Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d`Ivoire

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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d`Ivoire
VULNÉRABILITÉ DES JEUNES FILLES FACE AU VIH/SIDA EN CÔTE D’IVOIRE
- UNE ANALYSE GENRE
Mai 2012
Analyse réalisée par :
Stella BABALOLA,
Associate Professor/ Senior Research Advisor,
JHU CCP Baltimore
Et
Anne-Marie KOUADIO,
Consultante, sociologue
TABLE DES MATIERES
Sigles et Acronymes .................................................................................................................. iii
RESUME EXECUTIF .............................................................................................................. iv
I.INTRODUCTION ................................................................................................................... 1
1.1 Contexte et justification ....................................................................................................... 1
1.2 Approche conceptuelle ......................................................................................................... 2
1.2.1 Définitions des termes ............................................................................................................ 2
1.2.2 Grille d’analyse de l’acquisition du pouvoir par les femmes ................................................. 3
1.3 Objectifs de l’étude .............................................................................................................. 5
II METHODOLOGIE DE L’ETUDE ........................................................................................ 6
2.1. Description des données ...................................................................................................... 6
2.2. Analyse des données ........................................................................................................... 7
III.
RESULTATS .................................................................................................................. 8
3.1. Le bien-être ......................................................................................................................... 8
3.2. Accès aux Ressources ....................................................................................................... 14
3.3. Conscientisation ................................................................................................................ 17
3.4. Participation ...................................................................................................................... 21
3.5. Control ............................................................................................................................... 24
IV CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ................................................................... 29
4.1. Conclusion ......................................................................................................................... 29
4.2. Recommandations ............................................................................................................. 31
ii
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Sigles et Acronymes
EIS
IST
ONG
SIDA
VIH
Enquête sur les indicateurs du sida
Infection Sexuellement Transmissible
Organisation Non Gouvernementale
Syndrome de l’Immunodéficience Acquise
Virus de l’Immunodéficience Humaine
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
iii
RESUME EXECUTIF
L’un des objectifs du programme Prévention active et communication transformatrice du
Centre des Programmes de Communication de l’école de santé publique Johns Hopkins
Bloomberg (CCP) en Côte d’Ivoire est de faciliter le dialogue et la réflexion sur les normes
sociales et de genre existantes et d’encourager la promotion de nouvelles normes qui
contribuent à réduire l’infection à VIH et améliorer la santé et le bien être des jeunes filles,
des femmes, des familles et des communautés. En effet, en Côte d’Ivoire, comme dans de
nombreux pays africains, les rapports hommes-femmes gardent toujours une empreinte de
conservatisme : les normes de genre traditionnelles empêchent les jeunes filles et les femmes
de gérer librement leur vie sexuelle en adoptant des comportements sexuels à moindre risque.
De ce fait, elles sont deux fois plus exposées aux IST et à l’infection à VIH que leurs
partenaires masculins. L’EIS de 2005 indique des séroprévalences respectives de 0,4% chez
les filles de 15 à 19 ans et de 0,2% chez les garçons de la même tranche d’âge.
La présente étude est une analyse secondaire des données collectées dans le cadre de deux
études conduites par CCP: (1) une recherche qualitative sur la situation des jeunes filles
déscolarisées et non scolarisées en 2010 et (2) de l’enquête quantitative réalisée auprès des
jeunes en 2007. La présente étude vise à approfondir les informations sur la vulnérabilité des
jeunes filles face au VIH/sida à travers un examen des liens qui existent entre les normes
traditionnelles de genre et les comportements à risques chez cette catégorie de personnes.
L’analyse des données s’est appuyée sur la grille d’acquisition de pouvoir par les femmes (la
grille de Longwe). Des analyses que nous avons faites, il ressort les résultats suivants articulés
autour de la grille de l’acquisition du pouvoir par les femmes.
Le bien-être
Par le bien-être, nous voulons dire les conditions de vie des hommes et des femmes, et surtout
en comparaison les uns avec les autres. Plus précisément, il s’agit des moyens qui permettent
la satisfaction des besoins pratiques et essentiels des femmes et des hommes. Ces besoins
pratiques comprennent l’approvisionnement en eau, en nourriture, les soins de santé,
l’habillement et l’emploi. Il est utile de préciser que la satisfaction de ces besoins ne remet pas
en question la répartition des tâches entre les hommes et les femmes, ni la position
subordonnées que celles-ci occupent au sein de la société. Pour cerner le bien-être des
individus, nous avons examiné les variables ci-après : scolarisation, statut matrimonial, et
contexte de résidence. Pour ces variables, nous avons mis en exergue les différences entre les
hommes et les femmes. En outre, nous avons examiné les caractéristiques
sociodémographiques des partenaires sexuels des jeunes filles selon les données qualitatives
de 2010.
Nos données ont révélé qu’il y a des différences significatives entre les jeunes hommes et les
jeunes femmes en ce qui concerne les indicateurs du bien-être. D’une manière générale, les
jeunes femmes manifestent des caractéristiques sociodémographiques et des conditions de vie
susceptibles d’accroître leur vulnérabilité face au VIH. Par exemple, comparées aux jeunes
iv
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
hommes, les jeunes femmes ont beaucoup moins de chances d’être inscrites à l’école. Et ce
pour des raisons ayant trait à la pauvreté des familles, aux attitudes des parents vis-à-vis de la
scolarisation des filles, manque d’intérêt de la part des filles et manque (perçu) d’aptitudes
scolaires de la part des filles. De plus, à âge égal, les femmes sont plus nombreuses à être
mariées comparé aux hommes. En outre, plus que les filles, les garçons ont tendance à vivre
dans le même ménage que leurs parents biologiques pendant les premières années de leur vie.
Les partenaires sexuels des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées étaient nettement en
avance, par rapport à elles, en matière d’âge, du niveau d’études et de la profession. Cette
avance des hommes sur les filles est favorisée par des normes culturelles qui accordent plus
de privilèges et de faveurs aux hommes. Cette avance met davantage les jeunes femmes en
position de vulnérabilité sexuelle.
L’accès aux ressources
L’accès aux ressources suppose un accès égalitaire aux services, à l’information, à la santé, à
la terre, au crédit, au travail et aux autres ressources. Il est perçu comme la première étape
dans le processus de l’avancement des femmes. En effet, les disparités dans la satisfaction des
besoins de base proviennent directement d’un accès inégal aux ressources. Comparativement
aux hommes, les femmes ont un moindre accès à l’éducation, aux emplois salariés, ainsi
qu’aux services et aux sources d’informations sur la santé.
Le niveau d’instruction, l’activité économique et les habitudes médiatiques par rapport à ceux
des hommes nous permettent d’opérationnaliser l’accès aux ressources. L’analyse révèle que
les jeunes femmes ivoiriennes ont un accès inégal aux sources d’information justes et fiables,
ont un niveau d’instruction moins élevé, ont plus de chances d’être sans emploi, et ont un
moindre accès aux services de sante par rapport aux hommes, en général, et à leurs partenaires
sexuels, en particulier.
La conscientisation
La croyance que le statut socio-économique inférieur des femmes et la division sociale et
traditionnelle du travail font partie de l’ordre naturel des choses est à la base de la disparité de
statut entre les hommes et les femmes. La prise de conscience implique le rejet de ces
croyances et pratiques par l’ensemble de la population. Ce niveau d’égalité suppose que l’on
fait la différence entre les rôles sexuels et les rôles déterminés selon le genre. Nous
opérationnalisons la conscientisation à travers les connaissances vis-à-vis la prévention du
VIH, les attitudes envers les méthodes de prévention du VIH, l’estime du soi et les attitudes
envers les rôles de genre.
Les données ont révélé que les jeunes filles ont un niveau de connaissances à l’égard de la
prévention du VIH sensiblement plus bas que celui des garçons. Un nombre important de
jeunes hommes et jeunes femmes ont des attitudes qui favorisent des comportements à risque,
tel que le multipartenariat et les relations sexuelles intergénérationnelles. En ce qui concerne
ces attitudes, il n’y a guère de différences entre garçons et filles. En revanche, en moyenne,
les attitudes vis-à-vis de l’utilisation du préservatif sont plus favorables chez les jeunes
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
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femmes comparées aux hommes. En outre, proportionnellement plus de garçons que de filles
ont soit fait le test de dépistage du VIH soit ont l’intention de faire le test dans l’avenir
proche. Les jeunes femmes manifestent un niveau d’estime de soi moins élevé que pour les
jeunes hommes. Plus précisément, selon les données de l’enquête de 2007, comparées aux
jeunes hommes, les jeunes femmes sont proportionnellement moins nombreuses à croire
qu’elles ont un avenir brillant devant elles, qu’elles sont importantes pour leur famille et
qu’elles peuvent faire les choses aussi bien que la plupart des gens de leur âge. En ce qui
concerne les normes liées au genre, nos données suggèrent qu’un nombre important
d’hommes et de femmes ont des attitudes qui favorisent le traitement inégalitaire des sexes et
l’inégalité des pouvoirs entre hommes et femmes. Cependant, il apparait que les attitudes
favorisant le traitement inégalitaire des sexes sont plus répandues chez les hommes comparé
aux femmes.
La participation
La participation signifie que les femmes autant que les hommes sont impliqués activement
dans le processus de développement, et particulièrement au niveau de la prise décision. Le
niveau d’exposition aux programmes de communication au sujet du VIH, et la discussion du
VIH/sida avec les autres sont deux variables qui nous permettent d’opérationnaliser la
participation au processus du changement des comportements. Les données quantitatives
révèlent que les garçons ont plus de chance d’être exposés à la campagne de prévention du
VIH réalisée par CCP dans les douze mois avant l’enquête de 2007. Les jeunes filles ont plus
de chances que les garçons de rapporter qu’elles ont déjà eu une discussion avec leurs parents
ou tuteur au sujet de la sexualité. Ce résultat reflète un double standard de la part des parents,
plus précisément, la tendance des parents d’attendre des filles un niveau de chasteté plus élevé
que pour les garçons. En revanche, la proportion ayant discuté des moyens de prévention de
VIH avec leur partenaire sexuel est plus élevée chez les garçons.
Le contrôle
Le contrôle découle de la participation et signifie d’une part, un équilibre de pouvoir entre les
hommes et les femmes et d’autre part, que les femmes peuvent exercer le pouvoir, aux côtés
des hommes, et avoir de l’influence sur leur destinée et celle de leur société. Dans le cadre de
cette étude, nous examinons le contrôle à travers le sentiment d’auto-efficacité et les
comportements sexuels chez les jeunes. Les résultats suggèrent que les sentiments d’autoefficacité de pouvoir utiliser des préservatifs, d’être fidèle à un seul partenaire sexuel et de
réduire le nombre de partenaires sexuel sont très répandus parmi les jeunes hommes et filles.
Par contre, presque la moitié des garçons et filles n’ont pas le sentiment de pouvoir refuser
des rapports sexuels avec une personne qui offre des cadeaux ou avec une personne connue
pour plus de trois mois. En ce qui concerne les comportements sexuels, les données révèlent
que les premiers rapports sexuels sont plus précoces chez les filles que chez les garçons. Le
multipartenariat est assez courant aussi bien chez les filles que chez les garçons. Cependant,
les garçons sont plus nombreux à admettre avoir eu plus d’un partenaire au cours des trois
dernier mois. L’utilisation du préservatif est moins répandue chez les jeunes femmes
comparées aux hommes. Ce fait peut être expliqué par la tendance des femmes d’avoir des
vi
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
partenaires sexuels plus âgés qu’elles avec lesquels la négociation du préservatif peut s’avérer
difficile.
Au terme de cette étude, nous faisons les recommandations suivantes :
Etant donné les conditions de vie précaires des filles et le lien entre leurs conditions de
vie et les comportements sexuels à haut risque, les efforts qui cherchent à améliorer
leur niveau de vie sont pertinents. Les exemples des programmes pertinents à cet
égard comprennent des apprentissages professionnels, une assistance financière
permettant aux jeunes femmes d’établir un petit commerce et d’autres projets
d’activités génératrices de revenus. Les ONG locales peuvent collaborer avec des
entreprises dans la communauté pour identifier les ressources locales pour permettre
aux filles vulnérables de continuer dans le système scolaire et d’apprendre un métier
ou avoir le capital pour initier un petit commerce si elles sont hors du système
scolaire.
Les jeunes filles ont besoin d’acquérir des connaissances et des compétences pour la
vie relatives à la prévention du VIH. Des activités au sein du groupe et des
programmes de communication spécialement développés pour ce groupe cible
devraient chercher à accroître leurs connaissances des méthodes de prévention du
VIH, les aider à développer des attitudes plus favorables à la prévention, renforcer leur
auto-efficacité pour prévenir l’infection et les encourager à avoir une vision positive
d’elles mêmes. D’autres compétences qui sont pertinentes pour ces femmes
comprennent la négociation du préservatif, comment convaincre son partenaire à
accepter de faire le test de dépistage, et comment refuser des relations sexuelles
transactionnelles ou intergénérationnelles. Ces activités et programmes devraient
impliquer l’auditoire cible dans le développement et la réalisation aussi bien que dans
l’évaluation.
Il est important de cibler les parents avec des messages et activités leur permettant de
mieux communiquer avec leurs filles et garçons. Il est important de renforcer la
capacité des parents à discuter des sujets ayant trait à la sexualité et à la prévention du
VIH avec leurs progénitures. Il convient aussi pour les parents de voir la nécessité de
parler de la sexualité non seulement avec leurs filles mais aussi avec leurs garçons. La
discussion parent-enfants au sujet de la sexualité n’est pas normative en Cote d’Ivoire.
Certes, la façon d’aborder ces sujets avec leurs enfants est importante. Peut-être plus
important est le contenu des conversations parent-enfant autour de la sexualité. Les
parents ont besoin des informations justes et fiables au sujet du VIH et doivent se
sentir à l’aise de parler de ces sujets sensibles.
Des efforts doivent également cibler les hommes (jeunes et plus âgés) en tant que des
partenaires potentiels des jeunes femmes. Des interventions de communication qui
cherchent à promouvoir des attitudes favorables aux comportements sains et à changer
des comportements à hauts risques chez les hommes sont nécessaires.
Il est pertinent de focaliser des efforts sur le renforcement de la capacité des
communautés à identifier des normes sociales néfastes à la santé sexuelle des jeunes
femmes, mobiliser les ressources communautaires pour combattre ces normes et à
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
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prendre des actions pouvant réduire la vulnérabilité des hommes et femmes. En
particulier, le renforcement de la capacité de la communauté à protéger et à secourir
les jeunes femmes au sein de la communauté devrait être une priorité.
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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
I.INTRODUCTION
1.1 Contexte et justification
La Côte d’Ivoire avec une séroprévalence de 3,4% (ONUSIDA, 2010) est le pays le plus
affecté par le VIH/sida en Afrique de l’Ouest. La pandémie a un impact sur le développement
socio-économique de la Côte d’Ivoire car elle atteint la population active : les jeunes et les
adultes sont les plus affectés à cause de leurs comportements sexuels à risque. Pour renforcer
la lutte contre le sida, le gouvernement et les organismes internationaux travaillent de concert
en vue de réduire la transmission du VIH et de faire reculer l’épidémie. Le Centre des
Programmes de Communication de l’école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg (JHU
CCP) figure parmi les structures internationales qui contribuent à la lutte contre le sida en
Côte d’Ivoire.
