"Tribune de Genève", Katia Berger, le 30 avril 2014

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"Tribune de Genève", Katia Berger, le 30 avril 2014
Culture29
Tribune de Genève | Mercredi 30 avril 2014
Exposition
«L’humanité toute entière
est
redevable à Cervantès»
Fernando de Pardo L’historien cherche au
Patrick Reis se hisse en finale
Tschumi à Paris
Le Genevois a passé hier le cap de la demi-finale à
Orlando, en Floride. Il s’est qualifié parmi les quatre
finalistes avec «You’re nobody ‘til somebody loves
you». A lui de défendre jeudi McDonald’s Europe.
L’architecte franco-suisse Bernard
Tschumi fait dès jeudi l’objet d’une
rétrospective au Centre Georges
Pompidou, jusqu’au 28 juillet.
géo-radar la tombe de l’auteur de «Don Quichotte»
dans le sous-sol de l’église des Trinitaires à Madrid
DR
Voice of McDonald’s
DR
Gratitude
Reportage
La moitié de la facture de l’agrandissement du Musée d’art et
d’histoire devrait être soumise aux partenaires privés. O.VOGELSANG
Le projet du MAH a créé
le débat au Municipal
Exercice d’imagination: sous un lustre de cristal, près d’une grande cheminée, le grigou Harpagon (Carine Barbey, au centre) reproche des tenues
trop chères à sa fille Elise (Céline Bolomey) et à son fils Cléante (Jean-Louis Johannides, en alternance avec Xavier Fernandez Cavada). R. GONZALEZ
«L’avare» prodigué
aux élèves du Cycle
La Compagnie Super Trop Top de Dorian Rossel sillonne
les classes valdo-genevoises en semant de futures passions
Katia Berger
«J’ai trouvé bien que vous sortiez
des personnages pour nous faire
participer, ça donne de la vie!»
«C’est mieux sans décor et sans
costumes, on peut s’imaginer ce
qu’on veut!» «Voir les comédiens
de si près, ça permet de comprendre leur travail encore mieux
qu’au théâtre.» Voilà le genre de
commentaires qui ont fusé à
chaud, à l’issue de la représentation donnée lundi sur deux périodes dans une classe du Cycle de la
Golette, à Meyrin, par la Compagnie Super Trop Top (STT).
Si L’avare n’a pas détrôné la récréation, le chewing-gum et l’iPod
dans la hiérarchie de leurs plaisirs,
Diego, Johann et les autres, tous
âgés de 14-15 ans, ont visiblement
été conquis. Même si l’autoritaire
prof de français qui a invité Carine
Barbey, Céline Bolomey et Xavier
Fernandez Cavada à «performer»
devant une cinquantaine d’élèves
avait prévenu ces derniers qu’ils
ne «capteraient pas tout d’une langue châtiée hélas tombée dans
l’oubli». Cette langue, pratiquée
par Molière il y a près de 350 ans,
la troupe de Dorian Rossel va
néanmoins réussir à lui faire véhiculer des enjeux tout ce qu’il y a de
contemporains.
Puissance de l’imagination
Comme précédemment à Budé,
Pinchat, Bois-Caran ou Montbrillant – sans compter les collèges
vaudois également inclus dans la
tournée –, les chaises et pupitres
sont placés en arc de cercle autour
d’un petit plateau improvisé. Au
centre, les comédiens portent
leurs habits de tous les jours. Ils
n’ont pour seuls accessoires qu’un
Contrôle qualité
bonnet, une écharpe et des cadres
de tableaux, qui les aideront à se
répartir la dizaine de personnages
indispensables à la narration. «On
peut prendre n’importe quel espace et en faire une scène», commence l’une des interprètes, avant
d’indiquer l’emplacement d’une
scénographie virtuelle. «On peut
aussi dire que je suis Superman»,
surenchérit Xavier Fernandez Cavada tandis qu’il adopte la gestuelle en émettant des bruitages
de dessin animé.
