Les Précieuses ridicules - biblio

Transcription

Les Précieuses ridicules - biblio
Les Précieuses ridicules
Molière
Livret pédagogique
correspondant au livre élève n° 30
établi par Bertrand Louët,
professeur certifié de
Lettres modernes
Sommaire – 2
SOMMAIRE
A V A N T - P RO P O S ............................................................................................ 3
T A B L E DES
CO R P U S
........................................................................................ 4
R ÉP O NSES
A U X Q U EST I O NS
................................................................................ 5
Bilan de première lecture (p. 122)...................................................................................................................................................................5
Scène 1 (pp. 13-14)...........................................................................................................................................................................................5
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 15-16) .................................................................................................................................5
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 17 à 26) ..................................................................................................................6
Scène 4 (pp. 28 à 32)........................................................................................................................................................................................8
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 33 à 35)...............................................................................................................................8
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 36 à 50) ................................................................................................................10
Scènes 5 et 6 (pp. 51-52)................................................................................................................................................................................12
◆ Lecture analytique des scènes (pp. 53-54)................................................................................................................................12
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 55 à 67) ................................................................................................................13
Scène 9 (p. 69, l. 245, à p. 76, l. 415).............................................................................................................................................................16
◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 77 à 79).............................................................................................................................16
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 80 à 92) ................................................................................................................17
Scène 9 (p. 93, l. 416, à p. 96, l. 519).............................................................................................................................................................20
◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 97-98) ...............................................................................................................................20
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 99 à 109) ..............................................................................................................21
C O M P L ÉM ENT S
A U X L ECTU RES D ’ I M A GES ................................................................. 25
B I B L I O GRA P H I E
CO M P L ÉM ENT A I RE ....................................................................... 29
Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays.
© Hachette Livre, 2005.
43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15.
www.hachette-education.com
Les Précieuses ridicules – 3
AVANT-PROPOS
Les programmes de français au lycée sont ambitieux. Pour les mettre en œuvre, il est demandé à la
fois de conduire des lectures qui éclairent les différents objets d’étude au programme et, par ces
lectures, de préparer les élèves aux techniques de l’épreuve écrite (lecture efficace d’un corpus de
textes, analyse d’une ou deux questions préliminaires, techniques du commentaire, de la dissertation,
de l’argumentation contextualisée, de l’imitation…).
Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs. Une pièce comme Les Précieuses
ridicules permettra d’étudier l’esthétique du théâtre comique dans les premières années du règne de
Louis XIV et ses rapports avec le classicisme et le mouvement précieux. S’agissant d’une pièce
comique, elle permettra aussi de s’interroger sur les rapports entre farce, comédie et satire, à travers
cinq groupements de textes.
Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nouvelle collection d’œuvres
classiques, Bibliolycée, qui puisse à la fois :
– motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation du texte, moderne et aérée, qui facilite
la lecture de l’œuvre grâce à des notes claires et quelques repères fondamentaux ;
– vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer les élèves aux travaux d’écriture.
Cette double perspective a présidé aux choix suivants :
• Le texte de l’œuvre est annoté très précisément, en bas de page, afin d’en favoriser la pleine
compréhension.
• Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendre la lecture attrayante et
enrichissante, la plupart des reproductions pouvant donner lieu à une exploitation en classe,
notamment au travers des lectures d’images proposées dans les questionnaires des corpus.
• En fin d’ouvrage, le « Dossier Bibliolycée » propose des études synthétiques et des tableaux qui
donnent à l’élève les repères indispensables : biographie de l’auteur, contexte historique, liens de
l’œuvre avec son époque, genres et registres du texte…
• Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné à faciliter l’analyse de l’œuvre
intégrale en classe. Présenté sur des pages de couleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence du
texte (sur fond blanc), il comprend :
– Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classe après un parcours cursif de l’œuvre. Il
se compose de questions courtes qui permettent de s’assurer que les élèves ont bien saisi le sens
général de l’œuvre.
– Des questionnaires raisonnés en accompagnement des extraits les plus représentatifs de l’œuvre :
l’élève est invité à observer et à analyser le passage. On pourra procéder en classe à une correction du
questionnaire, ou interroger les élèves pour construire avec eux l’analyse du texte.
– Des corpus de textes (accompagnés le plus souvent d’un document iconographique) pour éclairer
chacun des extraits ayant fait l’objet d’un questionnaire ; ces corpus sont suivis d’un questionnaire
d’analyse des textes (et éventuellement de lecture d’image) et de travaux d’écriture pouvant constituer
un entraînement à l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe de Première, sur le
« descriptif des lectures et activités » à titre de groupement de textes en rapport avec un objet d’étude
ou de documents complémentaires.
Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera, pour vous et vos élèves, un outil de travail
efficace, favorisant le plaisir de la lecture et la réflexion.
Table des corpus – 4
TABLE DES CORPUS
Corpus
L’exposition
(p. 17)
Amour et passion :
les règles de
la séduction
(p. 36)
Parodie et satire :
la caricature du langage
(p. 55)
La préciosité ou la
littérature de salon
(p. 80)
Comment peut-on être à
la mode ?
(p. 99)
Composition du corpus
Texte A : Scène 1 des Précieuses ridicules de
Molière (pp. 13-14).
Texte B : Scène 1 de l’acte I de George Dandin de
Molière (pp. 17-18).
Texte C : Extrait de la scène 1 de l’acte I des
Femmes savantes de Molière (pp. 18-19).
Texte D : Scène 1 de l’acte I du Cid de Pierre
Corneille (pp. 19-21).
Texte E : Extrait de la scène 1 de l’acte I de
Britannicus de Jean Racine (pp. 21-23).
Texte F : Extrait de la scène 1, première journée
du Soulier de satin de Paul Claudel (pp. 23-24).
Texte A : Extrait de la scène 4 des Précieuses
ridicules de Molière (p. 28, l. 71, à p. 30, l. 137).
Texte B : Extrait de Clélie, histoire romaine de
Madeleine de Scudéry (pp. 37-39).
Texte C : Extrait de la scène 4 de l’acte V de
L’École des femmes de Molière (pp. 39-42).
Texte D : Extrait de la lettre XXIII des Liaisons
dangereuses de Laclos (pp. 42-45).
Texte E : Extrait du Diable au corps de Raymond
Radiguet (pp. 45-47).
Document : Carte de Tendre extraite de Clélie de
Madeleine de Scudéry (pp. 47-48).
Texte A : Scènes 5 et 6 des Précieuses ridicules de
Molière (pp. 51-52).
Texte B : Extrait du chapitre XIX de Gargantua de
François Rabelais (pp. 56-58).
Texte C : Extrait de la scène 10 de l’acte III du
Malade imaginaire de Molière (pp. 59-62).
Texte D : « Le Cid », extrait de La Négresse blonde
de Georges Fourest (p. 62).
Texte E : Extrait des Fleurs bleues de Raymond
Queneau (pp. 63-64).
Document : William Hogarth, Mariage à la mode
(p. 65).
Texte A : Extrait de la scène 9 des Précieuses
ridicules de Molière (p. 72, l. 294, à p. 76, l. 415).
Texte B : Extrait des Œuvres complètes d’Isaac de
Benserade (pp. 80-82).
Texte C : « Rondeau » de Vincent Voiture (p. 82).
Texte D : Extrait du Recueil des énigmes de ce
temps de l’abbé Charles Cotin (pp. 82-83).
Texte E : Extrait des Mémoires du cardinal de Retz
(pp. 83-85).
Texte F : Extrait de la scène 3 de l’acte III des
Femmes savantes de Molière (pp. 85-89).
Document : Détail d’une ruelle, gravure
d’Abraham Bosse (p. 89).
Texte A : Extrait de la scène 9 des Précieuses
ridicules de Molière (p. 95, l. 477, à p. 96, l. 519).
Texte B : Extrait des Caractères de La Bruyère
(pp. 99-102).
Texte C : Lettre XCIX des Lettres persanes de
Montesquieu (pp. 102-103).
Texte D : Extrait du chapitre VI de Travelingue de
Marcel Aymé (pp. 103-105).
Texte E : Extrait d’American Psycho de Brett
Easton Ellis (pp. 105-106).
Document : Urinoir de Marcel Duchamp (pp. 106107).
Objet(s) d’étude
et niveau
Compléments aux
travaux d’écriture destinés
aux séries technologiques
Le théâtre : genres et
registres
Le comique
(Seconde)
Le théâtre : texte et
représentation
(Première)
Question préliminaire
Peut-on dire que les textes donnent une
vision complète des différents modes
d’exposition au théâtre ?
Démontrer, convaincre et
persuader
(Seconde)
Question préliminaire
Quelles représentations de l’amour
donnent les différents textes ?
Commentaire
Vous clarifierez les différentes métaphores
du théâtre et de la scène qui apparaissent
dans l’extrait.
Commentaire
Vous détaillerez les reproches d’Arnolphe
et les réponses d’Agnès.
L’éloge et le blâme
(Seconde)
Le théâtre : texte et
représentation
(Première)
Question préliminaire
Identifiez les différentes cibles de la satire
et de la parodie dans les textes du corpus.
Le travail de l’écriture
(Seconde)
Un mouvement littéraire et
culturel du XVIe au XVIIIe s.
(Première)
Question préliminaire
Peut-on dire que la préciosité est un art
purement formel ?
L’éloge et le blâme
(Seconde)
Convaincre, persuader ,
délibérer : l’essai,
le dialogue, l’apologue
(Première)
Question préliminaire
Identifiez les causes de la dénonciation de
la mode par les écrivains.
Commentaire
Vous montrerez que le texte organise
le dialogue entre deux types opposés :
le militaire et le prêtre.
Commentaire
Vous analyserez l’ordre des portraits, leur
entrée en scène, puis vous vous attacherez
aux différentes caractéristiques morales
évoquées par le cardinal pour mettre au
jour son système de valeurs.
Commentaire
Vous montrerez que le film et ses
spectateurs sont présentés d’une manière
faussement neutre et réellement ironique
par le narrateur.
Les Précieuses ridicules – 5
RÉPONSES AUX QUESTIONS
B i l a n
d e
p r e m i è r e
l e c t u r e
( p .
1 2 2 )
La pièce comporte 17 scènes.
" Les deux précieuses s’appellent Cathos et Magdelon.
# Gorgibus.
$ La Grange et Du Croisy sont deux braves bourgeois honnêtes que Gorgibus souhaite marier avec
Cathos et Magdelon.
% Les précieuses les reçoivent avec mépris car ils ignorent les règles de la conversation précieuse.
& Ils vont envoyer leurs valets déguisés en marquis.
' Les répliques appartiennent à La Grange (sc. 1), Gorgibus (sc. 3), Marotte (sc. 6) et Magdelon (sc. 6).
( Les fauteuils et le miroir, en périphrases précieuses.
) Les valets déguisés de La Grange et Du Croisy.
*+ C’est Mascarille (sc. 9).
*, Toujours Mascarille (sc. 9).
*- C’est Jodelet (sc. 11).
*. De Clélie, roman de Mlle de Scudéry (sc. 4), et aussi du Grand Cyrus.
*/ La Grange et Du Croisy reviennent et démasquent leurs valets (sc. 15) et Cathos et Magdelon sont
ridiculisées (sc. 16 et 17).
!
S c è n e
1
( p p .
1 3 - 1 4 )
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 15-16)
Les deux personnages sur scène sont Du Croisy et La Grange. On entend le nom de « La Grange »
prononcé par Du Croisy (l. 1), sinon les spectateurs ne les connaissent pas. Mais, à ce stade, leur rôle a
bien plus d’importance que leurs noms.
" Ils sortent de la « ruelle » de jeunes filles par qui ils ont été fort mal reçus et éconduits. La Grange raconte
cela en détail (l. 9-19), et on apprend ensuite que ces deux jeunes filles se piquent d’être précieuses (l. 22-25).
# La Grange parle beaucoup, tandis que Du Croisy lui donne la réplique. Le vrai destinataire des
informations que donne La Grange est donc le public, puisque Du Croisy est déjà au courant.
$ Il se plaint et s’exprime de manière véhémente. Il parle avec un énervement qui transparaît dans la
multiplicité des questions oratoires, l’emploi d’un vocabulaire injurieux (« deux pecques provinciales »). Il
refuse les invitations de son ami à prendre tout cela à la légère et décide finalement d’une vengeance.
