résoudre une situationproblème est plus ou moins démocratique. Je propose trois indicateurs clés.
• Le respect de la diversité (cf ci dessus la notion de gravité).
• La notion de "clients concrets": les professionnels et autorités doivent servir des
clients concrets reconnus dans leur diversité. Les autorités et professionnels sont
là pour les gens et non le contraire. Ce n'est possible que si les clients concrets
gardent la maîtrise de la définition de leur problème (de leur "gravité") et ont le
pouvoir d'influencer les décisions des autorités et des professionnels. Et que si la
division du travail entre les agences permet (ce qui n’est pas le cas) aux acteurs
d'exercer une responsabilité personnelles sur les effets de leurs décisions.
• Le menu n'est pas le repas. La carte n'est pas le territoire. Un évènement ou une
situation qui font l'objet d'un discours ou de toute forme de prise de décision sont
toujours reconstruits.Seules les reconstructions qui respectent les deux premiers
points ont une valeur. Cette valeur doit toujours être examinée.
Le test de la démocratie doit certes être appliqué aux nouvelles formes de justice, mais
également au système classique de justice criminelle. Pour ce dernier, le résultat ne
serait pas si fameux au regard des trois critères que je propose.
43. QUELLE POLICE ?
Il n’est pas possible de réfléchir aux nouvelles formes de justice sans poser la question
du rôle et de la place de la police. Il existe de fait deux polices et deux justices dont
prennent actes les choix budgétaires des pays. Faut-il envisager des séparations,
douloureuses, entre ces deux modèles ? Peut-on les faire évoluer ensemble au sein d’un
même système de justice criminelle ? Il nous faut chercher des principes d'action et
d’organisation positifs.
Les réponses, on l’a vu, sont fortement liées aux réalités sociales et politiques des pays
et des villes. Entre le modèle scandinave par exemple d’une police moteur de la
prévention tel qu’il a été présenté ci dessus, et le modèle espagnol, les différences sont
fortes. Mais les questions peuvent se rejoindre.
Le système de police évolue plus vite que le système de justice criminelle38.
38Résumé de l’intrvention de M.Amadeo RECASENS BRUNET, directeur, service d'études et prospective,
secrétariat d'Etat à l'intérieur, Madrid, Espagne
37
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Cette évolution pose problème lorsqu’elle se fait en dehors du système de justice
criminelle et sans contrôle suffisant de la part du Parlement européen
Deux évolutions préoccupent notamment les Espagnols:
• le développement des “polices privées”, dont le nombre dépasse celui des policiers
publics en Europe;
• le développement hors du système de justice criminelle d’initiatives policières de
médiation ou de prévention au nom de normes qui ne seraient pas soumises au débat
démocratique.
La réponse espagnole : une police judiciaire de proximité39.
Un service d'études et de prospective du secrétariat d'Etat à l'intérieur a été créé il y a un
an. Sa mission est la mise en place d'un modèle de police adapté aux circonstances
socio-historiques de l'Espagne. L'ordre public tel que défini par la Constitution
espagnole n'est pas celui de l'Italie, de la France ou de la Grande Bretagne. Le tribunal
constitutionnel espagnol en a précisé le contenu:
• La sécurité publique est une notion globale : le maintien de la tranquillité et la
protection des personnes et des biens.
• La sécurité citoyenne est une partie de la sécurité publique: la protection des
personnes et des biens .
• La justice criminelle est une partie de la sécurité citoyenne: le contrôle social
formel quand le délit est constitué.
La police peut-elle prendre l'initiative de réponses alternatives au système de justice
criminelle ? Peut-elle agir comme médiateur de justice ? Pour l’Espagne la réponse est
non, la police a d'autres fonctions. La police monopolise la violence "légitime".
L’exclure du système de justice criminelle jetterait un doute sur la légalité de son action.
Une justice citoyenne passe d’abord par l'incorporation des citoyens dans le système de
justice criminelle. Mais comment ?
• En définissant le concept de sécurité publique comme une situation de convivialité.
• En orientant le système de justice criminelle à travers la création de politiques de
sécurité publique soumises à formulation, exécution, évaluation.
• En décentralisant.
• En coordonnant prévention et répression. Dans une justice de proximité la police
locale peut être judiciaire elle aussi.