L’un des objectifs du programme Prévention active et communication transformatrice de
CCP est de faciliter le dialogue et la réflexion sur les normes sociales et de genre existantes et
d’encourager la promotion de nouvelles normes qui contribuent à réduire l’infection à VIH et
à améliorer la santé et le bien-être des jeunes filles, des femmes, des familles et des
communautés. En effet, en Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux pays africains, les
rapports hommes-femmes gardent toujours une empreinte de conservatisme : les normes de
genre traditionnelles empêchent les jeunes filles et les femmes de gérer librement leur vie
sexuelle en adoptant des comportements sexuels à moindre risque. De ce fait, elles sont deux
fois plus exposées aux IST et à l’infection à VIH que leurs partenaires masculins. L’EIS de
2005 indique des séroprévalences respectives de 0,4% chez les filles de 15 à 19 ans et de
0,2% chez les garçons de la même tranche d’âge.
Deux études sur les normes sociales, culturelles et de genre qui contribuent à la vulnérabilité
des jeunes face au VIH/sida en Côte d’Ivoire, réalisée par le CCP en 2006 et en 2007, ont
confirmé les liens existants entre normes traditionnelles et difficultés à se protéger du
VIH/sida (CARID, 2008). En 2010, une autre étude de JHU-CCP sur les jeunes filles
déscolarisées et non scolarisées a permis de dresser le profil de cette cible et de fournir des
informations destinées à renforcer les capacités des jeunes femmes en matière de protection
contre le VIH/sida.
La présente étude est une analyse secondaire des données provenant de l’enquête de 2007 et
de l’analyse situationnelle des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées vulnérables de
2010. A travers une approche genre, nous analysons ces données en vue de mettre en exergue
les facteurs qui rendent ces femmes vulnérables en face au VIH/sida.
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
1
1.2 Approche conceptuelle
1.2.1 Définitions des termes
Un certain nombre de concepts mérite d’être clarifié dans cette recherche afin d’assurer une
bonne compréhension, des objectifs et des résultats visés par l’étude. Ce sont entre autres, les
notions de connaissance, attitude, comportement, vulnérabilité, pratique et genre.
La connaissance est le fait d’avoir une idée, une notion de quelque chose, elle se rapporte à
toutes les choses sues ou connues via la conscience mentale. Elle est l'information
intellectualisée. C’est donc le produit de l’apprentissage qui favorise la naissance de l’attitude
ou de l’opinion et prédispose à l’action.
L'attitude est « l'état d'esprit » d'une personne vis-à-vis d'un objet, d'une action ou d’une
autre personne. Cet état d’esprit se met en place par le fait de l’expérience vécue ou de la
connaissance reçue, prépare ou influence le comportement et dans une certaine mesure la
pratique des individus. Elle sert à expliquer le comportement et la pratique d’un sujet en
tenant compte de ses dispositions mentales. Elle peut être influencée par le milieu social ou
les préjugés. Thomas et Alaphilippe (1983) définissent l’attitude comme un « état généralisé
de dispositions à un comportement motivé » Une attitude est dirigée vers un objet, et rend
compte d'une constance comportementale vis-à-vis de cet objet. Dans le cadre de cette étude
l’attitude se rapporte à l’action, à l’agir des populations.
Le comportement est l’ensemble des conduites de l’individu dans son environnement proche
ou dans sa société. Ajzen & Fishbein (1980) recommandent de le définir en précisant quatre
conditions: l’action, l'objet, le contexte et le temps. L'action se réfère à un verbe (e.g. utiliser)
qui est dirigé vers un objet (e.g. un préservatif). Le comportement dépend aussi du contexte
dans lequel il se déroule et le moment auquel il se réalise. Par exemple, la décision de se faire
dépister pourra varier selon le contexte spécifié (on a un proche qui est séropositif ou pas).
De la même manière, l'intention de faire le test de dépistage pourra varier selon le moment
auquel on fait référence (au cours de la prochaine semaine ou au cours des prochains douze
mois).
Quant à la pratique, elle désigne, les règles de la conduite individuelle et collective, le
système des devoirs et des droits, en un mot les rapports moraux des hommes entre eux. La
pratique est une logique des comportements spécifiques à chaque milieu (Ferréol, 2002).
Le genre s’emploie pour les différences socialement construites entre les hommes et les
femmes. Alors que le sexe biologique est déterminé par les caractéristiques génétiques, le
genre s’acquiert à travers l’apprentissage, il change d’une époque à l’autre et varie
considérablement au sein des cultures et d’une culture à l’autre. Le mot genre souligne
l’aspect relationnel. Les hommes et les femmes sont définis l’un en fonction de l’autre et ni
l’un ni l’autre ne peut se comprendre si ce n’est en étudiant les deux (Pinnelli, 2004).
Autrement dit, le genre est relationnel et ne se rapporte pas seulement aux femmes ou aux
hommes mais aux relations entre les hommes et les femmes.
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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Enfin, la vulnérabilité définit les caractéristiques d'une personne ou de groupe et de leur
situation qui influent sur leur capacité à anticiper, faire face à, résister et récupérer de l'impact
d'un danger (Wisner et al, 2004). En d’autres termes, c’est le caractère de ce qui est
vulnérable, ce qui est facilement atteint, ce qui est fragile ou faible.
1.2.2 Grille d’analyse de l’acquisition du pouvoir par les femmes
Après examen des différents outils d’analyse genre, la grille d’analyse de l’acquisition de
pouvoir par les femmes semble la mieux adaptée pour affiner le profil des jeunes filles, et
cerner les facteurs de leur vulnérabilité face au VIH/sida dans le cadre de leur vulnérabilité en
face du VIH. Cette grille est basée sur la théorie du genre qui stipule que le genre social
(féminin ou masculin) d’un individu n’est pas déterminé exclusivement par son sexe
biologique (mâle/femelle), mais par l’environnement socioculturel dans lequel il évolue et par
son histoire de vie. Cet outil a été développé par Sara Longwe dans le courant des années
1990 pour démontrer les dynamiques du pouvoir des hommes et des femmes à plusieurs
niveaux (individuel, social, économique et politique).
Schéma 1 : La grille de Longwe (acquisition du pouvoir par les femmes)
Égalité
Acquisition de
pouvoir
Contrôle
Participation
Conscientisation
Accès
Le bien-être
Longwe (1991) propose d’évaluer le degré d’égalité entre les hommes et les femmes en se
référant à cinq étapes dans le processus d’acquisition du pouvoir : (1) le bien-être ; (2) l’accès
aux ressources et aux bénéfices ; (3) la conscientisation ; (4) la participation ; et (5) le contrôle
(Schéma 1). Les cinq niveaux sont hiérarchiques, dans le sens que l’acquisition du pouvoir au
niveau du contrôle peut avoir un plus grand impact sur l’autonomisation des femmes que, par
exemple, l’égalité au niveau du bien-être. Cependant, dans le schéma, les spirales indiquent
que les différents niveaux ne sont pas nécessairement chronologique et que l’acquisition du
pouvoir n’est pas toujours linéaire. Les gens peuvent progresser d’un niveau à un autre
suivant, peuvent sauter un niveau ou peuvent revenir en arrière.
Si l’égalité entre les hommes et les femmes fait partie de façon intrinsèque de la définition de
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
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l’approche genre et développement, cela implique nécessairement l’acquisition de pouvoir par
les femmes, vue comme une démarche essentielle pour surmonter les obstacles liés à la
promotion de l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes. La grille de Longwe
nous permet d’analyser, à chaque niveau, aussi bien les obstacles que les démarches prises par
les femmes pour les surmonter. Nous expliquons ci-dessous ces cinq niveaux d’égalité :
1er niveau: le bien-être
Il s’agit du niveau de bien-être matériel des femmes, par rapport aux hommes, y compris
l'approvisionnement alimentaire, le logement, le revenu et les soins médicaux. En ce qui
concerne cette définition, peu importe si les femmes sont elles-mêmes créatrices ou
productrices actives des moyens de satisfaire leurs besoins matériels. La non-satisfaction de
ces besoins pratiques peut disposer les femmes à adopter les comportements sexuels à haut
risques, tel le multipartenariat, la non-utilisation des préservatifs et le sexe intergénérationnel.
Il convient cependant d’ajouter que la satisfaction de ces besoins pratiques ne remettent pas
en cause la répartition des tâches entre les hommes et les femmes, ni la position subordonnée
que celles-ci occupent au sein de la société.
Dans le cadre de la présente étude, pour opérationnaliser ce niveau d’égalité entre les hommes
et les femmes, nous nous référons aux indicateurs des conditions de vie, tels que le statut
matrimonial, le contexte résidentiel, et la scolarisation.
2ème niveau : l’accès aux ressources
L’accès aux ressources se rapporte à l'accès des femmes aux facteurs qui permet d’agir et
d’améliorer leurs conditions de vie : la terre, le travail, le crédit, la formation, les services de
santé, l’information pratique, etc. L’égalité dans l’accès aux ressources est perçue comme la
première étape d'autonomie, puisque les femmes améliorent leur propre situation, par rapport
aux hommes, par leur propre travail et organisation résultant d'un accès accru aux ressources.
En effet, les disparités dans la satisfaction des besoins de base proviennent directement d’un
accès inégal aux ressources. Par rapport aux hommes, les femmes ont un moindre accès à
l’éducation, aux emplois salariés, ainsi qu’aux services et à la formation technique qui
donnent accès aux emplois productifs.
Pour opérationnaliser l’accès aux ressources, nous emploierons les variables suivantes : le
niveau d’instruction, les habitudes médiatiques, et l’activité économique.
3ème niveau : La conscientisation
La disparité de statut entre les hommes et les femmes est abordée comme un système de
valeur : la croyance que le statut socio-économique inférieur des femmes et la division sociale
et traditionnelle du travail font partie de l’ordre naturel des choses. La prise de conscience
implique donc le rejet de ces croyances et pratiques par l’ensemble de la population. Ce
niveau d’égalité suppose que l’on conçoive le processus de développement en termes
d’égalité structurelle : les hommes et les femmes doivent comprendre que ce type de
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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
problème ne provient pas des carences des femmes elles-mêmes, mais plutôt d’un système de
discrimination institutionnelle. Cela revient à faire la différence entre les rôles sexuels et les
rôles déterminés selon le genre.
Dans le cadre de la présente étude, les variables dont nous nous servons pour opérationnaliser
la conscientisation comprennent les connaissances vis-à-vis la prévention du VIH, attitudes
envers les méthodes de prévention du VIH, l’estime du soi et attitudes envers les rôles de
genre.
4ème niveau : La participation
La participation signifie que les femmes autant que les hommes sont impliqués activement
dans le processus de développement, et particulièrement au niveau de la prise décision, la
planification, la gestion et l’évaluation des projets du développement. L’égalité de
participation signifie que les femmes sont associées au processus décisionnel des projets de
développement, et ce, dans la proportion de leur représentation au sein de ces communautés.
Pour opérationnaliser ce niveau, nous nous référons aux variables suivantes : la participation
et l’exposition aux programmes de sensibilisation et la discussion des comportements sains
avec les autres.
5ème niveau : Le contrôle
L’égalité de contrôle signifie, d’une part l’équilibre de pouvoir entre les hommes et les
femmes, et d’autre part, que les femmes peuvent exercer le pouvoir, aux côtés des hommes, et
avoir de l’influence sur leur destinée et celle de leur société. Par exemple, l’égalité de contrôle
pour les jeunes femmes déscolarisées et non scolarisées signifie qu’elles pourront prendre la
décision et négocier le port systématique de préservatifs avec leur partenaire sexuel. C’est
l’égalité de contrôle qui permettra aux jeunes filles d’améliorer leur accès aux ressources et,
conséquemment, leurs conditions de vie en adoptant davantage de comportements sexuels
sains et responsables
Les variables suivantes serviront pour opérationnaliser le contrôle : le sentiment d’autoefficacité et les comportements liés à la prévention du VIH.
Dans l’ensemble, cet outil d’analyse genre permettra d’expliquer la situation de vulnérabilité
des jeunes filles et de proposer des solutions pour atténuer les facteurs de vulnérabilités de ces
dernières face au VIH/sida.
1.3 Objectifs de l’étude
L’objectif général de l’étude est d’affiner le profil des jeunes femmes et de mieux cerner les
facteurs de leur vulnérabilité face au VIH/sida.
De manière spécifique, l’étude, réalisée dans une perspective genre, permettra de :
- Décrire les trajectoires de vulnérabilité des filles à risque de VIH et leurs
comportements sexuels à risque.
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
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- Documenter l’inégalité du pouvoir entre hommes et femmes en se servant de la grille
d’analyse de Longwe.
- Identifier les facteurs liés au genre qui influencent les comportements sexuels à risque
de ces jeunes filles.
- Comprendre le rôle de l’entourage des jeunes filles, tant en ce qui concerne leurs
comportements sexuels à risque, que leurs stratégies pour se protéger du VIH/sida.
- Proposer des stratégies efficaces de prévention du sida pour ces jeunes filles.
II METHODOLOGIE DE L’ETUDE
2.1. Description des données
L’étude est essentiellement une analyse secondaire des données de deux recherches menées
par JHU-CCP :
- Analyse situationnelle des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées vulnérables en
Côte d’Ivoire,
- Analyse des normes sociales, culturelles et de genre qui contribuent à la vulnérabilité
des jeunes au VIH/sida en Côte d’Ivoire.
L’analyse situationnelle des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées vulnérables en Côte
d’Ivoire est une étude qualitative conduite en 2010 (CCP, 2010). Elle avait pour objectif de
fournir les informations sur la situation des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées
nécessaires à la conception du programme Super Go. Six groupes de discussion ont été
réalisés parmi les adolescentes âgées de 12-19 ans (trois dans la tranche d’âge 12-15 ans et
trois dans la tranche d’âge 16-19 ans). Chaque groupe a comporté 7 à 10 participantes. Au
total, quarante-huit (48) participantes ont constitué les groupes de discussion à travers les cinq
sites (Yamoussoukro, San-Pedro, Abidjan : Abobo et Yopougon).
Dix-neuf jeunes filles ont été interviewées individuellement dans les sites avec au moins une
représentante de chaque groupe d’âge dans chaque site. En outre, il a été demandé à ces
jeunes filles d’inviter un partenaire principal de 21 ans et plus pour un entretien ; 14 entretiens
avec les partenaires masculins ont été réalisés.