% Les deux jeunes filles qu’ils sont allés visiter sont présentées en détail, avant d’apparaître sur scène.
& Elles ont fait « les renchéries » et ont affecté l’ennui en bâillant, en demandant l’heure et en
s’échangeant des paroles à voix basse.
' Leur attitude les caractérise comme des prétentieuses, et elles sont très rapidement assimilées à des
précieuses.
( La Grange explique ce comportement et cette attitude des deux femmes par la diffusion de l’« air
précieux » (l. 23).
) On peut d’ores et déjà comprendre que la pièce va être une critique de la préciosité. L’exposition
confirme ainsi ce que le titre laissait attendre ; elle lui donne un contenu précis.
*+ Mascarille est le valet de La Grange (l. 31). Il se prend pour un mondain et traite les autres valets de
brutaux. Le rôle qui va lui être confié dans la vengeance n’est pas dit explicitement mais il est très
largement sous-entendu par la situation qui est telle qu’il est difficile de ne pas comprendre que
Mascarille va se faire passer pour un noble précieux auprès des deux jeunes femmes.
!
Réponses aux questions – 6
Ils vont envoyer leurs valets déguisés en nobles, pour les tromper.
*- Ils vont user, pour berner les deux femmes, de leur goût pour l’élégance et la préciosité.
*,
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 17 à 26)
Examen des textes
! Molière pratique l’exposition :
– in medias res, sous la forme d’un dialogue entre deux personnages dans Les Précieuses ridicules ;
– sous la forme d’un monologue du personnage principal dans George Dandin ;
– sous la forme d’un dialogue entre un personnage de premier plan (Arnolphe) et un confident
(Chrysalde) dans L’École des femmes.
Ces trois extraits donnent une palette étendue des différentes manières dont on peut ouvrir une
comédie.
" Les textes A à E appartiennent tous à la période du théâtre classique (XVIIe siècle) et présentent des
caractéristiques qui permettent immédiatement de les situer. Deux textes sont en prose (George Dandin
et Les Précieuses ridicules) et appartiennent donc forcément à l’univers de la comédie. Les trois autres
extraits (L’École des femmes, Le Cid et Britannicus) sont en vers ; cela les rapproche du genre tragique,
mais il faut examiner d’autres éléments :
– on remarquera d’abord que le sujet de L’École des femmes (comme George Dandin et Les Précieuses
ridicules) est le mariage de personnages bourgeois, et surtout de personnages mal assortis : un homme
âgé avec une jeune femme. On est donc dans l’univers comique ;
– inversement, Le Cid et Britannicus exposent des projets de mariage entre des personnages princiers,
liés à des enjeux politiques (alliances de nobles familles espagnoles dans Le Cid, succession au trône de
Rome dans Britannicus) ;
– enfin, le langage est beaucoup plus relevé dans les extraits de Corneille et Racine – ce qui est aussi
une marque de l’univers tragique.
# Ces deux expositions se font sous la forme d’un monologue. Les points communs s’arrêtent là :
George Dandin est l’un des personnages de la pièce, tandis que Claudel fait parler un personnage
extérieur (comme une voix off au cinéma). George Dandin parle de sa propre situation, tandis que le
personnage de Claudel expose le décor et la situation du père jésuite.
$ Dans Le Cid, il apparaît assez clairement que l’intrigue va tourner autour de la question du mariage
de Rodrigue et Chimène, mais le nœud de l’action n’est pas encore présent et l’on ne sait pas que
c’est un conflit entre les pères des deux amants qui va devenir l’obstacle au mariage.
Dans Britannicus, l’intrigue est tout de suite en place et va s’organiser autour de la rivalité entre
Britannicus et Néron pour le trône et la possession de Junie, que Néron vient de faire enlever.
% L’Annoncier s’adresse directement aux spectateurs qu’il apostrophe à l’impératif (« Fixons je vous
prie », « Écoutez bien, ne toussez pas »). On peut aussi remarquer qu’il s’exprime comme un prêtre lors
d’une messe, en particulier en disant « mes frères » au public. Il requiert leur attention, d’une manière
qui se rapproche des paraboles du Christ, c’est-à-dire dans une formulation énigmatique qui invite à
voir, au-delà de la simple apparence des choses, leur sens profond et caché.
& Cette manière de commencer est en rupture totale avec le code de vraisemblance propre au théâtre
classique, qui veut que le théâtre représente de manière réaliste une action. Là, tout semble s’inverser et
l’Annoncier désigne la scène comme étant factice et comme un lieu impossible, en pleine mer, que seul le
peintre, à la rigueur, pourrait représenter (ce dont témoigne la formule « un peintre qui voudrait représenter »).
' Dans un cas comme dans l’autre, l’intrigue et la manière dont elle va se poursuivre ne sont pas
explicitement indiquées ; en revanche, elles transparaissent clairement à travers la situation.
Dans Le Cid, l’inquiétude de Chimène, ses questions pressantes forment comme un mauvais présage.
Dans L’École des femmes, la vantardise d’Arnolphe, sa suffisance et sa prétention en font la victime
toute désignée d’une bonne leçon qui le ramènerait à des dispositions plus raisonnables.
La principale raison est qu’il convient de maintenir l’intérêt des spectateurs en ménageant une part de
suspense ; il faut aussi l’associer à la mise en place de l’intrigue en l’amenant à formuler par lui-même
certaines hypothèses.
Les Précieuses ridicules – 7
Ces trois personnages ont en commun d’être des confidents de personnages principaux. Par
conséquent, leur rôle consiste essentiellement à écouter. Ils sont une oreille qui permet aux héros de
s’exprimer et, à travers eux, d’être ainsi entendus par les spectateurs.
(
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Les textes du corpus sont des textes d’exposition. Ils sont situés au début des pièces dont ils sont
extraits et chacun d’eux présente les éléments importants pour la compréhension de la pièce qui va
être jouée.
Commentaire
Introduction
On commencera par présenter ce texte en montrant qu’il s’écarte volontairement de l’esthétique du
théâtre classique et s’inspire du théâtre baroque et du drame shakespearien.
On s’interrogera sur les caractéristiques de l’exposition : l’argument et les personnages ne sont pas
présentés, mais le dramaturge nous propose un aperçu cosmique de l’univers de la pièce.
On abordera enfin le style et la diction, qui contribuent à l’atmosphère d’ensemble de la pièce et
introduisent au théâtre.
1. Une exposition baroque
A. Les spectateurs sont apostrophés ; on leur présente directement des éléments
B. L’Annoncier est un héritier du bouffon shakespearien
C. L’emploi de formules énigmatiques et paradoxales (dernier paragraphe) et la thématique religieuse renvoient à
la période de la Contre-Réforme, au Siècle d’or espagnol et donc à l’art baroque
2. Les caractéristiques de l’exposition
A. Les unités (temps, lieu, action) sont volontairement oubliées
La scène est le monde, la durée est comme abolie et l’action embrasse dès l’abord tout un siècle.
B. Le spectateur est invité à regarder une scène, un tableau (on pense éventuellement au Radeau de la méduse)
et se trouve transporté entre l’Europe et l’Amérique
Cette scène est une métaphore du sujet de la pièce : les guerres entre protestants anglais et jésuites ;
mais l’action proprement dite n’est nullement exposée.
C. Le texte propose une vision cosmique
Les différentes parties du monde sont présentes, les constellations et les étoiles, la présence du divin.
3. Le style et la diction
A. Entre vers et prose
L’écriture claudélienne se veut proche du souffle, en verset (comme la Bible). L’Annoncier appelle les
spectateurs « mes frères », le père jésuite formule une prière. Le texte semble en partie imiter la liturgie
catholique.
B. L’Annoncier donne à voir (« On a parfaitement bien représenté », « un peintre qui voudrait »)
Les spectateurs sont invités à se transporter par l’imagination sur le lieu réel de l’action, que le théâtre
figure.
C. Le style bouscule les spectateurs
Énigmes, apostrophes, ordres…
Conclusion
Claudel propose un drame total : le monde entier est convoqué sur scène, y compris le cosmos, et les
spectateurs sont invités à participer par l’imaginaire au spectacle, qui est une représentation mais qui
revêt aussi un caractère sacré.
Réponses aux questions – 8
Dissertation
Introduction
Dans cet extrait de la préface, Molière défend sa comédie et anticipe sur les critiques qui pourraient
lui être faites : il se ménage l’approbation du beau monde en expliquant qu’il ne se moque que de ses
imitateurs, les provinciaux. Ce faisant, il définit la satire permise et son rôle social et en arrive à
donner une définition du ridicule. Le début de la pièce confirme l’affirmation de Molière : les deux
jeunes femmes sont des « pecques provinciales », qui imitent les Parisiennes. Simultanément, la critique
des deux galants s’adresse à la préciosité : il y a une part de rhétorique dans l’argumentation de
Molière, qui critique le ridicule, y compris de la bonne société parisienne.
On pourra développer comme suit :
1. Molière et son public
A. Faire rire Paris de la province, avec subtilité
B. Choisir un sujet à la mode
2. La satire et son rôle social
A. Corriger les mœurs
En se moquant des imitateurs, de ceux qui exagèrent, Molière critique le ridicule : se prendre pour ce
qu’on n’est pas et sortir de la mesure.
B. Molière vise aussi les modèles mondains de Cathos et Magdelon, qu’il rappelle à une plus juste vision
Conclusion
Molière ruse : il s’assure le succès par un sujet à la mode et prétend ne se moquer que des provinciaux
et non des manies de la société de Cour. Mais personne n’est vraiment dupe et chacun peut choisir de
se reconnaître ou non dans la pièce. C’est là sa force.
Écriture d’invention
Un monologue est censé, par convention, retracer les pensées du personnage. On construira le
monologue avec les éléments suivants :
– présentation des filles et des prétendants ;
– exposé du projet de mariage ;
– craintes exprimées par Gorgibus que les jeunes hommes se gaussent de la préciosité des filles et ne
leur jouent quelque tour.
En terme de style, on introduira des phrases exclamatives et des images corporelles.
S c è n e
4
( p p .
2 8
à
3 2 )
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 33 à 35)
La Grange et Du Croisy sont honnêtes et proposent le mariage aux jeunes filles (l. 73-77).
Ils commencent par le mariage au lieu de faire leur cour selon le code précieux (l. 71-72 : « La belle
galanterie que la leur ! quoi, débuter d’abord par le mariage ? »).
# Gorgibus a des valeurs bourgeoises (le mariage, l’honorabilité…), tandis que les jeunes filles se
piquent de valeurs précieuses (la galanterie, le beau langage, le romanesque…). Cette scène manifeste
constamment cet antagonisme ; les valeurs de l’un sont folies pour l’autre et les personnages ne se
comprennent pas : « Cela me fait honte de vous ouïr parler de la sorte », dit Magdelon à son père (l. 79) ;
« Quel diable de jargon entends-je ici ? voici bien du haut style », dit Gorgibus plus loin (l. 119-120).
$ Champ lexical de l’amour et du sentiment : « galanterie », « aventures », « amant », « sentiments »,
« doux », « tendre », « passionné », « amoureux », « rêveur », « mélancolique », « passion », « objet aimé »,
« question galante », « déclaration », « passion », « aventures », « rivaux », « inclination », « jalousies », « carte
de Tendre », « Billets-Doux », « Petits-Soins », « Billets-Galants », « Jolis-Vers », « visite amoureuse ».
!
"
Les Précieuses ridicules – 9
Ces termes sont très abondants et très variés : le thème est donc envahissant et d’une très grande
subtilité, qui frise, dès le début de la pièce, la manie artificielle plus que le sentiment authentique ;
dans la bouche des précieuses, l’amour apparaît comme une comédie.
% Selon le code précieux, l’amant doit savoir séduire selon un parcours prédéfini qui ressemble à un
« roman ». Les qualités dont il doit faire preuve au cours de cette entreprise de séduction sont
représentées par des villages sur la carte de Tendre. L’amant doit ainsi être plein d’esprit, faire de jolis
vers, être sincère, etc.
& Magdelon résume ces quatre grands moments, directement inspirés de la carte de Tendre et de son
commentaire par Madeleine de Scudéry dans Clélie (texte B, p. 37) :
1. La rencontre fortuite, en public (l. 93-97).
2. L’amant cache sa passion et rend des visites au cours desquelles on aborde des sujets galants (l. 97100).
3. La déclaration, qui provoque la colère de la femme aimée (l. 100-105).
4. La conquête (l. 105-111).
' La femme aimée s’indigne, rougit et chasse l’amant (l. 103-104). Ce « courroux » est feint, il
participe au scénario de l’amour précieux et a pour objet de manifester la délicatesse de l’amoureuse
précieuse.