Les réformes en cours en Espagne s’inscrivent dans une “vision métropolitaine du
XXème. A la mise en place d’une nouvelle justice métropolitaine, plus proche des
quartiers, doit correspondre une police municipale elle aussi plus proche des quartiers
et avac une fonction de police judiciaire40.
L’Espagne a constitué, au niveau de l'Etat et des provinces, les conseils de sécurité
citoyenne, qui regroupent police, citoyens, mouvements sociaux, ONG. Le 10 mai 1995
se sera tenue la première réunion du conseil de sécurité citoyenne au niveau national.
39Résumé de l’intrvention de M.Amadeo RECASENS BRUNET, directeur, service d'études et prospective,
secrétariat d'Etat à l'intérieur, Madrid, Espagne
40M. Angel MONTANEZ PARDO, secrétaire général technique du ministère de la justice et de l'intérieur
38
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Comment la police judiciaire peut s'adapter à une justice plus proche et à une plus
grande rapidité des jugements? Exemple de la Garde Civile41
La garde civile, est compétente sur 42 % de la population. Elle
intervient en zone rurale, dans la périphérie des grandes villes,
en zone côtière
Comment la police judiciaire peut s'adapter à une plus grande rapidité des jugements, et
sans diminuer les droits des citoyens ?
La police judiciaire de la Garde civile a été créée en 1982. Mais son personnel est resté
limité à une équipe de recherche de six personnes par province, dont un chef d'équipe
chargé des interrogatoires, un gendarme chargé des techniques de police, un autre des
photographies.Si l'un d'eux manquait tout était paralysé.
Trois réformes vont faire évoluer la situation :
• un rapprocherment de la police judiciaire de la Garde civile de ses chefs fonctionnels:
le procureur, le chef de l'instruction, le tribunal, et de créer une unité périphérique et une
unité centrale.
• la création récente de bureaux d'analyse de la délinquance. Les différences de
délinquance entre les zones relevant de la compétence de la Garde civile étant mieux
perçues les services peuvent y apporterune réposne mieux ciblée.
• la tentaive de spécialisation des équipes opérationnelles en fonction des types de
délinquance : délits contre les personnes; agressions; fraudes; affaires militaires; délits
contre les biens.
44. LA JUSTICE ET LE SOCIAL : QUELLE JUSTICE POUR LES PAUVRES ?
Il a été dit à plusieurs reprises que les nouvelles formes de réglement des conflits, soit
par la décentralisation de la justice soit par un meilleur accès au droit “se construisaient
sur les ruines d’une justice sociale”.
Il est généralement admis que la justice n'a pas à gérer la pauvreté, qu’elle ne peut se
subsituer au social. Mais elle fait des choses qui sont liées au social. Et lorsque les
régulations sociales sont en crise, la justice se trouve en première ligne pour gérer les
problèmes sociaux et assurer une cohésion sociale.
Les nouvelles formes de justice se développent essentiellement dans les quartiers
pauvres des villes. Doivent-elle s’y cantonner ?
Eléments d’un débat .
Franz VANDERCHUEREN, conseiller, programme de gestion urbaine, Nations Unies
La population visée par les nouvelles formes de jusice représente entre 12 et 20% de nos
sociétés développées mais 40 à 60% des population en Amérique latine et entre 40 et
88% en Afrique. Certains de ces pays souffrent d'un vide judiciaire. Il n'y a pas de
justice pour les pauvres. Il y a un besoin de justice non seulement pour neutraliser la
41Résumé de l’intervention de M.Benigne ZAMORANO ATIENZE, chef de la police judiciaire de la garde civile,
secrétariat d'Etat à l'intérieur (Contribution écrite en annexe, en espagnol)
39
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
délinquance mais pour créer une cohésion sociale dans les zones pauvres du monde et
des villes. Pourquoi ne pas lier les nouvelles formes de justice à la lutte contre la
pauvreté ? Pourquoi ne pas viser les programmes sociaux ? La ville de Cali en
Colombie développe une forme alternative de justice avec des programmes sociaux
dans les zones de haute délinquance.
