Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d`Ivoire
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Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d`Ivoire
VULNÉRABILITÉ DES JEUNES FILLES FACE AU VIH/SIDA EN CÔTE D’IVOIRE - UNE ANALYSE GENRE Mai 2012 Analyse réalisée par : Stella BABALOLA, Associate Professor/ Senior Research Advisor, JHU CCP Baltimore Et Anne-Marie KOUADIO, Consultante, sociologue TABLE DES MATIERES Sigles et Acronymes .................................................................................................................. iii RESUME EXECUTIF .............................................................................................................. iv I.INTRODUCTION ................................................................................................................... 1 1.1 Contexte et justification ....................................................................................................... 1 1.2 Approche conceptuelle ......................................................................................................... 2 1.2.1 Définitions des termes ............................................................................................................ 2 1.2.2 Grille d’analyse de l’acquisition du pouvoir par les femmes ................................................. 3 1.3 Objectifs de l’étude .............................................................................................................. 5 II METHODOLOGIE DE L’ETUDE ........................................................................................ 6 2.1. Description des données ...................................................................................................... 6 2.2. Analyse des données ........................................................................................................... 7 III. RESULTATS .................................................................................................................. 8 3.1. Le bien-être ......................................................................................................................... 8 3.2. Accès aux Ressources ....................................................................................................... 14 3.3. Conscientisation ................................................................................................................ 17 3.4. Participation ...................................................................................................................... 21 3.5. Control ............................................................................................................................... 24 IV CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ................................................................... 29 4.1. Conclusion ......................................................................................................................... 29 4.2. Recommandations ............................................................................................................. 31 ii Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Sigles et Acronymes EIS IST ONG SIDA VIH Enquête sur les indicateurs du sida Infection Sexuellement Transmissible Organisation Non Gouvernementale Syndrome de l’Immunodéficience Acquise Virus de l’Immunodéficience Humaine Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre iii RESUME EXECUTIF L’un des objectifs du programme Prévention active et communication transformatrice du Centre des Programmes de Communication de l’école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg (CCP) en Côte d’Ivoire est de faciliter le dialogue et la réflexion sur les normes sociales et de genre existantes et d’encourager la promotion de nouvelles normes qui contribuent à réduire l’infection à VIH et améliorer la santé et le bien être des jeunes filles, des femmes, des familles et des communautés. En effet, en Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux pays africains, les rapports hommes-femmes gardent toujours une empreinte de conservatisme : les normes de genre traditionnelles empêchent les jeunes filles et les femmes de gérer librement leur vie sexuelle en adoptant des comportements sexuels à moindre risque. De ce fait, elles sont deux fois plus exposées aux IST et à l’infection à VIH que leurs partenaires masculins. L’EIS de 2005 indique des séroprévalences respectives de 0,4% chez les filles de 15 à 19 ans et de 0,2% chez les garçons de la même tranche d’âge. La présente étude est une analyse secondaire des données collectées dans le cadre de deux études conduites par CCP: (1) une recherche qualitative sur la situation des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées en 2010 et (2) de l’enquête quantitative réalisée auprès des jeunes en 2007. La présente étude vise à approfondir les informations sur la vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida à travers un examen des liens qui existent entre les normes traditionnelles de genre et les comportements à risques chez cette catégorie de personnes. L’analyse des données s’est appuyée sur la grille d’acquisition de pouvoir par les femmes (la grille de Longwe). Des analyses que nous avons faites, il ressort les résultats suivants articulés autour de la grille de l’acquisition du pouvoir par les femmes. Le bien-être Par le bien-être, nous voulons dire les conditions de vie des hommes et des femmes, et surtout en comparaison les uns avec les autres. Plus précisément, il s’agit des moyens qui permettent la satisfaction des besoins pratiques et essentiels des femmes et des hommes. Ces besoins pratiques comprennent l’approvisionnement en eau, en nourriture, les soins de santé, l’habillement et l’emploi. Il est utile de préciser que la satisfaction de ces besoins ne remet pas en question la répartition des tâches entre les hommes et les femmes, ni la position subordonnées que celles-ci occupent au sein de la société. Pour cerner le bien-être des individus, nous avons examiné les variables ci-après : scolarisation, statut matrimonial, et contexte de résidence. Pour ces variables, nous avons mis en exergue les différences entre les hommes et les femmes. En outre, nous avons examiné les caractéristiques sociodémographiques des partenaires sexuels des jeunes filles selon les données qualitatives de 2010. Nos données ont révélé qu’il y a des différences significatives entre les jeunes hommes et les jeunes femmes en ce qui concerne les indicateurs du bien-être. D’une manière générale, les jeunes femmes manifestent des caractéristiques sociodémographiques et des conditions de vie susceptibles d’accroître leur vulnérabilité face au VIH. Par exemple, comparées aux jeunes iv Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre hommes, les jeunes femmes ont beaucoup moins de chances d’être inscrites à l’école. Et ce pour des raisons ayant trait à la pauvreté des familles, aux attitudes des parents vis-à-vis de la scolarisation des filles, manque d’intérêt de la part des filles et manque (perçu) d’aptitudes scolaires de la part des filles. De plus, à âge égal, les femmes sont plus nombreuses à être mariées comparé aux hommes. En outre, plus que les filles, les garçons ont tendance à vivre dans le même ménage que leurs parents biologiques pendant les premières années de leur vie. Les partenaires sexuels des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées étaient nettement en avance, par rapport à elles, en matière d’âge, du niveau d’études et de la profession. Cette avance des hommes sur les filles est favorisée par des normes culturelles qui accordent plus de privilèges et de faveurs aux hommes. Cette avance met davantage les jeunes femmes en position de vulnérabilité sexuelle. L’accès aux ressources L’accès aux ressources suppose un accès égalitaire aux services, à l’information, à la santé, à la terre, au crédit, au travail et aux autres ressources. Il est perçu comme la première étape dans le processus de l’avancement des femmes. En effet, les disparités dans la satisfaction des besoins de base proviennent directement d’un accès inégal aux ressources. Comparativement aux hommes, les femmes ont un moindre accès à l’éducation, aux emplois salariés, ainsi qu’aux services et aux sources d’informations sur la santé. Le niveau d’instruction, l’activité économique et les habitudes médiatiques par rapport à ceux des hommes nous permettent d’opérationnaliser l’accès aux ressources. L’analyse révèle que les jeunes femmes ivoiriennes ont un accès inégal aux sources d’information justes et fiables, ont un niveau d’instruction moins élevé, ont plus de chances d’être sans emploi, et ont un moindre accès aux services de sante par rapport aux hommes, en général, et à leurs partenaires sexuels, en particulier. La conscientisation La croyance que le statut socio-économique inférieur des femmes et la division sociale et traditionnelle du travail font partie de l’ordre naturel des choses est à la base de la disparité de statut entre les hommes et les femmes. La prise de conscience implique le rejet de ces croyances et pratiques par l’ensemble de la population. Ce niveau d’égalité suppose que l’on fait la différence entre les rôles sexuels et les rôles déterminés selon le genre. Nous opérationnalisons la conscientisation à travers les connaissances vis-à-vis la prévention du VIH, les attitudes envers les méthodes de prévention du VIH, l’estime du soi et les attitudes envers les rôles de genre. Les données ont révélé que les jeunes filles ont un niveau de connaissances à l’égard de la prévention du VIH sensiblement plus bas que celui des garçons. Un nombre important de jeunes hommes et jeunes femmes ont des attitudes qui favorisent des comportements à risque, tel que le multipartenariat et les relations sexuelles intergénérationnelles. En ce qui concerne ces attitudes, il n’y a guère de différences entre garçons et filles. En revanche, en moyenne, les attitudes vis-à-vis de l’utilisation du préservatif sont plus favorables chez les jeunes Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre v femmes comparées aux hommes. En outre, proportionnellement plus de garçons que de filles ont soit fait le test de dépistage du VIH soit ont l’intention de faire le test dans l’avenir proche. Les jeunes femmes manifestent un niveau d’estime de soi moins élevé que pour les jeunes hommes. Plus précisément, selon les données de l’enquête de 2007, comparées aux jeunes hommes, les jeunes femmes sont proportionnellement moins nombreuses à croire qu’elles ont un avenir brillant devant elles, qu’elles sont importantes pour leur famille et qu’elles peuvent faire les choses aussi bien que la plupart des gens de leur âge. En ce qui concerne les normes liées au genre, nos données suggèrent qu’un nombre important d’hommes et de femmes ont des attitudes qui favorisent le traitement inégalitaire des sexes et l’inégalité des pouvoirs entre hommes et femmes. Cependant, il apparait que les attitudes favorisant le traitement inégalitaire des sexes sont plus répandues chez les hommes comparé aux femmes. La participation La participation signifie que les femmes autant que les hommes sont impliqués activement dans le processus de développement, et particulièrement au niveau de la prise décision. Le niveau d’exposition aux programmes de communication au sujet du VIH, et la discussion du VIH/sida avec les autres sont deux variables qui nous permettent d’opérationnaliser la participation au processus du changement des comportements. Les données quantitatives révèlent que les garçons ont plus de chance d’être exposés à la campagne de prévention du VIH réalisée par CCP dans les douze mois avant l’enquête de 2007. Les jeunes filles ont plus de chances que les garçons de rapporter qu’elles ont déjà eu une discussion avec leurs parents ou tuteur au sujet de la sexualité. Ce résultat reflète un double standard de la part des parents, plus précisément, la tendance des parents d’attendre des filles un niveau de chasteté plus élevé que pour les garçons. En revanche, la proportion ayant discuté des moyens de prévention de VIH avec leur partenaire sexuel est plus élevée chez les garçons. Le contrôle Le contrôle découle de la participation et signifie d’une part, un équilibre de pouvoir entre les hommes et les femmes et d’autre part, que les femmes peuvent exercer le pouvoir, aux côtés des hommes, et avoir de l’influence sur leur destinée et celle de leur société. Dans le cadre de cette étude, nous examinons le contrôle à travers le sentiment d’auto-efficacité et les comportements sexuels chez les jeunes. Les résultats suggèrent que les sentiments d’autoefficacité de pouvoir utiliser des préservatifs, d’être fidèle à un seul partenaire sexuel et de réduire le nombre de partenaires sexuel sont très répandus parmi les jeunes hommes et filles. Par contre, presque la moitié des garçons et filles n’ont pas le sentiment de pouvoir refuser des rapports sexuels avec une personne qui offre des cadeaux ou avec une personne connue pour plus de trois mois. En ce qui concerne les comportements sexuels, les données révèlent que les premiers rapports sexuels sont plus précoces chez les filles que chez les garçons. Le multipartenariat est assez courant aussi bien chez les filles que chez les garçons. Cependant, les garçons sont plus nombreux à admettre avoir eu plus d’un partenaire au cours des trois dernier mois. L’utilisation du préservatif est moins répandue chez les jeunes femmes comparées aux hommes. Ce fait peut être expliqué par la tendance des femmes d’avoir des vi Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre partenaires sexuels plus âgés qu’elles avec lesquels la négociation du préservatif peut s’avérer difficile. Au terme de cette étude, nous faisons les recommandations suivantes : Etant donné les conditions de vie précaires des filles et le lien entre leurs conditions de vie et les comportements sexuels à haut risque, les efforts qui cherchent à améliorer leur niveau de vie sont pertinents. Les exemples des programmes pertinents à cet égard comprennent des apprentissages professionnels, une assistance financière permettant aux jeunes femmes d’établir un petit commerce et d’autres projets d’activités génératrices de revenus. Les ONG locales peuvent collaborer avec des entreprises dans la communauté pour identifier les ressources locales pour permettre aux filles vulnérables de continuer dans le système scolaire et d’apprendre un métier ou avoir le capital pour initier un petit commerce si elles sont hors du système scolaire. Les jeunes filles ont besoin d’acquérir des connaissances et des compétences pour la vie relatives à la prévention du VIH. Des activités au sein du groupe et des programmes de communication spécialement développés pour ce groupe cible devraient chercher à accroître leurs connaissances des méthodes de prévention du VIH, les aider à développer des attitudes plus favorables à la prévention, renforcer leur auto-efficacité pour prévenir l’infection et les encourager à avoir une vision positive d’elles mêmes. D’autres compétences qui sont pertinentes pour ces femmes comprennent la négociation du préservatif, comment convaincre son partenaire à accepter de faire le test de dépistage, et comment refuser des relations sexuelles transactionnelles ou intergénérationnelles. Ces activités et programmes