( La demande en mariage est désignée par Magdelon comme une « union conjugale » (l. 114), un
« contrat » (l. 115), un procédé « marchand » (l. 117) ; à ces qualificatifs très dévalorisants selon les
valeurs précieuses s’ajoute le reproche de mener son affaire à l’envers : on ne commence pas par le
mariage, on termine par lui. Au total, c’est plus une question de forme que de fond que les précieuses
reprochent à leurs prétendants.
Cependant deux univers s’opposent : l’univers bourgeois, marchand et positif, et l’univers noble,
précieux et en apparence désintéressé.
) Gorgibus est indigné par la dépense des jeunes filles en fards et autres produits de beauté et par la
manière dont elles semblent avoir reçu les prétendants (qu’il déduit de l’air fâché de ces derniers).
Selon lui, l’amour précieux est un tissu de balivernes car il s’oppose à la bienséance : « Et par où veuxtu donc qu’ils débutent, par le concubinage », répond-il à sa fille qui se plaint d’avoir été demandée en
mariage (l. 73-74). Pour lui, la préciosité est « air et chanson », autrement dit du vent, des apparences,
par opposition à l’union réelle du mariage.
*+ Pour Gorgibus, Magdelon et Cathos font des « contes » (l. 88) et parlent en « jargon » (l. 119) et en
« baragouin » (l. 137). Autrement dit, elle tiennent des propos confus et incompréhensibles. Gorgibus
oppose la bonne bourgeoisie honnête et compréhensible aux précieux qui se gorgent, selon lui, de
courants d’air.
*, Le terme « roman » apparaît aux lignes 85, 116 et 146. À la ligne 85, il renvoie explicitement aux
romans de Madeleine de Scudéry, dont les personnages sont cités aux lignes suivantes. À la ligne 115,
il semble désigner les étapes de la conquête amoureuse selon le code précieux : le mariage étant la
dernière étape, on ne peut commencer par lui. À la ligne 146, il sert de modèle pour choisir un nom.
On voit bien que Cathos et Magdelon prennent les choses à l’envers : le roman n’est pas une
imitation de la vie mais un modèle idéal que l’on doit s’efforcer de copier et sur lequel on doit calquer
son comportement. Cette conformation à un modèle, en contradiction avec des exigences concrètes
(le mariage, la sincérité), est l’une des caractéristiques majeures de la préciosité, dont Molière se
moque avec la plus grande vigueur.
*- Cathos les juge sur leur apparence vestimentaire et leur conversation. Elle relève une série de
détails qui prouvent que les jeunes gens ne sont pas au fait du code précieux (l. 128-135). Ces critères
sont pertinents du point de vue de Cathos, puisque venir à un rendez-vous galant sans costume galant
est une erreur, un affront, selon le code précieux (l. 128 : « Venir en visite amoureuse avec une jambe tout
unie ») ; mais Molière se moque de la manière dont les précieux se perdent dans des détails
insignifiants qu’ils sont les seuls à percevoir (la longueur des hauts-de-chausses, le nom de la
couturière…).
*. Le caractère artificiel de l’amour précieux transparaît à travers la référence constante au roman, qui
montre qu’il ne s’agit pas d’être spontané et sincère mais, au contraire, de respecter scrupuleusement
un code et des règles préétablies ; à cela s’ajoute l’analyse du costume qui, à lui tout seul, permet de
Réponses aux questions – 10
dire son sentiment. Au total, l’amour chez les précieux apparaît comme une mise en scène, un jeu
d’apparences – ce dont la suite de la pièce va d’ailleurs se servir pour mettre en place une intrigue
comique fondée sur la confusion entre l’être et le paraître, puisque les jeunes filles vont confondre
valets et marquis sur la seule foi du costume.
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 36 à 50)
Examen des textes
! Les différentes formes d’amour décrites par Clélie correspondent aux villages de la carte de Tendre :
celui qui vient de l’Estime, celui qui vient de la Reconnaissance, celui qui vient de l’Inclination. La
forme d’amour développée est celle qui provient de l’Estime car il revient alors à l’amant de provoquer
et faire naître cette forme d’amour par son comportement en passant par les différents villages (GrandEsprit, Billets-Doux, etc.) qui symbolisent les actions menées pour se faire aimer.
Les autres extraits présentent des développements qui évoquent généralement le « Tendre-sur-Estime »,
car chaque personnage met en place une stratégie pour se faire aimer, avec plus ou moins de succès.
" Chez Laclos, Valmont s’est d’abord mis en scène en bienfaiteur – ce qui lui a permis de gagner l’estime
de Mme de Tourvel : « Quand on est si digne de faire le bien, me dit-elle, en arrêtant sur moi son doux regard :
comment passe-t-on sa vie à mal faire ? » Puis il se fait passer pour soumis et timide : « Je serai malheureux, je le
sais ; mais mes souffrances me seront chères ; elles me prouveront l’excès de mon amour » ; ensuite Valmont arrive
même à pleurer. Il joue donc à l’amoureux transi, alors qu’en son for intérieur, il se compare au chasseur
qui « force le cerf ». On voit un exemple d’une utilisation trompeuse du code de l’amour précieux, qui n’est
plus qu’un moyen sans rapport avec les sentiments éprouvés, un stratagème.
Chez Radiguet, le narrateur flatte son interlocutrice (il ne lui avoue pas qu’il trouve sa peinture
ridicule), lui distille discrètement des compliments (en la comparant à sa mère, en parlant de ses
cheveux), crée avec elle une complicité autour de Baudelaire et Verlaine, contre ses parents et son
fiancé, puis se met en scène comme un personnage d’artiste un peu maudit, qui manque la
gymnastique pour aller s’essayer à la peinture. Le texte se conclut sur la formule « ainsi triche le
timide », montrant que les stratagèmes du narrateur sont à double portée, pour séduire et pour
masquer sa timidité.
# Les deux éprouvent des sentiments que l’on pourrait rapprocher de « Tendre-sur-Inclination ». Agnès
dit ainsi en parlant de son sentiment : « Et je n’y songeais pas lorsque se fit la chose » – ce qui correspond
bien à une inclination spontanée. Quant à Arnolphe, il a commencé par un sentiment très
raisonnable, puis a fini par tomber amoureux ; c’est pour cela qu’il crève de dépit et de tristesse (et
qu’il est ridicule) dans cette scène où il découvre qu’il n’est pas payé de retour – ce qui le pousse à
invectiver Agnès.
$ La métaphore de la carte, employée par Madeleine de Scudéry, est assez peu fréquente pour décrire
la conquête amoureuse et ne se retrouve pas dans les autres textes du corpus. Le point commun entre
Laclos et Clélie est la notion d’étapes à suivre dans un ordre précis pour arriver à ses fins : Valmont
insiste régulièrement sur la nécessité de ne pas brusquer les choses (au risque de tout faire échouer),
pour faire naître progressivement « l’estime » de Mme de Tourvel.
% Laclos emploie la métaphore de la chasse (« Laissons le Braconnier obscur tuer à l’affût le cerf qu’il a
surpris ; le vrai Chasseur doit le forcer »), de la guerre (« j’ai risqué de perdre, par un triomphe prématuré, le
charme des longs combats et les détails d’une pénible défaite »). Cette métaphore, fréquente dans le discours
littéraire sur l’amour, n’est pas présente dans les autres textes du corpus.
& Laclos : « je voulais la conduire », « mon adresse », « confiance », « sans mœurs », « j’étais près de la
vérité », « moyen de plaire », « incapable de tromper », « dissimulation coupable », « mon secret »,
« précaution », « oubliant mes projets », « voir à travers la serrure ». On peut observer que le texte, qui est la
description de la feinte de Valmont pour tromper Mme de Tourvel, comporte assez peu de mots du
vocabulaire de la feinte, qui se mélange avec celui de la sincérité, car une bonne part de la tromperie
tient dans la manière d’agencer les choses par Valmont.
Radiguet : « complimentais », « Je jugeai bon […] de ne pas lui dire », « madrigal », « dissiper le malaise »,
« pensais-je », « J’essayais de deviner ses goûts [pour feindre de les partager] », « Désagréablement », « Moi
Les Précieuses ridicules – 11
qui n’y allais jamais, […] ajoutant que j’y travaillais souvent », « mensonge », « je cachais », « secret », « faussé
notre conversation », « Ainsi triche ». On peut faire une observation proche de celle que l’on a faite sur le
texte de Laclos : le narrateur feint, triche, joue la comédie pour séduire, n’est jamais sincère. Le
vocabulaire de la tromperie est présent mais pas surabondant, la tromperie apparaissant dans les
tournures et les situations, tout au long du texte.
' Seul l’amour d’Agnès et d’Horace présente une vision optimiste et heureuse de l’amour. Les autres
textes le présentent comme une démarche compliquée, artificielle, marquée par l’hypocrisie et la
tromperie : ce qui prime, c’est en effet la guerre entre les deux sexes voués à l’incompréhension mutuelle.
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Le sentiment amoureux est représenté soit comme un sentiment vrai, sincère et agréable (Agnès dans
L’École des femmes), soit comme un signe de bêtise et de faiblesse (Valmont : « Quelle est donc notre faiblesse »,
« séduit par un désir de jeune homme »). Entre ces deux extrêmes, on parcourt toute la gamme, depuis nos
deux précieuses qui confondent le sentiment éprouvé et son apparence, jusqu’au narrateur du Diable au
corps qui le découvre sans savoir le nommer et tente de le comprendre en imitant des modèles littéraires.
Chez Agnès, il se manifeste par le bonheur et la liberté : son amour lui permet de tenir tête à
Arnolphe. D’après les précieuses (et Mlle de Scudéry), il se manifeste selon un code vestimentaire,
langagier et narratif immuable, qui à la fois manifeste le sentiment et permet la réussite de l’amour.
Chez Laclos, il se manifeste essentiellement par les larmes, la rougeur, le malaise et la fuite. Le
sentiment est un abandon de soi, de sa raison à des forces obscures, que l’on désire et que l’on craint
car le fait de l’éprouver place en situation de faiblesse.
Commentaire
Introduction
Dans ce passage, Arnolphe découvre l’amour d’Agnès pour Horace, tente sans succès de la culpabiliser
au sujet de cet amour, puis dévoile son projet de l’épouser qu’Agnès rejette. De dépit, il l’invective et
la menace, accusant la mode précieuse du choix d’Agnès en faveur d’Horace. Mais plus les reproches
et les accusations d’Arnolphe s’avivent, plus Agnès apparaît pure, innocente et sûre d’elle : elle est en
fait le contraire de la précieuse.
1. Les reproches d’Arnolphe
A. Il l’accuse de fausse innocence et de perversité réelle
B. Il lui reproche d’en aimer un autre, car en réalité il voudrait être aimé d’elle
C. Il lui reproche enfin de raisonner comme une précieuse
2. Les réponses d’Agnès
A. Elle ne voit pas de malice dans son comportement puisque Horace veut l’épouser
B. Elle oppose Horace, agréable et qui sait se faire aimer, à Arnolphe, qui n’a pas su se faire aimer
C. Elle est honnête et refuse le mensonge
Conclusion
Un passage qui donne une vision optimiste du sentiment amoureux. Conformément à la logique de la
comédie, l’amour des jeunes gens va bientôt triompher et Agnès a fait, grâce à l’amour d’Horace, son
« école ». Elle ne raisonne pas en précieuse mais avec sincérité et bon sens.
Dissertation
Introduction
La maxime de La Rochefoucauld porte sur l’amour et la dissimulation de ce sentiment. Il postule que
l’homme est constamment dans la situation de masquer ce qu’il est. Mais cette volonté de montrer
une apparence autre est mise en défaut par l’amour qui ne résiste pas au mensonge.
Réponses aux questions – 12
On s’interrogera d’abord sur les « déguisements » de l’amour que présentent les textes, leur rôle et leur
fonction. On verra ensuite que le masque est l’un des éléments de la séduction. Enfin, on se
demandera si ce divorce entre l’être et le paraître n’est pas constitutif de la vision de l’homme
classique.
1. Les déguisements de l’amour
A. Le masque précieux
Manifester son amour en le cachant (Clélie, reprise par les précieuses, est une dramaturgie du
sentiment amoureux dont la manifestation est scénarisée dans ses moindres détails : étapes à suivre,
costumes, langage…).