M Pierre LYON CAEN, avocat général à la cour de cassation, Frnce
La responsabilité du ministère public est d'approcher la situation dans sa globalité, et de
respecter le principe d'égalité. Il n'y a pas, en effet, de commune mesure ni de réponse
uniforme à l'égard d'infractions commises dans un quartier en difficulté et les mêmes
infractions commises par des populations sans handicaps sociaux. En cas de difficultés
sociales il faut ajouter quelque chose pour que les gens viennent à la justice, même
comme plaignants.
En France, les nouvelles formes de justice, la nécessité de rapprocher le droit et la
justice ne concernent que les zones de pauvreté, le tiers monde de la France. Et c'est
dans ces zones qu'il faut aller plus vite. Hors de ces zones, le développement de l'aide
judiciaire suffit à faciliter l'accès à la justice.
Et il faut coordonner ces efforts de la justice aux actions de développement social.
Quand on juge au plus près des gens on ne peut se désintéresser de leur situation. Au
juge de s'assurer que les services d'aide et de développement compétents interviennent
effectivement
M. Duccio SCATOLERO, président de l'association nationale des magistrats de la jeunesse, Italie
La justice ne peut se substituer au social mais son histoire montre qu'elle fait des choses
qui appartiennent au social. C'est souvent la justice qui bouge la première, qui active les
reponses sociales. Le juge travaille à côté du travailleur social.On peut être juge dans
ces quartiers (et non travailleur social) à condition qu'il y ait une action sociale.
M. Pïerre LYON CAEN
On ne peut subordonner une intervention de la justice aux défaillances ni à la présence
d’une action sociale. Il faut garantir l’accès de ces quartiers à la justice, à la démarche
judiciaire dans ses aspects répressifs et non répressifs. Et ceci quelque soit l’état de
l’action sociale. En réalité les services publics existent dans ces quartiers. Et ces
services eux aussi , ont besoin de la justice pour arbitrer, sanctionner, être épaulée.
L'éduation nationale par exemple a longtemps été livrée à elle-même, impuissante. Une
étude conduite autour des antennes de justice a mootnér que la méfiance des enseignants
à l'égard de la justice était tombée du fait de la proximité de la justice.
45. PEUT-ON GÉNÉRALISER LES NOUVELLES FORMES DE JUSTICE ?
Les expériences présentées sont de deux types . Les unes en effet sont une
décentralisation de la justice, les autres une négociation sur et parfois avec le droit.
Peut-on parler dans les deux cas de justice de proximité ?
En Europe, ces expériences restent encore, le plus souvent, en marge des systèmes de
justice criminelle. Peut-on, doit-on les généraliser ?
40
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Sans remettre en cause la nécessité d’aller plus vite dans le rapprochement entre
demande de justice et offre publique, plusieurs mises en garde ont été faites au fil des
débats, des freins identifiés à la généralisation et des recommandations formulées.
Des mises en garde
• Le danger serait une idéologie du concensus qui pourrait être mortelle pour nos
sociétés42. La tonalité de nos recherches est la médiation, la conciliation. Mais attention.
Le conflit n'est pas à éteindre mais à gérer. Nous avons à opérer une reconnaissance
ethnologique du conflit. Nous avons à en identifier les raisons sociales et économiques
qu’une simple approche interindividuelle risquerait d’oculter.
L'autre péril de l'idéologie concensualiste serait de toucher aux identités nationales. La
justice participe du contrat social. Les procédures à mettre en oeuvre doivent respecter
des valeurs.
• Les régulations de proximité doivent prendre garde à ne pas développer un regard
scrutateur sur l'individu pour l'aider, l'accompagner, se substituer à lui au détriment de
sa liberté et de sa responsabilté43.
• Attention à ne pas accroître, avec le développement d’une justice privée, une
monétarisation de la sécurité qui accentuerait les inégalités et la dualisation sociale44
Des freins à la généralisation
• L’absence d’accord sur le fait qu'il faille ou non articuler la justice et le social. Ni sur
la manière d'articuler. Il faut clarifier ce qu'on veut45.
• Les priorités budgétaires des Etats46 La justice n'a pas les mêmes budgets que la
sécurité sociale ou l'éducation.
• Les limites propres à la médiation, innovation nécessaire mais qui ne peut remplacer le
système de justice classique47 : approcher le droit des quartiers ne dispense pas de
l'action judiciaire; et il existe des limites au développement de la médiation puisqu’il
faut l'accord des parties, que l'auteur soit connu et reconnaisse les faits et qu’un recours
peut être difficile à exercer lorsque la médiation a eu des effets différés non désirés.