La difficulté majeure rencontrée au niveau de l’analyse qualitative était relative à
l’insuffisance des données recueillies qui à l’origine n’étaient pas destinées à documenter une
analyse selon le genre. Ainsi, les données ne renseignaient pas suffisamment les aspects sur
la confiance en soi, le contrôle du pouvoir, la participation des jeunes filles, parmi tant
d’autres. Cependant, certains propos des jeunes filles ont permis tant soit peu de faire une
analyse sur ces questions importantes de l’analyse genre. De plus, la population cible, surtout
les filles âgées de 12 à 15 ans, n’étaient pas toujours en mesure de donner des réponses
pertinentes et de procéder à des analyses approfondies de leur propre situation.
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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Concernant l’analyse des normes sociales, culturelles et de genre qui contribuent à la
vulnérabilité des jeunes au VIH/sida en Côte d’Ivoire, les objectifs étaient d’évaluer d’une
part l’impact de la campagne multimédia « Ma vie, c’est ma décision » sur l’ensemble des
indicateurs relatifs aux normes sociales et aux comportements sexuels ainsi qu’au recours au
test de dépistage. L’étude a été menée auprès de 985 jeunes hommes et femmes âgés de 1524 ans en 2007 à Abidjan, San Pedro, Man, Bouaké, et Abengourou. L’échantillon comprend
500 jeunes femmes et 485 jeunes hommes. Ces données quantitatives fournissent des
informations complémentaires pour appuyer les résultats des analyses qualitatives et nous
permettent de pallier à l’insuffisance des données qualitatives.
2.2. Analyse des données
L’analyse des données qualitatives (discussions en focus groupe et entretiens individuels
approfondis) s’est faite à partir de l’analyse de contenu articulée autour de la grille d’analyse
de l’acquisition de pouvoir par les femmes et selon la méthode suivante :
extraction, pour chaque thème, des messages clés tels qu’exprimés par les
informateurs ;
hiérarchisation de ces messages en fonction de leur fréquence d’apparition dans
chacun des groupes selon les tranches d’âges et dans l’ensemble ;
comparaison entre les groupes de façon à dégager les divergences et les
convergences ;
illustration des messages clés par un verbatim qui reflète la perception exprimée par
les enquêtés.
De manière plus pratique, l’exercice a consisté à former des corpus de texte à partir des
synthèses des entretiens avec les enquêtées de sorte à dégager des unités sur les principaux
thèmes. Ces synthèses ont pour principaux centres d’intérêts :
(i)
Les conditions de vie des enquêtées, notamment leur activité principale au
moment de l’enquête, leur capacité à se prendre en charge elles-mêmes, leur
situation matrimoniale, le nombre d’enfant qu’elles ont, leur capacité à prendre en
charge leur propre enfant, les raisons de l’abandon de l’école.
(ii)
Le profil sociodémographique des partenaires sexuels des jeunes filles
déscolarisées et analphabètes et de leur prise en charge par ces derniers.
(iii)
L’accès des jeunes filles aux services de santé et à l’information sur le VIH/sida.
(iv)
Les connaissances et attitudes des jeunes filles et de leur partenaire vis-à-vis du
VIH/sida.
(v)
Les comportements sexuels à risque suscités par leur situation de vulnérabilité.
(vi)
La nature des relations de pouvoir entre les jeunes filles et leurs partenaires
sexuels. Il s’agira d’analyser leur prise de conscience relative au rapport de genre.
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
7
(vii)
L’influence de facteurs externes à l’adoption de comportements sains par les
jeunes filles.
L’analyse croisée des entretiens des partenaires sexuels de quelques unes de ces jeunes filles
s’est faite à partir de la démarche de l’analyse de contenu. Elle a permis de dégager des
cohérences dans les ressemblances et les différences de l’histoire de vie de ces filles et de leur
partenaire sexuel. Elle a permis également de déceler et de confirmer ou non le degré de
vulnérabilité des filles en ce sens que nous analyserons les conditions de vie de ces partenaires
sexuels ; ce, à travers leurs caractéristiques sociodémographiques.
Ces corpus ont été analysés en tenant compte des critères d’exhaustivité (aucune information
importante n’a été laissée de côté), de fidélité (les synthèses sont restées équivalentes aux
entretiens), d’objectivité (application rigoureuse de l’esprit scientifique) et de pertinence
(cohérence entre l’analyse et les objectifs de l’étude). La technique utilisée pour conduire
l’analyse est la description.
Pour les données quantitatives, nous avons réalisé des analyses autour des variables qui nous
permettent d’opérationnaliser chaque niveau de la grille d’analyse de Longwe. Pour chaque
variable d’intérêt, les analyses comprennent des fréquences et des tabulations croisées. Nous
avons aussi examiné les différences entre garçons et filles pour chaque variable d’intérêt. Les
analyses ont été réalisées en utilisant le logiciel Stata.
III.
RESULTATS
3.1. Le bien-être
Il s’agit de décrire dans cette section les conditions de vie dans lesquelles vivent les jeunes
filles par rapport aux hommes. Cette description s’est faite à travers les données qualitatives et
quantitatives, en faisant attention aux facteurs individuels de vulnérabilité et aux facteurs
externes liés aux difficultés matérielles, économiques et familiales.
En ce qui concerne les variables liées au bien-être, il y a des différences significatives entre
les jeunes hommes et les jeunes femmes. D’une manière générale, les jeunes femmes
manifestent des caractéristiques sociodémographiques et des conditions de vie susceptibles
d’accroître leur vulnérabilité en face du VIH. Nous décrivons ces caractéristiques et
conditions de vie ici-bas en faisant des comparaisons entre les hommes et les femmes.
Scolarisation
Plusieurs études en Afrique et ailleurs ont montré que l’école demeure un moyen de
protection des enfants (Agha, Hutchinson & Kusanthan, 2006 ; Babalola, 2005 ; Gupta &
Mahy, 2003). Les données quantitatives montrent que les jeunes femmes ont beaucoup moins
de chances d’être inscrites à l’école. Par exemple, parmi les adolescents âgés de 15-19 ans, la
proportion inscrite était de 44,2% chez les garçons, comparée à 21,0% chez les filles. Chez les
jeunes adultes âgés de 20-24 ans, 29,7% d’hommes et 13,4% de femmes sont inscrits.
8
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Autrement dit, à âge égal, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être hors du
système scolaire.
Les données qualitatives nous permettent de voir les raisons pour lesquelles les jeunes
femmes ont cessé de fréquenter l’école. Il ressort des entretiens que la décision de ne plus
fréquenter l’école résulte parfois de l’indifférence de ces filles vis-à-vis de l’école ou des
difficultés intellectuelles à avancer dans l’apprentissage qu’offre l’école.
J’ai arrêté parce qu’arrivé à un certain moment, ça n’allait plus. Donc, j’ai dit à mon
papa de m’aider, je vais apprendre la coiffure. Adolescente, 16-19 ans, San Pedro.
Quand je suis arrivée au CE2, on m’a dit d’arrêter l’école parce que ça ne peut pas
aller devant, ça ne peut pas aller derrière. Adolescente, 12-15 ans, Abengourou
Aussi, certaines filles abandonnent l’école « à cause des garçons » comme c’est ressorti dans
plusieurs interviews et groupes de discussions. Dans ces cas, l’influence de l’homme n’est pas
explicite mais plutôt subtile. Par exemple, une fille qui rencontre un homme qui semble avoir
des moyens peut cesser de voir l’avantage de continuer l’école.
Je ne sais pas ce qu’elles cherchent au juste, parce qu’aujourd’hui, elles rencontrent
un homme qui a suffisamment de moyens, elles oublient catégoriquement l’école. Moi,
ce que je pense voir, aujourd’hui, elles peuvent rencontrer un boss. Celui-ci peut la
prendre en charge pendant quelques mois seulement. Après ça, c’est fini. On leur dit
d’aller à l’école, elles refusent d’aller à l’école, parce qu’elles savent qu’il y a
quelqu’un qui peut assurer leurs besoins… Elles-mêmes là, leur ambition, c’est de vite
réussir, c’est ce qui fait qu’elles abandonnent l’école. Homme adulte, Partenaire
d’une jeune fille de 19 ans, San Pedro.
(Rire) je peux dire non que c’est à cause d’un homme que j’ai arrêté. Parce que je
voulais être tout le temps avec lui, je ne partais plus à l’école. Mes parents me
forçaient, ma maman me forçait, mais je ne voulais. Je dis non que je l’aime, tout ça,
donc, je peux ne pas partir. Donc, c’est comme ça que j’ai arrêté l’école. Jeune fille,
19 ans, Abidjan
Ces affirmations démontrent que certaines jeunes filles privilégient la vie de couple au
détriment de l’école. Il en ressort que pour certaines femmes, l’essentiel pour une fille c’est de
se mettre en ménage, de faire des enfants, avoir un bon mari capable de prendre en charge sa
famille. Le mariage dans ce cas est considéré comme le meilleur statut social de la femme. Le
mariage est le souhait primordial des jeunes filles qui ont participé à cette étude.
Actuellement, c’est mariage, on cherche. Si on a gagné mariage là, comme ça c’est
bien. A part mariage là, il n’y a rien encore. Jeune fille, 16 ans, San Pedro.
La perception de la grande importance du mariage chez les jeunes femmes émane peut-être
d’une construction sociale traditionnelle qui a tendance à réduire la valeur et le rôle de la
femme à la procréation et aux travaux ménagers. C’est un environnement social qui accorde
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
9
plus d’avantages sociaux, économiques et de considérations à l’homme qu’à la femme et
institue une inégalité de genre entre les deux sexes.
Des fois, les filles sont obligées d’abandonner l’école pour des raisons financières.
Apparemment, quand les familles ont des difficultés financières qui les empêchent
d’envoyer tous leurs enfants à l’école, la tendance est de demander à la fille d’arrêter. Dans ce
contexte, les jeunes filles ne participent guère à la décision des parents de ne plus les
scolariser. Les normes liées au genre qui attribuent un statut supérieur au sexe masculin
soutiennent cette tendance à privilégier la scolarisation des garçons au détriment de celle des
filles.
Moi, je fréquentais, mais j’ai arrêté les études en classe de 3ème. Parce que mon papa
n’avait pas les moyens pour me mettre à l’école. C’est ça, je suis allée à apprendre un
métier. Dieu est grand, si j’ai les moyens l’année prochaine, je vais repartir à l’école.
Jeune fille, 18 ans, San Pedro
D’autres facteurs qui ont tendance à limiter la scolarisation des filles comprennent les
grossesses non désirées et précoces, les violences à l’école, y compris la violence physique et
psychologique (les injures), le mariage forcé et le mauvais traitement des filles de la part des
enseignants.
Souvent, au lieu de partir à l’école, elles vont se promener. Et quand on les enceinte,
on les renvoie de l’école. Groupe de Discussion, jeunes femmes, 16-19 ans,
Abengourou
Quand je partais à l’école avant, quand on me frappait là, ça me faisait mal, je
pleurais. Mais quand j’ai quitté l’école, j’étais découragée. A l’heure là, j’ai envie
d’aller à l’école. Groupe de Discussion, jeunes femmes, 16-19 ans, Abidjan
L’analyse des données indique que les filles au moment de l’enquête avaient beaucoup de
regrets d’avoir abandonné l’école, soit par leurs propres fautes ou du fait des difficultés
familiales. Elles n’appréciaient guère leur vie de déscolarisée et avaient perdu plus ou moins
l’estime de soi, parce qu’elles n’ont pu réaliser le métier de leur rêve.
Quand je partais à l’école, ma maman disait que l’école est bien, ça assure l’avenir.
Mais moi, je ne prenais (trouvais) pas ça en bon quoi. Et puis je suis restée comme ça
jusqu’à ce que je sois orpheline. Mes parents sont morts, je n’ai plus rien, je ne peux
pas partir à l’école encore. Maintenant, ça me décourage. Quand je vois, je pense
quand j’étais au CP1 et que je m’amusais, ça me décourage vraiment. J’ai arrêté
l’école quand mes parents sont morts. Groupe de Discussion, jeunes femmes, 16-19
ans, Abidjan
Je regrette d’avoir arrêté parce que je veux être fonctionnaire de l’Etat. Jeune fille,
17 ans, Abidjan
10
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Situation matrimoniale
Il y des différences nette entre les garçons et les filles en ce qui concerne la situation
matrimoniale. Dans le groupe d’âge 15-19 ans, 14.2% des filles comparé à 4.3% des garçons
sont déjà mariés. De la même manière, dans le groupe d’âge 20-24 ans, proportionnellement
plus de femmes (42.9%) que d’hommes (12.0%) sont déjà mariées. Autrement dit, le mariage
précoce est plus répandu chez les filles que chez les garçons.
Les données qualitatives montrent que dans leurs conditions de vie déjà précaires, les jeunes
filles, par moment, devaient prendre en charge certaines personnes, surtout leurs propres
enfants et des fois leur partenaire sexuel. Comme l’a confirmé un partenaire sexuel:
C’est une fille merveilleuse. Elle-même m’aide souvent ; elle travaille dans un salon
de coiffure. Quand je n’ai plus rien souvent, elle m’aide. Mais, il m’arrive de lui
donner de l’argent, mais c’est vraiment rare. Homme adulte, Partenaire de jeune
fille de 17 ans, Abidjan.
En effet, selon les données, plusieurs d’entre elles avaient des enfants non reconnus par le
partenaire. En outre, plusieurs d’entre elles vivaient en union libre et sans source de revenus.
Certaines avaient relativement entamé une vie de famille avec tout ce que cela comporte
comme responsabilité et charges.
C’est mon premier, il ne mange pas d’abord. Si c’est habit là, il n’a pas beaucoup
d’habits. Il n’a pas d’habits même. L’habit que je lui porte là même, c’est deux
seulement. Deuxième là même, son caleçon est déchiré, j’ai jeté. Même avant quand
l’enfant n’avait pas de berceau, on se moquait de nous. Les gens disaient qu’on n’a
pas l’argent et puis on fait enfant… Jeune femme, 19 ans, San Pedro.
Dans ces conditions extrêmes de pauvreté, les filles et leurs enfants reviennent souvent à la
charge des parents vivant eux aussi dans des conditions de précarité avancée. En clair, les
jeunes filles au moment de l’enquête n’avaient pas de situation matrimoniale stable et
socialement reconnue par les parents ou la communauté.
Face à toutes ces difficultés, certaines filles sont tentées ou contraintes de chercher des
ressources additionnelles à travers des activités sexuelles à haut risques, au péril de leur santé.
Pour la majorité, elles ont les activités dans la journée. Mais la nuit chacune fait ce
qu’elle a à faire. Elles sont dans leur quartier où on dit SICO là. C’est un quartier des
‘’djandjous’’ (prostituées) Groupe de discussion, jeunes femmes, San Pedro.
Contexte de résidence
Dans cette section, nous examinons des variables liées au contexte de résidence au cours des
douze premières années de la vie et au moment de l’étude, a savoir, la proximité de la famille,
le temps passé en famille, et la période d’échange avec la famille. Plusieurs études ont
démontré le rôle clé que le milieu familial joue dans les comportements sexuels des enfants.