devraient impliquer l’auditoire cible dans le développement et la réalisation aussi bien que dans l’évaluation. Il est important de cibler les parents avec des messages et activités leur permettant de mieux communiquer avec leurs filles et garçons. Il est important de renforcer la capacité des parents à discuter des sujets ayant trait à la sexualité et à la prévention du VIH avec leurs progénitures. Il convient aussi pour les parents de voir la nécessité de parler de la sexualité non seulement avec leurs filles mais aussi avec leurs garçons. La discussion parent-enfants au sujet de la sexualité n’est pas normative en Cote d’Ivoire. Certes, la façon d’aborder ces sujets avec leurs enfants est importante. Peut-être plus important est le contenu des conversations parent-enfant autour de la sexualité. Les parents ont besoin des informations justes et fiables au sujet du VIH et doivent se sentir à l’aise de parler de ces sujets sensibles. Des efforts doivent également cibler les hommes (jeunes et plus âgés) en tant que des partenaires potentiels des jeunes femmes. Des interventions de communication qui cherchent à promouvoir des attitudes favorables aux comportements sains et à changer des comportements à hauts risques chez les hommes sont nécessaires. Il est pertinent de focaliser des efforts sur le renforcement de la capacité des communautés à identifier des normes sociales néfastes à la santé sexuelle des jeunes femmes, mobiliser les ressources communautaires pour combattre ces normes et à Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre vii prendre des actions pouvant réduire la vulnérabilité des hommes et femmes. En particulier, le renforcement de la capacité de la communauté à protéger et à secourir les jeunes femmes au sein de la communauté devrait être une priorité. viii Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre I.INTRODUCTION 1.1 Contexte et justification La Côte d’Ivoire avec une séroprévalence de 3,4% (ONUSIDA, 2010) est le pays le plus affecté par le VIH/sida en Afrique de l’Ouest. La pandémie a un impact sur le développement socio-économique de la Côte d’Ivoire car elle atteint la population active : les jeunes et les adultes sont les plus affectés à cause de leurs comportements sexuels à risque. Pour renforcer la lutte contre le sida, le gouvernement et les organismes internationaux travaillent de concert en vue de réduire la transmission du VIH et de faire reculer l’épidémie. Le Centre des Programmes de Communication de l’école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg (JHU CCP) figure parmi les structures internationales qui contribuent à la lutte contre le sida en Côte d’Ivoire. L’un des objectifs du programme Prévention active et communication transformatrice de CCP est de faciliter le dialogue et la réflexion sur les normes sociales et de genre existantes et d’encourager la promotion de nouvelles normes qui contribuent à réduire l’infection à VIH et à améliorer la santé et le bien-être des jeunes filles, des femmes, des familles et des communautés. En effet, en Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux pays africains, les rapports hommes-femmes gardent toujours une empreinte de conservatisme : les normes de genre traditionnelles empêchent les jeunes filles et les femmes de gérer librement leur vie sexuelle en adoptant des comportements sexuels à moindre risque. De ce fait, elles sont deux fois plus exposées aux IST et à l’infection à VIH que leurs partenaires masculins. L’EIS de 2005 indique des séroprévalences respectives de 0,4% chez les filles de 15 à 19 ans et de 0,2% chez les garçons de la même tranche d’âge. Deux études sur les normes sociales, culturelles et de genre qui contribuent à la vulnérabilité des jeunes face au VIH/sida en Côte d’Ivoire, réalisée par le CCP en 2006 et en 2007, ont confirmé les liens existants entre normes traditionnelles et difficultés à se protéger du VIH/sida (CARID, 2008). En 2010, une autre étude de JHU-CCP sur les jeunes filles déscolarisées et non scolarisées a permis de dresser le profil de cette cible et de fournir des informations destinées à renforcer les capacités des jeunes femmes en matière de protection contre le VIH/sida. La présente étude est une analyse secondaire des données provenant de l’enquête de 2007 et de l’analyse situationnelle des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées vulnérables de 2010. A travers une approche genre, nous analysons ces données en vue de mettre en exergue les facteurs qui rendent ces femmes vulnérables en face au VIH/sida. Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 1 1.2 Approche conceptuelle 1.2.1 Définitions des termes Un certain nombre de concepts mérite d’être clarifié dans cette recherche afin d’assurer une bonne compréhension, des objectifs et des résultats visés par l’étude. Ce sont entre autres, les notions de connaissance, attitude, comportement, vulnérabilité, pratique et genre. La connaissance est le fait d’avoir une idée, une notion de quelque chose, elle se rapporte à toutes les choses sues ou connues via la conscience mentale. Elle est l'information intellectualisée. C’est donc le produit de l’apprentissage qui favorise la naissance de l’attitude ou de l’opinion et prédispose à l’action. L'attitude est « l'état d'esprit » d'une personne vis-à-vis d'un objet, d'une action ou d’une autre personne. Cet état d’esprit se met en place par le fait de l’expérience vécue ou de la connaissance reçue, prépare ou influence le comportement et dans une certaine mesure la pratique des individus. Elle sert à expliquer le comportement et la pratique d’un sujet en tenant compte de ses dispositions mentales. Elle peut être influencée par le milieu social ou les préjugés. Thomas et Alaphilippe (1983) définissent l’attitude comme un « état généralisé de dispositions à un comportement motivé » Une attitude est dirigée vers un objet, et rend compte d'une constance comportementale vis-à-vis de cet objet. Dans le cadre de cette étude l’attitude se rapporte à l’action, à l’agir des populations. Le comportement est l’ensemble des conduites de l’individu dans son environnement proche ou dans sa société. Ajzen & Fishbein (1980) recommandent de le définir en précisant quatre conditions: l’action, l'objet, le contexte et le temps. L'action se réfère à un verbe (e.g. utiliser) qui est dirigé vers un objet (e.g. un préservatif). Le comportement dépend aussi du contexte dans lequel il se déroule et le moment auquel il se réalise. Par exemple, la décision de se faire dépister pourra varier selon le contexte spécifié (on a un proche qui est séropositif ou pas). De la même manière, l'intention de faire le test de dépistage pourra varier selon le moment auquel on fait référence (au cours de la prochaine semaine ou au cours des prochains douze mois). Quant à la pratique, elle désigne, les règles de la conduite individuelle et collective, le système des devoirs et des droits, en un mot les rapports moraux des hommes entre eux. La pratique est une logique des comportements spécifiques à chaque milieu (Ferréol, 2002). Le genre s’emploie pour les différences socialement construites entre les hommes et les femmes. Alors que le sexe biologique est déterminé par les caractéristiques génétiques, le genre s’acquiert à travers l’apprentissage, il change d’une époque à l’autre et varie considérablement au sein des cultures et d’une culture à l’autre. Le mot genre souligne l’aspect relationnel. Les hommes et les femmes sont définis l’un en fonction de l’autre et ni l’un ni l’autre ne peut se comprendre si ce n’est en étudiant les deux (Pinnelli, 2004). Autrement dit, le genre est relationnel et ne se rapporte pas seulement aux femmes ou aux hommes mais aux relations entre les hommes et les femmes. 2 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Enfin, la vulnérabilité définit les caractéristiques d'une personne ou de groupe et de leur situation qui influent sur leur capacité à anticiper, faire face à, résister et récupérer de l'impact d'un danger (Wisner et al, 2004). En d’autres termes, c’est le caractère de ce qui est vulnérable, ce qui est facilement atteint, ce qui est fragile ou faible. 1.2.2 Grille d’analyse de l’acquisition du pouvoir par les femmes Après examen des différents outils d’analyse genre, la grille d’analyse de l’acquisition de pouvoir par les femmes semble la mieux adaptée pour affiner le profil des jeunes filles, et cerner les facteurs de leur vulnérabilité face au VIH/sida dans le cadre de leur vulnérabilité en face du VIH. Cette grille est basée sur la théorie du genre qui stipule que le genre social (féminin ou masculin) d’un individu n’est pas déterminé exclusivement par son sexe biologique (mâle/femelle), mais par l’environnement socioculturel dans lequel il évolue et par son histoire de vie. Cet outil a été développé par Sara Longwe dans le courant des années 1990 pour démontrer les dynamiques du pouvoir des hommes et des femmes à plusieurs niveaux (individuel, social, économique et politique). Schéma 1 : La grille de Longwe (acquisition du pouvoir par les femmes) Égalité Acquisition de pouvoir Contrôle Participation Conscientisation Accès Le bien-être Longwe (1991) propose d’évaluer le degré d’égalité entre les hommes et les femmes en se référant à cinq étapes dans le processus d’acquisition du pouvoir : (1) le bien-être ; (2) l’accès aux ressources et aux bénéfices ; (3) la conscientisation ; (4) la participation ; et (5) le contrôle (Schéma 1). Les cinq niveaux sont hiérarchiques, dans le sens que l’acquisition du pouvoir au niveau du contrôle peut avoir un plus grand impact sur l’autonomisation des femmes que, par exemple, l’égalité au niveau du bien-être. Cependant, dans le schéma, les spirales indiquent que les différents niveaux ne sont pas nécessairement chronologique et que l’acquisition du pouvoir n’est pas toujours linéaire. Les gens peuvent progresser d’un niveau à un autre suivant, peuvent sauter un niveau ou peuvent revenir en arrière. Si l’égalité entre les hommes et les femmes fait partie de façon intrinsèque de la définition de Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 3 l’approche genre et développement, cela implique nécessairement l’acquisition de pouvoir par les femmes, vue comme une démarche essentielle pour surmonter les obstacles liés à la promotion de l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes. La grille de Longwe nous permet d’analyser, à chaque niveau, aussi bien les obstacles que les démarches prises par les femmes pour les surmonter. Nous expliquons ci-dessous ces cinq niveaux d’égalité : 1er niveau: le bien-être Il s’agit du niveau de bien-être matériel des femmes, par rapport aux hommes, y compris l'approvisionnement alimentaire, le logement, le revenu et les soins médicaux. En ce qui concerne cette définition, peu importe si les femmes sont elles-mêmes créatrices ou productrices actives des moyens de satisfaire leurs besoins matériels. La non-satisfaction de ces besoins pratiques peut disposer les femmes à adopter les comportements sexuels à haut risques, tel le multipartenariat, la non-utilisation des préservatifs et le sexe intergénérationnel. Il convient cependant d’ajouter que la satisfaction de ces besoins pratiques ne remettent pas en cause la répartition des tâches entre les hommes et les femmes, ni la position subordonnée que celles-ci occupent au sein de la société. Dans le cadre de la présente étude, pour opérationnaliser ce niveau d’égalité entre les hommes et les femmes, nous nous référons aux indicateurs des conditions de vie, tels que le statut matrimonial, le contexte résidentiel, et la scolarisation. 2ème niveau : l’accès aux ressources L’accès aux ressources se rapporte à l'accès des femmes aux facteurs qui permet d’agir et d’améliorer leurs conditions de vie : la terre, le travail, le crédit, la formation, les services de santé, l’information pratique, etc. L’égalité dans l’accès aux ressources est perçue comme la première étape d'autonomie, puisque les femmes améliorent leur propre situation, par rapport aux hommes, par leur propre travail et organisation résultant d'un accès accru aux ressources. En effet, les disparités dans la satisfaction des besoins de base proviennent directement d’un accès inégal aux ressources. Par rapport aux hommes, les femmes ont un moindre accès à l’éducation, aux emplois salariés, ainsi qu’aux services et à la formation technique qui donnent accès aux emplois productifs. Pour opérationnaliser l’accès aux ressources, nous emploierons les variables suivantes : le niveau d’instruction, les habitudes médiatiques, et l’activité économique. 3ème niveau : La conscientisation La disparité de statut entre les hommes et les femmes est abordée comme un système de valeur : la croyance que le statut socio-économique inférieur des femmes et la division sociale et traditionnelle du travail font partie de l’ordre naturel des choses. La prise de conscience implique donc le rejet de ces croyances et pratiques par l’ensemble de la population. Ce niveau d’égalité suppose que l’on conçoive le processus de développement en termes d’égalité structurelle : les hommes et les femmes doivent comprendre que ce type de 4 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre problème ne provient pas des carences des femmes elles-mêmes, mais plutôt d’un système de discrimination institutionnelle. Cela revient à faire la différence entre les rôles sexuels et les rôles déterminés selon le genre. Dans le cadre de la présente étude, les variables dont nous nous servons pour opérationnaliser la conscientisation comprennent les connaissances vis-à-vis la prévention du VIH, attitudes envers les méthodes de prévention du VIH, l’estime du soi et attitudes envers les rôles de genre. 4ème niveau : La participation La participation signifie que les femmes autant que les hommes sont impliqués activement dans le processus de développement, et particulièrement au niveau de la prise décision, la planification, la gestion et l’évaluation des projets du développement. L’égalité de participation signifie que les femmes sont associées au processus décisionnel des projets de développement, et ce, dans la proportion de leur représentation au sein de ces communautés. Pour opérationnaliser ce niveau, nous nous référons aux variables suivantes : la participation et l’exposition aux programmes de sensibilisation et la discussion des comportements sains avec les autres. 5ème niveau : Le contrôle L’égalité de contrôle signifie, d’une part l’équilibre de pouvoir entre les hommes et les femmes, et d’autre part, que les femmes peuvent exercer le pouvoir, aux côtés des hommes, et avoir de l’influence sur leur destinée et celle de leur société. Par exemple, l’égalité de contrôle pour les jeunes femmes déscolarisées et non scolarisées signifie qu’elles pourront prendre la décision et négocier le port systématique de préservatifs avec leur partenaire sexuel. C’est l’égalité de contrôle qui permettra aux jeunes filles d’améliorer leur accès aux ressources et, conséquemment, leurs conditions de vie en adoptant davantage de comportements sexuels sains et responsables Les variables suivantes serviront pour opérationnaliser le contrôle : le sentiment d’autoefficacité et les comportements liés à la prévention du VIH. Dans l’ensemble, cet outil d’analyse genre permettra d’expliquer la situation de vulnérabilité des jeunes filles et de proposer des solutions pour atténuer les facteurs de vulnérabilités de ces dernières face au VIH/sida. 1.3 Objectifs de l’étude L’objectif général de l’étude est d’affiner le profil des jeunes femmes et de mieux cerner les facteurs de leur vulnérabilité face au VIH/sida. De manière spécifique, l’étude, réalisée dans une perspective genre, permettra de : - Décrire les trajectoires de vulnérabilité des filles à risque de VIH et leurs comportements sexuels à risque. Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 5 - Documenter l’inégalité du pouvoir entre hommes et femmes en se servant de la grille d’analyse de Longwe. - Identifier les facteurs liés au genre qui influencent les comportements sexuels à risque de ces jeunes filles. - Comprendre le rôle de l’entourage des jeunes filles, tant en ce qui concerne leurs comportements sexuels à risque, que leurs stratégies pour se protéger du VIH/sida. - Proposer des stratégies efficaces de prévention du sida pour ces jeunes filles. II METHODOLOGIE DE L’ETUDE 2.1. Description des données L’étude est essentiellement une analyse secondaire des données de deux recherches menées par JHU-CCP : - Analyse situationnelle des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées vulnérables en Côte d’Ivoire, - Analyse des normes sociales, culturelles et de genre qui contribuent à la vulnérabilité des jeunes au VIH/sida en Côte d’Ivoire. L’analyse situationnelle des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées vulnérables en Côte d’Ivoire est une étude qualitative conduite en 2010 (CCP, 2010). Elle avait pour objectif de fournir les informations sur la situation des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées nécessaires à la conception du programme Super Go. Six groupes de discussion ont été réalisés parmi les adolescentes âgées de 12-19 ans (trois dans la tranche d’âge 12-15 ans et trois dans la tranche d’âge 16-19 ans). Chaque groupe a comporté 7 à 10 participantes. Au total, quarante-huit (48) participantes ont constitué les groupes de discussion à travers les cinq sites (Yamoussoukro, San-Pedro, Abidjan : Abobo et Yopougon). Dix-neuf jeunes filles ont été interviewées individuellement dans les sites avec au moins une représentante de chaque groupe d’âge dans chaque site. En outre, il a été demandé à ces jeunes filles d’inviter un partenaire principal de 21 ans et plus pour un entretien ; 14 entretiens avec les partenaires masculins ont été réalisés. La difficulté majeure rencontrée au niveau de l’analyse qualitative était relative à l’insuffisance des données recueillies qui à l’origine n’étaient pas destinées à documenter une analyse selon le genre. Ainsi, les données ne renseignaient pas suffisamment les aspects sur la confiance en soi, le contrôle du pouvoir, la participation des jeunes filles, parmi tant d’autres. Cependant, certains propos des jeunes filles ont permis tant soit peu de faire une analyse sur ces questions importantes de l’analyse genre. De plus, la population cible, surtout les filles âgées de 12 à 15 ans, n’étaient pas toujours en mesure de donner des réponses pertinentes et de procéder à des analyses approfondies de leur propre situation. 6 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Concernant l’analyse des normes sociales, culturelles et de genre qui contribuent à la vulnérabilité des jeunes au VIH/sida en Côte d’Ivoire, les objectifs étaient d’évaluer d’une part l’impact de la campagne multimédia « Ma vie, c’est ma décision » sur l’ensemble des indicateurs relatifs aux normes sociales et aux comportements sexuels ainsi qu’au recours au test de dépistage. L’étude a été menée auprès de 985 jeunes hommes et femmes âgés de 1524 ans en 2007 à Abidjan, San Pedro, Man, Bouaké, et Abengourou. L’échantillon comprend 500 jeunes femmes et 485 jeunes hommes. Ces données quantitatives fournissent des informations complémentaires pour appuyer les résultats des analyses qualitatives et nous permettent de pallier à l’insuffisance des données qualitatives. 2.2. Analyse des données L’analyse des données qualitatives (discussions en focus groupe et entretiens individuels approfondis) s’est faite à partir de l’analyse de contenu articulée autour de la grille d’analyse de l’acquisition de pouvoir par les femmes et selon la méthode suivante : extraction, pour chaque thème, des messages clés tels qu’exprimés par les informateurs ; hiérarchisation de ces messages en fonction de leur fréquence d’apparition dans chacun des groupes selon les tranches d’âges et dans l’ensemble ; comparaison entre les groupes de façon à dégager les divergences et les convergences ; illustration des messages clés par un verbatim qui reflète la perception exprimée par les enquêtés. De manière plus pratique, l’exercice a consisté à former des corpus de texte à partir des synthèses des entretiens avec les enquêtées de sorte à dégager des unités sur les principaux thèmes. Ces synthèses ont pour principaux centres d’intérêts : (i) Les conditions de vie des enquêtées, notamment leur activité principale au moment de l’enquête, leur capacité à se prendre en charge elles-mêmes, leur situation matrimoniale, le nombre d’enfant qu’elles ont, leur capacité à prendre en charge leur propre enfant, les raisons de l’abandon de l’école. (ii) Le profil sociodémographique des partenaires sexuels des jeunes filles déscolarisées et analphabètes et de leur prise en charge par ces derniers. (iii) L’accès des jeunes filles aux services de santé et à l’information sur le VIH/sida. (iv) Les connaissances et attitudes des jeunes filles et de leur partenaire vis-à-vis du VIH/sida. (v) Les comportements sexuels à risque suscités par leur situation de vulnérabilité. (vi) La nature des relations de pouvoir entre les jeunes filles et leurs partenaires sexuels. Il s’agira d’analyser leur prise de conscience relative au rapport de genre. Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 7 (vii) L’influence de facteurs externes à l’adoption de comportements sains par les jeunes filles. L’analyse croisée des entretiens des partenaires sexuels de quelques unes de ces jeunes filles s’est faite à partir de la démarche de l’analyse de contenu. Elle a permis de dégager des cohérences dans les ressemblances et les différences de l’histoire de vie de ces filles et de leur partenaire sexuel. Elle a permis également de déceler et de confirmer ou non le degré de vulnérabilité des filles en ce sens que nous analyserons les conditions de vie de ces partenaires sexuels ; ce, à travers leurs caractéristiques sociodémographiques. Ces corpus ont été analysés en tenant compte des critères d’exhaustivité (aucune information importante n’a été laissée de côté), de fidélité (les synthèses sont restées équivalentes aux entretiens), d’objectivité (application rigoureuse de l’esprit scientifique) et de pertinence (cohérence entre l’analyse et les objectifs de l’étude). La technique utilisée pour conduire l’analyse est la description. Pour les données quantitatives, nous avons réalisé des analyses autour des variables qui nous permettent d’opérationnaliser chaque niveau de la grille d’analyse de Longwe. Pour chaque variable d’intérêt, les analyses comprennent des fréquences et des tabulations croisées. Nous avons aussi examiné les différences entre garçons et filles pour chaque variable d’intérêt. Les analyses ont été réalisées en utilisant le logiciel Stata. III. RESULTATS 3.1. Le bien-être Il s’agit de décrire dans cette section les conditions de vie dans lesquelles vivent les jeunes filles par rapport aux hommes. Cette description s’est faite à travers les données qualitatives et quantitatives, en faisant attention aux facteurs individuels de vulnérabilité et aux facteurs externes liés aux difficultés matérielles, économiques et familiales. En ce qui concerne les variables liées au bien-être, il y a des différences significatives entre les jeunes hommes et les jeunes femmes. D’une manière générale, les jeunes femmes manifestent des caractéristiques sociodémographiques et des conditions de vie susceptibles d’accroître leur vulnérabilité en face du VIH. Nous décrivons ces caractéristiques et conditions de vie ici-bas en faisant des comparaisons entre les hommes et les femmes. Scolarisation Plusieurs études en Afrique et ailleurs ont montré que l’école demeure un moyen de protection des enfants (Agha, Hutchinson & Kusanthan, 2006 ; Babalola, 2005 ; Gupta & Mahy, 2003). Les données quantitatives montrent que les jeunes femmes ont beaucoup moins de chances d’être inscrites à l’école. Par exemple, parmi les adolescents âgés de 15-19 ans, la proportion inscrite était de 44,2% chez les garçons, comparée à 21,0% chez les filles. Chez les jeunes adultes âgés de 20-24 ans, 29,7% d’hommes et 13,4% de femmes sont inscrits. 8 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Autrement dit, à âge égal, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être hors du système scolaire. Les données qualitatives nous permettent de voir les raisons pour lesquelles les jeunes femmes ont cessé de fréquenter l’école. Il ressort des entretiens que la décision de ne plus fréquenter l’école résulte parfois de l’indifférence de ces filles vis-à-vis de l’école ou des difficultés intellectuelles à avancer dans l’apprentissage qu’offre l’école. J’ai arrêté parce qu’arrivé à un certain moment, ça n’allait plus. Donc, j’ai dit à mon papa de m’aider, je vais apprendre la coiffure. Adolescente, 16-19 ans, San Pedro. Quand je suis arrivée au CE2, on m’a dit d’arrêter l’école parce que ça ne peut pas aller devant, ça ne peut pas aller derrière. Adolescente, 12-15 ans, Abengourou Aussi, certaines filles abandonnent l’école « à cause des garçons » comme c’est ressorti dans plusieurs interviews et groupes de discussions. Dans ces cas, l’influence de l’homme n’est pas explicite mais plutôt subtile. Par exemple, une fille qui rencontre un homme qui semble avoir des moyens peut cesser de voir l’avantage de continuer l’école. Je ne sais pas ce qu’elles cherchent au juste, parce qu’aujourd’hui, elles rencontrent un homme qui a suffisamment de moyens, elles oublient catégoriquement l’école. Moi, ce que je pense voir, aujourd’hui, elles peuvent rencontrer un boss. Celui-ci peut la prendre en charge pendant quelques mois seulement. Après ça, c’est fini. On leur dit d’aller à l’école, elles refusent d’aller à l’école, parce qu’elles savent qu’il y a quelqu’un qui peut assurer leurs besoins… Elles-mêmes là, leur ambition, c’est de vite réussir, c’est ce qui fait qu’elles abandonnent l’école. Homme adulte, Partenaire d’une jeune fille de 19 ans, San Pedro. (Rire) je peux dire non que c’est à cause d’un homme que j’ai arrêté. Parce que je voulais être tout le temps avec lui, je ne partais plus à l’école. Mes parents me forçaient, ma maman me forçait, mais je ne voulais. Je dis non que je l’aime, tout ça, donc, je peux ne pas partir. Donc, c’est comme ça que j’ai arrêté l’école. Jeune fille, 19 ans, Abidjan Ces affirmations démontrent que certaines jeunes filles privilégient la vie de couple au détriment de l’école. Il en ressort que pour certaines femmes, l’essentiel pour une fille c’est de se mettre en ménage, de faire des enfants, avoir un bon mari capable de prendre en charge sa famille. Le mariage dans ce cas est considéré comme le meilleur statut social de la femme. Le mariage est le souhait primordial des jeunes filles qui ont participé à cette étude. Actuellement, c’est mariage, on cherche. Si on a gagné mariage là, comme ça c’est bien. A part mariage là, il n’y a rien encore. Jeune fille, 16 ans, San Pedro. La perception de la grande importance du mariage chez les jeunes femmes émane peut-être d’une construction sociale traditionnelle qui a tendance à réduire la valeur et le rôle de la femme à la procréation et aux travaux ménagers. C’est un environnement social qui accorde Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 9 plus d’avantages sociaux, économiques et de considérations à l’homme qu’à la femme et institue une inégalité de genre entre les deux sexes. Des fois, les filles sont obligées d’abandonner l’école pour des raisons financières. Apparemment, quand les familles ont des difficultés financières qui les empêchent d’envoyer tous leurs enfants à l’école, la tendance est de demander à la fille d’arrêter. Dans ce contexte, les jeunes filles ne participent guère à la décision des parents de ne plus les scolariser. Les normes liées au genre qui attribuent un statut supérieur au sexe masculin soutiennent cette tendance à privilégier la scolarisation des garçons au détriment de celle des filles. Moi, je fréquentais, mais j’ai arrêté les études en classe de 3ème. Parce que mon papa n’avait pas les moyens pour me mettre à l’école. C’est ça, je suis allée à apprendre un métier. Dieu est grand, si j’ai les moyens l’année prochaine, je vais repartir à l’école. Jeune fille, 18 ans, San Pedro D’autres facteurs qui ont tendance à limiter la scolarisation des filles comprennent les grossesses non désirées et précoces, les violences à l’école, y compris la violence physique et psychologique (les injures), le mariage forcé et le mauvais traitement des filles de la part des enseignants. Souvent, au lieu de partir à l’école, elles vont se promener. Et quand on les enceinte, on les renvoie de l’école. Groupe de Discussion, jeunes femmes, 16-19 ans, Abengourou Quand je partais à l’école avant, quand on me frappait là, ça me faisait mal, je pleurais. Mais quand j’ai quitté l’école, j’étais découragée. A l’heure là, j’ai envie d’aller à l’école. Groupe de Discussion, jeunes femmes, 16-19 ans, Abidjan L’analyse des données indique que les filles au moment de l’enquête avaient beaucoup de regrets d’avoir abandonné l’école, soit par leurs propres fautes ou du fait des difficultés familiales. Elles n’appréciaient guère leur vie de déscolarisée et avaient perdu plus ou moins l’estime de soi, parce qu’elles n’ont pu réaliser le métier de leur rêve. Quand je partais à l’école, ma maman disait que l’école est bien, ça assure l’avenir. Mais moi, je ne prenais (trouvais) pas ça en bon quoi. Et puis je suis restée comme ça jusqu’à ce que je sois orpheline. Mes parents sont morts, je n’ai plus rien, je ne peux pas partir à l’école encore. Maintenant, ça me décourage. Quand je vois, je pense quand j’étais au CP1 et que je m’amusais, ça me décourage vraiment. J’ai arrêté l’école quand mes parents sont morts. Groupe de Discussion, jeunes femmes, 16-19 ans, Abidjan Je regrette d’avoir arrêté parce que je veux être fonctionnaire de l’Etat. Jeune fille, 17 ans, Abidjan 10 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Situation matrimoniale Il y des différences nette entre les garçons et les filles en ce qui concerne la situation matrimoniale. Dans le groupe d’âge 15-19 ans, 14.2% des filles comparé à 4.3% des garçons sont déjà mariés. De la même manière, dans le groupe d’âge 20-24 ans, proportionnellement plus de femmes (42.9%) que d’hommes (12.0%) sont déjà mariées. Autrement dit, le mariage précoce est plus répandu chez les filles que chez les garçons. Les données qualitatives montrent que dans leurs conditions de vie déjà précaires, les jeunes filles, par moment, devaient prendre en charge certaines personnes, surtout leurs propres enfants et des fois leur partenaire sexuel. Comme l’a confirmé un partenaire sexuel: C’est une fille merveilleuse. Elle-même m’aide souvent ; elle travaille