B. Le masque libertin
À partir du moment où il y a un code amoureux, rien n’est plus simple que de le pervertir. Ce que
font Valmont et Radiguet, l’utilisant comme une pure rhétorique, un déguisement vidé de son
contenu : il s’agit de convaincre l’autre qu’on est amoureux (ou qu’on ne l’est pas) par une mise en
scène subtile.
C. Le paradoxe
L’amour se montre alors dans le relâchement, l’abandon, où les masques tombent et l’amour se
montre « où il est », selon la formule de La Rochefoucauld.
2. Mais le masque, le déguisement, apparaît alors comme l’un des éléments de la séduction
A. Sans fard, l’amour est repoussant (La Grange, Du Croisy et Mme de Tourvel), il s’apparente à des cris, des
larmes, etc.
B. L’amour ressemble finalement à son déguisement, comme s’il y avait identité entre l’être et le paraître
3. Le divorce entre l’être et le paraître
A. Pour l’homme classique, il faut respecter apparence et mesure
Du Croisy et La Grange sont rejetés car ils ne respectent pas ce code.
B. Pour l’homme classique, il faut aussi être sincère
Agnès le manifeste ; à sa façon un peu risible, Gorgibus aussi. Mais la vérité ne doit pas être grossière.
C. Au total, l’idéal classique, c’est une vérité mesurée, se montrant par une apparence mesurée
On est dans l’équilibre non exprimé par la maxime, le moment où l’amour est et se dit.
Conclusion
L’amour défini par La Rochefoucauld renvoie à l’idéal de l’homme classique : identité de l’être et du
paraître, l’un étant la traduction de l’autre ; tous deux se devant d’être mesurés et bienséants.
Écriture d’invention
On réfléchira au caractère des personnages :
– Arnolphe est un forcené, un des grands caractériels du théâtre de Molière (comme Argan, Harpagon
ou Alceste) ; il tempête, il crie, il soutient des idées sans les nuancer et des paradoxes.
– Horace est un jeune premier, il tient un discours passionné, naïf et proche de la bluette.
S c è n e s
5
e t
6
( p p .
5 1 - 5 2 )
◆ Lecture analytique des scènes (pp. 53-54)
La formule « que ton père à la forme enfoncée dans la matière » (l. 174-175) fait une distinction entre la
forme (le style) et le fond (ce dont on parle). Selon le code précieux, le style consiste à se détacher des
choses matérielles pour s’exprimer en un langage parfait, hors de toute référence au réel. Son reproche
est donc double :
– Gorgibus manque d’esprit et de style ;
– Gorgibus est, en bourgeois, trop attaché et soucieux des choses matérielles.
!
Les Précieuses ridicules – 13
Magdelon donne comme conseil d’expression à Marotte de « [s’]énoncer moins vulgairement »
(l. 185), puis lui propose une phrase toute faite pour remplacer l’annonce de l’arrivée d’un laquais
annonçant que son maître veut les voir. Dans la formulation de Magdelon, le laquais devient « un
nécessaire » et voir devient « en commodité d’être visibles ». Elle remplace un terme simple par un terme
complexe et imagé (qui masque la position sociale du laquais) et un mot par une périphrase très
amphigourique. L’intention satirique est évidente : on a l’impression que la marque du style précieux
est de se rendre incompréhensible.
# Le comique de mots du langage de Marotte tient à ce qu’elle emploie un langage familier et qu’elle
écorche les mots (« dame, je n’entends point » et « la filofie » pour la philosophie). Le comique de mots du
langage de Magdelon tient au contraire à son hypercorrection. La langue, trop soutenue, devient
affectée (« le conseiller des grâces » pour le miroir, par exemple).
$ L’entrée de Marotte est un comique de situation (elle surgit comme un diable de sa boîte) et de
caractère car elle s’oppose par sa simplicité et son franc parler à l’affectation des deux précieuses.
% Les réactions de Marotte sont comiques à double titre car, d’une part, elles montrent la simplicité
de Marotte (qui confond le langage soutenu avec le latin, fait des fautes de français, prend les romans
d’amour pour de la philosophie et s’exprime avec des images populaires telles que « je ne sais point
quelle bête c’est là ») ; d’autre part, elle fait ressortir la complexité affectée de Cathos et Magdelon. Elle
traduit dans une certaine mesure l’impression des spectateurs, à laquelle elle donne une expression
théâtrale.
& Marotte n’obéit pas et traite les jeunes filles avec une relative condescendance : elle les rabroue et
les invite à « parler chrétien ». Cela ajoute au ridicule des précieuses, qui ne savent pas se faire entendre
de leurs domestiques ; cela inscrit Marotte dans la lignée de valets et servantes de comédie, rusés et
malins, qui font la leçon à leurs maîtres.
' Les jeunes filles ne sont pas nobles. Magdelon se plaint de sa naissance (l. 179-180) et espère qu’une
« aventure », autrement dit un roman, des circonstances inattendues lui révéleront une naissance
illustre (c’est-à-dire noble), cachée, mais que sa hauteur d’esprit pourrait lui faire mériter.
Les deux jeunes filles sont très méprisantes et irrespectueuses à l’égard de leur père et oncle, qu’elles
semblent toutes deux renier. De tels sentiments sont en contradiction avec la morale commune,
particulièrement à l’époque de Molière.
( Magdelon fait la leçon à sa servante Marotte, à qui elle tente d’inculquer (sans succès) les principes
du langage précieux. On peut en déduire que Magdelon n’est pas une véritable précieuse (c’est-à-dire
une noble à la mode) car, si elle l’était, non seulement ses domestiques seraient à la page, mais en plus
elle ne se disputerait pas avec eux sur des questions qui ne concernent pas les domestiques mais les
seuls nobles.
) La réaction de Cathos et Magdelon est doublement étrange : le titre de marquis les fait réagir, mais
manifestement elles n’ont jamais entendu le nom de Mascarille – ce qui montre qu’elles ne
connaissent pas les personnes qui fréquentent les salons. Elles s’imaginent que, puisqu’il est marquis, il
y participe assurément. En outre, elles se proposent de le recevoir dans une « salle basse », autrement
dit à l’étage du personnel, et non dans la chambre, lieu de réception précieux.
"
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 55 à 67)
Examen des textes
! Rabelais dresse une caricature cinglante du professeur en Sorbonne dont le raisonnement
scolastique, appliqué mécaniquement et sans discernement, finit par perdre tout contact avec la raison
et même parfois le réel.
Les principaux procédés parodiques sont :
– l’utilisation fréquente du latin de cuisine ;
– l’emploi de jargon incompréhensible et pseudo-scientifique (par exemple, « la substantificque qualité
de la complexion elementaire que est intronificquée en la terresterité de leur nature quidditative pour extraneizer les
halotz et les turbines suz noz vignes ») ;
Réponses aux questions – 14
– la reprise burlesque des étapes du raisonnement (introduction, arguments, conclusion) scolastique,
tout en y introduisant des arguments absurdes (paragraphe qui commence par « Ça ! je vous prouve »);
– l’emploi de comparaisons incongrues (« une ville sans cloches est comme […] une vache sans cymbales »).
" Contrairement aux autres extraits qui mêlent parodie et satire et portent sur des groupes (les
précieuses, les professeurs, les médecins, les militaires…), le texte de Georges Fourest imite en le
détournant, mais sans en faire la critique, Le Cid de Corneille. Conformément à la définition de la
parodie, on peut aisément reconnaître l’original et l’héroïsme des personnages y est traité de manière
comique.
# Le comique de répétition (« Le poumon, le poumon ») et le comique de situation (les spectateurs
savent qu’il s’agit d’un faux médecin – ce qui rend particulièrement comique ses propos et la
révérence avec laquelle Argan les écoute).
$ On remarquera que l’un et l’autre parlent en raisonnant et en organisant leur propos selon un
modèle scolaire de raisonnement. Ces personnages parodient donc les professeurs.
% Les changements de registre et de niveau de langue sont entre les deux personnages et d’un
personnage à l’autre. Le passage est d’abord bâti sur un registre didactique (le duc semble poser une
question sérieuse, à laquelle le chapelain se prépare à répondre de manière tout aussi sérieuse). Le
niveau de langue est soutenu. À partir de la réponse du chapelain, le registre change : les personnages
hurlent et se frappent. On est presque dans le registre épique du combat singulier, traité de manière
comique. Le niveau de langue devient familier. Ensuite le calme revient, puis à nouveau les
personnages dialoguent, avec un retour au registre didactique et à un niveau de langue soutenu.
Ces contrastes contribuent au comique du passage, dans la mesure où ils ajoutent au comique de mots
des propos pseudo-sérieux et étranges sur le rêve des personnages, un réel comique de situation (le fait
de parler sérieusement en s’échangeant des coups et un comique lié à la rupture de rythme : d’une
réplique à l’autre, les personnages se disputent et se réconcilient, de manière mécanique, un peu
comme des marionnettes).
& Georges Fourest construit sa parodie et le comique de son texte sur l’opposition du registre
tragique (les quatrains) et du registre mélodramatique (les tercets, particulièrement les deux derniers
vers). Tout se passe comme si Rodrigue et Chimène se trouvaient transportés dans un bal du samedi
soir, comme si leur histoire était réduite à une querelle d’apaches. Son texte est donc une parodie
dont l’effet est plus simple et immédiat que dans les textes de Rabelais et Queneau qui construisent
leurs comiques sur de multiples effets. On peut en conclure que, d’un point de vue littéraire, les
textes de Queneau et Rabelais sont plus élaborés que celui de Georges Fourest.
' La satire consiste à produire un énoncé comique avec une intention critique. Le tableau de
Hogarth (qui fait partie d’une série faisant le récit d’un mariage d’intérêt) est donc une satire de la
noblesse anglaise obligée de se mésallier car elle a dilapidé sa fortune. Au-delà du cas individuel, cette
scène est courante dans la période qui précède la fin de l’Ancien Régime et au cours de laquelle la
noblesse perd progressivement le pouvoir économique et politique au profit de la bourgeoisie.
Travaux d’écriture
Question préliminaire
La parodie, au sens strict d’« imitation reconnaissable à des fins humoristiques ou comiques », vise
généralement les personnages littéraires connus (qui reconnaîtrait la parodie d’un personnage
inconnu ?) ou des écrivains célèbres dont le style est facilement identifiable.
La satire, en revanche, vise des personnages du monde réel, généralement des types, c’est-à-dire les
représentants d’une classe. Parmi les textes du corpus, on reconnaît :
– la satire de la noblesse (Les Précieuses ridicules, Hogarth) ;
– la satire des médecins (Le Malade imaginaire) ;
– la satire des professeurs (Rabelais, Queneau).
La satire vise généralement des personnages importants qui détiennent une autorité d’ordre politique
et social (les nobles) ou bien résultant de la détention d’un savoir académique (les médecins et les
professeur). La satire montre, par des effets comiques divers, que le pouvoir et la prééminence de ces
personnages sont illégitimes, fondés sur des apparences et des mensonges.
Les Précieuses ridicules – 15
On pourra s’interroger sur la cible réelle de la satire (à partir de la distinction posée par Molière dans
sa préface entre les précieux et les mauvais singes qui les imitent). En effet, la satire vise-t-elle la
noblesse qui s’adonne à la préciosité, et à travers la préciosité l’ensemble de la noblesse (dont la
préciosité montre la déviance), ou bien la bourgeoisie qui imite la noblesse ?
Cette question se pose pour chaque exemple de satire, de sorte qu’au final chaque personnage peut
être la cible d’un discours satirique.
Commentaire
Introduction
Cet extrait de Queneau est à la fois drôle et déroutant : il commence comme une énorme farce (un
curé et un duc échangent des claques), digne du plus mauvais comique troupier, mais leur dispute
porte sur des sujets du plus grand sérieux et débouche sur des analyses linguistiques exactes et une
théorie du rêve conforme aux idées scientifiques de Freud. Comment donc l’esprit de comique peutil déboucher sur un discours sérieux et comment un raisonnement peut-il être aussi drôle ?
1. Un texte comique
A. Comique de farce
Caricature du sabre et du goupillon, coups, jeux de mots…
B. Comique de situation
L’ordre des questions oublié.
C. Comique de mots
Erreurs de prononciation, anachronisme, définition tautologique du rêve divin et diabolique par
Onésiphore.