Par exemple, la proximité des parents, leurs attitudes et comportements et la surveillance
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
11
parentale ont des conséquences pour l’âge des enfants au début des rapports sexuels,
l’utilisation des préservatifs et le nombre de partenaires sexuels (Babalola, Tambashe, &
Vondrasek, 2005; McGrath, Nyirenda, Hosegood & Newell, 2009)
Les données quantitatives ont montré que les filles ont moins de chances que les garçons de
vivre avec leurs parents aussi bien au cours des douze premières années de leur vie qu’au
moment de l’enquête. Par exemple, 85% des garçons comparé à 75% des filles ont grandi
dans un foyer avec au moins un de leurs parents (z=4.648 ; p<0.0001). De la même manière,
parmi les répondants non-mariés âgés de 15-19 ans, 71.2% des hommes et 60.3% des filles
vivent avec au moins un de leurs parents au moment de l’enquête ( z=2.45 ; p<.05).
Concernant ce dernier indicateur, la différence entre filles et garçons est particulièrement
visible au milieu urbain (71.5% des garçons comparé à 48.2% des filles ; p<0.001). En
d’autres termes, les filles ont plus de chances d’être privées de la présence bienfaisante de
leurs parents au moment critique de leur vie où elles en ont le plus besoin.
L’examen des données qualitatives montre que dans plusieurs cas, les jeunes filles
déscolarisées ou non scolarisées ne vivent pas avec leurs parents géniteurs pour bien des
raisons. Le décès des parents est la principale cause avancée par les filles enquêtées pour se
retrouver avec un parent proche (la tante, le frère) ou chez un ami (partenaire sexuel).
De plus, lorsque ces filles vivent avec leurs parents géniteurs, leurs occupations d’apprenantes
absorbent tout leur temps et elles passent moins de temps dans l’enceinte familiale, loin du
contrôle et de l’autorité des parents.
Je ne passe pas beaucoup de temps en famille. Ce sont les soirs que je suis à la
maison ou bien les matins quand je me réveille. Jeune fille, 17 ans, Abidjan.
Cet effritement des liens familiaux laisse la porte ouverte à toute déviation comportementale,
en particulier des déviations dans les pratiques sexuelles. Par ailleurs, leur condition de
déscolarisées ou de non scolarisées fait qu’elles sont souvent laissées-pour-compte au
détriment de leurs frères et sœurs qui fréquentent encore l’école. Elles bénéficient de moins
d’attention de leurs propres parents ou des proches parents.
Bon, mon papa, je ne suis pas trop proche de lui. Lui et moi on ne cause pas trop. Il
est un peu fâché contre moi, parce que j’ai arrêté l’école. Je suis un peu proche de ma
mère ; mais il y a des choses que je ne peux pas parler avec elle. Jeune fille, 17 ans,
Abidjan
Même quand les filles vivent avec leurs parents, l’environnement familial n’est pas toujours
favorable à une éducation sexuelle car les parents abordent peu les sujets liés à la sexualité
avec leurs enfants. Les jeunes s’informent sur la sexualité auprès des personnes qui, elles
aussi, ont de faibles connaissances dans ce domaine; c'est-à-dire les amis ou les sœurs.
Caractéristiques sociodémographiques des partenaires sexuels des filles
A partir des données quantitatives et qualitatives, nous avons appréhendé les caractéristiques
sociodémographiques des partenaires des jeunes filles. Nous examinons l’âge, le niveau
12
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
d’études, la profession et la situation matrimoniale de ces partenaires. C’est un ensemble de
facteurs qui permet de décrire au mieux ces hommes et établir une comparaison entre ceux-ci
et leurs partenaires sexuelles, de mettre en évidence les disparités entre ces deux catégories et
leurs effets sur la vulnérabilité des jeunes femmes.
Age : Les données quantitatives montrent que parmi les répondants qui ont fourni leur âge et
celui de leurs partenaires au moment des premiers rapports sexuels, 50,2% des filles comparé
à 3,1% des garçons étaient au moins cinq ans plus jeunes que leurs partenaires sexuels. De
plus, 80,2% des hommes comparé à 18.8% des femmes ont eu leurs premiers rapports sexuels
avec une personne d’un âge semblable aux leurs (entre -2 ans et + 2 ans). Les données
qualitatives appuient ces résultats quantitatifs. D’une façon générale les partenaires sexuels
actuels des filles déscolarisées et non scolarisées étaient nettement plus âgés qu’elles. A
l’analyse, on a pu identifier des cas de rapports sexuels intergénérationnels où il y avait une
différence d’âge de plus de quinze ans. Une pratique qui est en défaveur des jeunes filles
quand on sait les relations de domination qui pourraient exister dans ce type de rapports. En
effet, il est possible que dans ces relations, où les jeunes filles semblent être dans une situation
de demandeuses, les hommes plus âgés soient tentés d’imposer leurs visions des choses
sexuelles empreintes de valeurs culturelles de domination et d’inégalité aux jeunes filles sans
moyens, vulnérables et dépendantes qui les pratiquent à but lucratif. En effet, pour beaucoup
d’entre elles, ces relations sont des occasions pour obtenir de l’argent afin de subvenir à leurs
besoins
Activité principale : Les données qualitatives montrent que les filles déscolarisées et non
scolarisées, dans leur grande majorité, avaient pour partenaire sexuel des jeunes sans activités
fixes, faiblement rémunérées. C'est-à-dire des jeunes sans emploi et qui disent se débrouiller.
Ils vivent eux aussi avec leurs parents et sont à leur charge. On note également des jeunes
déscolarisés, des élèves et des étudiants parmi les partenaires sexuels des filles déscolarisées.
Je ne travaille pas encore. Je suis étudiant. Je dépends de ma mère principalement …
je ne gagne rien ; je ne peux pas m’occuper d’elle [la copine]; ça, elle le sait. Elle ne
me met aucune pression, car elle m’aime. Cependant, quand j’ai de l’argent il
m’arrive d’aller prendre un pot avec elle. Homme adulte, partenaire sexuelle d’une
fille de 16 ans.
Je ne travaille pas encore. J’essaie de passer des concours ; mais jusqu’à présent, ça
ne marche pas. Je vais donc me débrouiller au port actuellement en attendant de
pouvoir épargner pour le concours de gendarmerie ou autres concours. Pour le
moment, j’estime que je ne fais rien… C’est une fille [la copine] merveilleuse. Ellemême, m’aide souvent ; elle travaille dans un salon de coiffure. Quand je n’ai plus
rien souvent, elle m’aide. Mais, il m’arrive de lui donner de l’argent, mais c’est
vraiment rare. Homme adulte, partenaire sexuelle d’une fille de 17 ans.
Certains de ces partenaires sexuels exerçaient une activité dans le secteur informel tout
comme la majorité des filles rencontrées. Ainsi l’indiquait ce partenaire sexuel en ces termes :
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
13
Moi, je suis gérant de cabine ; j’ai suivi des cours d’école coranique où j’ai le grade
de professeur. Je suis marié, père d’un enfant. Bon, voila ce que je peux dire pour le
moment. Il faut dire aussi que j’ai 39 ans. Homme adulte, partenaire sexuel d’une
fille de 18 ans
Au cours de l’analyse, il est ressorti que des partenaires sexuels qui ont un emploi ont aussi
affirmé ne pas pouvoir joindre les deux bouts parce qu’ils avaient trop de charges familiales.
Ce sont donc des partenaires en situation de précarité qui n’arrivaient à subvenir
convenablement à leurs propres besoins et ceux des jeunes filles non scolarisées et
déscolarisées. Ceci amène les jeunes filles à avoir plusieurs partenaires sexuels pour subvenir
à leurs besoins. Une situation qui les rend davantage vulnérables
Leur situation matrimoniale : L’analyse de la situation matrimoniale des partenaires révèle
qu’ils étaient en général sans co-résidence avec leur partenaire sexuelle. Ceci à cause de leur
situation sociale précaire du moment qui ne leur permettait pas de se prendre eux-mêmes
convenablement en charge, encore moins de s’occuper d’une femme et éventuellement des
enfants.
Cependant, on a constaté après examen des données qu’il existait une minorité de cas où, il y
avait un engagement relativement sérieux dans la mesure où les deux personnes vivaient sous
le même toit et en famille. Il y avait également des cas où le partenaire avait d’autres petites
amies.
Bon, actuellement…Wai, à part elle, j’ai une autre camarade. Homme adulte, partenaire
sexuelle d’une jeune femme de 19 ans
3.2. Accès aux Ressources
Le deuxième niveau de la grille de Longwe se rapporte à l'accès des femmes aux facteurs de
production. Dans le cadre de cette étude, nous examinons le niveau d’instruction, les
habitudes médiatiques et la profession des jeunes femmes par rapport à celles des hommes.
Niveau d’instruction
Les données quantitatives montrent que dans l’ensemble, le niveau d’instruction est plus élevé
chez les hommes que chez les femmes. Par exemple, alors que 40,3% des garçons âgés de 1519 ans ont un niveau d’instruction post-primaire, seulement 26.7% des filles du même âge ont
un niveau semblable. Parmi les répondants âgés de 20-24 ans que 39,6% des hommes
comparé à 27,3% des femmes ont un niveau d’instruction post-primaire.
Activité Economique
L’examen des données qualitatives a révélé que les filles déscolarisées et non scolarisées
ayant participé aux activités de la recherche étaient pour la plupart sans activité, surtout pour
les filles de douze à quinze ans. Dans le meilleur des cas, elles s’adonnaient à des tâches
ménagères sans être rémunérées.
14
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Dans la journée, j’aime partir chez mes camarades parce qu’elles sont à côté de nous.
C’est là-bas que je vais. Moi, je ne vais trop là-bas même, ce sont elles qui viennent
souvent chez nous à la maison, Jeune fille, 12 ans, San Pedro
Bon, la journée je suis à la maison, je ne fais rien. Groupe de discussion, Jeunes
femmes, 16-19 ans, San Pedro
Pour les plus âgées de 16 à 19 ans, la majorité d’entre elles étaient dans des ateliers
d’apprentissages aux métiers du secteur informel, principalement la coiffure et la couture. Par
ailleurs, quelques filles déscolarisées avaient des activités génératrices de revenus. Certaines
avaient comme activité principale le petit commerce de fruits, d’eau, d’attiéké, etc. D’autres,
par contre, étaient des filles de ménage (bonnes ou servantes) ; des activités généralement peu
rémunérées. C’est pourquoi, elles ont révélé qu’elles ne gagnaient pas suffisamment d’argent
pour subvenir à leur besoins pratiques. Cette situation d’insuffisance de ressources
occasionnant des besoins non satisfaits est décrite respectivement par une bonne et une
vendeuse.
Moi, c’est moi je fais tout chez ma tante. Je lave les habits, je lave les enfants, je
surveille les enfants, C’est bon, ma tante me donne l’argent. Ça ne suffit pas, mais je
laisse comme ça. Groupe de discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, Abidjan
Moi, je vends « doklou » (farine de maïs) devant la cour, je m’assois. Si je gagne
l’argent, ou mes grandes sœurs payent et puis, on mange. Si elles n’ont pas l’argent,
on est là. Groupe de discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, San Pedro
Les données ont montré que celles qui au moment de l’enquête étaient sans activité étaient
prises en charge partiellement ou totalement par leurs parents ou par leur partenaire sexuel.
Ces derniers étaient généralement sans activité fixe bien rémunéré ; ou pire, ils étaient euxmêmes pris en charge par leur famille.
Moi, je vendais Awa (eau minérale). Actuellement, j’ai arrêté. C’est mon camarade
qui me donne l’argent. Groupe de discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, San
Pedro
Habitudes médiatiques
Les habitudes médiatiques déterminent l’accès aux informations qui peuvent susciter un
changement d’attitudes
Tableau 1: Exposition aux medias par sexe et par âge
et de comportements. Le
Groupe d’âge : 15-19 ans
Tableau 1 montre
Indicateur
Masculin Féminin z/p
l’exposition des
% qui écoute la radio
67,0
39,7
6,167/p<0.0001
répondants de l’enquête
% qui regarde la télévision 74,8
68,8
1,49/p>0,1
de 2007 aux médias par
Groupe d’âge : 20-24 ans
Indicateur
Masculin Féminin z/p
sexe et par âge. En
% qui écoute la radio
79,3
40,3
8,721/p<0.0001
général, les données
% qui regarde la télévision 75,2
65,9
2.222/p<0.05
montrent que les filles
Source : Enquête de 2007
ont un niveau
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
15
d’exposition aux médias moins bas que celui des garçons, surtout pour les répondants âgés de
20-24 ans et concernant l’exposition à la radio. Ces résultats sont valables aussi bien en milieu
urbain qu’en milieu rural. De plus, les garçons qui suivent des émissions télévisées passent
significativement plus de temps devant la télévision comparé aux filles : 3,7 heures en
moyenne par jour pour les garçonscomparé à 3,0 heures pour les filles. De la même manière,
les jeunes hommes qui écoutent la radio y passent plus longtemps que les jeunes femmes : 4,7
heures en moyenne par jour pour les hommes comparé à 3,7 heures pour les femmes. En
somme, si les médias ouvrent la porte à l’extérieure, les garçons ont plus d’avantages que les
filles.
Accès aux services de santé
Selon l’étude qualitative, l’accès des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées aux services
de santé est relativement limité pour plusieurs raisons. La première raison d’inaccessibilité est
liée à leur situation de double vulnérabilité. Elles sont pour la plupart sans revenu et
dépendent de leurs parents eux-mêmes vivant des difficultés financières, ou elles sont
orphelines. Parfois, les jeunes filles vivent avec des conjoints n’ayant pas d’emploi ou ayant
une situation financière peu stable. Ou bien encore elles sont prises en charge par des
conjoints eux-mêmes dépendants de leur famille.
Nombre de filles estiment que lorsqu’elles sont malades, les difficultés financières les
empêchent de se rendre dans un centre de santé.
Non, actuellement là, je ne vends pas. Tant que mon ami ne m’a pas donné de
l’argent, je suis là. Lui aussi, son salaire là, ça ne suffit pas. Où je suis là, là même
quand je tombe malade, on prend crédit. Jeune femme, 19 ans, San Pedro.
Une autre explication de l’accès limité aux services de santé a trait à une attitude relativement
généralisée dans la communauté. En effet, les gens ne fréquentent l’hôpital que dans des cas
extrêmes ; pour de nombreuses personnes, la médecine moderne semble être leur dernier
recours en cas de maladie. Elles ont un itinéraire thérapeutique pluriel. Face à la maladie, elles
ont recours à la fois à la médecine traditionnelle, à l’automédication, et enfin à la médecine
moderne. Tous ces détours empruntés les éloignent davantage des centres de santé qui jouent
un rôle important dans la sensibilisation sur les IST et le VIH/sida, et dans l’éducation
sanitaire des populations.
Quand ce n’est pas grave, je paie des médicaments pour boire, des médicaments de
maux de tête ou de palu. Jeune femme, 19 ans, Yamoussoukro.