dans un salon de coiffure. Quand je n’ai plus rien souvent, elle m’aide. Mais, il m’arrive de lui donner de l’argent, mais c’est vraiment rare. Homme adulte, Partenaire de jeune fille de 17 ans, Abidjan. En effet, selon les données, plusieurs d’entre elles avaient des enfants non reconnus par le partenaire. En outre, plusieurs d’entre elles vivaient en union libre et sans source de revenus. Certaines avaient relativement entamé une vie de famille avec tout ce que cela comporte comme responsabilité et charges. C’est mon premier, il ne mange pas d’abord. Si c’est habit là, il n’a pas beaucoup d’habits. Il n’a pas d’habits même. L’habit que je lui porte là même, c’est deux seulement. Deuxième là même, son caleçon est déchiré, j’ai jeté. Même avant quand l’enfant n’avait pas de berceau, on se moquait de nous. Les gens disaient qu’on n’a pas l’argent et puis on fait enfant… Jeune femme, 19 ans, San Pedro. Dans ces conditions extrêmes de pauvreté, les filles et leurs enfants reviennent souvent à la charge des parents vivant eux aussi dans des conditions de précarité avancée. En clair, les jeunes filles au moment de l’enquête n’avaient pas de situation matrimoniale stable et socialement reconnue par les parents ou la communauté. Face à toutes ces difficultés, certaines filles sont tentées ou contraintes de chercher des ressources additionnelles à travers des activités sexuelles à haut risques, au péril de leur santé. Pour la majorité, elles ont les activités dans la journée. Mais la nuit chacune fait ce qu’elle a à faire. Elles sont dans leur quartier où on dit SICO là. C’est un quartier des ‘’djandjous’’ (prostituées) Groupe de discussion, jeunes femmes, San Pedro. Contexte de résidence Dans cette section, nous examinons des variables liées au contexte de résidence au cours des douze premières années de la vie et au moment de l’étude, a savoir, la proximité de la famille, le temps passé en famille, et la période d’échange avec la famille. Plusieurs études ont démontré le rôle clé que le milieu familial joue dans les comportements sexuels des enfants. Par exemple, la proximité des parents, leurs attitudes et comportements et la surveillance Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 11 parentale ont des conséquences pour l’âge des enfants au début des rapports sexuels, l’utilisation des préservatifs et le nombre de partenaires sexuels (Babalola, Tambashe, & Vondrasek, 2005; McGrath, Nyirenda, Hosegood & Newell, 2009) Les données quantitatives ont montré que les filles ont moins de chances que les garçons de vivre avec leurs parents aussi bien au cours des douze premières années de leur vie qu’au moment de l’enquête. Par exemple, 85% des garçons comparé à 75% des filles ont grandi dans un foyer avec au moins un de leurs parents (z=4.648 ; p<0.0001). De la même manière, parmi les répondants non-mariés âgés de 15-19 ans, 71.2% des hommes et 60.3% des filles vivent avec au moins un de leurs parents au moment de l’enquête ( z=2.45 ; p<.05). Concernant ce dernier indicateur, la différence entre filles et garçons est particulièrement visible au milieu urbain (71.5% des garçons comparé à 48.2% des filles ; p<0.001). En d’autres termes, les filles ont plus de chances d’être privées de la présence bienfaisante de leurs parents au moment critique de leur vie où elles en ont le plus besoin. L’examen des données qualitatives montre que dans plusieurs cas, les jeunes filles déscolarisées ou non scolarisées ne vivent pas avec leurs parents géniteurs pour bien des raisons. Le décès des parents est la principale cause avancée par les filles enquêtées pour se retrouver avec un parent proche (la tante, le frère) ou chez un ami (partenaire sexuel). De plus, lorsque ces filles vivent avec leurs parents géniteurs, leurs occupations d’apprenantes absorbent tout leur temps et elles passent moins de temps dans l’enceinte familiale, loin du contrôle et de l’autorité des parents. Je ne passe pas beaucoup de temps en famille. Ce sont les soirs que je suis à la maison ou bien les matins quand je me réveille. Jeune fille, 17 ans, Abidjan. Cet effritement des liens familiaux laisse la porte ouverte à toute déviation comportementale, en particulier des déviations dans les pratiques sexuelles. Par ailleurs, leur condition de déscolarisées ou de non scolarisées fait qu’elles sont souvent laissées-pour-compte au détriment de leurs frères et sœurs qui fréquentent encore l’école. Elles bénéficient de moins d’attention de leurs propres parents ou des proches parents. Bon, mon papa, je ne suis pas trop proche de lui. Lui et moi on ne cause pas trop. Il est un peu fâché contre moi, parce que j’ai arrêté l’école. Je suis un peu proche de ma mère ; mais il y a des choses que je ne peux pas parler avec elle. Jeune fille, 17 ans, Abidjan Même quand les filles vivent avec leurs parents, l’environnement familial n’est pas toujours favorable à une éducation sexuelle car les parents abordent peu les sujets liés à la sexualité avec leurs enfants. Les jeunes s’informent sur la sexualité auprès des personnes qui, elles aussi, ont de faibles connaissances dans ce domaine; c'est-à-dire les amis ou les sœurs. Caractéristiques sociodémographiques des partenaires sexuels des filles A partir des données quantitatives et qualitatives, nous avons appréhendé les caractéristiques sociodémographiques des partenaires des jeunes filles. Nous examinons l’âge, le niveau 12 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre d’études, la profession et la situation matrimoniale de ces partenaires. C’est un ensemble de facteurs qui permet de décrire au mieux ces hommes et établir une comparaison entre ceux-ci et leurs partenaires sexuelles, de mettre en évidence les disparités entre ces deux catégories et leurs effets sur la vulnérabilité des jeunes femmes. Age : Les données quantitatives montrent que parmi les répondants qui ont fourni leur âge et celui de leurs partenaires au moment des premiers rapports sexuels, 50,2% des filles comparé à 3,1% des garçons étaient au moins cinq ans plus jeunes que leurs partenaires sexuels. De plus, 80,2% des hommes comparé à 18.8% des femmes ont eu leurs premiers rapports sexuels avec une personne d’un âge semblable aux leurs (entre -2 ans et + 2 ans). Les données qualitatives appuient ces résultats quantitatifs. D’une façon générale les partenaires sexuels actuels des filles déscolarisées et non scolarisées étaient nettement plus âgés qu’elles. A l’analyse, on a pu identifier des cas de rapports sexuels intergénérationnels où il y avait une différence d’âge de plus de quinze ans. Une pratique qui est en défaveur des jeunes filles quand on sait les relations de domination qui pourraient exister dans ce type de rapports. En effet, il est possible que dans ces relations, où les jeunes filles semblent être dans une situation de demandeuses, les hommes plus âgés soient tentés d’imposer leurs visions des choses sexuelles empreintes de valeurs culturelles de domination et d’inégalité aux jeunes filles sans moyens, vulnérables et dépendantes qui les pratiquent à but lucratif. En effet, pour beaucoup d’entre elles, ces relations sont des occasions pour obtenir de l’argent afin de subvenir à leurs besoins Activité principale : Les données qualitatives montrent que les filles déscolarisées et non scolarisées, dans leur grande majorité, avaient pour partenaire sexuel des jeunes sans activités fixes, faiblement rémunérées. C'est-à-dire des jeunes sans emploi et qui disent se débrouiller. Ils vivent eux aussi avec leurs parents et sont à leur charge. On note également des jeunes déscolarisés, des élèves et des étudiants parmi les partenaires sexuels des filles déscolarisées. Je ne travaille pas encore. Je suis étudiant. Je dépends de ma mère principalement … je ne gagne rien ; je ne peux pas m’occuper d’elle [la copine]; ça, elle le sait. Elle ne me met aucune pression, car elle m’aime. Cependant, quand j’ai de l’argent il m’arrive d’aller prendre un pot avec elle. Homme adulte, partenaire sexuelle d’une fille de 16 ans. Je ne travaille pas encore. J’essaie de passer des concours ; mais jusqu’à présent, ça ne marche pas. Je vais donc me débrouiller au port actuellement en attendant de pouvoir épargner pour le concours de gendarmerie ou autres concours. Pour le moment, j’estime que je ne fais rien… C’est une fille [la copine] merveilleuse. Ellemême, m’aide souvent ; elle travaille dans un salon de coiffure. Quand je n’ai plus rien souvent, elle m’aide. Mais, il m’arrive de lui donner de l’argent, mais c’est vraiment rare. Homme adulte, partenaire sexuelle d’une fille de 17 ans. Certains de ces partenaires sexuels exerçaient une activité dans le secteur informel tout comme la majorité des filles rencontrées. Ainsi l’indiquait ce partenaire sexuel en ces termes : Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 13 Moi, je suis gérant de cabine ; j’ai suivi des cours d’école coranique où j’ai le grade de professeur. Je suis marié, père d’un enfant. Bon, voila ce que je peux dire pour le moment. Il faut dire aussi que j’ai 39 ans. Homme adulte, partenaire sexuel d’une fille de 18 ans Au cours de l’analyse, il est ressorti que des partenaires sexuels qui ont un emploi ont aussi affirmé ne pas pouvoir joindre les deux bouts parce qu’ils avaient trop de charges familiales. Ce sont donc des partenaires en situation de précarité qui n’arrivaient à subvenir convenablement à leurs propres besoins et ceux des jeunes filles non scolarisées et déscolarisées. Ceci amène les jeunes filles à avoir plusieurs partenaires sexuels pour subvenir à leurs besoins. Une situation qui les rend davantage vulnérables Leur situation matrimoniale : L’analyse de la situation matrimoniale des partenaires révèle qu’ils étaient en général sans co-résidence avec leur partenaire sexuelle. Ceci à cause de leur situation sociale précaire du moment qui ne leur permettait pas de se prendre eux-mêmes convenablement en charge, encore moins de s’occuper d’une femme et éventuellement des enfants. Cependant, on a constaté après examen des données qu’il existait une minorité de cas où, il y avait un engagement relativement sérieux dans la mesure où les deux personnes vivaient sous le même toit et en famille. Il y avait également des cas où le partenaire avait d’autres petites amies. Bon, actuellement…Wai, à part elle, j’ai une autre camarade. Homme adulte, partenaire sexuelle d’une jeune femme de 19 ans 3.2. Accès aux Ressources Le deuxième niveau de la grille de Longwe se rapporte à l'accès des femmes aux facteurs de production. Dans le cadre de cette étude, nous examinons le niveau d’instruction, les habitudes médiatiques et la profession des jeunes femmes par rapport à celles des hommes. Niveau d’instruction Les données quantitatives montrent que dans l’ensemble, le niveau d’instruction est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Par exemple, alors que 40,3% des garçons âgés de 1519 ans ont un niveau d’instruction post-primaire, seulement 26.7% des filles du même âge ont un niveau semblable. Parmi les répondants âgés de 20-24 ans que 39,6% des hommes comparé à 27,3% des femmes ont un niveau d’instruction post-primaire. Activité Economique L’examen des données qualitatives a révélé que les filles déscolarisées et non scolarisées ayant participé aux activités de la recherche étaient pour la plupart sans activité, surtout pour les filles de douze à quinze ans. Dans le meilleur des cas, elles s’adonnaient à des tâches ménagères sans être rémunérées. 14 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Dans la journée, j’aime partir chez mes camarades parce qu’elles sont à côté de nous. C’est là-bas que je vais. Moi, je ne vais trop là-bas même, ce sont elles qui viennent souvent chez nous à la maison, Jeune fille, 12 ans, San Pedro Bon, la journée je suis à la maison, je ne fais rien. Groupe de discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, San Pedro Pour les plus âgées de 16 à 19 ans, la majorité d’entre elles étaient dans des ateliers d’apprentissages aux métiers du secteur informel, principalement la coiffure et la couture. Par ailleurs, quelques filles déscolarisées avaient des activités génératrices de revenus. Certaines avaient comme activité principale le petit commerce de fruits, d’eau, d’attiéké, etc. D’autres, par contre, étaient des filles de ménage (bonnes ou servantes) ; des activités généralement peu rémunérées. C’est pourquoi, elles ont révélé qu’elles ne gagnaient pas suffisamment d’argent pour subvenir à leur besoins pratiques. Cette situation d’insuffisance de ressources occasionnant des besoins non satisfaits est décrite respectivement par une bonne et une vendeuse. Moi, c’est moi je fais tout chez ma tante. Je lave les habits, je lave les enfants, je surveille les enfants, C’est bon, ma tante me donne l’argent. Ça ne suffit pas, mais je laisse comme ça. Groupe de discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, Abidjan Moi, je vends « doklou » (farine de maïs) devant la cour, je m’assois. Si je gagne l’argent, ou mes grandes sœurs payent et puis, on mange. Si elles n’ont pas l’argent, on est là. Groupe de discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, San Pedro Les données ont montré que celles qui au moment de l’enquête étaient sans activité étaient prises en charge partiellement ou totalement par leurs parents ou par leur partenaire sexuel. Ces derniers étaient généralement sans activité fixe bien rémunéré ; ou pire, ils étaient euxmêmes pris en charge par leur famille. Moi, je vendais Awa (eau minérale). Actuellement, j’ai arrêté. C’est mon camarade qui me donne l’argent. Groupe de discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, San Pedro Habitudes médiatiques Les habitudes médiatiques déterminent l’accès aux informations qui peuvent susciter un changement d’attitudes Tableau 1: Exposition aux medias par sexe et par âge et de comportements. Le Groupe d’âge : 15-19 ans Tableau 1 montre Indicateur Masculin Féminin z/p l’exposition des % qui écoute la radio 67,0 39,7 6,167/p<0.0001 répondants de l’enquête % qui regarde la télévision 74,8 68,8 1,49/p>0,1 de 2007 aux médias par Groupe d’âge : 20-24 ans Indicateur Masculin Féminin z/p sexe et par âge. En % qui écoute la radio 79,3 40,3 8,721/p<0.0001 général, les données % qui regarde la télévision 75,2 65,9 2.222/p<0.05 montrent que les filles Source : Enquête de 2007 ont un niveau Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 15 d’exposition aux médias moins bas que celui des garçons, surtout pour les répondants âgés de 20-24 ans et concernant l’exposition à la radio. Ces résultats sont valables aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. De plus, les garçons qui suivent des émissions télévisées passent significativement plus de temps devant la télévision comparé aux filles : 3,7 heures en moyenne par jour pour les garçonscomparé à 3,0 heures pour les filles. De la même manière, les jeunes hommes qui écoutent la radio y passent plus longtemps que les jeunes femmes : 4,7 heures en moyenne par jour pour les hommes comparé à 3,7 heures pour les femmes. En somme, si les médias ouvrent la porte à l’extérieure, les garçons ont plus d’avantages que les filles. Accès aux services de santé Selon l’étude qualitative, l’accès des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées aux services de santé est relativement limité pour plusieurs raisons. La première raison