2. Un texte sérieux
A. Les étymologies sont exactes
B. Les observations sur le rêve du duc sont exactes et s’opposent aux observations idéologiques (ou livresques) et
fausses d’Onésiphore
C. Critique discrète des anathèmes de l’Église, à travers l’accusation d’hérésie proférée par Onésiphore
Conclusion : le gai savoir
Dans cet extrait des Fleurs bleues, l’humour burlesque, le savoir et le rêve sont intimement liés, les uns
ne fonctionnant pas sans les autres : c’est par une sorte de provocation naïve que la farce permet de
sortir des idées reçues, afin d’écouter l’expérience, et c’est par le rêve, en principe l’inverse du savoir
rationnel, que l’on accède aux mots et à leurs étymologies. On a là quelque chose de proche de
Rabelais, comme si la condition nécessaire du savoir, de la vérité, était la critique de l’esprit de
sérieux, le recours à une logique autre.
Dissertation
Introduction
Selon Auerbach, Molière dénonce le ridicule à travers des individus qui s’écarteraient de la norme
sociale. Les Précieuses ridicules répondent à cette définition ; Cathos et Magdelon sont ridicules car elles
sortent de la norme : celle de leur milieu, mais aussi celle de la préciosité dont elles exagèrent les
formes jusqu’au ridicule. Toutefois, à travers elles, Molière vise tout le courant précieux, dont il fait
aussi la satire. Il critique donc une norme sociale, pour ses excès, qui la rendent ridicule. Le ridicule
n’est donc pas le hors norme, mais la démesure, l’hubris ; on est là dans une vision à la fois classique et
bourgeoise, mesurée.
Dans ces conditions, le ridicule serait la démesure.
1. Des personnages qui sortent de la norme
A. La norme bourgeoise
Gorgibus trouve qu’elles exagèrent et usent trop de pommades. Elles ne se comportent pas selon les
règles de leur milieu.
Réponses aux questions – 16
B. La norme précieuse
Elles singent les manies de la noblesse à la mode (langage et lecture du code amoureux de Mlle de Scudéry
exagérés, exagération vestimentaire). Elles appliquent de manière mécanique une norme qui leur est étrangère.
2. Molière se moque des précieux
A. C’est un groupe préoccupé de choses futiles
Être au courant du dernier quatrain, écrire des madrigaux.
B. Les précieux ne se préoccupent que d’apparence (code amoureux, langage)
Ce que démontre le tour des deux valets : on se laisse prendre à de pures apparences.
C. À travers les précieux, Molière critique la noblesse
Elle vit dans le déséquilibre entre la mondanité, l’apparence et la vérité de ses charges.
3. Le ridicule : la démesure et le déséquilibre
A. Gorgibus : éloge de l’équilibre
B. Les autres personnages de Molière (Argan, Alceste) sont ridicules car ils sortent de la mesure
C. Un éloge de la mesure et de la sagesse, contre le désordre de l’hubris
Conclusion
Que Molière traque le ridicule chez des individus ou des types représentant des groupes, le ridicule
provient souvent chez lui d’une démesure, d’un manque d’équilibre. La norme selon Molière, c’est
donc la soumission à une juste mesure classique qui transcende la norme sociale de telle ou telle partie
de la société. Il dénonce donc ceux qui sortent de cette mesure.
S c è n e
9
( p .
6 9 ,
l .
2 4 5 ,
à
p .
7 6 ,
l .
4 1 5 )
◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 77 à 79)
Mascarille cite les chansons, les sonnets, les épigrammes, les madrigaux, les énigmes et les portraits (l. 340343). Il cite enfin « l’impromptu » (l. 365), dont il donne un exemple de son inspiration. À l’exception de la
chanson, ces genres sont tombés en désuétude : ils ne sont aujourd’hui ni pratiqués par les écrivains, ni lus. En
réalité, ces genres sont pratiqués par les précieux comme des jeux formels. Le projet insolite de mettre en
madrigaux l’histoire romaine (l. 354-355) en témoigne : il s’agit de faire entrer un sujet épique dans un genre
galant. Cela n’a pas beaucoup de sens, si ce n’est qu’il s’agit d’une prouesse stylistique.
" Le salon précieux est « une académie de beaux esprits » (l. 336) ; on y croise une « duchesse » (l. 365) ;
autrement dit la noblesse, les savants et les lettrés s’y rencontrent.
# Un précieux passe sa journée dans une oisiveté brillante : il se lève en compagnie de « beaux esprit » (l. 304),
puis fait des « visites » (l. 313), et « [s’]escrime » (l. 339) un peu à produire des « bout[s] de vers » (l. 337).
$ Le précieux ne travaille jamais, ne fait jamais référence à la notion d’effort, de contrainte technique
ou matérielle, alors que, simultanément, il pratique des arts difficiles qui demandent beaucoup
d’exercices pour être maîtrisés, comme la poésie et la musique. Il ne peut donc pas prétendre
apprendre (c’est un effort qui relève du pédant et non du précieux) mais il faut qu’il sache. La formule
de Mascarille traduit bien cette aporie précieuse, qui aboutira d’ailleurs à la disparition des cercles
précieux, puis de la noblesse en tant que classe dirigeante.
% La mise en scène est assez simple : trois personnages échangent des propos (un homme et deux femmes).
L’homme, Mascarille, réussit à les éblouir par sa verve et surtout en se parant de mérites exagérés (il serait
l’auteur de deux cents chansons, autant de sonnets, etc., l. 340-343). La progression dramatique permet, par
un jeu de questions-réponses, d’amener la lecture de son impromptu par Mascarille : chaque fois qu’il cite un
genre précieux, les jeunes filles s’extasient et le complimentent. La scène reproduit donc presque exactement
ce qui se passe chaque jour dans les salons précieux, mais sous la forme d’une farce.
& Le commentaire du texte par les personnages est un mélange de paraphrases (l. 392-393 : « je n’y prenais
pas garde, je ne m’apercevais pas de cela », explique Mascarille) et de jugements de valeur hyperbolique (l. 384 :
« je trouve ce oh, oh, admirable », commente Magdelon). Au total, c’est un exercice d’autosatisfaction,
beaucoup de bruit pour rien, car le poème est un pastiche de madrigal d’une pauvreté absolue.
!
Les Précieuses ridicules – 17
Au début de l’extrait, on remarquera que la préoccupation essentielle des personnages est de se tenir
au courant des derniers potins mondains. Il faut fréquenter les bonnes personnes (l. 306-308 : « il faut
avoir la connaissance de tous ces messieurs-là, si l’on veut être du beau-monde ») pour se tenir au courant de
« cent choses » (les poèmes qui se sont échangés, les nouvelles galantes, etc.), la maîtrise de ces futilités, le
fait d’être à jour de cette chronique des salons étant la marque du bel esprit (l. 328-330 : « c’est renchérir
sur le ridicule qu’une personne se pique d’esprit et ne sache pas jusqu’au moindre petit quatrain qui se fait chaque
jour »). Le sujet de la conversation précieuse est donc d’une très grande futilité selon cette scène.
Le vocabulaire précieux se compose de quelques mots fétiches présents dans cette scène : « esprit »,
« galant », « élégant », qui sont en quelque sorte leurs mots d’ordre. Ils s’insèrent dans une phraséologie
recherchée, faite d’adverbes hyperboliques (« je suis furieusement pour les portraits » ou encore « j’aime
terriblement les énigmes ») et de métaphores étranges (« L’impromptu est justement la pierre de touche de l’esprit »).
La conversation précieuse apparaît décidément comme un ronronnement creux, un bourdonnement
de mots convenus et dépourvus de leur vraie signification (l’esprit désigne des singeries convenues…
les hyperboles s’appliquent à de petites fadaises et apparaissent à tout bout de champ…). On a bien
affaire à une caricature, genre qui consiste à grossir certains traits pour rendre ridicule un personnage.
( Dès le début, elles soulignent qu’elles ne sont pas introduites dans les salons (l. 296 : « Hélas ! nous
ne sommes pas encore connues »). Immédiatement Mascarille se propose d’être leur initiateur et
d’ameuter chez elles tout ce que Paris compte de beaux esprits : « C’est moi qui ferai votre affaire mieux
que personne » (l. 302-303).
Cathos et Magdelon ne peuvent pas devenir précieuses pour deux raisons : elles ne sont pas nobles et
elles sont provinciales.
) Mascarille fait en permanence sa propre promotion : il introduira les jeunes filles dans les salons
« mieux que personne » (l. 302-303) ; il se donne comme l’auteur d’une infinité d’œuvres (l. 342 : « plus
de mille madrigaux ») ; il est « diablement fort sur les impromptus » (l. 366) ; il trouve sa poésie
« extraordinaire » (l. 382) et apprécie le « goût bon » de Magdelon… qui apprécie son poème qu’elle
vient de juger plus satisfaisant qu’un « poème épique ».
D’une manière générale, les hyperboles mettent en valeur le personnage de Mascarille, de manière
ironique, puisque c’est un valet. Cela manifeste l’aveuglement des jeunes filles.
*+ Exagérations : « voilà qui est poussé dans le dernier galant », « voilà qui est extraordinaire », « admirable »,
« j’aimerais mieux avoir fait ce oh, oh, qu’un poème épique », « Tout à fait bien », « Il ne se peut rien de
mieux ». Cet excès de superlatifs et de comparaisons élogieuses produit sur le spectateur l’effet
inverse : ce n’est plus la qualité du poème qui est soulignée mais la médiocrité des commentatrices.
*, N’est pas précieux : « méchante affaire », « pic, repic et capot », mauvais garçons », « insulte » (comme
métaphore des yeux), « caution bourgeoise », « prud’homie » (termes de droit bourgeois), « crotté », « le
branle », « je ne donnerais pas un clou », « donner à gagner aux libraires », « le pédant », « qui ne se peuvent
payer », « Tudieu », « tapinois ».
*- On peut supposer que les véritables précieux :
– sont au courant de la chronique des cercles auxquels ils participent ;
– sont introduits dans les salons, voire titulaires de l’un d’entre eux ;
– ne sont pas, comme Mascarille, des entremetteurs ;
– emploient un langage dont tout terme physique, matériel est proscrit.
Or les personnages mis en scène par Molière n’ont pas ces caractéristiques. Ils aspirent à les avoir en
les singeant, c’est-à-dire en les imitant de manière maladroite et avec excès. C’est bien d’eux, et non
des véritables milieux nobles et précieux, que Molière se moque donc.
'
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 80 à 92)
Examen des textes
! L’épigramme de Benserade reproche à sa destinataire de l’avoir séduit. Ce reproche se renverse en
éloge des appas de la femme aimée.
" L’épigramme repose sur une série d’antithèses (inexorable/favorable, désir/plaisir, guérir/périr,
mal/remède) qui montrent le caractère superlatif du sentiment amoureux ressenti et partant les
Réponses aux questions – 18
qualités de séduction de la destinataire. Le blason repose sur la synecdoque, l’œil devenant le
représentant de l’ensemble de la femme, de ses sentiments et de ses effets. Ce procédé fétichiste du
blason est très fréquent dans la rhétorique précieuse. Le madrigal repose sur une longue métaphore
filée, les pierreries du bracelet figurant les amants, c’est-à-dire les admirateurs de la belle.
# Le poème de Mascarille fait usage des mêmes procédés que ceux de l’épigramme de Benserade
(l’éloge est formulé comme un reproche) et du blason de l’œil féminin.
$ Voiture s’ingénie à écrire un rondeau dont le sujet est la composition d’un rondeau. Tout en
composant son rondeau, il répond à une demande galante (« Isabeau m’a conjuré de lui faire un
rondeau ») et emploie hyperboles et exagérations (« une peine extrême. […] Je lui ferais aussi tantôt un
bateau ») qui manifestent la difficulté de l’exercice. Au total, le poème est un exemple d’ingéniosité,
petit texte précieux qui réussit à être galant sans parler de rien.
% L’énigme de Cotin est un sonnet. Elle est assez facile à élucider : il y est question du miroir.