Des recommandations
• Remmettre en question les priorités budgétaires48
42Michel MARCUS, délégué général du Forum européen pur la sécurité urbaine
43M.Benoït DEJEMEPPE, procureur du Roi, Bruxelles, Belgique
44M.Benoït DEJEMEPPE, procureur du Roi, Bruxelles, Belgique
45M. Lode VALDGRAVE
46M.Benoït DEJEMEPPE, procureur du Roi, Bruxelles, Belgique
47Mme Marie-Helène GILLIG, adjointe au maire, chargée des affaires sociales, vice présidente de la communauté
urbaine, Strasbourg, France
48M. LOUK HULSMAN, Pays Bas ; Pierre LYON CAEN , France; Benoît DEJEMEPPE, Belgique
41
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Les budgets de la justice ne sont pas très élevés, et la plus grande partie va à la prison.
Incohérence incroyable d'une incarcération qui monte en flèche aux Etats Unis, et en
Russie. L'Académie des sciences norvégienne a réuni à Oslo des experts internationaux
américains, russes... avec Ivan Illitch pour évoquer ces questions. Les Etats Unis ont un
taux de détenus de 1200 pour 100 000 habitants. Ce taux est de 2400 pour les hommes
issus des minorités. Le pénal menace l'intégration dans nos sociétés et prend un
pourcentage énorme des moyens de la justice.
• Conduire une évaluation des nouvelles formes de justice49. Au risque sinon de creuser
de nouveaux écarts entre la demande de justice et l’offre et d’obtenir des effets non
désirés.
• Entendre le tiers monde 50
Le sytème de justice criminelle (police, justice, application des peines) est sommé de se
transformer. D'où cette profusion en Europe et ailleurs autour de la justice de proximité.
Mais nous avons des peurs, des crispations. La comparaison internationale peut nous
aider. Le tiers monde dit des choses, entendons-le. Nous devons sortir d'un impérialisme
des juristes par rapport à d'autres sociétés, d'autres régulations du droit. L'Amérique
Latine, l'Afrique nous ouvrent des pistes. Nous avons à remettre en cause l'unicité du
droit pour envisager un pluralisme du droit qui entend la parole souffrante.
M. José Ma. MENA, procureur général du tribunal supérieur de justice de Catalogne, Espagne
“Nous sommes dans le malheur du monde. Le tiers monde arrive à
notre porte. C'est la fuite des faims vers l'Europe. Ils viennent chez
nous avec une autre culture, l'héroïsme, sans argent, avec tant de
risque. Il faut qu'il rencontre une solidarité européenne. Ne pas être un
pays de frontière et de rejet. Quand ils arrivent ils ne sont pas dans
une logique d'intégration mais de faim. Comme Européens du monde
riche, quelle est notre obligation envers les autres peuples ?”
CLOTURE PAR Mme MARIA-THERESA FERNANDEZ DE LA VEGA,
SECRÉTAIRE D'ETAT À LA JUSTICE, ESPAGNE
49Cf
intervention de M. Philippe ROBERT en introduction
50M. Michel MARCUS, délégué général du Forum européen pur la sécurité urbaine
42
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
LES PROCHAINES ETAPES51
Nous devons concevoir un système juridique et pénal pour répondre à la délinquance
répétitive, de faible importance judiciaire mais qui affecte la vie quotidienne des
citoyens.
Les citoyens, riches et pauvres, sont fatigués que les pouvoirs de l'Etat tergiversent et se
disputent. Ils veulent une réponse à leurs problèmes, ils veulent être protégés contre
l’insécurité, les abus de pouvoir.
Il nous faut définir une politique de sécurité publique coordonnée à d'autres politiques.
Les problèmes d'insécurité sont facteurs de fractures sociales. Subsistera une
délinquance d'exclusion tant qu’existera l'exclusion.
Le secrétariat d'Etat à la justice agit à quatre niveaux.