d’inaccessibilité est liée à leur situation de double vulnérabilité. Elles sont pour la plupart sans revenu et dépendent de leurs parents eux-mêmes vivant des difficultés financières, ou elles sont orphelines. Parfois, les jeunes filles vivent avec des conjoints n’ayant pas d’emploi ou ayant une situation financière peu stable. Ou bien encore elles sont prises en charge par des conjoints eux-mêmes dépendants de leur famille. Nombre de filles estiment que lorsqu’elles sont malades, les difficultés financières les empêchent de se rendre dans un centre de santé. Non, actuellement là, je ne vends pas. Tant que mon ami ne m’a pas donné de l’argent, je suis là. Lui aussi, son salaire là, ça ne suffit pas. Où je suis là, là même quand je tombe malade, on prend crédit. Jeune femme, 19 ans, San Pedro. Une autre explication de l’accès limité aux services de santé a trait à une attitude relativement généralisée dans la communauté. En effet, les gens ne fréquentent l’hôpital que dans des cas extrêmes ; pour de nombreuses personnes, la médecine moderne semble être leur dernier recours en cas de maladie. Elles ont un itinéraire thérapeutique pluriel. Face à la maladie, elles ont recours à la fois à la médecine traditionnelle, à l’automédication, et enfin à la médecine moderne. Tous ces détours empruntés les éloignent davantage des centres de santé qui jouent un rôle important dans la sensibilisation sur les IST et le VIH/sida, et dans l’éducation sanitaire des populations. Quand ce n’est pas grave, je paie des médicaments pour boire, des médicaments de maux de tête ou de palu. Jeune femme, 19 ans, Yamoussoukro. Vraiment, je n’aime pas qu’on me pique, donc, je n’aime pas aller à l’hôpital. Je me purge avec des feuilles, et je bois d’autres aussi, hum, je ne vais nulle part, je suis couchée à la maison. Jeune femme, 18 ans, Yamoussoukro 16 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 3.3. Conscientisation Dans cette section, nous examinons les variables qui ont trait à une prise de conscience par rapport aux facteurs de risque de transmission du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles, y compris les connaissances concernant la prévention du VIH, les attitudes relatives à la prévention, les normes liées au genre et l’estime de soi. Connaissances relatives à la prévention du VIH Tableau 2: Connaissance des méthodes de prévenir le VIH Indicateur Masculin Féminin Sait que l’on peut prévenir le VIH en 84,4 64,9 s’abstenant des reports sexuels Sait que l’on peut prévenir le VIH en 85,0 71,9 restant fidèle à un seul partenaire Sait que l’on peut prévenir le VIH en 84,4 69,1 utilisant des préservatifs Connait les trois méthodes 73,8 54,0 Source : Enquête de 2007 z/p 7,032/p<0.0001 4,987/p>0,0001 5,702/p<0.0001 6,468/p<0.0001 Les données quantitatives montrent que le niveau de connaissances de la prévention du VIH est considérablement plus faible chez les filles que chez les garçons. Comme on peut le voir au Tableau 2, les jeunes hommes sont proportionnellement plus nombreux que les filles à savoir que les individus peuvent réduire leur risque d’attraper le VIH en s’abstenant des rapports sexuels, en restant fidèles à un seul partenaire sexuels ou en utilisant le préservatif. Ces résultats sont aussi valables pour les répondants âgés de 15-19 ans que pour leurs aînés. De plus, on observe un niveau de connaissance moins élevé chez les filles par rapport aux garçons aussi bien au milieu urbain qu’au milieu rural et pour chaque niveau d’instruction. Les données qualitatives appuient ces résultats provenant des données quantitatives. Ces données montrent que la connaissance des moyens de prévention du VIH des filles appartenant à la tranche d’âge de 12 - 15 ans se limite vaguement au port du préservatif et quelque fois à l’abstinence. C’est moi-même qui vais lui parler de VIH/sida. Je vais lui dire de porter les préservatifs et que le sida n’est pas une bonne maladie. Ça tue. Jeune fille, 15 ans, Abengourou Pour ne pas avoir sida, moi, je ne peux pas coucher avec garçon. Peut-être que le garçon peut avoir sida et puis toi, tu vas coucher avec lui. Donc moi, je ne trouve pas ça bien. Jeune fille, 12 ans, San Pedro Les jeunes filles de 16 - 19 ans ont une meilleure connaissance des moyens de protection du VIH. Ainsi, des moyens de prévention comme la réduction du nombre de partenaires sexuels, la fidélité, le port du préservatif, l’usage unique et personnel des objets piquants et coupants (aiguilles, seringues, lames, couteaux etc.) sont autant de dispositions que connaissent ces participants pour éviter la transmission du VIH. Le dépistage est aussi souvent cité comme moyen de prévention. Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 17 D’abord, on dit, il y a trois façons : il faut être fidèle jusqu’au mariage. Mais de nos jours, la fidélité n’existe plus, donc même si tu as un seul partenaire, il faut te préserver avec ce dernier. C’est mieux jusqu’au mariage. Maintenant, si tu es sûr qu’il n’a rien, vous pouvez aller faire vos tests. Si tu te protèges, ça évite beaucoup de maladies, mais pas le sida seulement : les maladies comme chaude pisse, gonococcie et surtout les grossesses non désirées. Donc si tu as un seul partenaire ; s’il ne veut pas, il faut insister pour qu’il se protège. Jeunes filles, Groupe de discussion, 16 - 19 ans, San-Pedro Même parmi ces filles plus âgées, la connaissance n’est pas complète. Il y a beaucoup de désinformation par rapport au VIH. Par exemple, certaines d’entre elles croient que le VIH peut se transmettre en partageant un repas. Je ne sais pas trop de choses sur le VIH/sida. Néanmoins, j’ai appris que le sida tue, j’ai appris aussi que quand tu as le sida, tu ne dois pas manger dans la même assiette que la personne. (EIA, fille 18 ans) On note une disparité au niveau des connaissances du VIH/sida dans la population des jeunes filles scolarisée ou non déscolarisées et de leur partenaire sexuel. Plus précisément, les hommes ont un niveau de connaissance plus élevé que celui de leur partenaire. Cette grande avance des hommes s’explique par plusieurs facteurs en partie liés à une discrimination dans l’accès aux ressources et aux services tels que l’information, l’école, emploi décent, la santé, etc. Attitudes à l’égard des méthodes de prévention du VIH Nous examinons les attitudes à l’égard de la prévention à travers deux genres de construits : attitudes vis-à-vis des rapports sexuels avec partenaires multiples, attitudes vis-à-vis de la discussion au sujet des rapports sexuels intergénérationnels, attitudes relatives au condom et vis-à-vis du test de dépistage. Attitudes relatives au multipartenariat : Un nombre assez sensible des garçons et des filles interviewés au cours de l’enquête de 2007 étaient en faveur du multipartenariat pour les hommes. Il n’y avait pas de différence entre les garçons (38,4%) et les filles (39,2) au niveau de cet indicateur. De plus, environ 10% des filles et 15% des garçons pensaient qu’il était normal pour une fille d’avoir plusieurs partenaires sexuels à la fois. Attitudes relatives aux relations intergénérationnelles : Environ 20% des filles et 17,2% des garçons étaient en faveur des relations sexuelles entre une jeune femme et un homme beaucoup plus âgé. De même, 18,2% des filles et 17,2% des garçons pensaient qu’il était normal pour un jeune homme d’avoir des rapports sexuels avec une femme plus âgée. En d’autres termes, une minorité importante des jeunes hommes et jeunes femmes restent en faveur des relations intergénérationnelles. Attitudes relatives au préservatif: Le questionnaire de l’enquête de 2007 comprend quatre affirmations qui nous permettent de saisir les attitudes vis-à-vis du préservatif : (1) Les 18 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre préservatifs sont un moyen efficace de protection contre les infections sexuellement transmissibles, s’ils sont utilisés correctement ; (2) Les filles qui ont des préservatifs sur elles sont des filles faciles; (3) L’utilisation du préservatif est le signe que votre partenaire n’a pas confiance en vous; et (4) L’achat des préservatifs est de la seule responsabilité des hommes. Sur la base de ces variables, seulement environ un quart des répondants ont des attitudes très favorables vis-à-vis du préservatif. C’est plutôt surprenant que les filles (29,3%) ont, en moyenne, des attitudes plus favorables à l’égard du préservatif comparé aux garçons (23,4%). Ces résultats indiquent que la plupart des jeunes gens, et surtout des jeunes hommes, n’ont pas des attitudes qui favorisent l’utilisation du préservatif. De plus, les données qualitatives montrent que le préservatif est généralement considéré comme une méthode à utiliser seulement avec un partenaire que l’on ne connaît pas très bien. Apres qu’une relation amoureuse ait duré un certain temps, le préservatif n’est plus considéré comme pertinent. Je vous rappelle que X n’est pas ma copine ; elle est ma femme. Je ne me protège pas avec elle. Partenaire sexuel d’une fille de 18 ans, Abidjan Attitudes vis-à-vis du test de dépistage du VIH : Les données quantitatives montrent qu’environ 20% des filles et des garçons ont déjà fait le test de dépistage. En revanche, la plupart des jeunes qui n’avaient pas fait le test avaient l’intention de le faire. Au total, proportionnellement plus de garçons (76,2%) que de filles (63,5%) (z= 4,34 ; p<0.0001) ont fait ou ont l’intention de faire le test de dépistage du VIH. Selon les données qualitatives, les individus désirent connaître leur statut sérologique dans le but de renforcer leurs comportements sains, en l’occurrence la fidélité à un seul partenaire sexuel, pour préserver la santé de leur partenaire, leur progéniture et leur entourage. Pour éviter le sida comme on avait dit tout à l’heure, de la manière moi et elle on est ensemble, elle a fait son test de dépistage, j’ai fait mon test de dépistage, entre elle et moi il y a la confiance, vraiment il y a rien. Ou bien si tu peux t’abstenir aussi… . Partenaire sexuel d’une fille de 19 ans, Abidjan Ces données qualitatives nous permettent de voir la représentation que les populations ont du VIH/sida comme étant une maladie mortelle, une fatalité, une maladie honteuse et invalidante liée surtout à la stigmatisation. Ce sont d’autant de facteurs qui peuvent engendrer des attitudes défavorables vis-à-vis du dépistage volontaire de la maladie. De plus, certaines désinformations au sujet du statut sérologique peuvent faire de sorte que les jeunes gens ne soient pas très motivés à faire le test de dépistage. Par exemple, il y a des hommes qui supposent qu’ils sont eux-mêmes séronégatifs si leur compagne est séronégative. Je suis venue, je lui ai dit que j’ai fait le test et qu’il n’y a rien dans pour moi, et puis je lui ai demandé de m’accompagner pour mon prochain rendez-vous il va faire son test. Il m’a dit s’il n’y a rien dans pour moi, c’est qu’il n’y a rien dans pour lui aussi. Jeune fille de 17 ans, Abidjan Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 19 Estime de Soi Piche, Trudel & Belanger (2000) définissent l'estime de soi comme l'évaluation que chaque individu fait par rapport à lui-même. Exprimant un sentiment d'approbation ou de désapprobation, cette évaluation indique à quel niveau l'individu se voit par rapport à sa capacité personnelle, son importance, son succès et sa valeur. Maintes études ont lié l’estime de soi aux comportements sexuels chez les jeunes (Piche, Trudel & Belanger, 2000 ; Ethier et al., 2006). En général, ces études ont trouvé que les jeunes avec un niveau d’estime de soi bas sont plus nombreux à pratiquer des comportements sexuels à haut risque. Tableau 3 : Comparaison d’estime de soi entre garçons et filles âgés de 15-24, Côte d’Ivoire, 2007 Indicateur : Garçons Filles z/p D’accord avec la proposition : « je suis content tel(le) que je suis ». D’accord avec la proposition : « Je n’ai pas le sentiment d’être aussi important pour ma famille que les autres membres de la famille ». Pas d’accord avec la proposition : « J’ai le sentiment que la plupart de mes amis sont mieux que moi » . 88,2 81,6 2,87/0,004 73,6 61,8 3,94/0,0001 79,6 62,7 5,87/0,0000 D’accord avec la proposition : « Je pense que je peux faire les choses aussi bien que la plupart des gens de mon âge ». D’accord avec la proposition : « Je ne pense pas avoir un brillant avenir devant moi ». Niveau d’estime de soi élevé 87,4 78,7 3,62/0,0003 72,2 49,9 7,18/0,0000 45,6 27,8 5,77/0,0000 Des questions de l’enquête de 2007 nous permettent de développer un indice d’estime de soi. Ces questions demandaient aux répondants de dire s’ils sont d’accord ou pas d’accord avec certaines affirmations (Tableau 3). Les résultats montrent que le niveau d’estime de soi varie selon certaines caractéristiques sociodémographiques de l’individu, y compris, l’âge, le niveau d’instruction et le sexe. En moyenne, l’estime de soi est sensiblement moins élevé chez les femmes comparé aux hommes : 45,6% des répondants masculins ont un niveau d’estime de soi élevé comparé à seulement 27,8% des répondants féminins. La différence dans le niveau d’estime de soi entre les garçons et les filles est plus importante chez les répondants âgés de 20-24 ans (53,3% chez les hommes contre 24,75 chez les femmes) que chez les adolescents âgés de 15-19 ans (38,4% chez les garçons contre 30,7% chez les filles). Chez les femmes, on a observé une association positive entre l’estime de soi et le niveau d’instruction. Les femmes qui ont le niveau secondaire ou plus ont un niveau d’estime de soi sensiblement plus élevé (39,7% ont un niveau d’estime de soi très élevé) que leurs pairs qui ont un niveau d’instruction plus bas (23,4%). Donc, la catégorie de femmes avec un niveau faible d’estime de soi sont celles qui sont soit analphabètes, soit peu instruites et qui sont âgées de 20-24 ans. 20 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Attitudes Liées au Genre Aussi bien les données quantitatives que les données qualitatives montrent que les attitudes favorisant l’inégalité des sexes sont bien répandues parmi les participants à l’étude. Comme le Tableau 4 le montre, plusieurs garçons et filles sont d’accord avec des propositions Tableau 4 : Attitudes relatives aux normes liées aux rôles du genre, garçons et filles âgés de 1519 ans, 2007 Pourcentage d’accord avec proposition : Garçons Filles z (t)/p 1. Lorsque l’argent est rare et que la famille ne peut 68,6 36,2 9,99/0,0000 pas envoyer tous les enfants à l’école, on doit envoyer les garçons avant les filles. 2. En général, les filles ne sont pas aussi intelligentes 52,5 32,4 6,15/0.0000 que les garçons. 3. Il y a des moments où les femmes méritent d’être 42,2 20,5 7,15/0,0000 battues par leur mari. 4. Une fille qui tombe enceinte pendant qu’elle 26,5 19,7 2,48/0,013 fréquente l’école doit être renvoyée. 5. Les garçons qui ont plusieurs petites amies sont 24,6 15,1 3,48/0,0005 « puissants ». 6. C’est normal qu’un homme frappe sa femme/petite 17,0 11,7 2,29/0,022 amie si elle ne veut pas avoir de rapports sexuels avec lui. 7. Le rôle le plus important d’une femme est de 74,7 82,4 2,73/0.006 s’occuper de sa maison et de faire la cuisine pour sa famille. 8. C’est la responsabilité de la femme d’éviter de 55,4 75,5 6,35/0,0000 tomber enceinte. 9. Un homme doit avoir le dernier mot quand il s’agit 83,1 76,6 2,54/0,011 de prendre les décisions dans sa maison. 