& La périphrase est constamment employée – ce qui est logique dans une énigme, puisqu’elle permet
de parler d’une chose sans la nommer. Le poème entier est une périphrase du miroir (« Mon corps est
sans couleur comme celui des eaux/Et selon la rencontre il change de figure »). « Je donne des conseils aux esprits
les plus beaux/Et ne leur montre rien que la vérité pure » est une périphrase qui indique que le reflet d’une
personne est conforme à ce qu’elle est. Enfin, le miroir dit la vérité sur leur apparence, aussi bien aux
rois qu’aux jolies femmes. La subtilité des périphrases de l’énigme est qu’elles peuvent à chaque fois
faire penser à autre chose, Cotin s’ingéniant à broder sur le thème de la vérité et du mensonge tout au
long du poème, opposant le miroir aux peintres, aux courtisans, puis à Pâris.
' Portrait de la reine : « esprit », « sotte », « aigreur », « hauteur », « grandeur », « inapplication »,
« libéralité », « intérêt », « attachement », « passion », « dureté », « fierté », « piété », « opiniâtreté »,
« incapacité ».
Portrait du duc d’Orléans : « courage », « honnête », « faiblesse », « cœur », « frayeur », « esprit »,
« irrésolution », « force », « honte », « enjouement », « aimable », « intention », « désintéressement ».
Le Grand Condé : « intrépidité », « caractère », « esprit », « cœur », « bonheur », « âme », « la moins
méchante », « le cœur d’Alexandre », « mérite ».
On voit que ce vocabulaire est très abondant : le cardinal trace des portraits moraux et non des
portraits physiques de ces personnages historiques.
( Les portraits du cardinal sont tous vipérins. Pour la reine, cela est assez rapidement sensible : par
une succession de comparaisons de supériorité (plus de… que de…), chaque qualité morale de la
reine se transforme en défaut caché (par exemple, sa générosité n’est que de la prodigalité, de
l’incapacité à faire attention aux finances) et finalement le trait le plus marquant de sa personnalité est
l’incapacité, autrement dit : il ne lui reste rien.
Le duc d’Orléans, quant à lui, a tout, sauf le courage ; cela l’empêche donc d’être un grand homme.
La technique est moins immédiatement vipérine, mais on voit que, par petites touches successives, le
personnage se transforme progressivement en une baudruche vide.
Le Grand Condé force l’admiration du cardinal, en raison de son panache (il « est né capitaine ») ; il
n’empêche, ce dernier personnage reste un raté qui n’a pas « su remplir son mérite ».
Dans ses portraits, le cardinal règle ses comptes avec ceux qui se sont opposés à lui pendant l’épisode
de la Fronde. En cela, il se distingue des précieux car ses portraits se veulent des outils politiques et
historiques et non de simples jeux littéraires de salon.
) La première longue réplique de Magdelon montre que tout tient aux apparences chez les précieux :
il faut connaître « ces messieurs-là si l’on veut être du beau monde » (l. 307-308), affirme Magdelon, pour
prétendre ensuite qu’elle s’intéresse aux jeux de l’esprit (l. 312-315). Les répliques suivantes montrent
que la honte s’attache à l’ignorance des petits faits de la vie mondaine et non à l’ignorance tout court
(« j’aurais toutes les hontes du monde », puis « Il est vrai qu’il est honteux de n’avoir pas des premiers tout ce
qui se fait »). Mascarille rebondit sur cette affirmation et promet aux jeunes filles d’introduire chez elles
les plus éminents précieux, à commencer par lui-même, puisqu’il leur présente ensuite sa poésie.
Les jeunes femmes s’extasient alors mais, en réalité, elles admirent plus le prestige que donne le poème
à leur salon que le poème lui-même.
*+ Trissotin reproche à Vadius d’être un « pédant », c’est-à-dire d’écrire et de parler lourdement et sans
esprit, un « grimaud », un écolier sans expérience et un plagiaire. Vadius commence par se défendre puis
Les Précieuses ridicules – 19
traite Trissotin de « poète de balle », de « fripier des mots », donc de poète populaire, puis de « cuistre », c’est-àdire d’être un personnage qui fait étalage de manière docte et ridicule de ses connaissances. En creux, on
voit transparaître les valeurs précieuses – l’esprit, l’élégance, l’absence de référence au travail, à l’effort, et
l’appartenance à la noblesse –, auxquelles ces deux personnages semblent avoir dérogé.
*, Ces personnages sont des femmes qui sont en conversation autour du lit de l’une d’entre elles.
*- Non, car aucune des scènes ne comporte que des femmes et la pièce ne se déroule pas à
proprement parler dans une ruelle.
Travaux d’écriture
Question préliminaire
La forme des textes précieux est extrêmement travaillée et soignée : la métrique y est précise et les
images et figures de rhétorique y abondent, avec une prédilection pour l’antithèse, l’hyperbole, la
métaphore et la périphrase. Le niveau de langue est extrêmement soutenu et le registre est le plus
souvent lyrique, avec une pointe de comique dans les textes ingénieux (énigme, rondeau de Voiture).
D’une manière générale, ces textes parlent de sujets amoureux ou liés à la littérature précieuse.
Molière s’éloigne du style précieux car, en en faisant la parodie, il y introduit volontairement des
incongruités qui révèlent que les personnages sont des imposteurs, des snobs, au sens étymologique de
sine nobile. On peut citer comme exemples le « tapinois » ou le « au voleur » répété quatre fois, la
métaphore de la « pierre de touche », trop concrète, l’emploi constant des adverbes hyperboliques
(« furieusement », « terriblement »), la formule « je ne donnerais pas un clou » employée par Mascarille, qui
sent son parler populaire à plein nez.
S’agissant du cardinal de Retz, le registre polémique comme le sujet choisi (la politique)
n’appartiennent pas à l’univers précieux. Dans un cercle, ses portraits choqueraient par leur brutalité.
Commentaire
Introduction
Ce texte est le début de la célèbre « Galerie des Portraits » du tome II des Mémoires, dans lequel le
mémorialiste rapporte les événements de la Fronde. Il dresse ici les portraits des principaux protagonistes
de cette rébellion de la noblesse contre l’autorité royale. On expliquera d’abord l’organisation de ce
texte, puis celle de chaque portrait, en se demandant la part de l’influence précieuse et de la littérature
historique. Enfin, on tentera d’expliciter la fonction de ces textes pour le mémorialiste.
1. Organisation du texte
A. Ordre hiérarchique et protocolaire
La reine, le chef politique, le chef militaire.
B. Des portraits psychologiques qui défont petit à petit les personnages
La reine est sans qualités, le chef politique est irrésolu, le chef militaire n’a pas de suite dans les idées.
2. Préciosité ou histoire ?
A. Préciosité du ton et de l’écriture
Rhétorique soignée, vocabulaire précis et élégant.
B. Empreinte historique
Portraits faits pour comprendre les événements, précipités par les défauts de ceux qui les ont conduits
(ou qui ont été conduits par eux).
3. Un règlement de comptes
A. Des portraits-charges vipérins
B. Une explication de l’échec de la Fronde
Conclusion
Un texte à la fois littéraire et historique, dans lequel le cardinal en appelle à la postérité et se venge de
ses anciens ennemis.
Réponses aux questions – 20
Dissertation
Introduction
Jean Rousset semble dénoncer la préciosité comme une pensée qui se réduit à la prouesse, à l’exploit
(dont la dimension est toujours un peu dérisoire) et à l’imitation, la répétition du même, une
littérature qui en définitive ne parle que d’elle-même. On confrontera cette thèse aux textes du
corpus, puis on se demandera en quoi la préciosité n’est pas, en raison de son formalisme, porteuse
d’une signification et d’une postérité.
1. Prouesse et imitation
A. La prouesse littéraire est une forme de manifestation du trait d’esprit
Benserade, Voiture, mais aussi Cotin.
B. Cette prouesse formelle renvoie aussi à un langage partagé
Métaphores communes, hyperboles de Magdelon et Cathos, volonté d’être au courant.
C. Les mêmes thèmes toujours imités et repris dans des jeux de salon tendent effectivement à faire de la littérature
une imitation d’elle-même, un circuit fermé, détaché du monde
Réflexion des précieuses sur l’amour, la Clélie.
Du coup, la littérature précieuse est aussi une littérature libre, ne se reconnaissant d’autre autorité
qu’elle-même.
2. Signification et postérité des précieux
A. Le style précieux trouve en lui-même sa justification et sa fin
Cela le rend indépendant des contingences, par exemple politiques ; il fonctionne selon ses règles
propres, comme la science.
B. Les salons sont aussi des lieux de culture, de débats indépendants de l’autorité royale
C. Culture de l’élégance, de la forme et de l’esprit contre une relative grossièreté ambiante
Magdelon et Cathos contre Gorgibus ; plus tard dans l’œuvre de Molière, le personnage d’Agnès de
L’École des femmes.
D. La Préciosité fonde une littérature formaliste, toujours renaissante
L’art pour l’art au XIXe siècle, en réaction à l’art officiel, inféodé à l’idéologie républicaine ; Oulipo au
XXe siècle, en réaction à l’idéologie marxiste dominante.
Conclusion
La préciosité est sans doute une école littéraire d’une grande superficialité, marquée par la recherche
de la prouesse littéraire et l’imitation qui conduit à faire fonctionner la littérature en vase clos ; elle est
aussi une revendication de liberté littéraire et de l’esprit.
S c è n e
9
( p .
9 3 ,
l .
4 1 6 ,
à
p .
9 6 ,
l .
5 1 9 )
◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 97-98)
Mascarille interroge Cathos et Magdelon sur sa tenue et les ornements de sa tenue (« Que vous semble de
ma petite-oie », « Le ruban est bien choisi », « Que dites-vous de mes canons ? », etc.). Plusieurs questions sont des
questions oratoires (« Le ruban est bien choisi », « Savez-vous que le brin me coûte un louis d’or ? »), c’est-à-dire
qu’il s’agit d’affirmations déguisées. On remarquera que les jeunes filles acquiescent systématiquement aux
sollicitations de Mascarille et ne tarissent pas d’éloges sur son costume et ses falbalas.
Le comique de répétition tient dans la réitération des questions sur le même et dans les reprises des
mêmes réponses par les deux jeunes filles (par exemple, sur le parfum des gants, l. 490-491).
" Son vêtement est surchargé de rubans, de plumes, d’ornements (la « petite-oie ») ; l’élégance de
Mascarille est tapageuse, voire extravagante. Il est à lui tout seul un défilé de mode.
# Les hyperboles et les superlatifs des deux jeunes filles sont comiques et finissent par être contreproductifs : à force d’exagération, Mascarille n’est plus beau mais un peu ridicule.
!
Les Précieuses ridicules – 21
Ces trois adverbes relèvent du comique de mots : ils ont un sens négatif et servent normalement à
caractériser un processus désagréable (« Je suis terriblement ennuyé »), tandis qu’ici ils sont employés à
contre-courant, avec une valeur méliorative. On retrouve ce type de déformation langagière dans le
langage à la mode aujourd’hui avec des expressions comme « C’est trop bien ! » ou encore « C’est
mortel ! ».
% Mascarille se vante constamment de ses atours (« Je puis me vanter »), parle de ses « chaussettes »
(l. 503) et constamment d’argent et de ses fournisseurs, c’est-à-dire de choses triviales. À la fin de
l’extrait, lors du dialogue galant (l. 505-517), Mascarille détourne la métaphore du cœur blessé qui,
« écorché », devient un élément physique et non plus une métaphore du sentiment amoureux.
& Les vêtements, comme le langage, sont surchargés d’ornements et d’effets jusqu’à l’extravagance : la
mode de la ville imite la Cour, on peut donc en déduire que la mode à la Cour est elle aussi acharnée
d’apparences et de grands effets. On peut dire que cette mode est surchargée et ostentatoire.
' Mascarille utilise de manière burlesque la métaphore du cœur blessé avec la formule « il est écorché
depuis la tête jusqu’aux pieds », image qui télescope une vision sentimentale, dans laquelle le cœur, selon
une image figée, n’est pas conçu comme un organe mais comme le siège des sentiments, et une vision
très corporelle où il redevient un organe, « écorché », c’est-à-dire qu’on a dépecé, image de boucherie
dont l’incongruité est accrue par la précision « depuis la tête jusqu’aux pieds », comme si un cœur avait
une tête et des pieds. On a donc bien une caricature, un détournement à des fins comiques de
l’imagerie galante précieuse.