Vraiment, je n’aime pas qu’on me pique, donc, je n’aime pas aller à l’hôpital. Je me
purge avec des feuilles, et je bois d’autres aussi, hum, je ne vais nulle part, je suis
couchée à la maison. Jeune femme, 18 ans, Yamoussoukro
16
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
3.3. Conscientisation
Dans cette section, nous examinons les variables qui ont trait à une prise de conscience par
rapport aux facteurs de risque de transmission du VIH et d’autres infections sexuellement
transmissibles, y compris les connaissances concernant la prévention du VIH, les attitudes
relatives à la prévention, les normes liées au genre et l’estime de soi.
Connaissances relatives à la prévention du VIH
Tableau 2: Connaissance des méthodes de prévenir le VIH
Indicateur
Masculin Féminin
Sait que l’on peut prévenir le VIH en
84,4
64,9
s’abstenant des reports sexuels
Sait que l’on peut prévenir le VIH en
85,0
71,9
restant fidèle à un seul partenaire
Sait que l’on peut prévenir le VIH en
84,4
69,1
utilisant des préservatifs
Connait les trois méthodes
73,8
54,0
Source : Enquête de 2007
z/p
7,032/p<0.0001
4,987/p>0,0001
5,702/p<0.0001
6,468/p<0.0001
Les données quantitatives montrent que le niveau de connaissances de la prévention du VIH
est considérablement plus faible chez les filles que chez les garçons. Comme on peut le voir
au Tableau 2, les jeunes hommes sont proportionnellement plus nombreux que les filles à
savoir que les individus peuvent réduire leur risque d’attraper le VIH en s’abstenant des
rapports sexuels, en restant fidèles à un seul partenaire sexuels ou en utilisant le préservatif.
Ces résultats sont aussi valables pour les répondants âgés de 15-19 ans que pour leurs aînés.
De plus, on observe un niveau de connaissance moins élevé chez les filles par rapport aux
garçons aussi bien au milieu urbain qu’au milieu rural et pour chaque niveau d’instruction.
Les données qualitatives appuient ces résultats provenant des données quantitatives. Ces
données montrent que la connaissance des moyens de prévention du VIH des filles
appartenant à la tranche d’âge de 12 - 15 ans se limite vaguement au port du préservatif et
quelque fois à l’abstinence.
C’est moi-même qui vais lui parler de VIH/sida. Je vais lui dire de porter les
préservatifs et que le sida n’est pas une bonne maladie. Ça tue. Jeune fille, 15 ans,
Abengourou
Pour ne pas avoir sida, moi, je ne peux pas coucher avec garçon. Peut-être que le
garçon peut avoir sida et puis toi, tu vas coucher avec lui. Donc moi, je ne trouve pas
ça bien. Jeune fille, 12 ans, San Pedro
Les jeunes filles de 16 - 19 ans ont une meilleure connaissance des moyens de protection du
VIH. Ainsi, des moyens de prévention comme la réduction du nombre de partenaires sexuels,
la fidélité, le port du préservatif, l’usage unique et personnel des objets piquants et coupants
(aiguilles, seringues, lames, couteaux etc.) sont autant de dispositions que connaissent ces
participants pour éviter la transmission du VIH. Le dépistage est aussi souvent cité comme
moyen de prévention.
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
17
D’abord, on dit, il y a trois façons : il faut être fidèle jusqu’au mariage. Mais de nos
jours, la fidélité n’existe plus, donc même si tu as un seul partenaire, il faut te
préserver avec ce dernier. C’est mieux jusqu’au mariage. Maintenant, si tu es sûr
qu’il n’a rien, vous pouvez aller faire vos tests. Si tu te protèges, ça évite beaucoup de
maladies, mais pas le sida seulement : les maladies comme chaude pisse, gonococcie
et surtout les grossesses non désirées. Donc si tu as un seul partenaire ; s’il ne veut
pas, il faut insister pour qu’il se protège. Jeunes filles, Groupe de discussion, 16 - 19
ans, San-Pedro
Même parmi ces filles plus âgées, la connaissance n’est pas complète. Il y a beaucoup de
désinformation par rapport au VIH. Par exemple, certaines d’entre elles croient que le VIH
peut se transmettre en partageant un repas.
Je ne sais pas trop de choses sur le VIH/sida. Néanmoins, j’ai appris que le sida tue,
j’ai appris aussi que quand tu as le sida, tu ne dois pas manger dans la même assiette
que la personne. (EIA, fille 18 ans)
On note une disparité au niveau des connaissances du VIH/sida dans la population des jeunes
filles scolarisée ou non déscolarisées et de leur partenaire sexuel. Plus précisément, les
hommes ont un niveau de connaissance plus élevé que celui de leur partenaire. Cette grande
avance des hommes s’explique par plusieurs facteurs en partie liés à une discrimination dans
l’accès aux ressources et aux services tels que l’information, l’école, emploi décent, la santé,
etc.
Attitudes à l’égard des méthodes de prévention du VIH
Nous examinons les attitudes à l’égard de la prévention à travers deux genres de construits :
attitudes vis-à-vis des rapports sexuels avec partenaires multiples, attitudes vis-à-vis de la
discussion au sujet des rapports sexuels intergénérationnels, attitudes relatives au condom et
vis-à-vis du test de dépistage.
Attitudes relatives au multipartenariat : Un nombre assez sensible des garçons et des filles
interviewés au cours de l’enquête de 2007 étaient en faveur du multipartenariat pour les
hommes. Il n’y avait pas de différence entre les garçons (38,4%) et les filles (39,2) au niveau
de cet indicateur. De plus, environ 10% des filles et 15% des garçons pensaient qu’il était
normal pour une fille d’avoir plusieurs partenaires sexuels à la fois.
Attitudes relatives aux relations intergénérationnelles : Environ 20% des filles et 17,2% des
garçons étaient en faveur des relations sexuelles entre une jeune femme et un homme
beaucoup plus âgé. De même, 18,2% des filles et 17,2% des garçons pensaient qu’il était
normal pour un jeune homme d’avoir des rapports sexuels avec une femme plus âgée. En
d’autres termes, une minorité importante des jeunes hommes et jeunes femmes restent en
faveur des relations intergénérationnelles.
Attitudes relatives au préservatif: Le questionnaire de l’enquête de 2007 comprend quatre
affirmations qui nous permettent de saisir les attitudes vis-à-vis du préservatif : (1) Les
18
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
préservatifs sont un moyen efficace de protection contre les infections sexuellement
transmissibles, s’ils sont utilisés correctement ; (2) Les filles qui ont des préservatifs sur elles
sont des filles faciles; (3) L’utilisation du préservatif est le signe que votre partenaire n’a pas
confiance en vous; et (4) L’achat des préservatifs est de la seule responsabilité des hommes.
Sur la base de ces variables, seulement environ un quart des répondants ont des attitudes très
favorables vis-à-vis du préservatif. C’est plutôt surprenant que les filles (29,3%) ont, en
moyenne, des attitudes plus favorables à l’égard du préservatif comparé aux garçons (23,4%).
Ces résultats indiquent que la plupart des jeunes gens, et surtout des jeunes hommes, n’ont pas
des attitudes qui favorisent l’utilisation du préservatif.
De plus, les données qualitatives montrent que le préservatif est généralement considéré
comme une méthode à utiliser seulement avec un partenaire que l’on ne connaît pas très bien.
Apres qu’une relation amoureuse ait duré un certain temps, le préservatif n’est plus considéré
comme pertinent.
Je vous rappelle que X n’est pas ma copine ; elle est ma femme. Je ne me protège pas
avec elle. Partenaire sexuel d’une fille de 18 ans, Abidjan
Attitudes vis-à-vis du test de dépistage du VIH : Les données quantitatives montrent
qu’environ 20% des filles et des garçons ont déjà fait le test de dépistage. En revanche, la
plupart des jeunes qui n’avaient pas fait le test avaient l’intention de le faire. Au total,
proportionnellement plus de garçons (76,2%) que de filles (63,5%) (z= 4,34 ; p<0.0001) ont
fait ou ont l’intention de faire le test de dépistage du VIH.
Selon les données qualitatives, les individus désirent connaître leur statut sérologique dans le
but de renforcer leurs comportements sains, en l’occurrence la fidélité à un seul partenaire
sexuel, pour préserver la santé de leur partenaire, leur progéniture et leur entourage.
Pour éviter le sida comme on avait dit tout à l’heure, de la manière moi et elle on est
ensemble, elle a fait son test de dépistage, j’ai fait mon test de dépistage, entre elle et
moi il y a la confiance, vraiment il y a rien. Ou bien si tu peux t’abstenir aussi… .
Partenaire sexuel d’une fille de 19 ans, Abidjan
Ces données qualitatives nous permettent de voir la représentation que les populations ont du
VIH/sida comme étant une maladie mortelle, une fatalité, une maladie honteuse et invalidante
liée surtout à la stigmatisation. Ce sont d’autant de facteurs qui peuvent engendrer des
attitudes défavorables vis-à-vis du dépistage volontaire de la maladie. De plus, certaines
désinformations au sujet du statut sérologique peuvent faire de sorte que les jeunes gens ne
soient pas très motivés à faire le test de dépistage. Par exemple, il y a des hommes qui
supposent qu’ils sont eux-mêmes séronégatifs si leur compagne est séronégative.
Je suis venue, je lui ai dit que j’ai fait le test et qu’il n’y a rien dans pour moi, et puis je
lui ai demandé de m’accompagner pour mon prochain rendez-vous il va faire son test. Il
m’a dit s’il n’y a rien dans pour moi, c’est qu’il n’y a rien dans pour lui aussi. Jeune fille
de 17 ans, Abidjan
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
19
Estime de Soi
Piche, Trudel & Belanger (2000) définissent l'estime de soi comme l'évaluation que chaque
individu fait par rapport à lui-même. Exprimant un sentiment d'approbation ou de
désapprobation, cette évaluation indique à quel niveau l'individu se voit par rapport à sa
capacité personnelle, son importance, son succès et sa valeur. Maintes études ont lié l’estime
de soi aux comportements sexuels chez les jeunes (Piche, Trudel & Belanger, 2000 ; Ethier et
al., 2006). En général, ces études ont trouvé que les jeunes avec un niveau d’estime de soi bas
sont plus nombreux à pratiquer des comportements sexuels à haut risque.
Tableau 3 : Comparaison d’estime de soi entre garçons et filles âgés de 15-24, Côte d’Ivoire,
2007
Indicateur :
Garçons
Filles
z/p
D’accord avec la proposition : « je suis content tel(le)
que je suis ».
D’accord avec la proposition : « Je n’ai pas le
sentiment d’être aussi important pour ma famille que
les autres membres de la famille ».
Pas d’accord avec la proposition : « J’ai le sentiment
que la plupart de mes amis sont mieux que moi » .
88,2
81,6
2,87/0,004
73,6
61,8
3,94/0,0001
79,6
62,7
5,87/0,0000
D’accord avec la proposition : « Je pense que je peux
faire les choses aussi bien que la plupart des gens de
mon âge ».
D’accord avec la proposition : « Je ne pense pas avoir
un brillant avenir devant moi ».
Niveau d’estime de soi élevé
87,4
78,7
3,62/0,0003
72,2
49,9
7,18/0,0000
45,6
27,8
5,77/0,0000
Des questions de l’enquête de 2007 nous permettent de développer un indice d’estime de soi.
Ces questions demandaient aux répondants de dire s’ils sont d’accord ou pas d’accord avec
certaines affirmations (Tableau 3). Les résultats montrent que le niveau d’estime de soi varie
selon certaines caractéristiques sociodémographiques de l’individu, y compris, l’âge, le
niveau d’instruction et le sexe. En moyenne, l’estime de soi est sensiblement moins élevé
chez les femmes comparé aux hommes : 45,6% des répondants masculins ont un niveau
d’estime de soi élevé comparé à seulement 27,8% des répondants féminins. La différence
dans le niveau d’estime de soi entre les garçons et les filles est plus importante chez les
répondants âgés de 20-24 ans (53,3% chez les hommes contre 24,75 chez les femmes) que
chez les adolescents âgés de 15-19 ans (38,4% chez les garçons contre 30,7% chez les filles).
Chez les femmes, on a observé une association positive entre l’estime de soi et le niveau
d’instruction. Les femmes qui ont le niveau secondaire ou plus ont un niveau d’estime de soi
sensiblement plus élevé (39,7% ont un niveau d’estime de soi très élevé) que leurs pairs qui
ont un niveau d’instruction plus bas (23,4%). Donc, la catégorie de femmes avec un niveau
faible d’estime de soi sont celles qui sont soit analphabètes, soit peu instruites et qui sont
âgées de 20-24 ans.
20
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Attitudes Liées au Genre
Aussi bien les données quantitatives que les données qualitatives montrent que les attitudes
favorisant l’inégalité des sexes sont bien répandues parmi les participants à l’étude. Comme
le Tableau 4 le montre, plusieurs garçons et filles sont d’accord avec des propositions
Tableau 4 : Attitudes relatives aux normes liées aux rôles du genre, garçons et filles âgés de 1519 ans, 2007
Pourcentage d’accord avec proposition :
Garçons Filles
z (t)/p
1. Lorsque l’argent est rare et que la famille ne peut
68,6
36,2
9,99/0,0000
pas envoyer tous les enfants à l’école, on doit
envoyer les garçons avant les filles.
2. En général, les filles ne sont pas aussi intelligentes
52,5
32,4
6,15/0.0000
que les garçons.
3. Il y a des moments où les femmes méritent d’être
42,2
20,5
7,15/0,0000
battues par leur mari.
4. Une fille qui tombe enceinte pendant qu’elle
26,5
19,7
2,48/0,013
fréquente l’école doit être renvoyée.
5. Les garçons qui ont plusieurs petites amies sont
24,6
15,1
3,48/0,0005
« puissants ».
6. C’est normal qu’un homme frappe sa femme/petite
17,0
11,7
2,29/0,022
amie si elle ne veut pas avoir de rapports sexuels
avec lui.
7. Le rôle le plus important d’une femme est de
74,7
82,4
2,73/0.006
s’occuper de sa maison et de faire la cuisine pour sa
famille.
8. C’est la responsabilité de la femme d’éviter de
55,4
75,5
6,35/0,0000
tomber enceinte.
9. Un homme doit avoir le dernier mot quand il s’agit
83,1
76,6
2,54/0,011
de prendre les décisions dans sa maison.
10. Une femme devrait tolérer la violence afin de
85.4
85,5
0,06/0,953
préserver sa famille.
Index d’attitudes favorisant le traitement inégalitaire
2,22
1,27
9,88/0,0000
des sexes
Index d’attitudes favorisant l’inégalité des pouvoirs
2,90
2,98
1,11/0,264
entre hommes et femmes
favorables à l’inégalité entre hommes et femmes. Nous avons créé deux indices d’attitudes
relatives à l’inégalité entre homme et femmes. L’index d’attitudes favorisant le traitement
inégalitaire des sexes est basé sur proposition 1 à 6 alors que l’index d’attitudes favorisant
l’inégalité des pouvoirs entre hommes et femmes est basé sur propositions 7 à 10. Il n’y a pas
de différence sensible entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’index d’attitudes
favorisant l’inégalité des pouvoirs entre hommes et femmes. En revanche, les hommes ont un
niveau d’attitudes favorisant le traitement inégalitaire des sexes plus élevé que chez les
femmes.
