Vulnérabilités individuelles

Transcription

Vulnérabilités individuelles
Table ronde : ADDICTION ET RESPONSABILITÉ INDIVIDUELLE
Comment la vulnérabilité aux conduites addictives pourrait-elle atténuer la
responsabilité des auteurs d'infractions ?
Président : Dr. Thierry Danel - Directeur F2RSM
Modérateur : Mme Elodie Letombe – Faculté Libre de Droit, Membre du C3RD
· Mme Candice Gratecos - Vice Procureur de la République (Tribunal de Grande
Instance de Lille)
· Me. Carine Delaby-Faure - Avocate au Barreau de Lille
· Dr. Catherine Thévenon-Gignac – Experte près de la cour d'appel de Douai (EPSM
Lille Métropole)
Introduction:
Bien différencier les consommateurs occasionnels des consommateurs courants.
La question des Inégalités physio face à l'alcool en particulier ; les risques ne sont pas les mêmes
selon la tranche d'âge (Risque élevé pour les ados pour la santé mentale (binge drinking)
etc.comorbidités psychiatriques
L'environnement social (précarité sociale etc) est également à prendre en compte; Inégalités d'accès
au soin : précaires etc, inégalités d'accès à l'info (l'individu a-t-il bénéficié d'actions de prévention
etc., si marginalisé)
L'Evaluation du libre arbitre et de sa responsabilité résulte de l'ensemble de ces critères
environnementaux...
1) Trouble mental comme cause de non-imputabilité en droit pénal :Le
partage entre abolition et altération
Aux termes de l'article 122-1 du code pénal :
« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble
psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
« La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique
ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la
juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime ».
En premier lieu, tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques, le code pénal fait
référence au « trouble psychique » ou « neuropsychique » et non à la démence qui renvoie à une
forme particulière de maladie mentale caractérisée par une « déchéance progressive et irréversible
de la vie psychique » qui survient généralement chez les personnes âgées même si elle peut aussi
affecter des sujets jeunes (démence précoce). Le législateur de 1992 a entendu viser notamment la
psychose -telle que la schizophrénie, paranoïa ou psychose maniaco-dépressive- dont certaines
manifestations peuvent entraîner une perte complète de contrôle ou de discernement.
En second lieu, le nouveau code pénal distingue l'hypothèse dans laquelle le trouble psychique ou
neuropsychique a aboli le discernement de celle dans laquelle ce trouble a altéré le discernement de
la personne ou entravé le contrôle de ses actes sans pour autant avoir supprimé son libre arbitre.
Dans le premier cas, la personne est irresponsable pénalement. Dans le second, elle est, au contraire,
pénalement responsable.
Il est vrai que cette distinction consacre une pratique antérieure à la réforme du code pénal : par
opposition aux aliénés privés de tout discernement, certaines personnes étaient qualifiées d'«
anormaux mentaux » ; reconnues responsables, elles bénéficiaient de circonstances atténuantes.
Le partage entre l'abolition et la simple altération du discernement laisse une large part
d'appréciation au juge.
Pour évaluer les facultés mentales de la personne poursuivie, la juridiction ordonne une expertise
psychiatrique. Celle-ci est d'ailleurs obligatoire en matière criminelle et le plus souvent décidée par le
juge d'instruction.
Rôles de l'acteur judiciaire et de l'expert ...
Vice proc Trib de Lille : expertise psychiatrique ordonnée par justice n'est pas systématique
(comportement qui résulte conso de substa qui justifie expert psychiatrique ) ; expert obligatoire psy
pour agress sex, crimes et aussi exhibit sex et destruction incendie.
Expertise psychiatrique va donner lieu à une réponse individualisée (Parquet conserve pouvoir
d'appréciation) ; si discernement totalement évident ; ivresse jurisprudence constante, art 122 - 1 :
respon indivi plan pénal.
Expertise psychiatrique demeure l'exception : 90 % des jeunes hommes qui comparaissent ; ont tous
commis des faits sous l'emprise de stupéfiants ou alcool ou médocs ;
altération du discernement = Cause aggravante plus que cause d'irresponsabilité /
Caractère borderline n'est pas de nature à altérer son discernement
Récidive - juridictions.
Prise en compte des addictions :
Atténuation n’existe plus...
2) Nouvelle prise en compte de l’addiction: Loi du 5 mars 2007
La loidu 5 mars 2007 sur le prévention dela délinquence a été promulguée sous la gourvernement
Villepin
Nous nous sommes focalisé sur deux point concernant le domaine de la vulnérabilité de l’addiction:

