Lombalgie, abdominaux et renforcement du psoas, un défis à
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Lombalgie, abdominaux et renforcement du psoas, un défis à
Lombalgie, abdominaux et renforcement du psoas, un défis à relever. La lombalgie est une des pathologies sportives les plus fréquentes. Elle se caractérise par des douleurs de la région lombaire. En effet, un sportif sur deux a déjà présenté des douleurs lombaires dans le cadre de sa pratique. Au delà de trois mois, la lombalgie devient chronique et constitue la deuxième cause de consultation chez le médecin et la troisième cause de demande d’invalidité (Cherin & Jaeger, 2011). Face à ce problème, la réponse est souvent de renforcer les abdominaux. Mais il n’est pas rare que le remède soit plus grave que le mal. Si en effet les exercices réalisés sollicitent le psoas, l’effet lordosant de la contraction de celui-ci amplifie les douleurs. Proposer des gainages ne mobilisant pas ce muscle élévateur du genou est alors une solution. Mais se retrouver avec des psoas atrophiés risque d’imposer des limites fonctionnelles dans de nombreux sports. Dès lors, l’entraîneur doit trouver des alternatives pour à la fois prévenir la lombalgie et faire en sorte que le renforcement du psoas n’en soit pas la cause. Le renforcement musculaire du caisson : un antidote ? Comment lier ce travail avec celui du renforcement des membres inférieurs ? Les abdominaux s'insèrent sur la cage thoracique et le bassin. Ils ne peuvent faire que rapprocher ces deux éléments. Ils n’ont pas pour fonction d’opérer la flexion de la cuisse sur le buste. Une des conséquences de ce rapprochement est qu'il diminue la lordose lombaire. La protection du bas du dos et la prévention des lombalgies passent certainement par un réglage subtil des muscles permettant un placement à géométrie variable du bassin entre rétroversion et antéversion, inclinaisons latérales en fonction du mouvement à effectuer. De toute évidence, cela doit s’éduquer. Les grands droits, contribuent à replacer correctement le bassin dont ils remontent l'avant vers le haut – rétroversion, ce qui est intéressant, car un bassin placé et fixé permet une bonne transmission de la force des jambes. En revanche, les muscles psoas, s'insérant sur les vertèbres lombaires et sur le fémur, permettent à la cuisse de se relever – flexion. Si les jambes sont fixes, ils tirent en avant les vertèbres lombaires accentuant la lordose. Notre problématique revient donc à réussir la démonstration qu’un gainage efficace empêchera l’action lordosante du psoas, tout en permettant la réalisation d’un geste technique d’une APS. Rappel anatomique : 1 Figure 2. Face antérieure de la région lombo-pelvienne (issue de Dufour, 1999) Par ailleurs, les muscles du dos (Erecteurs du Rachis) jouent un rôle de compensation du travail des psoas et des abdominaux. Lors d'un effort en chaine fermée type squat, la cocontraction des Abdominaux et des Erecteurs du rachis va permettre de créer mécaniquement une « poutre composite » permettant de diminuer les pressions intradiscales (Bouisset, 2002). Ce processus va augmenter la résistance osseuse des vertèbres lombaires et ainsi les soulager d'une partie des contraintes (20 à 40%). Par conséquent, la mise en relation entre effort de gainage (prophylactique) et travail de renforcement de type squat (voir plus bas), doit être mis en relation afin de promouvoir tout à la fois la réalisation d’un geste moteur et sa cohérence au plan de la santé. Si une activité sportive n’utilise pas fonctionnellement les secteurs angulaires du squat complet (flexion maximale de genou), il est plus judicieux de privilégier le demi-squat. En effet, la flexion maximale de genou lors d’un exercice en chaine fermée augmentent les pressions intra discales (d’une part et les contraintes infligées aux ménisques d’autres part (augmentation du glissement fémoro-tibial ; Mansat, 1999). L’angulation recherchée pour protéger le dos sur un travail de ½ squat permet plus facilement une mise sous tension du caisson abdominal et des muscles dorsaux-lombaires. 