10. Une femme devrait tolérer la violence afin de 85.4 85,5 0,06/0,953 préserver sa famille. Index d’attitudes favorisant le traitement inégalitaire 2,22 1,27 9,88/0,0000 des sexes Index d’attitudes favorisant l’inégalité des pouvoirs 2,90 2,98 1,11/0,264 entre hommes et femmes favorables à l’inégalité entre hommes et femmes. Nous avons créé deux indices d’attitudes relatives à l’inégalité entre homme et femmes. L’index d’attitudes favorisant le traitement inégalitaire des sexes est basé sur proposition 1 à 6 alors que l’index d’attitudes favorisant l’inégalité des pouvoirs entre hommes et femmes est basé sur propositions 7 à 10. Il n’y a pas de différence sensible entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’index d’attitudes favorisant l’inégalité des pouvoirs entre hommes et femmes. En revanche, les hommes ont un niveau d’attitudes favorisant le traitement inégalitaire des sexes plus élevé que chez les femmes. 3.4. Participation La participation signifie que les femmes autant que les hommes sont impliqués activement dans le processus de développement, et particulièrement au niveau de la prise décision. Dans Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 21 le cadre de cette étude, nous examinons l’exposition aux programmes de communication au sujet du VIH, et les discussions au sujet du VIH/sida avec les autres. Ces variables nous permettront de voir dans quelle mesure les femmes sont impliquées dans le processus de changement de comportement par rapport aux hommes. Exposition aux programmes de communication au sujet de VIH Au cours des douze mois précédents l’enquête de 2007, le CCP et ses partenaires programmatiques ont produit et diffusé plusieurs matériaux médiatiques ayant comme but de promouvoir les comportements sexuels sains chez les jeunes âgés de 15 – 24 ans. Ces matériaux sont listés sur le Tableau 5. En général, le niveau d’exposition à la campagne est important parmi les garçons et les filles. Cependant, il est clair à partir de ce tableau que les garçons sont proportionnellement plus nombreux à être exposés à la campagne. De plus, les garçons ont plus de chance d’être exposés à plusieurs éléments de la campagne comparés aux filles. Les données qualitatives viennent à l’appui de ces constats quantitatifs et apportent des compléments d’informations sur la façon dont les jeunes filles se renseignent sur VIH. En effet, selon les filles interviewées, bien que la télévision, la radio et l’école soient perçues comme les principaux canaux d’information sur le sida, on peut être informé partout sur le VIH, dans la rue, sur les lieux de travail, sur les marchés. C’est dire qu’au-delà des mass médias, ces jeunes filles ont pu participer à des activités de sensibilisation de proximité. En effet, l’entourage des filles joue un rôle important dans la circulation de l’information sur la Tableau 5: Exposition à la campagne de prévention du VIH, Jeunes hommes et filles âgés 15 – 24 ans, 2007 Indicateur d’exposition à la campagne Garçons Filles z (t)/p % exposé au logo "Ma vie, c'est décision" 40,6 34,0 2,13/0,03 % exposé à la phrase "Pour l'enjaillement, 26,2 18,9 2,71/0,007 parler le même langage" % exposé à l'affiche abstinence 45,2 33,6 3,72/0,0002 % exposé au microprogramme sur 8,2 5,3 1,77/0,077 l'abstinence à la radio % exposé au spot abstinence à la télévision 31,0 32,7 0,60/0,548 % exposé à l'affiche préservatif 36,8 34,6 0,70/0,479 % exposé au microprogramme sur le 9,8 4,7 3,05/0,002 préservatif à la radio % exposé au spot préservatif à la télévision 34,0 31,7 0,75/0,453 % exposé au microprogramme sur le 12,0 5,5 3,56/0,0004 dépistage à la radio % exposé à au moins une activité de la 71,8 65,8 2,04/0,04 campagne Nombre d’éléments de la campagne 2,44 2,01 3,06/0,002 exposé pandémie et dans le changement positif ou négatif de leurs comportements. Comme ces dernières ne sont plus à l’école du fait des parents (manque de moyens des parents) ou de leur 22 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre fait (manque d’intérêt pour les études ou grossesses précoces ou non désirées), elles n’entretiennent pas toujours des rapports étroits avec la famille. Les amis ou les autres membres de la famille constituent du coup les confidents des jeunes filles et deviennent leurs informateurs clés de tout ce qui a un lien avec la sexualité et, partant, avec le VIH/sida. En effet, elles passent leur temps libre en compagnie de ces personnes (tante, cousin, oncle, amies, etc.). De plus, tenant compte de leurs activités principales (décrites précédemment), il pourrait s’établir une corrélation négative entre leur accès aux médias et leur activité économique. C'est-à-dire qu’elles passent la presque totalité de leur temps à vaquer à leur occupation (apprentie coiffeuse, apprentie couturière ou femme de ménage, etc.) et n’ont guère de temps à consacrer à la télévision ou à la radio. Et lorsqu’elles viennent aux sources d’informations, c’est uniquement pour suivre leurs émissions préférées tels les feuilletons brésiliens, Tempo et les feuilletons ivoiriens. Discussions au sujet du VIH Les interactions avec les autres personnes dans son entourage permettent à l’individu d’apprendre ce que les autres pensent ou font, et d’être influencés par ces attitudes et comportements. Les données quantitatives (voir Tableau 6) montrent que plus de filles que de garçons ont déjà parlé de la sexualité avec leurs parents ou tuteurs. Cette inégalité peut être due au double standard de la part des parents ou la tendance des parents d’attendre des filles un niveau de chasteté plus élevé que pour les garçons. Alors que nous ne connaissons pas le contenu des conversations que les filles ont eu avec leurs parents, quelques études ont montré qu’en général, ces conversations manquent de substance et sont ancrées sur des avertissements au sujet des conséquences négatives des rapports sexuels précoces et prénuptiaux. Les données qualitatives montrent que les jeunes filles ont tendance à discuter le VIH/sida avec leurs amis, sœurs et d’autres personnes dans leur entourage. Cependant, les informations reçues de ses sources sont parfois superficielles et pas toujours justes. Ma grande sœur me conseille de ne pas chercher garçon et que je n’ai pas encore l’âge de chercher garçon et de faire attention aux garçons. On a dit aussi que si ton ami a le sida, il ne faut pas l’insulter. Il faut rester à côté de lui pour le soutenir. Jeunes fille, Groupe de discussion 16 – 19 ans, San-Pedro. Les discussions entre partenaires sexuels au sujet de la prévention du VIH sont assez courantes. Selon les données de l’enquête de 2007, les hommes sont plus nombreux à admettre avoir discuté la prévention du VIH avec leur partenaires sexuels. Cette inégalité entre les hommes et les femmes probablement due, en partie, à la différence dans l’écart d’âge des partenaires sexuels chez les jeunes femmes et chez les jeunes femmes. Selon ces données, l’écart d’âge entre partenaires sexuels aux premiers rapports sexuels était, en moyenne, de 5,6 ans chez les jeunes filles et plus d’un an chez les jeunes hommes. Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 23 Tableau 6: Discussion avec les autres au sujet de la sexualité et de prévention du VIH, Jeunes hommes et filles âgés de 15 – 24 ans. Indicateur Garçons Filles z/p A déjà discuté de questions liées à la sexualité, au fait de grandir, ou à l’utilisation des services de santé avec parents (répondants non-mariés) A déjà discuté avec époux(se)/ partenaire(s) sexuel(le)s des moyens d'éviter d'être infecte(e) par le VIH (répondants sexuellement expérimentés) 21,3 36,2 4,77/0,0000 63,8 52,2 2,98/0,003 Toutes les jeunes filles et leurs partenaires sexuels interviewés au cours de la recherche qualitatives affirment discuter ou échanger ensemble. Plusieurs sujets sont abordés au cours de ces échanges, en particulier les questions liées au VIH/sida. Un examen des données de plus près montre que la prévention, les modes de contamination, le dépistage en vue de la prévention du VIH/sida sont des sujets dont les partenaires ont discuté le plus souvent. Lui, il ne croit pas. Quand je lui parle de ça, il dit que c’est faux. Sincèrement, sérieusement, il ne croit pas, je ne sais pas pourquoi… Il dit sida, c’est quand on te lance un sort, moi de quitter là-bas avec mon affaire de sida là. Moi, il dit d’aller faire mon test, si je ne sais pas, c’est qu’il n’a pas. Je lui ai dit que comme tu ne veux pas, moi, je m’en vais, je vais faire mon test pour voir. Il ne croit pas franchement même, il ne croit pas au sida. Jeune femme, 19 ans, Abidjan 3.5. Contrôle Le contrôle dans le cadre de la grille de Longwe se rapporte aux résultats théoriques ou réels de la participation. Dans cette section, nous examinerons l’auto-efficacité perçue et les comportements sexuels chez les jeunes comme indicateurs du contrôle. Auto-efficacité Selon Bandura (1977, 1997), le sentiment d'auto-efficacité (ou efficacité personnelle) constitue la croyance que possède un individu en sa capacité d’atteindre un objectif. D’abondantes études ont démontré le lien entre l’auto-efficacité et les comportements sexuels sains. D’une manière générale dans les dites études, les individus ayant un sentiment d’efficacité personnelle de produire une action ont plus de chance de produire l’action comparés à ceux sans auto-efficacité. Les données présentées au tableau 7 proviennent de l’enquête de 2007 et révèlent un niveau d’auto-efficacité quant au refus des rapports sexuels assez élevé. Cependant on note que seulement un peu plus de la moitié perçoivent l’efficacité de pouvoir refuser des rapports sexuels avec une personne connue pour plus de trois mois ou avec une personne qui donne des cadeaux. De plus, on n’observe pas de différence sensible entre les garçons et les filles. En revanche, les garçons ont significativement plus de chances que les jeunes femmes de rapporter qu’ils se sentent à l’aise pour parler avec leurs amis de ne pas avoir de rapports sexuels. 24 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre L’auto-efficacité d’utiliser les préservatifs ou limiter le nombre de partenaires est très élevé Tableau 7 : Discussion avec les autres au sujet de la sexualité et de prévention du VIH, Jeunes hommes et filles âgés de 15 – 24 ans. Indicateur Garçons Filles z/p Est très sûr(e) pouvoir dire " NON " aux rapports 76,6 77,3 0,27/0,788 sexuels s’il(elle) ne veut pas Est très sûr(e) de pouvoir refuser d'avoir des rapports 57,2 53,8 1,07/0,285 sexuels avec une personne connue pendant plus de trois mois Est très sûr(e) de pouvoir refuser d'avoir des rapports 55,2 55,9 0,21/0,831 sexuels avec une personne qui offre des cadeaux Se sent à l'aise pour parler avec les amis de ne pas 73,0 59,4 4,52/0,0000 avoir de rapports sexuels Si voulu, pourrait utiliser des préservatifs pour me 93,3 84,8 3,36/0,0008 protéger contre le VIH Si voulu, pourrait être fidèle à un(e) seul(e) partenaire 90,1 92,5 1,04/0,30 Si voulu, pourrait réduire le nombre des partenaires sexuels 90,4 87,9 1,03/0,30 aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Cependant, on remarque que les femmes ne sont pas aussi confiantes dans leur capacité d’utiliser les préservatifs. Ce résultat n’est probablement pas surprenant étant donné que le niveau de confiance des femmes dans leur capacité d’utiliser le préservatif dépend non seulement de leurs connaissances relatives au préservatif, mais aussi de leur capacité de négocier l’utilisation du préservatif avec leur partenaire sexuel. Comportements sexuels Cette section porte sur les comportements pertinents à la prévention du VIH, y compris l’âge au début des rapports sexuels, l’utilisation des préservatifs, et le nombre de partenaire sexuels. L’examen des données quantitatives et qualitatives révèlent que, les jeunes dans leur grande majorité, et en particulier les jeunes femmes, adoptent des comportements sexuels à haut risques. Ce sont entre autres, la précocité des rapports sexuels, le multipartenariat, la non utilisation systématique des préservatifs, des rapports sexuels occasionnels, et les rapports sexuels intergénérationnels. Age aux premiers rapports sexuels Selon l’enquête de 2007, les premiers rapports sexuels sont plus précoces chez les filles que chez les garçons. Trois-quarts des jeunes femmes ont déjà eu leurs premiers rapports sexuels comparé à seulement 58% des jeunes hommes. L’âge médian aux premiers rapports sexuels était de 16,9 ans pour les filles contre 18,2 ans chez les garçons. Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 25 Les données qualitatives soutiennent ces données quantitatives concernant la précocité des rapports sexuels parmi les filles. Les participantes à l’étude estiment que plusieurs de leurs camarades ayant approximativement les mêmes âges ont déjà eu des rapports sexuels ; et souvent bien avant l’âge de la puberté. Même maintenant, les élèves de 6è, elles ont des gars. Même CM2, elles ont des gars. Elles sont très beaucoup. A 11 ans, elles ont des gars. Si on veut voir même, elles n’ont pas atteint l’âge de la puberté et puis elles ont des gars. Groupe de discussion des jeunes filles de 16-19 ans Des participantes à l’étude qualitative avancent la raison selon laquelle, les filles, par mimétisme lié à un effet de mode, pratiquent des rapports sexuels à risques pour uniquement satisfaire d’autres types de besoins, tel l’habillement. Il y a d’autres aussi, elles sont envieuses. C’est tout ça là qui fait qu’elles s’en vont chercher des gars. Parce que ta camarade a porté de jolis habits, tu n’as pas ça dans ta valise... Donc, tu es obligée de chercher garçon pour gagner l’argent. Groupe de discussion, Jeunes femmes, 16-19 ans, San-Pedro L’analyse des entretiens a montré que dans certains cas, des filles ont eu des rapports sexuels à cause de l’influence exercée sur elles par leur entourage proche (camarades, partenaire sexuel). En effet, à cause de leur jeune âge, ou de leur inexpérience de la vie sociale ou sexuelle, les jeunes sont très malléables et deviennent sexuellement actives. Un relâchement dans le contrôle des parents, ou parfois l’effritement de l’autorité parentale entrainent le laisser-aller et elles ont des rapports sexuels pour satisfaire leur curiosité. Une jeune fille en témoignait comme suit : Hum, j’étais très jeune. J’avais 15 ans. Au fait, toutes mes camarades avec qui je marchais, moi-même, j’avais peur. Toutes mes camarades, elles toutes étaient déviergées, hum, et puis j’avais peur beaucoup de ma maman. Donc, je ne pouvais pas. Maman m’emmenait à l’hôpital pour me vérifier, tout ça. Donc, arrivé un certain moment, j’avais croisé un gars là, il m’a dit de mettre ma maman en confiance. Actuellement, elle a arrêté, hum, c’est dans ça, j’ai eu à coucher avec ce dernier là. C’est comme ça, j’ai fait pour être comme mes camarades quoi, parce que hum, chaque jour, elles se moquaient de moi : toi, tu ne connais pas garçon, c’est comme ci, c’est comme ça, il faut faire une fois tu vas voir. C’est pour ça. Jeune femme, 19 ans . Abidjan. Multipartenariat Environ un cinquième (19,0%) des répondants à l’enquête de 2007 ont rapporté avoir eu deux partenaires ou plus au cours des trois mois précédents l’enquête. Comparés aux jeunes femmes, les jeunes hommes ont beaucoup plus de chances d’avoir pratiqué le multipartenariat au cours des trois mois précédents : 15,4% comparé à 24,2%. Cependant, il faut préciser que le nombre de filles admettant avoir eu de partenaires multiples est significatif surtout quand on considère la tendance chez les filles à nier qu’elles se livrent au multipartenariat. 