3.4. Participation
La participation signifie que les femmes autant que les hommes sont impliqués activement
dans le processus de développement, et particulièrement au niveau de la prise décision. Dans
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
21
le cadre de cette étude, nous examinons l’exposition aux programmes de communication au
sujet du VIH, et les discussions au sujet du VIH/sida avec les autres. Ces variables nous
permettront de voir dans quelle mesure les femmes sont impliquées dans le processus de
changement de comportement par rapport aux hommes.
Exposition aux programmes de communication au sujet de VIH
Au cours des douze mois précédents l’enquête de 2007, le CCP et ses partenaires
programmatiques ont produit et diffusé plusieurs matériaux médiatiques ayant comme but de
promouvoir les comportements sexuels sains chez les jeunes âgés de 15 – 24 ans. Ces
matériaux sont listés sur le Tableau 5.
En général, le niveau d’exposition à la campagne est important parmi les garçons et les filles.
Cependant, il est clair à partir de ce tableau que les garçons sont proportionnellement plus
nombreux à être exposés à la campagne. De plus, les garçons ont plus de chance d’être
exposés à plusieurs éléments de la campagne comparés aux filles.
Les données qualitatives viennent à l’appui de ces constats quantitatifs et apportent des
compléments d’informations sur la façon dont les jeunes filles se renseignent sur VIH. En
effet, selon les filles interviewées, bien que la télévision, la radio et l’école soient perçues
comme les principaux canaux d’information sur le sida, on peut être informé partout sur le
VIH, dans la rue, sur les lieux de travail, sur les marchés. C’est dire qu’au-delà des mass
médias, ces jeunes filles ont pu participer à des activités de sensibilisation de proximité. En
effet, l’entourage des filles joue un rôle important dans la circulation de l’information sur la
Tableau 5: Exposition à la campagne de prévention du VIH, Jeunes hommes et filles
âgés 15 – 24 ans, 2007
Indicateur d’exposition à la campagne
Garçons
Filles
z (t)/p
% exposé au logo "Ma vie, c'est décision"
40,6
34,0
2,13/0,03
% exposé à la phrase "Pour l'enjaillement,
26,2
18,9
2,71/0,007
parler le même langage"
% exposé à l'affiche abstinence
45,2
33,6
3,72/0,0002
% exposé au microprogramme sur
8,2
5,3
1,77/0,077
l'abstinence à la radio
% exposé au spot abstinence à la télévision 31,0
32,7
0,60/0,548
% exposé à l'affiche préservatif
36,8
34,6
0,70/0,479
% exposé au microprogramme sur le
9,8
4,7
3,05/0,002
préservatif à la radio
% exposé au spot préservatif à la télévision 34,0
31,7
0,75/0,453
% exposé au microprogramme sur le
12,0
5,5
3,56/0,0004
dépistage à la radio
% exposé à au moins une activité de la
71,8
65,8
2,04/0,04
campagne
Nombre d’éléments de la campagne
2,44
2,01
3,06/0,002
exposé
pandémie et dans le changement positif ou négatif de leurs comportements. Comme ces
dernières ne sont plus à l’école du fait des parents (manque de moyens des parents) ou de leur
22
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
fait (manque d’intérêt pour les études ou grossesses précoces ou non désirées), elles
n’entretiennent pas toujours des rapports étroits avec la famille. Les amis ou les autres
membres de la famille constituent du coup les confidents des jeunes filles et deviennent leurs
informateurs clés de tout ce qui a un lien avec la sexualité et, partant, avec le VIH/sida. En
effet, elles passent leur temps libre en compagnie de ces personnes (tante, cousin, oncle,
amies, etc.).
De plus, tenant compte de leurs activités principales (décrites précédemment), il pourrait
s’établir une corrélation négative entre leur accès aux médias et leur activité économique.
C'est-à-dire qu’elles passent la presque totalité de leur temps à vaquer à leur occupation
(apprentie coiffeuse, apprentie couturière ou femme de ménage, etc.) et n’ont guère de temps
à consacrer à la télévision ou à la radio. Et lorsqu’elles viennent aux sources d’informations,
c’est uniquement pour suivre leurs émissions préférées tels les feuilletons brésiliens, Tempo et
les feuilletons ivoiriens.
Discussions au sujet du VIH
Les interactions avec les autres personnes dans son entourage permettent à l’individu
d’apprendre ce que les autres pensent ou font, et d’être influencés par ces attitudes et
comportements.
Les données quantitatives (voir Tableau 6) montrent que plus de filles que de garçons ont déjà
parlé de la sexualité avec leurs parents ou tuteurs. Cette inégalité peut être due au double
standard de la part des parents ou la tendance des parents d’attendre des filles un niveau de
chasteté plus élevé que pour les garçons. Alors que nous ne connaissons pas le contenu des
conversations que les filles ont eu avec leurs parents, quelques études ont montré qu’en
général, ces conversations manquent de substance et sont ancrées sur des avertissements au
sujet des conséquences négatives des rapports sexuels précoces et prénuptiaux.
Les données qualitatives montrent que les jeunes filles ont tendance à discuter le VIH/sida
avec leurs amis, sœurs et d’autres personnes dans leur entourage. Cependant, les informations
reçues de ses sources sont parfois superficielles et pas toujours justes.
Ma grande sœur me conseille de ne pas chercher garçon et que je n’ai pas encore l’âge
de chercher garçon et de faire attention aux garçons. On a dit aussi que si ton ami a le
sida, il ne faut pas l’insulter. Il faut rester à côté de lui pour le soutenir. Jeunes fille,
Groupe de discussion 16 – 19 ans, San-Pedro.
Les discussions entre partenaires sexuels au sujet de la prévention du VIH sont assez
courantes. Selon les données de l’enquête de 2007, les hommes sont plus nombreux à
admettre avoir discuté la prévention du VIH avec leur partenaires sexuels. Cette inégalité
entre les hommes et les femmes probablement due, en partie, à la différence dans l’écart d’âge
des partenaires sexuels chez les jeunes femmes et chez les jeunes femmes. Selon ces données,
l’écart d’âge entre partenaires sexuels aux premiers rapports sexuels était, en moyenne, de 5,6
ans chez les jeunes filles et plus d’un an chez les jeunes hommes.
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
23
Tableau 6: Discussion avec les autres au sujet de la sexualité et de prévention du VIH,
Jeunes hommes et filles âgés de 15 – 24 ans.
Indicateur
Garçons Filles
z/p
A déjà discuté de questions liées à la sexualité, au fait
de grandir, ou à l’utilisation des services de santé
avec parents (répondants non-mariés)
A déjà discuté avec époux(se)/ partenaire(s)
sexuel(le)s des moyens d'éviter d'être infecte(e) par
le VIH (répondants sexuellement expérimentés)
21,3
36,2
4,77/0,0000
63,8
52,2
2,98/0,003
Toutes les jeunes filles et leurs partenaires sexuels interviewés au cours de la recherche
qualitatives affirment discuter ou échanger ensemble. Plusieurs sujets sont abordés au cours
de ces échanges, en particulier les questions liées au VIH/sida. Un examen des données de
plus près montre que la prévention, les modes de contamination, le dépistage en vue de la
prévention du VIH/sida sont des sujets dont les partenaires ont discuté le plus souvent.
Lui, il ne croit pas. Quand je lui parle de ça, il dit que c’est faux. Sincèrement,
sérieusement, il ne croit pas, je ne sais pas pourquoi… Il dit sida, c’est quand on te
lance un sort, moi de quitter là-bas avec mon affaire de sida là. Moi, il dit d’aller faire
mon test, si je ne sais pas, c’est qu’il n’a pas. Je lui ai dit que comme tu ne veux pas,
moi, je m’en vais, je vais faire mon test pour voir. Il ne croit pas franchement même, il
ne croit pas au sida. Jeune femme, 19 ans, Abidjan
3.5. Contrôle
Le contrôle dans le cadre de la grille de Longwe se rapporte aux résultats théoriques ou réels
de la participation. Dans cette section, nous examinerons l’auto-efficacité perçue et les
comportements sexuels chez les jeunes comme indicateurs du contrôle.
Auto-efficacité
Selon Bandura (1977, 1997), le sentiment d'auto-efficacité (ou efficacité personnelle)
constitue la croyance que possède un individu en sa capacité d’atteindre un objectif.
D’abondantes études ont démontré le lien entre l’auto-efficacité et les comportements sexuels
sains. D’une manière générale dans les dites études, les individus ayant un sentiment
d’efficacité personnelle de produire une action ont plus de chance de produire l’action
comparés à ceux sans auto-efficacité. Les données présentées au tableau 7 proviennent de
l’enquête de 2007 et révèlent un niveau d’auto-efficacité quant au refus des rapports sexuels
assez élevé. Cependant on note que seulement un peu plus de la moitié perçoivent l’efficacité
de pouvoir refuser des rapports sexuels avec une personne connue pour plus de trois mois ou
avec une personne qui donne des cadeaux. De plus, on n’observe pas de différence sensible
entre les garçons et les filles. En revanche, les garçons ont significativement plus de chances
que les jeunes femmes de rapporter qu’ils se sentent à l’aise pour parler avec leurs amis de ne
pas avoir de rapports sexuels.
24
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
L’auto-efficacité d’utiliser les préservatifs ou limiter le nombre de partenaires est très élevé
Tableau 7 : Discussion avec les autres au sujet de la sexualité et de prévention du VIH,
Jeunes hommes et filles âgés de 15 – 24 ans.
Indicateur
Garçons Filles
z/p
Est très sûr(e) pouvoir dire " NON " aux rapports
76,6
77,3
0,27/0,788
sexuels s’il(elle) ne veut pas
Est très sûr(e) de pouvoir refuser d'avoir des rapports 57,2
53,8
1,07/0,285
sexuels avec une personne connue pendant plus de
trois mois
Est très sûr(e) de pouvoir refuser d'avoir des rapports 55,2
55,9
0,21/0,831
sexuels avec une personne qui offre des cadeaux
Se sent à l'aise pour parler avec les amis de ne pas
73,0
59,4
4,52/0,0000
avoir de rapports sexuels
Si voulu, pourrait utiliser des préservatifs pour me
93,3
84,8
3,36/0,0008
protéger contre le VIH
Si voulu, pourrait être fidèle à un(e) seul(e)
partenaire
90,1
92,5
1,04/0,30
Si voulu, pourrait réduire le nombre des partenaires
sexuels
90,4
87,9
1,03/0,30
aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Cependant, on remarque que les femmes ne
sont pas aussi confiantes dans leur capacité d’utiliser les préservatifs. Ce résultat n’est
probablement pas surprenant étant donné que le niveau de confiance des femmes dans leur
capacité d’utiliser le préservatif dépend non seulement de leurs connaissances relatives au
préservatif, mais aussi de leur capacité de négocier l’utilisation du préservatif avec leur
partenaire sexuel.
Comportements sexuels
Cette section porte sur les comportements pertinents à la prévention du VIH, y compris l’âge
au début des rapports sexuels, l’utilisation des préservatifs, et le nombre de partenaire sexuels.
L’examen des données quantitatives et qualitatives révèlent que, les jeunes dans leur grande
majorité, et en particulier les jeunes femmes, adoptent des comportements sexuels à haut
risques. Ce sont entre autres, la précocité des rapports sexuels, le multipartenariat, la non
utilisation systématique des préservatifs, des rapports sexuels occasionnels, et les rapports
sexuels intergénérationnels.
Age aux premiers rapports sexuels
Selon l’enquête de 2007, les premiers rapports sexuels sont plus précoces chez les filles que
chez les garçons. Trois-quarts des jeunes femmes ont déjà eu leurs premiers rapports sexuels
comparé à seulement 58% des jeunes hommes. L’âge médian aux premiers rapports sexuels
était de 16,9 ans pour les filles contre 18,2 ans chez les garçons.
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
25
Les données qualitatives soutiennent ces données quantitatives concernant la précocité des
rapports sexuels parmi les filles. Les participantes à l’étude estiment que plusieurs de leurs
camarades ayant approximativement les mêmes âges ont déjà eu des rapports sexuels ; et
souvent bien avant l’âge de la puberté.
Même maintenant, les élèves de 6è, elles ont des gars. Même CM2, elles ont des gars.
Elles sont très beaucoup. A 11 ans, elles ont des gars. Si on veut voir même, elles
n’ont pas atteint l’âge de la puberté et puis elles ont des gars. Groupe de discussion
des jeunes filles de 16-19 ans
Des participantes à l’étude qualitative avancent la raison selon laquelle, les filles, par
mimétisme lié à un effet de mode, pratiquent des rapports sexuels à risques pour uniquement
satisfaire d’autres types de besoins, tel l’habillement.
Il y a d’autres aussi, elles sont envieuses. C’est tout ça là qui fait qu’elles s’en vont
chercher des gars. Parce que ta camarade a porté de jolis habits, tu n’as pas ça dans
ta valise... Donc, tu es obligée de chercher garçon pour gagner l’argent. Groupe de
discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, San-Pedro
L’analyse des entretiens a montré que dans certains cas, des filles ont eu des rapports sexuels
à cause de l’influence exercée sur elles par leur entourage proche (camarades, partenaire
sexuel). En effet, à cause de leur jeune âge, ou de leur inexpérience de la vie sociale ou
sexuelle, les jeunes sont très malléables et deviennent sexuellement actives. Un relâchement
dans le contrôle des parents, ou parfois l’effritement de l’autorité parentale entrainent le
laisser-aller et elles ont des rapports sexuels pour satisfaire leur curiosité. Une jeune fille en
témoignait comme suit :
Hum, j’étais très jeune. J’avais 15 ans. Au fait, toutes mes camarades avec qui je
marchais, moi-même, j’avais peur. Toutes mes camarades, elles toutes étaient
déviergées, hum, et puis j’avais peur beaucoup de ma maman. Donc, je ne pouvais
pas. Maman m’emmenait à l’hôpital pour me vérifier, tout ça. Donc, arrivé un certain
moment, j’avais croisé un gars là, il m’a dit de mettre ma maman en confiance.
Actuellement, elle a arrêté, hum, c’est dans ça, j’ai eu à coucher avec ce dernier là.
C’est comme ça, j’ai fait pour être comme mes camarades quoi, parce que hum,
chaque jour, elles se moquaient de moi : toi, tu ne connais pas garçon, c’est comme ci,
c’est comme ça, il faut faire une fois tu vas voir. C’est pour ça. Jeune femme, 19 ans
. Abidjan.
Multipartenariat
Environ un cinquième (19,0%) des répondants à l’enquête de 2007 ont rapporté avoir eu deux
partenaires ou plus au cours des trois mois précédents l’enquête. Comparés aux jeunes
femmes, les jeunes hommes ont beaucoup plus de chances d’avoir pratiqué le multipartenariat
au cours des trois mois précédents : 15,4% comparé à 24,2%. Cependant, il faut préciser que
le nombre de filles admettant avoir eu de partenaires multiples est significatif surtout quand
on considère la tendance chez les filles à nier qu’elles se livrent au multipartenariat.