2 Demi-squat : toute flexion de jambe entre 90° de flexion de genou et la position horizontale des fémurs. L’intérêt d’une flexion limitée, outre l’aspect protection de la zone lombaire, est aussi de solliciter de façon moindre l’articulation du genou, et d’ainsi éviter un mouvement de « tiroir » trop accentué et une usure ou inflammation du tendon rotulien. Quoique ce point puisse être contredit par une étude récente (voir article SSPP d’Aurélien Broussal de juin 2013). Il est donc intéressant, à la fois pour des questions de santé, de rationalisation et de gain de temps de travailler sur ce geste plutôt qu’un squat à amplitude complète… A moins que le geste moteur de la discipline n’invite, de par sa pratique à travailler la préparation du geste en renforcement sur amplitude complète. Comment se protéger dans ce cas ? Quelle interaction fonctionnelle entre caisson abdominale et coordinations motrices des membres inférieurs ? Le but du renforcement musculaire en préparation physique est de pouvoir être réintégrer dans le geste technique du sportif sans le dégrader. Cela sous entend donc que la musculation est au service de la technique et non l’inverse… Nous proposons ci-dessous une comparaison possible, par disciplines, des acquisitions et avantages moteurs permis par un bon renfort du caisson abdominal. Tableau 1. Travail du caisson abdominal dans différentes disciplines sportives. Activités Football Athlétisme (courses) Ce que permettent une bonne fixation et un juste placement du bassin… Une bonne répartition de la force de poussée de la jambe d’appui, transmise par le bassin à la jambe de frappe. Une bonne répartition des forces, qui de la jambe d’appui, permettent une remontée du genou pour le maintien des amplitudes de Combat (karaté, boxe, taekwondo) Un pivot possible du buste et des deux ceintures (scapulaire et pelvienne) pour enchaîner une combinaison de coups de poings Escalade Un placement du bassin au plus près de la paroi pour alléger la charge et transmettre les poussées des jambes aux bras afin d’alléger le 3 foulées. Ce (exemple : avant travail de travail permet et arrière de la derniers. aussi d’utiliser garde). les forces disponibles au niveau des bras et de la ceinture scapulaire. ces Finalement, y aurait-il tant de différences entre un maintien postural verrouillé par le caisson abdominal en athlétisme pour courir et en karaté pour exécuter un enchainement pied/poing ? Photo 1. Verrouillage du caisson abdominal sur une position en fente arrière et mouvement de saisi des bras. Certainement pas… Tout geste efficace et efficient partirait d’un bon contrôle postural. L’éducation, la conscientisation et l’automatisation de ce contrôle seraient des objectifs primordiaux et transversaux à mettre en place quels que soient l’âge et le niveau de l’athlète (Pauly, 2007). Par ce travail, certaines blessures touchant la symphyse pelvienne pourraient être évitées. Les nombreuses pubalgies dont sont atteints les sportifs en football, par exemple, ne pourraientelle être traitées préventivement par un bon travail du caisson abdominal ? Voir plus bas. Pour que le caisson abdominal fonctionne de façon optimale les différents plans musculaires doivent être activés simultanément. Ainsi, il convient, au titre d’une éducation sportive de qualité et au service de la santé, d’articuler sans cesse expérience de terrain et connaissances scientifiques actualisées (Piasenta, 2011). 4 Question de méthode ? Prenons des exemples où l’action de gainage est la plus contrariée, et la sécurité du dos mise en balance. Si le besoin est révélé de travailler sur des squats complets, c’est uniquement, comme vu plus haut en lien avec la coordination spécifique d’une discipline. Rappels : Squats partiels, demi-squats, squats profonds, squats complets. Voir l’article d’Aurélien Broussal, SSPP lettre électronique de juin 2013. Ni la charge, ni le choix de technique n’importent. Deux choses importent : - Le respect pour un individu donné que tout exercice soit en cohérence avec ses capacités articulaires (qualité de souplesse / force, degrés des leviers articulaires). La cohérence entre le geste de préparation physique / prophylactique et le geste de coordination motrice requis par l’APS concernée. A ce titre, tout exercice visant à une prétendue amélioration des qualités physiques devra intégrer la nécessité de positionner au sein de l’exercice de préparation physique des contraintes en lien avec l’exercice moteur compris au sein de la discipline. 3 exemples : - « Iron Mike Tyson » et les esquives basses travaillées sur les conseils de son entraîneur (voir le film Tyson de James Toback, festival de Cannes 2009). L’hyper flexion recherchée dans l’esquive doit néanmoins garantir / être garantie par un gainage du bassin permettant une liaison entre les segments inférieurs et le buste en vue d’une riposte ou contre riposte. Le tout avec les pieds décalés en position dite de garde (un pied avancé par rapport à l’autre, pour effacer le buste et permettre de meilleures rotations des moteurs hanches / épaules). - Un karatéka exécutant un kata (référentiel technique) ; ici en réception de saut, en fente avant, avec mains posées au sol. Le saut effectué avec 360° de rotation (540° si on prend en compte les pieds d’appuis) et réalisé en position genoux groupés. Ici, il importe de 5 permettre, par l’entraînement et la préparation physique un gainage suffisamment puissant du bassin lors de la phase de réception (pour éviter par exemple