26 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Au cours de la recherche qualitative, les participantes ont affirmé que les filles de leur tranche d’âge ont souvent plusieurs partenaires sexuels à la fois et pratiquent le sexe intergénérationnel. Ces comportements à risque adoptés par ces petites filles, doublés de l’ignorance de la maladie et de l’indifférence totale vis-à-vis du VIH/sida transparaissent à travers des propos tels que : « Elles vont dire qu’elles ne vont pas avoir le sida parce qu’elles sont petites. » ; « Pour elles, le sida, c’est pour les grandes personnes. Ce n’est pas pour elles ». Le multipartenariat se pratique davantage chez les filles plus âgées qui ont un peu plus d’expérience de la vie sociale et sexuelle et qui sont contraintes de se prendre en charge financièrement. Elles avaient, dans la majorité des cas, déjà eu des rapports sexuels et entretenaient des rapports sexuels réguliers. A ce propos, toutes les filles interrogées appartenant à la tranche d’âge de 16 à 19 ans disent connaître des jeunes filles qui pratiquent le multipartenariat. Quelques-unes d’entre elles, les plus courageuses ont reconnu qu’elles pratiquaient au moment de l’enquête le multipartenariat. Moi, j’ai deux gars. Le deuxième là, je ne l’aime pas sincèrement. Il me donne l’argent. Si non que, j’aime beaucoup mon copain. Il (le deuxième) est gentil, il me donne l’argent. Quand je demande quelque chose, il me donne. C’est quoi, c’est tout. Parce que mes relations, je sais que non, je ne prends pas ça au sérieux, parce que c’est un homme marié ». Jeune femme, 19 ans, Abidjan Des fois, les partenaires sexuels des jeunes filles se doutent de leur manque de fidélité et semblent s’y résigner. Oui. Notre relation, je peux te parler un peu. Parce que moi, je suis un homme, je l’aime, je sais aussi qu’elle m’aime. Souvent, je sais aussi qu’elle me trompe. Mais je ne suis pas capable d’assumer. Souvent je la gronde quoi ! Mais je ne peux pas aller jusqu’au bout, parce que c’est une femme. Elle est déscolarisée aussi comme moi. Je connais à peu près cette situation de vie aussi, tu vois. Partenaire sexuel d’une jeune femme de 19 ans, Abidjan En plus du multipartenariat, les rapports sexuels en échange de cadeaux ou d’argent se pratiquent assez couramment chez les jeunes. Les données de l’enquête de 2007 révèlent que 11% des jeunes femmes et 8.6% des jeunes hommes ont reçu des cadeaux ou argent en echange des rapports sexuels au cours des trois mois précédents l’enquête. De plus 6,6% des hommes et 5,5% des femmes ont admis avoir donné de l’argent ou des cadeaux en échange des rapports sexuels au cours de la même période. Selon les données qualitatives, l’insatisfaction quant aux besoins primaires est un des facteurs qui incitent les filles à avoir des rapports sexuels à haut risque, y compris le multipartenariat et les rapports sexuels transactionnels. Dans des cas extrêmes, les rapports sexuels sont considérés comme un gagne-pain pour ces filles. Le désir d’avoir des articles de luxe, de bien s’habiller, d’être comme ses copines et d’être acceptées au sein de ses camarades peut pousser une jeune fille à adopter des comportements sexuels à haut risques même si elle sait que ces comportements peuvent avoir des conséquences graves. Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 27 Ce sont les problèmes. C’est pourquoi, j’ai quitté le vieux pour aller me mettre dans la main du jeune. Parce qu’on ne me donne pas déjeuner, si fête arrive, je n’ai pas d’habits pour porter, je n’ai pas de chaussures. Si mes chaussures sont coupées, je fais comment ? Donc, j’ai été obligée d’accepter le jeune pour qu’il me donne l’argent pour faire mon commerce. Jeune femme, 19 ans, San-Pedro Si ton gars te donne 2000F/semaine, tu demandes habits au marché, on te dit 20 000F. Ta camarade a porté et elle te dérange, je t’ai rien dit « telle personne, je suis partie dormir chez lui et il m’a donné 20 000 ou 30 000F, tu vas dire « tu as fait comment ». Elle va te dire : je suis partie dans tel coin ; elle est bien habillée et moi je suis bizarre. D’abord 1, je me sens un peu frustrée donc je veux faire même chose aussi comme elle. Elle va te dire de damer sur ton gars là. L’ami de mon gars là « démarre » (avoir beaucoup d’argent). Je vais vouloir être même chose comme elle. Donc, ça me fait aussi 2 gars maintenant. Elle aussi, elle a encore croisé un autre et dire que un tel ne donne rien, un tel donne 50 000F, je vais partir là-bas encore. Ça fait trois gars, ainsi de suite (rire). Je vais être bien habillée. Propos recueillis dans un FGD de filles déscolarisées de 16 à 19 ans à San Pedro En outre, les conditions de pauvreté des familles contraignent les filles à choisir la voie de la prostitution pour subvenir occasionnellement aux besoins de leur famille, plus ou moins avec la bénédiction des parents. Par ailleurs, des témoignages ont montré que certaines filles se prostituent discrètement pour prendre en charge leur partenaire sans emploi. Il y a d’autres aussi, les parents n’ont pas les moyens, c’est eux qui les poussent à faire ça, à se prostituer. Groupe de discussion, filles, 12-15 ans, Yamoussoukro La non utilisation systématique des condoms Le préservatif, quoique cité par les filles comme le moyen le plus connu et utilisé par la jeunesse, n’est pas utilisé de façon systématique par les jeunes. Selon les données quantitatives, seulement 35,4% des jeunes femmes déclarent avoir recours aux préservatifs lors de leurs derniers rapports contre 59,0% chez les jeunes hommes (z=6,00 ; p<0,0001). Le fait que l’utilisation du préservatif est moins répandue chez les jeunes femmes peut être expliqué par le fait que ces femmes ont tendance à avoir des partenaires sexuels plus âgés qu’elles avec lesquels la négociation du préservatif peut s’avérer difficile. Les filles inscrites à l’école au moment de l’étude ont significativement plus de chances d’avoir utilisé un préservatif comparé à celles qui ne sont pas inscrite : 58.3% contre 31,9%. Ceci atteste que l’instruction pourrait être un stimulus de l’utilisation du préservatif par les populations. Selon l’enquête de 2007, la raison clé pour laquelle les jeunes n’utilisent pas de préservatifs est la confiance en leurs partenaires. Plus de la moitié des participants à l’étude ont mentionné cette raison. D’autres raisons comprennent l’objection du partenaire, le fait de ne pas voir pas la nécessité d’utiliser un préservatif, de ne pas aimer le préservatif et la non disponibilité des préservatifs. 28 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Pour ceux qui sont convaincu de la nécessité du préservatif, aussi bien les hommes et les femmes interviewés au cours de la recherche qualitative pensent c’est à eux de convaincre leurs partenaires du port du préservatif. Selon les filles, le seul moyen de pression sur le partenaire pour qu’il accepte le préservatif demeure le refus des rapports sexuels. Elle peut refuser. Elle peut dire si tu ne mets pas, je ne fais pas, je m’en vais. Groupe de discussion, jeunes filles, 12-15 ans, Abengourou Pour d’autres femmes, c’est la négociation qui est préconisée, surtout pour celles qui vivent maritalement, à des fins de planification familiale. Le préservatif est utilisé comme méthode contraceptive. Lui, il ne veut pas prendre, c’est moi qui parle (décide), parce que mon enfant là est petit. La douleur que j’ai connue à l’hôpital là-bas je pense à mon enfant … . C’est à cause de ça, je lui demande pardon, il n’a qu’à se protéger. Jeune femme, 19 ans, San-Pedro Quant aux hommes, lorsque la fille s’opposait au préservatif, certains en profitaient pour la sensibiliser en lui expliquant l’importance du port du préservatif. Encore, il s’agit ici de négocier avec le partenaire, calmer ses soucis, corriger les désinformations et, à travers le dialogue, amener le partenaire à accepter l’utilisation du préservatif. Lorsqu’elle dit qu’elle ne veut pas et que ça blesse, je fais tout pour lui faire comprendre qu’elle ne sait pas qui je suis, peut-être que je suis malade, elle ne sait pas. Donc, la peur fait qu’elle accepte. Moi, j’ai la malchance de rencontrer des partenaires qui n’aiment pas utiliser les préservatifs. Je ne sais pas pourquoi ? Tantôt, elles disent que ça les blesse. Quand c’est comme ça, il y a des lubrifiants qui se vendent en pharmacie qu’on peut utiliser. On essaie d’en parler. Partenaire de jeune fille de 18 ans, Abengourou IV CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS 4.1. Conclusion Au terme de cette étude, il est ressorti que les jeunes femmes sont confrontées à des réels problèmes de subsistance. Les filles déscolarisées et non scolarisées, en particulier, vivent dans des conditions de vie difficiles où elles n’arrivent pas à subvenir convenablement à leurs besoins basiques de nourriture, d’habilement, de santé, d’information et de logement. Cette situation s’explique en partie par leur statut de déscolarisées, statut encouragé et favorisé par un contexte social qui accorde aux filles un statut inférieur a celui des garçons. Dans la plupart des groupes ethniques ivoiriens, l’essentiel pour une femme, c’est de se marier et faire des enfants. Dans cette perspective, elles ne s’intéressent pas véritablement à l’école et l’abandonnent pour un homme, ou bien elles contractent une grossesse non désirée et/ou précoce et elles sont bien obligées d’arrêter l’école. Par ailleurs, ces jeunes filles sont, pour la plupart, sans emploi ou exercent des activités peu ou non rémunérées, ce qui les contraint à rechercher des ressources additionnelles. Dans cette recherche de subsistance, elles adoptent Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 29 des comportements sexuels à hauts risques (multipartenariat, sexe intergénérationnel, non utilisation systématique du préservatif). Les jeunes femmes ont des connaissances sur le VIH/sida en deçà de celle des hommes parce qu’elles ont moins accès aux sources d’informations fiables et justes sur la pandémie et aux médias d’Etats (la télévision, la radio, la presse écrite). En outre, les jeunes filles déscolarisées et non scolarisées, bien que conscientes de l’existence du sida et connaissant les modes de transmission du VIH et de prévention, demeurent encore dans une situation préoccupante à cause de leur double vulnérabilité liée à la fois à leurs conditions de vie difficiles doublées de celles aussi précaires de leurs parents ou de leur partenaire sexuel. Cette double vulnérabilité limite leur accès au centre de santé, un élément essentiel dans la sensibilisation sur le VIH/sida et la promotion de comportements sexuels sains. Cet accès limité les rend vulnérables et dépendantes vis-à-vis leurs parents ou de leurs partenaires sexuels. En outre, les filles sont moins bien placées que les hommes en ce qui concerne leur auto-efficacité et l’estime de soi. Cependant, par plusieurs phénomènes (la sensibilisation, la diffusion, la contagion, etc.), la majorité des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées ont renforcé leur auto-efficacité. Certaines ont pris conscience du bénéfice pour elles à adopter des comportements sexuels responsables. Désormais, elles sont capables de dire non aux rapports sexuels quand, elles ne sont pas d’accord, d’imposer ou négocier le port du préservatif et qui plus est d’imposer l’abstinence à leur partenaire sexuel. Quant à la participation, les données révèlent que les garçons ont plus de chance d’être exposé à la campagne de prévention du VIH réalisée par CCP dans les douze mois avant l’enquête de 2007. Les jeunes filles ont plus de chances que les garçons de rapporter qu’elles ont déjà eu une discussion avec leurs parents ou tuteur au sujet de la sexualité, un fait reflétant un double standard de la part des parents, plus précisément, la tendance des parents d’attendre des filles un niveau de chasteté plus élevé que pour les garçons. En revanche, la proportion ayant discuté des moyens de prévention de VIH avec leur partenaire sexuel est plus élevée chez les hommes En ce qui concerne le contrôle, les résultats de cette étude suggèrent que les sentiments d’auto-efficacité de pouvoir utiliser des préservatifs, d’être fidèle à un seul partenaire sexuel et de réduire le nombre de partenaires sexuel sont très répandus parmi les jeunes hommes et femmes. Par contre, presque la moitié des garçons et des filles n’ont pas le sentiment d’être capables de refuser des rapports sexuels avec une personne qui offre des cadeaux ou avec une personne connue pour plus de trois mois. En ce qui concerne les comportements sexuels, les données révèlent que les premiers rapports sexuels sont plus précoces chez les filles que chez les garçons. Le multipartenariat est assez courant aussi bien chez les filles que chez les garçons. Cependant, les garçons sont plus nombreux à admettre avoir eu plus d’un partenaire au cours des trois dernier mois. L’utilisation du préservatif est moins répandue chez les jeunes femmes comparées aux hommes. Ce fait peut être expliqué par la tendance des femmes d’avoir des partenaires sexuels plus âgés qu’elles avec lesquels la négociation du préservatif 30 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre peut s’avérer difficile. 4.2. Recommandations Etant donné les conditions de vie précaires des femmes et le lien entre leurs conditions de vie et les comportements sexuels à haut risque, les efforts qui cherchent à améliorer leur niveau de vie sont pertinents. Les exemples de programmes pertinents comprennent des apprentissages professionnels, une assistance financière permettant aux jeunes femmes d’établir un petit commerce et des projets d’activités génératrices de revenus. Les ONG locales peuvent collaborer avec des entreprises dans la communauté pour identifier les ressources locales pour permettre aux filles vulnérables de continuer dans le système scolaire ou y réintégrer et d’apprendre un métier ou avoir le capital pour initier un petit commerce si elles sont hors du système scolaire. Dans la même veine, il faudra considérer des projets d’alphabétisation qui pourront permettre à long terme aux filles d’améliorer leur situation sociale par l’accès à des emplois mieux rémunérés et de leur choix. Les jeunes femmes ont besoin d’acquérir des connaissances et des compétences pour la vie relatives à la prévention du VIH. Des activités au sein du groupe et programmes de communication spécialement développés pour ce groupe cible devraient chercher à accroître leurs connaissances des méthodes de prévention du VIH, les aider à développer des attitudes plus favorables à la prévention, renforcer leur auto-efficacité de prévenir l’infection et les encourager à avoir une vision positive d’elles-mêmes. D’autres compétences qui sont pertinentes pour ces femmes comprennent la négociation du préservatif, comment convaincre son partenaire d’accepter de faire le test de dépistage, et comment refuser des relations sexuelles transactionnelles ou intergénérationnelles. Ces activités et programmes devraient impliquer l’auditoire cible dans la conception et la réalisation aussi bien que dans l’évaluation. Il est important de cibler les parents avec des messages et activités leur permettant de mieux communiquer avec leurs filles et garçons. Il est important de renforcer la capacité des parents à discuter des sujets ayant trait à la sexualiste et à la prévention du VIH avec leurs progénitures. Il convient aussi pour les parents de voir la nécessité de parler de la sexualité non seulement avec leurs filles mais aussi avec leurs garçons. La discussion parent-enfant au sujet de la sexualité n’est pas normative en Cote d’Ivoire. Certes, la façon d’aborder ces sujets avec leurs enfants est importante. Peut-être plus important est le contenu des conversations parent-enfant autour de la sexualité. Les parents ont besoin des informations justes et fiables au sujet du VIH et doivent se sentir à l’aise de parler de ces sujets sensibles. Des efforts doivent également cibler les hommes (jeunes et plus âgés) en tant que des partenaires potentiels des jeunes femmes. Des interventions de communication cherchant à promouvoir des attitudes favorables aux comportements sains et à changer des comportements à hauts risques chez les hommes sont nécessaires. Il est pertinent de focaliser des efforts sur le renforcement de la capacité des communautés à identifier des normes sociales néfastes à la santé sexuelle des jeunes femmes, à mobiliser les ressources communautaires à combattre ces normes et à prendre des actions pouvant réduire la vulnérabilité des hommes et femmes. En Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 31 particulier, le renforcement de la capacité de la communauté à protéger et secourir les jeunes filles au sein de la communauté devrait être une priorité. 