26
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Au cours de la recherche qualitative, les participantes ont affirmé que les filles de leur tranche
d’âge ont souvent plusieurs partenaires sexuels à la fois et pratiquent le sexe
intergénérationnel. Ces comportements à risque adoptés par ces petites filles, doublés de
l’ignorance de la maladie et de l’indifférence totale vis-à-vis du VIH/sida transparaissent à
travers des propos tels que : « Elles vont dire qu’elles ne vont pas avoir le sida parce qu’elles
sont petites. » ; « Pour elles, le sida, c’est pour les grandes personnes. Ce n’est pas pour
elles ».
Le multipartenariat se pratique davantage chez les filles plus âgées qui ont un peu plus
d’expérience de la vie sociale et sexuelle et qui sont contraintes de se prendre en charge
financièrement. Elles avaient, dans la majorité des cas, déjà eu des rapports sexuels et
entretenaient des rapports sexuels réguliers. A ce propos, toutes les filles interrogées
appartenant à la tranche d’âge de 16 à 19 ans disent connaître des jeunes filles qui pratiquent
le multipartenariat. Quelques-unes d’entre elles, les plus courageuses ont reconnu qu’elles
pratiquaient au moment de l’enquête le multipartenariat.
Moi, j’ai deux gars. Le deuxième là, je ne l’aime pas sincèrement. Il me donne
l’argent. Si non que, j’aime beaucoup mon copain. Il (le deuxième) est gentil, il me
donne l’argent. Quand je demande quelque chose, il me donne. C’est quoi, c’est tout.
Parce que mes relations, je sais que non, je ne prends pas ça au sérieux, parce que
c’est un homme marié ». Jeune femme, 19 ans, Abidjan
Des fois, les partenaires sexuels des jeunes filles se doutent de leur manque de fidélité et
semblent s’y résigner.
Oui. Notre relation, je peux te parler un peu. Parce que moi, je suis un homme, je
l’aime, je sais aussi qu’elle m’aime. Souvent, je sais aussi qu’elle me trompe. Mais je
ne suis pas capable d’assumer. Souvent je la gronde quoi ! Mais je ne peux pas aller
jusqu’au bout, parce que c’est une femme. Elle est déscolarisée aussi comme moi. Je
connais à peu près cette situation de vie aussi, tu vois. Partenaire sexuel d’une jeune
femme de 19 ans, Abidjan
En plus du multipartenariat, les rapports sexuels en échange de cadeaux ou d’argent se
pratiquent assez couramment chez les jeunes. Les données de l’enquête de 2007 révèlent que
11% des jeunes femmes et 8.6% des jeunes hommes ont reçu des cadeaux ou argent en
echange des rapports sexuels au cours des trois mois précédents l’enquête. De plus 6,6% des
hommes et 5,5% des femmes ont admis avoir donné de l’argent ou des cadeaux en échange
des rapports sexuels au cours de la même période.
Selon les données qualitatives, l’insatisfaction quant aux besoins primaires est un des facteurs
qui incitent les filles à avoir des rapports sexuels à haut risque, y compris le multipartenariat
et les rapports sexuels transactionnels. Dans des cas extrêmes, les rapports sexuels sont
considérés comme un gagne-pain pour ces filles. Le désir d’avoir des articles de luxe, de bien
s’habiller, d’être comme ses copines et d’être acceptées au sein de ses camarades peut pousser
une jeune fille à adopter des comportements sexuels à haut risques même si elle sait que ces
comportements peuvent avoir des conséquences graves.
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
27
Ce sont les problèmes. C’est pourquoi, j’ai quitté le vieux pour aller me mettre dans la
main du jeune. Parce qu’on ne me donne pas déjeuner, si fête arrive, je n’ai pas
d’habits pour porter, je n’ai pas de chaussures. Si mes chaussures sont coupées, je
fais comment ? Donc, j’ai été obligée d’accepter le jeune pour qu’il me donne l’argent
pour faire mon commerce. Jeune femme, 19 ans, San-Pedro
Si ton gars te donne 2000F/semaine, tu demandes habits au marché, on te dit 20
000F. Ta camarade a porté et elle te dérange, je t’ai rien dit « telle personne, je suis
partie dormir chez lui et il m’a donné 20 000 ou 30 000F, tu vas dire « tu as fait
comment ». Elle va te dire : je suis partie dans tel coin ; elle est bien habillée et moi
je suis bizarre. D’abord 1, je me sens un peu frustrée donc je veux faire même chose
aussi comme elle. Elle va te dire de damer sur ton gars là. L’ami de mon gars là
« démarre » (avoir beaucoup d’argent). Je vais vouloir être même chose comme elle.
Donc, ça me fait aussi 2 gars maintenant. Elle aussi, elle a encore croisé un autre et
dire que un tel ne donne rien, un tel donne 50 000F, je vais partir là-bas encore. Ça
fait trois gars, ainsi de suite (rire). Je vais être bien habillée. Propos recueillis dans
un FGD de filles déscolarisées de 16 à 19 ans à San Pedro
En outre, les conditions de pauvreté des familles contraignent les filles à choisir la voie de la
prostitution pour subvenir occasionnellement aux besoins de leur famille, plus ou moins avec
la bénédiction des parents. Par ailleurs, des témoignages ont montré que certaines filles se
prostituent discrètement pour prendre en charge leur partenaire sans emploi.
Il y a d’autres aussi, les parents n’ont pas les moyens, c’est eux qui les poussent à
faire ça, à se prostituer. Groupe de discussion, filles, 12-15 ans, Yamoussoukro
La non utilisation systématique des condoms
Le préservatif, quoique cité par les filles comme le moyen le plus connu et utilisé par la
jeunesse, n’est pas utilisé de façon systématique par les jeunes. Selon les données
quantitatives, seulement 35,4% des jeunes femmes déclarent avoir recours aux préservatifs
lors de leurs derniers rapports contre 59,0% chez les jeunes hommes (z=6,00 ; p<0,0001). Le
fait que l’utilisation du préservatif est moins répandue chez les jeunes femmes peut être
expliqué par le fait que ces femmes ont tendance à avoir des partenaires sexuels plus âgés
qu’elles avec lesquels la négociation du préservatif peut s’avérer difficile.
Les filles inscrites à l’école au moment de l’étude ont significativement plus de chances
d’avoir utilisé un préservatif comparé à celles qui ne sont pas inscrite : 58.3% contre 31,9%.
Ceci atteste que l’instruction pourrait être un stimulus de l’utilisation du préservatif par les
populations.
Selon l’enquête de 2007, la raison clé pour laquelle les jeunes n’utilisent pas de préservatifs
est la confiance en leurs partenaires. Plus de la moitié des participants à l’étude ont mentionné
cette raison. D’autres raisons comprennent l’objection du partenaire, le fait de ne pas voir pas
la nécessité d’utiliser un préservatif, de ne pas aimer le préservatif et la non disponibilité des
préservatifs.
28
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
Pour ceux qui sont convaincu de la nécessité du préservatif, aussi bien les hommes et les
femmes interviewés au cours de la recherche qualitative pensent c’est à eux de convaincre
leurs partenaires du port du préservatif. Selon les filles, le seul moyen de pression sur le
partenaire pour qu’il accepte le préservatif demeure le refus des rapports sexuels.
Elle peut refuser. Elle peut dire si tu ne mets pas, je ne fais pas, je m’en vais. Groupe
de discussion, jeunes filles, 12-15 ans, Abengourou
Pour d’autres femmes, c’est la négociation qui est préconisée, surtout pour celles qui vivent
maritalement, à des fins de planification familiale. Le préservatif est utilisé comme méthode
contraceptive.
Lui, il ne veut pas prendre, c’est moi qui parle (décide), parce que mon enfant là est
petit. La douleur que j’ai connue à l’hôpital là-bas je pense à mon enfant … . C’est à
cause de ça, je lui demande pardon, il n’a qu’à se protéger. Jeune femme, 19 ans,
San-Pedro
Quant aux hommes, lorsque la fille s’opposait au préservatif, certains en profitaient pour la
sensibiliser en lui expliquant l’importance du port du préservatif. Encore, il s’agit ici de
négocier avec le partenaire, calmer ses soucis, corriger les désinformations et, à travers le
dialogue, amener le partenaire à accepter l’utilisation du préservatif.
Lorsqu’elle dit qu’elle ne veut pas et que ça blesse, je fais tout pour lui faire
comprendre qu’elle ne sait pas qui je suis, peut-être que je suis malade, elle ne sait
pas. Donc, la peur fait qu’elle accepte. Moi, j’ai la malchance de rencontrer des
partenaires qui n’aiment pas utiliser les préservatifs. Je ne sais pas pourquoi ? Tantôt,
elles disent que ça les blesse. Quand c’est comme ça, il y a des lubrifiants qui se
vendent en pharmacie qu’on peut utiliser. On essaie d’en parler. Partenaire de jeune
fille de 18 ans, Abengourou
IV CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
4.1. Conclusion
Au terme de cette étude, il est ressorti que les jeunes femmes sont confrontées à des réels
problèmes de subsistance. Les filles déscolarisées et non scolarisées, en particulier, vivent
dans des conditions de vie difficiles où elles n’arrivent pas à subvenir convenablement à leurs
besoins basiques de nourriture, d’habilement, de santé, d’information et de logement. Cette
situation s’explique en partie par leur statut de déscolarisées, statut encouragé et favorisé par
un contexte social qui accorde aux filles un statut inférieur a celui des garçons. Dans la
plupart des groupes ethniques ivoiriens, l’essentiel pour une femme, c’est de se marier et
faire des enfants. Dans cette perspective, elles ne s’intéressent pas véritablement à l’école et
l’abandonnent pour un homme, ou bien elles contractent une grossesse non désirée et/ou
précoce et elles sont bien obligées d’arrêter l’école. Par ailleurs, ces jeunes filles sont, pour la
plupart, sans emploi ou exercent des activités peu ou non rémunérées, ce qui les contraint à
rechercher des ressources additionnelles. Dans cette recherche de subsistance, elles adoptent
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
29
des comportements sexuels à hauts risques (multipartenariat, sexe intergénérationnel, non
utilisation systématique du préservatif).
Les jeunes femmes ont des connaissances sur le VIH/sida en deçà de celle des hommes parce
qu’elles ont moins accès aux sources d’informations fiables et justes sur la pandémie et aux
médias d’Etats (la télévision, la radio, la presse écrite). En outre, les jeunes filles déscolarisées
et non scolarisées, bien que conscientes de l’existence du sida et connaissant les modes de
transmission du VIH et de prévention, demeurent encore dans une situation préoccupante à
cause de leur double vulnérabilité liée à la fois à leurs conditions de vie difficiles doublées de
celles aussi précaires de leurs parents ou de leur partenaire sexuel. Cette double vulnérabilité
limite leur accès au centre de santé, un élément essentiel dans la sensibilisation sur le
VIH/sida et la promotion de comportements sexuels sains.
Cet accès limité les rend vulnérables et dépendantes vis-à-vis leurs parents ou de leurs
partenaires sexuels. En outre, les filles sont moins bien placées que les hommes en ce qui
concerne leur auto-efficacité et l’estime de soi.
Cependant, par plusieurs phénomènes (la sensibilisation, la diffusion, la contagion, etc.), la
majorité des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées ont renforcé leur auto-efficacité.
Certaines ont pris conscience du bénéfice pour elles à adopter des comportements sexuels
responsables. Désormais, elles sont capables de dire non aux rapports sexuels quand, elles ne
sont pas d’accord, d’imposer ou négocier le port du préservatif et qui plus est d’imposer
l’abstinence à leur partenaire sexuel.
Quant à la participation, les données révèlent que les garçons ont plus de chance d’être exposé
à la campagne de prévention du VIH réalisée par CCP dans les douze mois avant l’enquête de
2007. Les jeunes filles ont plus de chances que les garçons de rapporter qu’elles ont déjà eu
une discussion avec leurs parents ou tuteur au sujet de la sexualité, un fait reflétant un double
standard de la part des parents, plus précisément, la tendance des parents d’attendre des filles
un niveau de chasteté plus élevé que pour les garçons. En revanche, la proportion ayant
discuté des moyens de prévention de VIH avec leur partenaire sexuel est plus élevée chez les
hommes
En ce qui concerne le contrôle, les résultats de cette étude suggèrent que les sentiments
d’auto-efficacité de pouvoir utiliser des préservatifs, d’être fidèle à un seul partenaire sexuel
et de réduire le nombre de partenaires sexuel sont très répandus parmi les jeunes hommes et
femmes. Par contre, presque la moitié des garçons et des filles n’ont pas le sentiment d’être
capables de refuser des rapports sexuels avec une personne qui offre des cadeaux ou avec une
personne connue pour plus de trois mois. En ce qui concerne les comportements sexuels, les
données révèlent que les premiers rapports sexuels sont plus précoces chez les filles que chez
les garçons. Le multipartenariat est assez courant aussi bien chez les filles que chez les
garçons. Cependant, les garçons sont plus nombreux à admettre avoir eu plus d’un partenaire
au cours des trois dernier mois. L’utilisation du préservatif est moins répandue chez les jeunes
femmes comparées aux hommes. Ce fait peut être expliqué par la tendance des femmes
d’avoir des partenaires sexuels plus âgés qu’elles avec lesquels la négociation du préservatif
30
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
peut s’avérer difficile.
4.2. Recommandations
Etant donné les conditions de vie précaires des femmes et le lien entre leurs conditions
de vie et les comportements sexuels à haut risque, les efforts qui cherchent à améliorer
leur niveau de vie sont pertinents. Les exemples de programmes pertinents
comprennent des apprentissages professionnels, une assistance financière permettant
aux jeunes femmes d’établir un petit commerce et des projets d’activités génératrices
de revenus. Les ONG locales peuvent collaborer avec des entreprises dans la
communauté pour identifier les ressources locales pour permettre aux filles
vulnérables de continuer dans le système scolaire ou y réintégrer et d’apprendre un
métier ou avoir le capital pour initier un petit commerce si elles sont hors du système
scolaire. Dans la même veine, il faudra considérer des projets d’alphabétisation qui
pourront permettre à long terme aux filles d’améliorer leur situation sociale par l’accès
à des emplois mieux rémunérés et de leur choix.
Les jeunes femmes ont besoin d’acquérir des connaissances et des compétences pour
la vie relatives à la prévention du VIH. Des activités au sein du groupe et programmes
de communication spécialement développés pour ce groupe cible devraient chercher à
accroître leurs connaissances des méthodes de prévention du VIH, les aider à
développer des attitudes plus favorables à la prévention, renforcer leur auto-efficacité
de prévenir l’infection et les encourager à avoir une vision positive d’elles-mêmes.
D’autres compétences qui sont pertinentes pour ces femmes comprennent la
négociation du préservatif, comment convaincre son partenaire d’accepter de faire le
test de dépistage, et comment refuser des relations sexuelles transactionnelles ou
intergénérationnelles. Ces activités et programmes devraient impliquer l’auditoire
cible dans la conception et la réalisation aussi bien que dans l’évaluation.