1. Développer une justice de proximité destinée aux problèmes de la vie
quotidienne
Des mesures ont été adoptées dans ce sens. Deux principes les inspirent: se doter d'une
plus grande efficacité dans la prévention et la sanction; et offrir toutes les garanties à
l'égard des droits individuels et collectifs. Elles consistent
• à intégrer dans le projet de réforme législative l'ensemble de la procédure,
• à accélérer la réponse judiciaire. La rapidité est un mécanisme important
d'apaisement social, de satisfaction des victimes,
• à mener des études d'implantation de justice de quartier (justicia de bario)
2. Réformer le code pénal
Les travaux seront terminés fin 95. Nous y prenons acte des doutes sur l'efficacité de la
prison, de la nécessité de réeduquer et non seulement de punir, de diversifier les
réponses punitives, d'impliquer davantage les travailleurs sociaux dans le procès pénal.
3. Une grande rencontre européenne des villes en automne 95
Le problème de la sécurité urbaine est transnational. Il est nécessaire de développer les
rencontres entre municipalités. C'est la base d'une future référence internationale. En
automne 1995, une grande rencontre européenne sera organisée dont la base est ce
séminaire-ci.
4- Engager un travail au niveau des Nations Unies sur la résolution des conflits de
la vie quotidienne.
51Résumé de l’intervention de Mme Maria-Theresa FERNANDEZ DE LA VEGA, secrétaire d'Etat à la justice,
Madrid, Espagne (Internvention complète en annexe, en espagnol)
43
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
Nous devons, pour finir, remercier le Forum européen pour la sécurité urbaine d'avoir
organisé cette rencontre. Et rendre hommage à Barcelone qui montre l'exemple à suivre
pour la coordination de la police et de la justice au sein d'une politique globale.
44
Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
SOMMAIRE
POURQUOI CETTE RENCONTRE ? ET POURQUOI EN ESPAGNE, À
BARCELONE ?
Inauguration par M. Juan Alberto BELLOCH JULBE, ministre espagnol de la
justice et de l'intérieur : l'Espagne travaille le contenu et l'organisation de la
sécurité publique
1. LE FOSSÉ SE CREUSE EN EUROPE ENTRE LA DEMANDE DE SÉCURITÉ ET
L'OFFRE PUBLIQUE
11. A demande accrue de sécurité
12. ...réponse publique affaiblie
13. Les limites d'un passage de main au marché
14. L'urgence d'une évaluation des ajustements de la réponse publique
2. COUPS DE PROJECTEUR SUR L'INSÉCURITÉ URBAINE
21. En Allemagne
Une insécurité subjective très élevée
Que faire ? Le Conseil de prévention du Schleswig Holstein
22. En Belgique
Les jeunes et le temps libre
Un développement urbain au détriment des habitants
Police et travailleurs sociaux sur les ruines des politiques urbaines et socioéconomiques
23. En Espagne
La délinquance à Barcelone vue par la police
Une enquête annuelle de victimation à Barcelone
Le système pénal et pénitentiaire génère des dysfonctionnements
Les citoyens veulent améliorer la justice
24. En Grande Bretagne
Une très forte inégalité de la victimation
Une justice de poximité peut-elle corriger ces inégalités ?
25. En Italie
Une crise de la justice...
...Liée à une crise plus profonde de l'administration publique
Des éléments trop partiels de réforme
Inventer des stratégies civiles pour récupérer les territoires perdus
26. Aux Pays Bas
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
La demande de la victime : être respectée..
... sans nécessairement cogérer la décision de justice
3. DES NOUVELLES FORMES DE JUSTICE
31. Rapprocher et démocratiser la justice en Espagne
Aller, avec modestie, à la rencontre des citoyens
Une unité de police attachée à la victime à Barcelone
Une justice accélérée, instaurée en 1992.
Bientôt des juges de paix élus, urbains et de quartier
Un modèle de sécurité qui soit un modèle de ville
32. Juges de paix, approche partenariale, approche communautaire en Grande
Bretagne
Une juridiction de la communauté : les 30 000 juges de paix
Le service de "diversion" à Northamptonshire
33. Politique contractuelle et nouveaux instruments légaux en Belgique
Une politique contractuelle pour des villes plus sûres
Médiation pénale et procédure accélérée
34. La police, force motrice de la prévention en Suède
Une police plus proche
Une aide aux victimes
L'implication de la communauté
35. La médiation communautaire en Finlande
Un modèle communautaire sans statut légal mais lié au système pénal
Comment fonctionne la médiation
Eléments d'évaluation
36. Expériences de rapprochement de la justice et du droit en France
Une aide compensatoire aux victimes
Des affaires élucidées en temps réel
La médiation/réparation
Une décentralisation de la justice dans les quartiers
Des antennes juridiques dans les quartiers
4. ENJEUX DEMOCRATIQUES DES NOUVELLES FORMES DE JUSTICE
41. La Convention européenne et la jurisprudence européenne font-elles place aux
nouvelles formes de justice ?
