Egypte : Energie

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Egypte : Energie
Egypte
Avril 2015
Egypte
Energie : les perspectives s’améliorent
Le manque d’investissements et la hausse de la consommation ont franchement détérioré la situation du secteur
énergétique. Les ruptures d’approvisionnement sont récurrentes et la hausse des importations creuse le déficit courant. Un
meilleur contexte économique, le règlement d’arriérés de paiements et une meilleure rémunération permettent un retour
des investisseurs dans le secteur. Si les perspectives s’améliorent à moyen terme, les deux prochaines années resteront
délicates pour les comptes externes étant donné le poids croissant des importations et le recours à l’endettement.
1- Equilibre énergétique en volume
xxxxxxx
Indice
100 = 2003
■ Déficit énergétique croissant
La question énergétique a pris une importance grandissante
dans les difficultés économiques de l’Egypte. Bien que le pays
dispose de réserves d’hydrocarbures relativement importantes,
la hausse constante de la consommation interne, et le
ralentissement de l’investissement ont rendu le pays
importateur net en hydrocarbures depuis 2014. Les ruptures
dans l’approvisionnement énergétique sont fréquentes et
engendrent des pertes productives importantes. La production
pétrolière a décliné en moyenne de 0,4% par an entre 2003 et
2013, tandis que celle de gaz a progressé de 7%. 2014 a
marqué une rupture, la production de gaz a chuté de 13% et
est devenue inférieure à la consommation, tandis que la
production de pétrole restait pratiquement stable (+0,1%). Sur
le marché du gaz, cela s’est traduit par des importations et
des rationnements. Etant donné que 70% de l’électricité
produite est générée par des centrales au gaz, les
conséquences sur l’activité sont non négligeables,
spécifiquement durant les pics de consommation en été et
pour les industries intensives en énergie. Selon EGAS, la
compagnie nationale de production de gaz, les exportations
de gaz devraient être arrêtées au cours de 2015.
— Consommation de pétrole ▬ Consommation de gaz naturel
- - - Production de pétrole - - - Production de gaz naturel
250
200
150
100
50
0
Sources : BP, BNP Paribas
intensives en énergie. En 2012, elles étaient équivalentes à
6% du PIB, ce qui classait l’Egypte troisième parmi les pays
du Moyen-Orient. Du côté de l’offre, la baisse de la production
est due à la baisse naturelle du rendement des champs
d’hydrocarbures, mais surtout au ralentissement des
investissements permettant de maintenir et d’augmenter la
production. Après plusieurs années de hausse régulière,
l’investissement dans les activités extractives (pétrole et gaz)
a chuté de 38% en 2013/14.
En termes de revenus extérieurs, de 2010 à 2013, les
exportations de gaz s’élevaient à environ USD 2 Mds, le reste
des exportations d’hydrocarbures étant constitué de pétrole.
Alors que le solde énergétique extérieur était positif de
USD 5,1 Mds en 2009/10, il est devenu négatif en 2011/12, et
le déficit a atteint USD 0,8 Mds en 2013/14. Ce dernier
continue de s’accroitre à plus de USD 1,7 Mds au cours du
S12014/15. Le faible gain obtenu grâce à la baisse des prix
du pétrole depuis septembre 2014 (estimé à USD 0,2 Mds
pour 2014/15) aura des conséquences négligeables sur le
solde commercial énergétique. Au total le déficit commercial
énergétique devrait atteindre plus de USD 2,4 Mds en
2014/15.
■ Retour attendu des investisseurs
Face à cette situation qui deviendra incontrôlable à moyen
terme, le gouvernement égyptien a agi dans deux directions :
le remboursement des arriérés de paiement d’EGPC (la
compagnie nationale énergétique) vis-à-vis des compagnies
internationales et la renégociation des prix d’achat du gaz
auprès de ces même compagnies. Officiellement, les arriérés
restant s’élèvent à USD 3,1 Mds (mais USD 5,44 Mds selon
des sources non officielles) contre plus de USD 8 Mds à mi2014. Une partie de ces remboursements s’effectue par
recours à l’endettement, dont USD 1,5 Mds auprès d’une
banque des EAU à fin 2014 et une émission obligataire
internationale à venir pour un montant de USD 1,5 Mds. Par
ailleurs, des renégociations de prix d’achat du gaz auprès des
compagnies internationales ont abouti en début d’année 2015.
Les mises en production de nouveaux champs gaziers
Les causes de cette évolution négative sont connues. La
demande énergétique est en progression constante. Au-delà
de la hausse naturelle liée à la croissance démographique et
au développement économique, les subventions aux prix de
l’énergie sont un facteur important de hausse de la
consommation. Ces subventions n’incitent pas à économiser
l’énergie et favorisent le développement d’industries
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Egypte
bénéficieront d’un prix d’achat plus élevé de la part du
gouvernement égyptien.
bas niveau des prix du pétrole qui retarde les décisions
d’investissement dans la production pétrolière. Au final le
retour des investisseurs dans la durée est dépendant du
contexte budgétaire qui reste soumis à de nombreuses
incertitudes.