Il est important de cibler les parents avec des messages et activités leur permettant de
mieux communiquer avec leurs filles et garçons. Il est important de renforcer la
capacité des parents à discuter des sujets ayant trait à la sexualiste et à la prévention du
VIH avec leurs progénitures. Il convient aussi pour les parents de voir la nécessité de
parler de la sexualité non seulement avec leurs filles mais aussi avec leurs garçons. La
discussion parent-enfant au sujet de la sexualité n’est pas normative en Cote d’Ivoire.
Certes, la façon d’aborder ces sujets avec leurs enfants est importante. Peut-être plus
important est le contenu des conversations parent-enfant autour de la sexualité. Les
parents ont besoin des informations justes et fiables au sujet du VIH et doivent se
sentir à l’aise de parler de ces sujets sensibles.
Des efforts doivent également cibler les hommes (jeunes et plus âgés) en tant que des
partenaires potentiels des jeunes femmes. Des interventions de communication
cherchant à promouvoir des attitudes favorables aux comportements sains et à
changer des comportements à hauts risques chez les hommes sont nécessaires.
Il est pertinent de focaliser des efforts sur le renforcement de la capacité des
communautés à identifier des normes sociales néfastes à la santé sexuelle des jeunes
femmes, à mobiliser les ressources communautaires à combattre ces normes et à
prendre des actions pouvant réduire la vulnérabilité des hommes et femmes. En
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
31
particulier, le renforcement de la capacité de la communauté à protéger et secourir les
jeunes filles au sein de la communauté devrait être une priorité.
32
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
ANNEXES
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
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GUIDES d’ENTRETIEN de la recherche « Analyse situationnelle des jeunes filles
déscolarisées et non scolarisées vulnérables en Côte d’Ivoire »
ANNEXE 1 : Guide d’entretien de groupe de discussion adressé aux jeunes filles
ANNEXE 2 : Guide d’entretien individuel adressé aux jeunes filles
ANNEXE 3 : Guide d’entretien individuel adressé aux partenaires
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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
ANNEXE 1 : Guide d’entretien de groupe de discussion adressé aux jeunes filles
Remarque : lorsqu’il y a une série de questions, permettez toujours que plusieurs participants
répondent à la première avant de poser la question suivante. Ne dites rien de ce qui se trouve
entre parenthèses.
1. Que pensez-vous de l’école ? (vous pouvez chercher à savoir quels en sont les
avantages/inconvénients). Est-que vous aimiez aller à l’école (chercher en à connaître les
raisons) ?
2. Pour quelles raisons les filles quittent-elles tôt l’école? (Vous pouvez chercher à savoir si
cela est lié à la famille, au besoin ou au manque de revenus, à une grossesse précoce,
etc.) ?
3. a- En quoi pensez-vous que les filles qui quittent tôt l’école sont différentes de celles qui
restent plus longtemps à l’école ?
b- (Question d’approfondissement) Pensez-vous que les filles restent à l’école auront un
avenir différent de celui des filles qui abandonnent ? En quoi cet avenir sera- t- il
différent ?
4. L’une d’entre vous aimerait-elle retourner à l’école ? (Chercher à savoir pourquoi).
5. Où passez-vous votre temps pendant la journée ?
a- Que faites-vous pendant la journée ?
b- Arrivez-vous à joindre les deux bouts ?
c- Que font les autres femmes/filles qui ne sont pas à l’école, pendant la journée ?
6. Comment les jeunes filles qui ne sont pas à l’école trouvent-elles de l’argent ? De la
nourriture ? Des vêtements ?
a- Chercher à avoir des détails sur ce que font les jeunes filles pour gagner de
l’argent.
b- Chercher à avoir des détails sur la manière dont les jeunes filles obtiennent de la
nourriture/de l’argent/des vêtements, y compris les personnes qui les leur
fournissent.
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
37
c- Chercher à avoir des détails sur les personnes (famille, petits amis) qui
subviennent aux besoins de ces filles.
7. Y-a-t-il des jeunes filles qui doivent subvenir aux besoins de leurs partenaires masculins ?
(Question d’approfondissement) Comment subviennent-elles à leurs besoins ? Qu’est-ce
qu’elles leur fournissent ?
8. Si une jeune fille a des enfants, comment prendra-t-elle soin d’eux ? Qui sont les personnes
qui l’aident ? Comment l’aident-elles ?
9. Veuillez me parler des choses que cous aimez faire quand vous avez du temps libre.
(Chercher à avoir des détails).
10. Combien de jeunes filles de votre groupe d’âge ont eu des rapports sexuels ? (Question
d’approfondissement) Diriez-vous qu’il n’y a pratiquement aucune, qu’il y en a ou que la
plupart d’entre elles ont eu des rapports sexuels ?
a- Pour quelles raisons les jeunes filles de votre âge ont-elles des rapports sexuels ?
b- Où les jeunes filles de votre âge trouvent-elles leurs partenaires ? (Question
d’approfondissement) Qui sont-ils ?
c- Combien de partenaires sexuels quelqu’un de votre âge devrai avoir, selon vous ?
(Chercher à savoir pourquoi, les réponses sont différentes).
11. Veuillez me dire ce que vous savez sur le VIH/sida ?
a- Où trouvez-vous les informations sur le VIH/sida ?
b- Quelle est la meilleure façon d’éduquer les gens sur le VIH/sida ? (Chercher à
avoir des détails et à connaître les canaux)
12. Comment les jeunes filles peuvent-elles se protéger contre le VIH/sida ?
13. a- Qui décide normalement de l’utilisation du préservatif dans une relation – l’homme, la
femme ou tous les deux ?
b- Comment les jeunes filles peuvent-elles convaincre leurs partenaires d’utiliser des
préservatifs ?
c-
38
Connaissez-vous des organisations qui aident les jeunes filles dans votre quartier ?
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
d- Quelle est la chose la plus importante que nous pouvons faire pour aider les femmes
comme vous ?
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
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ANNEXE 2 : Guide d’entretien individuel adressé aux jeunes filles
Remarque : lorsqu’il y a une série de questions, permettez qu’il soit répondu à la première
avant de poser la question suivante. Ne dites rien de ce qui se trouve entre parenthèses.
1. Veuillez me parler de vous ?
2. Pouvez-vous me parler de votre famille (parents, frères/ sœurs/grands-parents/enfants) ?
3. a- Combien de temps passez-vous avec votre famille ? A quel point êtes-vous proche de
votre famille (vous pouvez poser des questions sur les membres spécifiques de la famille
mentionnée dans la question 2) ?
b- (S’il n’y a pas de contact avec la famille) Quand vous avez parlé pour la dernière
fois à quelqu’un de votre famille ?
4. Où passez-vous votre temps pendant la journée ? Que faites-vous pendant la journée ?
5. Où restez-vous la nuit ? (Chercher à avoir des détails, notamment concernant le/la
propriétaire du lieu où elle dort ; reste- t-elle dans différents endroits ?)
6. Quand vous étiez plus jeune, que vouliez-vous faire plus tard ? (Question
d’approfondissement : que vouliez-vous faire ? (profession), Comment espériez-vous
vivre ? – Cela pourrait nécessiter différentes formulations en français)
7. Maintenant, comment sera votre vie dans dix ans, selon vous ? En quoi cela est-il différent
de ce que vous vouliez que soit votre vie quand vous étiez plus jeune ?
8. Quel âge aviez-vous quand vous avez quitté l’école ? Pour quelles raisons avez-vous
quitté l’école ? Qu’est-ce que votre famille a dit concernant le fait que vous quittiez
l’école ? (Chercher à connaître les réactions de membres spécifiques de la famille sur la
base de ce qui a été mentionné dans la question 2).
9. Aimeriez-vous retourné à l’école ? Pour quelles raisons (poser la question, que la réponse
soit oui ou non) ?
10. Etes-vous capable de vous prendre en charge ?
a- Comment obtenez-vous de l’argent, de la nourriture, des vêtements ?
b- (Si elle gagne de l’argent) Chercher à savoir les détails sur ce qu’elle fait pour
gagner de l’argent.
40
Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
11. (Si cela n’est pas établi dans la question 1) Avez-vous des enfants ? Veuillez me parler de
vos enfants.
a- Où sont-ils ? (est-il/elle) maintenant ?
b- Qui s’occupe de l’enfant (des enfants) ? (peut-être plus d’une personne)
c- Comment l’enfant (les enfants) est-il (sont-ils) pris en charge ?
d- Est-il difficile de subvenir aux besoins de votre enfant (vos enfants) ? Quels sont
vos difficultés ?
12. Veuillez me dire les choses que vous aimez faire quand vous avez du temps libre.
(Chercher à avoir des détails)
13. Avez-vous déjà eu un petit ami ?
a-Est-ce que vous êtes encore ensemble (vous vous voyez toujours) ?
b-Certaines filles de votre âge ont plusieurs copains en même temps ?
14. Avez-vous déjà eu des rapports ?
a- (Oui) Avez-vous des partenaires sexuels en ce moment ? Veuillez me parler d’eux
(Veuillez demander leur nombre et obtenir des détails sur eux – notamment
comment ils se sont rencontrés et si les partenaires apportent un soutien)
b- Quel âge avez-vous lors de vos premiers rapports sexuels ? Pour quelles raisons
avez-vous eu des rapports sexuels, la première fois ?
c- (En cas de partenaires multiples) Combien de partenaires pensez-sous que vous
devriez avoir ? (Si le nombre est différent du nombre de partenaires qu’elle a
effectivement, veuillez demander) Pour quelles raisons avez-vous plus (ou moins)
de partenaires ?
d- Avez-vous le sentiment que vous pouvez décider de la personne avec qui vous
voulez avoir des rapports sexuels ? Avez-vous le sentiment que vous pouvez
décider du moment où vous voulez avoir des rapports sexuels ? (Chercher à savoir
les raisons pour les réponses négatives.)
15. Que faites-vous pour éviter de tomber malade ?
a- Que faites-vous si vous tombez malade ?
c- Où allez-vous quand vous tombez malade ?
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16. Parlez-vous du VIH/sida avec vos partenaires ?
a- (Si oui) De quoi parlez-vous ?
b- Qu’est-ce qui vous pousse à parler du VIH/sida ?
17. Veuillez me dire ce que vous savez du VIH/sida.
a- Où obtenez-vous des informations sur le VIH/sida ?
b- Combien de fois parlez-vous à votre/vos partenaires (s) du VIH/sida ?
c- Faites-vous quelque pour vous protéger contre la transmission du VIH/sida ?
d- (Si oui) Comment vous protégez-vous contre le VIH/sida ?
e- (Pour tout le monde) Qu’est-ce que les gens peuvent faire pour se protéger contre
le VIH/sida ?
f- (Si les préservatifs mentionnés) Qui décide de l’utilisation du préservatif quand
vous avez un partenaire sexuel ? Avez-vous le sentiment que vous pouvez
convaincre votre partenaire d’utiliser un préservatif si vous préférez les rapports
sexuels avec des préservatifs ?
g- Faites-vous quelque chose pour éviter de tomber enceinte ? (Si oui) Comment les
femmes peuvent-elles éviter une grossesse non désirée ?
18. Quelle la chose la plus importante que nous pouvons faire pour vous aider les jeunes filles
comme vous ?
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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre
ANNEXE 3 : Guide d’entretien individuel adressé aux partenaires
Remarque : lorsqu’il y a une série de questions, permettez qu’il soit répondu à la première
avant de poser la question suivante. Ne dites rien de ce qui se trouve entre parenthèses.
1. Veuillez me parler de vous ? Pouvez-vous me parler un peu de votre famille ?
(Remarque – si nous pensons qu’un homme est marié, c’est ici que nous l’espérons
l’apprendre.)
2. Depuis combien de temps connaissez-vous ……………………………. (non de la
jeune femme qui le référé).
a- Quelle est la différence d’âge entre vous et ……………………………….. ?
b- Où et quelle occasion avez-vous rencontré ………………………………… ?
Pouvez-vous me parlez de votre relation avec elle ?
c- Qu’est-ce que vous aimez dans votre relation avec
……………………………….. ?
3. Comment gagnez-vous votre vie ?
a- Gagez-vous assez d’argent pour subvenir à vos besoins ?
b- Qui d’autres prenez-vous en charge avec ce que vous gagnez ?
c- Y a- t-il quelqu’un qui subvient à vos besoins (nourriture, argent, logement,
cherchez à avoir plus de détails ?
4. a - Subvenez-vous aux besoins de …………………………………... ?
b- Comment subvenez-vous à ses besoins ? (Chercher à savoir s’il s’agit d’argent, de
nourriture, de vêtement, de logement.)
5. a- Quel niveau d’étude avez-vous atteint ?
b- Que pensez-vous de l’école ?
c- Comment se fait-il que les filles quittent l’école ? Quelles en sont les raisons ?
d- Quelles en sont les raisons ?
e- Quelles en sont les raisons ?
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f- Pensez-vous que …………………………. Devrait être encore à l’école ?
(Chercher en savoir les raisons)
6. Avez-vous des enfants avec ………………………… ? Comment ces enfants sont-ile
pris en charge ?
7. a- En dehors de …………………………. Avez-vous des enfants avec d’autres
amies ?
b- Veuillez me parler d’elles (Veuillez demander combien et obtenir des détails sur
elles – Comment ils se sont rencontrés et s’ils les prennent en charge).
d- (En cas de partenaires multiples) Combien de partenaires devriez-vous avoir, selon
vous ? (Si le nombre est différent du nombre de partenaires qu’il a effectivement,
veuillez demander) Pourquoi avez-vous plus (ou moins) de partenaires ?
8. Veuillez me dire ce que vous savez sur le VIH/sida ?
abcd-
Où obtenez-vous les informations sur le VIH/sida ?
Parlez-vous à votre (vos) partenaire (s) du VIH/sida ?
(Si oui) De quoi parlez-vous ?
Qu’est-ce qui vous pousse à parler de VIH/sida ?
9. Faites-vous quelque chose pour vous protéger contre la transmission du VIH/sida ?
a- Comment vous protégez-vous contre le VPH/sida ?
b- (Pour tout le monde) Qu’est-ce que les gens peuvent faire pour se protéger contre
le VIH/sida ?
c- Que pensez-vous de l’utilisation du préservatif ? Combien de fois utilisez-vous les
préservatifs ? (Chercher à savoir les différences en matière d’utilisation de
préservatif entre les partenaires.)
d- Qui décide de l’utilisation du préservatif quand vous avez une partenaire sexuelle ?
e- Que faites-vous quand votre partenaire veut utiliser un préservatif?
f- Faites-vous quelque chose pour que votre partenaire ne tombe enceinte ? (Si oui)
Comment les femmes peuvent-elles éviter une grossesse non désirée ?
10. a- Quelle est la meilleure façon d’éduquer les gens sur le VIH/sida ?
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b- Quelles sont les meilleures façons de fournir des informations sur le VIH/sida ?
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