( On peut remarquer que la représentation de l’élégance des personnages est morcelée : Mascarille
attire l’attention des jeunes filles sur les détails de sa tenue, avec une sorte d’anxiété qui apparaît à
travers la répétition. Au total, on a l’impression d’un patchwork chamarré, morcelé et grotesque,
comme si la somme des parties n’était pas égale au tout, que sa tenue composait une collection de
détails sans harmonie, qui jurent les uns avec les autres. Quant à l’approbation béate des jeunes
femmes, elle traduit leur désir de fréquenter enfin des personnages à la mode et leur incapacité à
mesurer la vulgarité (il est valet) de leur interlocuteur. Montrez que l’obsession des personnages à se
faire reconnaître comme étant à la mode témoigne de leur incapacité à y participer.
) Vus à travers cette scène, les activités et les intérêts de la noblesse de Cour se limitent à leur
apparence vestimentaire et au choix du « bon fournisseur ». Si l’on y ajoute les préoccupations des
personnages au cours de l’ensemble de la pièce – se maquiller et faire des galanteries romanesques
(sc. 4 et 5), se livrer à des jeux littéraires (sc. 9), se tenir au courant des potins poétiques (sc. 9) –, la
noblesse apparaît comme se livrant à des activités dérisoires, au regard du rôle de direction des affaires
du pays qu’elle est censée jouer.
*+ On a déjà relevé les exagérations de langage (par exemple, dans les hyperboles) ; on peut ajouter le
fait que Mascarille jauge la qualité de son costume à ses excès (comme, par exemple, ses canons qui
ont « un grand quartier plus que tous ceux qu’on fait »), ou encore lorsqu’il parle du prix de ses plumes.
*, Un courtisan sera sensible au fait que Cathos et Magdelon sont des bourgeoises de province et
Mascarille un valet. Il verra dans leur outrance une satire de ceux qui tentent d’imiter la noblesse et
qui ne peuvent que se rendre ridicules par leur mauvais goût et leur méconnaissance des usages de la
Cour. Inversement, vus par les bourgeois et le peuple du parterre, les précieuses et Mascarille
deviennent des incarnations des mœurs exubérantes et extravagantes de la Cour. La ruse de Molière
est précisément de s’adresser à tous les publics.
$
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 99 à 109)
Examen des textes
! On pourrait dire « ni trop ni trop peu » : La Bruyère est proche d’une attitude définie par Molière,
que l’on pourrait appeler « le juste milieu » et que la formule « Un philosophe se laisse habiller par son
tailleur ; il y a autant de faiblesses à fuir la mode qu’à l’affecter » pourrait assez bien résumer.
" La Bruyère reproche à la mode son inconstance (« Une mode a à peine détruit une autre mode, qu’elle
est abolie par une plus nouvelle ») et donne comme exemple de ces perpétuels changements les portraits,
pour lesquels on choisit un costume neutre, comme si l’on prévoyait les changements de la mode.
Réponses aux questions – 22
On trouve deux points communs : la critique de l’inconstance et du caractère capricieux et
arbitraire de la mode ; l’exemple de la chevelure féminine, qui monte selon certaines modes à des
hauteurs si vertigineuses que le visage semble être placé au milieu du corps. On voit à ces détails,
d’une part, que Montesquieu était un lecteur attentif de La Bruyère et, d’autre part, que le cycle de la
mode, de ses engouements et de ses changements semble permanent…
$ Le texte A, extrait de la scène 9 des Précieuses ridicules de Molière, est un texte au registre comique.
Les textes B, C, D et E sont au registre satirique. Les auteurs développent des éléments comiques sur
un milieu pour en critiquer les mœurs.
% Marcel Aymé se moque de la bourgeoisie de gauche du Front populaire. Il se moque de
l’ouvriérisme et du marxisme. La scène présentée est très claire : on assiste à un film édifiant (et
présenté comme très ennuyeux) sur l’édification du communisme dans les campagnes russes. Chacun
s’ennuie mais s’extasie sur les qualités du film avec des expressions creuses (dignes des adverbes
superlatifs des précieuses), sauf le personnage de Milou qui s’ennuie et ne se le cache pas.
& La critique de la mode n’est pas aussi immédiatement apparente que dans les textes de Montesquieu
ou de La Bruyère. Le procédé ressemble à celui employé par Molière dans Les Précieuses ridicules car les
personnages discourent avec un très grand sérieux de questions relatives à la mode. Le comique
provient du caractère futile de l’objet de leur conversation (le fait de savoir s’il faut accorder son gilet
avec ses chaussettes, par exemple). Ainsi l’opposition entre le registre (très didactique) et le sujet de la
conversation entre les personnages le rend comique, au second degré pourrait-on dire – ce qui le
distingue des autres textes du corpus, plus directement satiriques.
' Le texte de Marcel Aymé oppose d’un côté Mme Ancelot qui s’extasie (« C’est d’un paganisme
formidable ») et de l’autre Milou qui « ne prisait pas beaucoup le spectacle ». À travers lui, le narrateur se
gausse en fait de la représentation idéalisée du monde par les « communistes », l’associant à celle des
« curés » : l’amélioration des conditions de vie des paysans russes grâce au communisme est ainsi
comparée à une « rédemption ». Les soupirs d’approbation de Mme Ancelot et du public sont aussi
présentés comme « défiant une armée de béotiens, de bourgeois crottés ». Au total, il y aurait d’un côté les
communistes progressistes (ridiculisés par le narrateur) et de l’autre les bourgeois et le peuple, méprisés
par les premiers mais qui ont la sympathie du narrateur.
( Montesquieu oppose en fait les mœurs d’aujourd’hui aux mœurs passées : « Autrefois les femmes avaient de
la taille, et des dents ; aujourd’hui il n’en est pas question. » À cette opposition se superpose une opposition
entre la Cour et la ville, puis la ville et la province. Les deux premières voient se déchaîner des modes
changeantes, imprimées par les souverains, tandis que la dernière est plus lente et plus raisonnable. Le
narrateur, à travers l’épistolier Rica, fait ainsi une critique des mœurs superficielles de la cour de Louis XV.
) Cette œuvre de Marcel Duchamp a beaucoup choqué lors de sa première apparition publique et elle
a, à juste titre, été ressentie comme une provocation. Il faut la replacer dans son contexte pour bien la
comprendre. En 1917, on est au cœur de l’activité surréaliste, qui propose de chercher la poésie dans la
vie quotidienne et refuse l’art bourgeois et traditionnel. L’Urinoir de Marcel Duchamp propose donc, en
premier lieu, de voir la beauté dans un objet non seulement quotidien mais particulièrement trivial car
lié aux fonctions naturelles du corps. Au-delà, il invite à repenser le statut de l’œuvre d’art et montre que
tout objet, dès l’instant où il est présenté dans un musée par un artiste, est de ce simple fait transformé en
œuvre d’art. Son intention est donc aussi de bousculer le statut de l’œuvre d’art.
#
Travaux d’écriture
Question préliminaire
L’extrait des Précieuses ridicules appartient au genre théâtral de la comédie de mœurs ou de la farce.
L’extrait des Caractères est une satire, texte de moraliste qui critique les mœurs.
L’extrait des Lettres persanes appartient au genre du roman épistolaire, ou roman par lettres.
Les extraits de Travelingue et d’American Psycho sont des extraits de romans contemporains. Le premier
est un roman satirique d’analyse sociale ; le second est un thriller.
L’ensemble des textes critique sévèrement le phénomène de la mode : de Molière à Marcel Aymé, la
mode est essentiellement conçue comme l’abolition de la raison et du sens critique, au profit de
l’acceptation d’idées reçues et communes.
Les Précieuses ridicules – 23
Le texte de Bret Easton Ellis se distingue des autres : il reste descriptif et met en scène des adeptes de
la mode dont l’existence devient une critique de la société qui les a produits.
Commentaire
Introduction
Le texte de Marcel Aymé met en scène la projection privée d’un film, à laquelle assiste un public
choisi et entièrement acquis à la cause du film. L’extrait est construit en deux temps : la présentation
du film, puis la présentation des spectateurs et de leur réaction. Les spectateurs se divisent en deux
groupes : Milou, que le film ennuie, et Mme Ancelot et ses filles, que le film ravit. On tentera de
montrer ce qu’ils représentent chacun et en quoi la position du narrateur fait de cet extrait une satire
de la petite bourgeoisie bien-pensante.
1. La présentation du film
A. Opposition entre les deux époques
L’expression « un jour l’esprit soufflait » marque le passage à la nouvelle ère, manichéenne et
schématique (concupiscence/chasteté, alcoolisme/sobriété) : on reconnaît un film réaliste-socialiste,
édifiant (la culture, le mérite et les machines sauvent les ouvriers).
B. L’apparent éloge des effets de la politique de modernisation présentée par le film se renverse en une caricature
Le narrateur grossit les traits (choix des adjectifs et des adverbes) et les contrastes, de sorte qu’il rend le
film incroyable et ridicule.
2. La représentation
A. Une salle comblée et acquise au film, mais les éloges semblent caricaturaux (propos snobs)
B. Les pensées de Milou, beaucoup plus critiques, viennent en contrepoint et bouleversent l’équilibre
3. Une caricature de la petite bourgeoisie du Front populaire
A. Milou identifie les sentiments généreux du film à ceux des curés de son enfance et les juge grotesques au regard
de son expérience
Il incarne le peuple et, à ce titre, il est âpre, il veut échapper à sa condition.
B. Le public admiratif incarne une petite bourgeoisie généreuse, dont les valeurs vacillent (invocation du
paganisme, du vitalisme), et installée dans une rébellion de salon
C. La position du narrateur, invisible mais dont l’influence est constante (jugements monolithiques, adjectifs, ton
ricanant…), donne une satire sous-entendue
Conclusion
L’éloge et le compliment se renversent en critique aiguë : on retrouve la tonalité des grands satiristes
qui, sous une apparence badine et innocente, produisent un commentaire incendiaire.
Dissertation
Introduction
La Bruyère est un moraliste, c’est-à-dire un auteur qui indique des conduites à tenir et critique les
mœurs de son temps, dont il dénonce les défauts. La phrase citée par le sujet est extraite du chapitre
sur la mode des caractères. Elle confronte un « caractère », le « philosophe », c’est-à-dire l’homme sage
dont les actions sont gouvernées par la raison (et non la passion), à la question de la mode et lui
indique la conduite à tenir. La mode apparaît d’abord comme un piège : qu’on la suive ou qu’on s’en
écarte, elle manifeste notre faiblesse dans les deux cas. Il faut donc laisser agir les spécialistes (son
tailleur, en l’occurrence).
À l’évidence, les précieuses illustrent l’attitude inverse de personnages obsédés jusqu’au ridicule par la
mode. Toutefois la pièce ne les donne pas en exemple, elle les critique, en fait la satire. Au total, elle
pose le spectateur en observateur des mœurs, qui formulera sur la mode un point de vue proche de
celui de La Bruyère.
Réponses aux questions – 24
1. Des personnages obsédés par la mode
A. Les précieuses et leurs amours, leurs jeux littéraires, leurs costumes
B. Gorgibus et les prétendants font une sorte de contrepoint
Leur indifférence pataude à la mode les rend tout aussi ridicules.
2. Une satire de la mode
A. Les valets initiateurs
Des personnages qui singent la mode sans arriver à y participer pleinement.
B. Mais ces personnages mettent en scène les manies et les mœurs des vrais mondains, de la Cour dont on fait
aussi la satire
3. Un point de vue de moraliste
A. Le spectateur sait avant Gorgibus la cause du refus des prétendants
Il connaît aussi avant les précieuses l’imposture des valets déguisés en marquis.
B. Cela le place dans la position du « sage », qui regarde les excès de la mode d’un point de vue panoramique
Il adopte une position médiane entre les excès de Gorgibus et des jeunes filles, qui pourrait ressembler
à la maxime de La Bruyère.
Conclusion
À travers la satire, Molière met en place un regard moraliste sur les excès de la mode et la vie de
Cour. Conformément à l’esthétique de la satire, il corrige les mœurs en faisant rire.
Les Précieuses ridicules – 25
COMPLÉMENTS
A U X
L E C T U R E S
D
’IMAGES
◆ Mise en scène de Deschamps et Makeieff (pp. 35, 79, 113)
Les metteurs en scène
Jérôme Deschamps reçoit une formation classique et entre à la Comédie-Française où il reste trois ans.
Il donne son premier spectacle en 1977 (Blanche Alicata) et fonde la Compagnie Jérôme-Deschamps,
qui deviendra par la suite Les Deschiens au début des années 1980.
Macha Makeieff, après des études au Conservatoire d’art dramatique de Marseille, puis des études de
lettres à la Sorbonne, rencontre Jérôme Deschamps en 1978 au Printemps d’Ivry d’Antoine Vitez.