Parallèlement à ces mesures, l’appréciation du risque
égyptien de la part des investisseurs étrangers s’est
améliorée. Cela s’est traduit notamment par une baisse
significative de la prime de risque sur les émissions
souveraines à cinq ans en devises qui atteint actuellement
environ 330 bps, par rapport à plus de 900 bps à mi-2013.
Cela favorise le retour des investissements dans le secteur
énergétique. Au cours du premier semestre 2014/15, les IDE
dans le secteur ont augmenté de 25% par rapport à l’année
précédente pour atteindre USD 1,2 Mds. Par ailleurs, le projet
West Nile Delta qui devrait augmenter la production actuelle
de gaz de 25% est en cours de finalisation. S’élevant à
USD 12 Mds, il s’agira du plus important IDE jamais effectué
en Egypte.
■ Pression sur les comptes externes
La hausse attendue des investissements dans le secteur des
hydrocarbures dans un contexte de dégradation des comptes
externes, et principalement des comptes énergétiques peut
légitimement suciter quelques interrogations. En effet, on peut
s’attendre à une pression accrue à court terme sur les
comptes extérieurs en raison d’une hausse de l’endettement –
et donc de son service - parallèlement à la dégradation
continue de la balance commerciale. L’afflux supplémentaire
d’IDE ne compenserait que partiellement cette détérioration
attendue des comptes courants.
Cependant, cet accroissement des investissements est
étroitement lié à la capacité du gouvernement à faire face à
ses engagements financiers et donc à l’amélioration des
finances publiques. Un certain nombre de mesures vont dans
le sens d’une réduction du déficit budgétaire. La réforme des
subventions à l’énergie a débuté mi-2014 et a permis une
baisse de 30% du montant de ces subventions en S1 2014/15
par rapport à l’année précédente, même si une partie de cette
baisse peut être imputée à la chute des cours mondiaux du
pétrole. D’autres réformes visant à augmenter les recettes
fiscales sont programmées. Cependant, le déficit reste à un
niveau élevé. Nous prévoyons un déficit à 11% du PIB en
2014/15, puis une réduction autour de 9% du PIB les deux
années suivantes. Ces niveaux élevés de déficit continueront
d’alimenter une dette publique qui devrait atteindre environ
80% du PIB en 2016/17 (contre 89% en 2013/14). De plus,
l’apurement progressif des arriérés de paiement d’EGPC ainsi
que la hausse du prix d’achat du gaz auront un coût pour les
finances publiques qu’il est pour le moment difficile d’estimer.
Plus généralement, un assainissement rapide des finances
publiques paraît illusoire tant le poids de l’Etat dans
l’économie est élevé et les besoins de la population
importants. Une autre contrainte à l’investissement est liée au
2- Déficits budgétaire et courant
En devenant importatrice de gaz, l’Egypte verra le coût de ses
importations d’énergie augmenter. Un accord a été conclu
avec des opérateurs internationaux pour la fourniture de gaz
dans les deux années à venir pour un montant total de
USD 2,2 Mds. Ces importations débuteront à partir du T4
2014/15 et s’ajouteront à des importations d’hydrocarbures
qui ont déjà augmenté de plus de 13% en rythme annuel au
cours du S1 2014/15. Une partie du financement des
importations de pétrole sera assuré par des facilités de crédit
fournies par les EAU et le Koweit pour des montants de
USD 9 Mds et USD 1 Mds respectivement. A partir de
2015/16, le FMI prévoît une hausse notable du service de la
dette extérieure en pourcentage des recettes de la balance
des paiements courants (10% contre 4% en 2012/13). Par
conséquent, le déficit courant devrait continuer de croître et
atteindre 4,8% du PIB en 2015/16. Le rétablissement des
comptes extérieurs énergétiques ne devrait survenir qu’à
moyen terme avec la hausse attendue des capacités de
production d’hydrocarbures. Dans ce contexte, la liquidité en
devises restera fragile et continuera de dépendre pour une
part importante du soutien extérieur.
Pascal Devaux
[email protected]
% du PIB
█ Compte courant
16
Avril 2015
Prévisions*
█ Solde budgétaire
2013 2014 2015f 2016f
14
PIB réel, v ariation annuelle, %
2,1
2,2
3,7
4,3
12
Inflation, IPC, v ar. annuelle, %
6,9
10,1
10,4
10,1
10
Solde budgétaire, % du PIB
-14,1 -14,7 -11,0
-9,7
Dette des adm. publiques, % du PIB
83,0
90,0
88,0
84,0
Balance courante, % du PIB
-2,7
-0,8
-2,3
-4,8
Dette ex terne, % du PIB
17,0
8
6
16,0
16,0
16,0
4
Réserv es de change, mds USD
15
17
17
18
2
Réserv es de change, en mois d'imports
2,4
2,6
2,7
2,5
0
Taux de change EGP/USD
7,0
7,2
7,7
8,0
* année fiscale T-1/T (Juillet-Juin)
2009/10 2010/11 2011/12 2012/13 2013/14e 2014/15f 2015/16f
p : prévisions BNP Paribas
Sources : MdF, BCE, FMI, BNP Paribas
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