Ça y est, l’effort d’imagination
est obtenu: on peut croire à Carine
Barbey dans le rôle d’Harpagon,
60 ans, père avare et inflexible
d’une Elise – qu’il cherche à marier
sans dot – et d’un Cléante – auquel
il dispute le cœur d’une jeune pauvresse. Ajoutez à ce rudimentaire
canevas la paranoïa du grippe-sou,
les ruses des valets et les desseins
d’un amour pur: vous avez grosso
modo l’acte I. «Des questions?»
s’interrompt Céline Bolomey en se
tournant vers ses spectateurs.
Une pluie de questions
Sans surprise, personne ne prend
la parole. Mais la mise en scène a
tout prévu. Des petits billets griffonnés de questions volent
comme des confettis: «comment
se débarrasser de la peur de perdre ce que l’on a?» ou «qu’est-ce
qu’être généreux?». Le débat
pourrait démarrer aussi sec,
n’étaient les quatre actes restants…
Pas vraiment un obstacle pour
les bateleurs de la STT, qui s’autorisent allègrement ellipses et rac-
courcis («Vous voyez, on vit une
faille spatio-temporelle!»). Un instant, les voici qui donnent lecture
d’un passage clé, un autre ils suspendent le récit pour sonder l’avis
du public. Ailleurs, ils reproduisent le processus des répétitions,
improvisent un «changement de
décor» ou osent des digressions
apparemment hasardeuses.
Deux ans déjà que dure l’équipée de cet Avare cabotant de
classe en classe comme un petit
canot affrété de théâtre. A chaque
escale, le travail est repensé, affiné. De sorte à interroger ses passagers adolescents sur l’attachement qui les lie concurremment
aux biens matériels ou aux trésors
humains. Et partant, à leur transmettre le goût d’un théâtre généreux.
«Le classique, une source de liberté»
U Trois questions au metteur en
scène Dorian Rossel, résident au
Forum Meyrin avec sa Cie STT, au
bénéfice de la convention de
soutien régional Vaud-Genève, et
candidat à la nouvelle direction du
Théâtre Kléber-Méleau à Renens.
Pourquoi choisir «L’avare» pour
transmettre aux adolescents le
goût du théâtre?
Les classiques offrent un outil
dingue pour comprendre notre
époque. Loin d’être gravés dans le
marbre, ils ouvrent des plages de
liberté. Malgré ses 350 ans d’âge,
L’avare permet de questionner
notre rapport omniprésent à
l’argent. Ou à la filiation, à la
possession. En me réappropriant
la pièce pour l’amener dans les
écoles, j’ai envie de dire aux
élèves que le théâtre n’est pas
forcément ce que l’on croit. Ni
forcément où l’on croit.
Par quels procédés de mise en
scène leur adressez-vous la
comédie de Molière?
Nous cherchons à les provoquer
par toutes sortes de questions.
Contrairement à ce qui se fait à la
télévision devant le spectateur, on
construit le spectacle avec lui.
Toute création exige un travail en
amont qui reste d’ordinaire
invisible: nous avons la volonté
d’intégrer ces étapes. Et d’instaurer un dialogue avec l’œuvre,
d’entrer en résonance avec elle.
La pensée s’infiltre entre chaque
ligne lorsqu’on la lit, il ne faut pas
hésiter à la suivre!
Pourriez-vous imaginer pareille
mise en scène sur un «vrai»
plateau?
Je pense, oui. Mais une certaine
intimité, une certaine proximité
restent nécessaires. Or l’inéluctable corrélation entre l’art et
l’économie veut qu’une troupe
capable de remplir une salle de
500 places passe pour prétentieuse si elle limite le nombre de
ses spectateurs à 80. Sur un grand
plateau, je dois trouver d’autres
moyens pour inclure mes
éléments de bascule. Je m’adapte
sans me sentir en rien bridé. K.B.
Politique culturelle
Les élus étaient sur le point
hier de renvoyer en
commission le dossier
d’agrandissement du Musée
A l’heure du bouclage hier soir, le
Conseil municipal était sur le point
de renvoyer en commission le projet d’agrandissement et de rénovation du Musée d’art et d’histoire.