une désynchronisation de la symphyse pelvienne). - En ski de bosses, l’hyper flexion des appuis doit être compris dans des phases qui sont à la fois skiées, et à la fois sautées (lors des réceptions de sauts), et où l’instabilité du sol, sa déformation, son caractère non plan (une jambe peut être amenée à être plus fléchie que l’autre) doivent être considérés comme des éléments de base de la coordination de cette discipline. La encore, le gainage du bassin doit être une constante, et cette dernière doit être travaillée selon les besoins de la discipline ciblée. Une hypothèse alors. Articuler 3 formes de travail ? Le rôle de la musculation excentrique, tant en terme de gain de force que prophylactique (mémoire cellulaire de la capacité contractile), doit, dans ce cadre, être envisagé selon l’ensemble des types de squats recensés. L’alternance de cette méthode avec d’autres protocoles de charges (force explosive, méthode bulgare, méthode pyramidale…) doit être au cœur du programme de la formation du sportif, et la 6 mise en œuvre de circuit d’entraînement moteur en lien avec l’APS doit se faire avec des actions contrariantes* de gainages en lien avec le renfort des muscles composant le caisson abdominale. *inclure de la proprioception dans les actions de gainage, de la perturbation des différents sens (en lien avec l’APS pratiquée), de la contrainte extérieure. Voir travaux de Laurent Delacourt et Thierry Maquet sur l’équilibre instable. Si à travers ces 3 exemples (boxe, karaté, ski), la situation d’entraînement sur squat complet peut s’envisager, elle dépendra prioritairement et comme vu plus haut, de la capacité du sportif à maintenir un état de gainage efficace tout au long des amplitudes de mouvements travaillés. Une alternative alors, si des manques apparaissent en ce sens : le squat à une jambe, qui garantit de par sa mise en œuvre le maintien gainé de la chaîne musculaire dorsale, et la lordose nécessaire à tout exercice de flexion des membres inférieurs en vue de la sécurité du dos. Quelques exemples de situation de gainage du caisson abdominale en lien avec les points énoncés plus haut : comment permettre un gainage efficace lors de situations d’entraînements et de musculation. Créer la perturbation, la mettre en lien immédiat avec le geste moteur et la coordination technique même ; tout cela au sein même des gainages pratiqués, pour un effet prophylactique optimisé. Éduquer la contraction du muscle transverse Renforcer les grands droits dans leur rôle stabilisateur du bassin 7 Explorer des positions de gainage où les grands droits ont la force de résister au passage en lordose (le dos ne doit pas se creuser). Renforcer le psoas et les abdominaux sur un dos verrouillé. Dans le cadre de ces exemples de gainages à alterner comme vu plus haut, avec des exercices de traitement de la force, il est aussi possible d’envisager, selon les besoins de la discipline pratiquée, des formes contrariées : - Modifier la hauteur du bassin (quitter l’appui avec le sol), - Travailler sur des appuis au sol instables (bosu, plateau d’équilibre…), - Travailler avec des charges ou des élastiques, TRX (…), - Supprimer certains sens (vue…), - Supprimer certains appuis en vue de faire travailler les chaînes musculaires croisées en synergie… En conclusion, la prévention des lombalgies, si elle doit passer par un répertoire d’exercices à mettre impérativement en lien avec les coordinations de l’APS concernée, doit essentiellement être considérer comme une méthode complète de travail (pour reprendre les mots de Laurent Delacourt) considérant d’emblée, et tout autant que les facteurs de la performance (bio informationnel, bio mécanique, bio anthropomorphique, bio énergétique, psychologique, tactique et stratégique) les facteurs de santé et de longévité du pratiquant, en les articulant. Arnaud Delafontaine BEES karaté 2ème degré Kinésithérapeute et Ostéopathe Docteur en STAPS (Paris Sud) D.U. Préparation physique et musculation Jérôme Frigout BEES karaté 2ème degré Doctorant en STAPS (Paris 5 Descartes) 8 Bibliographie Bouisset, S. (2002). Abreges- Biomécanique et physiologie du mouvement. Masson. Cherin, P., & de Jaeger, C. (2011). La lombalgie chronique : actualités, prise en charge thérapeutique. Medecine & longévité, 3(3), 137-149. Dufour, M. (1999). Anatomie de l’appareil locomoteur-Tome 1 Membre inférieur. Masson. Dufour, M., & Pillu, M. (2005). Biomécanique fonctionnelle : Membres-Tete-Tronc. Masson. Mansat, CH. (1999). Articulation du genou. Etude de la biomécanique ligamentaire. SMS (Royan), n°spécial « Biologie et sports », 18-21. Pauly, O. (2007). Musculation pour l’enfant et l’adolescent : pourquoi ? quand ? comment ? Amphora. Piasenta, J. (2011). Motricité sportive- Développement des capacités et habiletés. Amphora. 9