La circonstance aggravante

améliore le versant thérapeutique, par des injonctions et des stages de sensibilisation
Circonstances aggravantes
Les circonstances aggravantes sont des faits dont la survenance liée à la commission d'une infraction
augmente la peine dont est passible son auteur.
La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance (article 54 aggrave les peines
d’emprisonnement ou/et d’amende encourues pour les infractions suivantes :

l’usage de stupéfiants commis par une personne :

l’usage de stupéfiants commis par le conducteur d’un véhicule à moteur :

la provocation directe à la consommation de stupéfiants commise

les atteintes aux personnes commises par des auteurs en état d’ivresse manifeste ou sous
l’emprise de produits stupéfiants
-
les violences volontaires, quelle que soit l’incapacité totale de travail,
-
les agressions sexuelles,
-
les viols.
Ce texte va donc clairement à l’encontre de ceux qui tendaient encore à considérer la prise
d’alcool comme une excuse, susceptible de diminuer la responsabilité de l’auteur.
Au volant, en cas d'accident ayant entraîné des blessures ou un décès, les peines sont aggravées et
peuvent atteindre sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d’amende pour homicide
involontaire.
Si une ou plusieurs autres circonstances aggravantes sont associées à l’alcool (par exemple, prise
de stupéfiants), les peines sont encore alourdies, pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement
et 150.000 euros d’amende.
La mesure d’injonction thérapeutique
Pour les personnes faisant « une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques »
Depuis la loi du 5 mars 2007, lorsqu'il apparaît que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une
consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques, la mesure d’injonction
thérapeutique (articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique) est étendue à tous les
stades de la procédure pour les personnes dépendantes à l’alcool comme pour les usagers de
drogues illicites.
Cette injonction peut ainsi être décidée pour les personnes reconnaissant avoir commis une
infraction passible d’une peine inférieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement, dans le cadre des
alternatives aux poursuites (composition pénale), ou pour les personnes condamnées, lors du
jugement ou dans le cadre de l’exécution des peines, notamment dans le cadre du sursis avec mise
à l’épreuve.
Stages de sensibilisation
C’est une approche renouvelée de la lutte contre la toxicomanie qui a inspiré l’institution des
stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants. C’est une sanction située
entre la poursuite pénale et le suivi médical.
Prévue par l’article L 131-35-1 du code pénal et par les articles R131-46 et R131-47 du code pénal
en application du décret du 26 septembre 2007, il doit faire prendre conscience à l’usager des
dommages induits par la consommation de produits stupéfiants ainsi que des incidences sociales
d’un tel comportement.
Ce stage peut être proposé par le ministère public au titre des mesures alternatives aux poursuites et
de la composition pénale. L’obligation d’accomplir le stage peut aussi être prononcée dans le
cadre de l’ordonnance pénale et à titre de peine complémentaire. Elle est applicable à tous les
majeurs et aux mineurs de plus de 13 ans.
A ce jour, les frais du stage, à la charge du condamné.
Ce stage peut également être proposé à toute personne faisant l’objet d’une interpellation pour
une autre infraction mais dont l’audition révèle un usage occasionnel de produits stupéfiants.
Evolution des représentations dans la société (ivrognerie etc.) alcoolisme est entré dans le champ de
la santé. Reconnaissance dans le monde de la justice d'une forme de pathologie.
3) L'alcool est-il une circonstance atténuante pour celui qui a commis un
crime ?