Le Conseil administratif a demandé l’ouverture d’un crédit de
132 millions – sept millions ont déjà
été investis dans les frais d’études.
Sami Kanaan, magistrat en
charge de la Culture, a rappelé que
l’objectif était de soumettre la moitié de la facture aux partenaires
privés. «Si la somme peut paraître
considérable, il faut noter qu’elle
se situe dans la moyenne des
grands projets muséaux en Suisse
et en Europe. Le pôle muséal vaudois est budgété à 170 millions de
francs. Le Mucem à Marseille en a
coûté 136.»
Inquiet d’une éventuelle flambée des coûts, Pierre Gauthier (Ensemble à Gauche) a dénoncé «un
acharnement, durant seize ans,
sur un projet insatisfaisant». «C’est
un scandale de proposer encore le
remake de cette série Z.» Attaquant le projet architectural de
Jean Nouvel, largement remodelé
l’an dernier en tenant compte des
remarques d’associations patrimoniales, il a là encore dénoncé,
sous les huées de nombreux
autres élus, un «plantage d’étagères Ikea, sans ambition». Le chahut dans la salle a augmenté lorsque Pierre Gauthier s’est attaqué à
la provenance de l’argent de Jean
Claude Gandur, prêt à financer
40 millions de la facture. «Gandur
est trop largement gagnant puisque ses collections seront mises en
valeur pendant 99 ans», a ajouté
Tobias Schnebli, du même parti.
L’ensemble de l’audience a déploré ces attaques. «Ce sont des
arguments d’enfants gâtés, de la
part d’un groupe politique qui
croient pouvoir se permettre le
luxe de renoncer à 40 ou 50 millions d’argent privé», a ajouté Marie Barbey (PDC).
Le Vert Alexandre Wisard a
rappelé que projet était frappé de
deux recours, déposés par Action
Patrimoine Vivant et Patrimoine
suisse Genève. Ces associations
pourraient aussi lancer un référendum si le projet était voté par
les élus municipaux, en plénière,
lorsqu’il sortira de commission,
d’ici plusieurs mois.
La maquette du projet est actuellement exposée au Musée
d’art et d’histoire.
Anna Vaucher
A Avenches, Rock
Oz’Arènes ratisse large
Festival
Le rendez-vous estival creuse
son filon de diversité, de Patti
Smith à Gad Elmaleh
C’était la fête aux devinettes, hier,
lors de la conférence de presse de
Rock Oz’Arènes. Un blind test musical d’abord, pour trouver les noms
des convives de la 23e édition, à suivre à Avenches du 13 au 17 août. Un
invité mystère, ensuite, qui ouvrira
les feux mais dont l’identité n’a pas
été révélée. Le contrat avec «cette
légende américaine», dixit la directrice Charlotte Carrel, a été signé.
Mais interdit aux promoteurs locaux de révéler la présence de l’artiste avant l’annonce officielle.
Deux indices: le prix de cette soirée
est fixé à 117 francs, du lourd donc.
Et la directrice n’a jamais caché son
rêve, «faire jouer Bruce Spring-
steen». Le rockeur a sorti un disque
en janvier et devrait tourner en Europe cet été…
Pour l’heure, on ne connaît
donc «que» la vingtaine de musiciens confirmés qui viendront dans
les arènes, et autant de DJ à l’occasion de la soirée electro. Cet été,
place à Patti Smith, Quentin Mosimann et IAM. Nouveauté: un dimanche s’ajoute au programme,
pour une ration comique qui témoigne de la volonté de diversification
de Rock Oz’. Dans des arènes totalement assises, Gad Elmaleh succédera au Swiss Comedy Club. Nanti
d’un budget de 3,9 millions de
francs, Rock Oz’Arènes attend
35 000 visiteurs. François Barras
Rock Oz’Arènes, du me 14 au di
17 août aux arène d’Avenches.
Location Ticketcorner et sur le site
www.rockozarenes.com

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