Actrice, directrice de compagnie, elle est aussi l’auteur d’une dizaine de livres sur les spectacles et les
expositions. Parallèlement à son activité théâtrale, elle réalise de grandes expositions.
De 1993 à 2001, Jérôme Deschamps et Macha Makeieff réalisent Les Deschiens et Qui va m’aimer (pour
Canal +), une série comique qui les rend célèbres auprès du grand public et dans laquelle ils proposent
une vision satirique et goguenarde de personnages populaires.
Relations avec le texte et les autres œuvres présentées
Comparez les costumes des personnages avec ceux des personnages présentés par la gravure
d’Abraham Bosse (p. 89). Quel effet a été recherché par les metteurs en scène, d’après vous ?
Travaux proposés
– Commentez l’expression des deux jeunes filles (p. 35). Le sentiment qu’elles semblent ressentir vous
paraît-il correspondre à leur caractère ?
– De quelle scène rapprocheriez-vous l’image de la page 79 ? Citez précisément quelques répliques et
justifiez votre choix.
– Situez précisément le moment de la scène représenté par l’image de la page 113 (sc. 11). Tâchez
d’expliquer pourquoi Jodelet est hilare, en vous appuyant sur la suite de la scène.
– En vous appuyant sur les costumes et les décors, dites à quel type de mise en scène nous avons
affaire.
◆ Carte de Tendre (p. 48)
L’auteur
Ce document est extrait de Clélie, l’un des romans de Madeleine de Scudéry (1607-1701). Après des
études très poussées (ce qui est rare pour une jeune femme à cette époque), elle s’installe à Paris où
elle fréquente les cercles précieux et écrit (de 1641 à 1669) des romans-fleuves galants et à clés
(Artamène, galerie de portraits de la Fronde, compte ainsi plus de 13 000 pages). Ses livres
– aujourd’hui oubliés – deviennent pour son public autant de bibles de la préciosité et du bon goût,
jusqu’à l’apparition des œuvres de Molière et de Boileau qui font évoluer le goût. On se souvient
qu’elle est citée de manière très précise par Cathos et Magdelon dès les premières scènes des Précieuses
ridicules, ses personnages étant évoqués comme des modèles de galanterie précieuse.
L’œuvre
La carte de Tendre présente une grande importance culturelle, car elle résume à elle seule les étapes et
le cheminement de l’idéal de l’amour précieux, ou de la conquête amoureuse, et illustre de manière
saisissante la représentation de l’amour que se faisaient les cercles précieux.
On remarquera aisément que les textes sur l’amour présentent souvent les jeux de la séduction selon
une métaphore militaire de « places », de « fortifications » à enlever, à conquérir – ce qui revient en
réalité à une représentation spatiale du sentiment amoureux, qui est ainsi un chemin à parcourir, idée
qui trouve son aboutissement dans la carte de Tendre de Clélie.
En effet, on ne peut mieux représenter cette idée de l’amour comme un chemin à parcourir, avec ses
étapes, ses détours et ses culs-de-sac, que sous la forme d’une carte, d’autant plus saisissante que le
parcours amoureux prend ici la forme de fleuves et de mer portant des noms de sentiments, lesquels
sont commentés dans l’extrait de Clélie reproduit dans le livre de l’élève.
Compléments aux lectures d’images – 26
En terme de technique, il s’agit d’une gravure (technique dont les lecteurs étaient friands). On remarquera
qu’elle est composée comme une carte de l’époque, c’est-à-dire qu’on y mélange la technique de la
cartographie et celle du paysage. Au premier plan se trouve un groupe de personnages debout sur un
promontoire qui contemplent la carte comme s’il s’agissait d’un paysage. D’ailleurs, les éléments de la
cartographie sont encore des images (arbres, vagues, rochers, villages et maisons), comme des éléments d’un
paysage à l’échelle de ces personnages et non des symboles comme dans la cartographie moderne. Ce
mélange du paysage et de la cartographie est l’un des éléments du charme de cette carte imaginaire.
Relations avec le texte et les autres œuvres présentées
On pourra confronter cette gravure à celle de la page 89 qui représente une ruelle.
Travaux proposés
– Faites une recherche sur les grands voyageurs aux XVIIe siècle. Voyez-vous une relation entre
l’évolution des voyages et la réalisation de cette carte ?
– À l’image de la carte de Tendre, concevez, en vous appuyant sur les différentes scènes des Précieuses
ridicules, une « carte de la Précieuse ».
◆ William Hogarth, Mariage à la mode (p. 65)
L’auteur
William Hogarth (1697-1764) rêve de devenir écrivain mais se voit contraint d’entrer en
apprentissage chez un orfèvre. Il se fait connaître par des séries de peintures qui font la satire des
mœurs et des milieux de son temps avec un mélange d’immoralisme et d’humour noir (La Carrière
d’un roué, Mariage à la mode, L’Élection parlementaire).
L’œuvre
Avec ces séries, William Hogarth se rapproche quasiment de la bande dessinée ou du dessin
d’actualité. On peut faire ce commentaire en étudiant la composition de l’œuvre présentée, qui
multiplie les emblèmes et les symboles, permettant de faire comprendre par des clins d’œil au
spectateur que c’est une mésalliance qui se trame dans ce tableau.
Ainsi, à droite du tableau, le comte (atteint de goutte, signe de dégénérescence) montre son arbre
généalogique, tandis que par la fenêtre on voit un bâtiment inachevé, qui témoigne du délabrement de
sa fortune. Sur la table se trouve la dot, apportée par un riche échevin qui échange son argent contre les
titres de noblesse. Entre eux, se trouve l’homme de loi qui présente le contrat de mariage. À gauche, se
trouvent les jeunes futurs mariés : la fille de l’échevin, à qui un jeune avocat fait déjà la cour, et le fils du
comte, un jeune élégant qui se détourne déjà pour s’admirer dans un miroir. À leurs pieds, les chiens
enchaînés symbolisent la triste condition des époux, tandis que les tableaux accrochés au mur
représentent des scènes de martyre abominables qui laissent prévoir une fin tragique à ce mariage.
Les jeunes mariés se trouvent ainsi exposés au milieu d’une forêt de symboles et de présages.
Relations avec le texte et les autres œuvres présentées
Comme les textes du groupement, cette œuvre est une satire, ici particulièrement cruelle, d’un
milieu, celui de la noblesse désargentée. On peut voir des points communs entre les personnages du
tableau et ceux de la pièce de Molière car tous cherchent à paraître ce qu’ils ne sont pas et à participer
à un milieu qui n’est pas le leur – ce qui les rend excessifs et ridicules.
Travaux proposés
– Le Mariage à la mode se compose d’une série de six peintures. Recherchez-les, puis racontez
brièvement l’histoire de ce mariage.
– Imaginez la description d’une série de peintures comiques qui pourraient être réalisées à partir des
Précieuses ridicules.
◆ Mise en scène de Jean-Luc Boutté (pp. 67, 92)
Le metteur en scène
Acteur et metteur en scène, Jean-Luc Boutté (1947-1995) débute à Lyon comme figurant aux côtés
de Roger Planchon. À sa sortie du Conservatoire, il devient pensionnaire de la Comédie-Française en
Les Précieuses ridicules – 27
1971, puis sociétaire en 1975. Il joue les grands rôles des répertoires classique (Sophocle, Corneille,
Racine, Molière) et moderne (Calaferte, Strindberg, Brecht, Joyce).
Metteur en scène marqué par un classicisme parfois austère, il met en scène un répertoire très varié,
qui va des auteurs classiques (Marivaux, Goldoni, Hugo, Molière) et modernes (Ionesco, Pirandello) à
des contemporains comme Jean-Louis Bauer (Édith Détresses, 1979) ou Bernard-Marie Koltès (La Nuit
juste avant les forêts, 1981). En 1986, il a obtenu le Prix Dominique de la mise en scène pour sa mise
en scène du Bourgeois gentilhomme.
Relations avec le texte et les autres œuvres présentées
Quels sont les points communs entre les précieuses de Boutté et celles de Deschamps (comparez les
images des pages 67 et 79 pour répondre).
Travaux proposés
Quels rôles jouent les livres dans les deux images (pp. 67 et 92) ? Expliquez pourquoi le metteur en
scène a choisi cet accessoire.
◆ Détail d’une ruelle (p. 89)
L’auteur
Le protestant tourangeau Abraham Bosse (1602-1676) est un graveur capital du premier tiers du
XVIIe siècle en France. Illustrateur, il montre une certaine prédilection pour les scènes de la vie privée,
en particulier de la vie familiale, les costumes contemporains et les menus objets de la vie quotidienne.
L’œuvre
Dans cette gravure, qui montre en fait une réunion de femmes autour de l’une d’entre elles qui vient
d’accoucher, Abraham Bosse donne à contempler une de ces ruelles, hauts lieux de la vie précieuse.
On remarquera que les femmes sont disposées en cercle autour du lit, l’une d’entre elles un peu à
l’écart. Leurs robes sont belles, mais sans exagération. Il ressort de l’ensemble une atmosphère
d’intimité, de complicité tranquille.
On n’a pas là une image de la préciosité flamboyante, mais une vision plus recueillie, plus profonde :
l’image est plus descriptive que satirique ; elle a une valeur documentaire et permet de se représenter
ce que pouvaient être les relations des femmes entre elles au sein d’un cercle précieux.
Relations avec le texte et les autres œuvres présentées
L’image offre donc une vision de l’activité précieuse valorisante, contrairement à l’œuvre de Molière.
Elle se distingue des autres images proposées (par exemple, le tableau de Hogarth), car elle n’a aucune
visée satirique.
Travaux proposés
– Cherchez plusieurs images de différentes époques représentant des « conversations » et comparez-les
avec celle-ci.
– Imaginez un dialogue entre les personnages de cette gravure.
◆ Marcel Duchamp, Urinoir (p. 106)
L’auteur
Né dans une famille bourgeoise de Normandie, Marcel Duchamp (1887-1968) reçoit une formation
artistique classique et commence par peindre des paysages de style néo-impressionniste. Mais, dès
1910, il s’intéresse au futurisme, à Picabia, et la mutation de son art intervient en 1913, lorsqu’il
commence à s’intéresser aux sciences exactes et délaisse l’art proprement dit. Il fabrique des
« stoppages-étalons », objets humoristiques et scientifiques qui préfigurent les « ready-made », objets
manufacturés signés et présentés comme des œuvres. En 1917, le ready-made Fontaine, ou Urinoir,
provoque un scandale.
Esprit critique, humoristique et provocateur, Marcel Duchamp a montré que l’œuvre naît du geste de
l’artiste et de sa présentation dans un certain environnement – celui du musée, ou de la galerie d’art.
L’œuvre présentée ici renvoie à cette conception et à cette réflexion : l’objet n’est évidemment pas
une œuvre, elle ne le devient qu’à partir du moment où Duchamp la désigne comme telle.
Compléments aux lectures d’images – 28
L’œuvre
Cette œuvre entretient un rapport direct avec l’idée de mode, toujours définie comme une esthétique
rendue légitime par le fait qu’elle est appréciée à un moment donné par certaines personnes. Ainsi, il
suffit que les précieuses à la mode apprécient les plumes (ou un urinoir…) pour que celles-ci
deviennent à la mode. L’œuvre de Duchamp montre ainsi que la beauté est détachée de l’objet
regardé et qu’elle réside uniquement dans le regard du spectateur. Bien qu’exagérée, cette conception
permet de mieux comprendre les textes sur la mode et ouvre une perspective fondamentale de l’art
moderne.
Travaux proposés
– Faites une recherche sur les « ready-made » : quels sont les plus célèbres de Marcel Duchamp ?
D’autres artistes en ont-ils produits ?
– Choisissez un objet que vous présenterez comme un « ready-made » de Marcel Duchamp et justifiez
votre choix.
Les Précieuses ridicules – 29
BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE
En plus des ouvrages cités dans le livre de l’élève, pour une vision plus approfondie des questions
relatives au théâtre et à la préciosité à l’époque de Molière, on pourra se reporter aux ouvrages
suivants :
– Paul Bénichou, Morales du Grand Siècle, Gallimard, 1948, rééd. 1980.
– Roger Lathuillière, La Préciosité, Droz, 1966.
– Jacques Scherer, La Dramaturgie classique en France, Nizet, 1950.