42. Naissance d’un nouvel ordre ou nouveau discours sur l‘ordre ?
La notion de gravité
Distinguer agences de régulation et cadres de référence des agences
Soumettre les justices au test de la démocratie
43. Quelle police ?
La police évolue plus vite que la justice criminelle
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
La réponse espagnole : une police judiciaire de proximité
Comment la police judiciaire peut s’adapter à une juste plus proche ?
44. La justice et le social : quelle justice pour les pauvres ?
Eléments d’un débat.
45. Peut-on généraliser les nouvelles formes de justice ?
Des mises en garde
DEs freins à la généralisation
Des recommandations
Clôture par Mme Maria-Theresa FERNANDEZ DE LA VEGA, secrétaire d’Etat
à la justice, Espagne : les prochaines étapes.
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
ANNEXES.
BELGIQUE
• Benoît DEJEMEPPE. Extrait du code de proédure pénale : la madiation
pénale; la justice accélérée. Ciculaire du procureur du Roi aux magistrats
du parquet de Bruxelles.
• Lode WALDGRAVE. Urbanisation and Crime (Chapter to be published,
Leuven University Pres, 1995).
ESPAGNE
•Propusta de modificacion de la ley organica del poder judicial para
introducir la justicia de paz en las ciudades, Barcelona, 22 febrero de 1995
•Proposition d’avant projet de loi sur l’organisation et le fonctionnement
de la justice municipale de paix de Barcelone, Barcelona, 22 février 1995
•Proposal for modification of the constitutional law of judicial powers in
order to introduce the justice of the peace into the cities, Barcelona , 22
february 1995
• Intervention inaugurale de Juan Alberto BELLOCH JULBE, ministre de
la justice et de l’intérieur. En espagnol.
• Intervention de clôture de Marie Theresa FERNANDEZ DE LA VEGA,
secrétire d’Etat à la justice. En espagnol.
• David BELTRAN. El sistema penitenciario y el componente subjetivo de
la inseguridad ciudana en el marco del sistema de Justicia Criminal. •
Inspector Jefe D.Carlos, RUBIO FERNANDEZ.Nuevas formas de
criminalidad urbana y medidas preventivas. • Angel Garcia FONTANET.
Organizacion y caracter de la Justicia Municipal.
• Juan Luis IBARRA ROBLES. Los retos democraticos de nuevas formas
de justicia
• Benigno Zamorano ATIENZA, chef de la police judiciaire de la Garde
civile, ecrétariat d’Etat à l’intérieur.
•Jose Ma. MENA
FINLANDE.
•Tapio LAPPI-SEPPALA. Restitution in the bordeline of the judicial
system - mediation . To be published in Walter S. & Eser A. (ed)
Wiedergutmachung im Strafrecht. Max Planck Institut, 1995
FRANCE
• Philippe ROBERT. Evolution des formes de petite criminalité en europe
et de la demande de sécurité.
• Pierre LYON-CAEN. Prévenir la délinquance (Article publié Revue
française d’adminsitation publique, n° 71 juillet-septembre 1994).
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Nouvelles formes de criminalité urbaine, nouvelles formes de justice . Séminaire de Barcelone . 8 et 9 mai 1995
• Emmanuelle CASENOVE. Une confrontation entre la Convention
européenne et de la jurisprudnce européenne et les nouvelles formes de
justice. France.
• Note présentant les objectifs des maisons de justice et du droit.
GRANDE BRETAGNE
• Adrian BELL. The Northamptonshire Diversion Unit. England
• Rapport de la délégation de la Commission française sur la justice de
proximité. Le système des “Magistrates Courts” en Grande-Bretagne
PAYS BAS
• Jo-Anne WEMMERS. Judicial eeactions to the crime problem in the
Netherlands : the position of the victim.
• Louk HULSMAN.Issues of democracy and new forms of justice.
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