Histoire de la châtaigneraie limousine

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Histoire de la châtaigneraie limousine
Histoire de la
châtaigneraie
limousine
L’histoire de la châtaigneraie limousine est un peu particulière, avec une dynamique propre
différente de celle du plateau de Millevaches. Elle a bénéficié de travaux importants de
l’université de Limoges grâce à un programme de recherches concerté rassemblant des
personnes spécialistes de différentes disciplines. Le présente fiches est une synthèse desdits
travaux réalisés entre 2005 et 2008.
Au milieu du XVIIIe siècle, en Haute-Vienne, des paroisses faiblement boisées – 10 % en
moyenne – portaient des châtaigneraies qui étaient essentiellement des châtaignerais-vergers
et accessoirement des taillis. La châtaigneraie à fruits existait dans le cadre des modes de
productions autarciques des fermes limousines, comme complément vital de nourriture pour
les humains, et comme base alimentaire pour les animaux, les porcs, mais aussi les chèvres et
les volailles pour les fruits, les bovins pour le feuillage. On utilisait aussi les feuilles pour
économiser les pailles.
L’hiver de 1767 avait été terrible pour les châtaigneraies, et, malgré les replantations , elles ne
s’en étaient jamais totalement remises. Un discours très négatif envers les mangeurs de
châtaignes et une surexploitation possible par les premiers ensembles de forges jouèrent aussi
un rôle.
La régression de la châtaigneraie à fruits
Le recul commence à partir de la Révolution. Il y a eu un manque d’entretien allant de pair
avec le non renouvellement des arbres. La maladie de l’encre apparue dans les années 1880 en
Corrèze et le développement des industries tannantes 1 en plein développement absorbent de
plus en plus de bois, les bois âgés étant préférés à celui issu du taillis. Les surfaces et la
production de châtaignes diminuent dans tout le Limousin, suivant en cela une tendance
nationale.
L’impact des forges dans le recul de la châtaigneraie
L’état des forges dressé en 1808 indique 27 forges et 4 fourneaux en Haute-Vienne. Leur
consommation annuelle peut être estimée à un peu plus de 26 000 stères. Leur influence sur le
forêt du département est relativement faible, au contraire de la Dordogne. De plus, le
rétablissement de la paix a accéléré le déclin de ces entreprises, concurrencées par les produits
en provenance de l’étranger et transitant par le port de Bordeaux. Les forges étaient
moribondes en 1865, période du début de l’extension du bois de fente, et donc des taillis
feuillardés.
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La méthode pour extraire l’acide gallique du châtaignier fut mise au point en 1878. La première usine fut créée
à tulle en 1881, et quatre sites exploitent du bois en 1906 : Cornil, Saillat, Saint-Denis-des-Murs et Remiremont.
Histoire de la châtaigneraie limousin – 08/04/2011
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Le maintien et le développement de la châtaigneraie taillis
Il y avait donc un mélange des arbres à bois et des arbres à fruit.
Les taillis de châtaignier étaient moins considérés pendant la première moitié du XIXe siècle
que les arbres à fruit, mais ils étaient largement présents. Ils permettaient de fournir les
besoins de la ferme et une micro-économie de proximité. Ils occupaient des terres ingrates et
étaient situées loin de la ferme à la différence des châtaigneraies à fruit, souvent dans des
parcelles difficiles d’accès, pentes excessives et versants abrupts.
Dans le sud de la région, le taillis de châtaignier était devenu, dès 1860, une véritable
production et un commerce qui n’était plus seulement complémentaire. Il trouvait des
débouchés vers les autres régions de France, les transports n’obérant pas les coûts et
contribuant au développement des échanges. Les taillis des pentes pouvaient donc être bien
plus rentables que le châtaignier à fruit.
Les châtaigniers feuillards2 étaient donc l’objet d’un négoce considérable. Ainsi, certains
taillis finirent par former de véritables forêts comme celle de Lastours, ou encore la forêt des
Cars. Ils étaient surtout dans une zone à la charnière des départements de la Corrèze, de la
Dordogne et de la Haute-Vienne. Ils constituent un complément de revenu, permettant de
procurer du travail que ce soit en période creuse de travaux, ou encore à la suite de la forte
réduction de l’industrie métallurgique dans la région de Nontron à la fin XIXe siècle.
Les surfaces sont restées globalement stables pendant toute cette période. Cependant, la crise
du phylloxéra3 et la concurrence des cercles de fer pour les tonneaux renvoyèrent l’utilisation
du bois de châtaignier à une forme d’archaïsme.
Les industries tannantes, de plus en plus demandeuses de châtaigniers taillis après avoir
épuisé la châtaigneraie à fruits firent le reste. En 1914, la châtaigneraie taillis apparaissait
comme sinistrée.
Renouveau et déclin général de la châtaigneraie au XXe siècle
Des réflexions ont commencé sur la question du châtaignier dès les années 1880/1890. des
premières initiatives de terrain ont commencé avant la première guerre mondiale. Dès 1920, la
commission départementale de reconstitution de la châtaigneraie a soutenu la distribution de
subventions et de plants en Haute-Vienne. Les fabricants d’extraits tannants soutiennent ce
mouvement, car ils craignent de voir disparaître cette ressource : défendre le châtaigner, c’est
aussi défendre l’industrie qui a été à l’origine de sa disparition. En 1926, les surfaces
replantées dans ce même département étaient estimées à un minimum de 13 000 hectares. Le
développement des plantations de résineux et des vergers ont freiné ce mouvement.
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Ce sont les taillis où travaillaient les feuillardiers. Ce dernier était, le plus souvent, un ouvrier travaillant à
l'exploitation de taillis de châtaignier achetés par un marchand de bois. Les outils de travail étaient la hache, la
serpe, la plane et la scie.
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Le phylloxera est un minuscule puceron presqu'invisible à l'œil nu, le phylloxera vastatrix, qui vit en parasite
des racines de la vigne dans lesquelles il plonge son suçoir, provoquant des nodosités qui, en quelques années,
causent la mort du cep Importé en Angleterre, en 1863, avec des plants de vigne américains, le phylloxera, il
avait envahi et détruit successivement les vignobles français entre 1870 et 1880. En 30 ans, la production
vinicole de l'hexagone était descendue en de 41 à 23 millions d'hectolitres.
Histoire de la châtaigneraie limousin – 08/04/2011
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Le châtaignier devient alors un lieu de mémoire, au moment même où il tend à n’être plus
qu’un vestige d’une civilisation rurale en voie de disparition. La nouvelle gare de Limoges
s’achève : la châtaigne est partout présente, sur les vitraux, sur la voûte de la coupole autour
de l’allégorie féminine du Limousin, sur la face au cœur du bas-relief illustrant l’agriculture
locale.
La fabrication du charbon de bois pendant la seconde guerre mondiale suscita un regain
éphémère d’intérêt. Mais la châtaignerai restante sombra dans un demi-sommeil jusque dans
les années 1970.
Voir aussi
- Histoire de la forêt française
- Histoire de la forêt limousine
- Les noms de lieux et la forêt en Limousin
Retour vers les généralités.
Histoire de la châtaigneraie limousin – 08/04/2011
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