32 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre Références Agha, S., Hutchinson, P., & Kusanthan, T. (2006). The effects of religious affiliation on sexual initiation and condom use in Zambia. Journal of Adolescent Health, 38(5), 550555. Ajzen, I., & Fishbein, M. (1980). Understanding attitudes and predicting social behavior. Englewood Cliffs, New Jersey: Prentice Hall. Allemand. S (1993) : La circulation des enfants en société traditionnelle : prêt, don, échange, L’Harmattan, Paris. Babalola S (2004) Perceived Peer Behavior and the Timing of Sexual Debut Journal of Youth and Adolescence in Rwanda: A Survival Analysis of Youth Data. 33(4): 353–363 Bandura A (1977) Self-efficacy: Toward a unifying theory of behavioral change, Psychological Review, 84(2): 191-215 Bandura, A (1997). Self-efficacy: The exercise of control. New York: Freeman. CARID (2008) : Analyse des normes sociales, culturelles et de genre qui contribuent à la vulnérabilité des jeunes au VIH/sida en Côte d’Ivoire : Etude de suivi. 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New York: Routledge. 34 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre ANNEXES Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 35 GUIDES d’ENTRETIEN de la recherche « Analyse situationnelle des jeunes filles déscolarisées et non scolarisées vulnérables en Côte d’Ivoire » ANNEXE 1 : Guide d’entretien de groupe de discussion adressé aux jeunes filles ANNEXE 2 : Guide d’entretien individuel adressé aux jeunes filles ANNEXE 3 : Guide d’entretien individuel adressé aux partenaires 36 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre ANNEXE 1 : Guide d’entretien de groupe de discussion adressé aux jeunes filles Remarque : lorsqu’il y a une série de questions, permettez toujours que plusieurs participants répondent à la première avant de poser la question suivante. Ne dites rien de ce qui se trouve entre parenthèses. 1. Que pensez-vous de l’école ? (vous pouvez chercher à savoir quels en sont les avantages/inconvénients). Est-que vous aimiez aller à l’école (chercher en à connaître les raisons) ? 2. Pour quelles raisons les filles quittent-elles tôt l’école? (Vous pouvez chercher à savoir si cela est lié à la famille, au besoin ou au manque de revenus, à une grossesse précoce, etc.) ? 3. a- En quoi pensez-vous que les filles qui quittent tôt l’école sont différentes de celles qui restent plus longtemps à l’école ? b- (Question d’approfondissement) Pensez-vous que les filles restent à l’école auront un avenir différent de celui des filles qui abandonnent ? En quoi cet avenir sera- t- il différent ? 4. L’une d’entre vous aimerait-elle retourner à l’école ? (Chercher à savoir pourquoi). 5. Où passez-vous votre temps pendant la journée ? a- Que faites-vous pendant la journée ? b- Arrivez-vous à joindre les deux bouts ? c- Que font les autres femmes/filles qui ne sont pas à l’école, pendant la journée ? 6. Comment les jeunes filles qui ne sont pas à l’école trouvent-elles de l’argent ? De la nourriture ? Des vêtements ? a- Chercher à avoir des détails sur ce que font les jeunes filles pour gagner de l’argent. b- Chercher à avoir des détails sur la manière dont les jeunes filles obtiennent de la nourriture/de l’argent/des vêtements, y compris les personnes qui les leur fournissent. Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 37 c- Chercher à avoir des détails sur les personnes (famille, petits amis) qui subviennent aux besoins de ces filles. 7. Y-a-t-il des jeunes filles qui doivent subvenir aux besoins de leurs partenaires masculins ? (Question d’approfondissement) Comment subviennent-elles à leurs besoins ? Qu’est-ce qu’elles leur fournissent ? 8. Si une jeune fille a des enfants, comment prendra-t-elle soin d’eux ? Qui sont les personnes qui l’aident ? Comment l’aident-elles ? 9. Veuillez me parler des choses que cous aimez faire quand vous avez du temps libre. (Chercher à avoir des détails). 10. Combien de jeunes filles de votre groupe d’âge ont eu des rapports sexuels ? (Question d’approfondissement) Diriez-vous qu’il n’y a pratiquement aucune, qu’il y en a ou que la plupart d’entre elles ont eu des rapports sexuels ? a- Pour quelles raisons les jeunes filles de votre âge ont-elles des rapports sexuels ? b- Où les jeunes filles de votre âge trouvent-elles leurs partenaires ? (Question d’approfondissement) Qui sont-ils ? c- Combien de partenaires sexuels quelqu’un de votre âge devrai avoir, selon vous ? (Chercher à savoir pourquoi, les réponses sont différentes). 11. Veuillez me dire ce que vous savez sur le VIH/sida ? a- Où trouvez-vous les informations sur le VIH/sida ? b- Quelle est la meilleure façon d’éduquer les gens sur le VIH/sida ? (Chercher à avoir des détails et à connaître les canaux) 12. Comment les jeunes filles peuvent-elles se protéger contre le VIH/sida ? 13. a- Qui décide normalement de l’utilisation du préservatif dans une relation – l’homme, la femme ou tous les deux ? b- Comment les jeunes filles peuvent-elles convaincre leurs partenaires d’utiliser des préservatifs ? c- 38 Connaissez-vous des organisations qui aident les jeunes filles dans votre quartier ? Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre d- Quelle est la chose la plus importante que nous pouvons faire pour aider les femmes comme vous ? Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 39 ANNEXE 2 : Guide d’entretien individuel adressé aux jeunes filles Remarque : lorsqu’il y a une série de questions, permettez qu’il soit répondu à la première avant de poser la question suivante. Ne dites rien de ce qui se trouve entre parenthèses. 1. Veuillez me parler de vous ? 2. Pouvez-vous me parler de votre famille (parents, frères/ sœurs/grands-parents/enfants) ? 3. a- Combien de temps passez-vous avec votre famille ? A quel point êtes-vous proche de votre famille (vous pouvez poser des questions sur les membres spécifiques de la famille mentionnée dans la question 2) ? b- (S’il n’y a pas de contact avec la famille) Quand vous avez parlé pour la dernière fois à quelqu’un de votre famille ? 4. Où passez-vous votre temps pendant la journée ? Que faites-vous pendant la journée ? 5. Où restez-vous la nuit ? (Chercher à avoir des détails, notamment concernant le/la propriétaire du lieu où elle dort ; reste- t-elle dans différents endroits ?) 6. Quand vous étiez plus jeune, que vouliez-vous faire plus tard ? (Question d’approfondissement : que vouliez-vous faire ? (profession), Comment espériez-vous vivre ? – Cela pourrait nécessiter différentes formulations en français) 7. Maintenant, comment sera votre vie dans dix ans, selon vous ? En quoi cela est-il différent de ce que vous vouliez que soit votre vie quand vous étiez plus jeune ? 8. Quel âge aviez-vous quand vous avez quitté l’école ? Pour quelles raisons avez-vous quitté l’école ? Qu’est-ce que votre famille a dit concernant le fait que vous quittiez l’école ? (Chercher à connaître les réactions de membres spécifiques de la famille sur la base de ce qui a été mentionné dans la question 2). 9. Aimeriez-vous retourné à l’école ? Pour quelles raisons (poser la question, que la réponse soit oui ou non) ? 10. Etes-vous capable de vous prendre en charge ? a- Comment obtenez-vous de l’argent, de la nourriture, des vêtements ? b- (Si elle gagne de l’argent) Chercher à savoir les détails sur ce qu’elle fait pour gagner de l’argent. 40 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 11. (Si cela n’est pas établi dans la question 1) Avez-vous des enfants ? Veuillez me parler de vos enfants. a- Où sont-ils ? (est-il/elle) maintenant ? b- Qui s’occupe de l’enfant (des enfants) ? (peut-être plus d’une personne) c- Comment l’enfant (les enfants) est-il (sont-ils) pris en charge ? d- Est-il difficile de subvenir aux besoins de votre enfant (vos enfants) ? Quels sont vos difficultés ? 12. Veuillez me dire les choses que vous aimez faire quand vous avez du temps libre. (Chercher à avoir des détails) 13. Avez-vous déjà eu un petit ami ? a-Est-ce que vous êtes encore ensemble (vous vous voyez toujours) ? b-Certaines filles de votre âge ont plusieurs copains en même temps ? 14. Avez-vous déjà eu des rapports ? a- (Oui) Avez-vous des partenaires sexuels en ce moment ? Veuillez me parler d’eux (Veuillez demander leur nombre et obtenir des détails sur eux – notamment comment ils se sont rencontrés et si les partenaires apportent un soutien) b- Quel âge avez-vous lors de vos premiers rapports sexuels ? Pour quelles raisons avez-vous eu des rapports sexuels, la première fois ? c- (En cas de partenaires multiples) Combien de partenaires pensez-sous que vous devriez avoir ? (Si le nombre est différent du nombre de partenaires qu’elle a effectivement, veuillez demander) Pour quelles raisons avez-vous plus (ou moins) de partenaires ? d- Avez-vous le sentiment que vous pouvez décider de la personne avec qui vous voulez avoir des rapports sexuels ? Avez-vous le sentiment que vous pouvez décider du moment où vous voulez avoir des rapports sexuels ? (Chercher à savoir les raisons pour les réponses négatives.) 15. Que faites-vous pour éviter de tomber malade ? a- Que faites-vous si vous tombez malade ? c- Où allez-vous quand vous tombez malade ? Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 41 16. Parlez-vous du VIH/sida avec vos partenaires ? a- (Si oui) De quoi parlez-vous ? b- Qu’est-ce qui vous pousse à parler du VIH/sida ? 17. Veuillez me dire ce que vous savez du VIH/sida. a- Où obtenez-vous des informations sur le VIH/sida ? b- Combien de fois parlez-vous à votre/vos partenaires (s) du VIH/sida ? c- Faites-vous quelque pour vous protéger contre la transmission du VIH/sida ? d- (Si oui) Comment vous protégez-vous contre le VIH/sida ? e- (Pour tout le monde) Qu’est-ce que les gens peuvent faire pour se protéger contre le VIH/sida ? f- (Si les préservatifs mentionnés) Qui décide de l’utilisation du préservatif quand vous avez un partenaire sexuel ? Avez-vous le sentiment que vous pouvez convaincre votre partenaire d’utiliser un préservatif si vous préférez les rapports sexuels avec des préservatifs ? g- Faites-vous quelque chose pour éviter de tomber enceinte ? (Si oui) Comment les femmes peuvent-elles éviter une grossesse non désirée ? 18. Quelle la chose la plus importante que nous pouvons faire pour vous aider les jeunes filles comme vous ? 42 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre ANNEXE 3 : Guide d’entretien individuel adressé aux partenaires Remarque : lorsqu’il y a une série de questions, permettez qu’il soit répondu à la première avant de poser la question suivante. Ne dites rien de ce qui se trouve entre parenthèses. 1. Veuillez me parler de vous ? Pouvez-vous me parler un peu de votre famille ? (Remarque – si nous pensons qu’un homme est marié, c’est ici que nous l’espérons l’apprendre.) 2. Depuis combien de temps connaissez-vous ……………………………. (non de la jeune femme qui le référé). a- Quelle est la différence d’âge entre vous et ……………………………….. ? b- Où et quelle occasion avez-vous rencontré ………………………………… ? Pouvez-vous me parlez de votre relation avec elle ? c- Qu’est-ce que vous aimez dans votre relation avec ……………………………….. ? 3. Comment gagnez-vous votre vie ? a- Gagez-vous assez d’argent pour subvenir à vos besoins ? b- Qui d’autres prenez-vous en charge avec ce que vous gagnez ? c- Y a- t-il quelqu’un qui subvient à vos besoins (nourriture, argent, logement, cherchez à avoir plus de détails ? 4. a - Subvenez-vous aux besoins de …………………………………... ? b- Comment subvenez-vous à ses besoins ? (Chercher à savoir s’il s’agit d’argent, de nourriture, de vêtement, de logement.) 5. a- Quel niveau d’étude avez-vous atteint ? b- Que pensez-vous de l’école ? c- Comment se fait-il que les filles quittent l’école ? Quelles en sont les raisons ? d- Quelles en sont les raisons ? e- Quelles en sont les raisons ? Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 43 f- Pensez-vous que …………………………. Devrait être encore à l’école ? (Chercher en savoir les raisons) 6. Avez-vous des enfants avec ………………………… ? Comment ces enfants sont-ile pris en charge ? 7. a- En dehors de …………………………. Avez-vous des enfants avec d’autres amies ? b- Veuillez me parler d’elles (Veuillez demander combien et obtenir des détails sur elles – Comment ils se sont rencontrés et s’ils les prennent en charge). d- (En cas de partenaires multiples) Combien de partenaires devriez-vous avoir, selon vous ? (Si le nombre est différent du nombre de partenaires qu’il a effectivement, veuillez demander) Pourquoi avez-vous plus (ou moins) de partenaires ? 8. Veuillez me dire ce que vous savez sur le VIH/sida ? abcd- Où obtenez-vous les informations sur le VIH/sida ? Parlez-vous à votre (vos) partenaire (s) du VIH/sida ? (Si oui) De quoi parlez-vous ? Qu’est-ce qui vous pousse à parler de VIH/sida ? 9. Faites-vous quelque chose pour vous protéger contre la transmission du VIH/sida ? a- Comment vous protégez-vous contre le VPH/sida ? b- (Pour tout le monde) Qu’est-ce que les gens peuvent faire pour se protéger contre le VIH/sida ? c- Que pensez-vous de l’utilisation du préservatif ? Combien de fois utilisez-vous les préservatifs ? (Chercher à savoir les différences en matière d’utilisation de préservatif entre les partenaires.) d- Qui décide de l’utilisation du préservatif quand vous avez une partenaire sexuelle ? e- Que faites-vous quand votre partenaire veut utiliser un préservatif? f- Faites-vous quelque chose pour que votre partenaire ne tombe enceinte ? (Si oui) Comment les femmes peuvent-elles éviter une grossesse non désirée ? 10. a- Quelle est la meilleure façon d’éduquer les gens sur le VIH/sida ? 44 Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre b- Quelles sont les meilleures façons de fournir des informations sur le VIH/sida ? Vulnérabilité des jeunes filles face au VIH/sida en Côte d’Ivoire - Une analyse genre 45