L’exemple de la responsabilité pénale de Franck Dumont, calaisien qui a été mis en examen pour le
meurtre de Louis Dufossé, en 2006. (Chambre d'instruction de Douai - 06/10/2010)
Article tiré du Nord Litoral du 06/10/2010
Sa consommation d'alcool, au moment des faits, pourrait avoir aboli son discernement.
C'est une audience particulière qui se réunit ce matin à Douai. La chambre d'instruction de notre
juridiction ne se prononcera pas sur la culpabilité de Franck Dumont, mais, uniquement, sur sa
responsabilité. Mis en examen pour coups et blessures ayant entraîné la mort, il a été vu par
plusieurs experts, un neurologue et un collège de psychologues. Ces derniers ont conclu que son
discernement aurait pu être aboli au moment des faits en raison d'une consommation excessive
d'alcool. La chambre d'instruction examine le dossier ce matin.
Plutôt rocambolesque, l'affaire remonte au 22 décembre 2006. Franck Dumont passe, avec plusieurs
collègues, l'après-midi au Cyrano, un bar-brasserie d'Audruicq. Vers 21h30, il regagne son domicile
calaisien. Il se trompe alors de rue, dans le quartier du Petit-Courgain.
Discernement aboli avec 1,40 g d'alcool
Un concours de circonstances lui permet d'accéder au hall d'un immeuble puis dans l'appartement
qu'il croit être les siens. Quand il se couche il découvre qu'un autre homme est allongé à ses côtés.
Franck Dumont (1,90 m, 140 kilos) s'acharne alors sur Louis Dufossé (57 ans). Partiellement invalide,
le malheureux décède une semaine plus tard.
Pour sa défense, Franck Dumont avance une consommation excessive d'alcool. Le suspect a quitté le
Cyrano à 21 h 30. Les faits se sont produits une heure plus tard. Franck Dumont est interpellé à 23
heures et il subit un dépistage d'alcoolémie à minuit au commissariat de police de Calais. Son taux
est alors de 0,73 mg par litre d'air expiré. Cinq minutes plus tard il sera de 0,70 mg, soit 1,40 g par
litre de sang. « C'est vrai que le taux d'alcoolémie est relativement faible par rapport à ce qu'on peut
rencontrer et ne permet pas de comprendre cette abolition du discernement », constate Me
Antoine Deguines qui défend la fille de la victime, partie civile (NL du 13/06/10).
Abolition ou altération ?
Plusieurs experts ont examiné Franck Dumont. Le suspect déclare ne plus se souvenir de ce qui s'est
passé entre 19 heures et une heure du matin au cours de cette funeste nuit. Un neurologue établit
cependant qu'il ne souffre d'aucune pathologie amnésique. La seule explication possible à ce trou de
mémoire serait donc l'alcool. L'expert neurologue évoque une ivresse pathologique amnésiante avec
abolition du discernement. Un psychologue estime quant à lui que Franck Dumont a certes connu un
épisode d'ivresse pathologique au moment des faits, mais, comme il s'est exposé sans contrainte à
l'alcool, il est responsable de ses actes et accessible à une sanction pénale. Il conclut à une altération
du discernement. Un collège d'experts est alors nommé. Le trio conclut que le mis en examen était
en état d'ivresse pathologique et que son discernement était aboli.
Nouvelle jurisprudence ?
Fort de ces éléments, le juge d'instruction a saisi la chambre d'instruction qui devra statuer.
Une chose semble certaine : si la chambre d'instruction devait conclure à une abolition du
discernement pour 1,40 g, elle créerait une jurisprudence susceptible d'ébranler tous les tribunaux
de France... La littérature juridique ne porte en effet aucune trace d'une décision de justice en
matière criminelle où les magistrats auraient conclu à l'abolition du discernement du suspect
consécutive uniquement à une consommation excessive d'alcool.
Affaire récente : pas confirmée pourrait donner lieu à nouvelle jurisprudence : ivresse pathologique
« amnésiante » (discernement aboli = irresponsabilité pénale de cette personne arrêt qui va ouvrir
une porte pour une jurisprudence) .
Source:
Senat
Mildt
Nord Littoral